DE LA DEMONOMANIE DES SORCIERS. A MONSEIGNEVR M. CHRE-stofle de Thou, Cheualier, Seigneur de C li, premier President en la Cour de Parlement, and Consiller du Roy en son priué Conseil. Reueu, corrigé, and augmenté d'vne grande partie. PARI. BODIN, ANGEVIN. [Graphic omitted] A PARIS, Chez IACQVES DV-PVYS, Libraire Iuré, à la Samaritaine. M. D. LXXXVII. AVEC PRIVILEGE DV ROY. Front Matter


A MONSEIGNEVR M. CHRESTOFLE DE THOV, CHEVALIER, SEIGNEVR DE COELI, PREMIER President en Parlement, and Conseiller du Roy en son priué Conseil. CEPRESENT que ie vous offre, Monseigneur, n'est pas pour demeurer quitte, mais bien pour seruir d'vne attestation de ce que i'ay appris en ceste esichole souueraine de Iustice, de laquelle vous esles chef, où l'ay em ployéla meilleure partie de mon aage: and en laquelle on void, on oyt, on cognoist mieux qu'en lieu de tout le monde, la vraye experience and vsage des loix and ordonnances, and de toutes les decisions des Docteurs qui furent oncques: tantost par les plaidoyeries des premiers Orateurs de l'Europe, tantost par la conference des vrais Iurisconsultes, tantost par les resulutions d.s Iuges, en descouurät comme en plein iour la naifue beauté de Iustice, auec vn plaisir and profit incroyable qu'on y reçoit d'apprendre à discourir doctement, poizer sagement, and resouldre subtilement les hautes questions de droict en toutes matieres:ores en l'vne, ores en l'autre chambre, ores en toute l'assemblee des Iuges and Aduocats de ce Parlement le plus illustre que le Soleil puisse voir entous les Empires and Republiques de la terre. Lì s'apprend la vraye prudence, guide and lumiere de la vie humaine, quand on void comme en vn haut theatre toutes les secrettes actions, trafiques, and menecs de routes sortes d'hommes, and des plus rusez representees au doigt, and à l' il. que la vie de l'homme pour longue qu'elle soit, ne sçauroit descouurir in voyageant, par tout le monde. Et combien que la splendeur and Maicsié de ce beaute (02) ple de iustice, se voit en toutes ses parties, si est ce qu'elle reluist principalement au chef d'iceluy pour auoir surpass'e les autres, qui ont mo éiusques à ce degré d'honneur en la cognoissance des lettres humaines, auecques vne memoire infinie de toutes histoires, and diligence incroyable à iuger les differends des parties: l'vn and l'autre conioinct à l'experience indubitable Page 3

de sous les poincts de la Iurisprudence. Non pas que ie vileille icy chãter vos louanges, Monseigneur, car ce n'est pas mon suiet, encores que la loy dict Prælidem prouinciæ non grauatè suas laudes audire oportere. Et combien que l'honneur de l'homme vertueux n'a besoin d'estre rehaussé de louanges pour donner lustre: si est-ce que la Republique a notable interest que les vrayes louanges des hommes illustres demeurent grauees and imprimees par tout pour seruir d'exemple aux vns, d'aiguillon aux autres, and d'imitation àtous. Ce que ie deuerois faire d'autant plus volontiers en vostre endroit que les loix and la religion d'honneur m'obligent àce faire, pour les plaisirs signalez (ie ne diray pas offices ne l'ayant merité en vostre endroit) que i'ay receu de vous: and que vous auez tousiours porté vne singuliere affection àtous ceux qui ayme (02) t les bones lettres. Mais ie reserue de cela à part, and à plus beau suier: and me suffira pour ceste heure de vous faire ce petit present, lequel, sil vous est aggreable, ie m'asseure si i'ay encores quelque malueillant, qu'il nesera pas si mal aduisé, que fut n'a pas long temps quelqu'vn, que ie ne veux nommer pour son honneur, lequel dedia au Royvn libelle contre la Republique que i'ay mis en lumiere. Mais si tost que le Roy eut remarqué les propos calomnieux de cest homme-là: il le fist conslituer prisonnier, and signa le decret de sa main, auec defenses sur la vie d'exposer son libelle en vente. Toutesfois il en est demeuré quitte pour vne ame (02) de honorable: mais s'il eust eslé de plus sain iugiment, il eust merité la peine que Zoile receut pour vn present pareil qu'il fist à Ptolemee Philadelphe Roy d'Egypte. Or ie n'espere pas que personne eseriue contre cest uure, si ce n'est quelque Sorcier qui deffende sa cause: mais si i'en suis aduerty, ie luy diray ce qu'on dit en plusieurs lieux de ce Royaume à ceux qui sont suspects d'estre Sorciers, d'autàt loin qu'on les voit sans autre forme d'iniure on crie à haute voix, IE ME DOVTE, afin que les charmes and malefices de telles gens ne puissent offenser. De Laon, ce xx.iour de Decembre, M. D. LXXIX. Vostre humble and affectionné seruiteur, I. Bodin. Preface Page 4

LE TRAITE DE LEAN BODIN DE LA DEMONOMANIE contreles Sorciers. LIVRE PREMIER. PREFACE DE L'AVTHEVR. Le iugement qui a esté conclud contre vne Sorciere auquel ie tus appellé le dernier iour d'Auril, mil cinq cens septante and huict, m'a dõné occasion de mettre la main à la plume, pour esclarcir le subiect des Sorciers qui semble à toutes personnes estrãge à merueilles, and à plusieurs incroyable. La Sorciere que i'ay dict s'appelloit Ieanne Haruillier, natifue de Verbery piés Cõpieigne, accusee d'auoir faict mourir plusieurs hommes and bestes, comme elle confessa sans question, nv torture, combien que de prime face elle eust demé opiniatrement, and varié plusicurs fois. Elle cõfessa aussi que sa mere dés l'aage de douzeans l'auoit presentee au Diable en guile d'vn grand homme noir, outre la stature des hõmes, vestu de drap noir, luy disant qu'clle l'auoit, si tost qu'elle fut nee, promise a cestuy-là, qu'elle disoit estre le Diable, qui promettoit la bie (02) traicter, and la faire bie (02) heureuse: Et que dés lors elle renonça Dieu, and promist seruir au Diable. Et qu'au mesme instant elle eut copulatiõ charnellement auecle Diable, continuant depuis l'aage de douze ans iusques à cinquante, ou enuiron, qu'elle auoit lors qu'elle fut prise. Dist, aussi que le Diable se presentoit à elle quãd elle vouloit, tousiours en l'habit and forme qu'il se presenta la premiere fois esperonné, botté, ayant vne espee au costé, and son cheual à la porte, que personne ne voyoit qu'elle: Et si auoit quelques fois copulatiõ auecques elle, sans que son mary couché aupres d'elle l'aperceust. Or combien qu'elle fust diffamee d'estre fort grande Sorciere, and qu'il fust presque impossible, de garder les paysans de la rauir des mains de iustice pour la brusler, craignans Page 5

qu'elle ne rechapast: Si est-ce qu'il fut ordonné auparauint que proceder au iugement diffinitif, qu'on enuoyeroit à Verbery: lieu de sa natiuité, pour s'enquerir de sa vie, and aux autres villages où elle auoit demeuré. Il fut trouué que tre (02) te ans auparauãt, elle auoit eu le fouet pour le mesme crime, and sa mere condamnee à estre bruslee viue, par arrest de la Cour de parlement confirmatif de la sentence du iuge de Senlis: Et si fut trouué, qu'elle auoit accoustumé de chãger de nom and de lieu, pour couurir son faict. Et que pat tout elle auoit esté attainte d'estre Sorciere. Se voyant conuaincue, elle requist pardon, faisant contenance de se repe (02) tir: deniant toutesfois beaucoup de meschancetez qu'elle auoit commises, and auparauant confessces: Mais elle persista en la confession qu'elle auoit faicte du dernier homieide, ayant ietté quelques pouldres, que le Diable luy auoit preparces, qu'elle mist au lieu où celuy qui auoit battu sa fille deuoit passer. Vn autre y passa, auquel elle ne vouloit point de mal, and aussi tost il sentit vne douleur poignãte en tout son corps. Et d'autant que tous les voisins qui l'auoient veu entrer au lieu, où elle auoit iecté le sort, le iour mesme, voyant l'homme frappé d'vne maladie si soudaine, crioie (02) t qu'elle auoit iecté le sort. Elle promist de le guerir, and de faict elle garda le patient pendant la maladie, and cõfessa que le Mercredy deuant que d'estre prisonniere, qu'elle auoit prié le Diable de guerir son malade, qui auoit faict responce qu'il estoit impossible. Et qu'elle dist alors au diable qu'il l'abusoit toussiours, and qu'il ne vint plus la voir. Et lors qu'il dist qu'il n'y vien droit plus, and que deux iours apres l'homme mourut. Et aussi tost elle s'alla cacher en vne grange, où elle fut trouuee. ceux qui assisterent au iugement, estoient bien d'aduis qu'elle auoit bien merité la mort: Mais sur la forme and genre de mort il y en eut quel qu'vn plus doux, and d'vn naturel plus pitoyable, qui estoit d'aduis qu'il suffisoit de la faire pendre. Les autres, apres auoir examiné les crimes detestables, and les peines establies par les loix Diuines and humaines, and mesmement la coustume generalle de toute la Chrestie (02) té, and gardee en ce Royaume de toute ancienneté, furent d'aduis qu'elle deuoit estre cõdamnee à estre bruslee viue: ce qui fut arresté, and la sentence, Page 6

dontil n'y eut point d'appel, executee le dernier iour d'Auril à la poursuitte de Maistre Claude Dofay, Procureur du Roy à Ribemont. Depuis la cõdemnation elle confessa qu'elle auoit esté transportee par le Diable aux assemblees des Sorcieres, apres auoir vsé de quelques gresses, que le Diable luy bailloit, estant guindee d'vne si grande vistesse, and si loin, qu'elle estoit toute lasse and foulee, and qu'elle auoit veu aux assemblees grand nombre de personnes, qui adoroient tous vn homme noir, en haut lieu, de l'aage comme de trente ans, qu'ils appelloie (02) t Beelzebub. Et apres cela ils se couploient charnellement: and puis le Prince leur faisoit sermon de se fier en luy, and qu'il les ve (02) geroit de leurs ennemis, and les feroit bien-heureux. Interrogee si on bailloit de l'arge (02) t, dict que non: Ea accusa vn berger and vn couureur de Genlis, qu'elle dict estre Sorciers, and se confessa, and se repentit, requerant pardõ à Dieu. Et parce qu'il y en auoit qui trouuoient le cas estrange, and quasi incroyable, ie me suis aduise de faire ce traicté que i'ay intitulé, DEMONOMANIE DES SORCIERS, pour la rage qu'ils ont de courit apres lesdiables pour seruir d'aduertissement à tous ceux quile verront, afin de faire cognoistre au doigt, and à l' il, qu'il n'y a crimes qui soye (02) t à beaucoup pres si execrables que cestuy-cy, ou qui meritent peines plus griefues. Et en partie aussi pour respondre à ceux qui par liures imprimez s'efforcent de sauuer les Sorciers par tous moyens: en sorte qu'il semble que Sathan les ait inspirez, and attirez à sa cordelle, pour publier ces beaux liures, comme estoit vn Pierre d'Apone Medecin, qui s'efforçoit faire entendre qu'il n'y a point d'esprits, and neantmoins il fut depuis aueré qu'il estoir des plus grãds Sorciers d'Italie. Et afin qu'il ne semble estrange ce que i'ay dit, que Sathan a des hommes attiltrez pour escrire, publier, and faire entendre qu'il n'est rien de ce qu'õ dit des Sorciers. Ie mettray vn exemple memorable, que Pierre Mamor en vn petit liure de Lamies à remarqué d'vn nomé M. Guillaume de Line, Docteur en Theologie qui fut accusé and condamné comme Sorcier, le douziesme Decembre, mil quatre cens cinquante trois, lequel en fin se repentit, and confessa auoir plusieurs fois esté tra (01) sporté auee les autres Sorciers la nuict pour adorer le diable, quise monstroit quelquesfois Page 7

en forme d'homme, and quelquesfois en forme de bouc, renónçant à toute religion, and fut trouué saisi d'vne obligation, qu'il auoit auec Sathan, portant promesses reciproques, and entre autres, le Docteur estoit obligé prescher publiqueme (02) t que tout ce qu'on disoit des Sorciers n'estoit que fable and chose im possible, and qu'il n'en falloit rien croire. Et par ce moye (02) que les Sorciers auoient multiplié, and pris grand accroissement par ces presches, ayant les Iuges laissé la poursuite qu'ils faisoient contre les Sorciers. Qui mõstre bie (02) que Sathan à de loyaux suiets de tous estats, and de routes qualitez: comme le Cardinal Benõ, and Platin escriuent qu'il y a eu plusieurs Papes, Empereurs, and autres Princes, lesquels le sont laissé piper aux Sorciers, and en fin auoir esté precipitez malheureusement par Sathan. Et mesmes à Tolede, où estoit anciennement l'eschole des Sorciers. On n'eust iamais pensé que tels personnages eussent esté de la partie: quand on r'apportoir les procez des Sorciers, ils se prenoient à rire, and faisoient rire vn chacun des traicts qu'ils donnoient, and affermoient constamment, que c'estoit chose fabuleuse, and impossible, and amollissoient tellement le c ur des Iuges (comme fist Alciat de son temps, despit qu'vn Inquisiteur auoit fait brusler en Piedmont plus de cent Sorciers) que tous les Sorciers reschappoient. M. Barthelemy Faye President aux en questes de la Cour, s'est plaint en ses uures, que la souffiãce de quel ques Iuges de ne faire brusler des Sorciers, cõme le Parleme (02) t a fait de toute ancienneté, and tous les autres peuples, a esté cause des grandes afflictions que Dieu nous a enuoyees. Mais M. d'Auenton Conseiller en Parlement, and depuis President à Poitiers (auquel a succedé en l'estat de Preside (02) t Saluert) fist brusler quatre Sorciers tous vifs à Poitiers l'an M.D. LXIIII. nonobstát l'appel par eux interiecté: Se plaignant de ce qu'on auoit enuoyé absous au parauant d'autres Sorciers appellans, qui depuis auoient infecté rout le pays, and que tout le peuple se mutinoit. Vray est qu'ils confessere (02) t auoir fair plusieurs homicides par charmes, and sortileges, and les faisoit executer, comme prenotables, nonobstant l'appel: Quia plus est (dict la Loy) occidere veneno quàm gladio. Or l'impunité des Sorciers de ce temps là fut cause, qu'ils prindrent vn merueilleux accroissement en ce Page 8

Royaume, où ils aborderent de toutes parts, and mesmement d'Italie: entre lesquels estoit vn grand Sorcier Neapolitain, qu'on appelloit le Conseruateur, and qui a esté assez cogneu pat ses actes: and depuis ont continué, en sorte que le Sorcier Troiseschelles Manceau ayant eu sa grace, apres le iugeme (02) t de mort contre luy donné, à la charge de deferer ses complices, dict qu'il y en auoit plus de cent mil en ce Royaume, peut estre faussement, and pour amoindrir son impieté ayant si belle compagnie. Quoy qu'il en soit il en defera fort grand nombre: Mais on y donna si bon ordre, que tous où la plus-part reschapperent: and encores qu'ils confessassent des meschancetez si execrables, que l'air en estoit infect. Dequoy Dieu irrité a enuoyé de terribles persecutions, comme il a menacé par sa loy2 d'exterminer les peuples qui souffriront viure les Sorciers. C'est pourquoy sainct Augustin au liure de la Cité, dit que toutes les sectes, qui iamais ont esté, ont decemé peines contre les Sorciers. Ie n'excepte que les Epicuriens, que Plutarque au liure de Oraculum defectu, and Origene contre Celsus l'Epicurien, ont refuté, and apres eux, Iamblique, Procle Academiques, ont destruict les fondemens de la secte Epicurienne: combien qu'ils estoient assez ruinez par les principes de la Metaphysique d'Aristote: où il conclud par necessité qu'il y a autant de cieux, qu'il y a d'intelligences, ou esprits intelligibles pour les mouuoir: lesquelles intelligences il dict estre separees des corps, and que l'Ange se meuue au mouuement de son ciel, comme l'ame de l'homme se meuue au mouueme (02) t de l'hõme, qui est bien pour monstrer, que la dispute des Anges, and Demons ne se peut traiter Physicalement: Et que ceux-là s'abusent bien fort, qui denient qu'il y ait quelque chose possible, qui soit impossible par nature. Car l'attouchement, le mouuement, le lieu ne peut conuenir sinon au corps,4 and en corps parlant en Physicien: Et neantmoins si la verité est tousiours semblable à soymesmes, il faut confesser que l'attouchement, le mouuement, and le lieu conuiennent aux esprits, aussi bien comme au corps, ce qu'Aristote a demonstré en sa Metaphy sique5 parlant des Anges, ou Intelligences, qui meuuent les cieux: Combien que Plutarque6 and Apulee7 disent qu'Aristote -notes- 2Itemit.c. 20. 4li. 4 and 6. 4. [Greek omitted] Arist. s. li. 8. 6in lide Dæmon Servas. 7in li. 1 Socratis. Page 9

a laiss'e par escrit, ce que toutes fois ne se trouue point en ses liures qui nous reste (02) t, qui n'est pas la moitié de ce qu'il a escrit, que les Pythagoriens s'esmerueilloient, s'il y auoit homme au mo (04) de qui n'eust iamais cogneu de Demon. Et de faict, le mesme Aristote8 confesse auoir veu vn nommé Thasius, qui auoit incessamment auec luy vn esprit en figure humaine, que personne ne voyoit que luy, ce qui est ordinaire à tous Sorciers. Or Platon en son Apologie fait vn argument tresnecessaire qu'il y a des Demons, veu que leurs effects le monstrent: car les voix, les paroles, les transports and autres actions esmerueillables ne peuuent estre sans cause. Et n'a pas long temps que François Prince de la Mirande a escrit auoir veu deux Prestres Sorciers, accompagnez tousiours de deux Demons Hiphialtes en guise de femmes: dont ils abuserent plus de quarante ans comme ils confesserent deuant que d'estre bruslez, ainsi que nous dirons en son lieu. Aussi Aristote au mesme liure escrit qu'en l'vne des sept Isles d'Eolus on entendoit vn merueilleux son de tabourins, and cymbales, and risees sans voir personne: chose qui est ordinaire en plusieurs lieux de Septentriõ, comme dict Olaus, and au mont Atlas, comme Solin and Pline testifie (02) t. Qui sont les assemblees and danses ordinaires des Sorciers, auec les malings esprits, qui ont esté auerees par infinis procez. Aristore dict d'auantage au mesme liure, qu'il y auoit vne Sorciere en la ville de Tene en Thessalie, laquelle charmoit le Basilicque auec certaines paroles and cercles qu'elle faisoit: ce qui ne peut estre faict par nature, comme nous dirons en son lieu: Ains pat la force and puissance des esprits qui ne pourroient faire les actions estranges qu'on voit à l' il, s'ils n'estoient en lieu où ils font leurs actions, comme dict Thomas d'Aquin. Aussi seroit-ce chose absurde de donner attouchement, lieu and mouuement aux Anges mouuans les cieux, and separez des cieux, comme tous les Peripatetiques, Academiques, and Stoiques sont d'accord auec les Hebrieux and Arabes, and oster ces proprietez aux esprits, qui sont parmy les elemens. Et toutesfois s'il est ainsi que les Demons foyent corporels, and de matiere elementaire, comme Aristote a tenu au quatriesme liure de la Metaphysique: and Origene and sainct Augustin au liure neufieme, -notes- 8in Fibr. [Greek omitted]. Page 10

and au liure VIII. chap. xvj. de la Cité de Dieu, and mesmes que S. Gregoire in homilia Epiphan. dit, que les Anges tont animaux raisonnables. Et Athanase aussi libro de essentia Patris, Et Alexãdre Aphrodissee le plus docte de tous les Peripateticie (02) s, a tenu que toute substance est corporelle, tous les arguments de ceux qui combatent les actions des demons cesseront: car les actiõs seront fondees and appuyees de demonstration de chose corporelles, voire elementaires à choses eleme (02) taires and corporelles. Or S. Augustin dit au 3. liu. chap. dernier de la Trinité, qu'on ne peut faillir de dire, que les Demons soient corporels: and par ainsi on peut soustenir contre l'opinion commune, qu'il n'y a substance incorporelle que Dieu seul, ce qui est appuyé sur demõstration que pas vn n'a touché, c'est à sçauoir qu'il n'y a rien qui soit finy que le corps ayant sa grandeur, and profondité determinee: and ce qui n'a point d'extremité superficielle est infiny: il s'ensuit bien qu'il n'y a rien que Dieu incorporel, autrement les creatures seroient infinies comme Dieu. Qui seruira, non pas pour instruire ceux qui croyent vn Dieu, and la pluralité des intelligences, l'vn and l'autre demonstré par Aristote: 9 and porté par toute l'Escriture saincte. Mais pour conuaincre les cerueaux hebetez: nó pas toutes fois pour rendre raison de tou tes les actions intellectuelles des Demons, chose qui seroit impossible: Car celuy qui pourroit re (02) dre raison de toutes choses, il seroit semblable à Dieu, qui seul sçait tout. Or tout ainsi qu'il est impossible de cognoistre Dieu, ny le cõprendre tel qu'il est, si celuy qui le cognoistroit en ceste sorte, and qui le pourroit cõprendre n'estoit luy mesme Dieu. D'autãt que l'insiny en essence, puissance, grandeur, eternité, sagesse, and bonté ne peut estre compris, que par celuy qui est infiny, and quil n'y a rien infiny que Dieu; Aussi faut il cõfesser par necessité, qu'il n'y a que Dieu qui peut rendre raison de toutes choses. Car il faut vne science infinie, qui ne peut estre ny és hommes, ny és Anges, ny en crea ture du monde. C'est pourquoy Aristote au premier liure de sa Metaphysique, où il traicte des esprits and intelligences, confesse qu'on ne peut cognoistre la verité, pour l'imbecillité de l'esprit humain, qui est bien recognoistre l'ignorance de tous en general, and non pas la sienne en particulier: car au mesme -notes- 9li. 6. Physic et 8. Met.cph. Page 11

liure il dict2, qu'il ne taut point chercher de raison, où il n'y a point de raison. Voyla ces mots. Comme Pline en cas pareil dit au liure tre (02) teseptiéme, chapitre quatriesme, Non vlla in parte ratio, sed voluntas naturæ quære (02) da. Qui est vne incongruité notable à vn Philosophe de dire qu'il se face quelque chose sans raison, and sans cause, and vne arrogance insupportable, de dire qu'il n'y a point de cause: ce qu'on voit quãd on ne la sçait pas, plustost que de confesser son ignorãce, cõme a tresbien confessé Alexandre Aphrodisien, disant que nature a reserué à son secret la raison pourquoy le bruit de la lime re (02) d les dents stupides. Or la plus belle louange qu'on peut rendre à Dieu, c'est de confesser sa propre ignorance, and c'est faire iniure à Dieu, de ne recognoistre pas la foiblesse de sõ cerueau. C'est póurquoy apres tous les discours de Iob, and de ses amis, où il dispute des faits de Dieu, lors qu'il pensoit auoir attaint la verité, Dieu luy apparut en vision, and commença à parler en ceste sorte. Qui est cest homme ignorant, qui par ses discours sans propos obscurcit les uures du souuerain? Puis discourãt de la hauteur, grãdeur and mouuement terrible des cieux, de la force des astres, des loix du ciel sur la terre, de la terre fondee sur les eaux, des caux suspendues au milieu du monde, and autres merueilles que vn chacun voit, il monstre que toute la science humaine est pleine d'ignorance. Plusieurs donnent louange de sçauoir à Aristote commeil est certain qu'il a beaucoup sçeu, and non pas toutesfois la milliesme partie des choses naturelles. Car tous les Philosophes Hebrieux4 and Academiques, ont mõstré qu'il n'a rie (02) veu és choses intelligibles, and des choses naturelles qu'l a ignoré les plus belles veu qu'il n'a pas sçeu seulement le nõbre des cieux, que l'Escriture saincte a remarqué par les dix courtines du Tabernacle, qui est le modele de ce monde. Et quand il est dict: Les cieux sont les uures de tes doigts, qui sont en nombre de dix, car tousiours és autres endroits il dict, uures des mains de Dieu: ce que tous les Philosophes and Mathematiciens ont ignoré iusques à ce qu'il a esté demõstré par Iean de Realmont. Et mesme Aristote n'a pas seulement ente (02) du l'ordre des Planettes, veu qu'il met Venus and Mercure defsus le Soleil, contre ce que Ptolemee depuis a demonstré, n'y -notes- 2lib. 4. and li. 6. and 7. Metaphysis. 4Rabi Maymon. li. 2. Nemore. Page 12

pas vn seul mouuement des astres. Et sans aller si haut, and à fin qu'on ne cherche pas en Aristore la verité des Demons and choses supernaturelles, on void que la pluspart des choses naturelles luy ont esté incogneuës: comme la salure de la mer, que le5 Prince de la Mirãde, surnõmé le Phenix de sõ aage, a attribué à la seule prouidéce de Dieu. Et neãtmoins l'origine des fõtaines dõnee par Aristote est encores pl9 absurde. C'est à sçauoir qu'elles prouie (02) nent de putrefactiõ de l'air, és cauernes de la ter re, veu les grosses and inepuissables sources, fõtaines, and riuicres qui ont cours perpetuel, and que tout l'air du monde corrompu ne sçauroit engendrer en cent ans l'eau qui en sort en vn iour. Les Philosophes Hebrieux, and mesme Salomon, ont monstré qu'elles prouienne (02) t de la mer, comme les veines du corps humain prennent origine du foye. Et souuent on voit en nature les effects produits contre toute raison naturelle: comme on voit la neige, qui est vne eau glacee, rechauffer la terre, and guarantir les bleds de la gelee, and la bruine froide à merueilles rostir and brusler les bleds and bourgeõs comme en vn four, and pour ceste cause dit Feste Pompee, pruina, s'appelle à perurendo: and la saincte Escriture entre les merueilles de Dieu raconte celle cy au Psalme cent dixsept, Qui dat niuem sicut lanam, and pruinam sicut cinerem spargit, que Buchanan a traduit ainsi: qui niuibus celsos operit seu vellere montes, densas pruinas cineris instar dücit. Et Theodore de Beze. Qui couure les mons and la plaine, De neige blanche comme laine, Et qui vient la bruiue espandre, Tout außi menu comme cendre, Mais ils n'ont point touché ce beau miracle. Car bóne pattie des laines sont notoires, and la bruine ne ressemble en rien aux cendres. Mais on pourroit ainsi tourner. Qui de neige eschaufse la plaine, Comme d'vne robe de laine, Et de bruine les bourgeons tendres, Rotist comme d'ardent's cendres. Aussi Albert à monstré l'erreur d'Aristote touchant l'arc au ciel, en ce qu'il dict, qu'il n'aduient poinct la nuict, chose notoirement -notes- 5Ioan Pierre in position. Page 13

faulse, and par conseque (02) t aussi la raison d'Aristote, comme à vray dire, il n'y a ny rithme ny raison. Car il faudroit par mesme raison, que toutes les nuees fussent de mesme couleur. Ie laisse mille merueilles de nature, dont la cause n'est encores descouuerte. C'est pourquoy le Cardinal C'usan, des premiers hommes de son aage, à touché au doigt la varieté, ambiguité, and incertitude de la doctrine d'Atistore, and au parauant luy, le Cardinal Bessarion.6 Et sur tous le Cardinal d'Aliac ou d'Ailly, à soustenu and discouru par viues raisons, qu'il n'y à pas vne seule demonstration necessaire en Aristore, horsmis celle par la[que] (17) lle il a demõstre qu'il n'y auoit qu'vn Dieu, and bie (02) peu d'autres qu'il a remarquees. Et quãt à la7 demõstratiõ de l'eternité du mõde d'Aristote, qui a esté le premier, and seul entre les Philosophes anciens de ceste opinion, elle est pleine d'ignorance comme Plutarque, 8 Galen,9 les Stoiciens,1 les Academiques2 ont monstré: and mesmes les Epicuriens3 s'en sont mocquez, and entre les Hebrieux le Rabin Maymon,4 lequel pour son sçauoir excellent, a esté surnõmé la grande Aigle, a discouru fort doctement l'impossibilité de la demonstration d'Aristote, and Philopone en quatorze liures en Grec, qu'il a faict contre Procle Academicien, qui meritoient brief estre traduicts, touchãt ce subiet: Et depuis aussi Thomas d'Aquin a remarqué l'impos sibilité de ceste demonstration par autres argumens, que ie passeray pour ceste heure, l'ayant traicté en autre lieu.G1 Et toures fois and quantes qu'Aristote s'est trouué en quelque lieu, duquel il ne pouuoit sortir, il a meslé si bien la fusee, que personne ne peut deuiner ce qu'il a voulu dire, comme on peut voir au premier chapitre de la physique, and au liure de l'Ame, où l'Escot des plus subtils Philosophes qui fut oncques, a remarqué la contrarieté incompatible des raisons d'Aristote, desquelles les vns ont tiré la corruption d'icelle, comme Dicearque du temps mesmes d'Aristote, l'Epicure Atticus, Aphrodiseus, Simon Portius, and Pomponatius.G2 Et au cõtraire, des mesmes raisons Theophraste, Themiste, Philopone, Simplice, Thomas d'Aquin, le Prince de la Mirande ont cõclud l'immortalité des ames, and les Arabes mesmement. Auerrois a conclud l'vnité de l'intellect de la nature humaine des mesmes lieux d'Aristote. -notes- 6in li. 1. sen sens. q. 3. 7li. 1. de sæla. 8in lib. [Greek omitted] 9in li. 2. placitis Hippocratis. 1Plutarque in placu. Phil. 2Plato in Timao, and Philopon. li. 14. contra Proclu (05) . 3Lucretius and Plusarch. in placitis. 4li. 2. Nemore Haneboq. G15.li. 2. di. 1. q. 3 G26.Li. de Methodo hist. c. 6. o.li. 4. Page 14

En quoy on peut iuger, qu'Aristore n'a pas veu les beaux secrets de nature, ce que les anciens ont bien remarqué, figurant au derriere de sa medaille, vne femme qui à la face couuerte d'vn voile nommee Physis c'est à dire Nature: signifiant que la beauté de nature luy a esté couuerte, and qu'il n'a veu que l'exterieur des vestemens. Aussi dict on qu'il se precipita en la mer comme Procope0 pour n'auoir sceu ente (02) dre pourquoy la mer au destroit de Negrepont en vingt and quatre heures a sept flux and autant de reflux. Et si les plus beaux tresors de nature nous sont cachez, comment pourrons nous attaindre aux choses supernaturelles, and intelligibles: C'est pourquoy Heraclite le premier, comme escrit Plutarque, and apres luy Theophraste, disoit que les plus belles choses du monde sont ignorees par l'arrogance des hommes, qui ne veulent rien croire des choses dont l'esprit humain ne peut comprendre la raison: Entre lesquelles on peut mettre les actions estranges des malings esprits, and des Sorciers, qui passent l'esprit humain, and les causes naturelles. Mais tout ainsi qu'à bon droict on reputeroit fol and insensé celuy qui voudroit nier que la Calamité ou l'aimant, ne donnast pas vne impression à l'aguille pour la tourner vers la bise, pour n'entendre pas la raison: ou qui ne voudroit confesser que la torpille,6 estant entree és filets: ne rende les mains puis les bras and en fin tout le corps des pescheurs endormy and stupide, pour ne sçauoir la raison: Aussi doit on reputer pour fols and insentez, ceux là qui voyent les actions estranges des Sorciers, and des esprits, and neantmoins parce qu'ils ne peuuent comprendre la cause, ou qu'elle est impossible par nature, n'en veulent croire. Car mesme Aristote7 se trouuant estonné de plusieurs choses dont il ne sçauroit la cause, dict que celuy qui reuoquera en doute ce qu'on voit, il ne dira pas mieux que les autres. Et le mesme Autheur aussi bien qu'Auerroes au li.8. de la Physique disent que le peuple ignorant ne croit que ce qu'il touche. Or nous voyons qu'Orphee, qui a esté enuiron douze ce (02) s ans de uant lesus-Christ, and apres luy Homere, qui sont les promiers autheurs entre les payens, ont laissé par escrit les. Sorcelleries, Necromanties, and charmes qu'on faict à present. On voit en la Loy de Dieu, publiee plus de deux ans deuãt Orphee les Sorciers -notes- 6Græci [Greek omitted] Launi Torpe dinem abeffectu appellans miraculu (05) naturæ vsuatissimum. 7Arist in Eth. Nicoma. [Greek omitted] Page 15

de Pharaon contre-faire les uures de Dieu. On void la Sorciere de Saul euoquer les esprits, les faire parler: Les deféces portees en la loy2 de Dieu d'aller aux Deuins, Sorciers, Pithons, où toutes les sortes de sorcelleries, and diuinations sont specifiees, pour lesquelles Dieu declare, qu'il auoit exterminé de la terre les Amortheans, and Chananeans. Et pour lesquelles forcelleries Iehu fist mãger aux chiens la royne Iesabel, apres l'auoir fait precipiter de son chasteau. On voit aussi les peines establies contre les Sorciers és loix des douze tables, que les Ambassadeurs des Romains auoie (02) t extraittes des loix Grec[quae] (16) s, on voit encores les plus cruelles 3 peines qui soie (02) t entoutes les constitutions des Empereurs Romains, estre establies contre les Sorciers, où ils sont appellez ennemis de nature, ennemis du genre humain, and malefiques4 pour les meschancetez grandes qu'ils font, and les imprecations abhominables portees par les loix, qui ne se trouuent en loix quelconques, sinon contre les Sorciers que5 la peste cruelle (dit la loy) puisse esteindre, and consumer. On voit les histoires Grecques, Latines, anciénes modernes de tous les pays, and de tous les peuples, qui ont laissé par escrit les choses que font les Sorciers and les mesmes effects en diuers pays, and l'ecstase en l'esprit, and le transport en corps and en ame des Sorciers, commis par les malins esprits en pays esloingné, and puis rapportez par les malings esprits en peu d'heure. Ce que toutes les Sorcieres confessent d'vn commun consentement, ainsi qu'on peut voir és liures des Allemãs, Italiens, François, and autres natiõs. Ce que Plutarque6 a laissé par escrit d'Aristeus Proconesien, and de Cleomede Astipalian: Herodote d'vn Philosophe Atheiste, Pline d'vn Hermon Clazomenien: Philostrate d'Apollonius Thianeus, and toutes les histoires des Romains ont certifié de Romule, lequel deuãt toute son armee fut emporté en l'air: Comme nous lisons en noz Chroniques0 estre aduenu à vn Comte de Mascon: Et s'est trouué par insinis procez, que plusieurs faisant comme les Sorciers, and se trouuans transportez en peu d'heure à cent ou deux cens lieues de leur maison, voyant les assemblees des Sorciers, auroie (02) t appellé Dieu en leur ayde. Et aussi tost l'assemblee des -notes- 2Bxo.c. 2. Lcuit. 20. and 27. Deut. 18. Hie 27. et. 19. et. 50. Nahú. 3. and 4. Reg. c. 9. and 2. Paral.c. 33. Iesa. 3.4. and 8. and 47. Num. 23. and 4. Re. 23. 3Tat. tit.de Alalef.C. 4ob malesicioram magnitudsnem malefici appel lantur, l. 3. de malef. C. 5l. Neminem rodem tit. Qos seralis pestis absumet 6Plutar. in vita Rom. 0Hug. Flor. Page 16

malins esprits, and des Sorciers s'esuanoüissoit, and se sõt trouuez seuls, and retournez en leur maison à lógues iournees. Brief on voit les procés faits contre les Sorciers d'Allemagne, de Frãce, d'Italie, d'Espagne, en ce [que] (17) nous auõs par escrit7 and voyons par chacun iour les tesmoignages infinis, les recollemens, confrõtations, conuictions, cõfessions, esquelles ont persisté iusques à la mort ceux qu'on a executez; qui pour la pluspart sont gens du tout ignorans ou vieilles femmes, qui n'auoie (02) t pas veu Plutarque, ny Herodote, ny Philostrate, ny les loix des autres peu ples, ny parlé aux Sorciers d'Allemaigne and d'Italie, pour s'accorder si bien en toutes choses, and en tous poincts comme elles font. Elles n'auoint pas veu S. Augnstin au x v. liure de la Cité de Dieu, qui dict, qu'il ne faut aucunemét douter and qu'il seroit bien impudent, qui voudroit nier, que les Demõs and malings esprits, n'ayent copulation charnelle auec les femmes, que les Grecs, pour ceste cause appellent Ephialtes, and Hyphialtes, les Latins, Incubes, Succubes and Syluans: Les Gaulois, Dusios (c'est le mot duquel vse S. Augustin) les vns en guise d'homme, les autres en guise de femme, la quelle copulation toutes les Sorcieres sont d'accord qu'elle se faict, nõ point en dormant, ains en veillant: qui est pour monstrer que ce n'est point l'oppression de la quelle parle (02) t les Medecins, qui demeurent tous d'accord qu'elle n'aduient iamais sinon en dormant. Et qu'il setoit aussi impossible que la mesme chose aduint aux Succubes, comme aux Incubes. Encores est-il bien estrange que ces Sorciers deposent and demeurent d'accord, and que les malings esprits se monstrans en forme d'homme, ordinairement sont noirs, and plus hauts que les autres, ou petits comme Nains: ainsi que Georges8 Agricola des premiers hommes de son aage, a laissé par escrit. Or les Sorciers que nous disons n'auoiét pas veu ce que dict Valere Maxime, au premier liure parlant de Cassius Parmensis; auquel se presenta vn homme haut, and fort noir, and interrogé qu'il estoit, il dist, se [Greek omitted] esse, e'est à dire, qu'il estoit mauuais Demõ. Aussi les Sorciers n'ont pas veu les Histoires de Pline le Ieune és Epistres de Plutarque, Florus, Appian, and de Tacite, où ils parlent de Curtius Ruffus Proconsul d'Affrique, and Dion, and de Brutus, qui eurent -notes- 7Spranger in Maleo. Paulus Gullandus. 8in li. de Spiritibus subterraneis. Page 17

semblables visions en veillant, ny l'histoire'memorable6 de Philosophe Athenodore, qui eut mesme vision d'vn maling esprit en veillant en forme d'homme haut and noir enchainé, qui luy monstra l'endroict où estoient cinq corps meurtris, au logis qui demeuroit inhabité à cause du malin esprit, cõme il est aussi reciré en Suetonc2 apres le meurtte de l'Empereur Caligula, and en Plutarque3 apres la mort de Damon, and de Remus, apres la mort desquels, les esprits rendoie (02) t les lieux inhabitez, que les Latins appelloient Remures, and par mutation de Liquide Lemures, à cause de Remus. I'ay dict au commencement que Ieanne Haruillier auoit confessé, que le Diable s'estoit tousiours apparu à elle en guise d'homme haut and noir. Ie mettray encores ceste histoire, qui est aduenuë le secondiour de Feurier, mil cinq cens septante and huict. Catherine Doree femme d'vn laboureur demeurant à C uures pres de Soissons, estant interrogee par Hunaut, Bailly de C uures, pourquoy elle auoit couppé la teste à deux ieunes fillettes, l'vne qui estoit sapropre fille, l'autre la fille de sa voisine, respondit, que le Diable s'estant monstré à elle en forme d'homme grand, and fort noir, l'auoit incitce à ce faire, luy presentant la serpe de son mary. Elle fut iugee à Compiegne, and depuis executee à mort. Ie deduiray en son lieu la conuenance and accord perpetuel d'histoires semblables des peuples diuers, and en diuers siecles r'apportees aux actions des Sorciers, and à leurs confessions. Il ne fault donc pas s'opiniastrer contre la verité, quãd onvoit les effects, and qu'on ne sçait pas la cause. Car il faut arrester son iugement, à ce qui se faict, c'est à dire, [Greek omitted], quand l'esprit humain ne peut sçauoir la cause, c'est à dire, [Greek omitted], qui sont les deux moyens de monstrer les choses. Et mesme Platon4 quoy qu'il fust grand personnage, and comme il a esté surnommé Diuin,: quãd il vient à discourit des actions des Sorcieres, qu'il auoit dilige (02) ment recherchees, and examinees en l'onziesme liure dés loix, dict: que c'est chose difficile à congnoistre, and quand on la cognoist, il est difficile à persuader, and plusieurs, dit-il, se mocquent quand on leur dist, que les Sorcieis vsent d'images de cire, qu'ils mettent aux sepulchres, and aux carrefours, and enterrent soubs les portes, and qui par charmes, enchantemens, -notes- 6Plin. 2. in Epast. 2in Calagula. 3Platare in Vita Cimonis. 4Verba Platonis, li. 12. de legibus. [Greek omitted] vide. cætera. Page 18

and liaisons font choses emerueillables. Nos Sorciers n'ont pas esté en Grece, ny leu Platon, pour faire des images de eire, par le moyen desquelles, and des coniurations qu'elles font, elles tuent les personnes à l'aide de Sathan, comme il s'est verisié par infinis procés, ainsi que nous dirons, and mesmele procés des Sorcieres d'Alençon, pour faire mourir leurs cnnemis: and le procés d'Enguerand de Marigny estoit principaleme (02) t fondé sur des images de cire coniurees, par le moyen desquelles il estoit accusé d'auoir voulu tuer le Roy. Comme il cst encores nouuelleme (02) t aduenu d'vn prestre Sorcier d'Angleterre, and Curé d'vn village, qui s'appelle Istinction, demie lieuë pres de Londres, qui a esté trouué saisi au mois de Septe (02) bre, mil cinq cens septante-huict, de trois images de cire coniurees, pour faire mourir la Royne d'Angleterre, and deux autres proches de sa personne. Vray est quand l'aduis est venu d'Angleterre, le faict n'estoit pas encores bien aueré. Or combien que Platon ne sçeust aucunement la cause de telles choses, si est-ce qu'il a tenu cela pour certain and indubitable, and aux loix de sa Republique il a estably peine de mort contre les Sorciers, qui ferõt mourir hõmes ou bestes par magie, le quel homicide il a tresbié distingué des autres homicides sans magie. Comment en cas pareil Philon Hebrieu au liure [Greek omitted]. Les ignorans pensent qu'il est impossible: Les Atheistes and ceux qui contrefont les sçauans, ne veulent pas confesser ce qu'ils voyent, ne sçachans dire la cause, à fin de ne sembler ignorans. Les Sorciers s'en mocquent pour deux raisons, l'vne pour oster l'opinion qu'ils soyent du nombre: l'autre pour establir par ce moyen le regne de Sathan: Les fols and curieux en veulent faire l'essay: comme il aduint en Italie, en la ville de Come n'a pas long temps, ainsi que recite Syluestre Prieras, que l'Official and l'lnquisiteur de la Foy ayant grand nóbre de Sorcieres qu'ils tenoient en prison, and qui ne pouuoie (02) t croire les choses estranges qu'elles disoient, ils en voulurent faire la preuue, and se firent mener par l'vne des Sorcieres, and se tenãs vn peu à l'escart, ils virent toutes les abhominations, hommages au Diable, danses, copulations, and en fin le Diable qui faisoit semblant ne les auoir pas veuz, les battit tãt, qu'ils en moururent Page 19

quinze iours apres. Les autres ont renoncé à Dieu, and se sont vouez à Sathan pour faire l'ex perie (02) ce. Mais il leur aduint comme aux bestes, qui entrent en la cauerne du Lyon, qui ne retournent iamais. Or les hommes qui ont la crainte de Dieu, apres auoir veu les histoires des Sorciers, and conte (02) plé les merueilles de Dieu en tout ce monde, and leu diligemment sa loy, and les histoires Sacrees, ne reuoquent point en doute les choses qui semblent incroyables au sens humain, faisant iugement, que si plusieurs choses naturelles sont incroiables, and quel ques vnes incomprehe (02) sibles, à plus forte raison la puissance des intelligences supernaturelles, and les actions des esprits est incõp: chensible. Or nous voyons des choses en nature estranges, neantmoins qui se font ordinairement, comme d'enuironner la terre and la mer, ce que font noz marçhans, and courir la poste pieds contremont, qui a semblé ridicule à Lactãce, and à S. Augustin, lesquels ont nié qu'il y eust des Antipodes, chose toutes fois aussi certaine, and aussi bien demõstree que la clarté du Soleil, and ceux qui disoient qu'il est impossible que l'esprit maling tra (01) sporte phóme à cét ou deux cés lieuës desa maison, n'ót pas consideré, que tous les cieux and tous ces grands corps celestes font leur mouuement en vingt and quatre heures, c'est à dire, deux cens quarante and cinq millions, sept cens nonante and vn mil, quatre cens quarãte lieuës à deux mille pas la lieüe, comme ie demõstreray au dernier chap. S'ils disent qu'on void cela par chacun iour, and qu'il faut s'arrester au sens, ils confesseront doncques qu'il faut croire and s'arrester aux actions des esprits contre le cours de nature, puis que nous ne pouuõs pas mesmes comprendre les merueilles de nature que nous voyõs assiduellement deuant noz y eux, attendu mesmement que les Philosophes ne sont pas d'accord en quoy gist la marque de verité qu'ils appellent [Greek omitted]. Les Philosophes dogmatiques mette (02) t la reigle, pour cognoistre le vray du faux aux cinq sens rapportez à la raison: Platõ and Democrite reiettent les sens, and disent que l'intellect est seul iuge de la verité. Theophraste mettoit entre les sens and l'intellect, le sens commun qu'il appelloit [Greek omitted]. Mais les Sceptiques voyãs qui'l n'entre rien en l'ame raisonnable, qui n'ait premierement esté Page 20

perçeu par le sens, and que les sens nous abusét, ils ont teno qu'õ ne peut rien sçauoir. Car il disoient, quesi la maxime d'Aristote empruntee de Platon, que l'ame intellectuelle est comme la carte blanche1 propre à ietter les peinctures, and qu'il n'y a rien en l'ame qui nait premierement esté au sons, est veritable, qu'il est impossible de rien sçauoir. D'autát que le sens, qui est le plus clair, and le plus agu de rous les sens, est la veue, and neantmoins queles yeux sont faux tesmoins, comme disoit, le bon Heraclite,2 nous monstrant le Soleil d'vn ou deux pieds de grandeur qui est cent and soixante3 and six fois plus grand que la terre, and font voir en l'eau les choses beaucoup plus grandes qu'elles ne sont, and les bastons tortus qui sont droits: Et quant aux autres sens qu'ils sont tous differens aux ieunes and aux vieux, encores qu'ils soient bien sains. Car l'vn trouue chaud, ce que l'autre trouue froid: Et vne mesme personne en diuers temps rend diuers iugemens de mesines choses appliquees aux sens, comme il est tout notoire. Le premier quifist ceste ouuerture fut Socrate, qu'il dist qu'il ne sçauoit qu'vne chose, qui estoit qu'il ne sçauoit rien: Et depuis ceste secte print accroissement par le moyen d'Arcesilaus chef de l'Academie, and fur suiuy d'Aristõ, Pirrhon, Herile, and de nostre memoire par le Cardinal Cusan, aux liures qu'il a faict de la Docte ignorance. Et tout ainsi que les premiers s'appelloient par honneur Dogmatiques, c'est à dire; Docteurs, les seconds s'appelloient Septiques; ou Ephectiques, c'est à dire, Douteurs: lesquels mesmes ne vouloient pas confesser qu'ils ne seeussent rien: (comme Socrate auoit confessé) car en confessant qu'ils sçauoient tres bien qu'ils ne sçauoient rien, ils confessoient qu'on pouuoit sçauoir quelque chose. Tellement que si on leur demandoit, s'ils sçauoient que le feu fut chaud, ou que le Soleil fut clair, il respondoient qu'il y falloit penser: Comme Socrate qui disoit qu'il ne sçauoit s'il estoit homme ou beste. Et de faict Polyenus le plus grand Mathematicien de son aage, ayantouy les Sophisteries de l'Epicure, sur ce poinct confessa que toute la Geometrie ostoit fausse, laquelle touresfois on iuge la plus veritable de routes, and qui moins despend des sens, lesquels sens Aristore, à mis4 pour seul fondement de toutes sciences, and ausquels dit -notes- 1[Greek omitted] 2[Greek omitted] 3Prolomæus in Aiemagestib.lib.5. 4in posterio Page 21

qu'il faut s'arrester, and par vn recueil des indiuidus particuliers, composer les maximes vniuerselles, pour auoir les sciences, and la verite qu'on cherche.G1 Or s'il falloit adiouster foy aux sens tant sculement, la reigle d'Aristote demeureroit fause: car tous les hommes du monde, and les plus clairs, voyans confesseront que le Soleil est plus grand, and les choses qu'on void en l'eau plus petites qu'elles n'apparoissent: Et qu'il est faux que le baston foit rompu en l'eau, lequel apparoist tel à chacun. Aussi l'opinion de Platon and de Democrite faulse, qui ne s'arrestent qu'à l'intellect pour iuger la verité: Car il est impossible que l'homme aueugle puiste iuger des couleurs, ny le sourd des accords. Il faut donc s'arrester à l'opinion de Theophraste, qui a recours au sens commun, qui est moyen entre les sens and l'intellect, and rapporter à la raison comme à la pierre de touche, ce qu'on aura veu, ouy, gousté, and senty. Et d'autant plus qu'il y a des choses si hautes, and si difficiles à comprendre, qu'il n'y a que peu d'hommes qui en soient capables: en ce cas il faut croire chacun en sa science? Tellement que sitout le monde tenoit pour asseuré, que le Soleil and la Lune sont esgaux, comme il se (02) ble quand ils sont opposites au leuant, and au couchant: Si est-ce qu'il faudra tousiours se rapporter aux sages, and expers en la science, qui ont demonstré que le Soleil est plus grand que la terre cent soixante and six fois, and trois huictiesmes d'auantage, and plus grand que la Lune, six mil cinq cens quarante and cinq fois, and sept huictiesmes d'auantage, tout ainsi que les Iurisconsultes se rapportent aux Medecins2 en ce qui touche leur sciéce, and ne veulent rien determiner. Or les secrets des Sorciers ne sont pas si couuerts, que depuis trois mil ans on ne les ait descouuerts par tout le monde. Premierement la loy de Dieu, qui ne peut me (02) tir, les a declarez, and specifiez par le menu, and menassé d'exterminer les peuples qui ne feroient3 punition des Sorciers. Il faut done s'arre ster là, and ne faut pas disputer contre Dieu des choses que nous ignorons: Et neantmoins les Grecs, and les Romains, and autres peuples auant que d'auoir ouy parler de la loy de Dieu, auoient en mesme abomination les Sorciers and leurs actions, and les punissoient à mort, comme nous dirons en son lieu. Bref toutes lessectes du móde, dict S. Augustinont -notes- G1Anabticis, et l. 4. and 6 and 7. Metaph. 2l. 7. de statu hominu (05) l.2.de suis and legit. ff. Auth. de rest. sideicom. and ea quæ parit ximense l. Aediles aiu (05) t de Aedilitie edicto l.1.de ventre inspiciendo. 3Leuit.20.4. li. 13. de Ciui. Dei. Page 22

decerné peines cõtte les Sorciers. Et s'il fautparler åux expers pour en sçauoir la verité, y en a il de plus expers que les Sorciers mesmes, lesquels depuis trois mil ans ont rapporté leurs actions, leurs sacrifices, leurs danses, leurs transports la nuict, leurs homicides, charmes, liaisons, and Sorcelleries, qu'ils ont cõfessé and persisté iusques à la mort? On voit en cela, que tous ceux qu'on a bruslé en Italie, en Allemagne, and en France, s'accordent de point en point: Or si le commun consentement de la loy de Dieu, des loix humaines de tous les peuples, des iugemens, conuictions, confessions, recoleme (02) s, confrõtations, executions: si le commun cõsentement des Sages, de suffist, qu'elle preuue demãderoit on plus grande? quand Aristote veut monstrer que le feu est chaud: c'est dit-il, qu'il semble tel aux Indois, aux Gaulois, aux Scites, and aux Mores. Quãd aux argume (02) s qu'õ peut faire au cõtraire, i'espere qu'vn chacun en fera satisfait par cy apres: Cependant nous laisserons ces maistres douteurs, qui doute (02) t si le Soleil est clair, si la glace est froide, si le feu est chau and quãd on leur demãde s'ils fçauent bien cõme ils s'appellent ils respondent qu'il faut y aduiser. Or il n'y a pas gueres moins d'impieté de reuoquer en doute, s'il est possible qu'il y ait des Sorciers, que reuoquer en doute s'il y a vn Dieu, celuy qui par sa loy a certisié l'vn, a aussi certifié l'autre. Mais le cõble de tous erreurs est prouenu de ce [quae] (16) les vns qui ont nié la puissance des esprits, and les actions des Sorciers, ont voulu disputer Physicalement des choses supernaturelles ou Metaphysiques, qui est vne incongruité notable. Car chacune science a ses principes and fondemens, qui sont diuers les vns des autres: le Physicien tiét que les atomes sout corps indiuisibles, qui est vn erreur intolerable entreles Mathematiciens, qui tiennent, and demõstret que le moindre corps du móde est diuisible en corps infinis, le Physicie (02) demõstre,2 qu'il n'y a rie (02) infiny, le Metaphysicie (02) tie (02) t que la premiere cause est infinie: Le Physicie (02) mesure le te (02) ps pas sé and futur par le nóbre du mouueme (02) t: le Metaphy sicie (02) pre (02) d l'eternité sans nõbre, ny te (02) ps, ny mouueme (02) r: Le Physicie (02) demõstre, qu'il n'y a rie (02) 3 en lieu du mõ de qui ne soit corps, and que rie (02) : ne peutsouffer mouueme (02) t [quae] (16) le corps, and qu'il n'y a toucheme (02) t que de corps à corps: le Metaphysicien demonstre qu'il y a des -notes- 2li. 2. [Greek omitted] 3lib. 4. and 6. [Greek omitted]. Page 23

esprits and Anges qui meuuent les cieux, and accidentalement souffrent mouuement au mouuement de leurs cieux comme Aristore4 confesse, and par consequent que les esprits ne sont pas par tout en me fine temps. Ainsque par necessité ils sont au lieu où leur action se faict paroistre: le Physicien demóstre que la forme naturelle n'est point deuant le subiect, ny hors de la matiere, and se perd du tout par corruption: Ce qu'Aristote dict generalement de toutes formes naturelles. Mais il demonstre que les formes Metaphysiques demeurent separees sans souffrir aucune corruption ny changement, and qui plus est le mesme autheur en sa Metaphysique4 dit que; la forme de l'hõme qui est l'intellect, vient de dehors vsant du mot2 [Greek omitted], and demeure apres la corruption du corps, d'auantage tous les Physiciens tiennent pour vn principe indubitable, que deux formes ne peuuent estre en vn subiect, ains que tousiours l'vne chasse l'autre, and qu'il n'y a iamais de transport ou commigration de formes d'vn corpsen l'autre, and neantmoins on void à l' il, que les Demons and malins esprits que les Peripatericiens appellent formes separees, se mette (02) t dedans le corps des hommes and des bestes parlant dedans leurs corps la bouche de l'hõ me close, ou la langue tiree hors iusques aux Larynges, and parlent diuers langages incogneuz à celuy qui est possedé de l'esprit: and qui plus est, ils parlent tantost dedans le ventre, tantost par les parties honteuses, que les anciens pour ceste cause appelloient [Greek omitted], and si on veut dire comme les Academiciens, que les Demons ont corps, il sera en cores plus estrange, and contre les principes de nature, qui ne souffrent pas qu'vn corps penetre l'autre: and toutesfois celà s'est veu de toute antiquité, and se void ordinairement en plusieurs personnes assiegees des esprits. C'est pourquoy Aristote dict, que les anciens n'ont pas voulu mesler la dispute de la Physique auec les sciences Meraphysiques: mettant les Mathematiques entre les deux, pour faire entendre, qu'il ne faut pas apporter les raisons naturelles au iugement des Sorciers, and des actions qu'ils ont auec les Demons and malins esprits. Et asin que le suiet, qui est de soy difficile and obscur soit mieux enten du, i'ay deuisé l' uure en quatre parties. Au -notes- 4li. 8. [Greek omitted]. 4lib. 12. 2li. 2. degeneras. animal. lib. 12. Metaphysic. Page 24

premier liure l'ay parlé de la nature des esprits, and de l'association des esprits auec les hommes, and des moyens diuins pour sçauoir les choses occultes: puis des moyens natutels pour paruenir à mesme fin. Au secõd liure i'ay le plus sommairement qu'il a esté possible, touché les arts and moyens illicites des Sorciers, sans toutesfois que personne puisse tirer aucune occasion d'en faire mal son profit: ains seulement pour monstrer les pieges and filets desquels on se doit garder, and soulager les iuges qui n'ont pas loisir de rechercher telles choses: and lesquels neantmoins desire (02) t estre instruits pour asseoir iugeme (02) t. Au troisiesme liure i'ay parlé des moye (02) s licites and illicites pour preuenir ou chasser les sortileges. Au quatriesme liure de l'inquisition and forme de proceder cõtre les Sorciers, and des preuues requises pour les peines contre eux ordonnees. A la fin i'ay mis la refutation de Iean Wier, and la solution des argumens qu'on peut faire en ce traitté, rapportant tous mes discours aux reigles and maximes des anciens Theologiens, and à la determination faite par la faculté de Theologie de Paris le dixneufiesme iour de Septembre mil trois cens septante and huict que i'ay faict adiouster pour y auoir recours. Preface Page 25

