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Décret organique pour l’élection des députés au Corps législatif


Louis-Napoléon, président de la République, sur le rapport du ministre secrétaire d’Etat au département de l’intérieur, décrète :


Titre Ier Du Corps législatif.

Article 1er

Chaque département aura un député à raison de trente cinq mille électeurs ; néanmoins, il est attribué un député de plus à chacun des départements dans lesquels le nombre excédant des électeurs s’élève à vingt-cinq mille. En conséquence, le nombre total des députés au prochain Corps législatif est de deux cent soixante et un. L’Algérie et les colonies ne nomment pas de députés au Corps législatif.


Article 2

Chaque département est divisé, par un décret du pouvoir exécutif, en circonscriptions électorales égales en nombre aux députés qui lui sont attribués par le tableau annexé à la-présente loi. Ce tableau sera révisé tous les cinq ans. Chaque circonscription élit un un seul député.


Article 3

Le suffrage est direct et universel. Le scrutin est secret. Les électeurs se réunissent au chef-lieu de leur commune. Chaque commune peut néanmoins être divisée, par arrêté du préfet, en autant de sections que le rend nécessaire le nombre des électeurs inscrits ; l’arrêté pourra fixer le siège de ces sections hors du chef-lieu de la commune.


Article 4

Les collèges électoraux sont convoqués par un décret du pouvoir exécutif. L’intervalle entre la promulgation du décret et l’ouverture des collèges électoraux est de vingt jours au moins.


Article 5

Les opérations électorales sont vérifiées par le Corps législatif, qui est seul juge de leur validité.


Article 6

Nul n’est élu ni proclamé député au Corps législatif, au premier tour de scrutin, s’il n’a réuni, 1° la majorité absolue des suffrages exprimés ; 2° un nombre égal au quart de celui des électeurs inscrits sur la totalité des listes de la circonscription électorale. Au second tour de scrutin, l’élection a lieu à la majorité relative, quel que soit le nombre des votants ; dans le cas où les candidats obtiendraient un nombre égal de suffrages, le plus âgé sera proclamé député.


Article 7

Le député élu dans plusieurs circonscriptions électorales doit faire connaître son option au président du Corps législatif dans les dix jours qui suivront la déclaration de la validité de ces élections.


Article 8

En cas de vacances par option, décès, démission, ou autrement, le collège électoral qui doit pourvoir à la vacance est réuni dans le délai de six mois.


Article 9

Les députés ne pourront être recherchés, accusés ni jugés en aucun temps pour les opinions qu’ils auront émises dans le sein du Corps législatif.


Article 10

Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un député durant la session et pendant les six semaines qui l’auront précédée ou suivie.


Article 11

Aucun membre du Corps législatif ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté en matière criminelle, sauf le cas de flagrant délit, qu’après que le Corps législatif a autorisé la poursuite.


Titre II Des électeurs et des listes électorales.


Article 12

Sont électeurs, sans condition de cens, tous les Français, âgés de vingt et un ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques.


Article 13

La liste électorale est dressée, pour chaque commune, par le maire. Elle comprend, par ordre alphabétique, 1° tous les électeurs habitant dans la commune depuis six mois au moins ; 2° ceux qui n’ayant pas atteint, lors de la formation de la liste, les conditions d’âge et d’habitation, doivent les acquérir avant la clôture définitive.


Article 14

Les militaires en activité de service et les hommes retenus pour le service des ports ou de la flotte, en vertu de leur immatriculation sur les rôles de l’inscription maritime, seront portés sur les listes des communes où ils étaient domiciliés avant leur départ. Ils ne pourront voter pour les députés au Corps législatif que lorsqu’ils seront présents, au moment de l’élection, dans la commune où ils seront inscrits.


