{{:MediaWiki:Proofreadpage_index_template |Type=book |Titre=Le Bon Sens |Sous_titre= |Volume= |Auteur=Paul d'Holbach |Traducteur= |Editeur_scientifique=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k739238?rk=171674%3B4 |Illustrateur= |Editeur= |School= |Lieu= |Annee= |Publication= |Bibliotheque= |Clef= |BNF_ARK= |Source= |Image= |Avancement= |Pages=Holbach, Paul Henri Dietrich (1723-1789; baron d'). Le bon sens, ou Idées naturelles opposées aux idées surnaturelles, 1774. Detexit quo doloso vaticinandi furore sacerdotes mysteria, illis saepe ignota, audacter publicant. Petronii Satyricon A Londres, M.DCC.LXXIV. Préface Quand on veut examiner de sang froid les opinions les hommes, on est tout surpris de trouver que, dans celles mêmes qu'ils regardent comme les plus essentielles, rien n'est plus rare que de leur voir faire usage du bon sens, c'est-à-dire, de cette portion de jugement suffisante pour connaître les vérités les plus simples, pour rejeter les absurdités les plus frappantes, pour être choqué de contradictions palpables. Nous en avons un exemple dans la théologie, science révérée, en tout temps, en tout pays, par le plus grand nombre des mortels; objet qu'ils regardent comme le plus important, le plus utile, le plus indipensable, au bonheur des sociétés. En effet, pour peu qu'on se donne la peine de sonder les principes sur lesquels cette science prétendue s'appuie, l'on est forcé de reconnaître que ces principes, que l'on jugeait incontestables, ne sont que des suppositions hasardées, imaginées par l'ignorance, propagées par l'enthousiasme ou la mauvaise foi, adoptées par la crédulité timide, conservées par l'habitude qui jamais ne raisonne, et révérées uniquement parce qu'on n'y comprend rien. Les uns, dit Montagne, font accroire au monde qu'ils croient ce qu'ils ne croient pas; les autres, en plus grand nombre, se le font accroire à eux-mêmes, ne sachant pas pénétrer ce que c'est que croire. En un mot, quiconque daignera consulter le bon sens sur les opinions religieuses, et portera dans cet examen l'attention que l'on donne communément aux objets qu'on présume intéressants, s'appercevra facilement que ces opinions n'ont aucun fondement solide; que toute religion est un édifice en l'air; que la théologie n'est que l'ignorance des causes naturelles réduite en système; qu'elle n'est qu'un long tissu de chimères et de contradictions; qu'elle ne présente en tout pays, aux différents peuples de la terre, que des romans dépourvus de vraisemblance, dont le héros lui-même est composé de qualités impossibles à combiner; son nom, en possession d'exciter dans tous les coeurs le respect et l'effroi, ne se trouvera qu'un mot vague que les hommes ont continuellement à la bouche sans pouvoir y attacher des idées ou des qualités qui ne soient démenties par les faits, ou qui ne répugnent évidemment les unes aux autres. La notion de cet être sans idées, ou plutôt le mot sous lequel on le désigne, serait une chose indifférente, si elle ne causait des ravages sans nombre sur la terre. Prévenus de l'opinion que ce fantôme est une réalité très-intéressante pour eux, les hommes, au lieu de conclure sagement de son incompréhensibilité, qu'ils sont dispensés d'y songer, en concluent au contraire qu'ils ne peuvent pas assez s'en occuper, qu'il faut le méditer sans cesse, en raisonner sans fin, ne jamais le perdre de vue: l'ignorance invincible où ils sont à cet égard, loin de les rebuter, ne fait qu'irriter leur curiosité: au lieu de les mettre en garde contre leur imagination, cette ignorance les rend décisifs, dogmatiques, impérieux, et les porte à se fâcher contre tous ceux qui opposent quelques doutes aux rêveries que leurs cerveaux ont enfantées. Quelle perplexité quand il s'agit de rèsoudre un problème insoluble! Des méditations inquiètes sur un objet impossible à saisir, et que pourtant il suppose très-important pour lui, ne peuvent que mettre l'homme de très-mauvaise humeur, et produire dans sa tête des transports dangereux. Pour peu que l'intérêt, la vanité, l'ambition viennent se joindre à ces dispositions chagrines, il faut nécessairement que la société soit troublée. Voilà pourquoi tant de nations sont souvent devenues les théâtres des extravagances de quelques rêveurs insensés qui, prenant ou débitant leurs spèculations creuses pour des vérités éternelles, ont allumé l'enthousiasme des princes et des peuples, et les ont armés pour des opinions qu'ils leur représentaient comme essentielles à la gloire de la divinité et au bonheur des empires. On a vu mille