DETERMINATIO PARISIIS FACTA PER ALMAM FACVLTATEM THEOLOGICAM, ANNO DOMINI M. CCCXVIII. SVper quibusdam superstitionibus nouiter exortis. PRÆFATIO. VNIVERSIS orthodoxæ fidei zelatoribus Cantellarius Ecclesiæ Parisiensis and facultas Theologiæ in alma vniuersitate Parisien, matre nostra cum integro diuini cultus honore spem habere in Domino: at in Vanitates and insanias falsas non respicere. Ex antiquis latebris emergens nouiter errorum f da colluuio recogitare commonuit: quòd plerumque veritas Catholica apud studiosos in sacris literis apertissima est: quæ cæteros latet, nimirum cum hoc proprium habeat omnis ars manifestà esse exercitatis in ea, sic vt ex eis consurgat illa maxima, Cuilibet in sua arte perito credendum esse. Hinc est orationum illud quod Hieronymus ad Paulinum scribens assumit: Quod medicorum est, promittant medici: tractent fabrilia fabri. Accedit ad hæc in sacris literis aliud speciale quod nec experientia and sensu constant aliæ artes, nec possunt ab oculis circumuolutis nube vitiorum facilè deprehendi. Excæcauit enim eos malitia eorum. Ait siquidem Apostolus quòd propter auaritiam multi errauerunt à fide: propterea non irrationabiliter idolorum seruitus ab eodem nominatur: alij propter ingratitudinem qui cum cogneuissent Deum: non sicut Deum glorificauerunt in omnem idololatriæ impietatem (sicut idem commemorat) corruerunt. Porro Salomonem ad idola, Didonem ad magicas artes pertraxit diro cupido. Alios postremò misera timiditas tota ex craslino pendens in obseruationes superslitiosissimas impiasque depulit: quemadmodum apud Lucanum de filio Pompei Magni, and apud hisloricos de plurimis notum est. Ita fit vt recedens peccator à Deo decliner in vanitates and insanias falsas, and ad eum qui pater est mendacij tandem, impudenter palámque apostatando se conuertat. Sic Saul à Domino Page 26

derelictas Phytonissane cui prius aduersabatur, consuluir: sic Ochozias Deo Israel spreto, misit ad consalendum Deum Acharon. Sic denique cos omnes qui fide vel opere absque Deo vero sunt, vt à Deo falso ludis centur necesse est. Hanc igitur nefariam, pestiseram mortiferámque insaniarum falsarum cum suis hæresibus abominationem plus solito nosira ætare cernentes inualuisse, ne forsan Christianissimum regnum quod olim mons ro caruit and Deo protegente carebit, inficere valeat tam horrendæ impietatis and perniciosissimæ contagionis monstrum: Cupientes totis conatibus obuiure, memores insuper nostræ professionis: próque legis zelo succensi paucos ad hanc rem articulos damnationis cauterio (ne deinceps fallant incogniti (notaredecreuimus: rememorantes inter cætera innumera diclum illud sapentissimi doctoris Augustini de superstitiosis obseruationibus, Quod qui talibus credunt aut ad eorum domum enntes aut suis domibus introducunt aut interrogant, sciant se fidem Christianam and baptismum præuaricasse, and paganum and apostatam, id est, retro abeuntem and Dei inimicum and iram Dei grauiter incurrisse, nisi Ecclesiastica p ni: entia emendatus Deo reconcilietur. Hæc ille. Neque tamen intentio nosira est in aliquo derogare quibuscunque licitis and veris traditionibus, scientüs and artibus: sed insanos errores atque sacrilegos insipientium and ferales ritus pro quanto fidem orthodoxam and religionem Christianam lædunt, contaminant, inficiunt, radicitus quantum fas nobis est extirpare satagimus: and honorem suum sincerum relinquere veritati. ESTAVTEM primus articulus quòd perartes magicas and maleficia and inuocationes nefarias quærere familtaritates and amicitias and auxilia Dæmonu (05) nõ sit idololatria. Error. Quoniam dæmon aduersarius pertinax and implacabilis Dei and hominis iudicatur: nec est honoris vel domini cuiuscu (05) que diuini verè seu participatiuè vel aptitudinaliter susceptiuus vt aliæ creaturæ rationales non damnatæ: necin signo ad placitum instituto, vt sunt imagines and templa Deus in ipsis adoratur. Secundus articulus, quod dare, vel offerre, vel promittere Dæmonibus qualemcumque rem vt adimpleant desiderium hominis, aut in honorem eorum aliquid osculari vel portare non sit idololatria. Error. Tertius, quod inire pactum cum dæmonibus tacitum vel expressum non sit idololatria vel species idololatriæ vel apostasiæ. Page 27

Error. Et intendimus esse pactum implicitum in omni obseruatione superstitiosa, cuius effectus non debet à Deo vel natura rationabiliter expectari. Quartus, quod conari per artes magicas dæmonès in lapidibus, annulis, speculis aut imaginibus nomine eorum consecratis, vel potius execratis includere, cogere and arctare, vel eas velle viuificare, non sit idololatria. Error. Quintus quod licitum est vti magicis artibus, vel aliis quibuscunque superstitionibus à Deo and Ecclesia prohibitis pro quocunque bono fine. Error: quia secundum A postolum non sunt facienda mala vt bona eueniant. Sextus, quod licitum sit aut etiam permittendum maleficia maleficiis repellere. Error. Septimus, quod aliquis cum aliquo possit dispe (02) sare in quocun que casu, vt tahbus licite vtatur. Error. Octauus, quod artes magicæ and similes superstitiones and earu (05) obseruationessint ab Ecclesia irrationabiliter prohibite. Error Nonus, quod Deus per artes magicas and maleficia inducatur compellere dæmones suis inuocationibus obedire. Error. Decimus, quod thurificationes and suffumigationes quæ fiu (05) t in talium artium and maleficiorum exercitio, sint ad nonorem Dei and ci placeant. Error and blasphemia, quoniam Deus alias nõ veniret vel prohiberet. Vndecimus, quod talibus and taliter vti non est sacrificare seu immolare dæmonibus and ex consequenti damnabiliter idololatrare, Error. Duo de cimus, quod verba sancta and orationes quædam deuotæ and ieiunia and balneationes and continentia corporalis in pueris and aliis, and missarum celebratio: and alia opera de genere bonorum, quæ fiunt pro exercendo huiusmodi artes, excusent eas à malo and non potiùs accusent. Error: nam per talia sacræ res immo ipse Deus in Eucharistia dæmonibus tentatur immolari, and hæc procurat dæmon, vel quia vult in hoc honorari similis altissimo, vel ad fraudes suas occultandas, vel vt simplices illaqueet facilius, and damnabilius perdat. Decimustertius, quod sancti Prophetæ and alij sancti per tales artes habuerunt suas prophetias, and miracula fecerunt aut Page 28

dæmones expulerunt. Error, and blasphemia. Decimusquartus, quod Deus per se immediate vel per bonos angelos talia malesicia sanctis hominibus reuelauerit. Error and blasphemia. Decimusquintus quod possibile est per tales attes cegere liberum hominis arbitrium ad voluntatem sea decidetium alterius. Error: and hoc conari sacere est impium and nesarium. Decimussextus, quodideo artes pre (11) fate (11) bonæ sunt and a Dco, and quod eas licet obseruare: quia per cas quando que vel sæpe euenit sicut vtentes eis quærunt vel prædicunt, quia bonum quando que prouenit ex eis. Error. Decimusseptimus, quod per tales artes dæmones veraeiter coguntur and compelluntur, and non potius ita se cogi singunt ad seducendos homines. Error. Decimusoctauus, quod per tales uttes and ritus impios, per sortilegia, per carmina and inuocationes dæmonum, per quasda insultationes and alia maleficia nullus vn guam effectus ministerio dæmonum subsequatur. Enror. Nam talia quando que permittit Deus cótingere: patuit in Magis l'haraonis and alibi pluries: vel quia vtentes, seu consulentes propter malam sidem and alia peccata nephanda, dati sunt in reprobum sensum and demerentur sic illudi. Decimusnonus, quod boni Angeli includantut in lapidibus and cõsecrent imagines vel vestimenta aut alia faciant quæ in istis artibus continentur: Error, and blasphemia. Vicesimus, quod sanguis vpupæ vel h di vel alterius animalis, vel pergamenum virgineum, vel corium conis, and similia habeant efficaciam ad cogendos vel repellèndos damones ministerio huiusmodi artium. Error. Vicesimus primus, quod imagines de ære, plumbo vel auro, dera alba vel rubea vel alia materia, baptizatæ, exorcizatæ, and consecratæ seu potius execratæ secundum prædictas artes, and sub certis diebus habent virtutes mirabiles, quæ in libris taliu (05) artium recitantur. Error in side and philosophia naturali and astronomia vera. Vicesimusse cundus, quod vti talibus and fidem dare non sit idololatria and infidelitas. Error. Page 29

Vicesimusterrlus, quod aliquì dæmones boni funt, alijemnia seientes, alij ne saluati nec damnati. Error. Vicesimusquartus, quod suffamigationes quæ fiunt in huiusmodi operatiouibus conuertuntur in spiritus, aut quod sint debitæ eis. Error. Vicesimusquintus, quod vnus dæmonsie rex Orientis and præsertim suo merito and alius Occidentis, alius Septentrionis, aliius Meridie. Error. Vicesimussextus, quod intelligentia motrix c li influit in animam rationalem sicur corpus c li influit in corpus humanum. Error. Vicesimusseptimus, quod cogitationes nostræ intellectuales and volitiones nostræ interiores immediatæ causantur à c lo and quod per aliquam traditionem magicam tales possint sciri, and quod perillam de els certitudinaliter iudicare sir licitum. Error. Vicesimusoctauus articulus, quod per quaseunque artes magicas possimus deuenire ad visionem diuinæ essentiæ vol sanctorum spirituum. Error. Acta funt hæc and post maturam crebrámque inter nos and deputatos nostros examinationem, conclusa in nostra congregatione generali Parisiis apud sanctum Mathurinum de mane super hoc specialiter celebrata. Anno Domini M. cccxviij. die 19. mensis Septembils, In cuius rei restimonium sigillum dictæ facultatis præsentibus literis duximus anteponendum. Originale huius determinationis est sigillatum magno sigillo. facultatis Theologicæ Parisiis. Table of Contents Page 30

SOMMAIRE DES CHAPITRES. LIVRE PREMIER. CHAP. I. La definition du Sorcier. CHAP. II. De l'associatiõ des Esprits duet les hommes. CHAP. III. La differe (02) ce d'entre les bons and malins Esprits. CHAP. IIII. De la Prophetie and autres moyens diuins pour sçauoir les choses occulres. CHAP. V. Des mayens naturels and humains, pour sçauoir les choses occultes. CHAP. VI. Des moyens illicites pour paruenir à chose qu'on pretend. CHAP. VII. De la Teratoscopie, Aruspicine, Orneomantie, Hæroscopie, and autres semblables. LIVRE SECOND. CHAP. I. De la Magie en general. CHAP. II. Des inuocations tacites des malings Esprits. CHAP. III. Des inuocations expresses des malings Esprits. CHAP. IIII. De ceux qui renoncent æ Dieu par conuention expresse, and s'ils sont transportez en corps par les Demons. CHAP. V. De l'Ecstase and rauisseme (02) t des Sorciers, and des freque (02) tations ordinaires qu'ils ont auec les Demons. CHAP. VI. De la Lycanthropie, and si les Esprits peuuent changer les hommes en besles. CHAP. VII. Si les Sorciers ont copulation auec les Demons. CHAP. VIII. Si les Sorciers peuuent enuoyer les miladies, sterilitez, Page 31

LIVRE TROISIEME CHAP. I. Les moyens licites d'obuier aux charmes and Sorcelleries. CHAP. II. Si les Sorciers peuuent asseurer la santé des hõmes allaigres, and donner guarison aux maladies. CHAP. III. Si les Sorciers peuuet auoir par leur mestier, la faueur des grads, la beaute, les plaisirs, les hõneurs, les richesses, and les scauoir, and donner fertilite. CHAP. IIII. Si les Sorciers peuuent nuyre aux vns plus qu'aux autres. CHAP. V. Desmoyens illicites, desquels ont vse pour preuenir les charmes, and malefices, and guarir les maladies. CHAP. VI. De ceux qui sont aßiegez and forcezpar les malins Esprits, and les moyens de les chasser. LIVRE QVATRIESME. CHAP. I. De l'Inquisition des Sorciers. CHAP. II. Des preuues requises pour auerer le crime de sorcellerie. CHAP. III. De la confeßion volontaire, and force que font les Sorciers. CHAP. IIII. Des presomptions contre les Sorciers. CHAP. V. Des peines que meritent les Sorciers. Refutation des opinions de Iean Wier. Introduction Page 32

IEAN BODIN AV LECTEVR SALVT. Entre plusieurs procez qu'on m'a enuoyé de diuers endroits il m'a semblé que cestuy-cy merite le mieux estre Imprimé. Jl m'à esté enuoyé par M. Nicolas Quatre-solz Lieutenant du Bailly de Colomiers, homme de bien and studieux de la Justice. L'AN mil cinq cents quatre vingts and deux le Mardy troisiesme Iuillet heure de deux à trois heures aprés midy, pardeuát nous Nicolas Quatre-sols Lieutenant general, Ciuil and Criminel du Bailliage de Colomiers, est comparu deuant nous Abel de la Ruë ouurier de vieil cuir demeurant audict Colomiers, lequel apres serment, par luy faict auons interrogé comme il s'ensuit. Premierement de son nom, surnom, aage, estat, origine, and demeurance. Qui à dict qu'il se nomme Abel de la Ruë, qu'il est aagé de vingt deux ans, ou enuiron, ouurier de vieil cuir, natif and habitans de ceste ville de Colomiers, and que vulgairement on l'appelle le Casseur. Sy Dimenche dernier il assista en l'Eglise parochial le monsieur Sainct Denis de Colomiers, à la grande Messe qui ce dict ledict iour, and s'il assista au Marriage, Page 33

and esp duraille de Iean Moutreau, and Pliare Fleunot sa femme. A dict qu'il fut à la Messe ledict iour en ladite Eglise, mais qu'il ne veit marier ledict Moureau auec ladite Phare, bien est vray que estam ledit Moreau, and ladite Phare soubz le drap, il ouyt prononcer assez haut par maistre Denis Mampin Prestre Curé dudict Colomiers, ces mots ce qu'ayant ouy, and sortant quelque temps apres de ladicte Eglise, il dict à quelques personnes estant au Car tefour de deuant la dite Eglise que ledict Sieur Curé auoit prononcé lesdits mots bien haut, and que si on auoit voulu nouer ladicte esguillette audict Moreau, and sa femme, on l'auoit bien peu nouer ladite efguillette lors de la prononciation desdits mots. Interrogé sil auroit pas noué l'esguilette audit Moreau, and sa femme lors de leur Mariage. A dict que non. S'il auroit pas confesse à quelques personnes estant audict Carrefour que lesdicts Moreau and sa femme auoient l'esguillette nouee. A dict que non, mais qu'il dict bien à plusieurs personnes que si on auoit eu affection de leur nouer l'esguillette on l'auoit bien peu nouer lors de la prononciation desdits mots. Si luy estant demandé par lesdites personnes qui auoit noue la dite esguillette, il s'en seroit pas fuy vers la ruë du Chastel dudict Colomiers. A dit que non and qu'il s'en seroit venu en sa maison. S'il cognoist ledict Mor eau and sa femme and s'il àpas Page 34

eu noise auec ledict Moreau. A dict qu'il le cognoist aucunement consessant auoir eu noise auec iceluy Moreau, pour vn cheual qu'il faisoit ferrer deuant l'huis de l'hostel de Nicolas lacob Mareschal demeurant audict Colomiers. Si à l'occasion de ladite noise and en vindicte d'icelle il à pas noué ladite esguillette audit Moreau and sa fe (02) me. A dict que non. S'il sçait point qui auroit noué ladite esguillette. A dict que non. Et surce que luy auons remonstré qu'il ne nous disoit verité, and qu'il sçauoit bien qui auoit noué ladite esguillette, and que ce auoit esté luy. A dict qu'il faut qu'il nous confesse la verité and qu'il à noué ladite esguillette le iour du Dimenche dernier audict Moreau and sa femme lors qu'on prononca lesdits mots cy dessus, and qu'elle fut nouee de deux n uds doubles, and que ladite esguillette n'estoit ferree seulement que d'vn costé, and qu'elle estoit de couleur violette ou bleuë, pareille à vne qu'il nous à exhibee dont ses chauses sont attacheos, and que ce qu'il en auroit fait estoit pounse venger dudit Moreau, qui estant deuant l'huis dudit Iacob à faire ferrer son cheual, l'auroìe voulu battre d'vne barre de fer, dont il se seroìt lors garny and si à dict qu'en nouant l'esguillette il fremit dans son corps and qu'il sentit se poulser and inciter à ce faire par le Diable mesmes que ceux ausquels l'on noue l'esguilleure quand ils sont sousoulez le drap sont palles and fremissent en eux mesmes le sçait pour y auoir pris garde. Page 35

S'il auroit pas noué l'esguillette phisueurs ontres personnes du dict Colomieres. A dict and librement confesse qui l'auoir trouce à un nommu Iean Houllier, and la Margherite Henry sa femme par ce en partie que dict Houllier, l'auoir vive fors battu reuonatit de la Messe de minuict ce Pierre Henry, fils de Pierre Henry, frere de ladicte Marguerite demeurant audict Colomiers, vne autrefois lors qu'il reuenoit de Meaux, auparauant le Mariage dudict Houllier. Et encores pour autres causes, confessänt outre l'auoir encores nouce à François de Beauffort, marié depuis vn mois en ça, parce que ledict de Beauffort, l'auoit battu quelque peu de temps auparauant en presence d'Anthoine Boullengier, Philippe Groteau, and autres, mais qu'il croyt quo pour cela ledit de Beauffort n'a de laisse d'auoir la copagnie de sa femme, parce qu'il ne lia ladicte eguillerre, que d'vn n ud. D'autant que le Prestre prononce trop tost les mots cy dessus, mais à dict n'auoir iamais noué l'esguillette à autres personnes qu'ausdicts Houllier, Beauffort, and Moreau, and que pour la nouer, comme il appartient, il conuiene faire trois noues. Le premier lors que le Prestre, and Ministre prononce ces mots [Illegible text] qu'il est quand on donne les agneaux aux doigts des mains de l'espoux, and de l'espouse. Le second quand on donne [Illegible text] and qu'ils sont espouses? Et le troisiesme quand le dicts mari en sont soul le drap, and que le mots. Interrogé qui luy auroit mõstré à nouer l'esguillette, Page 36

a dict que ayant esté mis pat sa mere Nouice, au Conuent des Cordeliers de Meaux huict ans sont on enuiron, parce qu'il auoit esté battu vne fois par vn nommé Caillet, maistre des Nouices d'autant qu'il auoit cueilly des pommes, and des noix, à des pommiers, and noyers, qui sont dedans le cloz dudict Conuent, il se fascha de telle sorte qu'il commença à se despiter, disant qu'il cstoit bien mal-heureux de demeurer la dedans, and estant allé aux priuees, and chambre aysecs dudict Conuent enuiron les cinq ou six heures du soir, se seroit apparu à luy vn chien en forme d'vn barbet noir, lequel luy dict qu'il n'eust p ur, and que iamais il n'auroit de mal, and qu'il se donnast à luy, and lors fut conduict par ledict chien (qu'il estimoit estre le Diable) en vne chambre dudict Conuent ou logent les Cordeliers passants pays, qui demeurent malades audict lieu, and laquelle chambre s'appelle la Librarie, apres que le Diable soubs la forme dudict chien luy eust dict qu'il print courage, and qu'il luy ayderoit tousiours, seroit dispatu de luy, and si nous à dict and confessé que six semaines apres, and sept ans sont ou enuiron au temps des vendanges luy estant allé en la Sacristie dudict Conuem, pour se pourmener and estudier suiuant le commandement que luy en auoit faict ledict Caillet, auroit veu vn vieil liure de parchemin qui estoit enchaisné d'vne chaisné de ser, and enuironné de quelques barreaux defer dedans lesquels barreaux, ayunt mis ses deux mains auroit ouuert ledict liuro, and en iceluy leu quelques mots entre autres ceux qui, ensuyuent [Illegible text] apres la lecture Page 37

and pronontiation desquels mots soroit apparu à luy vn iour de leudy vn grand hõme blesme de visage, and d'aspect effroyable, ayant le corps and haleine puanre, de moyenne stature, vestu d'vne robbe longue noir à l'ltalienne, and ayant deuant l'estomac and deuãt les deux genoux comme des visages d'hõmes, de pareille couleur que celle dudict homme cy dessus escrit, and quãd aux pieds qu'il les auoit comme ceux de vaches lequel homme luy demanda que c'estoit qu'il faisoit audict lieu and qu'il l'auoit meu de regarder dedans ledit liure and de l'appeller. A quoy il fist refponse qu'il y auroit esté and fait de luy mesme, and lors il luy dist qu'il n'eust aucune p ur, qu'il quittast son habir, qu'il eust fiance à luy, and qu'il luy donneroit ce qu'il demanderoit and lors ledict homme, qu'il ne peut cognoistre l'ayant pris par soubs les bras le transporta dessoubs la iustice dudit Meaux, ou estant, luy auroit dict en voix tremblante and cassee, and ayant le visaige pasle cõme vn pendu and l'halaine fort puante qu'il n'eust point p ur, and qu'il eust bonne fiance en luy qu'il n'auroit iamais dizette qu'il vouloit estre son maistre, and qu'il s'appelloit maistre Rigoux à quoy luy parlant fist responso qu'il feroit ce qu'il luy commanderoit and qu'il auoit grande affection de s'en aller d'auec lesdies Cordeliers and lors seroit disparu and enuiron les sept à huict heures du soir le seroit reuenu querir and le prenant par le fort du corps l'auroit rapporté audit lieu de la Sacristie, luy disant qu'il le reuiendroit querir dans le iour suyuant] qui estoit vn iour de Vendredy, and éstant aussi de retour seroit arriué vers luy M. Pierre Berson Docteur Page 38

en Theologie and Predicateur du Roy, ledict M. Caillct, maistre des Nouices, and autres lesquels auroient repris aigrement luy de la Rue, de ce qu'il auoit leu dans ledit liure appellé Grimolre, le menassant de le foueter, and à l'instant' ledict maistre des Nouices dict que l'on auoit leu dans ledict liure appellé Grimoire en l'estant allé chercher, and que le Diable s'estoit apparu and qu'on luy auoit donné quelque chose à fin qu'il rapportast luy de la Rue, and lors s'assemblerent tous les Religieux dudit Conuent qui chanterent à l'Eglise à l'entour de luy parlant vn Salue à fin qu'il ne fut vaincu par la tentation du Diable, mesmes ordonnerent and firent coucher la nuict deux Nouices auec luy parlant and que le lendemain matin luy descendant de sa chambre qui estoir au Dortoir pour aller à l'Eglise, seroit apparu à luy ledict homme nommé maistre Rigoux en pareille forme qu'il s'estoit apparu and monstré le iour precedét tousiours puant, paste and espouuantable de face, habillé en la forme que dessus, lequel luy auroit dict qu'il quittast ledict habit, and qu'il s'en allast dudit Conuent and qu'il l'attendroit cedict iour ioingnant vn grand arbre qui est pres de Vaulx-courtois en vn grand chemin venant de Meaux audict Vaulx-courtois, and quelque peu de temps apres ayant esté prendre ses habits communs dans la chambre dudict Cailler qu'il auoit laissez quand il fut Nouice dudict Conuent il remist ceux qu'il souloit porter comme Nouice and Cordelier en sa chambre, and descendit par vne, petite viz, dans vne estable ou on mect les cheuaux, and asnes dudict Conuent, où il y à vne porte pour Page 39

saillir à aller abbreuuer les cheuaux, and laquelle ll'ouurit, and alla par dedans la ville de Meaux, tirant son chemin audict Vaulx-courtois, and auroit trouué ledit maistre Rigoux pres ledit arbre, ou estant le conduio, and mena audit Vaulx-courtois distant dudit Meaux, de deux heues, and de trois lieues de ceste ville de Collomiers, and fut conduit luy deposant en la maison d'vn nommé maistre Pierre Berger dudit Vaulx-courtois demourant pres l'Eglise dudit lieu, and est momoratif que ledit maistre Rigoux, en le conduisant chez ledit maistre Pierre luy dit, qu'il eust fiance en luy and qu'il n'eust point de p ur, and qu'il luy bailleroit, ce qu'il luy demanderoit, à quoy il sit responce que ouy, and à l'instant ledit maistre Rigoux parla audit maistre Pierre en vn coing de sa maison, and en la presence d'vne nommee Catherine femme dudit maistre Pierte, mais ne sçait quels propos il luy tint, and luy ayant esté commandé par ledict maistre Pierre d'aller iusques en vne estable pres dudit logis de la[quae] (16) lle estant de retour n'auroit plus veu le dit maistre Rigoux, and lors ledict maistre Pierre and sa femme luy firent fort bonne chere, luy disant que pour l'amour dudict maistre Rigoux, ils le traiteroient bien, and qu'il failloit qu'il obeyt audict maistre Rigoux, ce que luy respondant promist faire. Et enuiron deux mois apres ledict maistre Pierre qui le menoit ordinairement aux champs garder le bestial dudit Vaulx-courtois, luy dit par les champs qu'il estóit temps d'aller à l'assemblee par ce qu'il n'auoit plus de poudres, and que luy parlant fit responce qu'il en est oit content and trois iours apres enuiron le temps Page 40

des Aduents du Noel en l'an mil cinq cens septante and cinq ledict maistre Pierre ayant enuoyé coucher sa femme en autre lieu qu'en sa maison, auroit dict à luy parlant enuiron les sept heures du soir qu'il se couchast and qu'il ne dormist gueres, and qu'il failloit qu'ils allassent à l'assemblee, and lors se seroient couchez ensemblement apres que ledict maistre Pierre eust mis vn ballay de genestres long and sans manche separé au coing du feu, and enuiron les vnze heures du soir ledict maistre Pierre son maistre, and luy ouyrent vn grand bruit comme si vn grand and impetueux vent and tonnerre eussent esté dans la cheminee dudit logis. Quoy oyant ledict maistre Pierre luy dict qu'il conuenoit partir, and qu'il se habillast, ce que luy parlant fit, and ce fait veit que ledit maistre Pierre son maistre print de la gresse dedans vne petite boite qu'il auoit en vn coffre, de laquelle il se frotta soubs les ayselles and la paume de la main de luy, parlant qu'il sentit incontinent estre comme embraisé de chaleur, and est records que ladicte gresse puoit comme eust fait vn chat mort de trois semaines ou vn mois, and lors son maistre and luy s'estant mis soubs la cheminee dessus ledict ballay ou ramon, ledit maistre Rigoux parla tant à sondit maistre que a luy and leurs dit qu'il failloit partir, and à l'instant ledit maistre Rigoux print le gros bout du manche dudit ballay and l'auroit tiré à mont la cheminee and luy parlant ayant embrassé son maistre par le fort du corps se seroit senty enleuer comme si le vent l'eust porté, and estant au dessus de la cheminee ledit maistre Pierre luy auroit dit qu'il n'eust p ur and qu'il se tint à Page 41

luy, and par ce que la nuit estoit obscure, and que luy qui parle ne voyoit aucune clairté, sinon sondict maistre, veit subitement comme vn flambeau de feu deuant eux leur esclairant, and n'y estoit ledit maistre Rigoux s'il n'estoit transformé audit flambeau, and est memoratif qu'il veit en passant la ville and Abbaye de Rebets, de demie lieue ou enuiron, and dudit Vaulx-courtois de cinq lieues plus ou moins en vn lieu herbu and plain de fuscheres, il veit grande compagnie d'hommes en nombre soixante ou enuiron, aucuns vieux les autres icunes, and de toutes sortes d'aages, les vns estant de Sens, Dampmartin, and autres lieux, mais à dict qu'il ne les cognoist, and ne sçait leurs noms, sinon qu'il recognut bien vn nommé Pierre natif dudict Dampmartin qu'il auoit veu trauailler audict Meaux du mestier de cardeur, and pigneur de laines, and fut luy deposant esmerueillé de ce que ledict maistre Pierre son maistre luy parlant and tous ceux qui estoyent à ladite assemblee en y comprenant vne vielle femme qu'il à entendu auoir esté executee à Lagny pour Sorcellerie depuis cinq ans en ça, estoyent habillez de toille, excepté ledit maistre Rigoux qui estoit habillé comme il estoit and auoit esté au precedent, combien qu'ils ne eussent changez d'habits, and lors il veit que chacun nettoya auec son ballay ou ramon la place de deuant soy, apres que le plus vieil de la compagnie qui estoit aagé de quatre vingts ans, ayant la barbe blanche and quasi tout chenu l'eust aussi commandé, and que ledict maistre Pierre son maistre ayant nettoyé and baillie sa Page 42

place luy qui parle fit le semblable à la sienne and lors ledict maistre Rigoux se transforma en grand Bouc noir and puant, lequel commença à gronder and tourner au milieu de l'assemblee and compagnie la estant, laquelle se seroit prise à danser à reuers, visages dehors and le cul tourné vers ledit Bouc qui estoit au milieu de ladite danse, and interrogé si l'on chantoit point, à dict que non, mais qu'il n'y auoit que ledict Bouc qui tournoit au milieu de ladicte danse grondant and naugissant. Et ayant dansé enuiron deux quarts d'heures se seroient tous mis à genoux, and luy auroit ledict maistre Pierre son maistre dit qu'il conuenoit adorer ledit Bouc, and que s'estoit le Diable and celuy auquel il auoit promis de porter honneur, and reuerence, and ce fait and dict, veit que ledict Bouc courba ses deux pieds de deuant and leua son cul en haut, and lors que certaines menues graines grosses comme testes d'esplingues qui se conuertissoient en poudres fort puantes sentant le soulphre and poudre à Canon, and chair puante meslees ensemble seroient tombees sur plusieurs drappeaux en sept doubles qui auoyent esté mis aux places ballayees and nettoyees par chacune personne de ladicte compagnie, and que le plus vieil de ladicte assemblee auroit commencé à marcher à genoux du lieu où il estoit, and se seroit incliné vers le Diable and iceluy baisé en la partie honteuse de son corps, and ce fait que ledict vieil homme recueillit son drappeau auquel y auoit Page 43

desdites graines, and poudres dedans and s'en retourna en sa place non à genoux mais en marchant sur ses pieds. Et quand à son maistre qui alla adorer ledict Bouc le second, and ainsi apres luy allerent les autres successiuement selon leurs aages, and quand à luy parlant y alla and adora le dernier and ne recueillit aucun drapeau par ce que sondict maistre en auroit recueilly pour cux deux, and que lors ledict bouc luy demanda ce qu'il vouloit de luy, à quoy il luy dict qu'il ne vouloit rien sçauoit que nouer l'esguillette à ceux qui luy auoyent fait ou feroyent mal. Ce que le Diable en forme de bouc luy accorda, luy disant que son maistre luy monstreroit bien comme il la failloit nouer, and ce faict ledit maistre Pierre son maistre luy dist que s'il auoit quelques rancunes contre quelques personnes qu'il s'en vengeast par le moyen desdites graines, and poudres, and lors ledict Bouc seroit disparu, and luy dict sondit maistre qu'il eust tousiours fiãce en celuy qu'il auoit veu, and qu'il luy assisteroit. Et ayant ledit ramon entre leurs iambes seroyent reuenus en leur maison esclairez dudit flãbeau qu'il sçauoit estre ledit maistre Rigoux, par ce que ledit maistre Pierre parloit à luy and luy disoit qu'il fit desdites poudres comme il auoit accoustumé de faire, and qu'il se vengeast de ses ennemis, and les auroit ledict maistre Rigoux ramenez en leurs logis par ladicte cheminee, leurs commandant estant audit hostel de faire comme ils luy auoit promis, and s'estant ledit maistre Rigoux disparu se seroie (02) t recouchez, apres que son maistre eust mis lesdictes poudres dans vne boiste qu'il serra dedans vn coffre Page 44

de son hostel de laquelle il s'aydoit par fois pour mal faire à ceux qu'il vouloit, and si a dit que en l'an cinq ce (02) s soixante and seize en Apuril, ledit maistre Pierre luy dit que s'il voyoit qu'il y eust quelques brebis qui allassent pres son troupeau pour manger l'herbe qu'ils deuoit pasturer qu'il laschast son chien, and qu'il verroit ce qu'il sçauoit faire, and ayant luy parlant affection de lascher de ledit chien sur quelques brebis la amenees, and ne l'ayant lasché auroyent esté estranglees enuiron treize brebis, dequoy il auroit esté esmerueillé, veu [quae] (16) il n'auoit lasché ledict chien ce qu'il auroit raconté audict M. Pierre lequel luy dit que c'estoit tout vn, and qu'il n'en falloit point parler, and ayant luy parlant demãdé audit M. Pierre son maistre cõme (02) t on nouoit l'esguillette ledit maistre Pierre luy monstra cõme elle se deuoit nouer le tout selon les superstieuses cetemonies and forme par luy declaree and confessee cy dessus. Et si à dit que la veille de la Sainct Iean Baptiste ensuiuant ledit maistre Pierre and luy allerent à l'assemblee qui se fit entre Chaucoin and Dampmartin en qu'elle, distant dudit Vaulx-courtois enuiron cinq lieues où ils auroient esté transportez sur vn ramon de genestres à l'ayde dudit maistre Rigoux à l'heure de vnze heures du soir en la forme and maniere que cy dessus specifiee and qu'ils auroient esté transportees en celle qui se fit pres dudit Challendost en vn lieu herbu plain de fuscheres tous habilles de toille sans qu'il y veit aucune femme and quelque temps apres depuis comme enuiron vn mois apres la sainct lean, luy parlant vint demeurer en ceste ville de Colomiers and delaissa Page 45

ledict maistre Pierre. S'il auroit pas veu ledict maistre and sa femme depuis ledict temps. A dict que non and qu'il seroyent decedez de la maladie contagieuse depuis deux ans en ça, aussi qu'il à entendu passant pres ledit Vaulx-courtois. S'il auroit point parlé audit maistre Pierre depuis ledict temps. A dit que ouy and qu'vn an a ou enuiron, ayant la maladie contagieuse cours en ceste ville, and par ce que luy respondant auoit mal à la teste ses voisins luy faisoient à croire qu'il auoit ladite maladie, and le vouloient battre, se fascha contre eux and s'an alla au lieu destiné pour les pestiferez appellé les grãds maisons, and estant pres d'vn pont qui est sur le chemin fut rencontré par ledit maistre Pierre Rigoux lequel le persuada de se noyer dedans ladite riuiere luy disant que il seroit hors de toutes ses fascheries and qu'il seroit bien heureux, and lequel maistre Rigoux auoit lors la forme d'vne femme, qui gardoit les pestiferez en cestedicte ville nommee Marguerite. A quoy luy parlant ne voulut obeyr toutesfois se sentoit pressé de se ietter dedans ladite riuiere ce qu'il eust fait n'eust esté quelques pescheurs peschants sur icelle qui furent cause qui ne se noya, parce que ledit maistre Rigoux le pressoit sans cesse par derriere le doz, tellement que s'estant couché par terre il le fit rouller de sept à huict pieds pres de ladite Riuiere, and estant pres le lieu designé pour lesdits pestiferez nommez les grands maisons Page 46

en vn lieu creux, ledit maistre Rigoux le contraignit d'auoir sa compagnie charnelle, mais à dit qu'il puoit fort comme si sçeust esté du souphre, and charongne meslee ensemble and que son corps estoit fort pasle and aussi froid comme marbre, and si à dict que ledit maistre Rigoux auoit tousiours les pieds comme ceux d'vne vache and qu'il auoit la forme and face de ladite Marguerite l'vne desdites gardes, and ce fait se seroit retiré au lieu des grandes maisons où ledit maistre Rigoux l'auroit tousiours poursuiuy, and persuadé de se tuer, and seroit luy parlant venu en telle frenesie qu'il pensoit mener des cheuaux, mais à dict surce enquis que ledit maistre Rigoux n'estoit veu ny cogneu d'aucunes personnes que par luy, parce que aucunes desdites gardes ne luy disoyent qu'ils veissent aucunes personnes: d'auantage à dit que quand il fut reguary dudit mal de teste. Il alla en perelinage auec ladicte Marguerite à Sainct Loup pres Prouins, and qu'estant pres des estangs de Maillard distant dudit Colomiers de deux lieues ou enuiron le dit maistre Rigoux luy dit qu'il se deuoit tuer pour euiter à tant d'ennuits and fascheries qu'il auoit, tellement qu'il fut reduit en vn tel desespoir and extremité qu'il ne sçait comme il ne se tua point lors, and par ce que ladite Marguerite est oit presente elle luy demanda à qui il parloit, à quoy il respõ dit qu'il parloit à vne femme qu'elle ne pouuoit voir: and se souuie (02) t fort bien que ledit maistre Rigoux auoit tousiours les pieds comme ceux de vache, and se seroit tout incontinent ledict M. Rigoux disparu and auroit Page 47

parfaict luy parlant auec ladite Marguerite ledit perelinage, and si a dict qu'il n'auroit plus veu ledict maistre Rigoux depuis ledit temps. Remonstré s'il sçait pas qu'il ne faut estre Idolatre and n'adorer autre que Iesus-Christ en trois personnes and s'il sçait pas qu'il est maistre Redempteur seul qui deffend d'adorer autre que luy. A dict que ouy. Pourquoy donc il a delaissé Dieu, and adoré vne creature voire le Diable cõtraire à la volonté de Dieu. A dict qu'il estoit mal auisé and ne sçauoit ce qu'il faisoit en delaissant Dieu, and faisant la volonté du Diable. S'il sçait pas qu'il est deffendu par les commandemens de Dieu and d'Eglise mesmes par les Conciles, and ordonnances Royaux, bref par tout droit diuin, and humain, d'adherer à Sathan, luy prester cõsentement, and faire des Sortileges: hanter and communiquer auec Sorciers ou assister aux assemblees qu'ils font soit de iour ou de nuict. A dict en pleurant que ouy, and qu'il s'en repent and crie mercy à Dieu, au Roy à Monseigneur, and à Iustice nous suppliant de luy faire misericorde, nous disant que iamais il ne prestera consentement au Diable, mais rendra à Dieu seul honneur and adoration, qui luy appartient, affermant ce present sien interrogatoire à luy releu mot apres autres and par deux diuerses fois contenir verité and à le dict de la Rue signé de sa main ledit interrogatoire. Ce faict auons enuoyé ledict de la Rue prisonnier Page 48

és prisons dudict Colomiers, and iceluy baillé en garde à Denis l'Anglois Geollier desdictes prisons ledict an, mois, and iour que dessus. Et le Ieudy cinquiesme Iuillet mil cinq cens octante and deux, sur la Requeste faicte par le Procureur de Monseigner disons que les tesmoins ouys esdictes informations seront recollez and confrontez audict de la Rue prisonnier. Et ledict iour de Ieudy enuiron les sept heures du matin nous Iuge susnommé sommes expres transportez accompagné de nostre Greffier, auõs fait distraire ledict de la Rue des prisons, and apres serment par luy faict interrogé si luy and son maistre se frottere (02) t pas de gresse au retour de l'assemblee, à dit que non, mais que ils meirent seulement ledict ramon qu'ils auoyent portez entre leurs iambes, and que incontinent apres ils se sentirent enleuez en l'air, affermant ce present interrogatoire à luy releu mot apres autres par trois diuerses fois contenir verité, and a ledict de la Rue signé de sa main ledict interrogatoire. Et le Vendredy ensuyuant auroit en cores persistó en sondict interrogatoire, nous disant en pleurant and sous pir ant qu'il se repentoit d'auoit faict tant de meschanceté, and qu'il prioit Dieu qu'il ne retournast plus en tel in conuenient. Depuis les recollenens and confrontations faictes et les conclusion do 5 Proóureur Fiscal prises, ledict de la Rue aumis esté leon damné diestre bunsté tout vis dont il auroit appellé en Parlement durpiet s'ensuit l'arrest donné. Page 49

Veu par la Court le proces Criminel faict par le Bailly de Colomiers ou son Lieutenant and Requeste du Procureur Fiscal dit à l'encontre d'Abel de la Rue dict le Casseur ouurier de vieil cuir prisonnier és prisons de la Conciergerie du Palais, appellant de la sentence contre luy donné, par laquelle pour auoir par ledict de la Rue noué l'esguillette à quelques personnes lors de la reception du Sacrement de Mariage, and que l'on celebroit le seruice diuin en l'Eglise dudict lieu, and presté consentement au Diable, communiqué plusieurs fois auec luy, assisté aux assemblees nocturnes and illicites, adoré le Diable and impieusement renoncé à Dieu, and pour autres crimes mentionnez audict proces pour reparation desquels ledict de la Rue auroit esté condamné estre bruslé vif au marché de la ville de Colomiers, son corps reduit en cendre, declaré ses biens acquis, and confisquez à qui il appartiendra, ouy and interrogé par ladicte Court ledict prisonnier sur sadicte cause d'appel, and cas à luy imposez, and tout consideré. Dict à esté, que ladicte Court and mis and mect ladite appellation and sentence dont est appellé à neant sans amende, and neantmoins pour raison du cas à plain mentionné audict procez à condamné and condamne ledict de la Rue à estre pendu and estranglé à vne potence qui pour ceste effect sera mife and dressee en la place du Marché de Colomiers son corps mort, ars reduict and consommé en cendres, à declaré and declaro tous ses biens acquis and consisquez à qui il appartiendra, and pour faire mettre ce present Page 50

Arrest à execution selon sa forme and teneur, ladicte Court à renuoyé and renuoye ledict prisonnier par deuant ledict Bailly ou sondict Lieutenant. Faict en Parlement le vingtiesme iour de Iuillet, l'an mil cinq cens quatre vingt and deux. Ainsi signé. Boucher.G1 Et ledict iour le Lundy vingt troisiesme iour de Iuillet audict an mil cinq cens quatre vingt and deux apres midy, and lors de l'execution dudict Arrest sur ledict de la Rue, a ledict de la Rue sur l'eschelle dict que luy a mis du sel dedans son vin au logis de le iour qu'il fut mis prisonnier à dict que ledict ne luy auroit faict nouer l'esguillette audict Houllier, and ce faict a esté executé par le maistre des hautes uures de la ville and siege Presidial de Meaux au Marché dudict Colomiers selon ledict Arrest. -notes- G1Rarperieur monsieur Pou quet. President mon sieur Brisson. Book 1 - Chapter 1 Page 51 LA DEFINITION DV SORCIER. CHAPITRE PREMIER. SORCIER est celuy qui par moyens Diaboliques sciemment s'efforce de paruenir à quelque chose. I'ay posé ceste definition qui est necessaire non seulement pour entendre ce traicté, ains aussi pour les iugemens que il faut rendre contre les Sorciers, ce qui a esté obmis iusques icy, de tous ceux qui ont escrit des Sorciers, and neantmoins c'est lefondement sur lequel il faut bastir ce traicté. Deduisons donc par le menu nostre definition, Premierement i'ay mis le mot, Sciemment: puis qu'il est ainsi que l'erreur ne peut emporter aucun consentement, comme dit la loy1: tellement que le malade qui vse de bonne foy d'vne recepte Diabolique à luy baillee par le Sorcier, qu'il pensoit estre homme de bien, n'est point Sorcier, car il a iuste cause d'ignorance: Mais non pas si le Sorcier luy declare, ou s'il inuoque les malings Esprits en sa presence, comme il se faict quelquesfois: Ce que i'ay mis seulement pour exemple, and qui sera plus amplement declaré cy apres en son lieu. Mais il faut sçauoir quels sont les moyens Diaboliques. -notes- 1l. nibil consensui, de regul. l. si stuprum, de adul. ff. l. aut sacta, de p nis.ff. Page 52

Le mot de Diable signifie en Grec, Calomniateur,0 parce qu'il espie tousiours les actions des gens vertueux, comme il se void en l'escriture1 saincte, and les calomnie deuant Dieu: Et les moyens Diaboliques sont les superstitions, and impietez controuuées, and enseignées par Sathan à ses seruiteurs pour ruiner en perdition le genre humain. Et pour ceste cause les Hebrieux l'ont appellé Sathan, c'est à dire l'ennemy, cõme dit Salomon 2 que Dieu à crée l'homme à son image, pour estre immortel, mais que par l'enuie de Sathan la mort est entree au monde, ce qui est aussi recité en plusieurs lieux de l'escriture saincte. Enquoy il presuppose non seulement, qu'il y a vn ennemy du genre humain, ains aussi qu'il a esté crée des le commencement, comme il est dict en Iob3. Or non seulement la saincte Escriture, ains aussi tous les Academiciens, Peripateticiens, Stoïciens, and Arabes demeurent d'accord de l'existence des esprits: tellement que le reuoquer en doubte (comme font les Ateistes Epicuriens) ce seroit nier les principes de toute la Metaphysique, and l'existence de Dieu, qui est demonstrée par Aristore: 4 and le mouuement des corps celestes qu'il attribue aux Esprits and Intelligences, car le mot d'esprit s'entend des Anges, and Dæmons. Et combien que Platon, Plutarque, Porphyre, Iamblique, Plotin tiennent qu'il y a de bons and mauuais Dæmons: si est-ce que les Chrestiens prennent tousiours5 le mot de Dæmons pour malings esprits: Et mesmes la determination resoluë en la Sorbonne le XIX. Septembre 1378. condamne comme heretique ceux qui -notes- 0[Greek omitted] 1lob.c.t.1. 2lib. sapient. ca.3. and Ecclesiastici c.17. et Genesi. ca 3. Iob.cap.1. 3Iob.c.40. 4Libris Physic. and Metaphysic. 5August. in Ioann.tract. 42. and lib. 8. de Ciuit. Det, ca. 22. and lib. de verarelig. cap.13. and lib. contra Mantchæes, cap. 33. and contra Pelagium lib. 1. Page 53

tiennent qu'il y a de bons Dæmons, suyuant l'aduis des anciens Docteurs, tout ainsi que les esprits Angeliques sont tousiours estimez bons, qui est vne resolution tresbonne, and necessaire pour trancher l'excuse, and impieté de ceux qui appellent, and inuoquent les Diables soubs le voile de bons Dæmons. Et quant à l'origine des Dæmons c'est chose bien fort difficile pour l'asseurer, and de faict Platon quand il en parle au Timee, dit ainsi: [Greek omitted], c'est à dire, que le discours, and origine des Dæmons passe nostre entendement, and qu'il faut s'arrester à ce que les anciens en auoient dit. Aussi pouuons nous suiure l'opinion des anciens, qui tiennent que Dieu crea tous les esprits en grace, and sans peché, and que les vns se voulurent esleuer contre luy, qui furent precipitez. Et rapportent à ce propos la cheute du Dragon, attirant auec luy grand nombre d'Estoilles figuré en l'Apocalypse6 par le Prince des Dæmons, and ses sugets: ce que les anciens Payens ont rapporté à la Gygantomachie: Et mesmes Pherecides est de cest aduis, appellant le Dragon Ophionæum, chef des Anges rebelles, and Trismegiste in Poimandro, and le dire d'Empedocle, qui appelle les Dæmons tombez du ciel [Greek omitted]. Sainct Augustin est de cest aduis aussi au liure VIII. chapitre XXII. de la Cité: laquelle opinion pour son antiquité: and pour l'auctorité de ceux qui l'ont tenuë, est receuë des Chrestiens. Et neantmoins il semble que Dieu à crée ce grand Sathan au commencement du monde, que l'escriture -notes- 6Apoc. 12. Page 54

appelle Behemoth, and Leuiathan: car l'escriture saincte dict, Is prima rerum origine à Deo conditus7 est: Et pour monstrer qu'il n'a pas esté crée en grace, on allegue le lieu de Iesaye8 où Dieu parle ainsi: I'ay faict and formé Sathan pour and afin de perdre, gaster, and destruire. Et pour ceste cause souuent il s'appelle Asmodæus, du mot [Hebrew omitted], qui signifie ruiner: comme Dieu parlant au peuple Hebrieu de la vengeance, qu'il deuoit pre (02) dre de tousles premiers nés d'hõmes and bestes en tout le Royaume d'Ægypte, Ie ne permetteray pas, dit-il, que le Destructeur entre en vos maisons9. Orphee l'appelle aussi le grand Dæmon vengeur: Et comme il estoit maistre Sorcier il luy chante vn hymne. Ils alleguent aussi le Psalme où il est dict: Ce grand Leuiathan que tu as formé pour trionfer de luy: Et ce qui est dict en Exode, Ie tay fait ô Pharaon, pour monstrer ma puissance en toy: ce qui s'entend (outre l'histoire literale) de Sathan, comme il dit en Ezechiel: Me voicy ton ennemy ô Pharaon grand Leuiathan, Dragon couché au milieu de tes fleuues, qui as dit: Le fleuue est à moy, and ie me suis faict, and c. Ie te feray la pasture des oyseaux du ciel. Les interpretes sont d'accord que Leuiathan, Pharaon and Behemoth signifie ce grand Ennemy du genre humain, and que le Royaume d'Ægypte signifie la chair, and la cupidité, and entendent par le flcuue, le torrent de la nature fluide, qui va tousiours coulant en corruption, qui est propre au destructeur, contraire à Dieu Createur de toutes choses. Car tout ainsi que le Createur, Pere and Generateur est necessaire pour la creation and generation, aussi est -notes- 7Iob.c. 40. and 41. 8cap.54. 9[Hebrew omitted] Page 55

le Corrupteur à la corruption successiue en ce monde elementaire: comme aussi au XXX. chapitre des Prouerbes allegoriques de Salomon il est dict, que les corbeaux du torrent creuent les y eux à celuy qui se mocque de son pere, and mesprise la docttine de sa mere, où il entend les Diables de ce torrent elementaire, qui apparoissent ordinairement noirs comme corbeaux, and qui esteignent la lumiere de raison de ceux qui mesprisent la loy de nature, and se mocquent de Dieu. Et d'auantage les Hebrieux tiennent que Sathan perira, and alleguent Ezechiel chap. XXI. and Iesaye3, où il est dit que Dieu tuera vn iour ce grand Leuiathan, ce grand serpent tortu, qui est en la mer, and entend par la mer la matiere fluide, and elementaire, que Platon, and Aristote, cherchans l'origine du mal, ont dit estre le suget de tous maux, and laquelle matiere Salomon en ses allegories, and paraboles appelle femme, quand il dit, Qu'il n'y a malice qui approche la malice de la femme: and tantost il l'appelle paillarde, qui reçoit tous hommes, comme la matiere toutes formes, ainsi que le Rabin Maymon4 l'a interpreté. Ils disent aussi que les hommes qui se sont dediez au seruice de Dieu en ce monde seront comme Anges de Dieu: Erunt, dit l'escriture5, sicut Angeli Dei. Comme Philon baillant la definition des Anges dit, [Greek omitted]. Les Anges sont ames volantes en l'air. Et que par mesme moyen les hommes qui ont renoncé Dieu, and se sont dediez au seruice de Sathan, outre les tourmens, qu'ils souffriront, ils seruiront encores comme Diables, and bourreaux de la -notes- 3cap. 27. 4libro 1. [Hebrew omitted] 5Marci 13. Page 56

iustice de Dieu, and qu'ils periront en fin, and alleguent Zacharie, où il dit: Auferam spiritum immundum de terra: Et que les marques des Anges, and Diables, des esleuz and des reprouuez, est que les vns auront la vie eternelle, les autres mourront eternellement, apres auoir souffert les tourmens condignes à leurs meschãcetez, au temps determiné à chacun par le secret conseil de Dieu. Voyla sommairement l'opinion de quelques Theologiens Hebrieux, de laquelle les anciens Grecs ont esté abreuuez. Car nous voyons que Plutarque8 entre les raisons qu'il met, quand il discourt pourquoy les Oracles sont faillis (ce que Ciceron9 escript estre aduenu long temps au parauant luy) il dit que la vie des Dæmons est limitee, and que iceux defaillans, les Oracles ont cessé: Et Porphyre1 aussi r'apporte l'oracle d'Apollon en ces vers. [Greek omitted]. C'est à dire: Helas, helas pleurez tripodes, Apollon est mort, il est mort, par ce que la lumiere flamboyante du ciel me force. Et le mesme autheur sur le Timee de Platon, comme recite Procle, tient que la plus longue vie des De (11) mons ne passe point mil ans. Et de faict0 Eusebe historien Ecclesiastique, allegue l'histoire memorable r'apportee à l'Empereur Tybere, qui est aussi en Plutarque2: C'est à sçauoir que plusieurs passans en vn nauire les isles Echinades ouïrent vne voix en l'air appellant plusieurs fois Thamus, qui estoit le patron du nauire, auquel il fut dit quand il arriueroit aux Palodes, qu'il declarast que le grand -notes- 8In libro [Greek omitted]. 9in libro de diuinatione. 1In libro [Greek omitted]. 0lib. 5. cap. 1. 8. 9. [Greek omitted]. 2lib. [Greek omitted]. Page 57

