Utilisatrice:Victoire F./Brouillon



Lykos
Ivre de sa rosée et de son doux printemps,
La terre s'éveillait sous la divine Aurore ;
La brise secouait son aile humide encore
Et la fleur entr'ouverte exhalait son encens.

Dans les bois d'oliviers que le Céphise arrose,
Où le portaient ses pas, Lykos allait rêveur ;
Sentant avec angoisse un vide dans son cœur,
Loin du monde il fuyait solitaire et morose.

La nymphe, en le voyant passer dans le lointain,
Admirait le jeune homme à l'avril de son âge
Et disait, se cachant dans les joncs du rivage :
C'est un bouton vermeil entr'éclos au matin.

Les grands bois de lauriers s'inondaient de lumière,
L'oranger lui versait de suaves senteurs,
Et son cœur se gonflait, plein de vagues ardeurs...
Une larme venait briller à sa paupière.

Pourquoi pleurer ? Lui-même, il ne le savait pas ;
Errant dans la fraîcheur des solitudes vertes,
Par les sentiers perdus, les clairières désertes,
Il écoutait les fleurs qui murmuraient tout bas :

Les Fleurs
Où t'en vas-tu si farouche,
Mon bel éphèbe, où vas-tu ?
Pourquoi ce pli sur ta bouche,
Pourquoi cet air abattu ?

Vois-tu pas sous les fleurs s'enneiger l'aubépine ?
Vois-tu pas les doux nids cachés dans le buisson ?
Allons, que le plaisir revienne en ta poitrine
Et sur tes lèvres la chanson.

Si tu connais l'amour, aime demain bien vite,
Aime encor dès demain, si tu n'as pas aimé ;
Partout la sève monte et le printemps palpite,
Toi seul, enfant, n'es pas charmé.

Tu foules d'un pied superbe
La mousse et le frais brin d'herbe,
Sans songer où vont tes pas.
La terre, à pleines corbeilles,
T'apporte des fleurs vermeilles...
Que tu ne regardes pas.
Viens, cueille-moi dès l'aurore,
Cueille, il en est temps encore,
Ah, je voudrais t'enlacer,
Vivre un instant sur ta bouche,
Et puis, si la mort me touche,
Expirer sous ton baiser.

Ainsi chante la fleur, Lykos, l'âme ravie.
Tout grisé de parfums, s'éloigne au fond des bois,
Et sous les verts arceaux où palpite la vie,
Il entend murmurer une confuse voix :

Les Arbres
Bel enfant, toi qui t'enfonce
Dans nos taillis inconnus,
Malgré le lierre et les ronces,
Chez nous sois le bienvenu.

Comme un jeune chevreuil qui bondit par les haies,
Lance de tous côtés son timide regard,
Et, quand la biche accourt vers lui dans les futaies,
Dédaigneux s'enfuit à l'écart ;

Ainsi tu marches seul, sans savoir que l'on t'aime,
Tu vas loin de la danse et de tous les plaisirs,
Tu vas, pensif et fier, amoureux de toi-même,
Sans passions et sans désirs.

Vois donc, les branches s'enlacent
Et les lianes embrassent
Les vieux chênes chevelus.
Ah, ton cœur ne peut se taire,
Bientôt, mon beau solitaire,
Tout seul, tu ne viendras plus.

Quand la vierge rougissante,
Se donnera palpitante,
Bel éphèbe, entre tes bras...
Sur vous, versant mon ombrage.
Je veux joncher de feuillage
Les sentiers verts sous vos pas.

Et Lykos s'en allait éperdu, l'œil humide,
Plein d'un trouble secret, souriant à demi,
Mais l'amour l'effrayait et son désir timide
N'appelait qu'un ami.

Lykos
Je voudrais m'appuyer sur l'épaule d'un frère,
Et sentir sur mon bras sa tête se pencher.
Nous irions de la vie admirant le mystère,
Tristes de voir sitôt la fleur se dessécher.
Nous irions, enivrés de la chaude lumière
Qui ruisselle en flots d'or sur les fauves épis ;
Nous irions en chantant une même prière
Dans le calme des nuits.

Les Rochers
D'un vain rêve, enfant, tu te leurres ;
Insensé, profite des heures,
Cherche enfin la réalité.
Ne songe plus qu'à la matière ;
L'idéal n'est qu'une chimère,
Du corps seul vient la volupté.

N'as-tu pas des bras pour étreindre ?
Crois-moi l'amour seul peut éteindre
Cette ardeur qui vient t'embraser.
Hâte-toi, la Mort est avide,
Bientôt de sa lèvre livide
Tu sentiras le froid baiser.

Les Rochers
Assez de profanes paroles !
Il faut, enfant, que tu t'envoles
Dans l'éther, bien loin du réel.
Ne songe plus à la matière,
Ton corps demain sera poussière,
Ton esprit seul est éternel.
Déjà, plein d'un sacré délire,
Dans son triste exil, il aspire
Au mystérieux Inconnu,
Et bientôt, déployant ses ailes,
Vers les régions éternelles
Il ira chercher l'Absolu.

Cependant le jeune homme, errant dans la clairière,
Les yeux perdus au ciel, était plein de langueur ;
Enivré de parfums, de sève printanière,
Il sentait les désirs s'éveiller en son cœur.
Simple enfant, sans chercher ni l'effet, ni la cause,
Il pensait qu'il est doux d'admirer chaque chose,
D'entendre tressaillir le vent sous les halliers,
De cueillir le narcisse au revers des sentiers ;
Il trouvait que l'étude est une chose aride,
Que la raison est froide et la sagesse vide,
Avec tous ses grands mots et ses rigides lois,
Et que l'homme a besoin de sourire parfois.

Lykos
Comme un vin généreux le doux printemps m'enivre.
Nuages, taisez-vous ! — Mourir ? Moi je veux vivre
Et vivre pour aimer. Chaque jour le soleil
Sans perdre un seul rayon de son éclat vermeil,
Peut s'éteindre le soir, puis s'allumer encore,
Mais pour nous renaît-il une nouvelle aurore ?
Ou bien, quand de nos jours s'est éteint le flambeau,
Dormons-nous à jamais dans la nuit du tombeau ?
Socrate, devons-nous en croire ta parole ?
Est-il vrai que vers Dieu l'âme juste s'envole ?...
Ah ! cessons de rêver un avenir obscur,
La jeunesse est si belle et l'amour est si pur !

Et Lykos s'en allait, oubliant tout le reste,
Vers l'amour éternel il prenait son essor.
O vertige ! Il cherchait la région céleste
Et son cœur, d'un coup d'aile, en effleurait le bord.
Allons, jeune homme, il faut revenir sur la terre.
Entends-tu gazouiller la source au fond des bois ?
À travers les taillis pleins d'ombre et de mystère
Elle court en chantant de sa joyeuse voix :

L& Source

Catégorie:Poèmes du XIXe siècle











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[1] Émile Reynaud et Léon Blanc, deux de ses amis d'Europe, venaient visiter la Colonie et Fernand leur en faisait les honneurs :