Louis Garneray: Le marin

LOUIS GARNERAY
LE MARIN


Il n’est pas banal, dans sa dualité, Louis Ambroise Garneray[1] marin et peintre de marines, né à Paris, le 19 février 1783.

Au premier abord et pour beaucoup le peintre seul peut paraître intéressant ; mais dans cet homme un peu fruste, c’est le marin qui a fait le peintre ; vouloir ignorer le loup de mer serait se refuser à comprendre l’artiste ; il est donc indispensable, à qui veut le bien connaître, d’étudier sa vie tout entière.

Pour l’écrire, cette vie, il n’y aurait, semble-t-il, qu’à suivre presque pas à pas les Mémoires de Garneray lui-même. Sous des titres fantaisistes et une forme qui en fait quasi des romans, il a laissé, en effet, une autobiographie vraiment attachante. « C’est le plus beau livre qui ait été écrit sur l’héroïsme des marins français », a dit M. Victor Tissol, en tête de l’édition donnée en 1886 dans la Bibliothèque des Voyages, Chasses et Aventures. Mais quelque subjugué que l’on soit par ces récits, on est un instant déconcerté car on soupçonne, on sent qu’un peu d’innocente broderie a dû s’y glisser, soit volontairement pour donner plus de vie, plus de charme et retenir le lecteur ; soit inconsciemment par le seul fait du mirage idéalisant qui auréole toujours le passé. S’il s’agit d’en dégager une étude sérieuse, la question se pose : où est la vérité simple ? où est la broderie ou, plus exactement, l’arrangement ?… on craint, on hésite.

Du moins n’aura-t-on ni craintes, ni hésitations avec les pièces authentiques des archives de la marine[2] grâce auxquelles nous avons pu établir, d’une façon absolument certaine, les états de service de Louis Garneray.

Seuls, ces documents officiels seraient froids et secs ; rattachés aux détails des Mémoires ils formeront, nous l’espérons, un tout moins aride qui permettra d’apprécier cette physionomie originale et bien personnelle.


Louis Garneray avait treize ans et demi lorsqu’il déclara sa résolution de naviguer. « Mon père[3], peintre de genre, me destinait à suivre la même carrière que lui ; mes études classiques furent donc pour l’art. Un penchant irrésistible que je ressentais pour les aventures et les voyages, un enthousiasme pour la gloire qui me présentait sans cesse des pensées et des rêves de combats, s’opposèrent à la réalisation de ces désirs. »

Ici ni mention, ni trace de cette résistance des parents, devenue traditionnelle pour la vocation de l’enfant que nous trouvons embarqué le 20 février 1796 à Rochefort, comme novice à 24 francs, sur la Forte[4], frégate de la division navale du contre-amiral marquis de Sercey[5], commandée par Beaulieu-Leloup, cousin de Garneray.

« Mon parent Beaulieu-Leloup commença par me dire : “ Tu peux compter sur moi. S’il y a des coups à recevoir, un danger à courir, je te choisirai de préférence à tout homme de l’équipage. Si tu commets la moindre faute, la plus petite négligence dans ton service, je te promets de te punir avec deux fois plus de sévérité que je n’en emploierais dans une occasion semblable avec n’importe quel matelot. Une fois puni, je prends l’engagement de rester inexorable pour toi. Pas de remerciements, c’est inutile. ” »[6]

Le jour même le commandant le mettait entre les mains du matelot Kernau qui jugea opportun de commencer par le griser. À la sortie du cabaret on se battit avec des soldats qui passaient. « Un marin a le droit de battre les bourgeois, les soldats et tout le tremblement », prétendait Kernau. On alla dormir au violon ! Quoi de mieux ? Kernau n’était-il pas chargé de l’éducation du novice ?

Bientôt, cependant, il ne s’agit plus d’être gris, mais de monter au haut d’un mât. « En me voyant ainsi suspendu à près de quatre-vingts pieds au-dessus d’une mer furieuse qui enlevait la frégate comme si elle eût été une tige de paille, je me sentais pris de vertige et je me cramponnais du mieux que je pouvais. — Kernau, dis-je à mon matelot, je sens que je ne puis plus résister, je vais tomber. — Bah ! est-ce qu’on tombe ? reprit-il ! — Appelant à mon aide toute ma force de volonté et toute mon énergie, j’essayai d’obéir ; mais à peine avais-je lâché la vergue que la frégate donna un violent coup de tangage. Ne m’attendant pas à ce mouvement contraire, je perdis l’équilibre. — Kernau, je tombe, m’écriai-je de nouveau en fermant les yeux. Je me sentais déjà au fond de la mer ! »

Le premier combat auquel Garneray prit part fut celui de Madras. Il sut plus tard que Kernau avait ordre de le jeter à la mer s’il faiblissait. On ne gâtait pas les enfants dans cette fin de siècle[7] !

Du 30 décembre 1797 au 26 avril 1798, le novice servit sur la prise l’Elcinger[8] ; puis il passa comme matelot à 24 francs sur la corvette le Brûle-Gueule, où il resta du 27 avril 1798 au 30 juillet 1799[9].

