Victorien Sardou (Claretie)

A. Quantin, imprimeur-éditeur (Célébrités contemporaines).

CÉLÉBRITÉS CONTEMPORAINES


VICTORIEN
S A R D O U


PAR


JULES CLARETIE



PARIS
A. QUANTIN, IMPRIMEUR-ÉDITEUR
7, RUE SAINT-BENOIT, 7
1883





VICTORIEN SARDOU





Il était une fois une fée, déjà bien vieille, qui s’appelait Virginie Déjazet, et un auteur dramatique encore fort jeune et à peu près inconnu, qui s’appelait Victorien Sardou…

En vérité, il semble que je vais conter un conte, et c’est une histoire, la vaillante histoire d’un des maîtres du théâtre de ce temps, une histoire vraie, quoique les génies ni les fées n’y manquent point. Ce qui est intéressant et parfois poignant, dans la vie d’un homme en pleine gloire, ce n’est pas son existence actuelle, toute de puissance et de succès, bien plutôt c’est le récit des débuts âpres, des luttes courageuses, de ces belles heures de jeunesse brave qui préparaient l’honneur et les joies d’aujourd’hui. On n’a jamais, de pied en cap, fait le portrait littéraire de Victorien Sardou, et lui seul peut-être serait capable de se peindre en se racontant, en évoquant, dans ses causeries pleines d’étincelles, d’esprit vrai, de science profonde et d’aimable érudition, un passé où tant de figures apparaissent et se pressent tant de souvenirs. Je vais essayer pourtant, après bien des esquisses tentées par moi-même, çà et là, et tant de jugements divers, de caractériser d’une façon, à mon gré définitive, l’homme et l’œuvre à la fois, — l’homme plutôt que l’œuvre, car celle-ci, tout le monde la connaît, l’applaudit, la sait par cœur, tandis que celui-là peu de gens, en somme, ont pu pénétrer dans l’intimité de sa pensée et de sa vie.

Non pas que Victorien Sardou ne soit volontiers accueillant et entouré d’amitiés dévouées ; mais son existence de prodigieux labeur et d’action incessante ne lui laisse pas toujours le temps d’évoquer les heures d’autrefois. Quelque jour il écrira ses Mémoires, comme il doit écrire ses Promenades autour de Marly, et la foule saura, par des détails plus captivants qu’un roman, comment on lutte quand on a la bravoure et comment on arrive quand le talent est à la hauteur du courage. Ce jour-là, on déchirera les feuillets que je vais écrire mais qui seront, en attendant, le premier chapitre d’une glorieuse histoire, le début d’un beau conte de fées. Mais non. Non, il n’y a plus de fées en ce monde : il n’y a que des hommes, ouvriers de leur destinée, et qui se font eux-mêmes leur place et leur avenir.

Victorien Sardou est né le 5 septembre 1831 dans une vieille maison de la rue Beautreillis. C’est un Parisien, fils de Provençal, dont le père, un érudit qui publiait naguère une remarquable édition de Rabelais avec notes, était alors professeur de tenue des livres à l’École de commerce de Charonne, fondée par M. Pinel Grandchamp. M. A. Sardou ne semblait pas, en naissant, destiné à donner des leçons. Il avait un père riche, le grand-père de Victorien Sardou, ancien volontaire de 92, chirurgien de l’armée d’Italie, et qui, au Cannet, grand propriétaire d’oliviers, faisait avec Marseille et Grasse un gros commerce d’olives. Une gelée emporta sa fortune en une nuit, et, par suite, son fils aîné ; le père du futur auteur dramatique vint à Paris chercher fortune à seize ans. Donnant des leçons le jour, le soir il tenait les écritures chez des commerçants. Il logeait Hôtel du Gaillardbois chez un bonhomme dont il mettait les livres à jour, et, en 1829, un voyageur de Troyes, descendu à l’hôtel du Gaillardbois, demandant au père Lecerf s’il ne connaissait pas un bon teneur de livres pour apurer ses comptes, Lecerf lui désigna Antoine Sardou, un grand garçon de vingt-neuf ans, tout prêt à partir pour la Champagne. Le voyageur troyen s’appelait M. Viard, et à Troyes il exerçait la profession de calandreur, une des grandes industries troyennes. Il avait deux filles ; M. Sardou s’éprit de l’une d’elles, la demanda en mariage, l’emmena à Paris et, il n’y a pas trois ans, sous les grands arbres de Marly, les deux époux de 1830 célébraient, comme dans un tableau de Greuze, leur cinquantaine aux gais éclats de rire de leurs petits-enfants.

