VERS
LYRIQVES
Au Lecteur.
IE n’ay (Lecteur) entremellé fort ſuperſticieusemẽt les Vers Maſculins auecques les Feminins, cõme on vſe en ces Vaudeviles, & Chanſons, qui ſe chantent d’un meſme Chant, par tous les Coupletz, craignant de contreindre, & gehinner ma Diction pour l’obſeruation de telles choſes. Toutesfois affin que tu ne penſes, que i’aye dedaigné ceſte diligence, tu trouueras quelques Odes, dõt les Vers sont diſposez auecques telle Religion. Comme la Louange de deux Damoizelles. Des miſeres, & Calamitez humaines. Le Chant du Deſeſperé, & les Louanges de Bacchus.
LES LOVANGES D’ANIOV.
Au Fleuue de Loyre.
Ode I.
O De qui la uiue Courſe
Prent ſa bienheureuſe ſource,
D’une argentine Fonteine,
Qui d’une fuyte loingtaine.
Te rens au Seing fluctueux
De l’Occean Monſtrueux,
Loyre, hauſſe ton Chef ores
Bien haut, & bien haut encores,
Et iete ton Oeil diuin
Sur ce Païs Angeuin,
Le plus heureux, & fertile,
Qu’autre, ou ton Vnde diſtile.
Bien d’autres Dieux, que toy, Pere,
Daignent aymer ce Repaire
A qui le Ciel feut donneur
De tout grace, & bonheur.
Ceres, lors que uagabunde
Aloit querant par le Monde
Sa Fille, dont poſſeſſeur
Feut l’Infernal Rauiſſeur,
De ſes pas ſacrez toucha
Cete Terre, & se coucha
Laſſe sur ton uerd Ryuaige,
Qui luy donna doulx Bruuaige.
Et cetuy la, qui pour Mere
Eut la Cuyſſe de son Pere,
Le Dieu des Indes uainqueur
Arrouſa de ſa Liqueur
Les Montz, les Vaulx, & Campaignes
De ce Terroir, que tu baignes.
Regarde mon Fleuue, auẞi
Dedans ces foreſtz ici,
Qui leurs Cheuelures Viues
Hauſſent au tour de tes Ryues.
Les Faunes aux Piez ſoudains,
Qui apres Bisches, et Dains,
Et Cerfz, auz Testes ramees
Ont leurs forces animees.
Regarde tes Nymphes belles
A ces Demydieux rebelles,
Qui à grand'Course les suyvent,
Et si pres d'elles arrivent,
Qu'elles sentent bien souvent
De leurs Haleines le vent.
Ie voy' deja hors d'Haleine
Les Pauvrettes, qui à peine
Pouront atteindre ton Cours,
Si tu ne leur fais secours.
Combien (pour les secourir)
De foys t'a-l-on veu courir
Tout furieux en la Plene ?
Trompant l'espoir, et la Peine
De l'avare Laboureur,
Helas ! qui n'eut point d'horreur
Blesser du Soc sacrilege
De tes Nymphes le College.
College, qui se recree
Dessus ta Rive sacree.
Nymphes des Jardins fertiles,
Hamadryades gentiles,
Toy Pryape, qui tant vaulx
Auecq' ta lascive Faulx,
Pales, qui sur ces Rivaiges
Possedes tant beaux Herbaiges,
Que Flore va tapissant
De mainte fleur deux yſſant
Toy Paſteur Amphriſien,
Chacun de uous garde bien
Ses Richeſſes de l’Iniure
Du Chault, & de la Froidure.
Ces Maſſes laborieuſes,
Que les Mains Induſtrieuſes
Quaſi egalent aux Cieux,
Ne ſont elles pas aux Dieux.
Qui uouldra doncq’ loue, & chante
Tout ce, dont l’Inde ſe vante,
Sicile la fabuleuſe,
Ou bien l’Arabie heureuſe.
Quand à moy, tant que ma Lyre
Voudra les Chanſons elire,
Que ie luy commenderay,
Mon Aniou je Chanteray.
O mon Fleuue Paternel,
Quand le Dormir eternel
Fera tumber à l’enuers
Celuy, qui chante ces Vers,
Et que par les Braz amys
Mon Cors bien pres ſera mis
De quelque Fontaine uiue,
Non gueres loing de ta Riue,
Au moins ſur ma froyde Cendre
Fay quelques Larmes deſcendre
Et ſonne mon Bruyt fameux
A ton Riuaige ecumeux.
N’oublie le Nom de celle,
Qui toutes Beautez excelle,
Et ce, qu'ay pour elle auẞi
Chanté sur ce Bord icy.
===Des Miseres, et Fortune Humaines. Au Seigneur Jan Proust.===
Ode II.
Bellonne ſeme sang, & raige
Parmy les Peuples ca, & la,
Et chaße à la Mort maint Couraige
De ce fouët tortu, qu'ell' a.
Son Ame cetuy cy ottroye
A un venin froid, & amer.