Entre temps il reprenait ses crayons — ne les aimait-il pas autant que la mer ? — il les reprenait trop souvent même car le papier à dessin ne courant point généralement le pont des navires il se servait de tout, illustrait tout ce qui lui tombait sous la main, illustrait avec rage jusqu’aux cages à poules et jusqu’au journal du bord, ce qui était dangereux n’entrant point dans les attributions ordinaires d’un matelot ; il allait l’apprendre s’il l’ignorait : « — Ayant eu plusieurs fois à ma disposition, en ma qualité de timonier, le journal du bord, je n’avais pu résister à la tentation par trop forte d’une feuille de papier blanc et d’une plume à peu près taillée et je m’étais permis de griffonner en marge, au dos, des navires de toutes formes et de toute grandeur. Un matin, M. Frélot, officier fort sévère, aperçut une de mes productions antiréglementaires. — Qui a osé se permettre de salir ainsi ce journal ? me demanda-t-il d’une voix prête à s’élever. Interdit, je cherchais une réponse lorsque pour comble de malheur le capitaine se montra sur le pont et se dirigea vers l’endroit de la dunette où nous nous trouvions ; hélas ! il venait justement demander le journal du bord.

« Je laisse à deviner l’embarras que j’éprouvai lorsque le lieutenant en pied montra, d’un air de triomphe, à M. Bruneau de la Souchais le dessin accusateur. Le capitaine l’examina avec beaucoup d’attention, puis tout à coup et d’un air sévère : — Quel est l’auteur de ce chef-d’œuvre ? demanda-t-il au lieutenant. — Je l’ignore, capitaine, répondit celui-ci en souriant d’un petit air malicieux et satisfait qui me fit peur ; j’adressais à l’instant cette même question au timonier Garneray qui ne m’a pas répondu. — Eh bien ! Garneray, entendez-vous ! me dit M. Bruneau de la Souchais, M. Frélot vous parle.

« Après avoir, avec cette lucidité et cette promptitude que donne le stimulant du danger à notre esprit, cherché pendant une seconde un moyen, soit de me tirer de ce mauvais pas, soit d’atténuer les conséquences fâcheuses que devait entraîner pour moi ma faute, je ne trouvai rien de mieux que cette phrase-ci : — C’est moi, capitaine, qui ai commis ce dessin. — Ah ! c’est vous, Monsieur ; fort bien ; allez me chercher le capitaine d’armes et revenez avec lui ici. Cette mission n’avait rien d’agréable, j’en conviens… il me fallut obéir… Que l’on juge de ma stupéfaction, lorsque j’aperçus, en retournant accompagné du capitaine d’armes, M. Bruneau de la Souchais accroupi devant une cage à poules et occupé à examiner mes dessins, tracés, non plus cette fois à la plume, mais avec la pointe de mon couteau. Je sentais à ce moment seulement toute l’étendue de mon crime et je me vis destiné, au moins, au supplice de la cale mouillée. »

Les officiers s’amusent du pauvre enfant pour lequel heureusement le supplice de la cale mouillée se réduit à la seule privation de vin « jusqu’à nouvel ordre »… puis à midi : « Monsieur Garneray, me dit M. Bruneau de la Souchais avec cet air affable et ces manières de grand seigneur que personne au monde ne possédait mieux que lui, si vos travaux d’art vous permettent de disposer d’une heure de votre temps, je serai heureux de vous avoir aujourd’hui à dîner avec moi. » L’invitation est quelque peu ironique ; mais qu’importe au gamin, il ne s’en aperçoit même pas, saute de joie et s’empresse de dédaigner les haricots durs et le lard salé de l’ordinaire. « Je me ménageais pour pouvoir faire honneur à la cuisine du capitaine ! — Cré mâtin, me dit un vieux loup de mer placé près de moi, t’as de la chance ; mais je ne voudrais pas, pour dix parts de prise, me trouver dans ta peau. — Pourquoi cela ? — Tiens c’te bêtise ! parce que s’il fallait m’asseoir à côté du capitaine, déplier ma serviette et me l’attacher au cou, cracher en mettant ma main de côté près de ma bouche, retourner ma chique en douceur, enfin avoir ce qu’on appelle de bonnes manières, j’aurais tellement peur d’oublier quèque chose de la civilité, que je serais capable d’étouffer net. T’as pas peur, toi ? — Mais non, pas le moins du monde. — Cré mâtin, il faut que tu aies tout de même un fier toupet ! »

Le 1er ; août 1799, Garneray est passé sur la frégate la Preneuse, capitaine Lhermitte[10], et le 5 septembre il assiste à la malheureuse affaire de la baie de Lagoa et au terrible combat contre le navire anglais le Jupiter. Il raconte toute cette croisière d’une façon saisissante. Mais, s’il faut lire dans la France maritime[11] l’article extrait de ses Mémoires inédits, qu’il a consacré au combat de l’Ile de France et à la pauvre Preneuse, il en faut lire aussi les détails dans Voyages, Aventures et Combats. Garneray reste toujours dans le domaine de la plus grande simplicité, mais comme il sait mettre en relief et la noblesse et l’héroïsme de Lhermitte ! Combien sont vécues ces pages vibrantes ! combien poignantes les tristesses du scorbut à bord ! combien senties et vraies les impressions morales du marin ! Jamais il ne parle de sa conduite personnelle ; pas une pensée d’orgueil n’apparaît ; cependant n’était-il pas au plus fort de la mêlée, celui qui en retrace les phases avec tant de vivacité[12] ?