Victorien Sardou, né à Paris, avait été emmené, après un an passé à Charonne, dans une petite ville bourguignonne, Brienon-l’Archevêque, une des stations actuelles du chemin de fer de Lyon, près de Joigny. Son père y fut principal du collège et de bonnes gens de Brienon vous soutiendront encore à présent que l’auteur de Patrie est né chez eux. La vérité est qu’à Brienon l’enfant apprit à lire et à écrire, et le vieux maître d’école de Brienon-l’Archevêque a le droit d’être fier, s’il vit encore : ses leçons n’ont pas été perdues.

En 1837, M. Antoine Sardou revenait à Paris, reprenait son cours à l’École du commerce et écrivait des livres d’éducation. Il est, chose à noter, le plus vieux des auteurs édités par la maison Hachette ; il se souvient d’avoir vu le fondateur de cette admirable librairie dans une petite boutique de la rue Pierre-Sarrazin, une blouse passée par-dessus son habit, et pour tout aide, un unique commis. M. Sardou publia chez lui un volume de Tenue des livres et une Grammaire. Il semble qu’on raconte là quelque chose comme une légende, — intéressante et émouvante dans sa simplicité bourgeoise, — du bon vieux Paris d’autrefois.

Et tandis que le père professait à l’École commerciale, Victorien Sardou allait en classe dans la rue Juvénal-des-Ursins, où il retrouvait tout justement son maître d’école de Brienon.

En 1838, il entre, pour un an, à l’Ecole de Commerce de Charonne, installée rue de Charonne, dans la maison même de Richard Lenoir. Une fièvre scarlatine violente le met, l’année suivante, à deux pas de la mort ; c’est un bon médecin qui le sauve et qui, père lui-même, d’un dévouement admirable, venant trois et quatre fois par jour au chevet du petit malade, répétait : « Moi aussi j’ai un petit garçon, et si celui-là ne devient pas un bon chimiste, j’en serais bien étonné ; il passe ses dimanches de sortie à tripoter mes substances et mes flacons dans mon laboratoire ! » Le docteur Berthelot, qui soignait Sardou, voyait juste : son petit garçon, c’est aujourd’hui M. Berthelot, le grand chimiste.

Une rechute de scarlatine obligea les parents de Sardou à envoyer leur fils au pays, au grand air de la Méditerranée, chez un oncle, au Cannet. Il barbotterait là tout à son aise, grandirait à la diable, reprendrait des forces. C’était la santé pour lui, mais c’était aussi l’exil. Il aimait déjà Paris, sa place de la Bastille, avec le gros éléphant aujourd’hui démoli. Quand il traversait la place Royale, il s’arrêtait sous le balcon de Victor Hugo ; il regardait les fils du poète qui passaient, allant tout près de là, au collège Charlemagne. Il fallait donc quitter tout cela ? Arrivé au bord de la Méditerranée, celui qu’on appelait le petit Parisien se mit à vivre en plein air de la vie des petits Niçards. Il patoisait, courait après les chaises de poste, se baignait dans la mer, humait l’air de ce pays où le feu en hiver était inconnu, où l’on jetait dans la cheminée quelques pommes de pin à peine, et se trouvait maître en ce pays où une seule villa était alors construite, celle de lord Brougham.

Une année ainsi passa, très vite. Sardou revient à Paris. Il loge rue Garancière et le son des cloches de Saint-Sulpice a bercé ses rêves d’enfance. Peut-être a-t-il réentendu leurs lointaines voix lorsqu’il a, dans Patrie, mis en scène l’admirable épisode du carillonneur Jonas. Son père donnait alors, chez lui, des répétitions à cinq ou six jeunes gens du faubourg Saint-Germain, dont les grands noms sonnent moins haut que ce beau nom né d’hier : Victorien Sardou. Il allait alors au collège Henri IV.

On déménage. On s’en va habiter rue d’Enfer, no 47. Ici commence, si je puis dire, la vie publique de Sardou. Rue d’Enfer, il a pour voisin un rapin qui s’appelle Charles Chaplin et qui sera le peintre exquis des chairs roses féminines, et le fils d’un notaire d’Argenteuil qui deviendra le collectionneur et marchand de meubles Récapé. Il y a de la prédestination. Sardou, ce maître expert en bibelots, a pour camarade d’enfance un futur bibelotier émérite et, chose plus curieuse encore, c’est dans la vieille étude du notaire d’Argenteuil, c’est chez Me Récapé que seront, un jour, découverts les documents sur la fille de Molière, Mme Montaland, par un incomparable érudit, Eudore Soulié, qui commencera tout justement par Argenteuil ses recherches sur Molière et qui sera le père de Mme Victorien Sardou.