Pan estoit mort: Ce qui fut faict, and soudain on ouyt de grands gemissemens and hurlemens, sans voir personne. Or sainct Augustin, Thomas d'Aquin, and plusieurs Theologiens Hebrieux, and Latins ont tenu, que de la copulation des Dæmons auec les femmes (qu'ils disent estre specifiee en l'escripture3 saincte, and que les Sorciers ont tousiours confessé) prouiennent des hommes diaboliques, que les Hebrieux appellent Rochoth,5 and qu'ils disent estre Diables en figure humaine, and pareillement les Sorciers, and Sorcieres, qui dedient leurs enfans à Sathan si tost qu'ils sont nez, and qui continuent la vie detestable de leurs peres and meres, sont de la nature Diabolique. Et pour ceste cause Dieu ayant en abomination extreme ceste impieté, il a donné vne malediction execrable à ceux qui offrent leur semence à Molech0: les menassant qu'il les arrachera de la terre, comme il fist les Cananeans qui en vsoient ainsi, desquels Salomon dict4 que leur semence estoit maudite de Dieu: and mesmes ils sacrifioient souuent au Diable leurs enfans, les faisant brusler tous vifs ou les massacrant, comme fist la Sorciere Medee pour se venger de la fille de Creon Roy de Corinthe, qui auoit espouzé Iason son amy. Soit donc que les Dæmons soient trebuchez de la grace originale, en laquelle ils estoient creez, and qu'ils soient immortels, comme nous tenons: soit qu'ils soient multipliezpar la propagation que disentles Hebrieux, and que Dieu ayt faict and formé, Sathan maling pour destruire and ruiner, àfin que la generation successiue à la corruption fust continuee en ce monde elementaire, si ne -notes- 3Genes. ca. 6. 5id est capita. 0Leuit. 20. 4in libro. Saptentiæ. Page 58

faut il pas pourtant qu'il entre au cerueau des hommes qu'il y ait iniquité5 en Dieu, comme faisoit Manes Persan chef des Manicheans, lequel pour euiter, comme il disoit, l'absurdité que le mal vint de Dieu, s'il confessoit qu'il eust creé Sathan maling par nature: ny pareillement que Dieu eust creé Sathan en perfection, qui par consequent ne pouuoit pecher, (commeil disoit) ne degenerer en nature maligne, and peruerse: posa deux principes egaux en puissance and origine: l'vn principe de bien, l'autre du mal: qui est la plus detestable Heresie, qui fut onques, and de laquelle Sainct Augustin s'est departy, disãt que le mal n'est que priuation de bien: ce que tient aussi le plus grand Theologien d'entre les Hebrieux Rabi Maymon qui allegue pour fortifier son dire le passage de faye où il dit, Ego Dominus faciens bonum and creans malum, faciens lucem and creans tenebras. Or les tenebres ne sont que priuation de lumiere: and la creation est de rien. Ce qui toutesfois n'a pas contenté ceux qui tiennent que les vices sont habitudes: aussi bien que les vertus, and que les vnes aussi bien que les autres s'acquierent par actions and dispositions. Mais tous les argumens des Manicheans sont tranchez par la racine, si on prend garde, qu'il n'y a rien en ce monde qui ne soit bon, comme dict Dionysius au liure de diuinis nominibus: Tout ainsi que Dieu a faict des plantes qui portent poizons aux vns, and medecine aux autres: Et mesmes les Serpens and viperes, que les Manicheans disoyent estre les creatures du Diable, seruent à composer la plus excellente medecine, qui pour ceste cause est appellee theriaque -notes- 5Iob 37. Page 59

and quelquefois guarit les ladres, and maladies incurables. Le maistre des sentences passe plus outre, car non seuleme (02) t il tient que toutes les creatures de Dieu sont bonnes, ains aussi toutes actions qui sont meschantes en soy sont bonnes par relation, cõme le voleur qui a assassiné le passager pour auoir sa despouille a commis vn acte cruel, and capital en soy, and neantmoins il ne sçait pas qu'il a, peut estre, tuévn Parricide, ou qu'il a tiré des calamitez de ce monde. celuy que Dieu aymoit, cõme dict Salomõ au liure de la sagesse: and que Dieu s'est seruy de luy, and neantmoins [quae] (16) par cest acte, le voleur est recherché, trouué, and puni par le iugement de Dieu ineuitable. Et en fin il dõne louange à Dieu. Car il est bie (02) certain cõme dit S. Augustin, que Dieu ne permettoit iamais aucun mal estre fait, sinõ a fin qu'il en reüssist vn plus grand bien. Et combien que Pharaon faisoit tuer les enfans masles Hebrieux au prix qu'ils naissoient, si est il dit en l'Escriture saincte, que Dieu l'auoit endurcy, and rendu rebelle à soy, a fin que la puissance de Dieu fust esclarcie, and publice par toute la terre, qui est oit aucunement enseuelie, and cachee. Cest pourquoy Salomon dit, que le meschant bien souuent est esleué, and nourry seulement pour seruir à la gloire de Dieu au iour de la vengeance: Car quoy qu'il se face en ce monde, en finle tout se rapporte, and reüssit à la gloire de Dieu: Et en cela principalement se cognoist la iustice, and sagesse de Dieu incomprehensible, qui sçait tirer sa louange des hommes les plus detestables, and fait reüssir à sa gloireles cruautez des meschans pour executer sa vengeance: Page 60

Faut il donc faire mal, afin qu'il en aduienne bien? Sainct Paul faict cest argument en l'epistre aux Romains sur ce mesme discours: puis il respond que ceux la sont damnables qui parlent ainsi, and conclud son discours par vne exclamation de la Sagesse de Dieu emerueillable. O altitudo5 diuitiarum sapientiæ, and scientiæ Dei! quàm incomprehensibilia sunt iudicia eius! Or ces iugemens emerueillables se presentent chacun iour, chacune heure, à qui voudray prendre garde tant soit peu: and entre vn million ie mettray celuy qui est aduenu n'a pas long temps à Paris, d'vn gentilhomme conueincu par faux tesmoins non reprochez d'auoir tué celuy, qu'il n'auoit iamais veu, cevoyant condamné par arrest de la Cour, and sur le poinct d'estre executé, il confessa qu'il auoit empoizonné son pere. Le cas est notoire à plusieurs. Ie pourrois mettre vne infinité d'exemples, qu'vn chacun peut sçauoir: mais il suffira d'auoir touché sommairement, qu'il ne faut pas imputer à Dieu qu'il soit iniuste quand bien il auroit crée Sathan pour destruire, ou souffert que les Anges ayent trebuché, non plus que de blasmer les egouts, and cloaques, and autres receptacles d'ordure, qui sont necessaires au plus beau palais du monde. Et celuy qui calomnie Dieu en cherchant le mal en luy, and le faisant effectuellenent operateur du mal, portera vne malediction beaucoup plus execrable, que celle, qui fut donnee à Chanaan, duquel le pere Cham s'estoit mocqué des parties honteuses de Noé, dont il estoit yssu, que ses freres couurirent, en detournant la face. C'est pourquoy en l'Escriture saincte apres la creation -notes- 5a l Soma. 11. Page 61

de ce monde admirable en beauté, grandeur, and perfection, il est dict, que Dieu a veu que tout ce qu'il auoit faict estoit beau, and bon à merucilles. Car la cloaque du monde est ceste petite particule du monde elementaire, que Procle 6 Academique ne daigne appeller particule du monde, mais vne appendice, ou apotelesme: d'autant que ce n'est que vn poinct insensible que la mer, and la terre eu esgard au ciel, comme il est tresbien demonstre par Ptolomee. Et neantmoins en ceste cloaque, où la puanteur, and le mal de ce monde est recluz, il y a des uures de Dieu belles and merueilleuses. Or tout ainsi que Dieu, qui de sa nature est seul bon, ne peut faillir, ny faire chose qui de sa nature ne soit bonne, aussi les Diables s'ils sont malins de leur nature, ne peuuent faire chose qui soit bonne en soy: and s'ils ne sont malins de leur nature, ils peuuent faire bien, tout ain si que les Anges peuuent faillir, and offe (02) cer: Car il est dict 6 que le Soleil est souillé deuãt la face de Dieu, and qu'il a trouué iniquité en ses Anges. Et en autre lieu l'Ange parlãt à Loth, dict: Si nous faillõs il ne pardõnera pas à nostre iniquité. Or tous les Ancie (02) s demeure (02) t d'accord que les Anges sõt ordõnez en partie au mouuement des cieux and lumieres celestes, and à la conduite de nature: les autres à la conseruation des Empires and Republiques, que Psellus, and Porphyre appelle (02) t [Greek omitted], and à la cõduicte des hõmes: les autres à seruir, and louër Dieu specialement, cõbien que tous ensemble conspirent à la gloire and louange de Dieu. Quant aux malins Esprits ils serue (02) t aussi à la gloire de -notes- 6[Greek omitted]. 6Iob. 4. Page 62

Dieu, cõme executeurs, and bourrcaux de sa haute iustice, and si ne font rien que par vne iuste permission de Dieu: car combien que les malins Esprits ne font iamais bien, sinon par accident, and afin qu'il en aduie (02) ne vn plus grand mal, comme quand ils guarissent vn malade pour l'attirer à leur deuotion, aussi est il tout certain, que Dieu ne permettoit iamais, qu'il se feist mal quelconque, si ce n'estoit afin qu'il en reussit vn plus grãd bien, comme a tresbien dict S. Augustin, lequel appelle les Dæmõs aeria animalia lib. 1. super Genesim: and au liure 9. and 8. chap. 16. de la Cité, and au 3. liure, chap. dernier de la Trinité, and a suiuy la definition des Dæmons, que nous lisons en Apulée, des plus sçauans Sorciers de son aage, qui est telle: Dæmones sunt genere animalia, ingenio rationabilia, animo passiua, corpore aerea, tempore æterna: le mot æterna, se prend pro perpetua, aut diuturna, comme souuent en la saincte escriture: Car il n'y a que Dieu eternel, c'est à dire, qui n'a eu comme (02) cement, and n'aura iamais fin, ou cõme dit Iesaye: Qui a esté deuant tout, and sera apres tout. Quand à ce qu'il dit que les Dæmons ont le corps aërien, cela est contraire à la nature des esprits, qui sont pures Intelligences: Aussi les Academiciens ne disent pas que les Dæmons soient pures Intelligences. Philon Hebrieu interpretant ce qui est dit aux Nombres, Que Dieu departit de l'esprit, qui estoit sur Moyse aux LXXII. Eleuz, dit que c'estoit comme d'vne lumiere. Ie dirois plustost qu'ils sont d'vne quinte essence, comme on dit du Ciel: pour euiter aux absurditez de la corruption des esprits, si ont dit qu'ils sont Book 1 - Chapter 2 Page 63

eleme (02) taires: qui est le seul poinct pourquoy Ciceron a soustenu que les ames ne sont point elementaires. Aristote au 4.liu. de la Metaphysique dit que les Dæmons sont faits des elements, comme aussi a confessé Origene in lib. [Greek omitted], and S. Augustin comme i'ay dit a suiuy l'opinion d'Apulee, disant que les Dæmons ont le corps aërien, suiuy de plusieurs autres. Mais l'aduis de S. Augustin que les Dæmõs sont corporels, tire apres soy qu'il n'y a rien incorporel que Dieu, and la demonstration en est necessaire: car il n'y a rien incorporel qui ne soit infini, d'autant que s'il est fini and terminé, c'est en superfices de longueur, largeur, and profondité. Or il est tres-certain qu'il n'y a rien infini en tout ce monde, and pour ceste cause que Dieu n'est point and ne peut estre corporel: car il seroit fini, ny cõprins en ce monde, comme dit Salomon, and la seule raison est qu'il est vne essence incorporelle, infinie. Voila vne demonstration qui monstre euidemment, que non seuleme (02) t les Dæmons, ains aussi toutes essences, quoy qu'elles soient inuisibles sont corporelles, mais que les vnes ont plus de corps, and plus ou moins elementaires que les autres: comme Alexãdre Aphrodisee a tenu: mais il n'a pas vsé de telle demõstration. Or la demonstration est apuyee de l'auctorité Iesaye, quand il dit au 57. chap. que l'esprit perira, and les ames [quae] (16) i'ay fait. Il yse du mot rnah [Hebrew omitted] qui signifieve (02) t, esprit, and du mot nephasots, [Hebrew omitted] qui signifie soufle, l'vn and l'autre de mesme essence encores qu'ils soient de diuerse nature, cõme les Anges, and les ames des hõmes. Apulée ne dit pas si les Dæmons sont bons ou mauuais, Page 64

cõbien que les anciens tenoient, qu'íl y en auoit de bõs, les autres mauuais, les autres neutres. Et Psellus entre les Chrestiens, Plotin entre les Academiques, Iamblique entre les Ægyptiens, mettent trois differe (02) ces, and constituent generalement tous les Dæmons en six lieux: à sçauoir, au ciel, en la haute region de l'air, en la moyenne region, és eaux, en terre, and soubs terre. Toutesfois nous suiuirons la resolution des Theologiens, c'est à sçauoir que tous Dæmons sont malins. Aussi est-il incompatible de mettre vne neutralité en la nature intelligible: veu mesmes que les an ciens n'ont iamais eu que ces deux epithetes des Dæmõs, à sçauoir [Greek omitted]. Ce point resolu touchant l'origine, nature, and qualité des Diables, ou Dæmons, nous achemine au premier poinct de nostre definition, pour entendre les actions des Diables and moyens Diaboliques, desquels ils vsent pour ruiner les hommes lequel poinct presuppose aussi societé, and alliance, auec les Dæmons. Disons donc, s'il est possible que telle societé se face. De l'Association des Esprits auec les hommes. CHAP. II. LASOCIETE', and alliance ne peut estre, sinon entre choses semblables, ou qui ont quelque similitude ou accord l'vne à l'autre: tout ainsi que les mousches à miel s'associent ensemble, pour la similitude qu'elles ont, and pour tirer profit de la societé mutuelle: ainsi les formis, and autres animaux sociables. Mais entre les loups, Page 65

and brebis entre lesquels Dieu a mis vne antipathie, and vneirreconciliable, and capitale inimitié, comme entre les meschans hommes à outrance, and les saincts personnages, il ne peut y auoir societé qui tienne, non plus qu'entre les Anges, and les Dæmons: mais il y a des hommes qui ne sont ny bons ny meschans, and s'accommodent aux vns, and aux autres, tellement qu'on peut dire que l'ame intellectuelle de l'hõme est moyenne entre les Anges, and les Dæmons. Car on void que ce grand Dieu de nature a lié toutes choses par moyens, qui s'accordent aux extremitez, and compose l'harmonie du monde intelligible, celeste, and eleme (02) taire par moye (02) s, and liaisons indissolubles. Et tout ainsi que l'harmonie periroit, si les voix cõtraires n'estoient liées par voix moyennes: ainsi est il du monde, and de ses parties. Au ciel les signes contraires sont alliez d'vn signe qui s'accorde à l'vn and l'autre. Entre la pierre, and la terre on void l'argille, and balme. Entre la terre and les metaux les marcasites, and autres mineraux: entre les pierres, and les plãtes sont les especes de corail, qui sont plantes lapifiées produisans racines, rameaux and fruicts: Entre les plãtes, and les animaux sont les Zoophytes, ou plãtebestes, qui õt sentime (02) t, and mouueme (02) t and tire (02) t leur vie par les racines attachées aux picrres: En tre les animaux terrestres, and aquatiques sont les amphybies, cõme les bieures, loutres, tortues, cãcres fluuiatiles: entre les aquati[quae] (16) s and les oy seaux sont les poissons volans: Entre les autres bestes, and les hommes sõt les Synges, and Cercopithes: and entre toutes les bestes brutes, and la nature intelligible, (qui sont les Anges and Page 66

Dæmons) Dieu a posé l'homme, partie duquel est mortelle comme le corps, and partie immortelle, cõme l'intellect. Or les sainctspersonnages, qui meprisent la partie mortelle, and terrestre pour ioindre leur ame intellectuelle auec les Anges, font la liaison du monde intelligible auec le monde inferieur: Ce qui fut faict premierement lors qu'Adam fut crée en estat de grace, ayant neantmoins le franc9 arbitre d'estre bon ou mauuais: C'est pourquoy les Hebrieux disent que Dieu crea l'homme le dernier, y appellant les Anges, comme dit Philon Hebrieu, tant pour monstrer qu'il tenoit de la nature intelligible, que pour vnir le mõde superieur, au monde inferieur. Mais quand aux autres animaux il est dit, qu'il commanda aux eaux de produire les oiseaux and les poissons, and à la terre de produire les autres bestes: and non pas l'hõme qui deuoit estre le lyen du monde intelligible and visible, laquelle liaison a continué entre les Anges, and les saincts personnages, par la priere, and moyen desquels le genre humain est conserué. C'est pourquoy il est dit aux Psalmes,1 que Dieu a faict l'homme peu moindre que les Anges, ou le mot [Hebrew omitted] ne signifie pas Dieu, comme quelques vns ont traduit: aussi les LXXII. Interpretes ont traduit, [Greek omitted], and l'interprete Caldean a tourné [Hebrew omitted] qui est pris du mot Hebrieu [Hebrew omitted] qui signifie Anges, and oste l'equiuoque du mot [Hebrew omitted]: Et par ainsi en lieu que Marot a tourné: Tu l'as faict tel, que plus il ne luy reste, fors estre Dieu, il pouuoit dire: Tu l'as si haut esleué de son estre, qu'il est peu moins que l'Ange de ta dextre. C'est pourquoy les2 Hebrieux -notes- 9Gene.c. 4. Deu]t.c. 30. 1Psalmo 8. Paulo minuisti eum ab Angelis. 2In Libro. [Hebrew omitted] Page 67

appellent les Anges les Pedagogues des hommes, comme les hommes sont bergers des animaux, ce que Platon3 ayant appris des Hebrieux, a dict qu'on ne baille pas la garde des cheures aux cheures, ny des bestes aux bestes, ains aux hommes, and la garde des hommes aux Anges. Nos, inquit, sicut oues mira diuinorum pastorum custodia semper egemus. Puis doncques que les Anges sont bons, and les Diables mauuais, aussi les hommes ont le franc arbitre pour estre bons, ou mauuais, comme Dieu dict en sa Loy4. I'ay, dit-il, mis deuant tes yeux le bien, and le mal, la vie and la mort, choisy dõc le bien, and tu viuras: Et encores plus expressement en autre5 lieu il est dict, Dieu ay ant creé l'homme l'a laissé en son franc arbitre, and luy a dict: Si tu veux tu garderas mes commandemens, and ils se garderont: Ie t'ay baillé le feu, and l'eau, tu as puissance de mettre la main à l'vn ou à l'autre: Tu as le bien and le mal, la vie and la mort, and auras lequel il te plaira. Et pour mõstrer qu'apres le peché d'Adam, l'homme n'a pas perdu le franc arbitre, le propos est inseré en la loy de Dieu, and mesmes il fust dict6 à Cain, qu'il auoit puissance de faire bien ou mal: Sur quoy Moyse Maymon dict, que tous les Hebrieux sont d'accord, que l'homme a le franc arbitre, and que cela n'est point reuoqué en doute, dequoy, dit-il, Dieu soit loué. Voyla ces mots.7 Et par ainsi la decision des Theologiens demeure veritable, que tous esprits sont bõns ou mauuais, and separez les vns des autres: ce que les Theologiens disent estre signifié par ces mots, que Dieu diuisa les eaux d'auec les eaux: and que les hommes font le moyen entre deux: -notes- 3In symposio Protagara, politico, Critia, and in legibua and in Epinomide. 4Deuter. 30. and Genes. 4. 5Eccl. 15. 6Genesis 4. 7Libro 3. [Hebrew omitted] Page 68

Car les vns sont associez auec les Anges, and les autres auec les Dæmons: and se trouue aussi des hommes, qui n'ont soing des vns, ny des autres. Or l'amitié, and societé, soit auec les Anges, soit auec les Dæmons: commence par conuentions taisibles, ou expresses: Nous vserons de ces mots desquels ont vsé sainct Augustin, Thomas d'Aquin, and les autres Theologiens. Il y a bie (02) des hommes qui ne s'adonnent iamais à contempler les choses intellectuelles, and ne leuent iamais l'esprit plus haut que leur gueule, viuans comme pourceaux and bestes brutes, desquels l'Escriture8 saincte dict: Ils ne sont plus hommes, ains aux bestes ressemblent, desquels meurt l'ame, and le corps to9 ensemble: a quoy se raporte ce que sainct Hierome interprete pecora cãpi sur le 8. Psalme estre les hommes bestiaux, à quoy se raporte le dernier chapitre de Ionas, où il est dit, qu'il y auoit plus de six vingts mil hommes and grand nombre de bestes. Et quant à ceux-la il semble, qu'ils ne peuuent pas auoir societé auec les esprits, soient bons, ou mauuais, pour la difference trop grãde, qui est entre ces pourceaux là, and les esprits qui de leur naturel sont Eslences incorporelles, and spirituelles. Mais celuy qui s'adonne, and tourne ses pensees à tout mal and meschanceté, alors son ame degenere en nature diabolique,6 comme dict Iamblique, premierement par pactions tacires, comme nous dirons cy apres, puis par conuentions expresses. Et au contraire si l'homme s'adonne à bien, and qu'il esleue son ame à Dieu, à bien, à vertu, apres que son ame sera purifiée d'vne grace diuine, s'il s'exerce aux vertus morales, and puis aux vertus -notes- 8Psal. 49. 6lib. 3. ca. 32. Page 69

intellectuelles, il se pourra faire, qu'il ait telle societé auec l'Ange de Dieu, qu'il ne sera pas seulement gardé par iceluy, ains il sentira sa presence, and cognoistra les choses, qu'il commande, and qu'il luy defend. Mais cela aduient à peu d'hommes, and d'vne grace, and bonté speciale de Dieu. Auerroës appelle cela l'adeption de l'intellect, and dict qu'en celà gist la felicité la plus grande, qui soit en ce monde: Ce que Socrate apperceut des premiers entre les Grecs, comme nous lisons en Platon son disciple in Theage. Adest, inquit, mihi diuina quadam sorte Dæmoniu (05) quoddam, à prima pueritia me sequutum, c'est à dire, Des mon enfance i'ay tousiours senty ie ne sçay quel esprit, qui me suit: Puis apres il dict qu'il oyoit vne voix, par laquelle il cognoissoit qu'il ne deuoit pas faire ce qu'il vouloit entreprendre. Porphyre parlant de I'lotin, dit qu'estant en Egypte vn Prestre Egyptien ayant bien consideré le Dæmon de Plotin, luy dist, Tu es bien heureux Plotin qui en lieu d'vn Ange as eu vn Dieu. Ce prestre estoit des plus grands sorciers d'Egypte, qui ensorcele si bien Plotin, que depuis, tous les plus grands and subtils sorciers, sous ombre de philosophie, exerçoie (02) t vne damnable sorcelerie, and de ceste escole sont sortis Iamblique, Porphyre, Porcle, Sopater, Maximus, Ammonius and autres. Iamais les saincts personnages ne sont allez aux sorciers, pour sçauoir qui estoit leur Ange. Mais il n'y a rien plus freque (02) t que Dieu par ses Anges a assisté aux S. personnages, and parle par les Anges à iceux intelligibleme (02) t: aux autres par signes sans parole. Et entre ceux-là qui ont socicté auec les bons Page 70

esprits il y a plusieurs degrez. Car aux vns Dieu dõnoit vn Ange si excelle (02) t, que leurs Propheties, and predictiõs estoient tousiours certaines and infallibles, comme on dict de Moyse, Helie, Samuël, Helisée. Les autres n'õt pas tousiours esté infallibles, soit que les esprits soie (02) t moins parfaicts les vns que les autres, soit que le suget n'est pas si propre: tout ainsi que le Soleil ne se monstre pas si clair en la terre qu'il fait en l'eau, and n'est pas si clair en l'eau trouble, qu'e (02) l'eau claire, ny en l'eau agitée, qu'en celle-là qui est reposée: aussi les passions de l'ame troublée, ou qui n'est pas coye and tranquille, ne peut si bien receuoir la clarté intellectuelle. I'ay dict que c'est vn singulier don de Dieu, quand il enuoye son bon esprit à celuy qu'il aime, pour estre entendu de luy, and guidé en toutes ses actions: Car il se peut faire que l'homme sera vertueux, and craignant Dieu, and le priera assiduellement, and neantmoins Dieu, peut estre, ne luy donnera pas son esprit: mais bien luy donnera tant de sagesse and de prudence qu'il luy sera besoin: ou bien s'il luy donne son bon Ange pour le garder, comme tiennent les Theologiens, and qu'il est dict en l'escriture7 de celuy qui est en la garde du hault Dieu, lequel a faict commandement à ses Anges tres-dignes de le garder soigneusement, quelque part qu'il chemine. Neantmoins il ne sentira, and n'apperceura point la presence de l'Ange de Dieu, comme Abraham dist à Eliezer, que Dieu enuoyeroit son Ange deuant luy pour le guider, ce qui fut faict, encores que Eliezer n'en apperceut rien, non plus que les enfans, and pauures insensez, que -notes- 7Psal. 91. Page 71

Dieu garde bien souuent par ses Anges, qui ne pourroient autrement eseapper mil and mil dangers de mort. Mais celuy à qui Dieu faict la grace speciale de congnoistre sensiblement la presence de son Ange, and communiquer intelligiblement auec luy, il se peult dire beaucoup plus heureux que les autres: and tres-heureux s'il a le don de Prophetie, qui est le plus hault poinct d'honneur où l'homme peult estre esleué. Aussi void-on qu'il y en a tousiours eu fort peu. Lors que Dieu menoit son peuple par le desert, il n'y en eut que 72. à qui il fist ceste grace, combien qu'il y eust six cens mil hommes au dessus de vingt ans. Et ne se trouua que Hieremie de son temps, auquel Dieu dist, qu'il fist à sçauoir à Barachie, qui demandoit à Dieu le don de Prophetie, qu'il demandoit trop grande chose. Toute l'Escriture saincte est pleine de telle communication de l'Ange auecles eleuz. Ie sçay bien que les Epicuriens, and Atheistes tiennent cela pour vne fable: aussi ie n'ay pas deliberé de les faire sages: Si est-ce que toutes sortes de Philosophes tiennent cela pour indubitable. Plutarque au liure qu'il a faict du Dæmon de Socrate, tient comme chose trescertaine, l'association des esprits auec les hommes, and dict que Socrate, qui estoit estimé le plus homme de bien de la Grece, disoit souuent à ses amys, qu'il sentoit assiduellement la presence d'vn esprit, qui le destournoit tousiours de mal faire, and de danger. Le discours de Plutarque est long, and chacun en croira ce qu'il voudra. Mais ie puis asseurer d'auoir entendu d'vn personnage, Page 72

qui est encores en vie, qu'il y auoit vn esprit qui luy assistoit assiduelleme (02) t, and cómença àle cognoistre ay ant enuiron trente sept ans, combien que le personnage me disoit, qu'il auoit opinion que toute sa vie l'esprit l'auoit accompagné par les songes precedens, and visions qu'il auoit eu de se garder des vices, and incõuenie (02) s: and toutesfois il ne l'auoit iamais apperceu sensiblement, comme il feist depuis l'aage de trente-sept ans: ce qui luy aduint, comme il dict, ayant vn an auparauant continué de prier Dieu de tout son c ur soir and matin, à ce qu'il luy pleust enuoyer son bon Ange, pour le guider en toutes ses actions, and apres and deuant la priere il employoit quelque temps à cõtempler les uures de Dieu, se tenant quelquesfois deux ou trois heures tout seul assis à mediter and contempler, and chercher en son esprit, and à lire la Bible, pour trouuer laquelle de toutes les religions debatues de tous costez estoit la vraye, and disoit souuent ces vers, Enseigne moy comme il faut faire, Pour bien ta volonté parfaire, Car tu es mon vray Dieu entier, Fais que ton esprit debonnaire Me guide, and meine au droict sentier. Blasmant ceux-là, qui prient Dieu qu'il les entretienne en leur opinion, and continuant ceste priere, and lisant les sainctes Escritures, il trouua en Philon Hebrieu au liure des sacrifices, que le plus grand and plus agreable sacrifice, que l'homme de bien, and entier peut faire à Dieu, c'est de soymesme, estant purifié par luy. Il suyuit ce conseil, offrant à Dieu son ame. Depuis il commença, Page 73

comme il m'a dict, d'auoir des songes, and visions pleines d'instruction: and tãtost pour corriger vn vice, tantost vn autre, tantost pour se garder d'vn danger, tantost pour estre resolu d'vne difficulté, puis d'vne autre, non seulement des choses diuines, ains encores des choses humaines, and entre autres luy sembla auoir ouy la voix de Dieu en dormant, qui luy dist, Ie sauueray ton ame: c'est moy qui t'ay apparu par cy deuant. Depuis tous les matins sur les trois, ou quatre heures l'esprit frappoit à sa porte, and se leua quelquesfois ouurant la porte, and ne voyoit personne, and tous les matins l'esprit cõtinuoit, and s'il ne seleuoit, il frappoit derechef, and le reueilloit iusques à ce qu'il fust leué. Alors il commença d'auoir crainte, pensant que ce fust quelque maling esprit, comme il disoit: and pour ceste cause il continuoit de prier Dieu, sans faillir vn seul iour, que Dieu luy enuoyast son bon Ange, and chantoit souuent les Psalmes, qu'il sçauoit quasi tous par c ur. Or il m'a asseuré, que depuis tousiours il l'a accompagné, luy donnant vn signe sensible, comme le touchant tantost à l'oreille dextre, s'il faisoit queque chose qui ne fust bonne: and à l'oreille senestre s'il faisoit bien: and s'il venoit quelcun pour le tromper, and surprendre, il sentoit soudain le signal à l'oreille dextre, si c'estoit quelque hõme de bien, and qui vint pour son bien, il sentoit aussi le signal à l'oreille senestre. Et quand il vouloit boire ou manger chose qui fust ma auaise, il sentoit le signal: s'il doutoit aussi de faire ou entrepren dre quelque chose, le mesme signal luy aduenoit. S'il pensoit quelque chose mauuaise, and qu'il Page 74

s'y arrestast, il sentoit aussi tost le signal pour s'en destourner. Et quelquesfois quand il commençoit à louer Dieu de quelque Psalme, ou parler de ses merueilles, il se sentoit saisi de quelque force spirituelle, quiluy dõnoit courage. Et afin qu'il discernast le songe par inspiration d'auec les autres resueries, qui aduiennent quand on est mal disposé, ou qu'on est troublé d'esprit, il estoit eueillé de l'esprit, comme il disoit, sur les deux ou trois heures du matin, and vn peu apres il s'endormoit: alors il auoit les songes veritables de ce que il deuoit faire, ou croire, des doubtes qu'il auoit, ou de ce qui luy deuoit aduenir: En sorte que il dict que depuis ce temps là il ne luy est aduenu quasichose, qu'il n'en ayt eu aduertissement, ny doubte des choses qu'on doibt croire, dont il n'en ayt eu resolution. Vray est qu'il demandoit tous les iours à Dieu, qu'il luy enseignast sa volõté, sa loy, sa verité: Et employoit vn iour de la sepmaine, autre que le Dimanche (pour les desbauches qu'il disoit, qu'on faisoit ce iour la) pour lire en la Bible, and puis meditoit, and pensoit à ce qu'il auoit leu, puis apres il prenoit plaisir à louër Dieu, d'vn Psalme de louãge: and ne sortoit point de sa maison le iour qu'il festoyoit: neantmoins au surplus de toutes ses actions il estoit assez ioyeux, allegant à ce propos le passage de l'Escriture qui dict, Vidifacies sanctorum lætas: I'ay veu le visage des gens de bien gay. Mais si en compagnie il luy aduenoit de dire quelque mauuaise parole, and delaisser pour quelques iours à prier Dieu, il estoit aussi tost aduerty en dormant and menasse: and s'il auoit offensé il estoit chastié Page 75

and auerty pour quoy, il auoit le chastiment. S'il lisoit vn liure qui ne fust bon, l'esprit frappoit sur le liure, pour le luy faire laisser, and estoit aussi tost destourné s'il faisoit quelque chose contre sa santé, and en sa maladie gardé soigneusement. Brief il m'en a tant conté, que ce seroit chose infinie de vouloir tout reciter. Mais sur tout il estoit aduerty de se leuer matin, and ordinairement dés quatre heures, and dict qu'il ouyt vne voix en dormant qui disoit, Qui est celuy qui le premier se leuera pour prier? Et semble que pour ceste cause le mãne s'en alloit en fumee si le Soleil frappoit dessus: afin dit le Sage, qu'vn chacun apprint à se leuer matin and remercier Dieu. Aussi dict il qu'il estoit souuent aduerty de donner l'aumosne, and alors que plus il donnoit l'aumosne, plus il sentoit que ses affaires prosperoient: and comme ses ennemis auoient resolu de le tuer, ayant sçeu qu'il deuoit aller par eau, il eut vision en songe, que son pere luy amenoit deux cheuaux, l'vn rouge and l'autre blanc, qui fut cause qu'il enuoya louër deux cheuaux, and son homme luy amena deux cheuaux l'vn rouge l'autreblanc, sans luy auoir dict de quel poil il les vouloit. Ie luy de man day pourquoy il ne parloit ouuertement à l'esprit, il me fist response, que vne fois il le pria de parler à luy, mais que aussi tost l'esprit frappa bien fort contre sa porte, comme d'vn marteau, luy faisant ente (02) dre qu'il n'y prenoit pas plaisir, and souuent le destournoit de s'arrester à lire ny à escrire, pour reposer son esprit, and à mediter tout seul oyant fouue (02) t en veillant vne voix bien fort subtile, and inarticulee. Ie luy de man day si iamais il auoit veu l'esprit Page 76

en forme, il me dict qu'il n'auoit iamais rien veu en veillant, hors mis quelque lumiere en forme d'vn rõdeau bie (02) fort claire cõme le iour, and rouge cõme feu la nuit, and s'il changeoit de region, si tost qu'il estoit arriué au lieu, il sentoit l'esprit qui frappoit pour luy faire entendre sa prefence. Mais vn iour estant en extreme danger de sa vie, ayant prié Dieu de tout son c ur, qu'il luy pleust le preseruer, sur le poinct du iour entre-sommeillant il dict qu'il apperceut sur le lict où il estoit couché, vn ieune enfant vestu d'vne robe blãche changeant en couleur de pourpte, d'vn visage de beauté esmerueillable: ce qu'il asseura bien fort. Vne autre fois estant aussi en danger extreme, se voulant coucher, l'esprit l'en empescha, and ne cessa de le torme (02) ter qu'il ne se fust leué: and lors il pria Dieu toute la nuit sans dormir. Le iour ensuyuãt Dieu le sauua de la main des meurtriers d'vne façon estrange, and incroyable. Et apres auoir eschappé le danger: il dict qu'il ouyt en dormant vne voix qui disoit: Il faut bien dire, Qui en la garde du haut Dieu pour iamais se retire. Et pour le faire court, en toutes les difficultez, voyages, entreprises qu'il auoit à faire, il demandoit conseil à Dieu, and ne failloit iamais d'en estre resolu tost ou tard. Et si la chose requeroit promptitude, la vision ou songe estoit redouble, en mesme nuict. Et disoit que au plus grand danger il se trouuoit plus asseuré, que s'il n'eust point esté en danger: and ne sentoit point le danger, sinon apres l'auoir eschappé: encores qu'il veist deuant ses yeux, and que chacun s'en effroyast. Et comme il prioit Dieu qu'il luy donnast sa benediction, vne Page 77

nuict il eut vision en dormant, comme il dict, qu'il voyoit son pere qui le benissoit. I'ay bien voulu reciter ces particularitez que i'ay sçeu d'vn tel personnage, pour faire entendre que l'association des malings esprits ne doibt pas estre trouuee estrãge, si les Anges and bons esprits ont telle societé, and intelligence auec les hommes. Mais quant à ce qu'il dict, que le bon Ange luy touchoit l'oreille, cela est bien noté au liure de Iob chap.4. and 36. and chap.33. and en Iesay c au chap.50. où il dict, Dominus vellicauit mihi aurem diluculò. Et Iob le dict encores mieux, descouurant le secret aux hommes entendus, par lequel Dieu se faict peu à peu congnoistre sensiblement. Ce que Virgile ayant apris des Iuifs l'accõmode à son suiet en ces mots, Cinthius aure (02) vellit and admonuit. Et quand à ce qu'il dict, qu'il oyoit frapper comme d'vn marteau, nous lisons que c'estoit la premiere marque de ceux à qui l'Ange vouloit cõmuniquer: car au liure des Iuges il est dir de Manoha, que l'Ange de Dieu cõmença à frapper deuant luy, cõme dict Rabi Dauid, où le mot Hebrieu [Hebrew omitted] signifie frapper, and sonner, du mot [Hebrew omitted], qui signifie tintinabulum, ou tabourin. Quand à ce qu'il dit que s'il pensoit quelque mal, l'esprit l'auertissoit, and le destournoit, il apert que les bõs and malins esprits sont vnis à ceux qui les ont en leur puissance, and sçauent toutes leurs pensees: à quoy se rapporte le dire de Salomon en l'Ecclesiaste où il defend de mal penser du Roy en son lit, car dit-il, les oiseaux du ciel le raporterõt: c'est à dire qu'il fautbie (02) se garder de mal pe (02) ser de Dieu en soymesme, afin [quae] (16) les esprits malins ne le raporte (02) t à Dieu, and en demãdent Page 78

la ve (02) geãce. Or Dieu seul a cognoissãce de toutes les pensees de tous hõmes, cõme dit le mesme Salomõ en son oraison: and les A nges particuliers de chacun homme. Or de dire que chacun a son bon Ange, cela n'est pas sans difficulté. Car combien que ceste opinion soit fort ancienne comme ces vers Grecs le monstrent: [Greek omitted] C'est à dire, que chacun a vn esprit conducteur de sa vie: toutesfois il semble du contraire: Car on void euidemment que Saül apres auoir esté beneit, and sacré de Samuel, and qu'il eut rencontré la bande des Prophetes au chemin, qui iouoye (02) t des instrume (02) s, l'esprit de Dieu le saisit, and se trouua (dit l'escriture) tout changé. C'est pourquoy Samuel luy dist, qu'il feist alors tout ce qui luy viendroit en la pensee. Et quãd il est dict que Dieu3 print de l'esprit de Moyse, pour en departir à LXXII per sonnes (que Dieu auoit choisi entre six ce (02) s mil) and qu'ils Prophetisoient, quãd l'esprit de Dieu prophertique reposoit sur eux, on peut recueillir, que l'esprit de Dieu propheti[quae] (16) n'estoit pas encores auec eux: encores que peut estre ils eussent l'Ange à leur suitte. On recueillist aussi que l'esprit de Dieu, est comme la lumiere, qui se communique sans diminution, and qu'il n'est qu'en peu de personnes, and n'y est pas tousiours. Comme en cas pareil, il est dict que l'esprit de Dieu laissa Saül, and quelquesfois le maling esprit le tourme (02) toit: Et si tost que ses Ambassadeurs, qu'il enuoy a par trois diuerses fois à Samuel and à Dauid, and autres Prophetes -notes- 3Numeri. 11. Page 79

qui est oient auec eux, approchoient, aussi tost ils estoient saisis de l'esprit de Dieu, and prophetisoie (02) t: Et mesmes Saul y estant venu pour les prendre, and les faire mourir, fut aussi rost saisi du sainct Esprit, and cõmença 4 à louër Dieu, and Prophetiser: and apres qu'il eut laissé la troupe des Prophetes, l'esprit de Dieu le laissa, and fut quelque temps auparauãt saisi du malin esprit, and deuint furieux, and prophetisoit, ainsi l'escriture 5 parle, accommodant ce mot de prophetiser, en bonne and en mauuaise part, comme le maling esprit veut contrefaire les merueilles de Dieu, and faire entendre qu'il sçait les choses futures. Toutesfois il se peut faire comme i'ay dict que la personne soit conduite, and gardee par l'Ange de Dieu, sans l'apperceuoir, ny auoir communication auec celuy qui le garde intelligiblement, ny sensiblement, soit que l'excellence des Anges est bien differente, comme i'ay dict de l'esprit de Moyse de Samuel, and d'Helie, qui surpassoie (02) t de beau (05) coup tous les autres Prophetes, soit que la personne n'est pas capable de l'intelligence spirituelle. Mais bie (02) ie tiens que l'Ange de Dieu, ayant delaissé l'homme le diable s'en saisit: car il est bien certain qu'en ce mõde y a beaucoup plus d'esprits bons and mauuais, qu'il n'y a d'hommes soit que par hypothese de sainct Augustin, de Plutarque, and d'Apulee, and des Hebrioux les malins esprits soyent mortels au temps a eux determiné soit qu'ils soyent immortels: comme la pluspart tient: car quand la vie des Dæmons, seroit de mil ans comme Plutarque, dict au liure de oraculorum defectu, and Porphyre raporte és commentaires de Procle sur la -notes- 4Samucl.19. 5Samucl.c.18 Book 1 - Chapter 3 Page 80

Republique de Platon, ou de ccc. ans cõme dit Cardan que le Diable familier que son pere a eu tre (02) te ans luy dist, and que les hommes abominables fussent cõme diables, and les hommes comme Anges en nombre passeroit. Voila quant à l'association des bons esprits auec les hommes. Quant à l'association des hommes auecles diables, nous en parlerons en ce traicté. Mais premierement il faut sçauoir la difference des bons and des mauuais esprits. La difference qu'il y a entre les bons, and malings Esprits. CHAP. III. Novs auons dict que le Sorcier, est celuy qui s'efforce paruenir à quelque chose par moyens diaboliques, puis nous auons parlé de l'association des esprits auec les hommes: il fault donc sçauoir la differe (02) ce des vns and des autres, pour cognoistre les enfans de Dieu d'auec les Sorciers. Ce qui est bien necessaire, pour leuer le voile de pieté, and de religion, and le masque de lumiere, que le Diable prend assez souuent, pour abuser les hommes. Les ancie (02) s Grecs and Latins ont remarqué qu'il y auoit de bõs and de mau uais esprits, and appelloie (02) t les vns [Greek omitted], les autres [Greek omitted] les Latins, Lemures ou Remures, ce que les hõmes ignorans ne peuuent, and les Atheistes ne veulent croire, and les Sorciers, qui font bonne mine pour leuer la suspiciõ qu'õ auroit d'eux, s'en mocquent en apparence, mais en effect Page 81

ils entendent trop bien. Nous auons assez d'exe (02) ples, que le diable s'efforce de contrefaire les uures de Dieu, comme nous lisons des Sorciers de Pharaon. Aussi lisons nous que les malins esprits ancienneme (02) r trompoie (02) t, comme ils font encores à present, en deux fortes, l'vne ouuertement, auec pactions expresses, où il n'y auoit quasi que les plus lourdaux, and les femmes qui y fussent prises: l'autre sorte estoit pour abuser les hommes vertueux, and bien nais, par idolatrie, and soubs voile de religion, en sorte que Sathã pour se faire adorer, and destourner les hommes de l'adoratiõ d'vn vray Dieu, ne vouloit rendre ses oracles, and respõses que par celles qui estoient vierges,1 and qui ieunoient en prieres, and oraisons, qu'elles faisoient à Apollon, and autres Dieux semblables, ce que le diable a sceu si bien entretenir, qu'aux isles Occidentales, il s'est trouué auparauãt que les Espagnols en fussent Seigneurs, que les pre stres, qu'ils auoient, faisoient de grãds ieusnes, prieres, and processions, portans leurs Idoles en bannieres, chãtoient à l'honneur de leurs idoles: puis apres ils estoie (02) t faisis des esprits malins, and disoient merueilles, comme nous lisons és histoires des Indes Occidentales, and generalement les Prestres ne se marioient point, horsmis ceux qui escoutoient les pechez, and enioignoient penitence, and n'osoient reueler la confession sous peine d'estre chastiez, and ieunoient souuent, mesmement quãd on vouloit moissonner ou faire la guerre, ou par ler à leur Dieu, c'est à dire au diable. Et pour estre plus fort rauis, ils fermoie (02) t les y eux, les autres s'aueugloie (02) t sacrisiãs les hõmes, and toutes sortes d'animaux à leurs -notes- 1Plutar que an linrc, De oraculoruns defectu. Page 82

idoles, and y auoit plusieurs monasteres de filles gardees foigneusement par hommes chastrez, ayans le nez and les leures coupees, auec peine de mort à celle qui auroit souillé son honneur: comme il se faisoit en Rome aux Vestales, and ceux qui vouloient estre prestres, se retiroient auec les Prestres vestus de blanc és forests, où ils passoient quarte ou cinq ans, and puis ils en prenoient acte. Et le plus grand Dieu qu'ils adoroient estoit le Soleil, qu'ils appelloient Guaca, and Paniacana fils du Soleil and de la Lune. Toure ceste histoire, ainsi qu'elle est icy escrite fut recitee deuant le Roy d'Espaigne au conseil des Indes. Or il est tout notoire, que les Amorrheans, and autres peuples que Dieu extermina, s'exerçoient en telles sortes de Sorcelleries, sacrifians aussi les hommes aux Diables, ausquels ils parloient, and qu'ils adoroient, and principalement le Soleil, l'appellant par excellence Bahal, c'est à dire en Hebrieu, Seigneur, d'où est venu Bahalzebuf, qui veut dire Maistre-mouche, par ce qu'il n'y auoit pas vne mouche en son temple, comme on dict qu'au Palais de Venise il n'y a pas vne seule mouche, and au palais de Tolede qu'il n'y en a qu'vne, qui n'est pas chose estrãge, ou nouuelle: car nous lisons que les Cyrenaiques apres auoir sacrifié au Dieu Acharon, Dieu des mouches, and les Grecs à Iuppiter surnommé Myiodes, c'est à dire Mouchard, ce qu'ils faisoie (02) t tous les ans au mois de May, toutes les mousches s'enuoloient en vne nuee comme nous lisons en Paufanias in Arcadicis, and en Pline au liure XXIX. chapitre VI. Aussi voit on les Sorciers auec quelques paroles chasser tous les serpe (02) s Page 83

d'vn pays. Ce n'est donc pas merueille si leur maistre Sathan chasse toutes les mousches. Mais il faut iuger (s'il est ainsi qu'on dit de Tolede, and de Venise) qu'il y a quelque idole enterree sous l'esueil du Palais, comme il c'est descouuert depuis quelques annees en vne ville d'Egypte, où il ne se trouuoit point de Crocodiles, comme és autres villes au long du Nil, qu'il y auoit vn Crocodile de plomb enterré sous l'esueil du temple, que Mehemet Ben-Thaulon fist brusler: dequoy les habitans se sont plains, disans que depuis les Crocodiles les ont fort trauaillez. Ezechie Roy de Iudee pour mesme occasion fist brusler le Serpe (02) t de cuiure, à fin qu'on ne l'adorast plus. On peut voir au troisiesmeliure de Rabi Moses Maymon les ceremonies and sacrifices des Caldeans, qu'il a extraict du liure Zeuzir, qui estoit le liure des ceremonies de ces peuples-là, où l'on trouue les Sacrifices, prieres, ieusnes, danses, processiõs quasi semblables à celles qui se faisoie (02) t és Isles Occidentales, and mesmes les Prestres de Bahal, estoie (02) t aussi Prophetes, se retirans du monde, habillez de drap enfumé, qui est la plus hideuse couleur, and pour cesle cause s'appelloient Camarim: Et, qui est chose plus estrange, on void que ceux des Indes Occidentales auoient la mesme opinion que les Amorrheans, and les Grecs and Latins du Soleil ou Apollon, qu'il estoit le Dieu des Propheties: Qui monstre bien, que le diable auoit enseigné à tous ceux-là ceste belle science. Et mesmes Ochozias Roy d'Israël, l'vn des plus grands Sorciers qui fust de ce te (02) ps là, estãt tõbé de sa fenestre enuoya ses Ambassadeurs au te (02) ple de Bahal, pour sçauoir Page 84

s'il en rechaperoit, and comme Helie les eut rencõtrees ayant sçeu où ils alloient, y a il point, dist-il, de Dieu au ciel pour demander cõseil. Dites au Roy qu'il en mourra: ce qui aduint tost apres. Il ne faut donc pas s'esb ahir si les peuples d'Occident estoient ensorcelez par Sathã sous voile de prieres, ieusnes, sacrifices, processions, and propheties, puis que les peuples de Palestine, de Grece, and d'Italie n'auoient autre religion, ny rien de plus grand. Et si on dict que les plus sages n'y croyoient rien: ie trouue que les plus grands Philosophes tenoient cela pour chose diuine and trescertaine. Et qui fut onc entre les Philosophes plus diuin que Platon. Neantmoins l'oracle d'Apollon ayant respondu aux Atheniens, que la peste ne cesseroit point, que son autel, qui estoit carré en tout sens ne fust doublé, and Platon le plus grand Geometrie (02) , qui fust alors, ayãt trouué le moye (02) de le doubler physicaleme (02) t and grossierement dit aux Atheniens, que Dieu leur auoit demãdé la plus difficile questiõ qui soit en toute la Geometrie, c'est la duplication du cube and qui de faict n'a iamais encores esté demonstree, pour les destourner de l'auarice, de l'ambition, des voluptez des-hõnestes, and les attirer à la contemplation des choses intellectuelles, and uures admirables de Dieu. Le Diable voyant la peste grande print ceste occasiõ, and en fist son proffit, ce qui accreut de beaucoup l'opinion qu'on auoit de la diuinité de l'oracle. Car si tost que Platõ eust dou blé l'autel en tous sens la peste cessa. Apres Platon Iam blique Ægyptien au temps de l'Empereur Iulian l'Apostar, fut estimé le plus grand and le plus diuin, and que Page 85

