Texte établi par Henri MartineauLe Livre du divan (Napoléon. Tome Ip. 77-79).


CHAPITRE XXIV


La modération du premier consul, si différente de la violence des gouvernements précédents, remplit les royalistes d’espérances folles et sans bornes. Le Cromwell de la Révolution venait de paraître ; ils furent assez simples pour voir en lui un général Monk. Revenus de leur erreur, ils cherchèrent à venger leurs espérances trompées, et l’on eut la machine infernale. Un tonneau sur une petite charrette fut confié, par un inconnu, à un jeune enfant. C’était à l’entrée de la rue Saint-Nicaise, il était nuit ; l’inconnu, voyant la voiture du premier consul sortir des Tuileries pour aller à l’Opéra, s’éloigna rapidement. Le cocher du consul, au lieu de s’arrêter devant la petite charrette qui barrait un peu le chemin, n’hésita pas à pousser ses chevaux au galop, au risque de renverser la charrette[1]. Deux secondes après, elle éclata avec un fracas épouvantable, lançant au loin les membres du malheureux enfant et d’une trentaine de passants qui se trouvèrent dans la rue. La voiture du consul, qui n’était encore qu’à une vingtaine de pieds de la charrette, fut sauvée parce qu’elle se trouva avoir tourné l’angle de le rue de Malte[2]. Napoléon a toujours cru que le ministre anglais Windham avait prêté la main à cette entreprise. Il le dit à Fox dans la fameuse conversation que ces deux grands hommes eurent aux Tuileries. Fox nia beaucoup, puis se rabattit sur la loyauté connue du gouvernement anglais. Napoléon, qui l’estimait infiniment, eut la politesse de ne pas rire[3].

La paix avec l’Angleterre, qui survint sur ces entrefaites, arrêta les machinations des royalistes, mais, bientôt après, quand la guerre se renouvela, leurs complots recommencèrent. Georges Cadoudal[4], Pichegru et d’autres émigrés arrivèrent secrètement à Paris. Le tranquille Moreau, entraîné par les propos des officiers de son état-major qui voulaient faire un ambitieux de leur général, se persuada qu’il était ennemi du premier consul et entra dans leurs machinations. Il y eut des réunions à Paris, où l’on discuta des plans pour l’assassinat de Napoléon et l’établissement d’une nouvelle forme de gouvernement.



  1. Voir las Cases.
  2. Ici las Cases.
  3. On saura plus tard la vérité. En attendant, on peut lire les Mémoires du comte de Vauban, qui fut le général Lannes des émigrés, et les pamphlets de M. de Montgaillard.
  4. La famille de Cadoudal vient d’être anoblie par S. M. Louis XVIII.