Jusqu’ici nous avons suivi l’ordre chronologique fourni par le dossier officiel et imprimé par Garneray lui-même. Le 21 octobre 1845 il s’adressait, en effet, au ministère de la marine pour réclamer ses états de service et, la réponse n’ayant sans doute mentionné que son embarquement sur la Forte, il écrivait de nouveau deux mois plus tard, de Nice, le 29 décembre :

« Puisque mon embarquement à bord de la Forte est constaté, je pense qu’on pourra facilement trouver les autres au moyen des renseignements suivants : Je fis deux croisières successives sur la Forte… Près de Batavia nous prîmes le navire anglais le Pigot[13] sur lequel je fus mis, et je ne sais combien de mois après nous arrivâmes à l’Île de France. Presque immédiatement je fus embarqué sur le Brûle-Gueule (Brest, 1797)[14], capitaine Bruneau de la Souchais. Après une longue croisière, je passai sur la Preneuse, capitaine Lhermitte, détruite dans la baie du Tombeau (Île de France). »

Mais à ce moment une lacune se produit. Une des feuilles du dossier officiel contient cette observation en marge : « Les rôles d’équipages des divers corsaires à bord desquels le sieur Garneray aurait servi dans l’Inde, de 1799 à 1805, ayant été perdus par suite de la prise et de la perte desdits bâtiments, les archives centrales de la marine se trouvent dans l’impossibilité de pouvoir déterminer la durée de ses services. »

La succession des faits peut cependant être à peu près reconstituée grâce à d’autres documents du dossier qui enregistrent plusieurs embarquements successifs.

La Preneuse a succombé le 28 décembre 1799. À cette époque doit correspondre un séjour à terre — à Port-Louis vraisemblablement — séjour pendant lequel M. Montalent, constructeur, voulut s’attacher Garneray comme dessinateur. Dans ses Mémoires, où malheureusement la précision fait un peu défaut, il dit avoir refusé cet emploi pour reprendre la mer en qualité de lieutenant sur le Mathurin, navire marchand que les négociants de l’île de France envoyaient à Bombetoc[15] pour reconnaître le pays et tenter de conclure un traité de commerce.

Après les difficultés du voyage, et l’entrevue avec la reine, la Ranavalo d’alors, presque exclusivement occupée à frapper contre l’ongle « de son pouce la tête de sa pipe pour en faire tomber la cendre »[16], voici des détails sur les mœurs malgaches. La narration est amusante, mouvementée, et bien que le dossier officiel ne parle pas particulièrement de cette mission, ayons foi dans l’auteur et profitons-en sans scrupule.

Carvalho, l’interprète portugais, rencontre un indigène qu’il dit être son frère ; mais le type diffère étrangement et Garneray s’étonne : « Oh ! cet homme n’est mon frère, ni par mon père, ni par ma mère. — Et comment l’est-il donc alors ? — Il l’est par le sang, Seigneurie. — Ceci n’est pas clair. — C’est que vous n’êtes pas au courant des mœurs de Madagascar ; ici quand on veut devenir le frère de quelqu’un, on procède, en public, à une cérémonie qui vous donne légalement ce titre ; et cela à tel point que vous héritez de lui, même au préjudice de sa femme. Les deux hommes qui veulent s’unir par les liens de la fraternité se piquent tous les deux le bras, puis recueillent le sang qui en découle, ils le mêlent dans deux vases dont ils boivent le contenu en se tenant par la main… Tout est dit, on est devenu frères. »

Suit la description d’un combat de taureaux donné par le vice-roi de Mozangaïe, comme fête d’adieu aux officiers du Mathurin, combat, ou plutôt boucherie écœurante, suivie d’un repas homérique : « Cent feux s’allumèrent comme par enchantement, cent cuisines furent dressées en un clin d’œil au milieu de la plaine et sur les bords de la lagune. Des arbres entiers abattus et livrés à la flamme servirent à faire cuire les trente taureaux immolés pendant le combat. Quant aux moutons et aux pièces de gibier, on ne les considérait, au milieu de ce rôtissage fantastique, que comme de simples hors-d’œuvre. »

Après cette période un peu incertaine, nous reprenons pied sur les documents authentiques.

« La colonie étant dépourvue de navires de guerre, je fis successivement une course sur la Confiance, capitaine Robert Surcouf[17] ; ce fut cette course qui immortalisa son nom. Une autre sur l’Amphitrite, capitaine Malleroux. L’explosion de la corvette le Trinquemalay que nous abordions ayant fait couler le corsaire, je me sauvai à bord d’une de nos prises la Perle qui me ramena à l’Île de France[18]. »

Pourquoi ne pas citer des fragments de cet épisode ?

« Enivrés par le combat, par l’odeur de la poudre, par la haine pour l’Anglais, nous avons perdu le sentiment du danger et de la souffrance ; tout nous semble possible. On commence à s’égorger à travers les sabords, puis la lutte s’engage sur le gaillard d’avant du Trinquemalay. Les Anglais sont deux fois plus nombreux que nous ; ils se battent bravement ; mais que peuvent-ils contre la fureur qui nous anime ?…

« … Du milieu de cet affreux et sanglant pêle-mêle, de ce chaos hideux et sublime tout à la fois, on entend la voix retentissante de Maleroux qui domine les cris des blessés et des mourants. L’intrépide Breton a retroussé les manches de sa chemise jusqu’au coude et, chaque fois que sa hache s’abat, un Anglais tombe… Il n’y a donc pas lieu de s’étonner qu’après quelques minutes de ce gigantesque carnage l’équipage de la corvette soit culbuté, débusqué de tout point et refoulé jusqu’au gaillard d’arrière… ils se précipitent les uns à la mer, les autres dans la batterie et nous laissent maîtres enfin de leur pont couvert de sang et de cadavres ? »

Le second veut que l’on égorge les Anglais qui, réfugiés dans la batterie, tirent à travers les écoutilles ; le capitaine s’oppose à cette cruauté et fait abattre les mantelets des sabords ; ils tirent à travers les mantelets !… bientôt le feu est à bord du Trinquemalay.