Cetuy la est donné en Proye
Aux flotz auares de la Mer.
Aucuns d'une Main uengereſſe
Veulent par la Mort eprouuer
Si du mal, qui tant les oppreſſe,
Pouront la guerisſon trouver.
Quelques autres uenans de naitre
Auant qu'ilz aillent rencontrant
Ce, qui malheureux nous fait eſtre,
Sortent du Monde en y entrant.
Mercure des mains de la Parque
Prent notz Vmbres, & les conduyt
Au Bord, ou la fatale Barque
Nous paſſe en l'eternelle Nuyt.
Ou Minos Juge inexorable
Toutes Excuses deboutant,
La Langue autresfois secourable
De l'Orateur, n'est ecoutant.
Le Chemin est large, et facile
Pour descendre en l'obscur sejour
Pluton tient son Domicile
La porte ouverte Nuyt, et Jour.
La gist l'Oeuvre, la gist la Peine
Ses pas de l'Orque retirer
A l'etroit Sentier, qui nous meine
Ou tout mortel doit aspirer.
Le nombre est petit de ceux ores,
Qui sont les bien aymez des Dieux
Et ceux, que la Vertu encores
Ardente a elevez aux Cieux.
Jupiter tient devant sa Porte
Deux Tonneaux, dont il fait pluvoir
Tout ce, qui aux Humains aporte
De quoy ayse, ou tristesse avoir.
Qui a veu en ce vieil Poete,
(Et le voyant, ne pleure lors)
La trop tost ouverte Boete,
Et les Vertuz volants dehors?
L'Esperance au bord arrestée
Outre son gré demeure icy
Puis que seule nous est prestée,
Gardon' qu'ell' s'en vole aussi.
Les Louanges d'Amour. Au Seigneur RenUrvoy.
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Ode III.
Le cler Ruysselet courant,
Murmurant
Aupres de l'hospitale Vmbre
Plaist à ceux, qui sont lassez,
Et pressez
De chault, de soif, & d'encombre.
Et ceux, qu'Amour uient saisir,
Leur plaisir
C' est parler de luy souuent.
D'Amour soyez doncq' mes Chantz,
Par ces Champs
Dessoubz la frescheur du Vent.
Ces Eaux cleres, et bruyantes,
Eaux fuyantes
D'un Cours assez doulx, & lent
Donneront quelque froideur
A l'ardeur
De mon feu trop uiolent.
Erato, à ma Chanson
Donne Son,
Et me permetz approcher
Pres de toy pour m'esiouyr,
Et t'ouyr
Du hault de ce creux Rocher.
Le Roy, le Pere des Dieux
Tient les Cieux
Dessoubz son obeïssance, Neptune la Mer tempere,
Et son frere
Sur les Enfers a puissance.
Mais ce petit Dieu d'aymer,
Ciel, & Mer,
Et le plus bas de la Terre
D'un Sceptre uictorieux
Glorieux
Soubz son pouuoir tient, & serre.
Sans luy, du Ciel le haut Temple
Large, & ample,
En ruyne tumberoit,
Auecq' chacun Element,
Tellement
Discorde par tout seroit.
Amour gouuerneur des Villes
Loix Ciuiles,
Et iuste Police ordonne,
Et l'heur de Paix, qu'on ua tant
Souhaitant,
C'est luy seul, qui le nous donne.
Les Richesses de Ceres,
Les forestz,
Les Sepz, les Plantes, & Fleurs
Prennent d'Amour origine,
Goust, Racine,
Vertu, Formes, & Couleurs.
Par luy tout genre d'Oyzeaux
Sur les Eaux
Et par les Boys s'entretient.
Tout Animal de seruaige,
Et sauuaige
De luy son Essence tient.
Par ce petit Dieu puissant,
Delaissant
Le doulx Gyron de la Mere
La Vierge femme se treuue
Et fait preuue
De la flamme doulce amere.
Que me chaut si on le blasme,
Et sa flamme?
Amour ne scait abuser
Et ceux, qui mal en recoyuent,
Ne le doyuent,
Mais eux mesmes accuser.
Amour est tout bon, & beau,
Son flambeau
N'enflamme les Vicieux:
Iuste est, & de simple foy,
C'est pourquoy
II est tout nu, & sans yeux,
Leurs uictorieux Charroys
Ducz, & Roys
Doyvent a ses sainctz Autelz,
Le Poetique ouurier
Son Laurier,
Et les Dames leurs Beautez.
Puis doncq' qu'il est notre autheur
Sa Haulteur
Bien adorer nous deuons,
Dessus son Autel sacré
Saichant gré
A luy, de quoy nous uiuons.
La Ieunesse (helas) nous fuyt
Et la suyt
Le froid Aage languissant,
Adonques sont inutiles
Les Scintiles
Du feu d'Amour perissant.
De l'Inconstance des choses. Au Seigneur Pierre de Ronsard.
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Ode IIII.