Dans cette maison de la rue d’Enfer logeait aussi une femme de beaucoup de talent, d’une existence romanesque, Mme de Bawr, l’auteur de la Suite d’un Bal masqué, qui avait eu Grétry comme professeur de musique lorsqu’elle s’appelait Mlle de Champgrand et dont le portrait, même esquissé, nous entraînerait trop loin. Veuve d’un M. de Bawr et aussi du réformateur Saint-Simon, Mme de Bawr élevait, comme un fils, un adolescent du nom de Vernier, camarade d’enfance de Sardou, qui fût devenu, comme on dit, un peintre de la modernité, un Gavarni, un Eugène Lami. Avec lui, Sardou jouait la comédie chez Mme de Bawr et les souvenirs dramatiques de l’excellente femme, ses récits d’autrefois, ont eu, de l’aveu de lui-même, la plus grande influence sur la direction de la vie de Sardou.

Faut-il suivre à travers ses logis parisiens Sardou qui grandit ? Il habite rue des Postes, près la place de l’Estrapade, à dix pas de la maison de Michelet, puis impasse des Feuillantines, où il est hanté par le souvenir de Hugo. Toute la bataille de juin 1848, il la voit de près, et il a raconté ce chapitre dans un journal disparu, l’Evénement illustré. Il a dix-sept ans ; il a vu la prise des Tuileries, entendu crier : Vive Lamartine ! vu passer les Vésuviennes, pénétré dans les clubs, et tout en suivant le spectacle en curieux, il travaille ; il est bachelier et il fait des vers.

— Maintenant, lui demande un jour son père, te voilà au seuil de l’âge d’homme, qu’est-ce que tu veux faire ?

— Moi ? Je veux écrire !

Le père rêvait de le voir entrer dans l’Université ; mais l’École normale déplaisait à Sardou. Il hésita entre le droit et la médecine, choisit la médecine parce qu’il y avait là, au point de vue littéraire, plus à gagner, et pendant dix-huit mois il suivit, externe bénévole, le service de Lenoir à l’hôpital Necker. Mais la clinique ne suffisait pas à son activité : il avait écrit déjà sa première pièce, les Amis imaginaires, comédie moderne où l’on retrouverait une idée vague de Nos Intimes. Puis il abordait un sujet historique et exotique, une tragédie suédoise, la Reine Ulfra, où les vers étaient, par une innovation stupéfiante, proportionnés à l’importance sociale des personnages : la reine parlant en alexandrins, les ministres se contentant de vers de dix pieds et le menu peuple s’exprimant en petits vers coupés. Corneille et Shakespeare se trouvaient étrangement mêlés dans cette Reine Ulfra, ou l’on entendait, à la fois, comme des échos du palais de la vieille Rome et de la terrasse d’Elseneur.

Ce romantisme mitigé devait paraître trop romantique encore aux universitaires qui entouraient Victorien Sardou et sa famille. Il se trouvait parmi eux cependant un docteur Londe, bibliothécaire du Luxembourg en 1848, ami de Louis Blanc, et qui donnait du courage au jeune tragique : « Il faudrait montrer votre pièce à Rachel ! lui disait-il. » Eh ! sans doute ! Rachel était toute-puissante alors. Mais comment arriver jusqu’à Rachel ? Sardou suit alors le conseil d’un de ses amis, Mouillard, un peintre, et s’en va tout droit frapper à la porte de Chotel, directeur du théâtre de Belleville, qui avait joué parfois avec Rachel, en province. Étonnement du vieux comédien en voyant arriver ce jeune homme qui, là, de but en blanc, lui demande de présenter à Rachel — quoi ! — une tragédie…

« Mais on l’en accable, de tragédies, mademoiselle Rachel ! Mais des auteurs qui ont un nom font chez elle antichambre avec leurs manuscrits sous le bras ! Mais Musset lui-même…

— Enfin, dit Sardou, qu’est-ce que cela vous fait d’essayer ? Ma Reine Ulfra est précédée d’une dédicace à Mlle Rachel. Cela pourrait peut-être attendrir la grande artiste ! »

Et il déroulait les cinq actes de sa tragédie sous les yeux de Chotel. La dédicace parut, en effet, au comédien faite pour flatter Rachel. « Eh bien, soit, revenez dans huit jours. Dans huit jours Mlle Rachel aura lu votre tragédie ! »

Au bout de huit jours, Sardou revient chez le directeur du théâtre de Belleville. Chotel lui donne des nouvelles de sa négociation : la dédicace fait plaisir à Rachel ; le début de la Reine Ulfra l’a intéressée, mais elle a bientôt interrompu Chotel, qui lisait, pour dire : « Non, une pièce qui se passe en Suède, c’est impossible ! Dites donc à ce jeune homme qu’il écrive une pièce grecque et — qui sait ? — je la jouerai peut-être ! »

C’était l’arrêt de Mlle Rachel. Seulement Chotel y ajouta, avec une bonhomie profonde dont Sardou se souvient encore, des conseils touchants dans la bouche d’un vieil acteur : « Voulez-vous que je vous dise ? Je l’ai lue, votre Reine Ulfra. Je ne vous crie pas que c’est un chef-d’œuvre, mais il y a là l’instinct du théâtre, la vie du théâtre ; vous en ferez, du théâtre ! Allez, piochez, recommencez ! Et pas de café, pas de vie de bohème, pas de temps perdu dans les coulisses. C’est devant sa table de travail qu’on arrive ! Et vous arriverez ! » Sardou emportait, avec son manuscrit, ces paroles réconfortantes du comédien : il ne devait jamais parler à Rachel, mais — comme la destinée est singulière ! — c’était chez un riche cousin de ce jeune homme, alors inconnu, c’était au Cannet, à la villa Sardou, que la tragédienne devait mourir.