Porphyre (qu'on appelloit le Philosophe par excellence) recongnoissoit pour son maistre, neantmoins on void en ses liures de Mysteres, qui sont entierement traduits, and imprimez à Rome, and non pas au fragment de Marsile Ficin, qu'il reprouue l'impieté4 de ceux qui faisoient des images, and characteres pour prophetizer, and conclud que5 la prophetie n'est point naturelle, ains que c'est le plus grand don de Dieu, 0 and que tel don ne vient que de Dieu, à celuy qui a l'ame purifiee, and qui plus est, il reprouue ceux qui pensent acquerir le don de Prophetie par6 le moyen des esprits que les anciens appelloie (02) t [Greek omitted], qu'ils portoient dedans les anneaux, ou en fioles: Et neantmoins7 il dict que la Prophetie s'aquiert par Hydromantie, Lithomantie, Actinomantie, Xilomantie, Rabdomantie, Orneomantie, and Alphitomantie, s'estonnant comme les Dieux s'appaisoient iusques 8 à la, de mettre leur diuinité en viãdes: dequoy Porphyre doutoit fort: and commande d'adorer la diuinité des Dieux en toutes ces choses. Or nous voyons combien Dieu à detesté toutes ces impietez, and specialement il a defendu0 d'adorer à la pierre d'imagination: l'interprete Caldean a tourné, la pierre d'adoration: que plusieurs ont interpreté vne statue sans propos. Et le mesme Iamblique escrit, que l'ame par la diuinité est quelquesfois si bien rauie hors de l'homme, que le corps demeure9 insensible, and ne sent ny coups ny poinctures: and par fois que le corps, and l'ame est transporté, ce qu'il appelle [Greek omitted], la quelle ecstase est ordinaire aux Sorciers, qui ont pactiõ expresse -notes- 4lib.3.6.30. 2. and 14.5. lib.3.ca. 24. and 27. 0Vtetiam Synesius libro [Greek omitted]. 6li.3.c.13.7. li.3.c. 14. per aquam radiu (05) , aues, lapides, par verges, par bois. 8lib.3.c. 17. [Greek omitted], Vocatur. quæ sit ex farina. 0Leuit.26. 9Lib.3 ca. 2. and sequent. Page 86

auecle diable, qui font quelquesfois transporter esprit, demeurant le corps insensible, and quelquesfois en corps, and en ame, quand ils võt aux assemblees la nuict, comme il a esté aueré par infinis procés, ainsi qu'il sera dict cy apres. Et neantmoins Iamblique ayãt apperceu que les malins esprits venoie (02) t au lieu des bõs esprits, il dict que la Thurgie, ou sacrifices faicts indigneme (02) t, desplaisoie (02) t aux Dieux, and qu'alors les malins esprits au lieu des Dieux venoient aux hommes. C'est pourquoy Porphyre, quoy qu'il fust ennemy capital des Chrestie (02) s, dit que tous les Dieux des ancie (02) s estoie (02) t malins esprits, qu'il appelle Cacodæmons. Or Iamblique discouroit du plus sain iugement qu'il eust, and qui estoit en reputation le plus sainct (quoy qu'il fust tresgrãd Sorcier) and le plus grand personnage de son te (02) ps. En sorte que Iulian l'Apostat luy escriuant plusieurs fois en ses cpistres, mettoit sur les lettres, Au grand Iãblique: lequel neantmoins ayant auec ses compagnõs voulu descouurir, qui seroit Empereur apres Valens, par Alectriomantie, apres que le coq eut descouuert les quatre premieres lettres, [Greek omitted], Valens estant aduerty, fist mourir vne infinité de Sorciers: and Iamblique, pour eschapper le supplice, s'em poisonna. Eunaceescrit, que quand Iãblique portoit les images des Dieux il estoit haut eleué de plus de deux coudees comme nous dirons cy apres de la Sorciere Magdelaine de la Croix, qu'on estimoit saincte Abesse de Cordone, qui estoit ainsi eleuee en pleine Eglise, and Marguerite Paiot qui fut bruslee en la ville de Tonnerre 1576. Mais pour mõstrer que les plus grands cerueaux, and les plus Page 87

saincts personnages sont abusez bien souuent, and que la plus forte sorcelerie prend vn beau voile de piete: il sera monstré par cy apres que l'inuocation des Diables (de laquelle les plus detestables Sorciers vsent à presens) est pleine d'oraisons, de ieusnes, de croix and d'hosties, que les Sorciers y employent. Et n'y a pas long temps qu'il y eut vne Sorciere à Blois, laquelle pour guarir vne femme qui estoit ensorcelee, languissante au lict, fist dire vne Messe du S. Esprit à minuict, en l'Eglise nostre Dame des Aides, and puis se coucha de son long sur la femme malade, en marmottant quelques mots, puis elle fut guarie. En quoy il appert que Sathan luy auoit appris ceste ceremonie, comme fist Helie le Prophete, quand il resuscita le fils de la vefue Sunamite par la puissance de Dieu: mais deux mois apres celle que la Sorciere auoit guarie, retomba malade, dont elle mourut, and la Sorciere enquise dict que elle auoit trop parlé, comme i'ay sçeu de Hardouyn, hoste du Lyon de Blois: Car elle auoit dict que la Sorciere qui l'auoit ensorcelee, auoit donné le sort à vn autre, qui est chose ordinaire à tous Sorciers, qui contrefont les medecins comme il sera dict cy apres. Et le protecteur des Sorciers, apres auoir mis les cercles, and caracteres detestables (que ie ne mettray point) pour trouuer les tresors, il escrit qu'il faut en fossoiant dire les Psalmes, De profundis, Deus misereatur nostri, and c. Pater noster, Aue Maria, and c. A porta inferi. Credo videre bona Domini, and c. Requiem æternam, and c. and lire la Messe: Et pour paruenir à quelque autre chose que ie ne mettray point, ils escriuent en quatre tableaux de Page 88

parchemin vierge, Omnis spiritus laudet Dominum, and les pende (02) t aux quatre murailles de la maison: Et pour faire autres meschancetez, que ie n'escriray point, ils disent le Psalme cent and huictiesme. Et qui plus est l'an M. D. L XVIII. les Italiens, and Espagnols allant au bas pays, portoient des billets pleins de sortileges, qu'on leur auoit baillé pour estre guarentis de tous maux: comme quelques Allemans porte (02) t la chemise de Necessité faicte d'vne façon detestable, qu'il n'est besoin d'escrire, and force croix par tout: Et en cas pareil le maistre Sorcier (qui ne merite d'estre nõmé) pour l'inuocation des malins esprits, veut qu'on ieusne premierement, and qu'on face diré vne Messe du sainct Esprit. Ce n'est donc pas chose aisee de descouurir les Sorciers, ny de les cognoistre d'auec les gens de bien, and beaucoup moins anciennement, qu'à present: combien que tous les peuples, and toutes les sectes des Philosophes ont cõdamné les Sorciers, comme dict sainct Augustin4, Sectasomnes Magiæ p nas decreuisse, and Seruius parlant des Romains, dict aussi qu'ils ont tousiours eu en horreur les Sorciers and Enchanteurs, comme il appert par les loix des XII. tables, and en leurs Pãdectes 5: and neãtmoins tous les oracles qu'ils auoient pour les plus facrez n'estoient que sorceleries, comme nous auons dict, and sera cy apres declaré plus specialement. Et par ainsi de dire que la marque des bons and mauuais esprits se doibt iuger par les bonnes ou mauuaises uures, il est bien vray: mais la difficulté est, quelles sont les bonnes uures: car combien que les ieusnes, prieres, and oraisons, la chasteré and pudicité, solitude, contemplation, -notes- 4lib.18.de Ciuitate Dei. 5l.item labeo §. si quis Astrologus de iniur. toto titulo de maleficis and mathcmaticis. l. Si quis aliquid, de p nis ff. Page 89

guerir les malades soient de bonnes uures en soy: si est-ce que si elles se font pour l'honneur qu'on face à Sathan, à vne idole, and pour sçauoir des Oracles les choses passees ou à venir, tant s'en faut que ces uures là soient bonnes, qu'elles sont detestables, diaboliques, and damnables. Or il appert par les ancie (02) nes histoires que les Payens, qui condamnoient les Enchanteurs, and ceux qui faisoient les tempestes, comme dict la loy0, faisoient tout cela, and mesmes les Amorrheãs, and Indois.G1 Vray est que les vnes estoient Sorciers volontaires. Mais la vraye marque and la pierre de touche est la loy de Dieu, qui faict cognoistre au doigt and à l' il le Sorcier, and la difference des bons and mauuais esprits. Car en la loy7 de Dieu tous sortileges sont estroictement defendus, and specifiez en plusieurs sortes, qui fõt cognoistre que les autres semblables sont aussi defendus. Et ne se faut pas arrester à ce que dit Iosephe au liure huictiesme des Antiquitez, que Salomõ trouua la science de coniurer les malins esprits, car il n'est pas à presumer qu'on eust oublié cela, veu les moi (03) dres choses qu'on a escrites de luy, and qu'il ne s'en trouue pas vn seul traict en tous ses escrits: si ce n'est qu'on voulust faire Salomon autheur des liures detestables, que les Sorciers ont soubs le tiltre de Salomon, comme les Sorciers anciens en Italie publiere (02) t leurs liures sous le nõ du Numan qui furent defendus par le Senat, cõme nous lisons en Tite Liue li. 10. Decad. 4. and Pline li.13.c.13. and peut estre que 10. sephe a esté aussi bie (02) abusé cõmelãblique: car il est escrit qu'e (02) la prese (02) e del'Em pereur Vespasiã, vn Iuif nõmé Eleazar, aiãt touché d'vn -notes- G16. l.4.de maleficu.C. 7Deut.:S. Page 90

anneau les narines d'vn hõme possedé du Diable, fist sortir la malin esprit par la vertu d'vne racinequi estoit dedans son anneau, que Salomon a monstré, comme il dict: qui est vn erreur pernicieux, and meschant (combien qu'il y en a plusieurs en ceste opinion, que c'est la Squille, and la pendent aux entrees des logis, pour chasser les malins esprits) car il est tout notoire que s'il y a Sorcier qui ayt mis sa poudre en vne bergerie, le bestail y mourra, si Dieu ne le garde. Et tout ainsi que Sathan guarist quelquefois le bestail and les hommes ensorcelez, par le moyen des Sorciers ses ministres (baillant tousiours neantmoins le sort à vn autre, à fin de ne rien perdre, comme il sera dict cy apres) aussi faict il bien souuent sortir les malins esprits des hõmes demoniaques, par moyens diaboliques, cõme faisoit celuy que dict Iosephe, par son anneau, où il n'y auoit point de racine, mais plustost vn malin csprit, par la puissance ou intelligence duquel l'autre esprit sort, à fin que l'on adiouste foy aux sorceleries, and idolatries desquelles Sathan entretient les pauures ignorans. Et si on dit que les loups ne s'entremãgent pas volontiers ny les malins esprits ne chassent pas les malins esprits, il y a response, que ce n'est pas estre chassé, mais c'est vne obeissance volontaire, and mutuelle intellige (02) ce des malins esprits entre eux: and le Royaume de Sathã en ce cas n'est pas tant diuisé, qu'il est estably and asseuré, and l'idolatrie appuyee de tels miracles, and entretenue par ce moyen: combien qu'il n'est pas inconuenient cõme dict S. Augustin, que les Diables chassent les Diables, and que les vns ne soie (02) t ruinez par les autres, comme Page 91

les meschans ne sont ruinez ordinaireme (02) t que par les meschans, par la volonté de Dieu, ainsi qu'il dict en Hieremie, Vlciscar inimicos meos, per inimicos meos: Ie ve (02) geray mes ennemis par mes ennemis. Et si les bõs souue (02) t font la guerre aux bõs, à plusforte raison les meschans aux meschãs, and les Diables aux Diables. Orno' lisons en Daniel7 que les Anges sont gouuerneurs des Empires, and Royaumes, and font guerre aux Anges: car l'Ange de Dieu dist à Daniel, que Michell Ange Prince des Hebrieux estoit venu à son secours, cõtre l'Ange de Perse: Toutesfoisie rapporteray tousiours l'interpretation de ce lieu aux sages. Ainsi Dieu a posé au ciel les mouueme (02) s contraires and les effects des estoilles, and planettes, and les eleme (02) s contraires and en toute la nature vne antipathié d'vne part, and simpathie d'autre, and en ceste contrarieté and plaisant combat, l'harmonie du monde s'entretient. Mais la confusion des bons and malings esprits est venuë, de ce que les nouueaux Academiques ont posé ceste maxime, qu'il faut coupler and lier le ciel and la terre, les puissances celestes and terrestres, and cõioindre les vns auec les autres, pour attirer la puissance diuine, par les moyens elementaires, and celestes. Voyla l'hypothese de Procule, Iãblique, Porphyre, and autres Academiques.2 Sur laquelle hypothese on peut dire que le maistre en l'art Diabolique, a fondé toutes les sorceleries and inuocations de Diables, qu'on imprime par tout auec priuilege des Princes, qui est l'vne des plus dangereuses pestes des Republiques. Car il compose des caracteres, qu'il dit propres aux Dæmons de chacune planette, lesquels characteres il veut estre -notes- 7Dan:el. c.10. and Deuter. 32. 2Limblichus in lib. dc mysterits. Page 92

grauez au metal propre à chacune planette, à l'heure qu'celles sont en leur exaltation, ou maison auec vne coniunction amiable, and veut alors qu'on ayt aussi la plante, la pierre, and l'animal propre à chacune planette, and de tout celà qu'on face vn sacrifice à la Planette, and quelquesfois l'image de la Planette, and les hymnes d'Orphee le Sorcier, ausquelles le Prince de la Mirãde s'est trop arresté soubs ombre de Philosophie, quand il dict les hymnes d'Orphee n'auoir pas moins de puissance en la Magie, que les hymnes de Dauid en la Cabale, de laquelle nous parlerons en son lieu: and se vante d'auoir le premier decouuert le secret des hymnes d'Orphee, lequel estoit le maistre de la Sorciere Medce, and de tous les Orpheotelestes. Mais on void que ces hymnes sont faicts à l'honneur de Sathan, à quoy se rapporte ce que dict Picus, Frustra naturam adit, qui Pana non attraxerit. Or par ce mesme moyen le maistre Sorcier instruict ses disciples en toute idolatrie, impieté, and Sorcelerie. Iaçoit qu'il semble que les Academiques, que i'ay dict, en vsoient par ignorance, and par erreur, and y alloient à la bonne foy pensant bien faire: mais celuy que i'ay dit en a vsé par impieté detestable: car il a esté toute sa vie le plus grand Sorcier qui fut de son temps: and soudain apres samort Paul2 Ioue escrit, and plusieurs autres, qu'on apperçeut vn chien noir, qu'il appelloit Monsieur, sortant de sa chambre, qui s'en alla plonger au Rhosne, qui depuis ne fut veu. Or la loy de Dieu ayant sagement pourueu à telles impietez de ceux qui veulent lier la partie du monde inferieur à la partie superieure, pour marier le monde (cõme -notes- 2Libro Elegiorum. Page 93

dict Picus Mirandula) couurant soubs vn beau voile vne extreme impieté, and par le moyen des herbes, des animaux, des metaux, des hymnes, des caracteres and sacrifices, attirer les Anges, and petits Dieux, and par ceux-cy le grand Dieu Createur de toutes choses: pour obuier, dy-ie, à ceste impieté, Dieu semble auoir defendu bien expressement, qu on ne feist point de degrez, pour monter3 à son autel, ains qu'on vint droict à luy: ce que les Platoniques n'ayant pas bien entendu, ont voulu par le moyen des Dæmons inferieurs, and demy-Dieux attirer les Dieux superieurs, pour attirer en fin le Dieu Souuerain. Nous dirons donc que les Platoniques, and autres Payens, qui par vne simplicité de conscience, and par ignorance adoroient, and prioient Iupiter, Saturnus, Mars, Apollo, Diane, Venus, Mercure, and autres demy-Dieux, viuans sainctement, prians, and ieusnans, and saisans tous actes de iustice, de charité, and de pieté, ont bien esté idolatres, mais non pas Sorciers, ny ceux qui sont en pareil erreur, encores qu'ils s'efforçassent de sçauoir les choses futures par moyens Diaboliques, attendu qu'ils pensoient faire chose aggreable à Dieu. C'est pourquoy nous auõs mis le mot, Sciemment, en la definition du Sorcier. Mais celuy qui a cognoissance de la loy de Dieu, and qui sçait, que toutes ses Diuinations Diaboliques sont defendues, and qui en vse pour paruenir à quelque chose, cestuy-là est Sorcier. On void donc que la plus certaine marque pour iuger la difference des bons and malins esprits, de la pieté and impieté, and de voir si on s'addresse aux Creatures au lieu du Createur, pour -notes- 3Exodi 20. Book 1 - Chapter 4 Page 94

paruenir à ses desseings. Et d'autant qu'il y en a plusieurs qui s'abusent aux predictions, and prennent le bien pour le mal, il est besoing declarer les predictions and presages. De la Prophetie and autres moyens diuins pour scauoir les choses occultes. CHAP. IIII. Les Grecs appelle (02) t le Deuin [Greek omitted] and d'autant que telles gens sont remplis d'impostures, and menteries, le Frãçois appelle vn homme mensonger, Menteur, qui semble estre tirè du Grec. Les Latins0 l'appellent Diuinum, mal à propos, donnant vn tresbeau nom aux Sorciers, aussi bien qu'aux Prophetes. Le mot est venu de [Greek omitted] quasi [Greek omitted], d'autant [quae] (16) les Deuins cnsorcelez, and possedez du maling esprit, estoient la pluspart furieux, and la Praistresse Pythias ne Deuinoit point, si elle n'estoit en fureur. C'est pourquoy le mal caduc est appellé morbus sacer, par ce que les Sorciers rauis, sont comme ceux, qui ont le mal caduc. Les Hebricux appelloient au commencement les Deuins, Videntes, comme Saul ayant perdu ses Asnes, alla chercher vn Deuin pour en sçauoir des nouuelles, on luy dist que Samuel estoit Voyant,1 and demanda à son compaignon vne dragme d'argent pour bailler au Deuin, and demandant à Samuel s'il estoit Voyant, il luy dist qu'il estoit Voyant: car (dict le2 texte) les Voyans ne s'appelloient pas encores [Hebrew omitted], c'est à dire, Prophetes: lequel mot vient de [Hebrew omitted] qui est quasi tousiours en la coniugation passiue,3 pour mõstrer que la vraye -notes- 0Cicero in libro De Diuinat. 1à verbo [Hebrew omitted] vidit, audiit, intellexit. 2Samuel. ca. 9. 3[Hebrew omitted] Samuel. 10. 11. Hier. 26. vers. 9. Zachariæ 13. 4. Page 95

diuination est receuë de Dieu. Et quãd au mot de Prophetie, qui est Grec, il signifie prediction, soit en bien, ou en mal. Et quant à ce que nous appellons Sorciers vsans de poudres, and gresles, les anciens, and mesmes Aristote les appelloit en son vulgaire [Greek omitted], and les Sorcieres [Greek omitted], comme on peut voir au liure 6. chapitre 18. and au liure 9. chapitre 17. de l'histoire des Animaux, où il dit que les Sorcieres se seruent de l'Hyppomanes. Et pour entendre quelle diuination est licite, ou illicite, nous dirons, que toute diuination est diuine, naturelle, humaine, ou diabolique. Et de ces quatre2 nous dirons par ordre. La diuination premiere s'appelle diuine, comme venant de Dieu extraordinairement, and outre les causes naturelles. Et quant à celle-cy nous en auons le tesmoignage de Dieu, quand il dict ainsi: S'il y a quelque3 Prophete entre vous, ie luy apparoistray par vision, and parleray à luy par songe: Mais quant à Moyse mon esclaue tresfidelle, and loyal entre tous, il n'en sera pas ainsi: car ie parleray à luy face à face. Auquel passage les Hebrieux4 ont noté que la Prophetie est vne largesse enuoyee de Dieu, par le moyen and ministere de l'Ange ou Intelligence actiue sur l'ame rai sonnable premierement, and puis sur l'imagination: and n'exceptent que la Prophetie de Moyse, qu'ils tie (02) nent auoir esté faicte à Moyse immediatement parlant à Dieu, sans moyen, and en veillant, ce qui est aussi signifié, quand Dieu dist à Moyse,5 I'ay apparu à Abraham, Isaac, and Iacob en mon nom Schadai, mais ie ne leur ay pas monstré mon grand nom IEHOVAH, and -notes- 2Quatre sortes de diuination. 3Numeri 12. 4Definition de Praphetie. Rabi Maymonis, libro 3. [Hebrew omitted] 5Exodi ca. 6. Page 96

au dernier chapitre du Deuteronome, il est dict, qu'il n'y eutiamais Prophete semblable à Moyse, qui cogneut Dieu face à face. Et par ainsitous les propos de Dieu en toute la saincte escriture aux Prophetes, se fõt par le moye (02) des Anges, ou Intellige (02) ces, ou en sõges, and visions: c'est pourquoy les Theologiens Hebrieux6, qui ont ente (02) du la doctrine des Prophetes de bouche en bouche, ont bie (02) diligemme (02) t examinez toutes les sortes de songes and visions diuines, que S. Augustin a cõpris briefuement en cinq especes, y compris les songes humains, desquels nous ne parlons pasicy, and ausquels il ne faut auoir aucun esgard, comme il est dict en l'Ecclesiastique, ains seulement à ceux qui sont enuoyez de Dieu: combien que les vns and les autres sont compris soubs le mot [Hebrew omitted] qui signifie autant que le Grec [Greek omitted] ou somnium: and les visions [Hebrew omitted] que Synesius 2 appelle [Greek omitted] que les Latins ont appellé visiones. Et la difference entre les deux est bien notable: and premierement pour la reception de l'vne and de l'autre: car le vray songe diuin se recoit en dormant. Mais la vision se faict en sommeillãt ou entre voile and sommeil que les Hebrieux appellent Tardemach, auec vne viue impressiõ en l'ame imaginatiue, qui represe (02) te les choses, cõme si on les voyoit des yeux: pour instruire les hõmes qui sõt du tout differe (02) ts aux sõges humains, and des bestes brutes, qui n'ont rie (02) que l'impression naturelle en l'imagination, ainsi qu'elles õt esté veuës en veillãt. Or s'il y a moie (02) d'auoir les songes diuins, and d'approcher au degré de Prophetie, est despouiller premiereme (02) t toute arrogãce and vaine -notes- 6Rabi Moses Maymon lib. 3. [Hebrew omitted] 2Synesius in lib. and [Greek omitted] Page 97

gloire, s'abstenir des voluptez deshõnestes, and d'auarice, puis apres s'adonner à viure vertueusement, and sur tout à s'employer à contempler, and congnoistre les uures de Dieu, and sa loy. Dauantage les anciens Theologiens6 Hebrieux, tiennent que la tristesse, and vieillesse grande, empesche beaucoup l'effect de Prophetie, disent: que la pluspart des Prophetes estoient ieunes. Et le plus hault poinct pour y attaindre, est de louër Dieu d'vne certaine ioye and allegresse, and d'vn c ur entier, souuent luy chanter Psalmes, and mesmeme (02) t sur les instrumens de Musique: c'est pourquoy le mot de prophetizer signifie aussi louër Dieu cõme en Samuel chapitre 10. and 13. [Hebrew omitted] cùm prophetiz aret, id est, laudaret. Et ne se faut pas arrester, pour entendre la force des visions, and Propheties diuines, aux discours des Philosophes, qui en ont parlé à veüe de pays, and tienne (02) t que celuy qui a le naturel mieux temperé void les songes plus veritables, car souuent l'homme estant au poinct de la mort, malade a l'extremité, prophetize, n'ayãt iamais prophetizé en la fleur de sa force. Aussi Aristote ne sçachant en quoy se resoudre au liure des Songes, dict, qu'il n'y a cause vray semblable de deuiner, si ce n'est vne cause diuine and occulte, and qui passe (dit-il) nostre entendeme (02) t. Or il faict bien à noter ce qui est escrit au XII. chapitre des Nombres, que Dieu ne se communique aux hommes, sinon en dormant (horsmis à Moyse) par songe and vision, and seulement aux Prophetes: pour monstrer la difference de la vision au songe, and du songe diuin aux songes humains: ou qui aduienne (02) t par maladies -notes- 6In libri. [Hebrew omitted] Page 98

and entre les songes and visions diuines y a plusieurs degrez. Le premier degré de la Prophetie est la reuelation en songe de s'adonner à bien, and fuir le mal, ou pour euiter les mains des meschans, and alors cestuy-là sentira en son ame vn precepteur, qui le rendra sage, and aduisé (comme disent les Hebrieux) and de cestuycy l'escriture dict, que l'esprit de Dieu s'est reposé sur luy, ou bien que Dieu a esté auec luy. Le second degré de Prophetie: est quand quelcun aperçoit en veillant quelque chose, qui entre en son ame, qui le pousse à parler à la louange de Dieu, and de ses uures, comme on dict que Dauid alors composoit les Psalmes, Salomon les liures des Paraboles, qui contiennent les grands and beaux secrets, couuers d'allegories. Mais Dauid and Salomon, n'ont pas esté au degré de Iesaye, Hieremie, Nathan, and autres semblables, ainsi que les Hebrieux ont noté. Et toutes les fois qu'on list en l'escriture, que Dieu dist à Dauid, ou à Salomõ, les Hebrieux interpretent par le moyen des Prophetes, comme Gad, and Nathan, qui auoient les visions de Dieu pour les faire entendre à Dauid: comme Salomon, auquel fut enuoyé Haiah Silonite. Et mesmes ils tiennent que ce qui fut dict à Salomon, qu'il seroit le plus Sage and entendu qui fut oneques, ne fut pas vne vision, mais bien vn songe diuin. Aussi l'escriture dict, que Salomon s'esueillant, aperceut que c'estoit vn sõge: Et aussi quãd il est dit, que Dieu apparut à Salomon la seconde fois, ils disent, que ce n'estoit pas vision. Le troisiesme degré est quand l'esprit purisié, voit en songe quelque figure, soit hõme Page 99

ou beste, ou autre chose, and au mesme instant, qu'on entend ce que veut dire la figure de ce qu'on void, cõme en Zacharie fort souuent. Le quatriesme degré est quand on entend des paroles sans veoir aucune figure de chose quelconque. Le cinquiesme degré est quand on void en dormant vn homme qui parle, and reuele les choses diuines. Le sixiesme, quand il se (02) ble qu'on void l'Ange qui parle en dormant. Le septiesme, quand il semble en dormant que Dieu parle, comme Iesaie qui dit, I'ay veu2 Dieu, and a dit, and c. and en Ezechiel, Michee, and autres semblables. L'huictiesme est quand la vision de Prophetie vient auec la parole de Dieu, and en ce degré les anciens Hebrieux mettoient les visions d'Abraham, hors-mis celle qui fut en la vallee de Mambré, qu'ils mettent au neufiéme degré. La dixiéme est quand on void l'Ange face à face parlant comme au sacrifice d'Abraham. le dernier, and le plus haut, est de veoir, and parler à Dieu face à face en veillant sans autre moyen, qui fut propre à Moyse, comme il est dict en l'Escriture4: Et par ainsi quand Iesaye dict, qu'il a veu Dieu au chap. 6. cela s'entend en vision, and non pas en veillant: and quand on list en Ezechiel, que il a esté transporté en vn champ, entre le ciel and la terre, tout cela se faict en dormant: Car mesmes il est dict que Ezechiel perçoit la muraille du temple de Hierusalem, and neantmoins il estoit en Babylone, comme en cas pareil quand il fut dict à Hieremie, qu'il cachast vn brayer en Euphrate, riuiere de Babylone, and quelquesiours apres qu'il estoit pourry: lequel Hieremie ne fut onques en Babylone. Ainsi est-il de la toison -notes- 2Iesa.ca.5. 4Numero2. Page 100

de Gedeon, and souuent les lieux, les temps, les personnes, and autres particularitez sont specifiees par les Prophetes, and neantmoins c'est vision. A quoy plusieurs Payens and infideles n'ayant pris garde, ont estimé que toutes les Propheties and paroles de Dieu ont esté reuelees en veillant, and cherchent occasion de blasmer la saincte Escriture: car il y a des choses en vision, qui sont impossibles en veillant. Aussi void-on en l'Escriture, que les Prophetes interrogez, ne respondent que le iour suyuant, s'ils n'ont eu la vision precedente, comme eut Aias le Prophete, qui respondit soudain à la Royne de Samarie femme de Ieroboam. Mais la Prophetesse Holda, dist aux Ambassadeurs du Roy Iosias, qu'ils attendissent la nuict, and Baleham dist aux Ambassadeurs de Balac, qu'ils demeurassent la nuict, où il y eut vision qui luy sembloit que son asne parla: qui n'est pas en veillant comme plusieurs pensent: mais la certitude des visions est telle, que l'Escriture introduict les personnes, comme si la chose se faisoit. Et mesme le Diable, qui veut contrefaire les uures de Dieu, faisoit ancienneme (02) t dormir les Prestresses d'Apollon en la cauerne, and ceux qui vouloyent sçauoir quelque chose de l'oracle de Mopsus s'endormoyent au temple, comme dict Plutarque5, qu'il y eut vn gouuerneur d'Asie, auec quelques autres Epicuriens mocqueurs de toutes religions, qui enuoyerent vn seruiteur au temple de Mopsus, auec vne lettre bien cachetee, ou il y auoit ceste question: A sçauoir si Mopsus vouloit que le gouuerneur luy sacrifiast vn veau blanc ou noir. Le garson estant de retour, apres auoir dormy -notes- 5De oraculorum desectu. Page 101

vne nuict au te (02) ple, dist qu'il luy sembloit auoir veu en dormant vn hõme, qui ne luy dist que ce mot, Noir: and depuis le Gouuerneur creut à Mopsus, and luy sacrifia souuent. Mais il y a deux choses bien remarquables, pour la differe (02) ce de la prophetie de Dieu, and des enchãtemens de Sathan. La premiere est que ceux, qui sont inspirez des Dæmõs, sont alors les plus furieux and inse (02) sez, and ceux qui sont inspirez de Dieu, sont alors plus sages que iamais. C'est pourquoy l'escriture dit de Saül quand l'esprit de Dieu l'eut saisi, il estoit vertueux, entier, and sage, and fut deux ans en cest estat: mais quãd l'esprit malin le saisissoit, il deuenoit furieux, and prophetisoit: Ainsi parle l'Escriture 6: Et quand il fut en l'asse (02) blee des Prophetes, l'esprit de Dieu le saisit, and comme (02) ça à prophetiser, and louër Dieu. C'est pourquoy les anciens Hebrieux disoient qu'il n'y a que les Sages qui soient Prophetes. Et tout le contraire se void des Sybilles and Prophetesses d'Apollon, qui ne disoient rien qu'en fureur, and en rage escumante: comme lon void en Pausanias in Achaicis, que la Prestresse Pythienne estãt inspiree, le gosier s'enfloit, les yeux luy tournoie (02) t, l'escume sortoit. Et le mesme autheur dit le semblable estre aduenu à ceux qui entroie (02) t en la cauerne Tropho niene and Coryciene qui ne prophetisoient iamais sinõ en fureur, qui me faict croire que le Diable possede non seulement la phantasie, ains aussi la partie raisonnable du demoniaque, cõtre ce que dit Albert le Grãd [quae] (16) Dieu a puissãce sur la volõté, l'Ange sur l'intellect, le Diable sur la phãtaisie. Et de fait le Diable sçait tout ce que pense le Sorcier, comme il sera monstré cy apres. -notes- 6Samuel.li.1 cap.18. I.e mot de Pro phcte est aussi dit du Sorcier, and Enchãteur Deuter.ca. 13. Page 102

Et se void aussi le semblable des Prophetes dæmonia ques, qui deuiennent en furie extreme auparauant que deuiner. L'autre difference de la Prophetie diuine d'auec les enchantemens est, que la Prophetie diuine est tousiours veritable, and celle du malin esprit tousiours faulse, ou bien elle tire pour vne verité cent mensonges. C'est pourquoy Dieu dict en saloy, A cela vous congnoistrez les Prophetes, quand ils diront quelque chose, and n'aduiendra0 point, ie n'ay pas parle à eux. Et toutesfois il ne faut pas iuger pour cela le Prophete faux, ou meschant, lequel aura eu don de Prophetie, qui vient par fois, and non pas tousiours, and puis apres qu'il ayt vn songe humain, qui ne sera point enuoyé de Dieu, s'il dict qu'il aduiendra quelque chose, and n'aduienne point, il y a bien erreur, mais il ne laissera pas d'estre homme de bien and craignant Dieu: Mais Dieu veut faire entendre, qu'il ne faut faut pas s'appuyer sur les songes humains. Et en l'Ecclesiastique il est dict qu'on se doibt garder de croire aux songes, s'ils ne sont enuoyez de Dieu. C'est pourquoy de tous les Prophetes, qui estoient au temps de Samuel, il n'y eut que Samuel qui fut appellé7 fidele, and loyal, and qui iamais n'a dict chose qui ne soit aduenuë. Et de faict tous les Theologiens sont d'accord, que les saints Prophetes n'ont pas tousiours eu le don de Prophetie: Et tel n'a iamais eu que vne vision de Dieu, ou deux, ou trois songes diuins. Et quelquesfois Dieu continue ceste faueur toute la vie de Prophete, comme à Samuel, Helie, Helisee, Aiah Silonite. Et quelquesfois la Prophetie est donnee aux Prophetes -notes- 0Deutir. 13. 7Libro 1. Samuel. ca. 3. Ecclesica. penul. Page 103

qui n'aduient pas, comme on list de Michee qui auoit menacé Hierusalem, and Ionas auoit menacé and prophetizé que Babylon seroit rasee bie (02) tost apres, and celle-cy dedans quarãte iours: ce qui n'auint point, car Dieu fut appaisé par penitence. Celà est remar qué non seuleme (02) t en Hieremie XXVI. and Ionas III. ains aussi en Ezechiel XVII. où il est dit, quand les peuples que Dieu aura menaeé de ruine se corrigeront, alors il se destournera de son ire. Mais ordinaireme (02) t la Prophetie a cessé en la vieillesse: comme on void de Hieremie au chapitre LI. Il est dict que les paroles de Hieremie ont cessé, and neantmoins il continue l'histoire. Les Hebrieux sur celà, ont noté, que la Prophetie alors cessa en luy. Et du vieillard Heli il est dict, qu'il ne voyoit plus goutte, ce que les Hebrieux entendent de la visiõ prophetique: Et de faict Samuel fort ieune eut la vision pour declarer à Heli le iugement de Dieu, donné contre sa maison. Et c'est pourquoy on list en Ioël le Prophete, qu'aux derniers iours les ieunes auront des visions, and les vieux auront des songes. Or le songe est beaucoup moindre que la vision. Quelquesfois aussi l'infusion and grace prophetique se faict sur la partie raisonnable, and non pas sur l'imaginatiue, ce qui peut aduenir pour la foiblesse de l'imagination: ou bien l'infusion se faict sur l'imagination, and ne passe point à la raison, pour la foiblesse d'icelle, and que la personne ne s'exerce pas à contempler. Quelquesfois l'infusion est telle, que la personne est contraincte d'executer le mandement, comme on void en Hieremie, qui estoit seul prophete de son temps. Dieu luy commandoit en Page 104

songes, and visions, de declarer au peuple, que la ville de Hierusalem, que les ennemis assiegeoient seroit forcee, le Roy and le peuple mis au trenchant de l'espee, le temple bruslé, and la ville rasee. Il n'osoit dire la verité: mais il dict que l'esprit de Dieu le pressoit si fort and de telle violence, que force luy fut de declarer la Prophetie: Et lors le peuple cria qu'on le feist mourir, and de faict il fut getté en vne fosse pleine de fange and d'ordure, and endura la faim quelques iours, iusques à ce que le Roy le manda en secret, auquel il dist la verité. Car souuent la Prophetie and le songe est enuoyé à l'vn, pour aduertir, ou menasser, ou declarer la condemnation d'vn autre: Comme d'Helie au Roy Achab, de nathan à Dauid, and de Haiah à Ieroboam: and neantmoins Dauid auoit l'esprit de Dieu, mais il n'auoit pas la vision Propherique, comme les autres Prophetes, ou du moins il ne l'auoit pas si excellente. Et qu'ainsi soit quand il vouloit faire la guerre ou entreprendre quelque chose de consequence, il mandoit à Gad le Prophetece qu'il verroit, ou bien il disoit au Prestre qui l'accompaignoit, qu'il vestist l'Ephod, pour voir le vouloir de Dieu par Vrim and Thummim.G1 Ces mots, Vrim and Thummim, sont Hebrieux que les LXXII. ont interpreté, Declaration and verité: and l'interprete Caldean les a laissez sans les interpreter, comme les Hebrieux auoient accoustumé de cacher les secrets: mais en Hebrieu ce mot Vrim, signifie lumieres, and Thummim, perfections: C'estoit vne rable, où il y auoit douze pierres precieuses enchassees, and les noms des -notes- G1[Hebrew omitted] Page 105

douze enfans de Iacob engrauez: laquelle table pendoit auec deux chenons, sur la poictrine du grand Prestre comme on void en Exode2. Et aux nombres3 il est dict, qu'Eleazar Pontife successeur d'Aaron interrogera selon la forme de Vrim, and que selon sa parole and response, on se gouuernera. Si la chose qu on deuoit entreprendre deuoit bien succeder, les pierres à l'interrogatoire qu'on faisoit, donnoient vne viue lumiere, où le Prestre inspiré de Dieu disoit ce qui aduiendroit: comme il se peut veoir en l'Escriture,4 and en Iosephe aux5 Antiquitez, où il dict que ceste lumiere cessa deux cens ans auant son aage, il nasquit XXX. ans apres Iesus Christ. Les Grecs appelloient ce pectoral [Greek omitted], c'est à dire, l'Oracle, qu'on a tourné mal à propos, rationale, où il n'y any rythme ny raison, pour n'auoir eniendu a quoy il seruoit. Car les Roys en toutes les actions de consequence demandoient conseil à Dieu par le Pontife, ou par les prophetes de Dieu: and s'il n'y auoit point de response: c'estoit signe de l'ire de Dieu. C'est pourquoy Saul estant delaissé de Dieu, ne trouua response aucune, dict l'escriture 6, ny par prophetie, ny par songe, ny par Vrim, and Thummim: alors Saul dist qu'on luy trouuast vne Sorciere, qui eust vn Esprit Diabolique, pour sçauoir l'issue de la bataille, qu'il donna le iour fuyuant, où il mourut. Et au cõtraire Dauid tousiours eust response7 par vision de quelque prophete, ou par songe, ou par Vrim, and Thummim, aussi faisoitil diligemment ce qui luy estoit mandé: and Saul pour n'auoir obey, fut delaislé de Dieu, and du peuple, and fut -notes- 2Cap. 28. 3Cap.27. 4Esdr. c.2. and Nehemus. 5Lib.3.cap.9. 6Samuel. 1 ca.28. vers.9. 7Samuel. 2. ca.2. and 5. Page 106

tué par ses ennemis. Et sur ce qu'il se vouloit excuser de n'auoir mis le Roy des Amalecites, and tout le bestial à mort, pour sacrifier à Dieu, Samuel8 luy dist, que la desobeissance à Dieu estoit pire, que l'idolatrie and sorcelerie: Et que l'obeissance valoit mieux, que tous les sacrifices du monde. Aussi lisons nous en Iob, que Dieu9 ayant pitié des hommes, les aduertist en songe, and leur tire l'oreille, les enseignant de ce qu'il faut faire, pour les rendre plus humbles, and le faict par trois fois. Mais s'ils n'obeislent à la troisiesme fois, ils sont delaissez: Et si celuy à qui Dieu enuoye son bon Esprit pour le guider, ne luy obeist, l'esprit le menace de le quitter and abandonner: s'il se corrige, il n'est point abandonné: s'il ne s'amende il est delaissé. Voyla donc les trois moyens, à sçauoir, la vision, les songes, and le pectoral ancien, par lesquels Dieu declare aux hommes sa volonté. C'est pourquoy le prophete Balehan inspiré de Dieu, benissant le peuple d'Israel, disoit, O peuple heureux, qui n'a point de sorcelerie ny de sortileges, mais auquel Dieu reuele les choses futures quand il est besoin. Et combien que depuis la publication de la loy de Dieu, and apres tant de Propheties, visions, and iugemens de Dieu consignez és escritures, and histoires sainctes, par lesquelles nous sommes bien informez de la verité, and volonté de Dieu and qu'il ne soit pas beso in de Prophetes: neautmoins il est bie (02) certain, que Dieu ne laisse pas d'enuoyer aux hommes, songes, visions, and ses bons Anges, par lesquels il leur faict congnoistre sa volonté, pour se guider and instruire les autres. Et mesmes nous lisons és docteurs -notes- 8Samuel c. 25.Ojca 6. 9lob. cap. 4. and 33. and 36. Page 107

Hebrieux, que iaçoit que l'oracle de Vrim and Thummim cessast apres le retour de Babylone, si est-ce qu'ils confessent que tousiours on oyoit quelque voix diuine, que losué fils de Leui appelle1 [Hebrew omitted], c'est à dite, fille de la voix, que les Grecs appelle (02) t [Greek omitted] mais celle cysuit la voix, and celle la s'ente (02) doit sans voix precede (02) te: and en l'Ecclesiaste 12. Salomon l'appelle la voix de l'oiseau [Hebrew omitted], comme les Hebrieux l'interprete (02) t de la voix de l'Ange. Et la vraye marque pour recognoistre ceux, qui ont telles graces, il faut bien voir and cognoistre leurs actiõs, and sur tout quel est le Dieu qu'ils adorent. Car il se peut faire, que tel aura vision and songe, and dira ce qui est à venir, and aduiendra, and fera miracle, and neantmoins il preschera qu'il faut adorer d'autres dieux, que celuy qui a faict le ciel and la terre: mais il ne faut pas pourtãt y adiouster foy: car c'est l'vn des signes que Dieu a expressement articulé par2 sa loy, disant, qu'il enuoye ce songeur, and ce Prophete pour essayer si nous l'aymons, and le craignons. Qui monstre bien que Dieu n'enuoye pas seulement les songes veritables aux esleus and gens de bien, ains aussi aux infidelles and meschans pour les faire precipiter plus rigoureusement auecques espouuãtemens. Les histoires en sont pleines comme nous lisons des songes de Pharaon and de Nabuchodonosor: and principalement aux Princes, quãd il est questiõ de l'estat, and des choses cõcernant le public. Mais ordinairement les meschans ont des visions terribles and espouuantables, comme dict Salomon au liure de la Sagesse: and les bons, ores, qu'ils soie (02) t quelques fois effrayez par songes, si ont ils -notes- 1In Libro. [Hebrew omitted] 2Deut.c.13. Page 108

tousiours asseurance and consolation. Ainsi lisons nous que Vespasian songea qu'il seroit Empereur, quand Neron auroit perdu vne de (02) r, ce qui aduint le iour suyuant. Et Antonin Caracalla eut vn songe, que son pere Seuerus, tenant vn glaiue luy disoit: Tout ainsi que tu as tué tõ frere, aussi faut il que tu meuresde ce coup. Et Hippias tyran d'Athenes songea le iour precedent qu'il fut tué, qu'il estoit precipité de la dextre de Iupiter en terre. Artemidore est plein de telles histoires. Encores il est à noter que la pluspart des songes naturels, signifie (02) t l'humeur, ou maladie naturelle du personnage: comme Galen escrit que l'experience a faict congnoistre, que le songe de la cheute d'vne estoille, ou le bris d'vn chariot, estant le malade dedans le chariot, cela luy signifie sa mort. Bien souuent le bon Ange que Dieu nous baille nous auertist mesmes des me decines qu'il nous faut. Nous lisons en Diodore li. 17. qu'vn soldat eut en visiõ l'herbe and le lieu où elle croissoit pour guerir Ptolemee premier Roy d'Egypte: and en Pline, la mere eut visiõ de la racine de cy norrhodõ, pour guerir son fils: dont nous est vonu la cognoissance de sa force. Les anciens remarquoie (02) t les songes veritables au poinct du iour en celuy qui n'estoit point troublé d'esprit. Comme Artemidore, Senesius, Aponazar, and à ce propos, Theocrite dit, [Greek omitted] a l'aube du iour les songes vrais. L'escriture saincte baille vne reigle de n'adiouster foy aux songes, s'ils ne sont enuoyez de Dieu. Et la marquodst, quand ils sorte (02) t d'vn hõme de bien, and veritable, du d'vn meschat, pour l'exterminer. Book 1 - Chapter 5 Page 109

Iudas Machabee recite qu'il auoit eu vision que Hieremie le Prophete luy bailloit vn glaiue, pour chasser du pays l'armee d'Antiochus le Noble, comme il aduint qu'auec vne poignee d'hõmes il gaigna trois grosses armees. Mais les songes heureux des Sorciers, ou des Atheistes, ou de ceux qui meinent vne vie detestable, sont enuoyez dez malins esprits, cõme nous dirons cy apres. Des moyens naturels pour scauoir les choses occultes. CHAP. V. Diuination naturelle est vne anticipation des choses à venir, ou passees, ou presentes, and neantmoins occultes par la congnoissance des causes enchesnees, and dependentes l'vne de l'autre, ainsi que Dieu les a ordonnees de la creation du monde. I'ay posé ceste definition, pour faire iugement certain quelle diuination est licite, and quelle diuination est illicite, ou Diabolique, suyuant les termes de la definition, que nous auons donnee du Sorcier. Or tous les Philosophes and Theologiens sont d'accord, que Dieu est la premiere cause eternelle, and que de luy dependent toutes choses. Car combien que Platon ait posé trois principes du monde, à sçauoir, Dieu, la matiere, and la forme, si est-ce qu'au Timee, and au Theetete, and en plusieurs 1 autres lieux, il met Dieu par dessus toutes les causes, and hors la suitte and ordre des causes, Aristote2 pareillement a demonstré, qu'il faut par necessité, qu'il y ait vn Dieu, premiere -notes- 1Epistola septima ad Dionem. 2Physico 6. and 8. [Greek omitted] Page 110

cause, de laquelle toutes les autres dependent. Qui est pour oster l'impieté des Manicheans, qui ont voulu soustenir qu'il y auoit deux principes, l'vn bon, l'autre mauuais: l'vn Createur du monde elementaire. C'est pourquoy Iob dit, que Dieu au matin visite les hõmes and en fait soudain le preuue visitas eu (05) diluculo and subito probas illu (05) , and l'autre du mõde celeste, and des bons esprits. Combien qu'Epiphanius dit que Marcion en mettoit trois, and Basilides quatre, qui sont opiniõs reprouuees and detestables: car comme disoit Procle.3 Academicien, le Polytheisme est vn droict Atheisme, and qui met nombre pluriel, ou infini de Dieux s'efforce d'oster le vray Dieu, c'est à dire, [Greek omitted]. Mais les Philosophes ne sont pas d'accord auec les Theologie (02) s de la suitre des autres causes. Car les Academiques and Peripatetiques disent que Dieu est cause efficiente de la premiere intellige (02) ce, que les Hebrieux appellent Metatron: Et ceste-cy est cause de la secon de and la seconde de la troisieme, and conseque (02) ment des autres, iusques aux dernieres causes. C'est pour quoy Iuliã l'Apostat suyuant l'erreur de Platon, and de son maistre Iãblique, au liure qu'il a faict contre les Chrestiens est de ceste opinion,3 blasmant les Chrestie (02) s qui tienne (02) t que Dieu est principe and origine des choses visibles, and inuisibles sans moyen, qui est toutesfois felon le texte formel de l'histoire sacree, où il est dict, Au commencement Dieu a creé le Ciel and la terre, and puis chacune des creatures, comme il est porté par ordre, and n'est point faict mention de la creacion des Anges, à fin qu'on n'attribuast la creation des choses aux Anges: -notes- 3[Greek omitted] 3Apud Cyrillum, contra Iulianum, cuius liber à Cyrillo pene trãscriptus est. Page 111