Nul, tant qu'il ne meure,
Heureux ne demeure :
Le Sort inconstant
Or' se hausse, et ores
S'abaisse, et encores
Au ciel va montant.
La Nuyt froyde, et sombre
Couvrant d'obscure ombre
La Terre, et les Cieux,
Aussi doulx que Miel
Fait couler du Ciel
Le Someil aux yeux.
Puis le Jour luysant
Au Labeur duysant Sa Lueur expose,
Et d'un Teint divers
Ce grand Univers
Tapisse, et compose.
Quand l'Hyver tremblant
Les Eaux assemblant
De Glace polie,
Des Austres puissans
De dueil gemissans
La Rage delie.
La Terre couverte
De sa robe verte
Devient triste, et nue.
Le vent furieux
Vulturne en tous Lieux
Les forestz denue.
Puis la Saison gaye
A la Terre essaye
Rendre sa verdure,
Qui ne doit durer,
Las ! mais endurer
Vne autre froidure.
Ainsi font retour
D’un successif tour
Le Jour, et la Nuyt,
Par mesme Raison
Chacune saison
L’une l’autre suyt.
Le pueril’ Aage
Lubric, et volaige
Au Printens ressemble. L’Eté vient apres,
Puis l’Autonne
est pres,
Puis l’Hyver, qui tremble.
O que peu durable
(Chose miserable)
Est humaine vie,
Qui sans voyr le Jour
De ce cler Sejour
Est souvent ravie.
Soubz le grand Espace
Du ciel, le Tens passe
Par course subite
Theatres, Colosses
En Ruines grosses
Le tens precipite.
Que sont devenuz
Les Murs tant congnuz
De Troye superbe ?
Ilion est comme
Maint Palais de Romme
Caché, dessoubs l’Herbe.
Torrentz, et Ryvieres
Bruyantes, fieres
Courent en maint Lieux,
Ou Rochers, et Bois
Sembloient autresfois
Menasser les Cieux.
Les fieres Montaignes
Aux humbles Campaignes
On voit egalees,
Maintz Lieux foudroyez,
Les autres noyez
Des Ondes salees.
Regnes, et Empires
En meilleurs, et pires
On a veu changer,
Maint Peuple puissant
Ses Loix delaissant
Suyvre l'Etranger.
Superbe Couraige,
Qui ne crains Oraige,
Foudre, ny Tempeste,
A ton fier Marcher
Tu sembles toucher
Les Cieux de la Teste.
Mais ta voyle enflee
De faveur souflee
Metz hardiment bas,
Le ciel variable
Tousjours amyable
Ne te sera pas.
Quoy doncq'? ne scais-tu,
Qu'un Buysson batu
Moins est du Tonnerre,
Qu'un haut Chesne, ou Tremble,
Ou qu'un Mont, qui semble
Depriser la Terre?
Amy, qui pour vivre
Des ennuiz delivre,
Que la Court procure
T’es venu ranger
Comme un Etranger,
En la Tourbe osbscure.
Ne regrete point
Lambicieux poinct
De cete faveur.
Le Ciel favorable
D’un plus honorable
T’a fait receveur.
De Ronsard le Nom
Ne soit en Renom
Par le Populaire :
Amy, tu es tel,
Que rien, qu’Immortel,
Ne te pourroit plaire.
Laisse aux Courtizants
Les souciz cuyzans :
Ne soit Curieux
Des biens aquerir,
Ou de t’enquerir
Du secret des Dieux.
Ode V.
Il faut maintenant, ô ma Lyre!
Sur ta meilleure Corde elire
Un chant, qui penetre les Cieux
Par une aussi etrange voye
Que celles, à qui je t'enuoye,
Sont dignes du plus grand des Dieux.
Dy leur, que je n'ay l'Artifice
D'un Peintre, ou Engraveur, qui puisse
Au vray le semblable egaler.
Mais bien je les puy' faire vivre
Mieux qu'en Tableau, en Marbre, ou Cuyvre,
Qui n'ont l'usaige de parler.
Mes Vers, qui portent sur leurs Esles
Les Louanges des Damoyzelles,
Se vantent de voler un Jour
Parmy la region des Nues,
Et les Beautez du Ciel venues
Sacrer au celeste sejour.
Les beautez jusques aux Dieux montent,
Celles, que les Muses racontent.
Les autres, qui n'ont ce bon heur,
Les Ombres solitaires suyvent:
Mais les votres (si mes Vers vivent)
N'iront soubz Terre sans Honneur.
Je chanteray, que votz Merites
Vous egalent aux trois Charites,
Qui font des Chapeaux florissans
A la joyeuse Cyprienne,
Dansant avecq' la Trope sienne
Par les Prez de loing rougissans.
Telles sont les chastes Compaignes,
Qui parmy forestz, et Campaignes,
Fleuves, et Ruysseaux murmurans,
Suyvent la Vierge Chasseresse, Quand d'un pié leger elle presse
Le Doz des Cerfz leger courans.
