Valentines et autres vers/Avant-propos

Valentines et autres vers, Texte établi par Ernest DelahayeAlbert Messein (p. 31-33).
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AVANT-PROPOS


 
Vous savez comme moi, Madame,
Que Platon met hors des cités
Le Poëtastre qui déclame
Des blagues trop fortes pour l’âme
Amoureuse de vérités ;

Oui, Tu le sais, oui, ma Mignonne.
Platon eût bien transbahuté
Le Pédantisme qui se donne
Pour plus beau, l’Amour s’en étonne,
Que la pure simplicité ;

Tu sais le grec… si… comme un ange,
Et que loin de toute Cité
Platon met le rhéteur étrange
Que son propre mensonge mange
Jusqu’à… la préciosité.


Hé, bien ! je poursuis la chimère
De vous chanter en bon français,
Qui ne dis pas : j’aime ma mère !
Tout en respectant la grammaire,
Si je veux avoir du succès ;

Vais-je, avec l’œuvre que je crée,
Passer pour un menteur aussi ?
Ah ! mon âme en serait navrée !
Non pour moi, ma Femme Adorée !
Pour moi, je n’en ai point souci.

C’est pour Vous, dont je chante l’Âme,
L’Esprit, même un peu le Baiser,
Le Cœur tel qu’un Soleil enflamme !
Ce serait dommage, Madame,
Que le monde allât supposer…

Platon verra, lui, si j’invente,
Si je dis rien d’exagéré…
Ma poésie est ta servante ;
Oui, ma Mignonne si savante,
Près de Toi, je suis inspiré !

Pour perpétuer la mémoire
De votre suprême Beauté,
Que n’ai-je une lyre en ivoire
Le plus éclatant sur la noire
Et toujours jeune Antiquité !


Oui, pour bien célébrer la fête,
Finissant… au bout de tes doigts,
De ton corps de Femme parfaite,
Et la noblesse de ta tête
Et la puissance de ta voix ;

Que n’ai-je la lyre d’un Homme
Connu de tout votre salon,
Qu’avant même d’avoir vu Rome,
Le premier prix des Beaux-Arts nomme
Phœbus… oui Phœbus-Apollon !

J’en pincerais fort à mon aise,
Sans savoir en jouer du tout…
Et ça ferait mieux qu’une chaise
Dans la République Française
Où, ce me semble, on dort debout.