fois dans toutes les parties de notre globe des fanatiques enivrés s'égorger les uns les autres, allumer des bûchers, commettre sans scrupule et par devoir les plus grands crimes, faire ruisseler le sang humain. Pourquoi? Pour faire valoir, maintenir ou propager les conjectures impertinentes de quelques enthousiastes, ou pour accréditer les fourberies de quelques imposteurs sur le compte d'un être qui n'existe que dans leur imagination, et qui ne s'est fait connaître que par les ravages, les disputes et les folies qu'il a causés sur la terre. Dans l'origine (n.transcripteur – A un moment donné) les nations sauvages, féroces, perpetuellement en guerre, ont sous des noms divers, adoré quelque Dieu conforme à leurs idées, c'est-à-dire, cruel, carnassier, intéressé, avide de sang. Nous retrouvons dans toutes les religions de la terre un Dieu des armées, un Dieu jaloux, un Dieu vengeur, un Dieu exterminateur, un Dieu qui se plaît au carnage, et que ses adorateurs se sont fait un devoir de servir à son goût. On lui immole des agneaux, des taureaux, des enfants, des hommes, des hérétiques, des infidèles, des rois, des nations entières. Les serviteurs zélés de ce Dieu si barbare ne vont-ils pas jusqu'à se croire obligés de s'offrir eux-mêmes en sacrifice à lui? Partout on voit des forcenés qui, après avoir tristement médité leur Dieu terrible, s'imaginent que pour lui plaire il faut se faire tout le mal possible, et s'infliger en son honneur des tourments recherchés. En un mot, partout les idées sinistres de la divinité, loin de consoler les hommes des malheurs attachés à leur existence, ont porté leur trouble dans les coeurs et fait éclorre des folies destructives pour eux. Comment l'esprit humain, infesté par des fantômes effrayants, et guidé par des hommes intéressés à perpetuer son ignorance et ses craintes, eût-il fait des progrès? On força l'homme de végéter dans sa stupidité primitive; on ne l'entretient que des puissances invisibles desquelles son sort était supposé dépendre. Uniquement occupé de ses alarmes et de ses rêveries inintelligibles, et fut toujours à la merci de ses prêtres, qui se réservèrent le droit de penser pour lui et de régler sa conduite. Ainsi l'homme fut, et demeura toujours un enfant sans expérience, un esclave sans courage, un stupide qui craignit de raisonner, et qui ne sut jamais se tirer du labyrinthe où l'on avait égaré ses ancêtres: il se crut forcé de gémir sous le joug de ses dieux qu'il ne connut que par les récits fabuleux de leurs ministres: ceux-ci, après l'avoir garroté par les liens de l'opinion, sont démeurés ses maîtres, ou bien l'ont livré sans défense au pouvoir absolu des tyrans, non moins terribles que les dieux, dont ils furent les représentants sur la terre. Ecrasés sous le double joug de la puissance spirituelle et temporelle, les peuples furent dans l'impossibilité de s'instruire et de travailler à leur bonheur. Ainsi que la religion, la politique et la morale devinrent des sanctuaires dans lesquels il ne fut point permis aux profanes d'entrer, les hommes n'eurent pas d'autre morale que celle que leurs législateurs et leurs prêtres firent descendre des régions inconnues de l'empirée. L'esprit humain embrouillé par ses opinions théologiques, se méconnut lui-même, douta de ses propres forces, se défia de l'expérience, craignit la vérité, dédaigna sa raison, et la quitta pour suivre aveuglément l'autorité. L'homme fut une pure machine entre les mains de ses tyrans et de ses prêtres qui seuls eurent droit de régler ses mouvements: conduit toujours en esclave, il en eût presque en tout temps et en tous lieux les vices et le caractère. Voilà les véritables sources de la corruption des moeurs, à laquelle la religion n'oppose jamais que des digues idéales et sans effet; l'ignorance et la servitude sont faites pour rendre les hommes méchants et malheureux. La science, la raison, la liberté peuvent seules les corriger et les rendre plus heureux; mais tout conspire à les aveugler et à les confirmer dans leurs égarements; les prêtres les trompent, les tyrans les pervertissent pour mieux les asservir; la tyrannie fut et sera toujours la vraie source, et de la dépravation des moeurs, et des calamités habituelles des peuples: ceux-ci, presque toujours fascinés par leurs notions religieuses ou par des fictions métaphysiques, au lieu de porter les yeux sur les causes naturelles et visibles de leurs misères, attribuent leurs vices à l'imperfection de leur nature, et leurs malheurs à la colère des dieux: ils offrent au ciel des voeux, des