Qui a veu les Lyz, et les Rozes
Avecq' la belle Aube decloses,
Celuy a veu votre beau Teint:
Dont le Blanc, et Vermeil ensemble
Le Pourpre coloré ressemble,
Et du Laict la Blancheur eteint.
Qui a conté les fleurs sacrees
Des Rives, Campaignes, et Prees,
Dont l'Air, quand il est plus rient,
Orne les Cheveux de la Terre,
Et les Pierres, que lon va querre
Par tant de flotz en Orient:
Celuy a nombré (ce me semble)
Vos Graces, et Vertuz ensemble
Avecques les Traictz de votz yeux,
Dont mil', et mile fleches darde
Contre celuy, qui vous regarde,
L'Enfant, qui surmonte les Dieux.
Qui de la Harpe Thracienne
A ouy la voix ancienne,
Des foretz l'Ebahissement,
Les votres luy fera pareilles,
Qui font des plus rudes Oreilles,
Voyre des Coeurs ravissement.
Voulez-vous que ma Plume ecrive
Comment dessus la verde Ryve
De Cadme la peu fine Seur
Eloingnant sa fidele
Trope,
Osa presser la blanche Crope
Du divin Thaureau Rauisseur?
Jadis soubz Plume blanchissante
Du Ciel la Majesté puissante
Remplit celle, qui enfanta
Les fors Jumeaux avecques celle
Qu'en Ide des troys la plus belle
Au Juge Bergier tant vanta.
De la Pluye Jaune coulante
Au seing d'une Vierge excellente
Naquit le cheualier volant.
Telles sont les flammes subtiles
Du feu, dont les vives Scintiles
Vont Dieux, et Hommes affolant.
Qui est celuy, qui voudroit taire
Le filz du Mari adultere?
Le Monde de Monstres purgé
De ses faictz la gloire conserve,
Des Enfers la Depouille serve,
Et le Ciel sur son Doz chargé.
Qui ne cognoist bien les deux Ourses
Fuyantes de Thetis les Sourses?
Ou qui est celuy, que n'attaint
La plainte de la belle Vache,
Qui aux tristes Rives d'Inache
De l'Amy cruel se complaint?
Fuyez doncq' les facons Cruelles
Que Beauté couve soubz ses Esles.
Faites à l'Amour humbles vueutz
Qu'à Jupiter ne vous
otroye,
Pour croistre (ô bienheureuse Proye!)
Le Nombre des celestes Feux.
Par les mains du chaste Hymenee
Chacune de vous soit menee
Au lieu, ou l'Ennemy humain
Soubz une agreable Lumiere
De votz Jardins la fleur premiere
Pille d'audacieuse Main.
Ces petites Ondes enflees
Des plus doulx Zephires souflees
Sans fin vont disant à leur Bord,
Heureuse la Nef arrestee
Par le mors de l'Anchre jetee
Dedans le Seing, d'un si beau Port.
Du Premier Jour de l'An. Au Seigneur Bertran Bergier.
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Ode VI.
Voicy le Pere au double front,
Le bon Janus, qui renouvelle,
Le cours de l'An, qui en un Rond
Ameine la Saison nouvelle.
Renouvelons
aussi
Toute vieille Pensee,
Et tuons le Soucy
De Fortune insensee.
Sus doncq'
, que tardons-nous encore?
Avant que Vieillars devenir,
Chassons le Soing, qui nous devore
Trop curieux de l'Advenir.
Ce, qui viendra demain,
Ja pensif ne te tienne,
Les Dieux ont en leur Main
Ta Fortune, et la mienne.
Tu Voy de Nege tous couvers
Les Sommetz de la forest nue,
Qui quasi envoye à l'envers
Le faiz de sa Teste chenue.
La froide Bize ferme
Le gosier des Oyzeaux,
Et les Poissons enferme
Soubz le Cristal des Eaux.
Veux-tu attendre les frimaz
De l'Hyver, qui deja s'appreste,
Pour faire de Nege un amaz
Sur ton Menton, et sur ta Teste?
Que tes membres transiz
Privez de leur verdeur,
Et les Nerfz endurciz
Tremblent tous de froideur?
Quand la Saison amolira
Tes braz autresfois durs, et roydes,
Adoncq' malgré toy perira
Le feu de tes Mouelles froydes.
Que toute Herbe, ou Etuve,
Tout genial Repas,
Mais tout l'Aethne, et Vesuve
Ne rechauffroient pas.
Mon filz, c'est assez combatu,
(Disoit la Mere au fort Gregeois,)
Pourquoy ne te rejouys-tu
Avecq' ces filles quelques fois?
Les Vins, l'Amour consolent
Le triste coeur de l'Homme:
Les Ans legiers
s'en volent,
Et la Mort nous assomme.
Je te souhaite pour t'ebatre
Durant ceste morte Saison,
Vn plaisir, voyre trois, ou quatre,
Que donne l'Amye Maison.