Article 15

Ne doivent pas être inscrits sur les listes électorales, 1° les individus privés de leurs droits civils et politiques par suite de condamnation, soit à des peines afflictives ou infamantes, soit à des peines infamantes seulement ; 2° ceux auxquels les tribunaux, jugeant correctionnellement, ont interdit le droit de vote et d’élection, par application des lois qui autorisent cette interdiction ; 3° les condamnés pour crime à l’emprisonnement, par application de l’article 463 du Code pénal ; 4° ceux qui ont été condamnés à trois mois de prison par application des articles 318 et 423 du Code pénal ; 5° les condamnés pour vol, escroquerie, abus de confiance, soustraction commise par les dépositaires de deniers publics, ou attentats aux mœurs, prévus par les articles 330 et 334 du Code pénal, quelle que soit la durée de l'emprisonnement auquel ils ont été condamnés ; 6° les individus qui, par application de l’article 8 de la loi du 17 mai 1819 et de l’article 3 du décret du 11 août 1848, auront été condamnés pour outrage à la morale publique et religieuse ou aux bonnes mœurs, et pour attaque contre le principe de la propriété et les droits de la famille ; 7° les individus condamnés à plus de trois mois d’emprisonnement en vertu des articles 31, 33, 34, 35, 36, 38, 39, 40, 41, 42, 45 et 46 de la présente loi ; 8° les notaires, greffiers et officiers ministériels destitués en vertu de jugements ou décisions judiciaires ; 9° les condamnés pour vagabondage ou mendicité ; 10° ceux qui auront été condamnés à trois mois de prison au moins, par application des articles 439, 443, 444, 445, 446, 447 et 452 du Code pénal ; 11° ceux qui auront été déclarés coupables des délits prévus par les articles 410 et 411 du Code pénal et par la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries ; 12° les militaires condamnés au boulet ou aux travaux publics ; 13° les individus condamnés à l’emprisonnement par application des articles 38, 41, 45 et 45 de la loi du 21 mars 1832 sur le recrutement de l’armée ; 14° les individus condamnés à l’emprisonnement par application de l’article 1er de la loi du 27 mars 1851 ; 15° ceux qui ont été condamnés pour délit d’usure ; 16° les interdits ; 17° les faillis non réhabilités dont la faillite a été déclarée soit par les tribunaux français, soit par jugements rendus à l’étranger, mais exécutoires en France.


Article 16

Les condamnés à plus d’un mois d'emprisonnement pour rébellion, outrages et violences envers les dépositaires de l’autorité ou de la force publique, pour outrages publics envers un juré à raison de ses fonctions ou envers un témoin à raison de sa déposition, pour délits prévus par la loi sur les attroupements et la loi sur les clubs, et pour infraction à la loi sur le colportage, ne pourront pas être inscrits sur la liste électorale pendant cinq ans, à dater de l'expiration de leur peine.


Article 17

Les listes électorales qui ont servi au vote des 20 et 21 décembre 1851 sont déclarées valables jusqu’au 31 mars 1853.


Article 18

Les listes électorales sont permanentes. Elles sont l’objet d’une révision annuelle. Un décret du pouvoir exécutif déterminera les règles et les formes de cette opération.


Article 19

Lors de la révision annuelle, et dans les délais qui seront réglés par les décrets du pouvoir exécutif, tout citoyen omis sur la liste pourra présenter sa réclamation à la mairie. Tout électeur inscrit sur l’une des listes de la circonscription électorale pourra réclamer la radiation ou l’inscription d’un individu omis ou indûment inscrit. Le même droit appartient aux préfets et aux sous préfets. II sera ouvert, dans chaque mairie, un registre sur lequel les réclamations seront inscrites par ordre de date. Le maire devra donner récépissé de chaque réclamation. L’électeur dont l’inscription aura été contestée en sera averti sans frais, par le maire, et pourra présenter ses observations.


Article 20

Les réclamations seront jugées par une commission composée, à Paris, du maire et de deux adjoints ; partout ailleurs, du maire et de deux membres du conseil municipal désignés par le conseil.


Article 21

Notification de la décision sera, dans les trois jours, faite aux parties intéressées par le ministère d’un agent assermenté. Elles pourront interjeter appel dans les cinq jours de la notification.


Article 22

L’appel sera porté devant le juge de paix du canton ; il sera formé par simple déclaration au greffe ; le juge de paix statuera dans les dix jours, sans frais ni forme de procédure, et sur simple avertissement, donné trois jours à l’avance à toutes les parties intéressées. Toutefois, si la demande portée devant lui implique la solution préjudicielle d’une question d’Etat, il renverra préalablement les parties à se pourvoir, devant les juges compétents, et fixera un bref délai dans lequel la partie qui aura élevé la question préjudicielle devra justifier de ses diligences. Il sera procédé, en ce cas, conformément aux articles 855, 856 et 858 du Code de procédure.