« Capitaine, retournons sur l’Amphitrite et tâchons de nous éloigner de ce navire avant qu’il saute, dit Duverger (le second). — Sans sauver ces malheureux qui brûlent tout vivants sous nos pieds ? s’écrie Maleroux, cela est impossible ! — Au moment même où notre capitaine prend si généreusement la défense de nos ennemis, de nouveaux coups de fusil nous sont adressés à travers les écoutilles ; il faut que ces gens soient en proie au délire ! À présent voudrait-on les sauver qu’il est trop tard ; l’incendie augmente d’intensité avec une rapidité effrayante ; nous nous élançons, épouvantés pour la première fois… Nous sommes à peine rendus sur notre navire quand une explosion terrible, sans nom, dont on ne peut se faire une idée éclate, semblable à un volcan, le long de l’Amphitrite et nous enveloppe d’un nuage de feu, de fumée. Bientôt des débris humains, sanglants et noircis retombent sur notre pont et autour de nous ; ce sont les restes du Trinquemalay et de son équipage. L’Amphitrite disjointe va couler, les blessés se hissent aux parois. Les malheureux ! mais qu’ils ne craignent rien, leur sauvetage est la seule pensée de Maleroux »… Les canots, les chaloupes s’emplissent… « L’Amphitrite s’enfonce avec une vitesse si effrayante que nous sommes obligés de l’abandonner en laissant derrière nous quelques moribonds que la mer va sauver d’une douloureuse agonie… À peine la chaloupe qui porte le capitaine Maleroux est-elle éloignée de quelques brasses que notre pauvre capitaine, se rappelant qu’il a oublié d’emporter ses lettres d’expédition, ordonne que l’on rebrousse chemin. Le danger est grand, mais comment ne pas obéir ? »… L’embarcation accoste l’Amphitrite presque submergée, Maleroux saute dans sa cabine, saisit ses expéditions et remonte sur le pont. « Malheur ! au moment de mettre le pied dans la chaloupe notre infortuné capitaine sent un obstacle peser sur sa tête, c’est le filet casse-tête du gaillard d’arrière ! Sans perdre en rien son sang-froid, il essaie en vain de se dégager, on se précipite à son secours ; mais, efforts impuissants, l’Amphitrite s’enfonce au même moment en emportant et son digne commandant et la chaloupe dont l’équipage s’est dévoué en essayant de le sauver. »

Pour la première fois Garneray va parler un peu de lui, mais si peu… « Atteint de quelques éclaboussures, je fus forcé de me mettre au lit. » Et c’est tout !

Il était original et brusque, ont dit ses contemporains ; nous ne saurions aujourd’hui contester l’assertion ; mais pour modeste, il l’était, on ne peut le nier ; et brave, ne l’était-il pas aussi ? Et la forme du récit, est-elle donc d’un indifférent, inaccessible aux sentiments du cœur ?

Dans son article : Première course de Surcouf sur « le Hasard[19] », il établit la distinction, généralement trop peu comprise, entre le franc coursier, corsaire légal, qui versait 50 pour 100 de ses prises dans les coffres de l’État, en retour de la permission qui lui était conférée de poursuivre et de capturer l’ennemi, et le corsaire forban, pillard pour son propre compte, en dehors de tout droit. Puis, dans ses Mémoires, nous ayant fait connaître le caractère de Surcouf, il conte ses ruses qui, avouons-le, ne nous semblent pas toutes de bonne guerre… mais nous ne sommes plus, grâce à Dieu, au temps des corsaires et vraiment saurions-nous apprécier leurs actes lorsque Garneray dit lui-même : « Je devrais, à présent, décrire quelques-uns des épisodes dont je fus témoin ; mais je sens que la force me manque. Les nombreuses années qui se sont écoulées depuis l’abordage du Kent en retirant à mon sang sa fougue et sa chaleur me montrent aujourd’hui sous un tout autre aspect les événements de mon passé. »

Après ces horribles scènes, après ce corps à corps sans pitié ni merci, voyons plutôt Surcouf esclave de sa parole, plein de générosité pour les vaincus et sourions à cette riposte : « Un capitaine anglais prétendait que les Français ne se battaient jamais que pour l’argent, tandis que les Anglais ne combattent que pour l’honneur et pour la gloire. — Eh bien, qu’est-ce que cela prouve, répondit Surcouf, sinon que nous combattons chacun pour ce qui nous manque ! »

Les documents officiels, pas plus que la lettre de Garneray, ne parlent de cette course sur le Hasard ; mais dans la France maritime[20] nous trouvons, accompagnant une gravure de Garneray : Abordage du Triton par le corsaire le Hasard, un article anonyme avec cette note : « Notre collaborateur, M. Louis Garneray, dont nous avons précédemment analysé les campagnes maritimes, était embarqué avec Surcouf sur le Hasard et il a suivi l’intrépide corsaire dans ses plus périlleuses croisières. » Garneray était avec lui notamment au combat du Kent et de la Confiance[21].

Surcouf allait rentrer en France pour se marier[22] ; mais Garneray, lui, voulait rester aux Indes. Si nous reprenons sa lettre du 29 décembre 1845, nous voyons qu’alors il fit une course à bord du brig l’Adèle, de Nantes, capitaine Surcouf aîné frère de Robert.[23] « Pendant les deux années de paix je fis : un voyage dans l’Inde à bord du brig la Caroline[24] et plusieurs voyages sur la côte d’Afrique[25] à bord de la kèche l’Union, capitaine Cousinerie.