sacrifices, des présents pour obtenir la fin de leurs infortunes, qui ne sont réellement dues qu'à la négligence, à l'ignorance, à la perversité de leurs guides, à la folie de leurs institutions, à leurs usages insensés, à leurs opinions fausses, à leurs lois peu raisonnées, et surtout au défaut de lumières. Que l'on remplisse de bonne heure les esprits d'idées vraies; que l'on cultive la raison des hommes; que la justice les gouverne: et l'on n'aura pas besoin d'opposer aux passions la barrière impuissante de la crainte des dieux. Les hommes seront bons quand ils seront bien instruits, bien gouvernés, châtiés ou méprisés pour le mal, et justement récompensés pour le bien qu'ils auront fait à leurs concitoyens. En vain prétendrait-on guérir les mortels de leurs vices, si l'on ne commence par les guérir de leurs préjugés. Ce n'est qu'en leur montrant la vérité qu'ils connaîtront leurs intérêts les plus chers, et les motifs réeels qui doivent les porter au bien. Assez longtemps les instructeurs des peuples ont fixé leurs yeux sur le ciel, qu'ils les ramènent enfin sur la terre. Fatigué d'une théologie inconcevable, de fables ridicules, de mystères impénétrables, de cérémonies puériles, que l'esprit humain s'occupe de choses naturelles, d'objets intelligibles, de vérités sensibles, de connaissances utiles. Que l'on dissipe les vaines chimères qui obsèdent les peuples, et bientôt des opinions raisonnables viendront d'elles-mêmes se placer dans des têtes que l'on croyait pour toujours destinées à l'erreur. Pour anéantir ou ébranler les préjugés religieux, ne suffit-il pas de montrer que ce qui est inconcevable pour l'homme ne peut lui convenir? Faut-il donc autre chose que le simple bon sens pour s'appercevoir qu'un être incompatible avec les notions les plus évidentes; qu'une cause continuellement opposèe aux effets qu'on lui attribue; qu'un être dont on ne peut dire un mot sans tomber en contradiction; qu'un être qui, loin d'expliquer les énigmes de l'univers, ne fait que les rendre plus inexplicables; qu'un être à qui depuis tant de siècles les hommes s'adressent si vainement pour obtenir leur bonheur et la fin de leurs peines: faut-il, dis-je, plus que le simple bon sens pour reconnaître que l'idée d'un pareil être est une idée sans modèle, et qu'il n'est évidemment lui-même qu'un être de raison? Faut-il plus que le sens le plus commun pour sentir du moins qu'il y a du délire et de la frénésie à se haïr et se tourmenter les uns les autres pour des opinions inintelligibles sur un être de cette espèce? Enfin tout ne prouve-t-il pas que la morale et la vertu sont totalement incompatibles avec les notions d'un Dieu que ses ministres et ses interprètes ont peint en tout pays comme le plus bizarre, le plus injuste, le plus cruel des tyrans, dont pourtant les volontés prétendues doivent servir de règles et de lois aux habitants de la terre? Pour démêler les vrais principes de la morale, les hommes n'ont besoin ni de théologie, ni de révélation, ni de dieux: ils n'ont besoin que du bon sens, ils n'ont qu'à rentrer en eux-mêmes; à réfléchir sur leur propre nature; consulter leurs intérêts sensibles; considérer le but de la société et de chacun des membres qui la composent; et ils reconnaîtront aisément que la vertu est l'avantage, et que le vice est le dommage des êtres de leur espèce. Disons aux hommes d'être justes, bienfaisants, modérés, sociables, non parce que leurs dieux l'exigent, mais parce qu'il faut plaire aux hommes : disons-leur de s'abstenir du vice et du crime, non parce qu'on sera puni dans l'autre monde, mais parce qu'on en porte la peine dans le monde où l'on est. Il y a, dit un grand homme, des moyens pour empêcher les crimes, ce sont les peines: il y en a pour changer les moeurs; ce sont les bons exemples (*)*. (*) Montesquieu. La vérité est simple, l'erreur est compliquée, peu sûre dans sa marche et remplie de détours; la voix de la nature est intelligible, celle du mensonge est ambiguë, énigmatique, mystérieuse; le chemin de la vérité est droit, celui de l'imposture est oblique et ténébreux; cette vérité toujours nécessaire à l'homme est faite pour être sentie par tous les esprits justes; les leçons de la raison sont faites pour être suivies par toutes les âmes honnêtes; les hommes ne sont malheureux que parce qu'ils sont ignorants; ils ne sont ignorants que parce que tout conspire à les empêcher de s'éclairer; ils ne sont si méchants que parce que leur raison n'est pas encore suffisamment développée. |Tomes= |Sommaire= |Epigraphe= |Width= |Css= }}