Le conseil de Chotel était bon. Pour arriver, il fallait travailler ; mais pour trouver le temps de travailler, il fallait avoir la possibilité de vivre. Attristé par la perte de deux filles, l’une de quatorze ans, l’autre de douze, mortes dans la même semaine de la fièvre typhoïde, et découragé de cette vie parisienne où trente années d’un travail assidu ne lui avaient pas conquis la fortune, pas même l’aisance, le père de Sardou était retourné dans son pays et l’auteur d’Ulfra se trouvait seul, à vingt ans, sur le pavé de Paris, sans autre ressource que son instruction et n’ayant plus désormais à compter que sur lui-même. C’est ici que commencent pour lui sept années — les sept vaches maigres et enragées — de terrible lutte et souvent de noire misère.

Le journalisme lui semblait le salut. Par un pauvre brave garçon nommé Mille-Noé, mort aujourd’hui, il fut mis en rapport avec un entrepreneur de journaux de théâtres, Charles Desolme, qui dirigeait l’Europe artiste. Desolme lui demanda un compte rendu de l’exposition de peinture. Parfait ! Sardou court au Salon, rentre chez lui, écrit son premier article, le porte au journal qui l’insère ; mais le lendemain, le rédacteur en chef lui dit : « Ce n’est pas mal, votre affaire ; seulement ce n’est pas cela du tout. Vous parlez de Corot, vous louez Corot, vous allez droit aux artistes cotés ! Ce serait bien ailleurs. Mais ici !… Je ne fais pas un journal d’art, moi, je fais un canard. Je veux établir à côté de mon journal un magasin de vente de tableaux, et, comme je ne peux avoir ni des Delacroix, ni des Decamps, ni des Dupré, ni des Corot, je veux qu’on éreinte les tableaux des fameux et qu’on vante les toiles des inconnus, que je lancerai et que je vendrai ! Je ne m’adresse pas au lecteur, mais au consommateur. Est-ce compris ? »

C’était si bien compris que Sardou en resta là. Il entra et sortit du journalisme, du matin au soir. On retrouvera son unique article de salonnier dans la collection de l’année 1852.

Découragé pour jamais du métier de gazetier, Sardou tira parti de son érudition. Il travailla pour les Dictionnaires, collabora à la Biographie générale de Firmin Didot. Il savait jusqu’en ses replis la Réforme, Erasme, Cardan. Il remuait des monceaux de livres, dans les bibliothèques, pour écrire vingt lignes concises et profondes. Il logeait alors, avec un ami, quai Napoléon, dans une mansarde, comme Bonaparte aux heures affamées. M. Huillard-Bréholles lui trouva un élève, un petit Égyptien, fils d’un Français, le colonel Selve, passé au service de la Porte, et d’une musulmane : — un enfant élevé dans le harem et transplanté en plein Paris, avec M. de Luynes pour correspondant, un être à demi-mahométan, à demi-chrétien, à qui Sardou enseigna l’antiquité et faisait expliquer le De Officiis. Cette éducation dura deux ans. Sardou recevait cinq francs tous les deux jours pour lui inculquer l’esprit moderne. Il a grandi, l’élève de Sardou : Il est, paraît-il, là-bas, un des plus féroces ennemis des chrétiens, il a horreur de Paris ; c’est un vieux Turc dans toute la force du terme. Cicéron, même commenté par un fin Parisien, n’a pas triomphé de Mahomet.

À cette époque, Victorien Sardou avait écrit déjà la Taverne des étudiants, qu’il gardait en portefeuille, ne désespérant point de faire, avant toute chose, représenter la Reine Ulfra. Un moment, à défaut de Rachel, il crut avoir trouvé sa tragédienne, une demoiselle Desfossés que Romieu et ses amis voulaient opposer à Rachel, et à qui Sardou fut présenté par une Mme Mercier, marchande de parapluies. Ô comédie des comédies ! On cherchait une pièce pour Mlle Desfossés et Sardou cherchait une tragédienne pour sa tragédie ! Sardou avait déjà décrété que Mlle Desfossés jouerait la pièce, qu’elle serait une grande actrice et que lui serait un grand homme. Et brusquement, comme par une trappe, Mlle Desfossés disparut et la Reine Ulfra demeura là, à l’état inédit. L’auteur alors songea à la Taverne. Il la porte à l’Odéon, où une nouvelle direction, celle de Gustave Vaez et d’Alphonse Royer, avec M. Charles Narrey comme associé, allait débuter. Le portier Constant se mit à rire en voyant arriver, avec son manuscrit, ce maigre jeune homme aux longs cheveux : « Ah ! ah ! encore une ! C’est peut-être la cinquantième de la journée ! » Et il montrait à Sardou, terrifié, l’énorme paquet de manuscrits.