« Sur ces entrefaites la guerre s’étant allumée avec l’Angleterre, j’embarquai, comme second, sur le côtre de l’État le Pinson[26] non armé en guerre et destiné à faire le service de la côte à l’île Bourbon. À quelques mois de là on m’en confia le commandement. Quelques mois plus tard la frégate l’Atalante »… Ici nous devons nous arrêter dans la lettre de Garneray car, avant son passage sur l’Atalante, les documents officiels enregistrent son embarquement sur le demi-chibeck[27] la Turlurette. En outre, nous ne le constatons aide-timonier à 36 francs sur l’Atalante que le 30 août 1805 ; donc nouvelle lacune qui vraisemblablement fut un séjour sur le négrier la Doris. Il n’en parle pas dans sa lettre — et il n’avait pas à le faire — ce voyage ne pouvant compter dans ses états de service ; il ne le fit, d’ailleurs, qu’obligatoirement et presque par surprise.

Dans une succession de circonstances défavorables : révolte à bord, attaque de pirates, naufrages, toutes ses parts de prises avaient été perdues et il avait dû s’engager comme simple matelot ; puis, pour rejoindre la côte d’Afrique, prendre, sans y regarder de trop près, le premier navire en partance. Accepté comme passager, ce ne fut qu’après le départ qu’il acquit la certitude d’être sur un brick négrier.

Une fois en mer, il y faut bien rester ! Le plus grave, c’est que le lieutenant de la Doris étant mort, le capitaine Liard[28] vient supplier Garneray de le remplacer ; il repousse énergiquement la proposition que bientôt, cependant, un sentiment d’obligeance lui fait accepter ; il remplira les fonctions de lieutenant, mais du moins refuse-t-il toute rémunération. Il croyait bien quitter le négrier à Zanzibar. Une seconde déception l’y attendait ! diverses sommes qu’il devait toucher ne pourront lui être versées et, malgré sa profonde répugnance, il lui faut encore s’estimer heureux de reprendre sur la Doris sa place provisoire de lieutenant gratis.

S’il est, dans cette partie des passages oiseux et ternes, il s’y trouve, en revanche, de bien intéressants détails sur la traite qui, abolie par la Convention, subsistait encore clandestinement, et les théories passablement paradoxales de Liard s’évertuant à prouver les bienfaits et l’utilité de la traite. Liard nous est présenté dur, avare, d’une loyauté plus que douteuse ; il a des ruses pour toutes les situations ; il sait travestir son navire, déguiser son équipage ; il sait mystifier la douane, passer en fraude 150 noirs sur 250, etc. Faut-il accepter ces assertions sans contrôle ? nous avons le regret de n’avoir pu éclaircir ce point suspect.[29]

Une révolte éclate à bord de la Doris qui semblait vraiment poursuivie par la fatalité.

« Avais-je tort de vous conseiller, à Bourbon, de ne pas prendre passage sur la Doris, me dit Combaleau ? mettre en mer un vendredi !… M. Chasteney tué par la chute d’un épissoir, l’orage à notre sortie d’Oïve, nos désagréments avec les douaniers de Zanzibar, la révolte d’aujourd’hui et enfin la perte de ce pauvre Mimi… je n’avais que trop bien deviné. Tout cela, n’oubliez pas ce que je vous dis, ne peut finir que fort mal. Nos pères, sauf votre respect, n’étaient pas plus mauvais marins ni plus bêtes que nous… Or, c’est eux qui ont fait et nous ont laissé cette remarque. Au reste, quelque savant que vous soyez, vous me permettrez de m’en rapporter autant à l’expérience qu’à votre éducation, n’est-ce pas ? Eh bien, jamais, au grand jamais, il n’y a eu un exemple qu’un navire, après avoir perdu son chat, soit arrivé à bon port. Un amiral me soutiendrait le contraire, que je lui dirais : « Mon amiral, vous êtes un amiral, mais il y a des choses qui sont au-dessus de votre intelligence !… par exemple, vous ne vous connaissez pas en chats !… » Puis, voyant approcher une tempête : « Voyez-vous, lieutenant, redit Combaleau, ce malheur vient de la mort du chat ; c’était écrit là-haut, nous ne pouvions l’éviter. »

Que ce soit le chat ou que ce ne soit pas le chat, toujours est-il que la Doris périt dans un naufrage et que notre Garneray passa sur un radeau quatre jours dont les souffrances pourraient être comparées à celles des naufragés de la Méduse.

Enfin, il aborde à Saint-Denis et nous pouvons achever de lire sa lettre : « La frégate l’Atalante expédiée par la France étant venue mouiller à Saint-Denis (île Bourbon), j’obtins de passer à son bord.[30] On sait que cette frégate s’étant perdue au cap de Bonne-Espérance[31], je passai à bord de la Belle-Poule[32], que je fus pris à son bord[33], que je revins des prisons d’Angleterre à Cherbourg à bord d’un brig de guerre, environ quinze jours après l’arrivée de Louis XVIII[34]. Il m’est impossible de donner des renseignements plus exacts et plus circonstanciés que ceux-ci sur le temps que j’ai passé au service de la marine française… tous mes papiers ayant été perdus à bord de la Belle-Poule par suite de ma blessure. »

Une phrase de Garneray, citée par l’auteur anonyme d’un article de la France maritime[35], résume bien cette vie mouvementée : « Excepté la piraterie, j’ai fait à peu près tous les genres de navigation ; excepté l’Amérique et la Nouvelle-Hollande, j’ai vu à peu près le monde entier. J’ai parlé plusieurs langues orientales et africaines, les accidents de mer ne m’ont pas manqué. J’en ai vu de toutes les sortes. »

C’est donc sur la Belle-Poule que Garneray fut fait prisonnier par les Anglais, le 14 mars 1806. À cette dure captivité sont dus : Mes Pontons. — Neuf Années en Angleterre, illustrés par l’auteur et Janet-Lange[36].

