Vers posthumes (Dubus)/Vaine joie

Vers posthumesLibrairie Léon Vanier ; A. Messein, SuccrPoésies complètes d’Édouard Dubus (p. 101).
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VAINE JOIE

Je demeure le saule aux rameaux toujours verts
Qui, l’écorce rugueuse et dure, semble avide
De vivre, et dès jadis se corrompt et se vide
Le cœur mystérieusement rongé de vers.

Le Spleen est à la mode, il en devient stupide,
Je le conserve au fond de moi comme un secret,
Si je posais au pessimiste on en rirait
Comme des airs piteux d’un toutou qu’on lapide.

Pourquoi mettre ma plaie à nu ? — Pour l’aviver ?
Je ne suis pas d’humeur à vêtir la défroque
De Paillasse, pour vous narrer d’un ton baroque :

J’ai des filles à prendre et des vins à cuver
Comme vous tous ; je ris, et il me déplaît qu’on voie
Toute l’inanité cruelle de ma joie.