Texte établi par Henri MartineauLe Livre du divan (Napoléon. Tome Ip. 21-22).


CHAPITRE V


Vaut-il la peine de rapporter les objections des gens qui se croient délicats et qui ne sont que faibles ? Ils disent que le ton avec lequel le général Bonaparte offrit la liberté aux Italiens, était celui de Mahomet prêchant l’Alcoran le sabre à la main. Les convertis étaient loués, protégés, comblés d’avantages ; les infidèles livrés sans pitié au pillage, aux exécutions militaires, à tous les fléaux de la guerre. C’est lui reprocher d’avoir employé de la poudre pour faire partir ses canons. On lui objecte la destruction de Venise. Mais fut-ce donc une république qu’il détruisit ? C’était un gouvernement inique et avilissant, une aristocratie à chef faible, comme les autres gouvernements de l’Europe sont des aristocraties à chef fort. Ce peuple aimable a été choqué dans ses habitudes ; mais la génération suivante eût été mille fois plus heureuse sous le royaume d’Italie. Il est assez probable que la cession des États de Venise à la maison d’Autriche était un article secret des préliminaires de Leoben, et que les causes qui furent alléguées dans la suite, pour faire la guerre à la République, ne furent que des prétextes[1]. Le général français entra en négociation avec des mécontents, afin de pouvoir occuper la ville sans coup férir. À ses yeux, il était utile à la France d’avoir la paix avec l’Autriche. Il était maître de Venise, puisqu’il la prit. Il n’était pas chargé de faire le bonheur de Venise. La patrie avant tout. Dans tout cela il n’y a qu’un reproche à faire au général Bonaparte : il ne voyait pas les choses aussi haut que le Directoire[2].



  1. Beaucoup de furent.
  2. Pour voir Napoléon en Italie sous un vrai jour, il faut monter son âme par un volume de Tite Live. On se purifie ainsi de toutes les petites idées modernes et fausses.