Bon vin en ton Celier,
Beau feu, Nuyt sans Soucy,
Vn Amy familier,
Et belle Amye aussi.
Qui de son Luc, qui de sa Voix
Endorme souvent tes ennuiz,
Qui de son Babil quelquesfois
Te face moins durer les Nuitz.
Au lict follastre autant
Que ces Chevres lascives,
Lors, qu'elles vont broutant
Sur les herbeuses Rives.
===Du Jour des Bacchanales. Au
Seigneur Rabestan.===
Ode VII.
Quel bruyt Inusité
A mes oreilles tonne?
Je suy' tout excité
De l'Horreur, qui m'etonne:
Mon Coeur fremist, et tremble,
Evoé, Evoé.
J'oy' la voix (ce me semble)
D'un Cornet enroué.
Je voy' le deux fois né,
L'Indique Dieu, qui erre
Le Chef environné
De verdoyant Lyerre:
Les fiers Tygres soupirent
Soubz le Joug odieux,
Et tous paisibles tirent
Son Char victorieux.
Maint Satyre lascif
Ryant soutient à peine
Sur ung Asne tardif
Le chancelant Sylene.
Triumphe à la bonne heure,
Dieu, dont feut le Butin
Ce peuple, qui demeure
Le plus pres du Matin.
Mon Ame eprise au feu
De
ta Liqueur tant bonne,
Ce Poetique Veu
Te consacre, et ordonne.
Je te salue Pere,
Qui tout Soucy deffent,
Soubz, ton Regne prospere
Fay vivre tes Enfans.
Celuy, qui sceut les Boys,
Et les Rochers attraire,
Qui fist les trois Aboys
Tous ebahiz se taire,
Sceut au prix de sa Teste,
Combien est perilleux
Blamer la Saincte feste
De ton Nom merveilleux.
Sans Jarretz se trouva
Le brave Roy de Thrace,
Et ta force eprouva
L'Echionnee Race.
Bien que tu sembles estre
Au Ryz, Banquetz, et Ieux
Plus idoyne, qu'à dextre
Aux Combatz outraigeux.
Rhete, cest inhumain
D'une horrible Machoire
Renversé par ta Main,
Feut temoing de ta gloire:
Quand les filz de la Terre
Ozerent s'avancer
Pour
au Ciel faire guerre,
Et
ton Pere offenser.
Sans toy, n'ard qu'à demy
La furieuse flamme
De Venus, ô l’Amy
Et du Cors, et de l'Ame!
Donq' à force de boyre
Noye, ou brusle au dedans,
La facheuse Memoire
De noz souciz mordans.
Amy, ceste Rigueur
Au vieil Caton delaisse,
Mais ou est la vigueur
De ta verde Vieillesse?
Le Soing de tout affaire
Que n'est-il endormy?
Quelquesfois il faut faire
Le fol pour son Amy.
Du Retour du Printens. A Jan D'orat.
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Ode VIII.
De l'Hyver la triste froydure
Va sa Rigueur adoucissant
Et des Eaux l'Ecorce tant dure
Au doulx Zephire amolissant.
Les Oyzeaux par les Boys
Ouurent à cete foys
Leurs Gosiers etreciz Et plus soubz durs glassons
Ne sentent les Poissons
Leurs Manoirs racourciz.
La froide Humeur des Montz chenuz
Enfle deja le Cours des Fleuves,
Deja les Cheveux
sont venuz
Aux forestz si longuement veufves.
La Terre au Ciel riant
Va son Teint variant
De mainte couleur vive,
Le Ciel (pour luy complaire)
Orne sa face claire
De grand' Beauté nayve.
Venus ose ja sur la Brune
Mener danses gayes, et cointes
Aux pasles Rayons de la Lune,
Ses Graces aux Nymphes bien jointes.
Maint Satyre outraigeux
Par les Boys ombraigeux
Ou du haut d'un Rocher,
(Quoy que tout brusle, et arde)
Etonné les regarde,
Et n'en ose approcher.
Or' est Tens, que lon se couronne
De l'Arbre à Venus consacré.
Ou que sa Teste on environne
Des fleurs, qui viennent de leur gré.
Qu'on donne au vent aussi
Cete importun Soucy,
Qui
tant nous fait la guerre
Que lon voyse sautant
Que lon voyse hurtant
D'un pié libre, la Terre.
Voicy, deja l'Eté, qui tonne,
Chasse le peu durable Ver.
L'Eté le fructueux Autonne,
L'Autonne le Frilleux Hyver.
Mais les Lunes volaiges
Ces celestes dommaiges
Reparent: et nous Hommes
Quand descendons aux Lieux
De noz Ancestres vieux,
Ombre, et Poudre nous sommes.
Pourquoy doncq' avons-nous envie
Du Soing, qui les Coeurs ronge, et fend?
Le terme bref de notre vie
Long Espoir nous deffent.
Ce que les Destinees
Nous donnent de Journees
Estimons, que c'est gaing.
Que scais-tu si les Dieux
Ottroyront à tes yeux
De voir un Lendemain?