Article 23

La décision du juge de paix est en dernier ressort, mais elle peut être déférée à la Cour de cassation. Le pourvoi n’est recevable que s’il est formé dans les dix jours de la notification de la décision. II n’est pas suspensif. II est formé par simple requête, dénoncée aux défendeurs dans les dix jours qui suivent ; il est dispensé de l'intermédiaire d’un avocat à la Cour, et jugé d’urgence, sans frais ni consignation d'amende. Les pièces et mémoires fournis par les parties sont transmis, sans frais, par le greffier de la justice de paix au greffier de la Cour de cassation. La chambre des requêtes de la Cour de cassation statue définitivement sur le pourvoi.


Article 24

Tous les actes judiciaires sont, en matière électorale, dispensés du timbre et enregistrés gratis. Les extraits des actes de naissance nécessaires pour établir l’âge des électeurs sont délivrés gratuitement, sur papier libre, à tout réclamant. Ils portent en tête de leur texte l’énonciation de leur destination spéciale et ne peuvent servir à aucune autre.


Article 25

L’élection est faite sur la liste révisée pendant toute l’année qui suit la clôture de la liste.


Titre III Des éligibles


Article 26

Sont éligibles, sans condition de domicile, tous les électeurs âgés de vingt-cinq ans.


Article 27

Sont déclarés indignes d’être élus les individus désignés aux articles 15 et 16 de la présente loi.


Article 28

Sera déchu de la qualité de membre du Corps législatif tout député qui, pendant la durée de son mandat, aura été frappé d’une condamnation emportant, aux termes de l’article précédent, la privation du droit d’être élu. La déchéance sera prononcée par le Corps législatif sur le vu des pièces justificatives.


Article 29

Toute fonction publique rétribuée est incompatible avec le mandat de député au Corps législatif. Tout fonctionnaire rétribué, élu député au Corps législatif, sera réputé démissionnaire de ses fonctions, par le seul fait de son admission comme membre du Corps législatif, s’il n’a pas opté avant la vérification de ses pouvoirs. Tout député au Corps législatif est réputé démissionnaire par le seul fait de l’acceptation de fonctions publiques salariées.


Article 30

Ne pourront être élus dans tout ou partie de leur ressort, pendant les six mois qui suivraient leur destitution, leur démission ou tout autre changement de leur position, les fonctionnaires publics ci-après indiqués ; les premiers présidents, les procureurs généraux ; les présidents des tribunaux civils et les procureurs de la République ; le commandant supérieur des gardes nationales de la Seine ; le préfet de police, les préfets et les sous préfets ; les archevêques, évêques et vicaires généraux ; les officiers généraux commandant les divisions et subdivisions militaires ; les préfets maritimes.


Titre IV Dispositions pénales


Article 31

Toute personne qui se sera fait inscrire sur la liste électorale sous de faux noms ou de fausses qualités, ou aura, en se faisant inscrire, dissimulé une incapacité prévue par la loi, ou aura réclamé et obtenu une inscription sur deux ou plusieurs listes, sera punie d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cent à mille francs.


Article 32

Celui qui, déchu du droit du voter,

soit par suite d’une condamnation judiciaire, soit par suite d’une faillite non suivie de réhabilitation, aura voté, soit en vertu d’une inscription sur les listes antérieures à sa déchéance, soit en vertu d’une inscription postérieure mais opérée sans sa participation, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d’une amende de vingt à cinq cents francs.


Article 33

Quiconque aura volé dans une assemblée électorale, soit en vertu d’une inscription obtenue dans les deux premiers cas prévus par l’article 31, soit en prenant faussement les noms et qualités d’un électeur inscrit, sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans, et d’une amende de deux cents francs à deux mille francs.


Article 34

Sera puni de la même peine tout citoyen qui aura profité d’une inscription multiple pour voter plus d’une fois.


Article 35

Quiconque étant chargé, dans un scrutin, de recevoir, compter ou dépouiller les bulletins contenant les suffrages des citoyens, aura soustrait, ajouté ou altéré des bulletins, ou lu un nom autre que celui inscrit, sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de cinq cents francs a cinq mille francs.


