Texte établi par Henri MartineauLe Livre du divan (Napoléon. Tome Ip. 140-141).


CHAPITRE XL


Supposons que Ferdinand VII se soit livré à l’empereur, comme Napoléon s’est livré aux Anglais à Rochefort. Le prince espagnol refuse le royaume d’Étrurie ; il est conduit à Valençay, séjour agréable et sain, et Napoléon, qui en avait appelé à la générosité si vantée du peuple anglais, est confiné sur un rocher où, par des moyens indirects et en évitant l’odieux du poison, on cherche à le faire périr. Je ne dirai pas que la nation anglaise est plus vile qu’une autre ; je dirai seulement que le ciel lui a donné une malheureuse occasion de montrer qu’elle était vile. Quelles réclamations en effet se sont élevées contre ce grand crime ? Quel généreux transport de tout le peuple, à l’ouïe de cette infamie, a désavoué son gouvernement aux yeux des nations ? Ô Sainte Hélène, roc désormais si célèbre, tu es l’écueil de la gloire anglaise ! L’Angleterre, s’élevant par une trompeuse hypocrisie au dessus des nations, osait parler de ses vertus ; cette grande action l’a démasquée ; qu’elle ne parle plus que de ses victoires tant qu’elle en aura encore. Cependant l’Europe est muette et elle accuse Napoléon ou, du moins, elle semble écouter ses accusateurs. Je ne puis dire ma pensée. Ô hommes lâches et envieux, peut-on s’abandonner à trop de mépris envers vous, et lorsqu’on ne parvient à être votre maître, ne fait-on pas très bien de s’amuser de vous comme d’un vil gibier[1] ?



  1. Voir la lettre du général Bertrand à sir Hudson lowe. Pièces relatives au prisonnier de Sainte-Hélène, Londres, 1818. Voir l’hypocrite discours de lord Bathurst, les lettres du médecin O’Méara.