Et les plus doctes aux secrets de la loy, disent que ces mots, Dieu a creé le Ciel and la terre, signifient la matiere, and la forme: pour oster l'opiniõ de ceux qui tie (02) nent que Dieu ne feist pas la matiere, ains seulement la forme, estant ja auparauant la matiere confuse: qui est vn erreur pernicieux. Vray est qu'il y en a qui tiennent, comme Origene, que Dieu a tousiours par fuccession creé des mõdes infinis, and quãd il luy a pleu, il les a ruinez, à sçauoir le mõde elementaire de sept en fept mil ans: and le mõde celeste de quarãte neuf en quarãte neuf mil ans, vnissant tous les esprits bienheureux en soy, and laissant reposerla matiere cõfuse sans forme mil ans, and puis renouuellãt par fa puissãce toutes choses en leur premier effat and beauté, and raporte (02) t le repos de la terre le septiéme an, and apres le quarãte and neufiéme le grand iubilé: and pour ceste cause ils disent qu'il n'est fair me (02) tiõ de la creation des Anges, à la creation de ce mõde, pour monstrer qu'ils estoient demeurez immortels apres la corruptiõ des mõdes precedens, ce que le Prince de la Mirande a tenu pour certain en ses positions sur la Cabale. Voyla que les Hebrieux0 en leur secrette Philo so phie tiennent, and Origene4 aussi: la quelle opinion, cõbien qu'elle ne soit pas receuë de quelques Theologiens, par ce qu'il semble que c'est entrer par trop auant aux secrets profõds de Dieu, si est-ce quelletranche l'impieté de ceux qui se mocque (02) t de Spiridiõ, and autres Euesques au Cõcile de Nicene, disãs que c'estoit chose fort estrãge, que Dieu depuis cent milliers d'annees, voire depuis vne eternité infinie se fust aduisé depuis trois ou quatre mil ans de faire ce monde, -notes- 0Rabi Iuds, and Leo Hebr. and cæteri. 4In Lib. [Greek omitted] Page 112

qui doibt perir bien tost: Et par ce moyen aussil'opinion de Rabi Eliezer auroit quel que apparence, où il dict,G1 que Dieu à faict les cieux de la lumiere de son vestement, comme de matiere, qui est suyuant le dire de Salomon, où il suppose la matiere confuse, au parauant la Creation de ce mõde, and aussi quãd il dict qu'il n'y a rie (02) de nouueau soubs le Soleil, and toutesfois quãd il y auroit eu des mondes infinis par succession, si fautil confesser, que la premiere matiere fut creé de Dieu, ce qu'on ne peut nier sans impieté: autreme (02) t l'eternité de la matiere s'en ensuit, and la cause efficiente aussi tost que l'effect,G2 and plusieurs autres absurditez ineuitables, que i'ay remarquees en autre lieu6, contre l'opinion d'Aristote qui le premier a posé and soustenu l'eternité du monde, chose impossible, and incõpatible par nature, cõfessant, qu'il y-a vne cause premiere cõme il a demonstré. Aussi les Hebrieux, and les Academiques and Stoïques, ont reprouué ceste opinion d'vn cõmun cõsentement, cõme aussi Plutarque7, and Galen8, and mesmes les Epicurie (02) s s'en sont mocquez. Et par ainsinous arresterons-là, que Dieu a creé la matiere de rien, ce que le mot [Hebrew omitted] signifie, c'est à dire Creer: car autreme (02) t l'Escriture eust dict [Hebrew omitted] c'est à dire, Faire, comme quand il est dict, que Dieu a faict l'homme du limon de la terre, ayãt pris la matiere, qu'il auoit ja preparee, and qui signifie aussi vn secret pl9 haut, c'est à sçauoir, que Dieu de l'ame a faict l'intellect, cõme dict le Rabin Paul Riccius. Encores est-il bie (02) à noter que ces mots, Dixit, and facta sunt, le mot [Hebrew omitted], ne signifie pas seulement, dire, ains aussi, vouloir, de sa propre signification, -notes- G15. In li. Sapiensia. G25. In methodo sodini c. 6. 7in lib. [Greek omitted] 8in lib. de placitis Hippo cratis, and Pla tonis. Page 113

and les Hebrieux l'interprete (02) t ainsi: car Dieu n'eust pas adressé sa parole à la creature, qui n'estoit pas enco res: mais depuis la premiere creatiõ de toutes choses, Dieu a distribué ses Anges, par le moyen desquels il renouuelle, and entretie (02) t ses creatures. Et quand on dict que Dieu est la cause efficiente, la forme, and la matiere du monde, ce n'est pas qu'il soit la forme du ciel, ou d'autre creature, mais que c'est luy qui dõne estre à tou tes choses, and que sans luy rien ne peut subsister. Quãd ie dy, Ange, i'entends les esprits diuins, car autrement le mot d'Ange signifie messager, and generalement toute puissance, and toute vertu, que Dieu dõne aux creatures, aussi bie (02) que les esprits bõs and mauuais, and les hommes aussi, and les ve (02) s, and le feu s'appellent Anges9 en l'Escriture8. Et par ainsi quand on void les cieux and lumieres celestes se mouuoir, cela se faict ou par la force que Dieu a donné aux cieux, comme le mouuement de la mer par flux and reflux: car il se peut faire and est plusvray semblable que Dieu a donné le mouueme (02) t aux cieux du commen cement, comme celuy qui donne le mouueme (02) t à l'orloge tant qu'il luy plaist: ou par le ministere des Anges, ainsi qu'on appelle Ange proprement, comme tous les Theologiens and Philosophes cõfessent, and mesmes Aristote dit, que s'il y a cin quãte cieux, ily a autãt d'Anges ou Intellige (02) ces: nõ pas [quae] (16) Dieune puisse de son vouloit, sans autre moye (02) , cõduire toutes choses: mais rl eft plus seant à la Maiesté diuine d'vser de ses creatures. C'est pourquoy on list en l'Escriture que Dieu est on l'assemblee des Anges, and que lesmalins -notes- 9Psal. 103. 8Psal. 104. Page 114

esptits se trouuent aussi en l'assemblee, comme dict Michee le Prophete, aux Roys de Iuda and de Samarie, and Dieu parle à Sathan en l'assemblee des Anges, cõme il est dict en Iob9, Ce que tous les Hebrieux interpretent du ministere des creatures, desquelles il se sert en toutes choses. Qui est pour monstrer que toute la nature est disposee à vanger l'iniure faite à Dieu, and que toute creature and mesmement tous esprits Anges and Dæmons, sont armez pour executer promptement sa volonté: and qu'il n'y a Dæmon qui puisse rien sans la permission d'iceluy, qui est la cause pourquoy au Psalme 103. and 104. Le lion rugissant and les bestes nocturnes, qui sont les malins esprits, suyuãt leur chef demandent à Dieu leur gibier qui sont les meschans. Nous auons dict cy dessus, comme il ne parle aux hommes ordinairement que par ses Anges, aussi ne faict il rien aux choses corporelles, que par les corps celestes, vsant de sa puissance ordinaire, ou immediatement vsant de puissance extraordinaire: Ce qui est assez monstré en la vision de Zacharie,1 des sept lumieres du chandelier, (ce qui a depuis esté translaté au liure de l'Apocalypse) and que l'Ange interprete au mesme lieu les sept yeux par lesquels Dieu void, and les Anges qui versent de l'huyle de deux oliues à la dextre de Dieu: que tous les Hebrieux interpretent les sept planettes, ausquelles la vertu diuine est infuse, pour departir en tout ce monde. Et par ainsi de s'enquerir de la vertu des lumieres celestes, pourueu qu'on n'excede les causes naturelles, il est, and a tousiours esté licite, and en cela gist -notes- 9Iob.cap. 1. 1Cap. 4. Page 115

la gloire de Dieu, de faire choses si emerueillables par ses creatures. C'est l'aduis de Damascene2, and de Thomas d'Aquin au liure de Sortibus, and au liure des Iugemens Astronomiques: and de mesme opinion est aussi l'Escot: Et par ainsi il ne faut suyure l'erreur de Lactãce Firmian, qui dict que l'Astrologie, Necromantie, Magie, Aruspicine, ont esté trouuees par les malins esprits: ce qui est bien veritable des autres, mais l'Astrologie: and la cognoissance des effects celestes est donnee de Dieu. Et combien que Caluin3 de propos deliberé, comme il semble, voyant que melancthon auoit en trop grande recommendation l'Astrologie l'a raualee le plus qu'il a esté possible: neantmoins il a esté contrainct de confesser les effects esmerueillables des Astres: adioustant seulement que Dieu est par sus tout celà, and qu'il ne faut rien craindre à celuy qui se fie en Dieu. Et Ptolemee en dict bien autant, que le Sage commande au Ciel: c'est pourquoy Abraham4 Aben-Esra, grand Astrologue entre les Iuifs dict, que les enfans d'Israël ne sont point subiects aux Astres, il entend tous ceux qui se fient en Dieu. Mais celuy qui ne craint point Dieu, il passera, dict Salomon, soubs la rouë: où il est certain qu'il entend le Ciel, and les vertus and influences celestes. Et par mesme moyen Leon Hebrieu interpretant les allegories de la Bible, où il est dict que l'Ange Cherubin au deuant du Paradis, faict larouë d'vn glaiue flamboyant, il dict que c'est le Ciel flamboyant, and plein de lumieres celestes, par la force, and influence desquelles Dieu entretient ce monde materiel, laquelle matiere empesche l'homme brutal and -notes- 2in Theologicis sententus. 3au liure contre les Astrologues 4Sur le decalogae. Idem træ istur in libris [Hebrew omitted] Page 116

adonné aux voluptez terrestres de s'esleuer en la contemplation des uures, and merueilles de Dieu, ains sont enseuelis en leur corps, comme en vn sepulchre. Desquels parle l'Escritute au Psal. LXXVII. vers. VII. où il est dict, Sicut vulnerati dormientes in sepulchris, quorum non es memor amplius, and ipsi de manu tua repulsi sunt: lequel passage trauaille plusieurs, qui n'ont esgard aux allegories Hebraïques: mais l'interprete Caldean tour ne ainsi, Sicut occisi gladio dormientes in sepulchris, quorum non record.iberis amplius, and ipsi quidem à facie diuinitatis tu.c separati sunt. Il entend par le glaiue le Ciel, and influence naturelle de ceux qui suyuent le cours naturel, and vie brutale des bestes. C'est pourquoy il est aussi dict que Dieu diuisa les eaux qui sont soubs le firmament, qui sont les influences celestes, des eaux surcelestes, qui sont les Anges and monde intelligible. Nous auons cncores vn tesmoignage de Dieu plus precis de la puissance qu'il à donné aux astres, quand il parle à Iob, Pourras4 tu, dict-il, lier les Pleiades, ou desioindre les estoilles de la grand' Ourse? Produiras tu les Hyades, and si tu pourras gouuerner les estoilles d'Arcturus? Il a remar qué les astres de tout le Ciel, qui monstrent la puissance la plus grande en ce monde Elementaire, and qui se cognoist és saisons ordinaires, au leuant and couchant, Heliaque, and Chronique d'iceux. Puis apres Dieu en general dict à Iob, Sçais tu bien les Loix du Ciel? est-ce toy qui donne la puissance au Ciel qu'il a sur la terre? Qui sont tous passages, qui monstrent la grande puissance, que Dieu a donné aux corps celestes sur le monde Elementaire. Aussi apres la creation -notes- 4Iob. 438. Page 117

des flambeaux celestes, Dieu dist qu'ils seroient pour signes des temps, and des ans, and des iours, qui no signifie pas seulement pour cõter les iours, carvn million d'estoilles ne seruiroient de rien. Or tant s'en faut que ceste puissance and vertu si grande and si admirable des corps celestes diminuë en rien, que plustost par icelle la puissance de Dieu est rehaussee, and releuee à merueilles. Car si nous loüons Dieu voyant la vertu d'vne pierre, d'vne herbe, d'vn animal, combien plus grande occasion auons nous de loüer Dieu, voyant la grandeur, la force, la clarté, la vistesse, l'ordre, le mouuement terrible des corps celestes? C'est pourquoy le Psalmiste ayant loüé Dieu des choses qui sont icy bas, quand il vient à remarquer la puissance des Astres, il est rauy hors de soy, and s'escriant dit ainsi5. Mais quand ie voy, and contemple en courage, Les Cieux, qui sont de tes doigts haut ouurage, Estoilles, Lune, and Signes differens, Que tu as faicts, and assis en leurs rancs: Adonc ie dy à part moy ainsi, comme Tout esbahy, and qu'est ce que de l'homme? Et à dire vray, le Ciel est vn tresbeau theatre de la louange de Dieu, and plus on cognoist les effects de ces lumieres celestes, plus on est rauy à louër Dieu. Les plus lourdeaux s'estonnent de voir qu'il y a plein flot de mer, quand la Lune est pleine ou nouuelle, and aux quartiers le flot est bas, and que à chacun iour le flot se retarde d'vne heure, and en mesme pays, mesme region, mesme climat, en diuers ports le temps du flot and reflot est diuers. Les pescheurs voyent que toutes sortes de -notes- 5Psil. 8. Page 118

coquilles sont vuydes, brief les animaux, les plantes, and tous les Elemens, sentent vn merueilleux changement du sang, des humeurs, des mouelles, au declin and accroissement. Et mesmes les charpentiers ne coupe roient pas vn arbre pour bastir, sinon au declin de la Lune, autrement le bois est inutile à bastir, and au mesme temps faut enter, and couurir les racines des plantes, vanner les grains and legumes au declin de la Lune, and insinies autres obseruations remarquees par les ancie (02) s qu'on peut voir en Pline, liure XVIII. chapitre XXXII. Les Medecins confessent que les iours critiques des ficures, and maladies sont regis par la Lune, and mesmes Galen en a faict plusieurs liures, s'estonnant d'vne chose qu'on void ordinairement en l'Horoscope du malade que l'opposition ou quartier de la Lune au Soleil donne vn changement notable aux malades: Et aussi quand la Lune atrainct l'opposition ou quartier du lieu où elle est partie, quand la maladie a commencé. On void souuent es pestes and autres maladies populaires que à chacun quartier en vn moment il tombe vn nombre infiny de mort soudaine. Or6 Galen iugeoit par l'experience qu'il auoit appris des obseruations de tous les anciens car il ne sçauoit pas seulement le vray mouuement de la Lune, cõme il appert par ses liures. Mais encores y a il vne chose plus estrange que les furieux en la nouuelle, and pleine Lune, sont plus difficiles à tenir: pour ceste cause on les bat en Angleterre, en la pleine Lune: ce que voyant en l'Hospital de Nazarer, on me dist que tous les mois en pleine Lune, on les traitoit ainsi pour les faire sages. Il est bien certain -notes- 6De diebus decretortis. Hyppoiriscs in lib. prognosticon. Page 119

qu'il ny a folie si grande que l'affliction ne guatisse. Or en pleine Lune le cerueau s'enfle, and en la nouuelle lune il diminue bien fort, qui fait que la personne sort des gons de raison. Et me souuient d'vne histoire notable que recite Glycus, qu'il y auoit vne chambriere de Michel Empereur de Stambola ou Cõstantinoble qui ne failloit point en la nouuelle lune de courir d'vn bout du theatre à l'autre criant tout haut [Greek omitted] parlant à l'Empereur, lequel entendit par ce mot quelle disoit, qu'il failloit descendre du Siege Imperial, pour faire place à vne autre: and luy demanda qui estoit celuy qui y assiroit, elle respondit en fureur, que c'estoit Leon d'Armenie. Galen n'a point touché ceste chorde parlant des e (11) ffects de la Lune. Mais il eust bien plus esté estonné, s'il eust entendu les effects des autres Planettes, and des conionctions, and regard des vnes aux autres, and aux Estoilles fixes, mesmement sur le corps, and disposition de la personne. Car les anciens ont remar qué pour maximes, and par experience de plusieurs siecles, que Saturne and Mercure estant opposites en vn signe brutal, l'homme ordinairement, qui naist alors, est begue ou muet, que la Lune estant au Leuant, la personne est saine, and en l'Eclypse, l'enfant qui vient à naistre ne peut viure: Et celuy qui naist en la conionction de la Lune, ne la faict pas ordinairement longue. Brief les Arabes ayant cogneu la force des influences celestes sur les corps, ne vouloient pas que le Medecin fut receu s'il n'auoit la congnoissance d'Astrologie, and ceux là qui auoient les deux s'appelloient Iatromathematiciens en Grece. Et pour le faire Page 120

court par les influences celestes on void les humeurs, and la disposition naturelle des corps, and des humeurs. Et ce qui l'a faict blasmer a esté l'ignorance de ceux qui en ont escrit à veuë de pays, comme disoit Melancthon: c'est pourquoy par les Ordonnances publiees à la Requeste des Estats tenuz à Blois, Article 36. l'Astrologie est exceptee and separee des autres sciences diuinatrices en ce, qu'il est dit que tous deuins and faiseurs de prognostications and d'Almanacs excedans les termes d'Astrologie licite, seront punis extraordinairement. Aussi ne faut pas que les Astrologues se meslent de iuger des ames, des esprits, des vices, des vertus, des dignitez, des supplices, and beaucoup moins de la Religion, comme plusieurs ont faict, suyuant les faux monnoyeurs, qui tirent bien la quinte essence des plãtes, and mineraux, and font des huilles, and eaux admirables, and salutaires, and discourent subtilement de la vertu des metaux, and transmutation d'iceux: mais auec celà ils font de la faulce monnoye: ainsi font plusieurs Astrologues, apres auoir declaré par l'Horoscope, l'humeur and disposition naturelle du corps, ils passent plus outre aux choses qui ne touchent en rien le corps, à sçauoir, aux mariages, aux dignitez, voyages, richesses, and autres choses semblables, où les astres n'ont ny force ny puissance: and quand ils auroient quelque puissance, c'est impieté de s'en enquerir, and non seulement impieté, ains aussi vne extreme folie. Car si le Deuin predict faulsement que l'homme sera bruslé ou pendu, le miserable souffre mille morts deuant que mourir, and sans occasion. Et si la prediction Page 121

d'estre bruslé est veritable, son mal redouble, and n'a iamais repos. Si le Deuin asseure à quelcun faulsement qu'il sera grand and riche, il sera cause de luy faire dissiper les biens, and d'estre vn faitneant, soubs vne vaine esperance. Si la prediction est veritable, l'esperance differee faict viure la personne en lãgueur, comme dict le Sage: Et quand la chose aduient, le plaisir en est perdu: combien que Dieu permet ordinairement, que ceux qui s'enquierent de telles choses soient frustrez du bien qu'ils attendent, and que le mal qu'ils craignent leur aduienne. Mais l'impieté de ceux est inex cusable, qui font seruir la Religion aux influences celestes: comme Iulius Maternus, qui escrit que celuy qui a Saturne au Leon, viura longuement, and en fin apres sa mort qu'il montera au ciel, and Albuzamar, qui a tenu que celuy qui faict son oraison à Dieu, estant la Lune conioincte à vne autre Planetre, que ie ne mertray point, and tous deux au chef du Dragon, obtiendra ce qu'il demande: ce que Pierre d'Appon maistre Sorcier, s'il en fut oncques, dict auoir practiqué, pour attirer les hommes à telle meschanceté: En quoy il n'y a pas moins d'impieté, que d'ignorance: attendu que le chef, and qucue (02) du Dragon ne sont rien que deux point d'vne intersection imaginaire, and de deux cercles imaginaires, and qui n'ont ny estoille ny planette, and variables à tous momens: combien que Albuzamar est encores plus detestable d'auoir osé limiter la fin des Religions par les influences celestes, en ce qu'il a dict que la Religion Chrestienne finiroit l'an M. CCCC. LX. and neantmoins il y a plus Page 122

de cent ans, que le temps est expiré. Et en cas pareil Arnoldus Espagnol ineptement auoit predict que l'Antechrist viendroit l'an M. CCC. XLV: and le Cardinal d'Ailly, qui a remply son liure de tels mensonges, discourant de la fin des trois religions, suppose qu'il y a sept mil sept cens cinquante and huict ans, depuis la creation du monde, où il a failly de quinze cens ans par le calcul approuué des Chrestiens, and des Hebrieux faisant aussi en l'Horoscope de la creation du monde, que le Soleil soit au Belier, lequel neantmoins estoit en la Libre par le texte formel3 de la Bible, où il appert que le premier iour du monde fut celuy que nous disons maintenant le vingtiesme de Septembre, qui est le signe de la Libre. Cyprian Leouice de nostre aage a bien passé outre: car il dict que la Religion de Iesus Christ, and la fin du monde sera l'an M. D. LXXXIII. Et l'asseure en sorte, qu'il dict: Proculdubio alterum aduentum filij hominis in sede maiestatis suæ prænuntiat, pour la grande coniunction en la triplicité a quatique de Iesus Christ: qui est vne incongruité notable en Astrologie, and impieté en termes de Religion: car iamais Planette ne ruina son signe ny sa maison, and luppiter est conioinct aux poissons, en la cõiunction qu'il crainct si fort, qui est le signe de Iuppiter conioinct auec Saturne, qui est son amy. Et puis qu'il asseuroit tellement, qu'on n'en doit aucunement douter, c'est vne extreme folie à luy d'auoir taillé pour trente ans d'Ephemerides apres la fin du monde, comme il a faict. Et le iugement de Cardan n'est pas moins inepte, qui a calculé, and faict imprimer l'Horoscope de Iesus -notes- 3Exodi. c. 23 loseph. cap. 3. lib. 5. Antiq. Rabi Abrabam Aben-Esra in 7. cap. Danielis initium mundi in mense Tisri constituut, qui mensis est September. Page 123

Christ en Italie, and en France, disant que Saturne en la neufiesme maison signifioit la desertion de sa Religion, and Mars auec la Lune en la septiesme, monstroit le genre de mort: Chose ridicule, attendu que Mars estoit en son propre signe, qui est ignee. Mais l'impieté est beaucoup plus grande de vouloir asseruir la Religion aux Astres, comme aussi a faict Aben-Esra, qui auoit predict, qu'il naistroit vn grand Capitaine, pour afranchir les Iuifs, qu'il appelloit Messie, l'an M. CCCC. LXIIII. ce qui n'est poinct aduenu. Laissant dõcques ces opinions, and diuinations pleines d'impieté, and d'ignorance, nous nous arresterons seulement aux naturelles predictions, pour le regard des influences celestes sur les corps, and sur les humeurs. Vray est que les esprits, and meurs des personnes, suyuent bien souuent les humeurs, comme dict Galen, au liure qu'il a faict, Que les meurs suiuent les humeurs: mais celà n'est point necessaire, and n'y a qu'vne in clination naturelle, and non pas necessité. Et par ainsi quand nous lisons que la langue Saincte (par la quelle Adam, ainsi qu'il est escrit au Genese, nomma toutes choses selon leur proprieté naturelle) appella Saturne [Hebrew omitted], c'est à dire, Reposé and Tranquille, pour l'inclination naturelle de ceux qui ont Saturne maistre de l'Horoscope, qui sont ordinairement melancholiques, reposez, and contemplateurs, and Iuppiter [Hebrew omitted], c'est à dire, Iuste, par ce que ceux là qui ont Iuppiter chef de l'Horoscope semblent enclins à la Iustice politique, and Mars [Hebrew omitted], qui signifie robuste, pour l'inclination naturelle qu'il donne, estant maistre de l'Horoscope, rendant aucunement Page 124

les hommes Martiaux, and propres au trauail, and cõsequemment ainsi des autres: Si est-ce que tout cela n'emporte rien que vne inclination, sans aucune necessité. Nous ferons mesme iugement des grandes conionctions des hautes planettes, aux triplicitez differentes, apres lesquelles les anciens ont remarqué de notables changemens, és Republiques, and Empires: Et neantmoins i'ay monstré ailleurs5, qu'il n'y a point de necessité. Ioinct aussi, qu'il a esté impossible depuis trois mil ans seulement, que nous auons les obseruations Astronomiques (car la plus ancienne est de Salmanasser Roy d'Assyrie) faire experience, pour y asseoir certain iugement. Aussi voyons nous que les Arabes ont donné la triplicité de feu aux peuples de Septentrion: and Albumazar6 la donné à l'Orient, and la triplicité des eaux au midy, qui a esté suiuy de Paul Alexandrin7, and de Henry de Malignes: Et neantmoins Alcabice Caphat, Abenacra, Messahala, and Zaël Israëlite, donne la triplicité de terre aux peuples Meridionaux. Or il est impossible de faire certain iuge ment à l'aduenir des changemens des Republiques, sans estre asseuré ne ce fondement, comme i'ay monstré plus amplement au liure de la Republique, and pour ceste cause, ie le trancheray plus court. Et par ainsi il ne faut pas determiner, ny vser des predictions for tuites, and qui ne soient fondees en experience, and neãtmoins quelques experiences, que l'on puisse auoir, il faut tousiours raporter la domination du tout à Dieu, qui peut arrester le cours du Soleil, and de la Lune, comme il feist à la requeste de Iosué, and de faire retrograder -notes- 5In lib. de Republ. and de methodo histo riarum. 6in sexti magni iniroductoris. 7in instituti. art. Apotelejmatisiæ. Page 125

le Soleil, comme il feit ayant prolongé la vie au Roy Ezechie de XV. ans. Et n'y a doubte que i'homme qui se fie en Dieu ne soit plus fort, and plus puissant que toutes les influences celestes. C'est pourquoy vn ancien Platonicien disoit, que celuy qui suit le cours de nature, il s'asseruit à la fatalle destinee, and cours naturel ordonné à toutes choses elementaires: and celuy qui est agité d'vn bon esprir, il surpasse toutes les destinees. Mais tout ainsi que la science de nature des Astres and lumieres celestes decouure la grandeur de Dieu, aussi les impostures des Elections Arabiques sont damnables, and illicites. Et de ceux cy est entendu le decret du Concile de Tolede premier, chapitre 8. and le Concile de Carthage 4. chapitre 89. Les autres diuinations naturelles sont plus claires, qui se prennent de la disposition du temps, pour estre l'experience ordinaire: toute la science des Meteores est composee de telles choses, c'est à sçauoir, des impressions de feu en la haulte region, ou de la generation des corps imparfaicts en la moyenneregion de l'air, comme de veoir la Lune rouge, signifie les vens: palle, signifie les pluyes: claire, signifie beau temps. Car l'exhalation fumeuse qui cause les vens, est tout ainsi que la fumee qui rend la flamme du feu rouge, and le charbon noir embrazé est rouge, comme dict Theophraste, parce que la noirceur, and clarté sont confuses: la vapeur humide cause la pluye, and oste la clarté sereine de la Lune, and l'air estãt net, icelle clarté se void sans aucun empescheme (02) t. Or telles diuinations naturelles sont d'autant plus certaines, [quae] (16) l'ex perie (02) ce respond à la cause, qui n'est pas difficile, cõme Page 126

elle est quand on veut chercher la cause pourquoy la pluye aduie (02) t plustost en vn temps qu'en l'autre. Alors l'Astrologue dira, que l'obseruation des anciens mõstre que la Lune cõioncte aux Hyades, ou Pleyades, ou bien aux Estoilles du Cancre excite les vapeurs, and par conse quent la pluye. Mais il y en a de bien plus certaines les vnes que les autres, comme celle que tous les anciens ont experimentee, and qui se cognoist à veuë d' il, que la quatriesme and sixiesme Lune estant claire and sereine, donne certain presage de toute la Lune, s'il n'interuient quelque coniunction notable: Et toutesfois on n'a iamais encores descouuert la cause: ce que Virgile a bien noté, quand il dict, Sin ortu in quarto (namque is certissimus author) Puranon ohscuris in calum cornibus ibit, Totus and ille dies, and qui nascentur ab illo, Exactum ad mensem pluuiis, ventísque carebunt. Le liure d'Aratus est plein de telles choses, qu'il n'est besoin d'escrire par le menu. Ie laisse à parler des predictions naturelles des Medecins, que chacun peut veoir: and Galen and Hippocrate en ont traicté par toutes leurs uures, and principalement au liure De arte parua: comme quand il dict que la personne sentant vne foiblesse and tremblement aux nerfs, peut s'asseurer de la goutte à venir. Et si la dysenterie commence par la melan cholie, elle est mortelle. Encores y a il la Phytoscopie, qui est la prediction des choses occultes par les plantes, comme la verge de Coryles, ou Coudres diuisee par moictié, tenuë en la main incliné de la part où il y a des metaux. Et c'est chose assez experimentee Page 127

par les metalliques Aussi met on de la terre de miniere, pour la faire croistre plus haulte. Toutes ses predictions cogneuës par l'experience, encores que les causes soient occultes and ignorees, neantmoins elles sõt naturelles, and la recherche d'icelles descouure la grandeur, and beauté emerueillable des uures de Dieu. Or tout ainsi que les moyens naturels, que Dieu nous a donnez pour sçauoir les choses occultes and futures, sont bons and louables, aussi sont tous les moyens naturels qu'il nous a enseignez pour nous entretenir, nourrir, vestir, maintenir en santé, force, and allegresse, and pour guarir les maladies, pourueu qu'on recongnoisse, que la force des alimens, des medicamens, and autres puissances occultes, qui sont és Ele. ments, plantes, pierres, metaux, animaux, viennent de Dieu, qui retire sa force, quand bon luy semble, and qui rompt la force du pain, comme il est dict en la loy de Dieu, quand il y enuoie la famine: c'est pourquoy le Roy Asa est bien fort blasmé en l'Escriture de ce qu'il appelloit bien les Medecins pour luy donner guarison à ses gouttes, mais il ny appelloit pas Dieu. Mais celuy qui prend la force ou la puissance des choses naturelles, comme procedans d'elles, faict iniure à Dieu, auquel appartient la louange. C'est pourquoy Galen à la fin des XX. liures qu'il a faict de l'Vsage des parties du corps humain, ayant descouuert les secrets admirables, qui y sont concluz ainsi, Il me semble, dict-il, que nous auons chanté vn beau chant d'honneur à la louange de Dieu. Et encores mieux Seneque, blasmant ceux qui disoient, Page 128

nature faict cecy, nature faict celà. Tunaturæ Deo nomen mutas, c'est à dire, tu changes nature en Dieu. Combien seroit il plus beau de dire Dieu faict cecy, Dieu faict celà. En toute l'Escriture Saincte, ce mot de Nature, ne se trouue iamais, ains tousiours il est dict, Dieu a faict faire cecy, Dieu a faict faire celà, vsans du verbe transitif Hebrieu [Hebrew omitted] c'est à dire, faict faire, que les Grecs and Latins ont traduict par vn verbe actif, le quel abus a esté cause de plusieurs erreurs, de ceux qui ont attribué choses indignes voire la cause du mal effectuellement à la maiesté de Dieu. Comme quand il est dict, Dieu a osté les rouës des chariots de Pharaon: Dieu à tué tous les aisnez d'Ægypte: Et neantmoins il est tout certain, qu'il n'a rien faict que par ses Anges, car il commanda à son peuple de marquer le sursuiel des portes du sang del Aigneau Paschal, à fin, dict-il, que voyant le sang, ie passe outre sans vous toucher7, and que ie ne souffre, que le destructeur entre en vos maisons. C'est la coustume de l'Escriture Saincte, d'attribuer à Dieu les uures de ses creatutes, soit bien ou mal, comme quand dict Iesaye, Nullum est malum in ciuitate, quod non fieri fecerit Dominus. and en Hieremie chap. XXXII. Omne malum hoc venire feci super locum istum, c'est à dire, qu'il n'y a calamité ny affliction, que ie n'aye faict venir en ce pays, and en ceste Ciré, combien que les malins esprits, and les plus meschãs hommes en soient ministres: comme il est dict en Malachie, Ie tanseray le Deuorateur, à fin qu'il ne gaste vos fruicts, and rende vos vignes steriles, à fin de n'auoir autre recours que à Dieu, -notes- G7Exodi c. 12. Page 129

and ne craindre autre que Dieu, and ne rendre grace ny louange qu'à Dieu seul. Ce n'est pas que les Hebrieux ayent ignoré la difference des uures de Dieu and de nature: car Salomon l'a souuent remar qué, quand il dict aux allegories, L'enfant est sage, qui obeïst aux mandemens du pere, and n'oublie pas la loy de la mere: Il entend les commandemens de Dieu, and la loy de nature. Car toutes les idolatries detestables ne sont venuës que pour auoir laissé Dieu, and rendu l'honneur, and la grace des biens que nous receuons au Soleil and lumieres celestes, puis aux esprits, and en fin aux moindres creatures: comme les Ægyptiens, qui adoroient les b ufs, par ce que l'vn des plus grands proficts reuient du b uf, and les Palestins Amorrheans adoroient les moutons, qu'ils appelloient Estherot, and qu'ils mangeoient: en quoy s'est abusé Ciceron8, quand il dict, Nulla gens est tam stupida, quæ id, quo vescatur, Deum esset putet. Il suffira done de ce qui est dict pour faire entendre que les moyens naturels pour paruenir à quelque chose, sont licites and ordonnez de Dieu: quand on luy en rapporte l'honneur, and louange, and non pas à la creature: soit pour sçauoir les choses futures, and occultes, soit pour effectuer toute autre chose: comme de chercher les mines par la marque de certaines piertes and plantes, non par moyens Diaboliques. Mais ie ne puis passer par souffrance, ce que Iean Picus Prince de la Mirande, aux positions Magiques escrit, que la Magie naturelle n'est que la pratique de la Physique, qui est le filet auquel Sathan attire les plus gentils esprits, qui pensent que par la force des choses naturelles -notes- 8In libris de natura Deorum. Page 130

on attirera, voire on forcera les puissances celestes. Et neantmoins en la XXIIII. position le mesme autheur soustient qu'il n'y a rien qui ayt plus grande force en la Magie, que les figures and caracteres: Et en la position XXI. il soustient, que les paroles Barbares, and non significatiues ont plus de puissance, que celles qui signifient quelque chose. Nous auons monstrè la vanité, ou pour mieux dire, l'impieté de telles choses. Mais pour descouurir le secret de telle imposture que le mesme autheur a couuerte, ou celuy qui a emprunté son nom, nous voyons en la XXVIII. position sur les Hymnes d'Orphee, ces mots, Frustra naturam adit, qui Pana non attraxerit, Pour neant on vse des choses naturelles, qui n'aura attiré Pan, c'est à dire, qui n'aura inuo qué Sathan. Car tous les anciens ont entendu par le mot de Pan, ce que les Hebrieux appellent Sathan, and par les terreurs Paniques, ils ont tousiours fignifié les frayeurs des Diables, and ceux que souffrent les Dæmoniaques fuyant les malins esprits, quand ils viennent les vexer: and Plutarque au liure de Oraculorum defectu, appelle le Prince des Dæmons, le grand Pan, à la mort duquel les autres Dæmons furent ouys faire de grands cris, and gemissemens, au temps de Tibere l'Empereur: la quelle histoire est aussi cõfirmee par Eusebe aux liures de la preparation Euangelique. Et n'y a point d'excuse de vouloir penser que le Prince de la Mirande, ayt entendu par le mot de Pan, la forme, car le mot de nature emporte la forme, and la matiere: ioinct aussi que c'est aux positions Magiques sur les chants d'Orphee Archisorcier qui fait bien à noter. Page 131

Et par mesme moyen en l'onziéme position, où il parle de Leucothea, il entend la Lune, que les Hebrieux appellent [Hebrew omitted], c'est à dire, la Blanche, and en la XIX. position, où il dict, qu'il n'y a rien qui puisse auoir effect en Magie, sine Vesta, il entend les sacrifices faicts par feu. Le mesme autheur fait de la Cabale vne vraye Magie pernicieuse, and qui destruit entierement les fondeme (02) s de la loy de Dieu: ce que chacun pourra cognoistre, qui y regardera de prés: car la Cabale n'est rien autre chose, que la droicte interpretation de la loy de Dieu couuerte soubs la lettre: Et le mot de Cabala signifie receptiõ, and audition de bouche en bouche sans escrit que les Grecs appelloyent [Greek omitted]. Et neantmoins son but est de faire des miracles par la force des lettres and caracteres. I'ay bien voulu descouurir ceste imposture, à fin que ceux qui lisent Agrippa le maistre Sorcier, and ceux qui sont de mesme opinion, ne soient abusez, vsant de pierres, de plantes, and autres choses naturelles pour attirer les forces and influences celestes. C'est pourquoy Hippocrate au liure de Morbo sacro, deteste les Sorciers, qui se vantoient de son temps attirer la Lune: car ce seroit, dit-il, asseruir les Dieux à tels imposteurs, and assuiettir le Ciel and la terre aux hommes, contre tous les principes de nature, and contre le texte formel de la saincte Escriture en Iob, où Dieu parle des loix qu'il a donné au Ciel sur la terro. Aussi l'imposture se descouure par les caracteres and figures Diaboliques, and par les motsbarbares, and quelquesfois intelligibles, qui ne tie (02) nentrien des Elemens, ny de la matiere, Page 132

ny des formes naturelles, ny des qualitez naturelles quelles qu'elles soient. Il ne faut donc pas soubs le voile de nature couurir les sorceleries, vanitez, and superstitions Payennes des Idolatres, and Sorciers: cõme plusieurs Sorciers, qui faisoient anciennement croire que les Sorceleries n'estoient que la force des plantes, des animaux, des pierres, des mineraux, and des corps celestes: comme les Arabes ont voulu faire croire, pour faire estimer leur science, and faire eschaper les Sorciers: and de ceste opinion est Auicenne, Algazel, Alpharabius, and Agrippa de nostre aage, and Pomponatius and Pierre de Abano and vn Suisse, qui s'est fait surnommer Theophraste Paracelse des plus dangereux Sorciers de tous, comme il s'est cognu par ses effects, and par ses escrits, qui estoit aussi vne opinion, qui eut quelque temps son cours, ainsi qu'on peut veoir en Pline liure XXVI. chap. IIII. que l'herbe Ethiopide faict seicher les estangs, and riuieres, faist ouurir toutes choses fermees: and l'herbe Achimenide iettee au camp des ennemis, les faict trembler de peur and fuir: and l'herbe Latace, que les Roys de Perse bailloient à leurs Ambassadeurs, faisoit venir abondãce de toutes choses: c'est à sçauoir, les lettres patentes du Roy de Perse, qui faisoit trembler tous les peuples. Nous ferons mesme iugement de ce que dict Pline de la Veruaine, que les Grecs appellent herbe sacree, que les Magiciens disent guarir toutes fieures, and toutes soiees de maládies, and donner l'amitié de toutes personnes. Mais l'autheur Pline s'en mocque, and tous les Medecins, qui ont trouuépar longues experiences qu'elle ne peut rien Page 133

de toutcela, non plus que l'herbe Cynocephalique, qui passe toutes les autres, and Nepethes d'Homere, and l'herbe Moly de laquelle Pline se mocque à bõ droict, nõ pas qu'il n'y ayt de beaux secrets de nature cachez, cõme tresors, and que on descouure tous les iours, mesmes en l'abstraction des quintes essences par le feu, and neantmoins ces vanitez que Pline recite, ne s'y trouuent point. Ie sçay bien qu'il y a des disciples de Paracelsus qui ont fait imprimer des liures, par lesquels ils veulent creuer les yeux aux corneilles, and faire croire que les herbes ont chacune leurs estoilles and planettes, and qu'estans cueillies soubs icelles feront merueilles, and qu'il n'y a que eux qui les sçauent, ils doibuent aussi adiouster qu'il faut dire certaines paroles and carmes comme faisoyent vn Pamphile and vn Andreas qui sont mocquez par Galen, au liure sixiesme des Simples, des liures qu'ils intituloyent [Greek omitted], and au parauant Theophraste s'estoit mocqué de la bestise de ceux qui couppoient l'Elebore, la Mandragore, and la Panace, auec ceremonies superstitieuses. Nous ferons pareil iugement de ce que Pline2 recite de Democrite qu'il y auoit certains oyseaux, du sang desquels meslé, naissoit vn dragon, lequel mangé faisoit entendre la langue des oyseaux: mais il deuoit aussi dire la langue des Veaux. Nous dirons le semblable du Diamant contre les enchantemens, du Corail rouge contre les Charmes, du Iaspe cõtre les vmbres Dæmoniaques, du Lyncurium contre les prestiges, and de -notes- 2lib. 10. and Gellius li. 10. c.12. and Philostr 28. Lemnius. Page 134

ce que dict Dioscoride liure V. chapitre XV. que la pierre Memphitique puluerisee, and beuë auec du vin and de l'eau, rend la personne stupide du tout. Nous auons dict que les predictions diuines, ou propheties ne viennent ny par nature, ny par la volonté des hommes, ains par inspiration de Dieu nuëment, and sans moyen, ou par le moyen des Anges, and que les predictions naturelles se font par la cognoissance des causes preallables aux effects: and les moyens naturels de paruenir à quelque chose, se faict par voye ordinaire des causes à leurs effects. Or les predictions humaines, iaçoit qu'elles dependent aucunement de la nature des choses, toutesfois on les peut appeller humaines, d'autant qu'elles ne sont pas tousiours certaines, comme la nature, ny tousiours incertaines, soit pour l'ignorance des causes, soit pour l'imbecillité de l'esprit humain, and chacun en son estat par l'experience faict des predictions. L'homme Politique voyant que les meschancetez demeurent sans peine, and les vertus sans loyer en vne Republique, predira la ruine d'icelle: Mais d'autant que cela ne depend point des causes naturelles, and que ceste prediction ne luy est point specialement declaree de Dieu, on peut l'appeller humaine, and qui est licite: mais il ne faut pas l'asseurer pour certaine and indubitable: car ce seroit entreprendre sur le conseil de Dieu, qui maintient souuent vne ville contre toute la puissance humaine, par les v uz, and prieres des gens de bien: comme il se void en la requeste que fist Abraham à Dieu, deuant que d'ab y smer Sodome and Gomorrhe. Et en l'Ecclesiaste Page 135

il est dit, que le plus souuent le plus pauure d'vne cité and foulé aux pieds d'vn chacun, garde la ville d'estre forcee contre vn puissant Roy: C'est pourquoy Dieu promist à Abraham, s'il y auoit dix personnes qui ne fussent infectees des meschancetez de Sodome, qu'il ne destruiroit point le pays: Mais quand tu vois que Dieu au ciel retire coup à coup les hommes vertueux, dy hardiment l'orage impetueux vie (02) dra bien tost ruiner cest Empire. Et tout ainsi que le Polytique a ses predictions, aussi les maistres Pilotes preuoie (02) t les orages, les vens, les pluyes, les tempestes par experience ordinaire, encores qu'ils n'ayent aucune cognoissance des mouuemens celestes: Et les Bergers en cas pareil predisent la peste des brebis, qu'on appelle Clauelee, voyant le foye des liures pourry: and les laboureurs predisent la fertilité de l'annee au seul regard de la graine de moustarde, ou des Ribez, s'ils sont fort espais, and autres semblables, qu'ils ont par experie (02) ce, sans cognoissance des causes naturelles, ny reuelation diuine: Et telles predictiõs ne sont point illicites, si ce n'est qu'õ les veulust asseurer comme chose infallible, comme nous pouuons dire en cas pareil de la Metoposcopie, 2 qui iuge des passions interieures de l'homme au seul regard du visage, entre lesquelles il y en a de naturelles: comme la rougeur soudaine signifie la honte, pallir soudain signifie craincte, and qui ont leurs causes naturelles. Or la crainte à sa çause quelquesfois naturelle quelquefois diuine, au iour de la bataille, l'armee ou chef d'icelle qui sera triste and pe (02) sif, faict iugement presque indubitable de la perte de son costé, cela s'est -notes- 2Dicta a frõtis inspectione Page 136

experimenté de toute ancienneté, comme on voit en Lucan liure sixiesme, que l'armee de Pompee au iour de la bataille en Pharsale, estoit triste and melancholique, encores qu'il eust deux fois plus d'hommes and de cheuaux, que Cæsar, and lors que les espions entrere (02) t en Hierico Phostesse leur dist, la victoire est a vous car Dieu nous a donné frayeur and crainte. Mais il y en a qui sont plus humaines, que naturelles, comme les yeux des hyboux luysans, signifient le plus souuent cruauté: Tels les auoit Sylla and Caton le Censeur, ou bien s'ils sont marquez de gouttes de sang. Ainsi dict-on des Camus, qu'ils sont choleres and impatiens: Et au contraire les grands nez sont plus prudens and patiens. C'est l'vn des Epithetes que Dieu s'est donné à luy mesmes, parlant3 à Moyse, entre les onze proprietez il s'appelle [Hebrew omitted], c'est à dire, Grand-nez, ainsi que l'edition Conplutense d'Espaigne, and d'Anuers, de mot à mot interpreté, and en plusieurs lieux de la Bible, où il s'appelle le Dieu au Grand nez, que tous les interpretes tourne Patient, and par son contraire [Hebrew omitted] c'est à dire, Court-nez: les Hebrieux interpretent, Soudain en cholere. En quoy il nous est monstré aussi, que la Metoposcopie naturelle n'est poinct illicite, and de faict en tout l'Orient ils sont fort experimentez en cela. Si est-ce qu'il ne faut pas en faire loy infallible: car il se trouue des hommes si masquez and qui sçauent si bien couurir, and dissimuler leurs naturels, qu'ils sont entierement maistres de leurs -notes- 3Exod. 34. Page 137

visages, en sorte que plusieurs se voyans trompez, en ont faict le Prouerbe, Fronti nulla fides. C'est pourquoy Alcibiade s'eclata de rire, quand il ouyt dire à Zopire Physiognome, que Socrate estoit dameret and paillard, and fort cholere: Et neantmoins Socrate le confessa: Mais il dist que l'amour de sagesse l'auoit tout changé. Aussi voyons nous que tel porte le visage d'vne vierge, qui a le cueur d'vn lyon, comme estoit Alexandre le Grand: Et bien souuent celuy qui porte vn lyon au front, a vn lieure au cueur. C'est pourquoy la Metoposcopie, and les predictions d'icelles sont humaines, pour l'incertitude aussi, quoy qu'on attribue à Aristote le liure de la Physiognomie, qui comprend la Metoposcopie qui n'a rien du style d'Aristote. Et par ainsi en ostant l'asseurance and necessité qu'on met en la Physiognomie and Metoposcopie, l'vsage naturel ne peut estre blasmé. Mais il n'y a propos ny apparence aucune, de mettre la Chiromantie, ou Chiroscopie au rang des arts Physiognomiques, attendu que les principes des maistres, qui en ont escrit sõt contraires comme le feu and l'eau, and qui plus est, les lineamens changent pour la pluspart, and ne sont iamais semblables, en enfãce, aage florissante, and en vieillesse. Quãd aux autres predictions populaires ie laisse d'en parler, parce qu'elles ne meritent qu'õ en face mise, ny recepte, comme d'ouyr chanter les ranes trop fort signifie pluye: and que le plõgeon se iette en l'eau, and que les grues se retirent des eaux, and autres semblables infinies qui sont humaines, and depende (02) t aussi en parrie Page 138

des causes naturelles. Il y a d'autres predictions humaines, and toutesfois illicites, d'autant qu'elles attirent apres soy vne superstitieuse creãce, and crainte des choses vaines, and par consequent vne defiãce de Dieu. Car il faut tenir pour maxime indubitable, que celuy qui craint, ou qui croit les predictions superstitieuses, a tousiours defiance de la puissance de Dieu, comme ancienneme (02) t celuy, qui en sortant de sa maison chopoit du pied contre l'esueil, tiroit vn presage de malheur, comme ils disent qu'il aduint à Brutus le iour qu'il tua Cæsar: ou si l'anneau tombe, quand le mary le met au dõigt de sa fiancee. Et en cas semblable les anciens auoient vne coniecture, qu'ils appelloient Palmirum augurium, quand vn membre tressailloit, chose qui est naturelle, and qui a ses causes naturelles auec soy. Et ordinairement le malheur aduient à celuy qui croid telles choses, par vne iuste vengeance de Dieu, and iamais à celuy qui s'en mocque. C'est pourquoy Cesar ne fist iamais conte de telles vanitez, and tout luy succeda contre les presages des Deuins, and mesmes en descendant du nauire en Affrique, il tomba, and alors il dist, Ie te tiens Affrique. Ces beguins auguraux disoient que c'estoit vn mauuais presage, and neantmoins il rapporta trois belles victories, and defeist tous ses ennemis peu de iours apres: Et sine voulut oncques s'enquerir de l'issue de la bataille de Pharsalie, où il emporta la victoire contre Pompee, qui auoit deux fois plus de forces, lequel employa tous les Deuins and Magiciens, deuant que de batailler. I'ay remarqué plusieurs Princes, qui tous ont esté ruinez, Page 139

ayant demandé conseil aux Deuins. Ariouistus Roy des Alemans, ayant quatre cens mil hommes, and se gouuernant par les Sorciers du iour de la bataille, qu'elles empeschoient estre donné deuant la nouuelle Lune: Cæsar le sçachant, comme il escrit, soudain luy donna la bataille, and veinquit.G1 Mais sans aller plus loing nous auons l'exemple d'vn qui voulut sçauoir l'issuë de la bataille de Pauie, par le moyen d'vn Sorcier, qui luy fist veoir l'ost des ennemis, and la response fut semblable aux anciens Oracles, and l'issuë luctueuse à toute la France. En cas pareil Manfroy Roy de Sicile, and Fernand conte de Flandres, s'estant enquis du diable s'ils auroient victoire, eurent des respõses douteuses par lesquelles ils se promettoient les victoires, and neantmoins ils perdirent tous deux leurs estats. Nous auõs encores vn autre exemple du Roy de Suede, and les lettres enuoyees aux Princes d'Alemaigne l'ãmil cinq cens soixante and trois, qui portoient que le Roy Henry de Suede auoit quatre Sorcieres, qui se vantoient d'empescher les victoires du Roy de Dannemarch, mais on en print vne, qui ne peust empescher le bourreau de la brusler toute vifue, and le Roy quatre ans apres fut pris par ses sugets, and priué de son estat, and getté en vne prison, où il est encores. Voyla donc quant aux predictions humaines, disons maintenant des moyens illicites. -notes- G1In commentariis belli Gallici, and Vegetius de arte milit. Book 1 - Chapter 6 Page 140

Des moyens illicites pour paruenir à quelque chose. CHAP. VI. Novs auons dict que le Sorcier est celuy, qui par moyens diab oliques and illicites, sciemment s'efforce de paruenir à quelque chose: il faut dõc sçauoir qui sont les moye (02) s illicites. Nous auons monstré les moyens de paruenir à ce que nous pretendons par l'ayde de Dieu, si c'est chose licite ou par les moyens que Dieu nous monstre en ses creatures, and par la suitte des causes naturelles, and des effects enchesnez les vns auec les autres, ou par la volonté de l'homme, qui est libre. Or quand les hommes veulent paruenir à quelque chose licite, and que la nature leur manque, la puissance humaine n'y peut rie (02) : and qu'ils ne s'adressent point à Dieu, qui peut tout, ou bien qu'ils s'y addressent, mais de mauuaise façon pour le tenter: ou bien que c'est de bõ cueur: mais l'ayant delaissé en prosperité, ils sont delaissez en temps d'affliction: comme il est dict en Hieremie: Si Moyse and Samuel me prioient pour vous à ceste heure, ie ne les escouterois pas. Ils estoient morts plusieurs siecles auparauant, and auoient de coustume tant qu'ils viuoie (02) t en ce monde d'appaiser l'ire de Dieu par leurs prieres enquoy il semble que Moyse and Samuel ne prioient plus. Et en autre lieu il dict au Prophete, Ne prie point pour ce peuple1 en bien, car ny pour leurs ieusnes, ny pour leurs prieres and sacrifices, ie ne les escouteray point, mais ie les consommeray de peste and de famine. -notes- 1Hier.14. Page 141

Or ils deuoient neantmoins rompre le ciel de prieres, and continuer en la fiance de Dieu, qui menace fort, and neantmoins il s'appaise soudain, comme dict Ionas, auquel Dieu auoit promis raser la ville de Babylone dedans quarante iours, le peuple ayãt fait grãde penitence, ores qu'il adorast lescreatures, comme le Soleil and la Lune, and qu'il fust fondu en toutes sortes d'idolatries and Sorceleries, si est-ce que Dieu se repe (02) tit aussi: Alors Ionas fasché faisoit sa plainte à Dieu, 2 Ne sçaurois-ie pas dict-il, que tu es le Dieu le plus doux, and le plus misericordieux, and piroyable, qu'il est possible: and que soudain tu te repens de la vengeãce que tu as deliberé de faire. Or celuy qui est impatie (02) t se desespere, and appelle le diable à son aide: Comme on void le Roy Saul, apres auoir demãdé conseil à Dieu, quelle issue il auroit contre ses ennemis, and aux Prophetes, and aux Pontifes, and qu'il n'auoit aucune response de la bataille, il s'addressa à vne Sorciere, pour sçauoir l'issue de ses affaires. Les autres pour trouuer des tresors: qui pour guerir de sa maladie: qui pour iouyr de ses plaisirs, les vns pour paruenir aux hõneurs and dignitez, les autres pour sçauoir les choses futures ou absentes, and les plus meschans pour se venger de leurs ennemis appelle (02) t aussi le Diable, qui ne respõd pas tousiours quãd on l'appelle, and se faict prier bien souue (02) t, encores qu'il soit present, and prez de celuy qui le cherche, and de celuy qui ne le cherche pas, comme nous dirons en son lieu. Or entre tous les Sorciers ceux-là sont les plus detestables qui renoncent à Dieu and s'addressent au Diable, and luy iurent prester toute obeislance, seruice, sugection -notes- 2Ionas c.4. Page 142

and adoration, par conuention expresse. Mais il y en a qui ont horreur de s'addresler à Sathan pour fçauoir ce qu'ils demandent, toutesfois ils ne font point difficulté de s'adresser aux Sorciers, sans assister a leurs sacrifices, qui n'est gueres moins offenser Dieu,2 que s'addreesser à diable mesme: comme il y en a au cas pareil qui ne voudroient pas s'addresser à Sathan, pour auoir guarison d'vne maladie, mais ils ne font pas conscience de s'addresser aux Sorciers, qui prient le diable en leur presence, pour leur donner guarison: comme il aduint n'a pas long temps en Vau, qui est vn faux-bourg de la ville de Laon, où il y eut vne Sorciere qui osta le sort à vne pauure femme en extremité de maladie: laquelle Sorciere se mist à genoux, and face contre terre, pria tout haut, appellant le diable plusieurs fois, pour donner guarison à la femme, puis apres elle dist quelques paroles, and luy bailla vn morceau de pain à manger à la femme, qui fut guarie. Qui n'est pas moins que si la femme malade eust elle mesme prie Sathã pour auoir guerison: and vaudroit mieux mourir de la plus cruelle mort qu'on pourroit imaginer, que de guerir en ceste sorte. Il y en a d'autres qui ne veulent auoir aucune accointance au diable, ny aux Sorciers, mais ils vsent des moyens diaboliques executez par les Sorciers, à l'aide du Diable, lequel assiste tousiours ceux qui vsent de tels moyens, and cõduit leurs desseings. Or cela s'appelle traicter conuention tacite auec Sathan, suyuant la definition de sainct Augustin, pour la difference qu'il y a de la conuention expresse. Et non seulement sainct Augustin, ains aussi -notes- 2Leui.19. and 21. and Deut. 18. Page 143