De Portsmouth, Garneray fut transféré le 15 mai 1806 sur le ponton le Protée :

« Mon imagination soulevait les épaisses murailles de bois, me montrait les visages flétris et désolés des infortunés qu’il renfermait dans son sein ; mais, hélas, mon imagination était bien loin encore, comme je pus m’en convaincre quelques minutes plus tard, d’atteindre à la hauteur de la réalité. Aucune description, quelle qu’en soit l’énergie ; aucune plume, quelle qu’en soit la puissance, ne sauraient rendre le spectacle qui s’offrit tout à coup à mes regards. Que l’on se figure une génération de morts, sortant un moment de leurs tombes, les yeux caves, le teint hâve et terreux, le dos voûté, la barbe inculte, à peine recouverts de haillons jaunes en lambeaux, le corps d’une maigreur effrayante, et l’on n’aura encore qu’une idée bien affaiblie et bien incomplète de l’aspect que présentaient mes compagnons d’infortune. »

La cloison qui existait entre le logement des Anglais et celui des captifs était garnie de clous à large tête, lassés les uns contre les autres. Dans cet espace d’environ 30 pieds sur 40 étaient empilés près de 700 prisonniers qui, mourant de faim, trafiquaient de tout et, pour deux sous, c’est-à-dire pour un morceau de pain de plus, vendaient ou une guenille ou quelques centimètres de leur place — si affreusement réduite pourtant — et jusqu’aux choses les plus indispensables.

Dans le tome Ier de l’Histoire du sergent Flavigny ou Dix Ans de captivité sur les pontons anglais, deux petits volumes publiés en 1821[37], se trouvent des notes de Louis Garneray sur les mauvais traitements qu’enduraient les prisonniers. Battus comme des animaux, sans cesse menacés du fusil, torturés avec cruauté, condamnés pour la moindre peccadille à de véritables supplices, ils supportaient des souffrances indicibles. Si l’on sourit un instant à quelques-unes de leurs malices, on se sent oppressé d’une pitié immense pour ces êtres humains demi-nus, insuffisamment nourris d’un pain visqueux, gluant, que souvent leur estomac refusait ; de harengs salés — salés au point de développer en eux des maladies corrosives souvent mortelles — ou de viande tellement dégoûtante que l’auteur n’y peut appliquer que le mot de charogne immangeable. Aussi quel régal pour ces pauvres rafalés lorsqu’ils peuvent, en quelques minutes, dépecer et dévorer le chien du colonel lord S… égaré dans leur quartier, pendant que son maître, possesseur d’un superbe nègre, s’imagine de faire boxer ce nègre contre un prisonnier français, offrant au vainqueur un prix de vingt livres sterling. Le Breton Robert Lange, pressé par ses camarades, a accepté le défi ; réconforté par un repas copieux bien arrosé, il se présente devant la nombreuse société réunie sur le pont, trapu, mais minuscule auprès de ce colosse majestueusement théâtral. « Je veux que les deux champions se serrent la main avant de combattre, » dit lord S… tout souriant ! « Cette main a déjà tué trois Français », proclame le nègre avec fatuité… Le Breton la saisit. « Elle n’en tuera pas d’autres », prononce-t-il lentement, et il la broie entre ses doigts.

De longs mois s’écoulent. Longs mois de torture. Garneray a tenté de s’évader, tentative infructueuse. Un instant il perd courage ! mais il est doué d’une énergie peu commune, il réagit tout à coup et le voilà qui fait des mathématiques, prend des leçons d’escrime, des leçons de danse !…

Il sait l’anglais, rend des services ; le titre d’interprète lui est décerné ; pour traduire un journal il touchera quotidiennement six sous dont le tiers sera pour acheter crayons, papier, pinceaux et couleurs, car il dessine et fait des portraits. « Pour six pences je donnais une ressemblance de fantaisie ; pour un schilling je la garantissais. »

Bientôt il peut se procurer un bien-être relatif. Peu à peu il est connu. Smith, un marchand de tableaux de Portsmouth, lui fait des commandes et les affreux pontons deviennent un séjour « très acceptable ».

À la première partie des Mémoires de Garneray : Voyages et Aventures, on peut reprocher de contenir trop de détails, trop de dialogues, pas assez de récit, ce qui donne une tournure languissante, quelque peu vulgaire, quelque peu enfantine ; dans Mes Pontons ce défaut s’est fort atténué ; la relation est plus serrée ; souvent encore la phrase est mal coupée par l’incidente, mais le style est moins naïf, bien que toujours agréablement simple ; maintes réflexions judicieuses s’y rencontrent et le tout se lit vivement, sans lassitude ; on se trouve à la fin sans y avoir songé.

Rien de pittoresque comme la représentation à bord de la Vengeance et l’évasion du jeune prisonnier qui, ayant joué un rôle de femme dans la Fiancée du corsaire, a fait la conquête d’un capitaine anglais et, grâce à la spirituelle intervention de Garneray, est emmené hors du ponton par le vieil amoureux tout fier de sa bonne fortune !… le lendemain était redoutable, mais le barbon n’a garde de dévoiler sa mésaventure ridicule et l’évasion reste heureusement incompréhensible pour les geôliers.