Dy a ta Lyre, qu'elle enfante
Quelque Vers, dont le bruyt soit tel,
Que ta Vienne à jamais se vante
Du nom de Dorat Immortel.
Ce grand Tour violant
De l'An leger-volant
Rauist et Jours, et Moys:
Non les doctes Ecriz.
Qui sont de noz Espris
Les perdurables Voix.
Ode IX.
La Parque si terrible
A tous les Animaulx
Plus ne me semble horrible,
Car le moindre des maulx,
Qui m'ont fait si dolent,
Est bien plus violent.
Comme d'une Fonteine
Mes yeux sont degoutens,
Ma face est d'Eau si pleine
Que bien tost je m'attens
Mon coeur tant soucieux
Distiler par les yeux.
De mortelles Tenebres
Ilz sont deja noirciz,
Mes Plaintes sont funebres,
Et mes Membres transiz:
Mais je ne puy' mourir,
Et si ne puy' guerir.
La Fortune amyable
Est-ce pas moins que rien?
O que tout est muable
En
ce Val terrien!
Helas, je le congnoy',
Qui rien tel ne craignoy'.
Langueur me tient en Lesse,
Douleur me suyt de pres,
Regret point ne me laisse,
Et Crainte vient apres:
Bref, de Jour, et de Nuyt
Toute chose me nuit.
La verdoyant' Campaigne,
Le flory Arbrisseau,
Tombant de la Montaigne
Le murmurant Ruysseau,
De ces plaisirs jouyr
Ne me peut rejouyr.
La Musique sauvaige
Du Rossignol au Boys
Contriste mon Couraige,
Et me deplait la voix
De tous joyeux Oyzeaux,
Qui sont au bord des Eaux.
Le Cygne Poetique
Lors, qu'il est myeux chantant,
Sur la Ryve aquatique
Va sa mort lamentant.
Las! tel chant me plait bien
Comme semblable au mien.
La voix Repercussive
En m'oyant lamenter,
De ma Plainte excessive
Semble se tormenter,
Car cela, que j'ay dit,
Tousjours elle redit.
Ainsi la joye, et l'ayse
Me vient de dueil saisir,
Et n'est, qui tant me plaise
Comme le deplaisir.
De la mort en effect
L'espoir vivre me fait.
Dieu tonnant, de
ta foudre
Viens ma mort avencer
Afin que soye en poudre
Premier que de penser
Au plaisir, que j'auroy'
Quand ma mort je scauroy'.
Ode X.
Chante l'emprise furieuse
Des fiers Geans trop devoyez,
Et par la main victorieuse
Du Pere tonnant foudroyez:
Ou bien les labeurs envoyez
Par Junon Déesse inhuméne
A l'invincible enfant d'Alcméne.
Chante les martiaux alarmes
D'un son heroic, et hault style,
Chante les amoureuses
larmes,
Ou bien le champ graz, et fertile,
Ou le cler ruysseau, qui distile
Du mont pierreux, ruysseau, qui baigne
Prez, et spacieuse campaigne.
Chante doncq les biens de Cerés
Et de Bacchus les jeuz mystiques,
Chante les sacrees forés,
Sejour des Demydieux rustiques:
Chante tous les Dieux des antiques,
Pluton, Neptune impetueux.
Et les Austres tempetueux.
Bref, chante tout ce, qu'ont chanté
Homere, et Maron tant fameux,
Pyndare, Horace tant vanté,
Afin d'estre immortel comme eux
En depit du dard venimeux
De celle, qui ne peut deffaire
Ce qu'un Esprit divin sçait faire.
Ton oeuvre
sera plus durable,
Qu'un Theatre, ou un Colisee,
Ou qu'un Mauseole admirable
Dont l'etophe si fort prisee
Par le tens a eté brisee
Ou que tout autre oeuvre excellant
De la main de l'Ouvrier volant.
Quant à Moy, puis que je n'ay beu
Comme toy, de l'onde sacree,
Et puis que songer je n'ay peu
Sur le mont double comme Ascree
C'est
bien force, que me recree
Auec Pan, qui soubz les Ormeaux
Fait resonner les Challumeaux.
Mais toy, si desires pour vivre,
Delaisser quelque Monument,
Pourquoy aussi ne veux-tu suyvre
Quelque haut, et braue Argument?
Amy, vole plus hautement
Et en lieu si humble n'amuse,
Qu'à me louer ta docte Muse.
Si tu m'eusses facund Mercure
Volu etre un peu favorable,
Et toy Phebus, j'eusse pris cure
De rendre mon bruyt honorable.
Voyre par Ecrit memorable
Un Jour avec triumphe, et gloire
Marier Loyr avecques Loyre.
A une Dame Cruelle, et Inexorable.
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Ode XI.
Muse, que tant je voys cherchant,
Inspire moy encor' un Chant,
Un chant, qui entre en l'obstinee Oreille
De la Beauté, qui n'a point sa pareille.
