Jusqu’à ces derniers temps, pour les études d’histoire et de littérature, on ne s’étoit guère adressé qu’aux ouvrages traitant in extenso de la question historique ou littéraire dont on étoit curieux ; on n’alloit d’ordinaire qu’aux renseignements consacrés, aux sources connues et en évidence, c’est-à-dire aux gros livres, qui ne répondoient pas toujours ; l’on paroissoit à peine se douter que, tout près de ces documents pour ainsi dire épuisés par l’usage, auprès de ces volumes muets, ou ne parlant que pour se répéter, il se trouvoit de simples livrets, de minces plaquettes, tout remplis des faits omis par les grands livres, d’autant plus intéressants, la plupart, qu’ils étoient plus inconnus, et que l’ignorance où l’on étoit même de leur titre leur avoit laissé, après deux ou trois siècles, tout le piquant de la nouveauté.
Le goût des livres rares, qui s’est si bien développé pendant toute la première moitié de ce siècle, a fait retrouver un très grand nombre des pièces dont nous parlons, et a fait assigner à chacune son prix vénal. Ce n’étoit pas assez : il ne suffisoit pas que ces livrets curieux eussent été trouvés pour le bibliophile ; il falloit aussi qu’ils fussent acquis pour l’écrivain préoccupé des curiosités de toutes les histoires, de toutes les littératures ; il ne falloit pas seulement qu’ils eussent un prix dans les ventes par devant le commissaire-priseur, il étoit bon qu’ils retrouvassent aussi leur valeur réelle devant l’amateur qui, pour se consoler de ne pas posséder, veut au moins pouvoir lire et travailler.
Leur rareté a fait le prix vénal de ces pièces ; la publicité doit montrer leur prix historique, leur valeur littéraire, et ainsi leur réhabilitation ressortira de deux contraires. Voilà ce que nous nous sommes dit, voilà ce qui nous a guidé dans la recherche de celles dont ce volume commence le recueil.
Nous nous adressons à toutes les classes de lecteurs curieux et travailleurs ; nous voulons apporter à chacun, quelle que soit la préoccupation de ses études, notre lot de connoissances nouvelles et de documents inattendus ; c’est pour cela qu’au lieu de suivre un ordre quelconque, qui nous eût fatalement rendu exclusif, et nous eût forcé, dès l’abord, de démentir notre titre, nous nous sommes imposé le désordre qu’on remarquera dans ce premier volume, comme dans les suivants, et qui nous permettra, grâce à son sans-gêne et à son mépris des transitions, de satisfaire ensemble et l’une après l’autre toutes les curiosités.
L’immense période comprise entre la seconde partie du XVIe siècle et la Révolution, tel est l’espace que nous nous promettons d’explorer, dans tout ce qu’il a d’intéressant au point de vue des faits de l’histoire ou des œuvres de l’esprit.