Thomas d'Aquin, Durand, Ægidius Romanus, and les autres Theologiens d'vn commun consentement disent, qu'il y a deux pactions qu'on faict auec le Diable: l'vne expresse, que font les Necromanciens, and autres Sorciers qui l'adorent: l'autre tacite, ou implicite, qui est en toute sorte d'idolatrie, and obseruation superstitieuse, sciemme (02) t, and sans cause naturelle. Voyla leur definition. Vray est que celuy qui pense bien faire de prendre le vol des oyseaux, pour sçauoir sison voyage sera heureux, comme les anciens le faisoient par forme de religion, ne se peut appeller Sorcier, and n'a conuention expresse, ny tacite auec Sathan, encores qu'il soit idolatre, and n'offense pas tant que celuy qui le fait par curiosité, ne sçachant pas qu'il soit defendu de Dieu, and celuy qui le faict par curiosité and ignorance n'offence pas tãt, que celuy qui le faict sçachãt bien qu'il est defendu par la loy de Dieu. C'est pourquoy nous auons mis le mot, Sciemme (02) t, en la definition du Sorcier. Mais celuy est coulpable, qui sçait la defense de la loy de Dieu, and toutesfois par mespris d'icelle, s'addonne à telles choses, doibt estre puny comme Sorcier, and non pas toutesfois si rigoureusement que les Sorciers qui ont conuention expresse auec Sathan. Et à fin d'esclarcir le mot de Sorcier, c'est en bons termes celuy qui vse de sort, and gette en sort en actions illicites. Car il y-ale sort approuué par la loy de Dieu, and le sort approuué par les loyx Politiques. G1 En Homere les capitaines Grecs gettoie (02) t au sort à qui combattroit Hector, and le sort tomba sur Aiax Telamonie (02) . Nous voyons que Iosué getta au sort fur -notes- G1[Greek omitted] Page 144

toute l'armee du peuple d'Israël, pour sçauoir qui auoit pris du pillage defendu en la ville de Hiericho, and par mesme moyen, Samuel getta au sort quand il fut question d'auoir vn Roy, disant ces mots, Seigneur Dieu, donne le sort, qui estoit la coustume des anciens, pour chasser toute puissance and sort Diabolique: Et alors le sort tomba sur la lignee de Benjamin qui estoit la derniere, and puis on getta le sort sur les chefs de la famille, and le sort tomba sur la maison de Cis, puis on getta le sort sur tous les Domestiques de Cis, and le sort tomba sur Saül, que Dieu auoit auparauant declaré Roy sur le peuple, à sin qu'on ne pensast, que les sceptres, and couronnes soient donnees fortuitement. Et depuis Saül getta le sort sur toute l'armee, pour sçauoir, celuy qui auoit rompu le ieusne, and le sort tomba sur Ionathan, qui seul auoit mangé du miel contre la defense du Roy. Nous voyons aussi au Leuitique2, que le sort est getté sur deux boucs l'vn pour sacrifier à Dieu, l'autre pour Zazel: Les LXXII. Interpretes ne voulãt pas descouurir ce secret aux Paye (02) s, ont tourné le mot Zazel [Greek omitted], c'est à dire, emissarium, par ce que le iour du grand ieusne ordonné par la loy de Dieu, apres le sacrifice, le bouc de Zazel estoit mené par vn homme attaché d'vn cordon rouge sur la proche montaigne, and le poussoit du hault en bas: alors le cordon rouge deuenoit blanc, and aussi tost l'homme cornoit tout haut: and au mesme instant, par tout le pays on sonnoit des cornets, pour signifier que Dieu auoit pardonné au -notes- 2ch.op.16. Page 145

peuple, mais si le cordon demeuroit rouge, on ne sonnoit mot, and toute ceste annee-là le peuple faisoit penitence pour appaiser l'ire de Dieu. A quoy se rapporte ce que dict Iesaye: Si vos pechez sont rouges comme pourpre, ils seront blanchis comme neige. Voila ce qui est escrit par les Hebrieux touchant le sort d'Azazel. Ainsi void-on aux Actes des Apostres le sort auoir esté getté entre Mathias, and Barnabas. Cela estoit coustumier entre tous les Payens. Et mesmes s'il y auoit tempeste sur mer qui fust grande, on gettoit le sort sur tous ceux qui estoient au nauire, and celuy estoit saisi and getté en la mer, sur qui tomboit le sort, comme fut Ionas3. Aussr est le sort frequent, and ordinaire, quãd il faut partager 4 and lotir les successiõs, and choses communes, and permis par les loix de tous les peuples, and qui sõt fort necessaires, pour euiter aux debats and cõtentions qui ne prendroient iamais fin. Ainsi faisoient les Romains, qui tiroient au sort les Iuges és causes publiques, and les magistrats Romains gettoient les charges and prouinces au sort, si autrement ils ne se pouuoient accorder, ce que les Latins disoient, Sortiri aut comparare inter se prouincias. L'occasion de la guerre cruelle entre Marius and Sylla fut prise de ce que le sort de faire la guerre à Mithridate tõba à Sylla, and Marius fist presenter requeste au peuple pour luy oster. Ainsi void-on [quae] (16) le sort de soy est licite, pourueu que la chose le merite, and qu'õ die ces mots portez par la S. Escriture, Seigneur Dieu dõne le sort, and nõ pas apeller Mercure, pour seigñr du sort, cõme faisoie (02) t les Grecs, qui mettoient premiereme (02) t dedans le vaisseau vne fueille -notes- 3Ionæ cap.1. 4l. Sed cum ambo. de iudic. ff.l.si duobus in princip. cõmun. de leg. C. and c. sors, and c. hi qui and c.illnd 26. q. 2. and c. vlt. de sortileg. 5. Asconius in Verrianas. Page 146

d'oliue qu'ils appelloient Herme, c'est à dire, Mercure: Et apres ils gettoient les sorts, and tiroient tout premier la fueille d'oliue: Et pour corriger ce Paganisme, les Chrestiens faisans vn Roy au sort, tirent premierement pour Dieu. Encores n'est-ce pas assez d'appeller Dieu au sort qu'on gette, mais il n'en faut vser sinon en chose necessaire, comme celles que nous auons dict: autrement qui voudroit en choses legeres, ou par curiosité, ou bien mesme en chose d'estat, sçauoir s'il faut entreprendre la guerre ou autre chose de consequence, il ne faut pas getter au sort: car ce seroit tenter Dieu, ce qui est bien expressement defendu. Mais en ce cas, Dauid and les saincts personnages demandoient conseil à Dieu, and lors il faisoit sçauoir sa volonté par les Prophetes, ou par le Pontife, qui portoit l'Ephod, ou Pectoral, duquel nous auons parlé cy dessus: ou bien Dieu reueloit en songe ou vision, à celuy mesmes qui demandoit aduis: Et generalement en toutes choses de consequence les saincts personnages demandoient conseil à Dieu, lequel encores qu'il ne fist response quelquesfois, si est-ce qu'il conduisoit l'affaire à bonne fin, si la chose estoit bonne, and le c ur droict, qui demandoit conseil. Et d'autant qu'il aduint à Iosué de traicter la paix auec les Gabaonites sans auoir demandé conseil à Dieu, il fut deceu par eux, par ce que, dict l'Escriture, ils n'auoient pas demandé conseil à Dieu. A plus forte raison doibt on reprouuer les sorts Diaboliques 4, c'est à dire, ou les noms des Dieux estranges sont appellez: comme estoient anciennement les sorts Deliens, Liciens, Prenestins, -notes- 4[Greek omitted] Page 147

Antiatins, qu'il n'est icy besoin d'estre declarez, ains plustost enseuelis. Aussi est le sort illicite de getter aux dets and osselets, qu'on appelle Astragalomantie, si on doibt faire quelque chose ou non, jaçoit que les anciens en vsoient souuent, and se faict encores à present, comme Cæsar escrit, que les Alemans getterent trois fois au sort, pour sçauoir s'ils feroient mourir Marc Valere son Ambassadeur, and par le moyen du sort il rechappa: and seroit bien necessaire que tous ieux de sort, ou de hazard fussent bannis aussi bien en effect, comme ils sont defendus par la loy Martia, and autres ancie (02) nes loix. En cas pareil toute maniere de sort, de laquelle on vse pour sçauoir quelque chose, autrement qu'il a esté dict, est illicite and Diabolique, comme estoient anciennement les sorts Homeriques, and Virgilianes, à l'ouuerture d'Homere, ou de Virgile au premier vers: Aussi quand on iouë à l'ouuerture de l'Euangile, comme on faisoit anciennement apres auoir laissé les sorts de Virgile, and d'Homere, and les appelloit-on, sortes Apostolorum, reprouuees par sainct Augustin aux Epistres ad Januarium: and Gregoire de Tours escrit qu'il predict à l'ouuerture du Pseautier à Childeric, fils de Meroüce, qu'il mourroit pour auoir espousé Brinehant contre la volonté de son pere. Et celuy à present vsité, qu'on appelle Dodecaedron, and le ieu des Bergers pour sçauoir les aduentures, qui sont toutes façons Diaboliques and meschantes.G1 Nous mettrons aussi entre les sorts illicites, la5 Geomatie, qui est celle, qui est la plus vsitee, and par liures publiez and imprimez, qui est vn art Diabolique, and fondé neantmoins sur le hazart, and get fortuit -notes- G1[Greek omitted] Page 148

de celuy qui marque les poi (03) cts, desquels les quinze figures resultent. Nous ferons mesme iugement de la Tephramantie6, qui se faisoit en cendres, comme la Geomantie premierement se faisoit en terre, and toutes fois diuerse,G1 and inusitee, and que ie ne declareray point, à fin qu'elle soit aussi enseuelie, aussi bien que la Botanomãtie, and Sycomantie qui sont encores plus ineptes, and ridicules, qui dependoit du get des fueilles de figures agitees du vent la nuict, and selon qu'elles se rencontroient on faisoit le iugement: Qui est differente de celle, de laquelle parlent Vitgile2, and Tite Liue3, quand les Prestres escriuoient sur quelques fueilles disposees sur des coissins, pour ceux qui alloient cherchãs la verité apres auoir idolatré, car celle-cy estoit tousiours conioincte auec l'idolatrie expresse, les autres non. Entre lesquels sont aussi l'Onomantie 4 and Arithmantic: qui se tiroit par le nombres portez par les lettres du nom d'vn chacun, and disposez en l'ordre des nombres, selon ce qu'ils pouuoient signifier: Et celle cy n'estoit vsitee qu'entre les Latins: Et neantmoins la table des nombres qui s'en trouuent, ne se raporte (02) t aucunement à la valeur des lettres Latines significatiues des nombres. Car la lettre M. qui signifie mille, ne vaut là que LXXVIII. and , C. qui vaut cent, ne vaut là que six: and neantmoins ceux qui en font cas interpretent par ces lettres ainsi nombrees les nombres attribuez à la beste en l'Apocalypse4. Quant aux anagrãmatismes des lettres du nom and surnom transposees, c'est aussi chose ridicule, attendue que la transposition emporte significations du tout contraires. -notes- 6[Greek omitted] G1[Greek omitted] 2Iil. 6. 3L.b.22. 4[Greek omitted] 4numeri sunt 666. and 1260. Page 149

Le premier autheur est Lycophron de Chalcide, qui est entre les sorts illicites, si on adiouste foy, encores que cela ne depende pas du sort. Mais il y-a vne autre façon de sort, duquel les anciens vsoyent, and l'appelloient Alectryomantie, prenant le coq, qu'ils disoient estre l'oyseau du Soleil, Dieu des diuinations.G1 De laquelle vsa Iamblique, pour sçauoir qui seroit Empereur apres Valens, and se trouua que le coq auoit designé quatre lettres [Greek omitted], dequoy estant aduerty l'Empereur, fist mourir plus de cent Sorciers, and Iamblique s'empoisonna des premiers, and fist aussi mourir tous les gens de marque, qui s'appelloient Theodore, Theodote, Theodule, and autres semblables. Voila comme le Diable paye ses seruiteurs. La façon, ie ne la declareray point, and seroit besoin que les autheurs de l'histoire l'eussent oublice, car cela est tout plein d'impieté, and defendu expressément en la loy de Dieu, où il est dict, non inueniatur in te sortilegus, quia est abhominatio Deo tuo. Il vse du mot, Manahes, qui vient du verbe5, [Hebrew omitted], qui signifie Nombrer, ou faire caracteres, par ce que tous les sortileges and manieres de sorts, qui sont infinies, dependent des caracteres, and du nombre, prenant pour le nom vniuersel de telles sciences, ce qui est le plus vsité. Autrement le vray mot de sort en Hebrieu est goral, pur, soles, qui ne sont point portez par la defense de la loy, pour les causes, que nous auons dictes cy dessus. Et faict bien à noter le passage3, qui comprend les sortes de diuination defendues, qui porte premierement de faite passer les enfans par le feu, chose que le Rabin Maymon dict -notes- G1[Greek omitted] à Gallis. 5[Hebrew omitted] Supputation dont vient le mot Arabesque Almena. h c est à dire, la supputation, comme la langue Arabes que est tiree de l'Hebrieu. 3Deut.18. Page 150

auoir veu obseruer en Ægypte par forme de purgation, sans brusler les enfans, comme dict le mesme Rabin: ce qui neantmoins fut faict par sacrifices detestables soubs le Roy Manasse, and du temps du Roy Hircanus. Vn Roy des Idumeans assiegé immola son fils sur la muraille deuant les ennemis: lesquels ayans horreur d'vn tel sacrifice, se retirerent, comme nous lisons en Ioseph. Le second qui est defendu par la loy de Dieu, est ce qu'elle appelle deuin, quosem, [Hebrew omitted], qui est vn mot general, qui signifie, Enseigner, comme il se prend en Michee chap. 3. où il dict que les Iuges iugent pour argent, and les Prestres enseigne (02) t pour arge (02) t. Il vse du verbe [Hebrew omitted], and se prend quelquesfois pour vne bonne diuination, comme aux Prouerbes chap. XVI. mais ordinairement il s'entend en mauuaise partie, and signifie toutes sortes de diuinations illicites comme au 18.du Deuteronome, and 23. des Nombres, and au 13. d'Ezechiel, and en Samuel 15. où ce mot comprend tous les autres, lesquels il specifie, à sçauoir, [Hebrew omitted] megonim, qui signifie celuy qui respond quand on est en doubte des choses qu'on veut entreprendre, du verbe [Hebrew omitted], qui signifie, respondre, que les Interpretes ont appellé Augur: Nos François ayant appris des Iuifs ce mot Hebrieu, appellent les Sorciers Charmeurs, Maistre-gonim, au lieu de Megonim. Le troisiesme est celuy que la loy appelle [Hebrew omitted] menahes, qui signifie proprement, Calculateur, duquel nous auons parlé, que les Rabins appellent Sortilegue, qui procede par sort and nombres. Le quatrieme est [Hebrew omitted] mecaseph, c'est à dire, Prestigiateur, du verbe, [Hebrew omitted], qui Page 151

signifie fasciner les yeux des personnes: qui se faict par le moyen des malins esprits, sous lequel sont aussi compris les Enchanteurs, qui s'appellent aussi malchesim, du verbe lahas, qui signifie Marmotter, and susurrer, and que les LXXII. Interpretes ont tourné [Greek omitted], c'est à dire Enchanteurs, que les Espagnols appellent Hechiezeros, qu'Anthoine de Turque Mede au troisiesme liure de son Iardin definist ceux, qui tacimante inuocan Demonios, mescolando la Magia natural con lo del Demonio, c'est à dire qui tacitement inuoque (02) t les Dæmons, and meslent la Magie naturelle auec celle du diable. Le cinquiesme est celuy qu'il appelle chober [Hebrew omitted], c'est à dire, l'Associé, qui signifie l'association, qui se faict és danses and assemblees des Sorciers, du verbe [Hebrew omitted], qui signifie s'associer: c'est celuy, que nous appellons propreme (02) t Sorcier: l'Espagnol les appelle Bruxos, l'Alemã Zauber, en Sauoye on les appelle Eryges, and les Italiens Lestrie, le Masquare, and les Latins Sagas, and les nouueaux stryges: sagan est Hebraique. La sixiesme espece s'appelle sehoelob [Hebrew omitted], c'est à dire, Interrogeant les esprits du mot [Hebrew omitted] qui signifie vn baril, ou vaisseau creux. Par ce que les esprits qui sont inuisibless'ils sont bons leur voix est fort deliee and subtile ordinaireme (02) t, and s'ils sõt malins leurs voix s'ils n'ont figure est grosse and comme parlant dans vn muid ou vaisseau. I'ay remarqué cela en vn proces de Falaise, qui m'a esté communiqué par M. Lisoire President de Rouan, ou celuy qui fut executé 1456. dist que le diable ne parloit iamais a luy qu'en voix grosse and comme d'vn muid and terrible. le l'ay encores remarqué au procés de Ianne Bonnet de Page 152

Boissi qui fut aussi condamnee a estre bruslee, qui deposa que le diable parloit a elle d'vne voix fort grosse, and ne voyoit rien: and luy fist recueillir de poudres, and la conduisoit iusques au lieu où il commanda qu'elle le iettast. Quelquefois aussi les malins esprits parlent és cauernes and des pertuis de la terre, que les Latins disent oracula, lequel mot depuis a esté prins pour diuinatiõ. Le septiesme est Jedehoni [Hebrew omitted]du verbe [Hebrew omitted], qui signifie sçauoir, tout ainsi que le mot [Greek omitted] signifie, Sçauant cõme dict Eustathius sur Homere quasi [Greek omitted], les Interpretes ont tourné Magus, qui signifie en langue Persique Sage and Sçauant. Mais les Hebrieux au liure qu'ils intitulent les six cens and treize mandemens de la loy de Dieu, disent qu'en cest endroit Jdeoni, signifie celuy qui interroge le diable caché dedans les os de la beste, qu'ils appellent Iadoha, qui tue du regard, and la faut tirer de loing à coups de flesches. Ceste beste est appellee [Greek omitted] en Athenæus, qui recite qu'elle est de la grandeur d'vn veau, qui paist tousiours, and ne peut leuer les yeux qu'à grande difficulté, and alors elle faict mourir ceux qu'elle regarde. Marius Consul faisant la guerre en Numidie, ayãt perdu plusieurs soldats qui vouloient en prendre vne, en fin il la feist tirer de loing, and enuoya la peau en Rome, qui fut mise au temple d'Hercules, comme dict Athenæus. Ie l'ay remarqué sur mes commentaires du Poëte Oppian au liure de la Chasse. Le huictiesme est celuy qui interroge les morts [Hebrew omitted]. C'est le Necromantien, puis apres il est dict, que Dieu abhomine tout cela. En l'Exode les Sorciers de Pharaon sont appellez Book 1 - Chapter 7 Page 153

quosenim, qui est vn mot Hebrieu, and tantost Chartumin, qui est vn mot Egyptien, que plusieurs ont tourné Genethliaques: Mais les effects des Sorciers d'Egypte ne respondent aucunement à l'Astrologie, ny aux Astrologues, qui ne sçauroient changer les verges en serpens, ny former des grenouilles. Nous auons dict des sortileges, qui se font par sort, nous dirons par cy apres des autres. Mais il faut aussi noter que le mot de Sorcier n'est pas proprement dict de ceux qui iettent au sort pour sçauoir si bien ou mal leur aduiendra, (combien que c'cst vne espece de Sorcelerie) ains principalement pour ceux and celles qui iettent és pasfages, ou enfouyent sous l'esueil des estables certaines poudres malefiques pour faire mourir ceux, qui passeront par dessus. C'est pourquoy le sort tombe souuent sur les amis des Sorciers, ou bien ausquels ils ne veulent point de mal, comme nous dirons en son lieu. Poursuyuons maintenant les autres arts, and moyens illicites, and defendus par la loy de Dieu, pour paruenir à ce qu'on pretend. Dela Teratoscopie, Aruspicine, Orneomantie, Hieroscopie, and autres semblables. CHAP. VII. TERATOSCOPIE est l'art qui contemple les miracles, and d'iceux cherche lescauses effects, and significatiõs.G1 Orneomantie, qui re#.garde les mouuemens des oyseaux, pour sçauoir les choses futures. Hieroscopie est la consideration des -notes- G1[Greek omitted] idest, diuinatio, ex auibus and portentis. Page 154

Hosties and sacrifices, pour sçauoir la verité des choses futures. L'Aruspicine est plus generale: car elle comprend aussi la consideration de l'air, des foudres, tonnerres, esclairs, monstres, and generalement toute la science Augurale, qu'il ne faut pas du tout blasmer, ains il faut distinguer le bien du mal. Car quand aux monstres and signes, qui prouiennent outre l'ordre de nature, on ne peut nyer qu'ils n'emportent quelque signification de l'ire de Dieu and aduertissement, qu'il donne aux hommes pour faire penitence, and se conuertir à luy, and ne suyure pas l'opiniõ pernicieuse d'Aristote, qui a soustenu que rien ne change, rien ne varie en la nature, and que les monstres n'aduiennent que pour le defaut de la matiere, qui seroit oster tous les uures and merueilles de Dieu, qui sont aduenus, and aduiennent contre le cours de nature. Combie (02) qu'Aristote cõtraire à soy mesmes, a faict vn liure [Greek omitted], c'est à dire, des miracles: and confesse que la terre doit estre entierement couuerte des eaux comme plus pesante, and qu'elle est demeuree en partie descouuerte pour la vie des bestes terrestres, and volatiles. Laquelle confession sert du tesmoingnage contre luy-mesmes, pour la gloire de Dieu, and qui est souuent repeté en la saincte escriture, quand il est dit pour vn miracle, que Dieu à fondé la terre sur les eaux sur lesquelles elle nage, comme il a este verifie de l'Isle Delos, and de plusieurs autres: car cõbien qu'il se trouue de la terre au fonds de la mer, si est-ce qu'en la plus haute mer, les Pilotes ne trouuent plus de terre quand ils iettent le plomb: aussi void on la mer esleuee cõme Page 155

vne montaigne au bord de la mer: and que Dieu a ly é par vne puissance emerueillable, and pofé bornes aux eaux, qui ne passeront point outre. Quant aux Cometes, qui sont and ont tousiours esté signes de l'ire de Dieu par vne experience de toute l'Antiquité, Aristote ne peut nyer que cene soit chose outre le cours ordinaire de nature: and les raisons par luy alleguees de la creation des Cometes, lances à feu, dragons de feu, sont trouuees friuoles, and ridicules à toutes les sectes de Phi losophes, comme il est tout certain que la Comete ordinairement ne dure moins de XV. iours, ny gueres plus de deux mois, les vnes grandes, les autres petites. Les vnes vont le cours du premier mobile, comme la derniere, qui aduient au mois de Nouembre 1577. les autres du midy en Septentrion, comme celle qui apparut l'an 1556. les autres demeurent fixes, comme celle qui apparut en Nouembre 1573. Mais par quelle nourriture ce grand and espouuantable feu est il nourry? and pourquoy les pestes, ou famines, ou guerres s'en ensuiuent? Aristote n'a rien veu en tout celà. Aussi sont signes de Dieu, and faut que chacun confesse son ignorãce, en donnant louange à Dieu, plustost que par vne arrogance capitale luy voler cest honneur, en recherchant la nourriture d'vn si grand feu, and si durable és fumees and vapeurs, en la purité de la region ætheree. Ioinct aussi que les vapeurs and fumees ne manquent point tous les ans, tous les moins, tous les iours, and les impressions de feu en la region ætheree ne se voyent pas quelquesfois en dix ans vne seule fois, comme il a esté remarqué des anciens. Et sans parler des choses Page 156

miraculeuses, and qu'on void aduenir outre le cours de nature, l'ignorance se cognoist és choses ordinaires, qu'on void en tout te (02) ps, and qui nous sont incogneües, comme la grandeur des Estoilles, la moindre desquelles (outre la Lune and Mercure) est dix fois plus grande que la terre: and sans monter si haut, la plus noble partie des uures de Dieu, qui sont en l'homme, a esté and demeuré ignoree des hommes. Comment donc pourroit-on iuger des uures and miracles de Dieu extraordinaires? Au parauant que l'armee de Xerxes de dix-huict cens mil hommes, commenous lisons és Histoires2 passast en Europe, il apparut vne Comete notable, and vne autre au parauant la guerre Peloponesiaque: Vne autre deuant la defaicte des Atheniens en Sicile: Vne autre deuant la defaicte des Lacedemoniens par les Thebains: and deuant la guerre Ciuile de Cesar and Pompee, les flammes de feu apparurent au Ciel, and apres le meurtre de Cesar, and deuant le massacre des bannis par Auguste and Marc Anthoine il apparut vne grande Comette, qui depuis fut grauee and monnoyee en l'honneur de Cesar. Et deuant la prise de Hierusalem il apparut vne flamme de feu sur le tem ple vn an entier, comme dict Ioseph. Il faut donc confesser, que cen'est pas chose naturelle ny ordinaire, que les miracles qui aduiennent outre le cours de nature, and qu'ils nous signifient l'ire de Dieu laquelle on peut preuenir par prieres and penitence: non pas que Dieu soit choleré, ny transporté d'ire, estant de sa nature immuable and impassible, mais l'Escriture s'accommode à nostre imbecillité. Ainsi peut on iuger des monstres -notes- 2licro.lot. Page 157

estranges, qui aduiennent contre l'ordre de nature. Car de dire que c'est pour le vice de la matiere, il faudroit confesser que les principes and fondemens, entre lesquels est la matiere, sur lesquels Aristote a fondé le monde, soient vicieux and ruineux, and par consequent que le monde menace ruine, qui est bien loing de l'eternité par luy supposee. Il faut donc confesser, que celà nous est clos and couuert, and qu'il n'y a que Dieu qui en dispose à sa discretion. C'est pourquoy on void changer les saisons, le bestial mourir, les famines suruenir, pluuoir du sang, des pierres, and autres choses estranges. Demeurant neantmoins le cours des Astres en leur Estar: mais Dieu retire sa benediction tantost de la terre, tantost des eaux, tãtost du bestial, and enuoie la famine, la peste, and la guerre sur les hommes. Or la prediction de telles choses, n'est point illicite, pourueu qu'on l'attribue a Dieu, and non pas aux Idoles, comme faisoient and font encores les Payens. Les Atheniens, dict Plutarche 3 brusloient anciennement tous vifs comme Heretiques, ceux qui disoient que l'Eclypse se faisoit par interposition de l'ombre du corps de la terre, ou du corps de la Lune, and appelloient telles gens [Greek omitted], c'est à dire, trop curieux des choses hautes. Et mesmes les Romains4 la nuict precedente la defaicte du Roy Perseus voyant l'Eclypse frappoient des armes and morion, pour faire venir la clarté de la Lune. Et les Indois pleuroient, pensant que le Soleil leur Dieu, eust frappé la Lune à sang. Et mesme le Pape Zacharie fist citer à Rome vn Euesque d'Allemaigne nommé Virgile comme Heretique -notes- 3In Pericle. 4Plutarchus in A Emylio and Tacitus in Druso. Page 158

pour auoir dict qu'il y auoit des Antipodes comme nous lisons en l'histoire d'Auentin liu. 3. parce que S. Augustin, and Lactance Firmian, auoyent dict qu'il estoit impossibles qu'il y eust des Antipodes: iaçoit que la demonstration y soit plus claire que le Soleil and aueree par experience quotidienne.G1 Telles superstitions ont presque pris fin par tout, comme aus si les Augures touchant le vol des oyseaux, dont les liures des anciens sont pleins. Car il ne se faisoit ny asse (02) blee de peuple, ny paix, ny guerre, que les Augures ne fussent appellez, pour voir la difposition de l'air, des oyseaux, and autres vanitez semblables and pleines de superstition and d'impieté, and defenduës par la loy de Dieu. Et à ce propos Ioseph4 recite, qu'il y eut vn Capitaine Iuif, qui tua l'oyseau sur lequel les Augures prenoient leur prediction, disant que c'estoit chose bien estrange de demander l'issuë de la guerre à vne beste brute, qui ne sçauoit pas la sienne. Mais il y a bien vne autre raison, pour monstrer la vanité de telles choses. C'est que les Latins tenoient pour chose honteuse de veoir le vol des oyseaux à senestre, and les autres peuples à dextre, comme Ciceron a remarqué au liure de la Diuination, qui monstre bien que ce n'est qu'imposture, and mensonge, puis que les principes des vns sont contraires aux autres, tant pour la disposition de l'air, que pour le vol des oyseaux. Car le fondement de la science Augurale estoit de constituer le temple, c'est à dire, la region de l'air, où l'on contemploit pour sçauoir où estoit la dextre and la senestre du monde: en quoy tous les autheurs -notes- G1[Greek omitted] 4in bello Iudaico. Page 159

Grecs, Latins, and Barbares sont differents entre-eux, and auec les Hebrieux, comme i'ay remarqué5 ailleurs. Aussi Hieremie le Prophete, quand il parle des Arondelles, des Turterelles, and des Cygongnes, dict bien qu'elles sçauent le temps de leur retour, mais il ne dict pas qu'elles sachent les yssues des batailles and autres choses semblables. Encores estant la consideration des hosties5, du foye, du cueur, du fiel, des intestins plus estrange pour sçauoir si la chose qu'on entreprenoit, succederoit heureusement. En quoy il y auoit double impieté, tant pour la recherche de la verité en telles choses, que pour le sacrifice faict aux idoles. Vray est qu'on ne peut dire, que ceux qui en vsoient fussent Sorciers, car ils y alloyent de la meilleure conscience qu'ils eussent, and pensant faire chose agreable à Dieu. Or nous auons dict que le Sorcier est celuy qui sciemment vse de moyens Diaboliques, pour paruenir à quelque chose, comme seroit celuy qui en vseroit ainsi, cognoissant la defense portee par la loy de Dieu. Disons donc des autres impostures Diaboliques, qui estoient (entre les Payens) plus apparentes en impieté. -notes- 5In Meiboio historiar.ca.5. 5[Greek omitted] Book 2 - Chapter 1 Page 160

DES SORCIERS [Graphic omitted] DELA MAGIE EN GENERAL, ET DES ESPECES D'ICELLE. LIVRE SECOND. CHAPITRE PREMIER. Le MOT de Magie est Persique, and signifie Science des choses diuines, and naturelles: and Mage, ou Magicien, n'estoit rien autre chose, que Philosophe: Mais tout ainsi que la Philosophie a esté adulteree par les Sophistes, and la Sagesse qui est vn don de Dieu, par l'impieté and idolatrie des Payens: aussi la Magie a estè tournee en Sorcellerie Diabolique, comme il est a presumer que le mot Persique est Hebrieu, car le mot [Hebrew omitted] Maghin signifie murmurans, comme ils font parlant aux Diables and en les coniurant. Et le premier qui fut ministre de Sathan pour publier ceste impieté en Perse, fut Zoroaste, and neantmoins elle estoit couuerte du voile de pieté, comme le Diable est coustumier de faire. Car les hommes bien nez ont tousiours horreur des meschancetez. Pline au XXX. liure, Chapitre 1. en parle ainsi: Magica fraudulentissima artium plurimùm in toto terrarum orbe, plurimísque seculis valuit: authoritatem ei maximam fuisse nemo miretur, quandoquidem sola artium Page 161

tres alias imperiosissimas humanæ mentis complexa, in vnam se redegit. Natam è medicina nemo dubitat, ita blandissimis promissis addidisse vires religionis, ad quas maximè caligat humanum genus: deinde miscuisse artis Mathematicas. C'est pourquoy Iamblique, Procule, Plotin, Porphyre, and l'Empereur Iulian l'Apostat, ont definy la Magie estre l'inuocation des bons Dæmons: Et la Goëtie5 estre l'inuocation des malins Esprits, qu'ils ont reprouuee, de laquelle vsent ceux qui vont aux sepulchres la nuict deterrer les morts, and inuoquer les Esprits. Et mesme l'aueugle Sorcier, qui fut pendu à Paris l'an M. D. LXXIIII. and qui en accusa cent cinquante, and plus, disoit vn iour à vn Gentilhomme qui m'en a faict le conte, qu'il vouloit seulement luy monstrer la Magie blãche, and non pas la Magie noire: Comme Leon d'Afrique Escrit, que les Sorciers d'Affrique inuoquent les blancs Demons. Aussi void on que les liures du grand Docteur en l'art Diabolique, que ie ne nommeray point, pour le desir que i'ay d'enseuelir son impieté à iamais, au commencement de ses liures ne parle que de Physique, de philosophie, de la vertu occulte des eaux, des plantes, des animaux, des metaux, puis des nombres, and des astres: Et au quatriesme liure, qui est la clef, qu'il auoit promise, and que ses disciples Sorciers ont publiee, il mesle sa poison Diaboliques, des caracteres, and noms des Diables, and des Esprits, and l'inuocation d'iceux. Auicenne and Algazel sont en mesme erreur, en ce qu'ils tiennent, que tout ce qui est faict par les Sorciers, se faict par causes naturelles, qui est le vray moyen pour piper les gentils Esprits, and les attirer -notes- 5[Greek omitted] Page 162

à toutes sortes de Sorcelleries, comme en cas pareil ils ont trouué le mot d'Esprit familier, and en Afrique les Dæmons blancs: and en Grece les Sybilles: and en Almaigne les blanches Sybilles, and en France les Fees. Dequoy i'ay bien voulu aduertir les Lecteurs, à fin qu'ils ne s'abusent soubs le voile de ces beaux mots. Car comment est-il possible, ce que escrit ce bon Docteur, que chacune Planette, voire chacune Estoille ait vn mauuais De (11) mon, aussi bien que vn bon Dæmon, puis qu'il n'y a point de Diables au Ciel, and que tout le mal est enclos au monde elementaire, qui n'est qu'vne petite particule de ce grand nombre, and qui est distante du Ciel de la Lune, de plus de cinquante mil lieuës. Or tous les Theologiens and Philosophes demeurent d'accord, que chacun a son Intelligence ou Ange, pour le mouuoir. Posons que chacune Estoille ait aussi son intelligence, si n'y eut-il iamais Philosophe, qui pensast qu'il y eust des malins Esprits au Ciel, and beaucoup moins deux Dæmons contraires s'accorderoient en leurs actions, and mesmement au mouuement inuariable and immuable des corps celestes. Car ce n'est pas ainsi que l'homme qui est libre à bien ou à mal faire, and qui est tantost agité du malin Esprit, quand il se tourne and adonne à meschancetez: tantost du bon Esprit, quand il retourne à Dieu. D'auantage comment est-il possible d'inuoquer le bon Ange, ou blanc Dæmon des planettes, qu'on ne commette vne damnable idolatrie en adorant, ou la planette, ou son Dæmon, ou les deux ensemble, attendu mesmes la façon des sacrifices ordonnez par ce gentil maistre, Page 163

qui prend la pierre, la plante, l'animal, le nombre, le caractere, le metail, l'aspect, le temps propre à la planette, auec les charmes, hymnes and inuocations, qui ne commette vne idolatrie damnable? ou de quelle source sont sorties toutes les idolatries de Bahal, qui est le Soleil, and Apollon, and de la Lune Royne des Cieux,2 ainsi appellee par Hieremie, que de ces idolatries là. Or Dieu iure en Hieremie, qu'il destruira à feu and à sang, and par pestes and famines, tous ceux là qui ont adoré la Royne du Ciel: que les peuples de Septentrion appelloient and adoroient en nom masculin, comme font encores à present les Allemans: suyuans l'ancienne superstition de leurs peres, qui pensoient qu'il n'y auoit que ceux-là maistres de leurs femmes, qui appelloient la Lune en masculin: comme l'Empereur Caracalla disoit, ainsi que nous lisons en Spartian. C'est pour respondre à Iamblique, Procle, and Porphyre, and à ces maistres Docteurs en Diabologie, qui ont attiré dix millions d'hommes en leur impiaté, disant qu'il faut tout vnir, and par les creatures elementaires attirer les Estoilles, and planettes, and par icelles leurs Demons, and puis les Anges and moindres Dieux celestes, and puis par ce moyen auoir Dieu. Et neantino ins toms ces beaux mediateurs n'attirent que Sarban, and pour cesteocause lo XXVI. article de la deter mination de la Sorbonne, faicte l'an M. CCCXCVIII. a tran ché and condamné l'impieté de ceux qui liennent que la puissance and vertu des Intelligences celestes decoule en l'ame tout ainsi que la puissance des lu mieres and corps celestes decoule dedans -notes- 2Hierom.23. Page 164

les corps: mais il faut encores condamner pour impieté detestable, que chacune Estoille a vn mauuais Demon, jaçoit que le Philosophe Aphrodisee a reietté cest erreur, comme aussi ont faict Porphyre, Procle, Iamblique. Et pour ceste cause Virgile introduict Iuno qui defend à Alecto de voler au Ciel. Mais les vns du meilleur sons qu'ils eussent, ieunoient, and sacrifioie (02) t aux bons Demons, and autres petits Dieux, and demy Dieux, meslant parmy Hercules, Bacchus, Apollon, Æsculape, Abraham, Orphee, Iesus-Christ, comme Alexandre Seuere, ainsi que nous lisons en Spartian. C'est pourquoy Dieu en sa loy tant de fois a repeté qu'il ne failloit seruir, ny adorer autre Dieu que luy. Car le mot Hebrieu Thistaneh, qui est au Decalogue, and le Caldean Tisgur, qui est tout vn, ne signifie autre chose que s'encliner, que les Latins disent adorer. Galli, dict Pline, adorando dexteram adosculum referunt, totúmque corpus circumagunt, quod in læuum fecisse religiosius esse putant. C'est à dire, que les François tournent le corps en faisant la reuerence ou adorant and baisant la main dextre, and pensent que c'est vn mauuais presage de se tourner à gauche. Or Dieu preuoyant que les Payens s'adressoroient premierement aux Estoilles and planertes, and antres creatures, il le defend bien expressement sur la vie: Et qui plus est, il defend4 de faire degrez à son autel, poury monter, à fin qu'on allast droict à luy, and non pas par les degrez que les Platoniciens, Pythagoriens, and autres Payens suiuoyent. Et faict bien à noter que le commandement de ne faire degrez pour aller à l'Autel -notes- 4Exod.20.c. Page 165

de Dieu, est mis tost apres au Decalogue, and au mesme chapitre, où il n'estoit mention, ny pres, ny loing de temple ny d'Autel: qui monstre bien, qu'il ne doibt pas s'entendre de pierres seulement. Or pour monstrer l'impieté de ceste belle Magie blanche, c'est que celuy qui se vouloit seruir pour iouïr, and obtenir ce qu'il pretendoit, il portoit l'effigie de la planette faicte, and forgee auec les solemnitez prescrites: ce que i'ay bien voulu remarquer, par ce que i'ay veu de grands Seigneurs, and mesmes des personnages qui estoient en reputation, s'amuser à telles impietez, voire bailler à vn des plus grands Princes de la Chrestienté, qu'il n'est icy besoing de nommer, vne image d'or de Iuppiter forgee par la Theurgie, qu'il portoit sur luy pour le faire plus grand, and qui luy fut trouuee penduë au col apres sa mort, qui fut miserable. Aussi auoit il vn Sorcier Neapolitain, qu'il appelloit son Conseruateur à douze cens liures de gaiges. Or le commandement de Dieu, qui dict, Tailler ne te feras image, vse du mot Hebrieu, pessel [Hebrew omitted] qui signifie tout image moulee, taillee, grauee, burinee, and l'idolatrie en ceux qui portent telles images and characteres, est plus grande sans comparaison, que ceux qui s'enclinent deuant les images de ces Dieux que i'ay dict, ce qui toutesfois est defendu par la loy de Dieu, sur peine de la vie5. Mais la difference des Pythagoriens, Academiques, and Payens, qui vsoient de telles choses de la meilleure conscience qu'ils eussent, est notable: car ils n'estoient pas Sorciers, encores qu'ils fussent idolatres, -notes- 5Exod. 20. and 21. Page 166

pensans adorer Dieu, and dignement le seruir par tel moyen: Mais bien ceux-là sont Sorciers qui sçaue (02) t la defense, and sçauent que le Diable est autheur, and inuenteur de telles mesehancetez, and neantmoins en vsent. Poursuyuons done par le menu, and lo plus sobrement que fore se pourra, les moy ens qui sont illicites, pour s'en garder, and les bien considerer, quand on viendra à iuger de ceux qui en vsent. En quoy ie me trouue bien empesché. Car de monstrer, and toucher au doigt and à l' il la façon, les moyens, les parolles, desquelles il faut vser, ce seroit enseigner, ce qu'il faut enscuelir d'vne eternelle oubliance: Et de passer aussi en vn mot non entendu, l'impieté, qui se commet en tel cas, ce n'est profiter, ny aux ignorans, qu'il faut aduertir de segarder de la fosse, ny aux iuges, qui veulent estre instruicts du merite du forfaict, à fin de ne iuger à veuë de pays: Et mesmement en ce temps icy, que les villes, les villages, les champs, and les Elemens, sont infectez de telle poison, iusques aux enfans, combien qu'il me seroit impossible de remarquer la centiesme partie des impietez qui se commettent, and que ie ne veu sçauoir, and quand ie les sçaurois, ie les voudrois supprimer: mais bien ie mettray quel que chose par escrit de ce que l'en ay leu par escrit, ou és procez qui se sont presentez. Gombien que les malins esprits à chacune heure, inuentent des nouuelles sciences, nouuelles meschancetez: comme dict le poete: tibi nomina mille, mille nocendi artes, and o: Or Wier, qui se faict appeller Defenseur des Sorciers, ne se peut excuser d'vne impieté extreme d'auoir mis en son liure Page 167

les plus detestables formules, qu'on peut imaginer, si bien qu'en apparence il me dict du Diable and de ses inuentions, and neantmoins il les enseigne and touche au doigt, iusques à mettre les caracteres and mots, que son maistre Agrippa ne voulut publier tant qu'il vescut. C'est pourquoy i'ay le plus, qu'il m'a esté possible, couuert and caché, ce qu'il faut enseuelir d'oubliance, and me contente que les iuges cognoissent ce qui merite peine, and les ignorans ne tombent és filets que ce bon proctoreur à preparé pour les piper, and tirer à la cordelle de Sathan. Les moyens que nous auons desduicts par cy deuant, sont tirez du sort, and semble qu'il n'y a rien que le hazard: mais en celles qui s'ensuyuent, il y a des parolles, and certains mouuemens and images, qui monstrent euidemment la presence du maling Esprit, comme faire danser le tamis, qui a esté vsité des anciens à tout propos: comme on peut veoir en Lucian: dont le prouerbe fut pris, parler au crible, c'est à dire, [Greek omitted] and Theocrite appelle tel deuin, Crible forcier, en ce lieu, [Greek omitted], and plusieurs le font sans se cacher. Et me suis trouué il y a XX, ans en l vne des premieres maisons dé Paris; où vn ieune homme fist mouuoir deuant plusieurs gens d'honneur, vn tamis sans y toucher, and sans autre mystere, sinon en disant certains mots François que ie ne mettray point, and lesrerterant plusieurs fois. Mais pour monstrer que le malin esprit estoit auec cestuy là, c'est que vn autre en son absence le voulut faire, en disant les mesmes paroles, and ne fist rien, Quant à moy, ie soustiens que c'est Page 168

vne impieté: car premierement c'est blasphemer Dieu, que de iurer autre6 que luy, ce qu'il faisoit: En second lieu, c'est vn moyen Diabolique, attendu qu'il ne se peut faire par nature, and qu'il est defendu par la loy de Dieu. Et de dire que la vertu des paroles y faict quelque chose on void euidemment que c'est vne piperie Diabolique, de laquelle les malins esprits ont accoustumé d'vser, pour attraper les ignorãs, and les acheminer peu à peu à leur escole. Et mesmes Iean Pic Prince de la Mirande escrit7 que les mots barbares, and non entendus, ont plus de puissance en la Magie, que ceux qui sont entendus. Et pour le decouurir encores plus, il n'y a païsant de village qui ne sache, que par le moyen d'vn vers des psalmes, que ie ne mettray point, estant prononcé pendant qu'on faict le beurre, il est impossible de faire rien. Et me souuient, que estant à Chelles en Valois, vn petit laquais empeschoit la chambriere du logis de faire son beurre: elle menassa de le faire fouëter pour luy faire oster le charme, ce qu'il fist, ayant dict à rebours le mesme vers aussi tost le beurre se fist, combien que on y auoit employé presque vn iour entier. Si c'estoit qu'on y mist du succre tant soit peu, il est bien experimenté, que le beurre ne se peut coaguler: Et cela est vne Anthipathie naturelle: comme en cas pareil vn peu de cuiure getté en la fornaize de fer, empesche que la mine de fer puisse fondre, and se tourne entierement en cendre: s'est pourquoy les forgerons ayant allumé le feu, veillent à cela que personne n'approche de leur forge, craignant qu'on y gette du cuiure. Mais on peut demander s'il -notes- 6Deuer.19. Hier. 5. and 12. 7In Positicnibus. Page 169

est licite de prononcer vn passage de la Saincte Escriture, comme de dire vn verset des psalmes quand on se couche, pour s'eueiller à quelle heure on voudra. Et combien que le verset est pour exciter Dauid à prier, and chanter les louanges de Dieu, si est-ce que ie ne le mettray point, parce que c'est malfaict de donner quelque force aux paroles, quand il n'y auroit autre chose que d'y adiouster foy, c'est tousiours pour passer outre, and par tels commencemens se precipiter en choses superstitieuses and meschantes. Et à fin qu'on ne soit pipé par les Sorciers, leurs receptes sont pleines de belles oraisons, de Psalmes, du nom de Iesus-Christ à tout propos, de la Trinité, de croix à chacun mot, d'eau beneiste, des mots du Canon de la Messe, gloria in excelsis, omnis spiritus laudet Dominum, à porta inferi, credo videre bona Domini, and c. Qui est chose d'autant plus detestable, que les parolles Sainctes sont appliquez aux Sorcelleries. Et par ainsi ceux qui prennent la hache, and la mettent droicte à plomb, en disant quelques parolles Sainctes, ou Psalme, and puis nommant les noms de ceux desquels on se doubte, pour descouurir quelque chose, and à la prolation du nom de celuy qui est coulpable, que la hache se mouue, c'est vn art Diabolique que les ancie (02) s appelloient Axinomantie8. Et en cas pareil la Dacty liomantie auec l'anneau9 sur le verre d'eau, de laquelle vsoit vne fameuse Sorciere Italienne en Paris, l'an M. D. LXII. en marmotant ie ne sçay [quae] (16) lles parolles, and deuinoit par fois ce qu'on demãdoit par ce moyen, and neantmoins la pluspart y estoie (02) t trompez. Ioachim de Cambray recite, que Hierosme -notes- 8[Greek omitted] 9[Greek omitted] Page 170

Moron depuis qu'il fut Cancelier de Milan, auoit vn anneau parlant, ou plustost vn Diable, qui en fin paya son maistre, and le feist chasser de son estat. Toutesfois il y en a, qui appellent ceste sorte Hydromantie4, and disent que la Dactyliomantie, s'entend des anneaux où les Sorciers portent les esprits, qu'ils appellent familiers, que les Grecs appellent [Greek omitted]. Ceste maniere de Sorcelerie est des plus anciennes: car nous lisons que Excestus tyran des Phocenses auoit deux anneaux qui par collision de l'vn à l'autre, luy predisoyent l'aduenir, and qu'il seroit cruellement tué comme il futicar c'est ainsi que Sathan, paye ses bons sujets, and quant à l'Hydromantie, and Pegomantie 5, qui se practique és Fontaines, on tient que Numa Pompilius en vsoit. Mais Varron l'entend autrement quand il dict que vn ieune enfant apparceut vne image en l'eau (estant employé par les Sorciers) qui prononça cinquante vers de toute la guerre Mithridatique, auparauant qu'elle aduint. Aussi peut on doubter, quelle estoit l'Aëromantie9, si ce n'estoit partie de la science Augurale, qui deuinoit par la disposition de l'air. Quant à celle qu'on disoit Alphitomantie 7, ou Aleuromantie8, c'estoit aussi vne sorte de diuination par farine, de la quelle parle Iamblique9: mais il ne dict point comment. Il parle aussi de Lithomantie 0, par pierres, qu'il n'exphque point: mais ie l'ay touché cy dessus, interpretant le passage de la loy de Dieu, qui defend d'adorer la pierre d'imagination: où il semble que c'estoit vne pierre exactement polie en forme de miroüer, pour imaginer, and deuiner. -notes- 4[Greek omitted] ex aquis. 5[Greek omitted] ex fontibus. 9[Greek omitted] 7[Greek omitted] 8[Greek omitted] 9Lib 3. ca. 12. 0[Greek omitted] ex lapide. Page 171

Mais bien pourroit on aussi appeller la diuination, qu'on cherche par la pierre, en portant l'Amatheiste au doigt, qui s'appelle [Hebrew omitted] en Hebrieu, and Arabesque, pour la proprieté naturelle qu'elle a de faire songer, car l'article [Hebrew omitted], est Arabesque, le reste de la diction Hebraique signifie Songe. Autant peut on dire de la diuination du Laurier, qu'on appelle Daphnomantie2 qui est la plante dediee anciennement à Apollo, pour l'opinion qu'on a qu'elle faict songer, and qui a grande force en Magie comme disoit Procle Academicien. I'accorde bien qu'il faict songer, comme aussi faict toute plante odoriferante, and toutes fumees: mais ie tiens que c'est chose illicite, and diabolique d'en vser, pour sçauoir la verité des choses: car c'est auoir recours à la creature, and laisser le Createur en termes de diuination: ce qui est defendu estrorctement. Nous ferons mesme iugement de la Cephaleonomantie,3 qui est la diuination par la teste d'vn Asne. Ie n'ay point leu comment cela se faisoit: mais ie croy qu'elle estoit venue des Ægyptiens. Car nous lisons en Ioseph contre Appion le Grãmairien ambassadeur vers l'Empereur Caligula, qu'il calomnie les Iuifs d'auoir eu au temple de Dieu vne teste d'Asne. Quant à la Pyromantie,4 and Capnomantie, qui estoit la diuination, qu'on prenoit par feu, and par fumees de certaines semences, elle est plus diabolique que les precedentes: Car elle tire apres soy vne parfumigation and encensement, pour donner le suget, and corps au malin esprit, and de celle-cy plusieurs ignorans sont pippez par les Sorciers, qui disent que ce n'est que Magie blanche. Il -notes- 2[Greek omitted] à lauro. 3[Greek omitted] Ex. Asini capite. 4[Greek omitted] fumees. Page 172

s'en faut mieux garder que de la peste.G1 Quãt à la Rabdomantic, ie l'ay veu practiquer à Thoulouze par vn medecin qui marmottoit quelques paroles tout bas, pour faire baiser les deux parties de la verge: mais il ne pouuoit rien faire, disant que ceux qui estoie (02) t presens Il'auoient point de foy. Apres auoir fait celà ils en prenent deux petits lopins, qu'ils pende (02) tau col, pour guerir de la fieure quarte. Tour cela ne vaut rien, and tels charmes de paroles ne se peuuent faire sans l'assistance de Sathan. Quant à la Xylomãtie,6 il y a vn docteur Hebrieu, qui en fait me (02) tion au liure où il a extraict les six cens and treize cõmandemens de Dieu, and dict qu'elle se practiquoit en Sclauonie, auec de petits lopins de bois: ie ne sçay que c'estoit, and meseroit impossible de recueillir tout ce qui en est. Thomas d'Aquin2 en a recité plusieurs, and non pas toutesfois la centiesme partie:Mais il suffira de ce que i'en ay dict pour iuger des semblables, où il est question de paroles secrettes, ou caracteres qu'on applique auec les simples. Nous dirons en son lieu si la parole à quelque effect sans autre action. Mais de toutes ces ordures il n'y en a point de plus frequente par tout, ny de gueres plus pernicieuse, que l'empeschement qu'on donne à ceux qui se marient, qu'on appelle lier l'esguillette, les anciens Latins disoient væcordiam iniicere, iusques aux enfans qui en font mestier, auec telle impunité and licence, qu'on ne s'en cache point, and plusiours s'en vantent, qui n'est pas chose nouuelle: car nous lisons en Herodore,2 que le Roy d'Ægypte Amasis, fur lié and empesché de cognoistre Laodice sa femme, iusques à ce qu'il fut delié -notes- G15.[Greek omitted] ex virgis. 6[Greek omitted] à ligno. 2Thomas. 2. 2.iüst.95. and 26.q.4.igitur and q. 5.nec miru and 26. q.2. and Gasp. Peuser. 2Lib.2. Page 173

par charmes and precations solennelles. Et en cas semblable les concubines de Theodoric vserent de mesmes ligatures enuers Hermanberge, comme nous lisons en Paul Æmil, en la vie de Clotaire 2. Les Philosophes Epicuriens se mocquent de ces merueilles, si sont-ils estonnez de ces nouëurs d'esguillettes, qui se trouuent par tout, and n'y peuuent iamais donner aucu (05) remede naturel. C'est pourquoy au Canon,2 il est dit ainsi: Si per sortiarias, et maleficas artes, occulto, sed nunquam iniusto Dei iudicio permittente, and diabolo præparante, concubitus non sequitur, ad Deum per humilem confessionem est recurrendum. De ce passage on peut retirer quatre ou cinq choses notables: Premierement, que la copulation se peut empescher par art malefique, en quoy s'accordent les Theologiens, and mesmes Thomas d'Aquin, sur le quatriesme liure des Sentences, distinctione XXIIII. où il est escrit, qu'on peut estre lie pour le regard d'vne femme, and non pour les autres, and au dernier chapitre de Frigidis: En second lieu que cela se faict par vn secret, and toutesfois iuste iugement de Dieu, qui le permet: En troisiesme lieu, que le diable prepare tout celà: En quatriesme lieu, qu'il faut auoir recours à Dieu, par ieusnes and oraisons. Or ce quatriesme poinct est bien notable, d'autant que c'est vne impieté, de s'efforcer d'estre deslié par moyens diaboliques, comme plusieurs font: Car c'est auoir recours au diable, and aux superstitions diaboliques. Encores est-il plus estrange que les petits enfans, qui n'ont aucune cognoissance des sorceleries en vsent en disant quelques paroles, and nouant vne esguillette. -notes- 233.q.8.l Page 174