Le feu en la Fournaize etreint,
Ard plus, que cil, qui non contreint
Par le Ciel libre en ca, et la epars
Donne sa flamme au Vent de toutes pars.
Amour jusqu'
au profond de l’Ame
A darde la cruelle flamme
Que suy' contreint de vomir en mes Vers
D'un son Tragic tout etrange, et diuers.
Cruelle, tu voys de bien loing
Ce feu, dont tu n'as point de soing,
Comme celuy qu'on voit voler parmy
La Ville prise, ou le Camp ennemy.
Tu m'as ouvert le manque Flanc
Avecques cet Ivoyre blanc,
Qui montre au bout cinq Perles plus exquises
Que d'Orient les Pierres tant requises.
Pourquoy arraches-tu le Coeur,
Dont Amour par toy feut vainqueur?
Pourquoy fais-tu ainsi que deux Tenailles,
Sentir tes Mains en mes vives Entrailles?
Les Tygres (ô fiere Beauté!)
N'ont tant que toy, de Cruauté:
Ny le Serpent, qui se trayne soubz l'herbe,
Ny des Lyons la Semence superbe.
Pas n'avoit si grande rudesse
La cruelle Vierge Déesse,
Qui fist aux chiens devorer le Veneur
Criant en vain, Je suy' votre seigneur.
Qui est celuy, qui ne s'etonne
Quand le Pere courroussé tonne?
Dardant ca bas de foudroyante Main
Le Traict vangeur de tout Acte inhumain.
Amour pourtant dedans les Cieux
Enflamme le plus grand des Dieux,
Hommes en terre, et en l'air les oyzeaux,
Et les poyssons jusqu'au fond de leurs eaux.
O Repaire moins souhaitable,
Que le Caucase inhospitable,
Où le Rapteur du saint feu, va paissant
L'Aigle sacré d'un poumon renaissant
Tu me fais par ta grand' froydeur
Sentir plus violente ardeur
Que cetuy la,
dont le doz grand, et large
Soutient d'un mont la trop pesante charge.
Qui d'Amour blame les edictz,
Semble ces Geans, qui jadis
Des plus hauts montz une echelle erigerent,
Et les manoirs celestes assiegerent.
Ne crains-tu point qu'il se courrousse?
Ne crains-tu point que de sa trousse
Te darde un traict enpenné de fureur,
Pour se vanger d'un si cruel erreur?
Ou vas-tu, Muse? si grand' Ire
Ne convient à la douce Lyre.
Tu es trop humble, et de trop petit son
Pour accorder si tragique chanson.
De Porter les Miseres et la Calumnie. Au Seigneur Christofle du Breil.
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Ode XII.
Rien n'est heureux de tous poinctz en ce Monde.
L'air, et le feu, le ciel, la terre, et l'onde
Nous font la guerre, et les justes
Dieux mesmes
N'ont pardonné à leurs Palaiz supremes.
Ne voy-tu pas, que les Signes des Cieux
Sont mutilez de piez, de braz, ou d'yeux?
N'as-tu jamais d'eclypse coutumiere
Veu obscursir l'une, et l'autre lumiere?
O que d'ennuy sans repos nous tormente!
Les uns par faim ont peine vehemente,
Autres on voit en la prison mourir,
Plusieurs aussi à la guerre courir
Joyeux spectacle à ce furieux Dieu,
Qui maintenant obtient le premier Lieu
Entre les Roys, les Empereurs, et Princes
Au grand dommaige (helas) de leurs Provinces.
Le flot, le vent, le Pyrate, et rocher
Sont les perilz de l'avare Nocher,
Qui de son ayse, et repos s'ennuyant,
Aux Indes court, la pauvreté fuyant.
Cetuy par fer, par cordeau, ou poyson
Cherche de mort volontaire achoyson,
Et pour trouver de ses maulx allegence,
A pris de soy luymesmes la vengence,
Et cetuy la, qui est myeux fortuné
Que les premiers, avant que d'estre né
Ensevely d'un Sommeil eternel,
Fait son Tumbeau du ventre maternel.
D'un egal pié la Mort, qui tout attrape,
Et des petiz les humbles manoirs frape,
Et des plus grands les tours hautes, et fortes.
Une Mort seule en mile, et mile sortes
De maulx soudains, nouveaux, et incurables
Va tormentant les Humains miserables.
Le Cours des Ans, des Siecles, et Saisons,
Les grands Citez, et superbes Maisons
Mises par terre, et les Ruines grosses
Des vieux Palaiz, Theatres, et Collosses,
Montrent à l'oeil tout ce, qui est ca bas,
Etre caduq', et subject à trepas.
O malheureux, qui batist Esperance
Sur fondement d'Incertaine assurance!
De tous Etaz, de tout sexe, et tout Aage
Solicitude est le propre Heritaige.
Ell' suyt des Roys les Palaiz somptueux,
Conventz secrez, Parquetz tumultueux,
Le Laboureur la porte en sa charrue,
Et du pasteur aux toictz elle se rue.
