Vers, 1894/Au bord de l’eau verte

VersOllendorff, éditeur (p. 64-65).

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Au bord de l’eau verte, les sauterelles
sautent ou se traînent,
ou bien sur les fleurs des carottes frêles
grimpent avec peine.

Dans l’eau tiède filent les poissons blancs
auprès d’arbres noirs
dont l’ombre sur l’eau tremble doucement
au soleil du soir.

Deux pies qui crient s’envolent loin, très loin,
loin de la prairie,
et vont se poser sur des tas de foin
pleins d’herbes fleuries.

Trois paysans assis lisent un journal
en gardant les bœufs
près de râteaux aux manches luisants que
touchaient leurs doigts calleux.

Les moucherons minces volent sur l’eau,
sans changer de place.
En se croisant ils passent puis repassent,
vont de bas en haut.


Je tape les herbes avec une gaule
en réfléchissant
et le duvet des pissenlits s’envole
en suivant le vent.