Article 56

La même peine sera appliquée à tout individu qui, chargé par un électeur d’écrire son suffrage, aura inscrit sur le bulletin un nom autre que celui qui lui était désigné.


Article 57

L’entrée dans l'assemblée électorale avec armes apparentes est interdite. En cas d’infraction, le contrevenant sera passible d’une amende de seize à cent francs. La peine sera d’un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d’une amende de cinquante francs à trois cents francs si les armes étaient cachées.


Article 38

Quiconque aura donné, promis ou reçu des deniers, effets ou valeurs quelconques, sous la condition soit de donner ou de procurer un suffrage, soit de s’abstenir de voter, sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de cinq cents francs à cinq mille francs. Seront punis des mêmes peines, ceux qui, sous les mêmes conditions, auront fait ou accepté l’offre ou la promesse d’emplois publics ou privés. Si le coupable est fonctionnaire public, la peine sera du double.


Article 39

Ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un électeur, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortuné, l’auront déterminé à s’abstenir de voter, ou auront influencé un vote, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cent francs à mille francs ; la peine sera du double si le coupable est fonctionnaire public.


Article 40

Ceux qui, à l’aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux, ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s’abstenir de voter, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cent francs à deux mille francs. .

Article 41

Lorsque, par attroupements, clameurs ou démonstrations menaçantes, on aura troublé les opérations d'un collège électoral, porté atteinte à l’exercice du droit électoral ou à la liberté du vote, les coupables seront punis d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de cent francs à deux mille francs.


Article 42

Toute irruption dans un collège électoral consommée ou tentée avec violence, en vue d’empêcher un choix, sera punie d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de mille francs à cinq mille francs.


Article 43

Si les coupables étaient porteurs d’armes, ou si le scrutin a été violé, la peine sera la réclusion.


Article 44

Elle sera des travaux forcés à temps

si le crime a été commis par suite d’un plan concerté pour être exécuté soit dans toute la République, soit dans un ou plusieurs départements, soit dans un ou plusieurs arrondissements.


Article 45

Les membres d’un collège électoral qui, pendant la réunion, se seront rendus coupables d’outrages ou de violences, soit envers le bureau, soit envers l'un de ses membres, ou qui, par voies de fait ou menaces, auront retardé ou empêché les opérations électorales, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cent francs à deux mille francs. Si le scrutin a été violé, l'emprisonnement sera d’un an à cinq ans, et l’amende de mille à cinq mille francs.


Article 46

L’enlèvement de l’urne contenant les suffrages émis et non encore dépouillés sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans, et d’une amende de mille à cinq mille francs. Si cet enlèvement a été effectué en réunion et avec violence, la peine sera la réclusion.


Article 47

La violation du scrutin faite, soit par les membres du bureau soit par les agents de l’autorité préposés à la garde des bulletins non encore dépouillés, sera punie de la réclusion.


Article 48

Les crimes prévus par la présente loi seront jugés par la cour d’assises, et les délits par les tribunaux correctionnels ; l’article 463 du Code pénal pourra être appliqué.


Article 49

En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits prévus par la présente loi et commis antérieurement au premier acte de poursuite, la peine la plus forte sera seule appliquée.


Article 50

L’action publique et l’action civile seront prescrites après trois mois, à partir du jour de la proclamation du résultat de l’élection.


Article 51

La condamnation, s’il en est prononcé, ne pourra, en aucun cas, avoir pour effet d’annuler l’élection déclarée valide par les pouvoirs compétents, ou dûment définitive par l’absence de toute protestation régulière formée dans les délais voulus par les lois spéciales.


Article 52

Les lois antérieures sont abrogées

en ce qu’elles ont de contraire aux dispositions de la présente loi.


Titre V Dispositions générales


Article 53

Pour l’élection du président de la République, une loi spéciale réglera le

mode de votation de l’armée.


Article 54

Un décret réglementaire, rendu en exécution des dispositions de l’article 6 de la Constitution, fixera, 1° les formalités administratives pour la révision annuelle des listes ; 2° toutes les dispositions relatives à la composition, aux attributions et aux opérations des collèges électoraux.


Signé Louis-Napoléon.

Contresigné de Persigny.