Notre vaillant artiste fut retenu sur la Vengeance jusqu’à la fin de 1811. À cette époque, Smith, qui l’aimait, ayant su profiter de l’influence d’un colonel, ancien compagnon de Garneray, obtint qu’il serait transféré sur le Cautionnement de Bishop Watham, prison sur parole où les prisonniers jouissaient d’un semblant de liberté. Il y passa quelques mois comparativement heureux. Une injustice révoltante le décida à s’évader ; il y réussit ; mais, la vie au soleil étant encore trop dangereuse, il dût rester caché une année entière chez le bon Smith.

Au printemps de 1813, pourtant, il croit avoir trouvé l’occasion de rentrer en France ; déjà il est en vue de Cherbourg lorsque, trahi par les contrebandiers qui le conduisaient, il est repris par les Anglais et réintégré sur la Vengeance où l’existence, sans plus aucun privilège, lui fut désormais aussi dure que possible.

La paix le délivra enfin et, le 18 mai 1814, le ramena dans sa patrie après vingt ans d’absence[38]

Les premiers récits de Garneray furent publiés par la Patrie, en 1853 ; ce sont ces feuilletons qui ont formé les Scènes maritimes, 2 volumes édités par Barba (1863), avec introduction d’Hippolyte Lucas. Le Saint-Antoine, qui compose le premier volume, fut publié par la Librairie parisienne. Cette partie contient d’intéressants souvenirs sur Madagascar et les mœurs malgaches. Le tome II est un recueil d’épisodes divers : Surcouf, le Passage de la ligne, etc. Le chapitre l’Atalante est la mise à l’eau de ce navire par un condamné à mort, comme cela se pratiquait parfois alors. Les pages intitulées Profils de marins sont à signaler particulièrement.

En tête de ce tome II, Garneray réclame l’indulgence pour sa « pauvre œuvre » et son style « goudronné ».

« Il maniait la plume comme il avait manié la hache d’abordage », a dit M. Victor Tissot.[39]

Certes le digne marin « n’a aucune prétention au titre d’académicien » ; il n’est même pas, à proprement parler, un écrivain. Il a vu de grandes choses, il a ressenti de fortes impressions ; il aime à se souvenir et raconte ses impressions et ses souvenirs, rien autre. Son style « goudronné » est simple, exempt de recherche ; c’est, tout uniment, de brave prose, saine, honnête et l’on est aise de la retrouver et d’y revenir : les rééditions qui en sont faites incessamment le prouvent assez.

Un peu de fantaisie romanesque a dû s’y glisser, avons-nous dit, ceci n’est pas douteux, et l’auteur confirme la supposition par son aveu de « défaut de mémoire ». Néanmoins, s’il a un peu embelli ou arrangé les détails, tout le fond est rigoureusement vrai. Il est toujours et toujours d’une scrupuleuse bonne foi. Qui en pourrait douter sachant que lorsqu’il dessina le Combat de « la Confiance » contre « le Kent » , auquel il avait pris part cinquante ans auparavant[40], il refusa d’y introduire son propre . portrait : « J’étais sur l’avant, enveloppé par la fumée des canons ; pour rendre mon portrait visible, il faudrait m’attribuer une autre place que celle que j’ai occupée dans ce combat, je ne commettrai jamais un tel mensonge. » La conscience de l’artiste nous est un garant de celle de l’écrivain.

Certains faits ne sont pas assez précis. De ceci encore il va se justifier lui-même. Comme préface au tome II des Scènes maritimes, l’éditeur a placé des lignes écrites par Garneray, antérieurement, puisqu’il mourut en 1857 et que l’édition est de 1863. Ces lignes ont pour titre : Explication et très humbles excuses de l’auteur à ses lecteurs, et débutent ainsi : « Lorsque je publiai dans le journal la Patrie, il y a quelques années[41], un certain nombre d’événements qui ont rempli les premières années de ma laborieuse carrière, je me trouvai fort embarrassé quand il s’agit de classer les faits par ordre chronologique… ma mémoire me fit souvent défaut… Mon œuvre se répandit avec une telle profusion, en France, qu’en très peu de temps je reçus, de la part d’anciens compagnons d’aventures que j’avais perdus de vue depuis longtemps, une certaine quantité de lettres dont plusieurs, renfermant les détails originaux et des anecdotes curieuses, me donnèrent l’idée de faire une publication nouvelle pour servir de complément à ma première œuvre. Ainsi, qu’on ne s’étonne donc pas si quelques chapitres sont parfois d’une exiguïté peu ordinaire puisqu’ils sont souvent eux-mêmes le complément d’autres chapitres ou de simples épisodes oubliés dans une première publication, »

Nous terminerons cette première partie de notre étude par ces mots de M. Hippolyte Lucas[42] :

« Quoique le langage tienne parfois plus d’un romancier que d’un historien, et d’un romancier même dont la plume n’est pas trop savante, on se sent dans un monde énergique et puissant… La plupart des scènes ont été recueillies et mises en ordre du vivant de l’auteur et sous ses yeux… Louis Garneray ne mettait pas, comme Buffon, des manchettes pour écrire… Son expression est souvent abrupte ; mais elle est colorée, elle éveille et soutient l’attention… Sa manière de raconter est rapide, intéressante ; il procède à grands traits. Aussi des reproductions dans la plupart des journaux de France et des traductions dans presque toutes les langues ont-elles popularisé bien vite, comme chroniqueur, son nom déjà illustré par la peinture. »

Les récits de Garneray furent, en effet, publiés, comme Récits historiques par plus de cinquante journaux, traduits en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Angleterre, et les Barba en firent alors deux éditions de 10 000 chacune.

La bibliographie ci-jointe en indiquera les rééditions successives.