Et me souuient auoir ouy dire à Riolé Lieutenant general de Blois, qu'vne femme à l'Eglise apperceut vn petit garçon nouant l'esguillette sous son chappeau lors qu'on espousoit deux personnes, and fut surpris auec l'esguillette, and s'enfuit. Il y en eut vn autre condamné à mort pour telles liaisons par luy confessees de trois mariages, pendant qu'on disoit la messe, a certains mots que ie ne mettray point: il confessa aussi auoir csté aux assemblecs, and sacrifices des Sorciers, ayant adoré le diable, en forme de bouc, le tout par sa confession sans tourture, il s'appelloit Abel de la Rue, executé l'an 1582. par arrest de la Cour. Estant aussi à Poictiers aux grands iours substitut du procureur du Roy, l'an 1567. on m'apporte quelque proces de Sorciers, and comme ie recitois le faict du procés à mõ hostesse, qui est Damoiselle en bõne reputation, elle discourut comme fort sçauante en telle science, en la presence de Iacques de Beauuais, lors Greffier des presentations du parlement de Paris, and de moy estans logez ensemble, qu'il y auoit plus de cinquante sortes de nouër l'esguillette: l'vne pour empescher l'homme marié sculement: l'autre pour empescher la femme mariee seulement, à fin que l'vn ennuyé de l'impuisfence de sa partie cõmette adultere auec d'autres. D'auantage elle disoit qu'il n'y auoit gueres que l'homme qu'on liast: Puis elle disoit qu'on pouuoit lier pour vn iour, pour vn an, pour iamais, ou du mois d'autãt que l'esguillette dureroit, s'ils n'estoient desliez, and qu'il y auoit vne telle liaison, que l'vn aimoit l'autre and neantmoins estoit hay à mort: l'autre moyen qu'ils s'aymoient Page 175

ardemment, and quand c'estoit à s'approcher, ils s'egratignoient, and battoient outrageusemét, comme de faict estant à Thoulouze on me dist qu'il y auoit eu vn hõme and vne femme, qui estoient ainsi liez, and neantmoins trois ans apres ils se r'allierent, and eurent de beaux enfans. Et ce que ie trouue plus estrange est que la Damoiselle disoit, que tandis que l'esguillette demeuroit noüee, on pouuoit veoir sur icelle, qu'il y venoit des enfleures, cõme veruques, qui estoit, comme elle disoit, les marques des enfans qui fussent procreez si les personnes n'eussent csté nouces: and qu'on pouuoit aussi nouer, pour empescher la procreation, and non pas la copulation. Elle disoit encores qu'il y-a des personnes, qu'il est impossible de nouer: and qu'il y en a qu'on peut nouer deuant le mariage: and aussi apres qu'il est consommé, mais plus difficileme (02) t. Et passant outre, elle disoit qu'on peut empescher les personnes d'vriner, qu'ils appellent cheuiller: dont il aduient que plusieurs en meurent: comme i'ay sçeu que vn pauure garson en cuyda mourir, and celuy qui l'auoit cheuillé osta l'empeschement pour le faire vriner en public, and se mocquer de luy: depuis le maistre Sorcier quelque temps apres mourut furieux and enragé. La Damoiselle nous recitoit aussi les diuerses paroles propres à chacune liaison, qui ne sont ny Grecques, ny Hebraïques, ny Latines, ny Françoises, ny Espagnoles, ny Italiennes, ic croy qu'elles ne tiennent rien non plus des autres langues, and de quel cuir, de quelle couleur il falloit que fust l'esguillette, and de combiende n uds, and à quel endroict de la Messe, and à quelles Page 176

parolles. Iamais tous les Docteurs qui ont escrit sur le tiltre de frigidis and maleficiatis, n'ontrien entendu au prix de celle-là. Et d'autant que cela estoit cõmun en Poictou, le Iuge criminel de Niort, sur la simple delation d'vne nouuelle espousee, qui accusoit sa voisine d'auoir lié son mary, la feist mettre en prison obscure l'an 1560. la menassant, qu'elle ne sortiroit iamais, si elle nele deslioit: deux iours apres la prisonniere mãda aux mariez qu'ils couchassent ensemble. Aussi tost le Iuge cstant aduerty qu'ils estoient desliez, lascha la prisonniere. Et pour monstrer que les paroles ny les esguillettes n'y sont rien, ains que tout cela est conduict and mené par l'artifice and malice du Diable, qui s'ayde des hommes, aydant aussi leur meschante volonté: il appert en ce que les paroles Latines de Virgile, que ie laisseray, and le carme qu'il met, pour empescher la conionction est intelligible, and emporte quatre mots en forme de Carme, and ceux desquels on vse sont du tout barbares. Et Virgile veut qu'on face neuf n uds, nos lieurs n'en font qu'vn, les autres en fõt trois pour le plus. Et faict bien à noter, que le Diable, ny ses ministres Sorciers, n'ont point de puissãce de lier les autres sens, ny empescher les hommes de boire and manger: comme en cas pareil ils n'ont pas la puissance d'oster vn seul membre à l'hommehorsmis les parties viriles: ce qu'elles font en Allemaigne, faisant cacher and retirer au ventre les parties hõteuses. Et à ce propos Sprãger recite, qu'vn homme à Spire, se pensant priué de ses parties viriles, se feist visiter par les Medecins and Chirurgiens, qui n'y trouuerent rien, ny blessure quelconque: Page 177

and depuis ayant appaisé la Sorciere qui l'auoit offensé, il fut restitué. Il en recite vn autre d'vn de Rauenspurg, qui print la Sorciere pour l'estrangler, qui le restitua par force. Or tous les Hebrieux demeurent d'accord, que le Diable, par la permission de Dieu, a grand pouuoir sur les parties genitales, and sur la concupiscence, and disent en allegorie, que Sathan est porté par le Serpent. Philon and tous les Hebrieux, disent que le Serpent en sens allegoric, signifie Volupté, qui se traine sur le ventre. Aussi voyons-nous en Tobie,3 qu'vn malin esprit tua sept maris, qui auoient espouzé la fille de Raguel, la premiere nuict de leurs nopces. Et ne se faut esmerueiller, si le Diable se sert fort de telles laisons, car premierement il empesche la procreation du genre humain, qu'il s'efforce tant qu'il peut d'exterminer: En second lieu il oste le sacré lien d'amitié d'entre le mary and la femme: En troisiesme lieu, ceux qui sont liez vont paillarder ou adulterer. C'est donc vne impieté detestable, and qui merite la mort, comme nous desduirons en son lieu: Et neantmoins la plus part de ceux qui vsent de telles liaisons, n'ont point de conuention expresse auec le Diable, and ne l'inuoque (02) t point, mais il est bien certain, qu'il est roufiours auec telles gens. Disons donc maintenant de ceux qui inuoquent le Diable: car les Sorciers ne sont pas tous d'vne qualité. -notes- 3cap.5. Book 2 - Chapter 2 Page 178

Des inuocations tacites des malins Esprits. CHAP. II. La difference est bien notable des Sorciers, ce qui est besoing d'estre bien entendu pour la diuersité des peines. Car ceux desquels nous auons parlé iusques icy, ne font point d'inuocation de malins esprits, and entre ceuxcy la difference est aussi bien grande, car les vns vsent de quelques paroles and mysteres, sans expresse inuocation, and neantmoins tendans à fin que l'esprit dise, ou monstre la verité de ce qu'on cherche: les autres vsent d'inuocation expresse. Les plus anciens Assyriens and Caldeans, vsoient fort de Lecanomanite7, r'emplissant vn bassin d'eau, and y mettant lames d'or and d'argent, and pierres precieuses, portans certains caracteres, and apres les paroles prononcees, on ente (02) doit vne voix subtile, comme vn siffle sortant de l'eau qui rendoit response, sans inuocation expresse. Et la Gastromantie8 se faisoit par vaisseaux de verre ronds, pleins d'eau, and apres auoir allumé des cierges, and marmoté certains mots, on n'oyoit pas la voix, mais on voyoit les respo (04) ses par marques, and signes. Et en cas pareil la Catoptromantie 9par mirouers, la Crystallomantie2 par glaces, ou verres cry stallins, comme dit Ioachim de Cambray, qu'il a veu vn bourgeois de Nuremberg, qui acheta vn anneau de cristallin, par le moyen duquel, vn ieune enfant voyoit ce qu'on demandoit: mais depuis l'acheteur se trouua trauaillé du Diable, and rompit l'anneau. Par la Catoptomãtie Didius Iulianus trouua de quelle -notes- 7[Greek omitted] à pelio 8[Greek omitted] 9[Greek omitted] 2[Greek omitted] Page 179

mort il finiroit, and qui seroit son successeur, comme escrit Spartian. Or il fut si hay du peuple qu'il souffrit toutes les contumelies indignes d'vn faquin, and en fin fut tué. Celle qu'on dict Onymantie3 se faict en frottant l'ongle ou le cristal de certaines confections, and en disant quelques paroles que ie ne sçay point, puis on faisoit voir à vn ieun enfant, qui n'estoit corrompu, ce qu'on demandoit. Fernel au liure'premier, chap. 2. de Abditis, dit auoir veu vn Sorcier qui faisoit voir tout ce qu'on vouloit, en vn mirouer. I'ay veu vn Medecin à Paris qui ne s'en cachoit point: and vsoit d'inuocatiõs des mots barbares, and de dæmons: Car le Diable fait à croire qu'il aime la virginité, à fin qu'il puisse par ce moyen attirer les hommes à soy dés leur te (02) dre ieunesse, en partie aussi pour empescher la procreation du genre humain: and neantmoins il incite les personnes qu'il a gaignees à paillardises contre nature, and Sodomies detestables. Quãt à la Catoptromãtie, de laquelle faict mention Pausanias in Achaicis, elle estoit autre que celle de laquelle vsent les Sorcieres. Car si quelcun vouloit sçauoir s'il rechapperoit de sa maladi e, il mettoit vn mirouer en la fontaine de Patras, deuant le temple de Ceres, and s'il voyoit la figure d'vn mort, on iugeoit, qu'il mourroit, and s'il voyoit vn homme plein de vie, il en rechappoit. Mais il faict bien à noter, comme le Diable pipe le genre humain en telles sorceleries: car d'autant qu'il y-a des gens de bien, and conscientieux, qui ne voudroient pour mourir inuoquer le Diable, il leur fait croire, que c'est la vertudes paroles, ou des characteres, ou des animaux, -notes- 3[Greek omitted] Page 180

and par ce moyen il seduit souuent ceux qui pensent estre les plus aduisez: Et mesmes Virgile, qui estoit en repuration de grand Sorcier, dict: Carmina vel cælo possunt deducere Lunam: Carminibus Circe socios mutauit Vlyßis. Et en autre lieu: Frigidus in pratis cantando rumpitur anguis, and c. Atque satas alio vidi traducere messes. Et: Hæc se carminibus promïttit soluere mentes, Sistere aquam fluuiis, and flumina vertere retrò. Nocturnósque ciet manes, mugire videbis Sub pedibus terram, and descendere montibus ornos. Et Ouide passe outre, quand il parle de la Sorciere, qui disoit, Cùm volui, ripis ipsis mirantibus amnes In fontes redire suos, concussáque sisto, Stantia concutio cantu freta, nubila pello, Nubiláque induco, ventos abigóque, vocôque, Vipereas rumpo verbis, and carmine fauces: Et syluas moueo, iubeóque tremiscere montes, Et mugire solum, manésque exire sepulchris Te quoque Luna traho, and c. Qui seroient choses bien estranges, si elles estoient toutes veritables: mais c'est beaucoup de charmer, and fasciner, tellement les hommes, qu'ils pensent à veuë d' il, que tout cela soit veritable. Et partie est veritable aussi: Et de faict Amurath III. de ce nom, Roy des Turcs, à la circoncision de son fils l'an 578. entre les ieux diuers, fist voir à tout le peuple qui estoit innumerable, vn homme qui esleuoit vne piece de bois que douze hommes ne pouuoient soubleuer de Page 181

terre, puis la receuoit sur ses espaules, sans la toucher des mains: puis estant couché par terre, and enchaisné par les espaules, and par les cuisses, soustenoit sur l'estomach vne grosse pierre que dix hommes à peine y auoient roulé, se riant de ce fårdeau, and quatre hommes fendoient de longues pieces de bois sur son ventre. Il brisa auec les dents and les mains vn fer de cheual, en sorte que la moitié luy demoura entre les dents: du resteil en fist deux pieces des mains. Au troisiesme coup donné sur vn contre de charruë, il le rompit. Il lechoit de sa langue le mesme contre rougy au feu: and auec ses dents sella and harnacha vn cheual, and le brida sans y mettre la main. Vn autre montoit en courant soudainement sur la corde tenduë de bas en tres-hault lieu, and descendoit à reculon. Puis il sautoit estant sur la corde, tantost d'vn pied, puis des deux: and tantost faisoit le mesme monté sur des échasses: puis embrassant des pieds la corde, demeuroit pendu la teste en bas: puis tournoit au tour, and remontoit dessus. Puis s'attachoit à chaque pied six cimeterres desgaignez, continuant de sauter ainsi sur la corde. Il se trouua aussi deux hommes l'vn se meit en pieds sur la selle de son cheual, and receut sur ses bras son cõpagnõ tout debout sur ses pieds: and en cest estat ils dõnere (02) t carriere au cheual qui couroit cõme le ve (02) t, and tous deux se tenoie (02) t fermes, and mesme le pl9 haut tiroit des flesches au blãc [quae] (16) luy tenoit son cõpagnon: and ces 2. mesmes aiãs attaché 2. cheuaux par les brides, l'vn mõta and mit les pieds sur l'vne des selles, and l'autre pied sur l'autre selle où il se senoit cõme colle portãt sur ses bras son cõpagnõtout Page 182

debout, tenãt vne paile de bois contre la[quae] (16) lle celuy qui estoit haut mõté decochoit sãs faillir tãdis [quae] (16) les 2, cheuaux couroie (02) t. Toutes ces actiõs estoie (02) t veritables qui se faisoie (02) t par le Diable, qui a vne vistesse and force incroiable: mais il y-a aussi par fois des fascinatiõs des[quae] (16) lles le Diable est aussi autheur: Et ne se peuue (02) t faire humaineme (02) t ny par la vertu des paroles, quoy [quae] (16) les plus sçauans en telles sciences ayent escrit: mais le Diable est seul autheur, and ministre de telles fascinatiõs. Et n'y a point de plus fort argument que celuy que i'ay dict, que le Diable en toutes langues trõpe les hommes par le moye (02) des paroles Grecques, Latines, barbares and incognuës aux hommes, and neantmoins diuersifiant les mots en diuerses nations pour mesme chose. Cela se peut voir en Virgile, and Theocrite Poëtes, l'vn Grec, l'autre Latin, and Marcellus, and Nicolaus Medecins, and en Pline mesme, qui rapporte plusieurs mots pour telles impostures, qui n'ont rien de semblable aux mots des Sorciers de nostre temps: Et mesmes il y-a des croix à tout propos and des hosties, comme il a esté aueré au procés de l'Aueugle, qui fut pendu à Paris auec deux autres conuaincus, and qui depuis confessere (02) t l'an 1571, qu'ils vsoient des hosties, and des croix, and de plusieurs oraisons, qui est le cõble d'impieté, que le Diable faict feruir ce que les Sorciers estiment le plus sainct aux choses les plus detestables. Car il me semble que celuy n'est gueres moins coulpable qui se mocque, and blaspheme Iupiter, qu'il pense estre Dieu (comme faisoit I'Empereur Caligula) que s'il se mocquoit de Dieu, lequel regarde tousiours la conscience, and la volonté des hommes: tout ainsi que le premier, qui fut appellé Page 183

Sceuola, pensant tuer Porsenna Roy des Hetrusques, tua son lieutenant, n'estoit pas moins coulpable, que s'il eust tué le Roy. C'est doncle but and l'intention du diable d'arracher du cueur des hommes non seuleme (02) t la vraye religion, ains aussi toute conscience and crainte de mal faire, and faire entendre aux simples que ce n'est pas luy, mais la force des paroles. Icy peut estre, on dira, que la Cabale, qui est la Philosophie des Hebrieux donne force aux paroles, and caracteres, comme on peut veoir en Reuclin, Galatin, and aux positiõs Cabalistes de Picus: Ie dy que la Cabale a deux parties: l'vne qu'ils appellent de Bereschit, qui est à dire, in principio. C'est le premier mot de la Bible, and celle-cy est la vraye Physique and Philosophie naturelle, declarans ce grãd opisice du mõde, and les chofes secrettes couuertes sous allegories, and reprenant les opinions des autres Philosophes contraires à la loy de Dieu. La seconde partie est celle qu'on dict de la Mercaua, c'est à dire du chariot, pour la vision d'Ezechiel, ou la maiesté de Dieu accompagné de ses Anges est figuree, qui est haute and difficile: Et neãtmoins rauissant l'intellect en admiration, and contemplation du monde intelligible, que les Hebrieux appellent les eaux surcelestes, and la Physique les eaux inferieures. On void és Prophetes and en la loy de Dieu qu'il y a de grãds and beaux secrets des uures de Dieu cachees sous les allegories de la Bible, comme on peut veoir en Phylõ, Leon Hebrieu, Origene, and en Salomon, qui y pre (02) dra garde de pres. Et que les saincts persõnages, and Prophetes ont laissé de bouche en bouche: mais ils n'ont pas si curieuseme (02) t espluché ny subti lizé surles clauses, sur les mots, sur les syllabes, sur les Page 184

lettres voire iusques aux poincts and figures de chacune lettre, comme depuis ont faict les derniers luifs, qui font merueilles de subtilizer sur le grãd nom de Dieu, duquel ils composent 72. noms de Dieu, and autant d'Anges: and puis ils subtilizent aussi sur les nombres, qu'ils appellent Sephiroth, and pensent qu'on peut faire merueilles auec ces noms, and nõbres: Mais cela m'est fort suspect quand ie voy que les Sorciers, comme Agrippa and ses complices, souillent ce grãd and sacré nom de Dieu, en le meslant en leur caracteres: ausquels Dauid2 s'addresse quand il dict, Aussi dira l'Eternel au meschant, Pourquoy vas tu mes edicts tant preschant, Et prens mon nom en ta bouche maligne, Veu que tu as en haine discipline? Reuclin and Agrippa ont fausement escrit, que Iudas Machabee obtient victoire contre Lysias and Antioche leNoble pour auoir fait peindre en sa cornete ces quatres lettres [Hebrew omitted] qui signifient [Hebrew omitted] qui est semblable à toy entre les forts ô Eternel? C'estoit bien le mot du guet, qu'il donna a son armee, mais nõ pas que pour les caracteres il emportast la victoire. Et par ainsi les noms de Dieu en la bouche, és tables, és caracteres ou de ceux qui le te (02) tent n'est pas sanctifié, ains pollué, and blasphemé. Or il est dict en la loy de Dieu,4 que celuy qui prononcera son nõ par mespris doit estre lapidé. Ie ne doute point que les malins esprits n'ayent en horreur ce sacré nom, and qu'ils ne suyent soudainquãd ils oyent prononcer [Hebrew omitted]. Mais il est certain que le nom [Hebrew omitted] qui signifie l'Eternel prononcé en toutes langues à -notes- 2Psal.49. 4Leuit. 24. Page 185

[um] (18) esme effect. Et le seul nom de Dieu, qui est vulgaire and commun, prononcé à bonne intention, soudain chasse les Diables, comme il est aduenu toutesfois and quantes qu'vn Sorcier en l'assemblee des autres a appellé Dieu à son ayde: and qui plus est, la seule craincte, and frayeur qu'on a de Dieu chasse les diables, comme nous dirons cy apres. Et mesmes Paul Grilland5 qui viuoit l'an mil cinq cens tréte sept, escrit qu'il y eut vn pauure homme Sabin demeurant pres de Rome, qui fut persuadé par sa femme de se gresser, comme elle, de quelques vnguens pour estre transporté auec les autres Sorciers (pensant que ce fust la vertu de la gresse, and quelques paroles qu'on dict, and non pas le Diable) se voyant transporté au conté de Beneuent, qui est le plus beau domaine du Pape, and sous vn grand noyer, où il y auoit infinis Sorciers qui beuuoient and mangeoient, comme il sembloit, il fist comme les autres, and comme il eust demandé plusieurs fois du sel, que les diables ont en horreur, en fin on luy apporta du sel, comme il luy sembloit, alors il dist en son Italié Laudato sia Dio, pure venusto questo sale, Loué soit Dieu, puis que ce sel est venu. Si tost que le nom de Dieu fut proferé toute la cõpagnie des diables and des Sorciers, and toutes leurs viandes s'esuanouirent en rie (02) , and demeu ra le pauure homme tout nud, qui s'e (02) retourna au pays à cent lieuës de là, mandiãt son pain: and de retour qu'il fut il accusa sa fe (02) me, qui fut bruslee toute vifue, apres auoir confessé la verité: and accusé plusieurs autres, lesquelles fure (02) t aussi cõuaincues and bruslees: Qui est bien pour monster, que l'effect des merueilles ne gist pas -notes- 5Lib.1.de Sor tilegiis. Page 186

aux figures, aux caracteres, aux syllabes, aux paroles, mais en la crainte de Dieu: Et que le diable pour couurir ses impostures, faict seruir les paroles and caracteres, and hosties consacrees à ses actions. Nous auons dict que les diables ont le sel en horreur, and la raison en est tresbonne, d'autant que le sel est la marque d'Eternité, and purité, par ce qu'il ne pourrist, and ne se corrõpt iamais, and garde les choses de corruption and putrefaction, and le diable ne cherche rien que la corruption and dissolution des creatures, comme Dieu la generation. C'est pourquoy il est commandé en la loy de Dieu de mettre du sel sur la table du Sanctuaire, and generalement3 en tous sacrifices: and me semble que Platon, qui auoit appris des Hebrieux ce commandement, dict que le sel est ay mé des Dieux: Et au cõtraire par la loy de Dieu, il est defendu de mettre vin ny miel aux sacrifices, cõme les payens: qui signifie aussi qu'il faut prier Dieu sans flatterie auec discretion, prude (02) ce, and sobrieté. En quoy se sont abusez ceux qui ont pensé que la femme9 de Loth fust cõuertie en statue de sel, car c'est la façon de parler des Hebrieux, qui sçauoie (02) t les beaux secret de nature, de dire vne statue de sel, pour statue perpetuelle, and en la loy de Dieu5 il est dict, Ie feray auec vous vne alliance de sel, c'est à dire, perpetuelle. Si la proprieté des caracteres, ou figures des nõs de Dieu auoit mesme effect, les Sorciers n'en vseroient pas en leurs inuocations car leurs liures en sont pleins. Et par ainsi nous conclurons que la Cabale, c'est à dire,2 Sapience receuë de Dieu, par le moyen de ses Anges and prophetes de bouche en bouche, ne gist pas -notes- 3Leuitici.2. 9Cen. 19. 5Numer. 18. 2In libris qui inscribuntur, capita patrum, aut [Hebrew omitted] sæte legitur Moses accepti 11. quæ tame (02) scrs pta in libr's Mosis nusqua reperiuntur. Page 187

en caracteres ou figures, qui a esté cause que plusieurs l'ont blasmé, comme on faict toutes choses bonnes pour l'abus: Mais bien en la secrette intellige (02) ce des merueilles de Dieu, couuerte d'allegories par toute la saincte Escriture. Car il n'y a quasi propos ny commandement, qui ne porte double sens, and quelquesfois trois. Soit pour exemple le commandement3 qui est faict aux prestres d'enfermer le Ladre quand il commence, and qu'on apperçoit la moindre playe, and de sept iours en sept iours le visiter iusques à ce qu'il soit guery, ou bien qu'il soit tout couuert de ladrerie depuis la teste iusques aux pieds, alors il est commandé de le lascher, car (dit l'Escriture) s'il est net: mais s'il a quelque partie de la chair viue, il faut le garder de frequenter les autres. Philon Hebrieu s'estonne de ce mãdement politic, and sur celà il interprete le sens moral, and dict ce me se (02) ble, que celuy qui n'a aucune cognoissance de Dieu, and n'a point de sentiment d'iceluy, ne peut gaster les autres: mais celuy qui a quelque sentiment de la loy de Dieu, and de sa verité, and neantmoins d'ailleurs, est depraué de mauuaises opinions, il est fort dangereux, car sous le voile de religion il entremesle la poizon d'impieté, comme font les Sorciers auec les noms de Dieu. Outre le sens politic, qui est escrit en la loy de Dieu, and le sens moral, que dict phylõ, il y a vn beau secret de nature que pas vn n'a escrit, c'est, que toute chose qui se corrompt infecte l'air, and ceux qui en approchent, iusques à ce que la corruptiõ soit parfaicte, ce que Theophraste3 au liure des Odeurs dict en trois mots, [Greek omitted], quidquid -notes- 3Leuit.13. and 14. 3In libro [Greek omitted] Page 188

corrumpitur s dum exhalat odorem: comme l' uf, qui est fort plaisant and bon, tesmoing Horace, qui l'appelle antiqu. is regum delicias, s'il commence à estre couué and corrompu, il est puãt à merueilles, and infecte l'air iusques à ce que la corruption soit parfaicte, and que le poulet en sorte, and qui plus est le baselic and lauãde, que les anciens appelloie (02) t Nardus Coltica, pour ce que naturellement elle croist en plusieurs lieux de la France, and principalement au bas pays de Languedoc, estant couuerte, and pressee, commence à se corrompre, and put bien fort: Mais qu'on la laisse entierement parfaire sa corruption, il en sort vn huille precieux, and de bõ odeur: ainsi la semence corrompue demeurant en sa corruption, cause des chanches, des bosses and verolles estranges, and par mesme moyen le sang des ladres est bien fort infect, quãd il se corrompt, iusques à ce que la masse du sang soit entierement tournee, and pendant qu'clle tourne, il y a bien grand danger d'approcher des Ladres: mais estant tourné du tout, le danger cesse. Voyla le sens naturel de la loy. Quel quesfois il n'y a que le sens historial, comme il est dict que Moyse nõbra le peuple, and autres choses semblables. Quelquesfois il n'y a que le sens secret: comme quand il est dict en l'Ecclesiaste chap.10. Garde toy de mal penser ni de mespriser le Roy en toy-mesme, ny de blasphemer en ton lict le Sage: car l'oiseau du ciel raporte la voix, and l'oiseau qui a des aisles raporte la chose. Il n'y a point d'oiseau qui sache les pensees, ou qui les raporte. L'interprete Caldean, dict, que l'Ange Raziel se faict entendre par tout lemonde, and le sacrificateur Elia a descouuert Page 189

à tous les habitans de la terre, les choses qui se font a couuert. Voy la tout ce qu'il dict: mais la vraye intelligence est que le Roy signifie Dieu en tous les escrits de Salomon: l'oiseau signifie le diable, comme quand il est dit en Iob 28. que la sapience n'est pas és oiseaux du ciel, cest a dire és diables, cõme aussi quãd il est dit que les corbeaux du torrent creuerõt les yeux a celuy qui maudira son pere and sa mere: c'est que les dia bles esteindront la lumiere de celuy qui se mocque de Dieu, and de nature le lict signifie le corps où l'esprit repose: mais l'oiseau qui a des aisles, signifie l'Ange lequel descouure nostre pensee secrette comme le diable raporte les paroles. En cas pareil la loy de Dieu commande 0 de coupper le prepuce des cueurs: il n'y a poinct de prepuce au cueur, and seroit impossible de le coupper s'il y en auoit: Mais c'est à dire qu'il faut retrancher les mauuaises pensees, les appetits de vengeance, l'auarice and autres vices: qui est bien pour monstrer aux ignorans, qui ont blasmé la Cabale, que Dieu nous faict toucher au doigt, and monstre à veue d' il, qu'il ne faut pas s'arrester seulement au sens literal, puis qu'il est vray ce que dict l'Escriture, Litera occidit, Spiritus autem viuificat. Combien qu'il y a vn tresbeau passage5 en la loy de Dieu, qui le monstre assez sans cela, où il est dict, que Moyse estant descendu de la montagne, où il auoit demeuré quarante iours, and autant de nuicts, mist vn voile sur sa face, pour parler au peuple: and quand il retournoit parler à Dieu, il ostoit son voile, parce que le peuple ne pouuoit longuement -notes- 0Circucidite præputia cordiam vestrorum. 5Exod.ca.34. Page 190

voir sa face tant elle estoit luysante: c'est à dire outre le sens literal qu'il ne pouuoit comprendre les secrets and allegories portees en plusieurs lieux de la loy de Dieu: Toutes fois il est dict, qu'ils l'apperceurent l'ayant veu descouuert, que sa face estoit fort resplendissante. Et si on demande pourquoy la loy de Dieu s'est contentee de faire clairement entendre ce qu'il faut suyure ou fuir, sans vouloir descouurir les plus hauts secrets, il y a plusieurs raisons, premierement pour arrester les hommes à mediter la loy de Dieu, and par ce moyen l'engrauer en son cueur, and peu à peu decouurir les merueilles de Dieu auec admiration. Car on voit ordinairement que la facilité fait mespriser la chose: en second lieu pour ne degouster les simples gens par les hauts secrets incomprehensibles au menu peuple: and pour faire cognoistre que les commandemens entendus d'vn chacun suffisent pour obtenir la vie eternelle. Et ceux qui par vne opiniastreté mal fondee blasment telles expositions desquelles les escrits de S.Hierosme, sainct Augustin, sainct Basile, and principalement d'Origene, and generalement de tous les Docteurs Hebrieux sont pleins, font iniure à Dieu and à tous ses Prophetes, qui n'ont iamais parlé autrement: Et qui plus est, les hauts escrits de Salomon ne sont autre chose, que paraboles and allegories, qu'il a ainsi appellees expressement, pour faire cognoistre à vn chacun, qu'il nc faut pas s'arrester au sens literal, que les Hebrieux appellent sensum passuc, c'est à dire, le sens du verset, dont les mauuais Latineurs ont pris le mot, in hoc passu. and ont faict d'vn vers, vn paslage. Or, Page 191

il est escrit, que Salomon a eu le comble de sagesse, and que Dieu luy en a plus donné, qu'il ne fist iamais à hõme, and neantmoins pour faire esleuer l'esprit des hommes entendus plus hault que la lettre, il dict que la sagesse de Dieu est le fruict que porte l'arbre de Vie. Ce n'est donc pas vn arbre qu'il faut entendre, cõme ceux qui enseigneut la lettre. Or il est aduenu que ces bons Interpretes du sens literal ont fait vn million d'Atheistes, lesquels prenant au pied de la lettre le Serpent qui parle en Genese, vont disant que les bestes parloient le temps iadis, comme vn Mareschal de France disputant auec vn prelat de reputation, apres l'auoir ouy prescher, que Adam pour auoir mangé la pomme, auoit attiré tout le genre humain en eternelle damnation, horsmis vne petite poignee de Chrestiens, voyãt que le prescheur ne le contentoit pas du sens literal, dist qu'on faisoit bien des querelles pour si peu de cas. Or ce blaspheme demeura pour gaige és oreilles des courtisans, qui en ont fait vn Prouerbe, ce qu'on n'eust pas faict, si luy qui entreprenoit d'enseigner les autres eust entédu, and sagement interpreté ce passage: and pour mesme faute Porphyre aux liures qu'il a composé cõtre les Chrestiens, pour auoir pris le sens au pied de la lettre, touchant l'arbre de Science du bien and du mal, and l'arbre portant le fruict de Vie, a retiré vn nombre infiny d'hommes de la vraye religion, pour les absurditez qu'il tiroit de l'histoire literale, and qui cessent, prenant l'interpretation diuine, que Dieu a enseignee à Moyse, and aux Propheres de bouche en bouche, and qu'on void en Philon, Leon, Moyse fils de Maymon, Page 192

Leui fils de Iarhij, Origene, and autres Theologie (02) s Hebrieux, and Chrestiens. C'est ce que dict la Loy, que non seulement les bestes sont immondes, qui ne rumine (02) t, and qui ne diuisent point l'ongle, ainsaussi celles qui ne diuise (02) t point l'ongle encores qu'elles rumine (02) t, ce que Origene interprete de ceux qui s'adõnent bie (02) à mediter and cõtempler la loy de Dieu, mais ils ne font point distinction du sens literal au sens mystic, de l'esprit à la chair. Sainct Hierosme6 appelle Origene le Maistre des Eglises Chrestiennes apres les Apostres, and le premier de tous les Docteurs. Et par ainsi quand nous lisons en la loy de Dieu, que Pharaon faisoit tuer les masles, and gardoit les filles, les Sages Docteurs outre le sens literal, qui demeure veritable, ont aussi entendu que le Diable figuré par Pharaon, s'efforce de tuer l'intellect, qui est la partie masculine en l'homme pour faire viure la concupiscence. En cas pareil quand il est dict que Abraham chassa la Chambriere and son fils, obeissant à Sara la maistresse, les Theologiens Cabalistes ont sagement interpreté qu'il faut obeir à la raison qui est maistresse, and chasser la cupidité and le peché engendré par icelle. Quand il est defendu de coupper les arbres fruictiers en faisant la guerre, faut aussi entendre qu'il est defendu de tuer les gens de vertu les bons artisans. Quand il est dict qu'on doibt couurir son ordure soubs terre, pour n'infecter l'air, il faut aussi entendre, que le mal est plus excusable estant couuert and caché, and qu'il se faut bien garder d'euenter sa villanie, pour ne donner à personne mauuais exemple. Quand il est defendu de presenter à -notes- 6in catalog. scroptorum. Page 193

Dieu vn mouton, vne brebis, qui ne soit toute blanche sans tache, il faut aussi entendre, qu'il faut auoir l'ame qu'on veut offrir à Dieu, pure and nette: and ne veut pas qu'elle soit boiteuse, qui signifie qu'il faut marcher droict en la loy de Dieu. Philon Hebrieu est admirable en ses interpretations pour le moral, and Leon, and Maymon pour la nature, and le liure du Zoar, qui n'est encores tourné du Caldean pour tous les deux. Mais tout ainsi que nous auons dict des predictions naturelles, de l'Astrologie, and autres sciences semblables, aussi faut-il bien en la Cabale se garder de l'abus qui se commet, and duquel i'ay parlé cy deuant. Car il n'y-a chose si saincte, and si sacree, qui ne soit soüillee and infectee par Sathã and ses supposts. Car c'est vne imposture Diabolique, de prendre l'Escriture saincte, pour en vser comme de charmes, and iamais les anciens Hebrieux n'y ont pensé: Ce qui a donné occasion aux Payens de calomnier la parole de Dieu, and la Cabale des Hebrieux, de la quelle Pline au XXX. liure, chapitre premier, escrit ainsi: Est alia Magices factio à Mose, and Iochabella Iudæis pendens, Il a corrompu le mot de Cabala, qui signifie en Grec, [Greek omitted], c'est à dire, Science apprise en escoutant, and qui ne s'escrit point du mot [Hebrew omitted], par ce qu'il estoit defendu d'enseigner la Cabale, que de bouche en bouche, and à ceux qui auoient passé quarante ans: mais il n'estoit point question de prononcer des paroles, pour faire miracles, comme Reuclin, and Galatin ont voulu, qui est vn abus: Et si on me dict, que prononcer vn certain verset des Psalmes, pour s'esueiller à telle heure Page 194

qu'on voudra, pour prier Dieu, ou faire d'autres bonnes actions ne peut rien auoir de Diabolique. Ie confesseray que c'est le premier fondement de sagesse, de se leuer matin pour prier Dieu, and ceux qui offrent les premiers leurs prieres, il est à croire, qu'ils emportent les premieres benedictions, comme fist Iacob à Esau: and pour ceste cause en toute l'Escriture on voit que les Prophetes se leuent de grand matin pour louër Dieu, and luy sacrifier les premieres actions, comme disoit Dauid, Fn matutinis meditabor in te, and en autre lieu, Exurge psalterium, exurge cythara, exurgam diluculò and en Hieremie, Misi ad vos Prophetas surgendo manè: Et semble que Dieu au desert eut principalement soin de faire leuer son peuple matin: car si tost que le rayon du Soleil auoit donné sur le manne, il s'en alloit en fumee, and fondoit soudain, combie (02) qu'il ne peust fondre au feu, à fin, dict Salomon, qu'ils fussent aduertis de se leuer matin and remercier Dieu. Neantmoins ie dy qu'il n'est pas licite d'vser de la saincte Escriture pour dõner quel que force aux paroles, encores que ce soit à bonne fin. C'est la resolution des Theologiens. Beaucoup moins d'apparence y a-il de croire que les Sorciers en vertu des paroles, ayent puissance de faire mourir les bleds, and fruicts de la terre: Combien que les loix des douze tables portoient defenses expresses d'enchanter les fruicts: Qui fruges excantasset, aut qui malum carmen incãtasset, and c. Non pas que les Sorciers par leurs charmes facent mourir les fruicts: mais c'est à l'ayde de Sathan, and par mesme moyen ils font la te (02) peste (comme nous Page 195

dirons en son lieu) and non pas en vertu des paroles, car vn autre Sorcier ne les sçauroit faire en prononceant les mesmes paroles. Et me suis esmerueillé, non pas du menu peuple and des ignorans, mais bie (02) de Caton 7, qui tient qu'on peut renoüer les membres disloquez par charmes: and de Cesar, lequel montant en son coche, prononçoit trois fois vn certain carme pour garder que son coche ne versast8, ce que il fist pour auoir vne fois versé: Et neantmoius il estoit coustumier de se mocquer de telles choses. Et M. Seruilius Nonianus, des premiers Senateurs de Rome, qui portoit en son col vn papier, où il y auoit ces deux lettres, P, and A, pour guerir du mal des yeux. Si c'estoit vne bonne racine, vne herbe medicale, qui par son odeur and proprie té naturelle peust guarir de telles maladies, il y auroit quel que apparence, comme il est certain, and bien experimenté, que la racine de la Piuoine, que les ancie (02) s appelloient Pæonie, pendue au col, soulage grandement les affligez du mal caduc: mais de pendre à son col vn papier, quoy qu'il y ayt escrit, ou des caracteres, ie tie (02) s auec S.Iean Chrysostome2, and S. Augustin, que c'est vne pure idolatrie aux ignorans, and sorcellerie à ceux qui sçauent la defense, and qui neãtmoins y adiouste (02) t foy, and fiance: car mesmes c'est idolatrie d'attribuer aux herbes, aux plantes, aux animaux and mineraux, la force de guarir, si par mesme moyen on n'attribue la louange à Dieu. Et pour ceste cause les Hebrieux disent que le Roy Ezechias fist brusler le liure auquel Salomon auoit compris la vertu and proprieté de tous animaux, plantes, pierres, herbes, and metaux, à fin que -notes- 7apud Pland.l. 38.c.2. 8Idem Plis. 2Homil. 43. in Matth.c.23. licet fiãt periapta cu (05) inscriptione Agnus Dei. lib. 1. de cæremoniis and distinct.7. ca.3.de consetratione. Page 196

par tel moyen les hommes ne fussent induits à idolatrie: comme en cas pareil il fist brusler le Serpent de cuiure rapporté du desert, que le simple peuple adoroit. A plus forte raison doibt on iuger idolatrie d'adiouster foy aux mots and caracteres, qui ne sont point formez de Dieu, comme les autres creatures, ains sont inuentez des hommes ou des malins esprits: qui est non seulement idolatrie, ains aussi pure sorcellerie. I'appelle idolatrie auec sainct Augustin, and tous les anciens and nouueaux Theologiens, se destourner du Createur à la creature: Is vsent de ces mots, Auersio à Creatore ad creaturam, Aussi void on que les paroles ne viennent iamais à reussir à effect, si l'homme n'y met sa fiance: Alors Sathan qui veille, s'entremet à la trauerse, and pour vn temps guerir l'idolatrie, pour en fin le rendre Sorcier parfaict, comme nous dirons en son lieu. On dira, peut-estre, que la voix, la parole de Dieu, les deux tables escrites de sa main sont uures de Dieu, comme le Soleil, and la Lune, and le Ciel, and par consequent que elles ont force naturelle: c'est l'aduis du Prince de la Mirande and de Reuclin: Mais ie dy que telles paroles n'ont force, sinon pour l'effect, pour lequel Dieu les a prononcees, and grauees de ses doigts, and non pas pour faire la tempeste, and le beau temps, ou autre chose, mais bien pour donner la vie eternelle à celuy qui les mettra à execution, comme il est dict, Hoc fac, and viues. Mais les paroles des hommes, ou de Sathan n'ont pas plus de force que des fruicts en peinture, ou des statuës, and autres choses artificielles, mais bien Page 197

Sathan a ceste puissance de Dieu, pour en vser, enuers les Payens, and idolatres infideles, and qui mesprisent Dieu, estans abusez soubs le voile des paroles, and mesmement celles qui ne sont point entendues, quia (dict Pline) minorem fidem homines adhibent iis, quæ intelligunt. C'est pourquoy Galen au sixiesme liure des Pharmaques simples, reiecte and blasme Xenocrate Aphrodisien, and vn Pamphile, qui contrefaisoient les Medecins, auec telles impostures. Pline au XXVIII. liure, au sept premiers chapitres est plein de telles soties. Et iaçoit qu'il dict au second chapitre, que les plus sages s'en mocquent, si est-ce qu'il dit, que Theophraste, Caton, and Cesar y adioustoient foy, pour certaines maladies. Mais c'est chose estrange, and que toute l'antiquité a remarquee de charmer les Serpens. Et de faict, Dauid accompare le meschant à l'Aspid, qui bousche ses oreilles de peur d'ouyr la voix de l'Enchanteur qui enchante finement. Mais ordinairement les Enchanteurs sont tuez par les Serpens. C'est pourquoy Salomon dict, que personne n'aura pitié du Sorcier tué parles Serpens. Et de faict vn Sorcier de Salisburg deuant tout le peuple, fist assembler en vne fosse tous les Serpens d'vne lieuë à la ronde, and là les fist tous mourir, horsmis le dernier qui estoit grand, lequel sautant furieusement contre le Sorcier, le tua. Enquoy il appert, que ce n'estoit pas le mot Hypokindox, cõme dit Theophraste Paracelse maistre Sorcier tel qu'õ voit par ses escrits, ny autres mots du Psal. 91. n'ylavertu des paroles quoyqu'õ die: car cõme (02) t eusse (02) t ouy les Serpe (02) s la voix d'vn hõme, d'vne lieuë à la ro (04) de? Book 2 - Chapter 3 Page 198

Et mesmes estans les Serpens mussez au profond de la terre? Combien que Aristote à fin du liure des Merueilles dict, qu'il y auoit vne Sorciere en Tene ville de Thessalie, qui charmoit le Basilisque. C'estoit done le Diable, qui a de coustume de payer ainsi ses loyaux subiects and seruiteurs. Et par ainsi le Canon, Nec mirum, xxvj. q. v. and sainct Augustin, qui tiennent que les Sorciers par la force des charmes, ou carmes, infectent, and tuent les hommes, s'entend par le ministere du Diable. Car on a mille fois experimenté, que les paroles prononcées par vn autre que par vn Sorcier, n'ont aucun effect. Et s'il aduient en choses legeres que les paroles semblent auoir eu effect, comme pour lier, il faut s'asseurer que les Diables, qui sont en tous lieux, sont aussi Ministres de la volonté de celuy qui veut executer quelque meschanceté, and l'executent, pour l'attirer à plus grands malefices and impietez. Des inuocations expresses des malins esprits. CHAP. III. Cevx qui en cuidant bien faire inuoquent le malin esprit, pe (02) sant qu'il soit Dieu pour auoir conseil and aduis, ou confort and ayde, ainsi que plusieurs font encores aux Indes Occidentales, and encores plus és Indes Orientales, où ils adorent vne image de Diable cornu ayant les yeux ardens, and tres-hideux vifage, and la gueule entreouuerte, les pieds and mains crochues comme Griffons, and tenant de petites images pleines ses mains : que Page 199

le peuple adore tres-deuotement and religieusement luy offrant de grands dons comme les marchans ordinaires raportent en l'histoire des Espaignols: comme aussi faisoient les anciens Payens, ils ne sont non plus Sorciers, que ceux qui adoroient le Soleil, and la Lune, and autres creatures: Bien peut on dire qu'ils estoient idolatres. De s'enquerir si Dieu à pour aggreable leur bonne conscience, i'en laisse le iugement à Dieu: car c'est trop entreprendre sur les secrets de Dieu, comme ceux qui ont aussi bien damné de damnation eternelle Socrate, Pocion, Aristide le Iuste, comme les plus detestables Sorciers, and tous à mesme peine. La loy1 de Dieu dict qu'il faut decerner la peine, eu esgard à la grauité du forfaict. Mais entre les Payens, ceux qui sçauoient la difference des bons and malins esprits, and faisoient non seulement sacrifices de leurs enfans, ains aussi commettoient paillardises, and Sodomies, and autres ordures abominables, and contre la droicte raison naturelle que Dieu a grauee en nos ames, pour paruenir à leurs desseins, estoient non seulement idolatres, ains aussi Sorciers: Et tous les Philosophes and Legislateurs ont condamné ces hommes là. C'est pourquoy Dieu dist à son peuple 8 qu'il a arraché de la terre les Amorrheans, and autres peuples qui s'addonnoient à telles sorceleries: Et que par arrest du Senat Romain les Bacchanales, pour les sorceleries, paillardises and homicides execrables qui s'y commettoient la nuict, furent bannies de Rome, and de toute l'Italie. Or sathan faict tout ce qu'il peut pour asseruir les hommes, and les retirer de l'adoration du vray -notes- 1Dent.15. 8Deut. 18. Page 200

Dieu: Et d'autant que Dieu inuisible, and que les hommes voyant la beauté admirable du Soleil, and le cours des lumieres Celestes, leur vertu, leur mouuement estrange, aisément se sont laissez couler à louer, ou à prier le Soleil, and la Lune, puis apres Iuppiter, and les autres corps celestes. Et au lieu que Noë auoit appris à ces enfans à sacrifier à Dieu en tous lieux, il fut aisé de tourner ses v us au Soleil, and à la Lune and autres corps celestes. Ce qu'Abraham ayant veu en Chaldee il dict que c'estoit meschantement faict, aussi fut-il mal traicté, comme Philon, Ioseph and Moyse Maymon sont d'accord: and alors Dieu le fist sortir de Chaldee, pour conseruer en luy, and en sa posterité la vraye marque de l'Eglise. Depuis que Sathan eut gaigné ce poinct là de faire adorer les corps celestes, peu à peu il fist aussi adorer les elemens, and premierement le feu, que tous les peuples ont eu en grande reuerence: Et puis la terre, comme mere, and procreatrice des hommes, and de tous biens sans regarder plus haut, and dresser le vol de contemplation intellectuelle à Dieu autheur, and Createur de toutes choses. Des elemens on est venu aux autres creatures, adorans specialement les Dieux qu'ils figuroient auoir trouué le pain, and le vin, qu'ils ont nommé Bacchus, and Ceres: and les Egyptiens le b uf, comme le plus vtil animal, qui soit au mõde, sous le nom d'Apis. Et Sathan, pour ayder ceste opiniõ se presentoit quelque-fois en forme de b uf, and puis a sa mort on faisoit de grands gemissemens. Et mesmes les Israelites, ayant la superstition d'Appis grauce en leur c ur, pour figurer Dieu, qui les auoit Page 201

tirez d'Egypte, ils firent vn veau de fonte, cuidans, que le Dieu du ciel, and de la terre, qu'ils adoroient se deuoit figurer en forme de veau. Or Dieu sur la vie leur auoit defendu9 de luy donner forme, ny figure quelconque, and pour ceste cause son ire s'embraza, and fist vne grande punition sur le peuple. Sathan passa plus outre: car les grands princes (dit Salomon)1 ayant perdu leurs enfans, qu'ils aimoient ardemment, pour en retenir la memoire, les faisoient peindre, and mouler, and les gardoient precieusement iusques à les baiser souuent, and reuerer, comme on dit mesme d'Auguste, qu'en sortant du Capitole, il baisoit2 l'image de son petit neueu qui estoit mort, and representé en forme de Cupidon. On fist le semblable des grands Princes: car nous lisons en Herodote, qu'au plus haut de la tour de Babylone il y auoit vn temple dedié à Belus Roy d'Assyric, qu'on nomma Iuppiter: Et depuis que les Assyriens and Caldeans, eurent commencé, ayant la Monarchie sur tous les peuples d'Asie, and bonne partie d'Affrique, leurs sacrifices and superstitions furent publiees, and obseruees par tout l'Empire, qui estoit grand à merueilles, c'est à dire, de cent vingt sept Prouinces ou gouuernemens, dont l'Egypte estoit l'vn, qui est deux fois aussi grand que le Royaume de Erance, and passa peu à peu en Grece. Et pour ceste cause Dieu parlant en Iesaye, abhomine Babylone pour auoir enuoyé ses sorceleries and superstitions, à tous les peuples. Car Porphyre escriuant ad Boethum, and Theodoric,3 and Iamblique demeurent d'accord, que -notes- 9Exodi 20. vbi scribitur. Non sanctus me vcl metü Deos argeteos nec deos aiereos facieiss vobis. 1In lib. Sat. 2Suctonius in Augusto. 3In lib.de curatione Græcarum affectionum. Page 202

toutes les superstitions anciennes estoient venues de Caldee: on voit les Grecs, auoir deifié leurs premiers Roys and Princesses: comme en cas pareil, les Romains ont deifié Romule, and puis les Empereurs: car depuis que les partizãs de Cesar eurent faict croire que la comette qui fut apperceue apres la mort de leur chef, estoit son ame, on s'efforcea, and fist on le semblable d'Auguste: [quae] (16) Numerius Atticus Preteur iura deuãt le peuple les auoir veu mõter au ciel, and fut recõpensé de dix mil escus, queluy donna Liuia vefue d'Auguste. Apres luy Tybere fut deifié par ceremonies que Dion and Plutar que ont descrit. Depuis qu'on eut commencé à deifier les hommes, on forgea vn nombre infiny de Dieux. Car il n'y en auoit pas moins de trentesix mil, comme les anciens ont remarqué, outre les Dieux qu'ils appelloient Manes, les esprits des peres, and meres, and parens qu'ils tenoient pour Dieux, and ausquels ils sacrifioient and mangeoient aupres des sepulchres: contre lesquels parle l'Escriture, detestant telle meschanceté, où il est dict, Et comederunt sacrificia mortuorum.G1 Et sous ombre de tels sacrifices on cõmença à inuoquer les ames des morts, qui est la Necromantie qui est, peut-estre, des premieres and plus anciennes sorceleries. Car on void en Iesaye detestant ceste impieté. Chacun, dict-il ne demandera-il pas conseil aux morts pour les viuans? c'est au chapitre huictiesme. A quoy se rapporte ce que Ciceron escrit au premier des Tusculanes, qu'on dormoit au temple Psychomantium pour sçauoir la verité de quoy Iulian l'Empereur calumniant les Chrestiens disoit qu'ils alloient -notes- G1[Greek omitted] Page 203

dormir aux sepulchres, pour sçauoir la verité des ames qui se voyent aux sepulchres, and pour mesme cause se faisoient les sacrifices, qu'on appelloit silicernia quia silentes manes viderent sacrificium illud, qui estoit le festin qu'on faisoit aux morts: and aussi pour les appaiser: ce qu'on faisoit par deuotion, and non pas par Necromantie qui portoit inuocation and protestation par celuy qui coniuroit que iamais plus il n'appelleroit l'ame, and qui ne luy troubleroit plus son repos: comme on voit en Lucan que la sorciere Erycte voulant sçauoir par Necromantie si Pompee seroit victorieux elle fist telle protestation: and Saul voulant sçauoir l'issue de la derniere bataille, qu'il eut contre les Philistins demanda l'aduis de la Sorciere d'Endor, qui euoqua l'armee de Samuel, ou l'image de Samuel, qu'elle seule voyoit, and Saul n'en voyoit rien. Samuel luy demanda pourquoy il troubloit son repos, puisque Dieu l'auoit laissé, and qu'il estoit son ennenry, and qu'il auoit donné le Royaume à Dauid, and pour n'auoir obey à la parole de Dieu, and que luy and ses enfans seroient le iour suyuant auec luy. Ie sçay bien que quelques Theologiens tiennent que c'estoit le Diable, and non pas Samuel: mais grande partie tient le contraire, and le texte de l'Ecclesiastique chapitre quarante six, y est formel, où il est dict entre les louangesde Samuel, qu'il a prophetizé apres sa mort, predisant la mort du Roy, and la victoire des Philistins. Iustin Martyr est aussi de mesme aduis, and le Rabin Sædias, and Haias, and presque tous les Hebrieux: Ioinct aussi qu'il faict à noter, que la response faicte à Saul Page 204

par l'image de Samuel, qu'ils disent estre le diable, porte cinq fois le grand nom de Dieu [Hebrew omitted] que les Dæmons ont en horreur seulement à ouyr. C'est pourquoy ie ne puis suyure l'aduis de Rabi Dauid Kymhi sur ce paslage, ny de Tertulian au liure de l'Ame, ny de sainct Augustin, qui tiennent que c'estoit le diable, and ne veux aussi resoudre le contraire. Et puis de damner Saul, pour n'auoir faict mourir le Roy Amalech and tous les captifs auec le bestial, comme Dieu auoit commandé (car c'est la seule cause pour la quelle Dieu se fascha contre Saul,) comme il est dict en l'Escriture 5 saincte) c'est entrer bien auant au conseil de Dieu, attendu mesmement qu'il fust bie (02) chastié de ceste faute tãt qu'il vescut: car il fut fort affligé de Sathan qui le plus souuent le mettoit en fureur extreme and sa posterité fut priuee de la couronne. Or sainct Paul aux Corinthiens Epistre premier, chapitre quinze conseille de bannir de l'Eglise celuy qui auoit commisvn inceste, à fin que son corps estant deliuré en la puissance de Sathan pour l'affliger, sonesprit fut sauué au iour du iugement, à quoy se raporte ce que dist Samuel, cras mecumeris, tu feras demain auec moy, apres auoir esté iustement affligé and delaissé de Dieu pour sa desobeissance de n'auoir fait mourir tous les Amalechites and leur bestial. Comme en cas pareil au troisiesme liure des Roys chapitre treziesme il fut dit au Prophete qui fut enuoyé à Hieroboam, qu'il ne seroit point enterré au sepulchre de ses peres, pour auoir pris son repas en Samarie contre la defense à luy faicte: tost apres vn lyon le tua and neantmoins -notes- 5Sam. c. 28. Page 205

garda son corps sans l'offenser, ny son asne, iusqu'à ce qu'on l'eust enleué pour l'enterrer. En quoy il appert bien euidemment que Dieu ne damna pas l'ame du Prophete pour telle desobeissance, veu mesmes qu'il ne permit pas que son corps mort fust deuoré du Lyon. Et par ainsi laissant la damnation au iugement de Dieu, il se peut faire que Dieu face aussi bien sçauoir sa volonté par les sorciers and meschans, que par ses esleuz: comme on void par les songes de Nabuchodonosor, de Pharaon, and de Balehan: ce que tie (02) nent les Theologiens sur le passage de l'Euangile, où il est dict, Expedit vnum hominem moripro populo, qu'ils prennent pour vne Prophetie en la bouche de Cayphe. Aussi peut on dire que Dieu permist que Samuel vint pour prophetizer apres sa mort la ruine de Saul, and de son estat. I'ay appris du Sieur de Noailles Abbé de l'Isle, and maintenant Ambassadeur à Constantinople, and d'vn Gentilhomme Polognois nõmé Pruinski, qui a esté Ambassadeur en France, que l'vn des grands Roys de la Chrestienté voulant sçauoir l'issue de son estat, fist venir vn Iacobin Necromantien, lequel dist la Messe, and apres auoir consacré l'hostie fist trancher la teste à vn ieune enfant de dix ans piemier né, qui estoit preparé pour cest effect, and fist mettre sa teste sur l'hostie, puis disant certaines paroles, and vsant de characteres, qu'il n'est besoin de sçauoir, demanda ce qu'il vouloit: La teste ne respondit que ces deux mots, Vim patior. Et aussi tost le Roy entra en furie, criant sans fin ostez moy ceste teste, and mourut ainsi enragé. ceste histoire est tenue pour certaine, and indubitable Page 206

en tout le Royaume, où la chose est aduenue, combien qu'il n'y eust que cinq personnes quand la chose fut faicte. On trouue vne histoire qui approche de celle cy de l'Empereur Theodoric, lequel apres auoir faict trencher la teste à Symmachus, quand on luy seruit à table, la teste d'vn gros poisson, il luy sembla voir, la teste de Symmachus, and entrant en furie mourut bien tost apres. Il y en a vne semblable en Phlegon d'vne teste apres auoir esté trenchee du corps, predist aux Etoliens les calamitez and guerres qu'ils souffrirent depuis. Et s'il est ainsi, qui peut douter que Dieu n'ait mis en la bouche de cest enfant occis ces deux mots? car il ne sçauoit ny Grec ny Latin, veu la vengeance soudaine, qu'il a prise d'vne meschanceté si execrable? Si ce n'estoir qu'on voulust dire que l'esprit de l'enfant, ou son Ange parla and tourmenta le Roy pour se venger d'vn tel outrage: car plus le sang est innoce (02) t, plus la vengeance est grande. En quoy on peut voir vne impieté execrable, de prendre vne personne innocente, and masle, and premier né (que Dieu2 veut en sa loy luy estre sanctifié) and le sacrifier au Diable, pour sçauoir les choses futures: Qui n'est pas vne impieté nouuelle, mais bie (02) fort ancienne, comme à noté Elias Leuites, qui appelle cela cn son Hebrieu Teraphim: vray est qu'il dict, qu'on mettoit la teste sanglante sur vne lame d'or, auec le nom du Dæmon, and quelques characteres que ie ne mettray point, puis qu'on l'adoroit en disant quelques mots, qu'il ne faut dire ny escrire, comme i'ay resolu de faire neantmoins il est besoin qu'on sçache combien est grande l'impieté -notes- 2Omne primogenitum apertens vuluam, säctum Domino votabitur. Page 207

de ces hommes damnables pour s'en garder soigneusement. Il y auoit vne autre sorte de Necromantie de laquelle parle Thomas d'Aquin, quand on stipule de celuy qui va mourir que apres sa mort, il luy viendra dire nouuelles de son estat: comme il est aduenu de Guerin Aduocat du Roy en Prouence, qui auoit promis à sa femme qu'il la viendroit aduertir s'il mouroit: si tost qu'il fut pendu à Paris, sa femme estant en Prouence, apperceut en sa main sa figure viuement imprimee que vne infinité de personnes ont veu: and la chose fut aueree en presence du Roy Henry second: mais ie tiens que c'estoit Sathan, à fin qu'on fuye ceste impieté. Ie sçay bien que les anciens tenoient que les ames des occis souuent pourchassent la vengeance des meurtriers. Nous lisons en Plutarque, que Pausanias Roy de Lacedemone, estant à Constantinople, on luy fist present d'vne ieune Damoyselle, and d'autant qu'elle estoit fille, elle auoit honte d'aller à luy, que chacun ne fust retiré, and lors entrant en la chambre la nuict, elle fist tomber la lumiere, ce qui esueilla Pausanias en sursaut, and pensant qu'on le voulust tuer en tenebres, tout effrayé il print sa dague and tua la Damoy selle, sans cognoistre qui c'estoit: deslors Pausanias fut incessamment tourmenté d'vn esprit iusques à la mort, qui ressembloit, comme il disoit, à la Damoy selle. I'ay veu vn ieune homme prisonnier l'an M. D. LXIX. qui auoit tué sa femme en cholere, and qui auoit eu sa grace, qui luy fut enterinee, lequel neantmoins se plaignoit, qu'il n'auoit aucun repos, estant toutes les nuicts batu par icelle, comme il disoit: Et toutesfois on sçait assez, que Page 208

cela n'aduient pas à tous les meurtriers. Vray est qu'il y en a, qui tiennent, que si celuy qui est tué meurt sans appetit de vengeance, que tel cas n'aduient point. L'histoire d'Athenodore en Pline le Ieune, est notoire par laquelle l'homicide de plusieurs personnes fut descouuert par vn esprit, and depuis peu d'annees au Parlement de Bretaigne, vne femme fut executee à mort apres auoir confessé le meurtre de son mary, qu'elle auoit enterré en sa maison, qui fut monstré par vn spectre qui sembloit au defunct, qui apparut à son frere entrant en la maison de la vefue, and disparut sur le lieu, où il auoit esté enterré. Pausanias in Articis, dit aussi que cent ans durant apres la bataille Maratonienne, ceux qui passoient au lieu, oyoient des sons d'armes, de cheuaux, de harnois cõme cõbatans: mais toute l'antiquité a remarqué, and Platõ l'a escrit au 1.liure des Loix, que les ames des meurtriers souuent poursuiuent les meurtriers, ce que Marsil Ficin au seiziéme liure de l'Immortalité des ames, cha. 5. and Lucrece, and Virgile au IIII. des Ænei les, tiennent pour veritable, and les Iuges ont approuué par infinis iugemens, que le meurtrier paslant sur le corps mort sans le toucher, soudain la playe saignoit. Plusieurs Docteurs en Ciuil and Canõ, sont d'accord de ce poinct2 and pre (02) ne (02) t ceste presomption pour vn argume (02) t and coniecture violente cõtre l'accusé, suffisante pour le applicquer à la question. Et les homicides souue (02) t ont esté auerez par ce moyen: ce que Plutarque escrir aussi de Damon, and Suetone de Caligula: comme en cas pareil ils disent, que l'ame qui n'a point laissé ce monde -notes- 2Paris de pusco. Hippoli. co (04) sil. 24.nu. 2. vol. 1. and cõsil.90. nu.3. and cõsil. 91.nu. 4. and 100.nu. 4. et consil.110.nu. 4. vol.2. Angel. in tra ctat. de bomicidio. 10. de Neuisa in sylua.nupt. ver. cadauer. Page 209