La Taverne des Étudiants se trouva par hasard (à quoi tient la gloire !) la deuxième sur ce monceau de paperasses sorties des mains du copiste. Les directeurs se partagèrent les premiers manuscrits à lire et, du premier coup la Conquête de ma femme, de Louis Leroy, Au Printemps, de Laluyé et la Taverne furent reçus.

Reçu ! Ce fut à Léon Pillaut, l’écrivain musical, ami de Sardou, que M. Camille Doucet, toujours obligeant et bon, apprit le résultat. Et à quoi Sardou devait-il cette réception ? À son écriture, fine, lisible, féminine, qui avait frappé Mlle Bérengère, une charmante actrice, très liée alors avec un de ses directeurs : « Ah ! la jolie petite écriture ! » avait-elle dit. Et elle s’était mise à lire la Taverne. L’écriture a bien changé ! Puis le hasard avait fait que Gustave Vaez rencontrât dans les vers de Sardou une drôlerie sur un changement de logement ; il avait tout justement fait la même plaisanterie dans une de ses comédies. Le débutant qui avait le même esprit que lui ne pouvait être qu’un homme d’infiniment d’esprit. Pièce reçue ! Il y a de ces infiniment petits hasards dans les grandes destinées.

Voilà Sardou fou de joie. Il habitait tout justement, maintenant, rue des Beaux-Arts, l’appartement occupé jadis par Ponsard, ignoré, mais à la veille de Lucrèce. Ponsard, Lucrèce, l’Odéon ! Il y avait là de la prédestination et l’auteur de la Taverne allait, à coup sûr, avant peu, être acclamé sur cette même scène comme l’avait été le poète du Dauphiné. En attendant, Sardou travaillait toujours pour les Biographies. Il avait donné Jérôme Cardan au Dr Hœfer pour Didot. Six ou sept mois de recherches condensées en quelques pages. Il se présente à la caisse : on lui compte trente-deux francs. Trente-deux francs ! C’était ironique. Il renonça aux travaux d’érudition comme il avait renoncé au journalisme.

D’ailleurs, le théâtre allait le venger de ces déboires. Le 1er  avril 1854, l’Odéon donnait à la fois la pièce en vers de Laluyé, Au Printemps, et la Taverne de Sardou. La direction avait eu la mauvaise idée de faire ajouter ces deux mots sur l’affiche : la Taverne des Étudiants. Le bruit s’était répandu dans le quartier Latin que la pièce de ce débutant, protégé de l’administration, était une attaque commandée par le gouvernement contre la jeunesse des Écoles. Ô niaiserie de ces propos de brasserie ! Le bon Philoxène Boyer n’était point, paraît-il, étranger à la légende. S’il ne l’avait pas inventée, il la colportait dans le Quartier. Les étudiants étaient maîtres alors de l’Odéon. Il y avait encore un parterre. Le parterre était résolu à siffler et, au premier prétexte, il siffla.

On n’a plus de jeunesse, on n’a plus de pudeur !
Et l’on se croit savant ! et l’on se croit rêveur !

Ô tempête ! Injure à la jeunesse. Tapage, protestations. La première fut un orage ; la seconde représentation fut plus lamentable. Pendant une scène d’amour entre l’acteur Buthiau et Mlle Bérengère, le gaz s’éteignit subitement. Aussitôt un hourra formidable : « C’est immoral ! C’est odieux ! Vous insultez la jeunesse ! Il l’embrassera ! L’embrassera pas ! » La pièce fut jouée cinq fois.

C’était tomber du haut de bien des espérances. Mais l’auteur était jeune et brave, et puis il emportait chez lui, comme consolation, ce mot de M. Narrey, dit au foyer des artistes, après la tempête : « On a joué ce soir Laluyé et Sardou ; on a applaudi Laluyé et sifflé Sardou : eh bien ! l’auteur dramatique, c’est Sardou ! »

Ce qui navra plus profondément cet homme de vingt-trois ans, luttant déjà depuis des années, ce fut le refus, par une direction nouvelle, d’un Bernard Palissy en vers, qui figurait, sur le registre officiel, avec ce mot reçu, trois fois écrit par Gustave Vaez et trois fois effacé par Alphonse Royer. « Si votre Palissy était reçu, dit M. de La Rounat à Sardou, je le jouerais ; mais, vous le voyez, il ne l’est pas ! » Sardou, un moment, se sentit là découragé, le cœur crevé. Quel écroulement ! Mais il n’était pas fait pour les tristesses stériles. Il avait foi en son étoile, et il poussa de nouveau le cri de Julien Sorel : « Aux armes ! »