  1. L’orthographe est bien Garneray et non Garnerey. Cette erreur, souvent répétée, a été rectifiée par Garneray même.
  2. Dossier officiel, cote CC 7.
  3. Jean François Garneray (1755-1837). On cite parmi ses œuvres : Vue de la galerie du château de Fontainebleau. — Louis XVI sur la terrasse de la tour du Temple. — Portrait du baron de Trenck. — Fonts baptismaux d’Auteuil, etc. Il exécuta le portrait de Charlotte Corday pendant qu’elle subissait l’interrogatoire du tribunal révolutionnaire. On trouvera dans la deuxième partie de cette étude la preuve que c’est bien le père de Louis Garneray qui fit ce portrait et non son oncle, comme l’ont indiqué quelques biographes qui ont commis également une erreur en disant Louis Garneray, fils d’Auguste Siméon, qui était son frère.
  4. Archives de la marine.
  5. Pierre-César-Charles-Guillaume marquis  de Sercey (1753-1836), contre-amiral 1793, vice-amiral, pair de France 1832.
  6. V. préface d’Hippolyte Lucas. Scènes maritimes, édit. 1863.
  7. Le commandant Beaulieu-Leloup fut tué par un boulet sur la Forte, en 1801.
  8. Dans certaines pièces on a écrit le Linger.
  9. Archives de la marine.
  10. Lhermitte (Jean-Marthe-Adrien), né à Coutances le 29 septembre 1766 ; mort à Plessis-Picquet, le 28 août 1826, contre-amiral. Baron de l’Empire, préfet maritime de Toulon. V France maritime, t. IV, p. 133.
  11. T. I, p. 316. — Voir aussi plusieurs articles sur la Preneuse. Revue de Rouen, t. IV, p. 91, 158, 205 et 65 ; t. V, p. 145 et 278.
  12. Une gravure de Garneray représentant l’affaire de la Preneuse accompagne son article dans la France maritime, t. I, p. 316. Cette vue fut prise pendant le combat par ordre du capitaine Lhermitte.
  13. Cette capture du Pigot est racontée par Garneray dans les Scènes maritimes, t. II, p. 115.
  14. Le dossier, en précisant les dates, établit que Garneray ne passa sur le Brûle-Gueule que le 27 avril 1798.
  15. Province de Sakara, nord-ouest de Madagascar.
  16. La Revue de Rouen, 1834, t. IV, p. 43, contient un article de Garneray : La reine de Bombetoc.
  17. Surcouf (Robert), 1773-1827. Né et mort à Saint-Malo.
  18. Lettre du 29 décembre 1845.
  19. France maritime, t. I, p. 335.
  20. T. III, p. 250.
  21. V. article d’Auguste Romieu (Revue de Paris, t. XXXXI, p. 108. Litt. Mod.).
  22. Il se maria à Saint-Malo, le 28 mai 1801.
  23. La date précise de ce voyage fait défaut dans la pièce officielle.
  24. Dans une autre lettre également de Nice, datée du 21 janvier 1846, Garneray dit : « Je partis pour l’Inde, sur la Caroline, quatre mois après la signature des préliminaires du traité de paix d’Amiens, c’est-à-dire le 4 février 1802. Je revins à l’Île de France, sur ce navire, le 15 janvier 1803. »
  25. « Le 15 février suivant (1803), je partis pour la côte d’Afrique sur l’Union. »
  26. Juillet 1803.
  27. Ou chebek, ou chabek, genre de galère.
  28. Liard (Charles-Noël), 1768-1860. Volontaire dans la marine royale ; puis capitaine marchand, corsaire ; enfin, en 1803, capitaine du brig négrier la Doris, sur lequel il fit deux voyages à la côte d’Afrique. Retiré à Honfleur, il reçut, sous la Restauration, la croix de Saint-Louis. Il avait conservé des journaux de bord où Garneray put rajeunir ses souvenirs. Ch. BRÉARD, Vieilles rues et vieilles maisons de Honfleur, du quinzième siècle à nos jours, p. 75.
  29. Des documents doivent exister qui seraient, dit-on, de nature à réhabiliter la mémoire du capitaine Liard ; mais il nous a été impossible d’en obtenir communication.
  30. Il y fut aide-timonier à 36 francs, du 30 août au 6 novembre 1805 (Documents officiels).
  31. Il se sauva sur une épave. Dans le t. II des Scènes maritimes, p. 165, il raconte la tempête où se perdit l’Atalante, capitaine Lalanne.
  32. Le 7 novembre 1805, avec le même titre d’aide-timonier, jusqu’au 13 mars 1806 (Documents officiels).
  33. Le 14 mars 1806. — La Belle Poule faisait partie de la division de l’amiral Linois (V. Scènes maritimes, t. II, p. 242).
  34. Le 18 mai 1814.
  35. T. III, p. 146.
  36. Janet-Lange (Antoine-Louis), 1816-1872. Élève d’Ingres et d’Horace Vernet.
  37. Paris, nepveu, passage des Panoramas, 26.
  38. État nominatif des prisonniers français débarqués à Cherbourg, le 18 mai 1814, du parlementaire français la Mouche, cap. Faucheur, venant de Portsmouth. Numéro 108, Garneray (Louis), âgé de 32 ans, aide-timonier à 45 francs, pris sur la frégate la Belle-Poule, le 13 mars 1806, né à Paris et destiné pour la même ville. (Doc. off.)

    Dans ses Mémoires, Garneray dit qu’il rentra en France le 20 avril ; mais les documents officiels doivent avoir ici plus d’autorité que le héros lui-même.

  39. Aventures et Combats, édition de 1886.
  40. 1800.
  41. 1853.
  42. Préface du t. I des Scènes maritimes, édit. 1863.