Valentines et autres vers/Une petite avec des flûtes dans la voix


Une petite avec des flûtes dans la voix
Qui riait et qui pour les graves sœurs d’Ursule
Était le rayon fol à travers la cellule.
Pour la beauté c’était bien l’ « Ange », pas de ceux
Qui traversent le rêve épais des amoureux,
Mais de ceux que l’Esprit mêle au divin cortège ;
Pour l’âme, un lait, et pour l’innocente, une neige !
Toute l’année, en cette âme, c’était Noël.
Son front charmant semblait pétri d’un peu de ciel,
Comme nos tristes cœurs le sont d’un peu de fange.
Elle étonnait ! Je l’ai déjà dit, c’était l’ « Ange »,
Et sa tête aurait pu voler au paradis,
Quand, par hasard, de ses grands cols blancs tout unis
Les coins se retroussaient avec des façons d’ailes !
Après cela, la plus riche des demoiselles,
La fille d’un monsieur qui, comme on a pignon
Sur rue, avait, lui, droit de servage, un grand nom,
Et de l’or tant que nul creuset ne l’évapore.
Elle était la puissance énorme qui s’ignore,
Elle ne savait pas que ses yeux étaient beaux ;
Mais elle eût été reine aussi dans des sabots !
Adorable ! mais quel homme à moins d’être impie
(Allez, c’est bien le mot !) l’eût mêlée à sa vie,

Assez fou pour la rendre à notre air étouffant ;
Amour seul eût été digne de cet enfant,
Si les meilleurs baisers n’étaient pas des morsures,
Si les lèvres n’avaient la forme des blessures.
Aucun nuage impur dans ses chastes yeux gris !
Elle ne rêvait pas des hommes de Paris,
Ni de ses fêtes, ni diamants et dentelles
Qui font les yeux plus fous pour les femmes plus belle :
Nul héros des affreux romans que nous faisons,
Quand nous avons bu, nul ne hante ces maisons.
Son Idéal ? elle eût répondu : Télémaque.
Toute l’année, au fond de ce cœur, c’était Pâque.