À l’Odéon, il s’était lié avec le professeur Boudeville, sorte de Neveu de Rameau de l’art dramatique qui avait joué un rôle dans la Taverne. Boudeville connaissait Paul Féval. Sardou, présenté au romancier, écrivait alors un drame, Fleur de Liane, dont l’action se déroulait au Canada et qui, reçu à l’Ambigu par Charles Desnoyers, devait être joué par Dumaine et Mme Laurent. Mais, Desnoyers mort, l’Ambigu ne jouait pas plus Fleur de Liane que l’Odéon, Vaez parti, ne jouait Bernard Palissy. Sardou porta son drame canadien à Féval, qui ne le lut peut-être pas, mais qui parla à son jeune visiteur d’un rôle de bossu que voulait jouer Fechter. Lui, le beau Fechter, l’Armand Duval de la Dame aux Camélias, avait ce caprice de se montrer au public laid et contrefait, une gibbosité au dos et de l’esprit aux lèvres. « Il y avait, dit Féval à Sardou, dans la rue Quincampoix, au temps de Law, un petit bossu qui louait sa bosse aux Mississipiens et qui fit fortune. Songez donc à ce personnage-là ! » Sardou y songea tant et si bien qu’il en résulta le Bossu, avec Cocardasse, Passepoil et le fameux dénouement, le coupable se livrant lui-même grâce à une fausse preuve, moyen excellent emprunté à la Poule noire, de Berquin. Fechter allait donc jouer le Bossu, mais il change d’idée, il prend la direction de l’Odéon ; il joue Tartufe. Adieu, le drame !

Tout craquait autour de Sardou et se brisait dans sa main. Féval tirait un roman pour le Siècle du malheureux drame accroché là, puis il essayait de faire jouer la pièce par Mélingue, dont la femme, l’excellente Théodorine, s’effrayait à l’idée de voir son mari en bossu et qui, sollicité par Fanfan la Tulipe, alors écrit par Paul Meurice, préférait Fanfan au Bossu. Victorien Sardou donnait alors, à Charenton, où il allait à pied par tous les temps, des leçons au fils d’un marchand de vins. Songez à ces épreuves, vous qui rêvez, dès le premier pas, le succès et l’argent dans les lettres ! Voilà comment on arrive ! Encore y faut-il le don avec le courage. Celui-là n’a pas volé sa gloire !

Le Bossu était oublié. Sardou avait écrit une comédie moderne, Paris à l’Envers, où depuis il a repris plus d’un épisode, — entre autres la grande scène d’amour de Nos Intimes, — et il avait porté la pièce à Montigny. Troublé, le directeur du Gymnase, sentant là des qualités maîtresses, mais effrayé par trop de détails hardis, n’osait ni refuser la pièce ni la recevoir. Il demande à Sardou la permission de la montrer à Scribe ; Scribe la lit et la scène en question le révolte. Il écrit à Montigny : « C’est immonde. Où allons-nous ?… » C’était à désespérer. Cependant les Pattes de Mouches, ce chef-d’œuvre d’agilité scénique, de grâce, de fantaisie, avec une maîtrise étonnante déjà, les Pattes de Mouches étaient écrites. La destinant à Mlle Fargueil, Sardou porte la pièce au Vaudeville. Louis Lurine ne la lit même pas. L’auteur la porte au Gymnase. Montigny la lit et la reçoit. Allons, Sardou, il y a déjà du bleu dans la nuée sombre ! Mieux que cela. Un coup de soleil vient tout éclaircir. La bonne fée entre en scène.

Victorien Sardou, dans une page en quelque sorte printanière, toute pimpante de jeunesse et toute vibrante d’émotion, a raconté sa première entrevue avec Déjazet à Seine-Port, et comment il lui apporta, le cœur battant bien fort, sa première pièce ; et je ne crois pas que l’admirable auteur de Patrie et de la Haine ait rien écrit de plus profondément senti.

C’était bien chanceux, mais je jouais mon va-tout ! Depuis quatre ans que La Taverne était tombée, j’avais frappé inutilement à tant de portes ! J’étais excédé de démarches inutiles, d’espoirs trahis, et enfin, à bout de patience, je pris donc la lettre que l’on m’offrait pour Déjazet, et je partis pour Seine-Port ! Que de réflexions ne fis-je pas le long de la route ! L’étrange démarche, après tout ! Et que je m’abusais peu sur le succès de mon entreprise ! Ce chemin-là, combien d’autres et dans la même intention l’avaient dû faire avant moi, sans autre effet que de se rendre importuns. Pourquoi serais-je plus heureux ?

