Vie de Napoléon/19
CHAPITRE XIX
Le gouvernement d’une douzaine de voleurs lâches et traîtres, fut remplacé par le despotisme militaire ; mais, sans le despotisme militaire, la France avait, en 1800, les événements de 1814 ou la Terreur.
Napoléon avait maintenant le pied à l’étrier, comme il disait dans ses campagnes d’Italie ; et il faut convenir que jamais général ou monarque n’a eu d’année aussi brillante que le fut, pour la France, et pour lui, la dernière du xviiie siècle.
En arrivant à la tête des affaires, le premier consul trouva les armées de la France défaites et désorganisées. Ses conquêtes en Italie étaient réduites aux montagnes et à la côte de Gênes ; la plus grande partie de la Suisse venait de lui échapper. L’injustice et la rapacité des agents de la République[1] avaient révolté les Suisses ; l’aristocratie prit dès lors le dessus en ce pays ; la France n’eut pas d’ennemis plus acharnés ; leur neutralité ne fut plus qu’un nom et la frontière la plus vulnérable fut entièrement découverte.
Les ressources de la France dans tous les genres étaient entièrement épuisées, et, ce qui est pire que tout le reste, l’enthousiasme des Français était éteint. Toutes les tentatives pour établir une constitution libre avaient manqué. Les Jacobins étaient méprisés, et détestés, à cause de leurs cruautés et de l’extravagance de vouloir établir une république sur le modèle antique. Les modérés étaient méprisés, à cause de leur incapacité et de leur corruption. Les royalistes, turbulents dans l’Ouest, se montraient, à Paris, comme de coutume, timides, intrigants et surtout lâches[2].
Si l’on excepte Moreau, aucun homme, après le général qui revenait d’Égypte, n’avait de réputation et de popularité ; et Moreau, à cette époque, voulait suivre le torrent, et, à toutes les époques, fut incapable de le conduire.