L'Homme de Guerre aussi la porte en croupe,
Et le Marchant avare dans la Poupe
Rien que vertu, ne domte la Fortune.
Comme le Roc, quand la Mer importune
En ca, et la contre luy se courrousse,
Rompt les gros flotz, et de soy les repousse.
O bienheureux, qui de rien ne s'etonne,
Et ne palist, quand le ciel iré tonne!
O bienheureux, que les Torches ardentes,
Et des troys Seurs les couleuvres pendentes
N'excitent point! qui n'entrerompt le fruict
De son Repos, pour quelque petit bruict.
Cet homme la pour vray jamais ne tremble,
Bien que le Ciel à la Terre s'assemble.
Et ont les Dieux sa fortresse munie
Contre fortune, et contre Calumnie.
Le Ciel vangeur, Protecteur d'Innocence,
Donne aux pervers souvent longue licence
De nuyre aux bons: puis contre eux Irrité
Commende au Tens, pere de verité,
Decouurir tout, lors la Cause plus forte
Devient soudain la plus foyble, de sorte
Que la grandeur de la peine compense
La tardité de la juste vengence.
Espere Amy, espere, dure, attens
Cete faveur et du Ciel, et du Tens.
Et quand le Ciel n'auroit aucun soucy
De tout cela, que nous faisons ici,
Mais bien seroint toutes humaines choses
Soubz le Pouvoir de la fortune encloses,
Ne vault-il myeux (veu qu'elle fait son tour)
Avoir espoir de son heureux retour,
Qu'estre tousjours en peur de la ruyne?
Cet Air couvert d'une obscure Bruyne
S'eclersira, ces undes courroussees
jusques au Ciel par l'Aquilon poussees
S'apaiseront, et par l'Anchre jetee
Au Port sera la Navire arrestee.
O combien doulx sera le souvenir
Des maulx passez! pour doncq' là parvenir,
Endure Amy, ces peines doloreuses,
Et te reserve aux choses plus heureuses.
Ode XIII.
Sus Muse, il faut que lon s'eveille,
Je veux sonner un chant divin.
Ouvre donques ta docte oreille,
O Bouju, l'honneur Angevin!
Pour ecouter ce, que ma Lyre accorde
Sur sa plus haute, et mieux parlante chorde.
Cetuy quiert par divers dangers
L'honneur du fer victorieux:
Cetuy la par flotz etrangers
Le soing de l'or laborieux.
L'un aux clameurs du Palaiz s'etudie,
L'autre le vent de la faveur mandie.
Mais moy, que les Graces cherissent,
Je hay' les biens, que lon adore,
Je hay' les honneurs, qui perissent,
Et le soing, qui les coeurs devore:
Rien ne me plaist, fors ce, qui peut deplaire
Au jugement du rude populaire.
Les Lauriers, prix des frontz scavans,
M'ont ja fait compaignon des Dieux:
Les lascifz Satyres suyvans
Les Nymphes des rustiques lieux
Me font aymer loing des congnuz Rivaiges
La sainte horreur de leurs Antres sauvaiges.
Par le Ciel errer je m'attens
D'une esle encor' non usitee,
Et ne sera gueres long tens
La terre par moy habitée.
Plus grand, qu'Envie, à ces superbes Viles
je laisseray leurs tempestes civiles
Je voleray depuis l'Aurore
Jusq'à la grand' Mere des eaux :
Et de l'Ourse à l'Epaule more,
Le plus blanc de tous les oyzeaux.
Je ne craindray, sortant de ce beau jour,
L'epesse nuyt du tenebreux sejour.
De mourir ne suys en emoy
Selon la loy du sort humain,
Car la meilleure part de moy
Ne craint point la fatale main:
Craingne la Mort, la Fortune, et l'Envie,
A qui les Dieux n'ont donné qu'une vie.
Arriere tout funebre chant,
Arriere tout marbre, et peinture,
Mes cendres ne vont point cherchant
Les vains honneurs de sepulture:
Pour n'estre errant cent ans a l'environ
Des triestes bords de l'avare Acheron.
Mon nom du vil peuple incongnu
N'ira soubz terre inhonoré,
Les Seurs du Mont deux fois cornu
M'ont de sepulchre decoré,
Qui ne craint point les Aquilons puissans,
Ny le long cours des Siecles renaissans.
===Epitaphe de Clement Marot.===
Si de celuy le Tombeau veux scavoir,
Qui de Maro avoit plus que le nom,
Il te convient tous les Lieux aller voir
Ou France a mis le but de son renom:
Qu'en Terre soit, je te respons que non,
Au moins de luy c'est la moindre partie.
L'Ame est au lieu, d'ou elle etoit sortie,
Et de ses Vers, qui ont domté la Mort,
Les Seurs luy ont Sepulture batie
Jusques au ciel. ainsi, LA MORT N’Y MORD.
CAELO MUSA BEAT.