… À Cesson, où l’on descend, pas d’omnibus. Mais, renseignement pris, j’en avais pour trois quarts d’heure à peine d’une marche facile à travers les bois. D’ailleurs, temps radieux !… Un soleil ! J’ai gardé le souvenir de ce soleil-là, le premier qui ait lui sur ma route.
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…Aux premières maisons du village, deux paysannes, qui s’en allaient leurs paniers sur la tête, me saluèrent comme une connaissance. Plus loin, un gros chien, étendu près d’une fontaine, vint amicalement me lécher la main. Un enfant m’indiqua la demeure de Déjazet. Cette grille là-bas, sur la place… Et Dieu sait avec quels battements de cœur je sonnai ! Personne ne vint, et je m’aperçus que la grille n’était pas fermée. Tout semblait s’ouvrir devant moi, comme au coup de baguette d’une fée. Une servante à tête blonde me cria de loin en souriant (elle aussi) :

— Entrez dans le salon, je vais prévenir Madame qui est au jardin.

J’entrai dans ce salon, que l’émotion ne m’empêcha pas de regarder très curieusement. Cette maison, je le savais, avait appartenu jadis à Bosio, puis à la marquise de la Corte, et, à la place d’honneur, un grand tableau représentait l’Amour sous les traits de Jules Janin ! J’examinai ce bon mobilier de l’empire, ces fauteuils en velours d’Utrecht et les tasses jaunes sur les guéridons à galeries de cuivre, quand une porte s’ouvrit derrière moi. Je me dis : « C’est elle ! » Et ramassant tout mon courage pour lui débiter le petit discours préparé sur la route, je me retournai. Je vis que c’était Elle en effet, et je demeurai coi, la bouche ouverte et muet comme un poisson.

Elle avait les mains pleines de plâtre, c’est là ce qui me désorientait. Je ne m’étais pas attendu à cela. Elle vit ma stupeur et me dit en riant :

— Pardon, j’étais occupée à réparer un mur !

Balbutiant je ne sais quoi, je remis ma lettre qui fit un merveilleux effet. La glace rompue, je ne sais pas trop ce que je dis… Il paraît pourtant que je ne fus pas trop gauche… Je présentai assez heureusement mon Candide (car c’était un Candide en cinq actes), en faisant ressortir, on le pense bien, ce qu’il y aurait de piquant à voir collaborer Voltaire et Déjazet, etc., etc.

… Je déposai mon manuscrit sur la table, je serrai ses blanches mains avec effusion, et je pris la fuite sans me retourner.

Ah ! que j’étais léger cette fois !… que le ciel me semblait plus bleu, l’air plus caressant, les oiseaux plus gais, les fleurs plus tendres qu’à mon arrivée ! C’est qu’une voix secrète me disait : « Le charme est rompu, ton heure est arrivée ! » et ma jeune chance, emprisonnée jusque-là, brisait sa coquille et pour la première fois battait de l’aile… Je courais, je volais, je franchissais les fossés tout pleins (je crois les voir) de gros bouillons blancs et de fleurs des champs dont je fis une moisson que je rapportai pieusement. Il y a de cela douze ans bien comptés (1869), et leur parfum dure encore.

Et n’est-ce pas que c’est charmant et exquis ?[1]

Maintenant, c’en était fait. Sardou était Sardou. Il pouvait, déjà accablé de demandes, laisser, sans toucher un sou, le Bossu à Paul Féval ; il pouvait braver le sort ; on acclamait le nom de l’auteur des Pattes de Mouches ; on courait à Monsieur Garat ; on allait applaudir et réapplaudir Nos Intimes. Sardou était à présent le maître de sa vie. Il était mieux que cela : il était un maître, il avait la gloire, la popularité, le succès, et il n’avait pas trente ans !

Désormais sa route est tracée. Il aborde avec un bonheur inouï, un esprit d’enfer, une vivacité et une vitalité prodigieuse, la comédie satirique, gaie et dramatique à la fois, avec Nos Intimes, Nos bons Villageois, l’Oncle Sam ; il entre en bataille, avec une ardeur singulière, un mépris souverain et comme un appétit du danger, avec les Ganaches, Rabagas, Daniel Rochat ; il écrit les deux plus beaux drames de ce temps, Patrie et la Haine ; il triomphe encore dans la comédie intime, Fernande, Séraphine, Odette, où la douceur des larmes s’unit à la joie des sourires ; il mêle, avec un art admirable, l’archéologie des Merveilleuses ou de son drame flamand au vif sentiment contemporain, actuel, qui le porte à peindre son temps, à le saisir et a le fustiger au passage. Avec quelle souplesse incomparable ce Parisien de Paris qui a écrit la Papillonne et Maison Neuve, qui enlèvera de verve ce chef-d’œuvre de raillerie, de gaieté, d’esprit, Divorçons ! se pliera à la science, à l’évocation, à la langue même d’un temps ou d’un peuple ! La Haine, traduite en italien, a la saveur même d’une vraie chronique siennoise.

Il sait tout, Sardou, il a tout lu, il cause comme personne. L’auteur dramatique est égalé en lui — et ce n’est pas peu dire — par le merveilleux causeur, érudit, alerte, léger, profond, incomparable. C’est un conteur exquis et un diseur parfait. On l’a bien vu lorsqu’il a lu à l’Académie son discours sur les prix de vertu, brillant comme une de ses pièces, et lorsqu’il a succédé à Joseph Autran dans la Compagnie.

Ce fut pour lui un grand succès de styliste et de lecteur, de diseur en un mot. On pouvait citer le mot de M. Villemain recevant M. Scribe à l’Académie : « Monsieur, votre discours a réussi comme une de vos pièces ! » M. Sardou, qui eût fait un maître romancier, à la Dumas, avec la précision dans l’érudition en plus, cet encyclopédique Sardou, est, comme M. Legouvé, un lecturer de premier ordre. C’est, quoi qu’il dise, une joie pour les artistes à qui il destine les rôles de l’entendre lire une de ses pièces. Il les détaille, il les interprète d’une façon extraordinaire. Sa voix se plie à toutes les intonations des personnages. Il peint les indications mêmes des décors, il les montre, il les fait réellement voir. Il est un maître, là comme partout ailleurs. Aussi peut-on dire à ceux qui applaudissent ses comédies, jouées cependant par de merveilleux artistes : « Ah ! si vous les lui aviez entendu lire ! »

Je voudrais, après avoir conté les âpretés de ses débuts, montrer Sardou heureux, acclamé et honoré des lettrés, populaire dans le public, en pleine maturité et en pleine gloire, se reposant, sous ses grands arbres de Marly, avec Paris à l’horizon, entre ses beaux enfants et celle qui, fille d’un savant hors de pair, porte si dignement le nom éclatant du dramaturge. — Se reposant ! Je me trompe : travaillant sans cesse, lisant, classant ses gravures, compulsant les vieux parchemins, rêvant des constructions à Nice, des bâtiments nouveaux à Marly, artiste et curieux, passant d’une gravure de Debucourt à un roman de Walter-Scott, allant de Félibien à Molière et de Beaumarchais à Shakespeare ; — et, chaque jour, jusqu’à trois heures, écrivant dans ce cabinet de travail du rez-de-chaussée, gai, ensoleillé, les panneaux blancs ornés d’œuvres d’art, la large porte ouverte sur la verdure du parc, avec la blancheur des statues riant, là-bas, dans les touffes d’arbres… Je voudrais le montrer, ce maître charmeur, dans le couronnement de sa vie de bataille et de renommée bien gagnée, se promenant là par les bois voisins ou accoudé au marbre blanc de sa terrasse, et regardant au loin à l’horizon ce Paris dompté, conquis, tantôt amusé et tantôt pris aux entrailles par ses inventions éclatantes, le rire clair et incomparable de ses comédies ou la grande voix magistrale de ses drames.

Mais ce Sardou-là, ce Sardou acclamé, tout le monde le connaît. De Nos Intimes à Fedora, tout le monde peut, sans s’y tromper, citer la longue liste de ces œuvres qu’il réunira, quelque jour, sous la forme définitive du Théâtre complet. Le Sardou d’aujourd’hui, qui est aussi le Sardou applaudi de demain, appartient à l’histoire littéraire de ce temps. J’ai cru plus intéressant, plus piquant et plus poignant à la fois, je le répète, de montrer comment on parvient, quand on a le diable au corps, le génie de la vie, le cœur bien placé et le feu sacré.

Ce qu’il y a de plus curieux dans l’existence d’un homme, c’est la formation même de son être moral et de son œuvre. Victorien Sardou a écrit les Premières Armes de Figaro. J’ai tâché de conter les Premières Armes de Victorien Sardou. Et je salue, selon le vœu de Gœthe, ce « beau rêve de jeunesse » réalisé par l’âge mûr de cet enchanteur et de ce vaillant.


  1. Resterait à savoir ce que devinrent ces cinq actes de Candide que Victorien Sardou apportait. Cogniard les avait refusés pour les Variétés ; Déjazet les reçut pour son théâtre. Mais la censure intervint, interdit la pièce. Déjazet demanda à Sardou une autre comédie pour remplacer Candide, et ce furent les Premières Armes de Figaro dont Vanderburck avait fait une façon de mélodrame où Figaro tirait sur Almaviva par-dessus un mur et dont Sardou, lui, fit une comédie brillante, nerveuse, leste et preste comme une vraie comédie de Beaumarchais. Et le jour même où les Premières Armes de Figaro étaient applaudies au boulevard du Temple, Théodore Barrière lisait aux acteurs du Palais-Royal les Gens nerveux, cinq actes par lui, Barrière et Victorien Sardou.