à regret, and du moins, qui n'a point esté plongee és cupiditez bestiales, ne suit plus le corps mort, comme celuy qui a vescu à la forme des bestes, desquels parloit Horace disant: Et affigit humo diuinæ particulam, auræ, C'est à dire qui attache la partie diuine à la partie terrestre: Et disoient que telles ames sont recherchees par les Necromantiens, and Sorciers qui s'en vont autour des sepulchres la nuict, and mangent la chair des corps morts, cõme en Thessalie, où il y auoit des Sorcieres qui cherchoient par tout les corps morts: and si le corps n'estoit bien veillé, and diligemment gardé, on le trouuoit tout rongé par le nez, par la bouche, par les iouës, and autres partiesG12. Mais ie croy mieux que autrement, que le Diable induict des Sorciers à telle meschanceté, leur faisant croire, qu'ils attirent les ames par ce moyen, quoy que les Grecs appelloient le Necromant3 [Greek omitted] cõme qui diroit tire-l'ame: comme nous lisons en Glicus, que Basile Empereur de Constãtinople, par Necromãtie, se fit represe (02) ter sõ fils mort, qu'il tint e (02) brassé, puis il disparut. Et en Thessalie and Arcadie, cela estoit tout cõmu (05) , and se faisoit publique ment: là où Põpee voulut sçauoir de la Sorciere Erichtho par Necromantie, l'issuë de la guerre Pharsalique, où neantmoins il fut desfaict quelque asseurance qu'on luy donnast de la victoire, cõme il en a pris à to9 ceux qui ont vsé de telles voies. C'est pourquoy Cicerõ reprochoit à Vatini9 la Necromãtie, and les sacrifices detestables des enfãs, quæ tãta prauitas te tenuit? quis tãtus furor? vt cu (05) inaudita ac nefariasacra susceperis, cu (05) inferoru (05) ai (03) ns -notes- G1Boerius de (02) sione. 169 nu. 1. 2Apuleius in Asino aurco. 3[Greek omitted] Page 210

elicere, cum puerorum extis deos manes mactare soleas, and c. Il n'y-a pas long temps, and de la memoire de nos Peres, que publiquement, quand on vouloit canonizer ceux qui auoient reputation d'estre saincts, on lisoit certain liure plein d'inuocatiõs: and cela se faisoit la nuict: on appelloit ce liure le Grimoire, tenu secret, duquel ie ne feray point iugement, ny de chose sainctement faicte, and à bonne fin: mais bien ie tiens, que c'est chose damnable d'vser de Necromãtie, and demander au diable pere de mensonge, la verité des choses cachees, and mesme du salut des hommes, comme Nicephore descrit au 3. liure, chap. 23. vne detestable Necromantie par l'euocation des ames de deux Euesques Arriens, qui vindrent, ainsi qu'il dict, and signerent les Decrets du Concile de Nicene, ce qu'ils n'auoient voulu faire de leur viuant. Car la pluspart de ces ames, que les Necromantiens pensent attirer par sacrifices, ne sont rien autre chose que les Diables: cõme il fut aueré au procés d'Abel de la Ruë, lequel estant Cordelier à Meaux, il ouurit le Grimoire qui estoit en la Sacristie, and si tost qu'il eut leu dedans, le Diable luy apparut, and luy demanda qui l'auoit incité à lire dedans ce liure: and lors il print possession dudit Abel, and l'emporta soubs le gibet. C'est pourquoy ceux qui tiennent des testes de mort, s'ils ne sont Medecins, ou Chirurgiens, font ordinairement le mestier des Necromantiens, comme dict Ioachimus Camerarius en auoir veu n'a pas long temps, qui faisoient parler le Diable par vne teste de mort. Et n'y-a pas long temps qu'en Paris, en la maison du Medecin, des plus anciens, vn sien amy, Page 211

faisoit parler vne teste de mort, and ne s'e (02) cachoit point. Or d'autant que les gens biens nourris, and ceux qui estoient craintifs auoient horreur d'aller la nuict aux sepulchres, and vser de telles sorcelleries, Sathan trouua pour ceux-là d'autres moyens pour se faire adorer, en se mettant au corps de celles qui alloie (02) t aux Temples, parlant en icelles, ce qui aduenoit le plus ordinaireme (02) t aux vierges, qui estoient ieunes Sorcieres, façonnees à telles impietez, qui ieusnoient and prioient en grande deuotion, en la cauerne d'Apollon, and y dormoient la nuict (car d'autant plus l'impieté est grãde, plus elle est couuerte du voile de religiõ and pieté) puis le Diable entroit au corps d'icelle qui auoit passé ainsi la nuict, and le iour suyuant elle deuinoit les choses, qu'on auoit demãdees en paroles, and respõses: qui auoient quasi tousiours double sens, and s'appelloient telles femmes prestresses Pythiennes, and quel quesfois Sybilles: Ainsi appelle Virgile la Sybille Cumane, la quelle apres les prieres faictes à Sathan en la cauerne deuient en furie, escumãt and parlant nouueau langage: and disoit-on alors, que le Dieu estoit venu en elle. C'est pourquoy en la loy de Dieu, il est dict que la fe (02) me sera lapidee qui aura l'esprit Pythonic, qui est appelle (02) [Hebrew omitted] que les LXXII. interpretes ont tourné [Greek omitted], comme qui diroit parlãt au ve (02) tre ouvaisseau, cõme fõt les Sorciers auec leurs bouteilles de verre and bassins. La versiõ cõmune l'a declaré par la façõ des Grecs, qui cerchoie (02) t les oracles Pythoniques d'Apollõ surnõmé Pythius2. Celius Rhodiginus dict auoir veu n'a pas long temps, vne garse en son pays, qui auoit vn esprit Pythonic dedans -notes- 2[Greek omitted] Page 212

le corps, qui respondit par les parties hõteuses, la verité des choses presentes, and cachees, and mentoit soune (02) t des choses à venir. Iaçoit que les oracles d'Apollõ Delien n'estoie (02) t pas moins recherchez par ce qu'ils estoient plus clairs, and pour ceste cause s'appelloit6 Delien. S. Iean Chrysostome escrit que la prestresse estoit estendue en la cauerne, and qu'elle receuoit l'esprit Pythonic, and lors elle entroit en furie, escumant, and que le Demon le plus souuent parloit par ses parties honteuses, que les Payens pensoient estre Dieu. Dequoy Origene escriuant cõtre Celsus Epicurie (02) , se mocque bien fort, and mesme Plutarque, quoy qu'il fust Payen, dict: que c'estoit vne extreme furie de penser que Dieu entrast en telles femmes, ains plustost que la Religion and Diuinité y estoit diffamee and souillee. Et quãd aux Sybilles ie m'en r'apporte au iugement des sages, comme l'on dict. Mais il me semble que Lactance, and ceux qui font tant de cas des Oracles Sybillins, n'ont pas bie (02) regardé de quelle source ils vie (02) nent. Car on peut voir en Virgile3 que la Sybille Cumane, qu'on dit estre la plus illustre and la plus fameuse, estoit l'vne des Prestresses Pythiaques, Dæmoniaque, and la plus-part des Oracles Sybillins ne parlent que de Saturne, Iupiter, Venus, Neptune. Ioinct aussi que toutes les Sybilles estoient Payennes and Infideles, and defquelles iamais la saincte Escriture n'a fait mention, and qui n'ont iamais esté receuës de l'Eglise, ny approuuees de Concile quelconque, quoy qu'il y ayt plus de six cens Conciles. Mais Lactance voyant que les Payens ne faisoient point de compte de la Bible, s'efforça de faire entendre ce qu'il -notes- 6[Greek omitted], clerum. 3lib.6.Aeneid. Page 213

vouloit par les propheties Sybillines, forgees peut-estre à plaisir, ausquelles les Payens adioustoient foy. Et de dire, que les vers Sybillins soient ceux qui sont imprimez, and tournez de Grec en Latin par Castalion, (Qui comprennent sommairement toute l'Histoire de la Bible, and rien autre chose) c'est vn abus assez notoire: caril n'y a pas vn seul vers de ceux qui sont r'apportez des Sybilles en Ciceron, en Tite-Liue, en Porphyre, en plutarque, and aux autheurs Grecs. Toutesfois on pensoit bien faire d'attirer alors les Payens à la religion Chrestienne en quelque sorte que ce fust, qui est vne opinion reprouuee, and iustement condamnee, car il ne faut pas mesler les Propheties inspirees par la bouche de Dieu, auec les Propheties Sybillines inspirees aux Payens infideles par Sathan. Aristote2 cherchant la cause d'où procedoit telle diuination and fureur, s'en estõne fort: en fin il dit, que cela venoit de la vapeur des cauernes, comme en la cauerne Lebadienne, ou Trophonienne, Coricienne, Pythiaque, and autres: Mais ceste cause-là n'a point de raison: car, pourquoy plustost ceste cauerne-là qu'vne autre, and entre vn million il ne s'en trouuoit pas demie douzaine. Et d'auantage, pourquoy les Oracles de ces cauernes-là eussent cessé cent ou six vingts ans deuant Cicerõ, cõme nous lisons en son liure de Diuinatione. Et neantmoins les cauernes n'ont point changé: ce qui a meu Plutarque4 de soustenir, que les Dæmons de ses cauernes là estoient morts. D'auantage quelle cause apparente y a il que l'esprit entrast dedans le ventre d'vne femme, and parlast dedans son estomach la bouche -notes- 2In li.de mu (05) do ad Alexãdru (05) . 4In li.de oraculorum defectu. Page 214

close, ou bien par sa bouche la langue tiree, ou par ses parties honteuses: Et neantmoins la verité bien souuent estoit meslee de mensonge, comme quand il fut dict par l'Oracle allegué en lustin Martyr, and en Eusebe [Greek omitted], C'est à dire, qu'il n'y auoit alors que la sagesse de Caldeãs, and la religion des Hebrieux, qui adoroient purement le Dieu eternel. Ie laisse les mysteres, and sacrifices qu'on faisoit pour auoir la response que chacun peut voir en Diodore, and Pausanias. Quelques-fois aussi le Diable tuoit ceux qui alloie (02) t en ses cauernes-là, s'ils ne demãdoient quelque chose. C'est pourquoy Fernel recite vne histoire d'vn Sorcier, qui auoit appellé vn De (11) mõ, and quand il fut venu, il le tua: Son cõpagnon Sorcier demãda au Diable pourquoy il l'auoit tué, lequel fist respõse, que c'estoit pour autãt qu'il ne luy auoit rien demãdé: car Sathã veut estre requis, prié, and adoré des hõmes, and leur dict quelques-fois la verité, pour estre creu quand il mentira. Ou s'il ne sçait la verité, il parlera par ambages, and obscuritez. Mais la loy de Dieu defend de s'en querir à autre que à luy des choses futures, n'y adiouster foy encores qu'il n'aduienne ce que les esprits malins, and deuins auront prophetizé. Non pas qu'ils ne sçachent beaucoup de choses: car les esprits sont appellez [Greek omitted], comme dit Eustarius, c'est à dire, sçauants, en la mesme signisication, que les Hebrieux, maistres de la vraye langue naturelle les appellent [Hebrew omitted] Idehonim, du verbe in nouit, sciuit. Eusebe dir [Greek omitted] dici [Greek omitted] Page 215

pour la peur qu'ils font aux hommes, combien que tels esprits sont pour la plus part familiers, and que les Grecs pour ceste cause appelloient [Greek omitted] Nous conclurons donc qu'il ne faut rien ouyr ny croire en matiere de propheties, que la parole de Dieu, ou ce qui est du tout conformé à icelle, non pas si l'Ange du ciel l'auoit dit: beaucoup moins si elle est inspiree de Sathan. Or combien que les Chrestiens eussent pillé, and rasé les temples des Payens, and mesmement celuy d'Apolon, si est-ce que Sathan n'a pas laissé d'exercer sa puissance par nouuelles idolatries, and sorcelleries, qui sont autant ou plus frequentes que iamais. Vray est qu'anciennement il se faisoit prier sous voile de religion, and maintenant il vie (02) t trop souuent sans l'appeller, and se lance inuisiblement par tout, pour pipper, and ruiner le genre humain. Car combien que celuy qui n'appelle, and n'inuoque le malin esprit, mais le reçoit se presentant à luy, ne soit pas du tout si meschant que celuy qui l'appelle, and le prie, and le re çoit: Si est ce que l'vn and l'autre est digne de mort, and l'vn and l'autre est vray Sorcier: Et non pas celuy qui n'a poinct inuoqué, ny aplé le diable: ains qui est possedé, and assiegé par iceluy, 5 comme il s'en trouue fort en Italie, and presque toutes femmes, and peu d'hommes, qu'il faut lier comme furieuses, and enragees. Et de faict il s'en trouua à Rome octante deux, l'an mil cinq cens cin quante quatre qu'vn moyne de France de l'ordre de sainct Benoist voulut coniurer: mais il s'y trouua bien empesché.G1 M. Barthelemy Faye2 Conseiller en Parlement, qui estoit -notes- 5qui s'appellens. [Greek omitted] G13. lib.ergu.ur Page 216

lors à Rome escrit que les diables enquis pourquoy ils les auoient saisies, respondirent que les Iuifs les auoient enuoyez au corps de ces femmes (qui estoie (02) t pour la pluspart Iuifues) despits, comme ils disoient, de ce qu'elles auoyent esté baptizees. Qui fut cause que le Pape Theatin, qui hayoit les Iuifs à mort, les vouloit bannir, si vn Iesuite n'eust soustenu que les hommes n'auoient pas la puissance d'enuoyer le diable au corps d'vne personne: qui est chose bien certaine: ny le diable mesme n'a pas ceste puissance si Dieu ne luy permet: mais par vne permission de Dieu il se peut faire. Comme peut estre il aduint en Allemaigne au monastere de Kentorp, que les religieuses dudict monastere furent toutes assiegees des malins esprits, qui disoient que c'estoit la cuisiniere du monastere nommee Elsekame, laquelle le confessa, and qu'elle estoit sorciere, and que par meschantes prieres, and sacrifices elle auoit enuoyé le diable en leurs corps, and fut bruslee. Mais le diable de Rome, qui accusoit les Iuifs n'en nomma pas vn. Or il estoit impossible en si grand nombre d'hommes, femmes, and enfans, qu'ils fussent tous coulpables: Et neantmoins les demoniaques parloient diuers langages qu'elles n'auoie (02) t iamais appris. Et quelquesfois le malin esprit parle, comme dedans l'estomach estant la bouche de la femme close,2 quelquesfois la langue tirer de demy pied hors la bouche, quelquefois par les parties3 honteuses. Et en cecy tous les Atheistes, qui nient qu'il n'y a point de diables, demeure (02) t muets. Car ils confessent que la bouche fermee, ou la langue -notes- 2[Greek omitted] 3[Greek omitted] Page 217

tiree, and immobile on ne peut parler, and moins encores par les parties honteuses: and ne peuuent dire aussi que la Melancholie apprenne à parler Grec, Hebrieu, Latin à vne femme, qui n'a iamais rien appris, ce qui se voit en celles qui sont assiegees des malings esprits. Et à ce propos Fernel le premier homme de son aage en Medecine, escrit au seisiesme chapitre de Abditis rerum causis, qu'il a veu vn ieune garçon ignorant, and furieux, lequel neantmoins parloit Grec: Il dit alors, qu'il estoit possedé du malin esprit: Il se trouua bien vn ieune Bachelier en medecine, qui disoit que la melãcholie pouuoit bien apprendre à parler Grec, Hebrieu, ou autres langues, and l'osa bien dire en Paris: mais il fut siflé auec vne longue risee de toute l'assemblee. Il y en a aussi qui sõt liees du diable, and qu'il est impossible de delier, ains il faut rompre ou couper le lie (02) . Et de faict il y a vne femme au Mesnil madame Rosse, pres Dammartin, la quelle commença des l'aage de huit ans d'estre liee du malin esprit qui l'attaschoit quelquesfois à vn arbre, tantost au pied du lict, tantost à la creiche de l'estable, ou bien luy attachoit les deux mains l'vne sur l'autre auec vne corde ou auec vn ozier ou de la queuë d'vn cheual, ou de la fillasse: and cela ce faisoit si soudain, qu'il estoit plustost fait, qu'õ n'auoit ietté les yeux pour voir, comme il se faisoit. La fille fut menee à Paris l'an 1552. Le Docteur Picard, and autres Theologiens la virent, and firent tout ce qu'ils sçauoie (02) t pour sa deliurance: mais ils n'y profiterent de rien. Puis Houllier medecin se mocquant des Theologie (02) s disoit au commencement, que c'estoit vne maladie Page 218 melancholicque: mais depuis ayant veu le mystere deuant leurs yeux, auec vne infinité de peuple, and que la fille estant entre deux ou trois femmes, soudain ils voyoie (02) t qu'elle s'escrioit, and aussi tost se trouuoit liee par les deux mains, en sorte qu'il estoit impossible de la deslier, sans coupper le lien, il confessa qu'il y auoit vn malin esprit. Personne ne voyoit rien hormis la fille, qui voyoit vn nuage blanc, quand l'esprit malin la venoit lier. Et quand les Sorcieres, and Sorciers confessent la copulatiõ charnelle auec le malin esprit, plusieurs Medecins disent que ce sont Ephialtes, and Hyphialtes, ou Incubes, and Succubes, and enfleure (02) t de rate: Et par ce moyen ils dementent la loy de Dieu, and tiennent les hommes en aueuglissement and ignorance, and sont cause de l'impunité des plus grandes meschancetez du monde. Et quant aux diuinations ils disent que ce sont resueries, and neantmoins on en voit les effects si estranges, qu'il n'y a personne qui ne soit raui en admiration, s'ils auoient bien leu Platon, ils eussent trouué qu'il auoit faict deux sortes de diuinatiõ, ou Theomantie: l'vne qui aduient par maladie: l'autre qui est inspiree par les Dæmons: Et quoy qu'Aristote escrit qu'il n'y a point de diuination extrinseque: si est ce que son opinion à esté mocquee de tous les Philosophes, and de l'experience tres-certaine: and luy mesme s'en est departy au liure du Monde, qu'il a dedié au Roy Alexandre le Grand. Il est bien vray que Platon pour n'auoir eu cognoissance de la loy de Dieu (qui n'estoit pas encores traduite d'Hebrieu en Grec de son temps, and ne le fut de cinquante ans apres) n'a pas Page 219

distingué la prediction Diuine, de celle qui est Diabolique: Mais generalement il appelle la Diuination,2 ou [Greek omitted] vne certaine liaison des Dieux and des hommes, ce qui conuient bien à la Prophetie diuine. Et neantmoins la prediction Diabolique se faict quel quesfois par conuention expresse, and du consentement du Diable and de l'homme: Quelquesfois aussi l'homme est forcé, and assiegé sans maladie, and deuine, comme faisoit Saül estant agité du Diable, qui le tour noit en fureur, and le faisoit deuiner. L'escriture vse du mot de Prophetie, comme nous auons dict cy dessus. Et souuent il aduient si le Sorcier n'obeïst au malin esprit, qu'il le tourmente, and le tourne en furie, and quelquesfois il le tue: Comme i'ay sceu depuis deux ans, qu'il y à vn gentilhomme pres Villiers Costerets, qui auoit vn Esprit familier en vn anneau, duquel il vouloit disposer à son plaisir, and l'asseruir comme vn esclaue l'ayant achepté bien cher d'vn Espagnol, and d'autãt qu'il luy mentoit le plus souuent, il getta l'anneau dedans le feu, pensant y ietter l'esprit aussi, comme si cela se pouuoit enclorre: Depuis il est deuenu furieux, and tourmenté du Diable. I'ay leu le iugement contre vn Sorcier, nommé Iacques Iodoc de la Rose, natif de Courtray, rendu au Duché de Gueldres le XIIII. M. D. XLVIII. qui auoit vn Demon enclos, comme il disoit, dedans vn anneau: Mais il confessa qu'il estoit contraint de cinq en cinq iours parler au Demon, and l'interroger: Or il est aduenu à plusicurs Sorcieres, quand elles ont promis, and iuré allianche auec Sathan, si elles s'ennuyent de sa compagnie, and qu'elles ne se tournent -notes- 2Plato vocat. [Greek omitted] C'est à dire, que la diuination est le moye (02) de communiquer entre les Dieux and les hommes and le seul lien pour les allier ensemble. Page 220

à Dieu auec vne vraye penitence, elles sont battues, and tourmentees la nuict, and ne cherchent que de mourir, comme lacques Spranger Inquisiteur de la Foy à Cou longne à laissé par escrit, ayant faict executer grand nombre de Sorcieres. Et de ma part ie cognois vn personnage (ie ne le nommeray point, par ce qu'il est encores en vie) le quel me descouurit qu'il estoit fort en peine d'vn Esprit qui le suyuoit, and se presentoit à luy en plusieurs formes: and la nuict le tiroit par le nez, and l'esueilloit, and souuent le battoit, and quoy qu'il le priast de le laisser reposer, il n'en vouloit rien faire, and le tourmentoit sans cesse, luy disant, Commande moy quelque chose: and qu'il estoit venu à Paris pensant qu'il le peust abandonner, ou qu'il peust trouuer remede à son mal, soubs ombre d'vn procez qu'il estoit venu solliciter. I'apperçeu bien qu'il n'osoit pas me decouurir tout. Ie luy demanday, quel proffit il auoit eu de s'assujettir à vn tel maistre: il me dist qu'il pensoit paruenir aux biens, and honneurs, and sçauoir les choses occultes, mais que l'esprit l'auoit tousiours abusé, and pour vne verité qu'il disoit trois mensonges: and que l'esprit ne l'auoit iamais sceu enrichir d'vn double, ny faire iouïr de celle qu'il aymoit, qui estoit la principalle occasion, qui l'auoit induict à l'inuoquer. Et qu'il ne luy auoit appris les vertus des plantes, ny des animaux, ny des pierres, ny autres sciences secrettes, comme il esperoit, and qu'il ne luy parloit que de se venger de ses ennemis, ou faire quelque tour de finesse and meschanceté. Ie luy dis qu'il estoit facile de se deffaire d'vn tel maistre, and si tost qu'il viendroit, quil appellast le nom Book 2 - Chapter 4 Page 221

de Dieu à son ayde, and qu'il s'addonnast à seruir Dieu de bon cueur. Depuis ie n'ay veu le personnage, ny peu sçauoir s'il s'estoit repenty. Il appelloit son esprit son petit maistre. Car Sathan pour abuser les hommes a tousiours cherché de beaux mots, comme d'Esprit familier, and blanc Demon, and petit maistre, par ce que les mots de Sathan, and Diable sont odieux: Et la pluspart des Sorciers l'appellent petit maistre, comme i'ay leu au liure de Paul Grilland Italien, qui en a faict executer plusieurs à mort. Nous auons dict de ceux, qui inuoquent les malins esprits à leurs ayde, pour leur commander and les auoir en leur puissance, ou qui les achetent pour s'en seruir, cõbien que les marchants se trouuent asseruis d'vne cruelle seruitude: and qui font les inuocatious par ceremonies, sacrifices, and parolles propres à cela, lesquelles ie n'ay voulu mettre par escrit, combien qu'il y en a trop d'imprimez, and par beaux priuileges: au lieu que on deuoit faire brusler les autheurs, and leurs ouurages: c'est la cause pourquoy en c'est uure ie me suis efforcé de couurir and cacher ce qui peut donner la moindre occasion aux Esprits curieux de faire essay de telles meschancetez: ains seulement i'ay declaré ce qui peut seruir à l'instruction des Iuges, and de ceux qui pourroient tomber en la fosse par les piperies de Sathan: Disons maintenant de ceux, qui outre les inuocations renoncent expressément à Dieu leur Createur, and à toute Religion and promettent seruir le Diable, and qui sont marquez de luy. Page 222

De ceux qui renoncent à Dieu, and à leur Religion par conuention expresse, and s'ils sont transportez en corps par les Demons. CHAP. IIII. La difference d'entre les Sorciers est bien fort notable, and qui doibt estre bien entenduë pour la diuersité des iugeme (02) s qu'il faut donner: mais les plus detestables Sorciers, sont ceux, qui renoncent à Dieu, and à son seruice, ou s'ils n'adorent pas le vray Dieu, ains qu'ils ayent quelque Religion superstitieuse, qui renoncent à icelle, pour se donner au Diable par conuention expresse. Car il n'y a Religion si superstitieuse, qui ne retienne aucunement les hommes és barrieres de la Loy de nature, pour obeïr aux peres and meres, and aux magistrats, auec vne crainte de mal-faire à personne. Or Sathan veut arracher du cueur des hommes toute crainte d'of fencer. Et quant à la conuention expresse elle se fait quelquesfois verballement, and sans Escriture. Et quelquesfois Sathan, pour s'asseurer de ses gens, deuant qu'ils puissent obtenir ce qu'ils demandent, s'ils sçauent escrire, il leur fait escrire l'obligation and signer, and quelquesfois leur fait signer de leur sang, à la forme des 2 anciens, qui en vsoient ainsi pour asseurer les coniurations, and amitiez: Comme nous lisons au second liure de Tite-Liue, and en Tacite des Roys d'Armenie: Ainsi fait Sathan auec les siens: Comme on recite d'vn certain Theophile, qui s'estoit ainsi obligé au Diable, and l'obligation escrite de son sang. Et n'y a -notes- 2Lmiur li. 2. Plutar.hus in Valerio Publicola. Page 223

pas long temps, c'est à dire l'an M.D. LXXI. entre ceux qui furent deferez Sorciers par l'aueugle, qui fut pendu à Paris, il y eut vn Aduocat, que ie ne nommeray point, lequel confessa qu'il auoit passé obligation au Diable renonçeant à Dieu, and icelle signee de son propre sang. Toutesfois ceux qui veulent adoucir le faict disent qu'il n'y auoit que vne procuration passee à l'aueugle pour consacrer le libure des Esprits pour cõtraindre les Demons and trouuer les Tresors. Encores s'est il verifié par plusieurs procez, que l'obligation reciproque entre le Diable, and le Sorcier, contient quelquesfois le terme d'vn an, deux ans, ou autre temps: Et tel y à qui demande la puissance de guerir du mal des dens, and l'autre de la fiebure quarte, ou d'autre maladie à la charge de tuer, ou faire mourir les autres, ou de faire autres sacrifices abhominables. Si le Diable se defie de ceux qui se donnent à luy iamais, pour paruenir à quelque chose qu'ils ne quittent son seruice, il ne se contente pas de les faire renoncer expressement à Dieu: ains il veut aussi les marquer, comme à noté Daneau en son Dialogue des Sorciers: mais ceux qui s'adonnent à luy de bon cueur, and qu'il cognoist fermes en leurs promesses, il ne les marque poinct, comme dit le mesme autheur. Par les procez faits par les inquisiteurs au terroir de Constance, and autres licux circonuoisins qui sont redigez in Malleo, and de l'inquisiteur Cumanus, au pays Millannois, il se trouue qu'il y a deux abiurations and professions: l'vne publique l'autre particuliere. Ils appellent publique qui se faict en l'assemblee des Sorciers: and la particuliere qui Page 224

se fait és lieux particuliers, quand on inuoque le Diable ou qu'il se presente sans estre inuoqué: soit forme d'homme noir, ou fort pale, comme il faict le plus souuent: soit en forme de chien, comme il apparut à Abel de la Ruë, estant ieune Cordelier à Meaux, ainsi qu'il a confessé deuant qu'il fust condamné à mort, par Arrest de la Court de Parlement confirmatif de la sentence du Iuge de Colomiers, le 30. Iuillet 1582. estant aux chambres aisees entre cinq, and six heures du soir despit d'auoir esté batu: le Diable, s'aparut en chie (02) noir luy disant qu'il n'eust point de peur, and qui se donnast à luy, and qu'il n'auroit iamais mal: and celà fait disparut: six semaines apres il luy apparut en figure d'homme blesme, and effroyable à voir auec l'alaine, and le corps puant, habillé de noir, and les pieds de vache: qui luy dist qui se fiast en luy, and le transporta soubs vn gibet: ie laisse le reste. Quant aux marques, c'est bien chose certaine, and que les Iuges voyent ordinairement, si elles ne sont bien cachees: comme i'ay sceu d'vn gentilhomme de Valoys, qu'il y en a qui ont la marque entre les lebures, les autres soubs la paupiere, comme escrit Daneau, les autres au fondement, quãd ils craignent estre decouuers, and ordinairement sur l'espaule dextre, and les femmes sur la cuisse, ou bien soubs l'esselle ou bien aux parties honteuses. Aubert de Poictiers Aduocat en Parlement m'a dict qu'il auoit assisté à l'instruction du procez d'vn Sorcier mareschal de Chasteau Thiery, qui se trouua marqué sur l'espaule dextre, and le iour suyuant le Diable luy auoit effacé la marque. Tertullian à ce propos dict que le Page 225

Diable a de coustume de marquer les siens libro de coronà militis Christiani: and de Baptismo, and in libro, de velandis virginib. and Hyppolite martyr in orat. de consummat. mundi. escrit ces mots parlant du Diable, Adducet eos ad adorandum ipsum, ac sibi obtemperantes sigillo suo notabit. Ie mettray plusieurs exemples pour confirmation de celà. M. Claude Doffay Procureur du Roy à Ribemont m'a dict, qu'il auoit veu la marque de Iehanne Heruillier Sorciere, de laquelle il m'a enuoyé tout le procez, and le iour suyuant la marque se trouua effacee. Celuy qui fut condamné par le Preuost de l'Hostel M. D. LXXI. qui s'appelloit Des-eschelles du Mayne, ayant obtenu grace, pour reueler ses complices, quand on le menoit és assemblees, il recognoissoit ceux, qu'il auoit veuz aux Sabbats, ou bien par quelque autre marque, qu'ils sçauent entre-eux. Et pour verifier son dire, il disoit qu'ils estoient marquez, and qu'on trouueroit la marque en les despouillant: and de faict on trouuoit qu'ils estoient marquez comme de la patte ou piste d'vn lieure, qui estoit insensible, en sorte que les Sorciers ne sentent poinct les poinctures, quand on les perce iusques aux os au lieu de la marque. Mais il s'en trouua si grand nombre riches, and pauures que les vns firent eschapper les autres: en sorte que ceste vermine à tousiours multiplié auec vn tesmoignage perpetuel de l'impieté des accusez, and de la souffrance des Iuges, qui auoient la commission, and charge d'en faire les procez. Le Seigneur de Pibrac m'a recite que son frere Chancelier Page 226

du Roy de Nauarre ne pouuant croire que telle marque fust possible ou insensible il voulut en voir l'experience d'vne à la quelle en sa presence on percza la mar que d'vn poinczon de fer ardent sans quelle fist semblant de sentir douleur. Et lors qu'on la piquoit autre part elle crioit tout haut. Encore est il plus estrãge que la pluspart des Sorciers ne se contentent pas de renoncer à Dieu, ains encores ils se font baptizer au nom du Diable, and nommer par vn autre nom, qui est la raison, pourquoy les Sorciers ont ordinairement deux noms. Et faict bien à noter qu'il ne faut que vn Sorcier, pour en faire cinq cens. Car pour faire chose la plus agreable au Diable, and auoir paix à luy quand on c'est donné à luy, c'est d'attirer beaucoup de sujets. Et ordinairement la femme y attire son mary, la mere y meine sa fille, and quelquesfois toute la famille continuent plusieurs siecles ainsi qu'il a esté aueré par infiniz procez. Comme aussi anciennement il y auoit des familles en Afrique, and en Italie, qui faisoient mourir en regardant, ou loüant les personnes, ainsi que Solin, Memphodore, Pline, Gellius, and Isigone escriuent. Ce que Aristote a remarqué aux Problemes, XX. section, Probleme XXIIII. qu'on protestoit deuant que loüer que cela ne peut nuyre à personne. Ce que les Italiens disent aussi quand ils voyent qu'on louë quel qu'vn à pleine bouche: Di gratia no glidiate mal d'ochio. ce que les Sorciers font à propos and sans propos. Pour à quoy obuier les Latins portoyent vne couronne d'herbe, qu'on dict Baccar ou grands nostre Dame comme dit Virgile, Baccare frontem cingite ne vati noceat mala lingua Page 227

futuro. Car tout ainsi que la vraye louange est propre à Dieu seul: aussi est il certain que si l'homme est loué sans rapporter la louange au Createur, il aduient que ceux qui sont louez par trop s'esgayent en se glorifiant: and lors Sathan les transporte à pleins voiles és precipes de leur ruine ineuitable. Mais passons outre. Le Docteur Grilland Italien, and les cinq Inquisiteurs, qui ont fait le procez à plusieurs Sorciers en Allemaigne, and en Italie, s'accordent aux procez qu'on à faict en ce Royaume à ceux qui en ont esté conuaincus. Et mesmement à Lyon, à Loches, au Mans, à Poictiers, à Sanlis, à Paris. Iehan Chartier, qui a composé l'histoire de Charles septiesme dict, que Guillaume Edelin Docteur de la Sorbonne fut condamné comme Sorcier la vigile de Noël, M. CCCC. LIII. and confessa qu'il auoit esté plusieurs fois la nuict transporté aux assemblees des Sorciers, and illec renoncé Dieu, and adoré le Diable en figure de bouc, le baisant au fondement. Il est besoing de verifier ce poinct par exemples notables, pour faire entendre le Canon Episcopi XXVI. q. v. du Concile d'Anquicence sur lequel plusieurs se sont abusez: encores, qu'il ne soit pas d'vn Concile general, ny approuué par les Theologiens. Mais pour esclaircir ce que i'ay dict, il n'y à procez plus notable, que le procez de la Sorciere de Loches, qui est de fresche memoire. Car comme il y eut vn pauure homme, lequel apperçeut, que sa femme s'absentoit la nuict par fois, and demeuroit bonne partie de la nuict, and sur ce qu'elle disoit aller à ses necessitez, and tantost chez sa voisine, pour faire la lessiue, and que son mary l'eust Page 228

conuaincuë de menterie ayant sinistre opinion qu'elle se debauchast, la menassa de la tuer, si elle ne luy disoit où elle alloit. Se voyant en danger, elle luy dist la verité, and pour en faire preuue: Si vous voulez, dist elle, vous y viendrez, and luy bailla de l'onguent, duquel ils se gresserent tous deux: and apres quelques parolles, le Diable les trãsporta de Loches aux landes de Bourdeaux, qui sont pour le moins à quinze iournees de Loches. L'homme se voyant en la compagnie de grand nombre de Sorciers and Sorcieres incogncuës, and de Diables hydeux à voir en figure humaine, commença à dire, mon Dieu ou sommes nous? Aussi tost la compagnie disparut, and se trouua tout nud, errant tout seul par les champs iusques au matin, qu'il trouua quelques païsans, qui l'addresserent au chemin. Estant de retour à Loches, il s'en va droict au Iuge Criminel, lequel ayant ouy l'histoire, feit prendre la femme, qui confessa de poinct en poinct tout ce que nous auons dict, and sans contrainte recogneut sa faute. Il se trouua aussi à Lyon vne damoyselle depuis peu d'annees, laquelle se leua la nuict, and allumant de la chandelle print vne bouette, and s'oignit, puis auec quelques paroles elle fut transportee. Son paillard estant couché auecques elle, voyant ioüer ce mystere, prend la chandelle, and cherhe par tout, and ne la trouuant poinct, ains seulement la bouette de gresse par curiosité de sçauoir la force de l'onguent fit, comme il auoit veu faire, and soudain fut aussi transporté, and se trouua au pays de Lorraine auec la compagnie des Sorciers, où il eut frayeur: mais si Page 229

tost qu'il eut appellé Dieu en son ay de, toute la compagnie disparut, and luy se trouua seul tout nud, qui s'en retourna à Lyon, où il accusa la Sorciere, qui confessa, and fut condamnee à estre bruslee. Il en print autant n'a pas loug temps à vn gentilhomme pres de Melun, qui fut induict par son meusnier, and aussi par curiosité alla à la compagnie de Sorciers: and d'autant qu'il trembloit de peur, encores qu'il n'appellast poinct Dieu, si est ce que le Diable dist alors à haute voix: Qui à peur icy? Le gentilhomme voulant se retirer, toute la compagnie disparut. Depuis qu'il fut de retour, il voulut accuser le Sorcier, qui en fut aduerty, and s'enfuit: ce qui est dict touchant la peur, ce peut mieux entendre par le procez faict aux Sorcieres de Valery en Sauoye, où la fille confessa que son pere and sa mere la premiere fois qu'ils la menerent aux assemblees pour estre transportez soudain, ils luy baillerent vn baston pour mettre entre ses iambes en luy disant, que sur toutes choses elle n'eust aucune peur and soudain elle fut transportee auec ses Pere and mere.G1 Le procez est imprimé en la derniere impression du liure de Daneau, lequel procez est de l'an M.D.LXXIIII. comme nous dirons tantost. Il y en a qui portent quelque poille, ou autre vaisseau de cuyure, ou d'argent pour mieux solennizer la feste: à quoy se rapporte vn article au LXVII. chapitre des Loix Saliques, où il est dit, Si quis alterum hæreburgium clamauerit, hoc est strioportium, aut qui æneum portare dicitur, vbi stria concinant, and conuincere non poterit, soluat solidos LXII. and le mot de stria, and striges, signifie Sorcieres courant -notes- G1Daneau. Page 230

apres les Diables. Olaus le Grand au liure III. chap. XI. dict que vers les peuples de Septentrion on voit en plusieurs lieux ces danses de Diables, and d'elues ou Sor cieres. Et Pomponius Mela au liure III. dict que cela est ordinaire au mont Atlas, and Solin au 38. liure chap. 44. and Pline au premier liure chap.5. and Pausanias in Achaicis, dict le semblable du mont Parnasse ou l'on oyoit aux festes des Bachanales toute la montaigne retentir de danses, Cymbales, Satyres, Dryades, Hamadryades, Oreades. l'ay leu quasi chose semblable en Paul Grilland Iurisconsulte ltalien, qui a faict le procez à plusieurs Sorciers, lequel escrit que l'an M. D. XXVI. aupres de Rome il y eut vn païsant lequel ayant veu sa femme se gresser la nuict toute nuë, and puis ne la trouuant plus en sa maison, le iour suiuant il prend vn baston, and ne cessa de frapper iusques à ce qu'elle eut confessé la verité: ce qu'elle fist, requerant pardon. Le mary luy pardonna, à la charge qu'elle le meneroit en l'assemblee qu'elle disoit. Le iour suyuant la femme le fist oindre de la gresse qu'elle auoit, and se trouuerent tout deux allant à l'assernblee sur chacun vn bouc bien legerement. Mais la femme aduertit l'homme se garder bien de nommer Dieu, si ce n'estoit par mocquerie, ou en le blasphemant. Car ils demeurent tous d'accord, que le Diable soudain laisse celuy qu'il porte par les chemins, qui monstre bien que la gresse ny faict rien, and que le Diable les transporte plus soudain que vn traict d'arc, and comme dict sainct Augustin, Dæmones auium volatus incredibili celeritate vincunt. Et encores plus les Anges, celestes ausquels pour Page 231

ceste cause la Saincte Escriture, pour signifier leur celerité incomprehensible, donne six ailes. Se voyant en l'assemblee, la femme le fist tenir vn peu à l'escart, pour voir tout le mystere, iusques à ce qu'elle cust fait la reuerence au chef de l'assemblee, qui estoit habillé en Prince pompeusement, and accompagné d'vne grãd multitude d'hommes, and de femmes, qui tout firent hommage au Maistre. Et puis il apperçeut, apres les reuerences, qu'on fist vne danse en rond les faces tournees hors le rondeau, en sorte que les personnes ne se voyoyent pas en face, comme és danses ordinaires: à fin peut estre que les vns n'eussent loisir de remarquer si aysement, and recognoistre les autres pour les accuser, s'ils estoient pris par Iustice. Et quand à ce poinct le Sorcier Des-eschelles à qui le Roy Charles IX. donna la grace pour accuser ses compagnons, dist au Roy, en presence de plusieurs grands Seigneurs, que les Sor ciers estoient transportez aux assemblees, où il se trouue nombre infiny de telles gens qui adorent le bouc, and le baisent aux parties de derriere, and puis dansent dos à dos sans se voir, and apres ils se couplent auec les Diables en figure d'hommes, and de femmes. La danse que i'ay dict finie les tables furent couuertes de plusieurs viandes. Alors la femme fist approcher son mary, pour faire la reuerence au Prince, and puis il se met à table auec les autres, and voyant que les viandes n'estoient salees, and qu'il n'y auoit poinct de sel sur les tables, il cria tant qu'on luy apporta du sel, comme il luy sembla à voir, and deuant que l'auoir gousté il dist: hor laudato sia Dio, pure venuto questo sale, Or Page 232

loué soit Dieu, puis que le sel est venu. Si tost qu'il eut dict, loué soit Dieu, soudain tout disparut and personnes, and viandes, and tables, and demeura seul tout nud, avant grand froid, ne sachant où il estoit: le iour venu il trouua des bergers ausquels il demanda où il estoit, qui luy dirent qu'il estoit au Comté de Beneuent. Qui est le plus beau domaine du Pape souz vn grãd noyer, loin de Rome de cent mil, and fut contrainct mandier pain, and habits, and l'huitiesme iour il arriua en sa maison fort maigre and defait, and alla accuser sa femme, qui en accusa d'autres, qui furent bruslees toutes vifues, apres auoir confessé la verité. Le mesme autheur recite encores, qu'il aduint l'an mil D. X X X V. que vne ieune ieune fille au Duché de Spolette, agee de X I I I. ans fut ainsi conduicte par vne vielle Sorciere à l'assemblee, and s'estonnant de voir telle compagnie, elle dict, Dio benedetto che cosa e questa? Dieu beneist, qu'est cecy? Elle n'eut pas si tost dict ceste parolle, que tout s'esuanouït: Et la pauure fille au matin fut trouuee par vn païsan, auquel elle conta toute l'histoire, qui depuis la renuoya en son pays, où elle accusa la Sorciere, qui fut bruslee toute vifue. Quand à ce qu'il dict, que les assemblees se faisoient souz vn grand noyer, i'ay remarqué en plusieurs histoires: and procez que les lieux des assemblees des Sorciers sont notables, and signalez de quelques arbres; ou Croix, comme au procez des Sorciers de Poictiers qui furent bruslez l'an M. D. LXIIII. il fut trouué qu'ils s'assembloient aupres de certaine Croix cognuë en tout le païs, and à la quelle des cent ans au parauant les Sorciers s'assembloient, Page 233

comme le President Saleuert ma dict, qu'il fut trouué par les anciens and Registres de plus de cent ans. Et à Maubec pres Beaumont de Lomaigne à huict lieux de Tolose il fut verifié que les assemblees des Sorciers se faisoient à la Croix du paste, and dansoient, comme ils font ordinairement és autres lieux, and l'vne d'icelles appellee Berõde, estant sur le point d'estre bruslee: sur ce qu'elle fut confrontee à vne damoiselle qui vouloit nyer qu'elle y eust esté, luy dist: No sabes tu que le derrain cop que nous hemes le baran à la Croux do pastis, tu portaos lo topin des poudoux? C'est à dire. Ne sçais tu pas que la derniere fois que nous fismes la danse à la Croix du paste, tu portois le pot des poisons? Ceste Sorciere Beronde fut bruslee toute vifue. Et quand au transport i'ay leu que celà se faisoit apres les onctions, and souuent sans onction: tantost sur vn bouc, tantost sur vn cheual volant, tantost sur vn ballet, tantost sur vn baston, tantost sans aucun baston, ny beste and souuent sans onction, and les vns y vont nuds comme font la plus part pour se graisser ainsi que nous auons dit, les autres vestus, les vns la nuict, les autres le iour: mais ordinairement la nuict, and le plus souuent entre la nuict du Lundy and Mardy nous dirons en son lieu la raison. Et à ce propos Paul Grilland au liure des Sortileges dict que l'an M. D. XXIIII. il fut prié par vn Seigneur d'aller au chasteau S. Paul, Duché de Spolette, faire le procez à trois Sorcieres. La plus ieune souz promesse d'eschaper, luy confessa qu'il auoit XIIII. ans passez, que vne vieille Sorciere l'auoit mence en l'assemblee des Sorciers, où il y auoit vn Diable Page 234

qui luy fist renonçer à Dieu, and à sa foy, and Religion promettant auec serment d'estre fidelle, and obeïslante à tous les commandemens du Diable, touchant sur vn liure, qui contenoit quelques escritures fort obscures: Et qu'elle viendroit tousiours aux festes la nuict, quand elle seroit mandee, and que elle y ammeneroit tous ceux qu'elle pourroit: Et le Diable luy promit vne ioye, and felicité eternelle. Elle confessa aussi que depuis elle auoit faict mourir quatre hommes, and plusieurs fois du bestail, and faict gister les fruicts par la tempeste. Et s'il luy aduenoit qu'elle n'allat aux assemblees au iour prefix, and qu'il ny eust excuse veritable, elle estoit si tourmentee la nuict, qu'elle ne pouuoit dormir, n'y reposer aucunement. Et quand il failloit partir pour y aller, elle oyoyt la voix d'vn homme, qu'elles appelloient leur petit maistre, and quelquesfois maistre martinet, and apres qu'elle c'estoit ointe de certain onguent, elle montoit sur vn bouc, le tenant par le poil, qui se trouuoit tout prest à la porte, and soudain elle estoit transportee soubs le grand noyer de Beneuent, où il se trouuoit vne infinité de Sorciers and apres auoir faict l'hommage au Prince, on dansoit: puis on se mettoit à table, and en fin chacun Demon se couploit auec celuy ou celle qu'il auoit en garde. Et celà fait chacun s'en retournoit sur son bouc. Et en outre [quae] (16) particulierement elles adoroie (02) t le Diable en leurs maisons: Apres lesquelles cõfessions elles furent confrõtees, and encores d'autres accusecs and confessees furent bruslees toutes viues auec leurs poudres and vnguents. Nous lisons vn autre histoire rece (02) te au III. liure d'Anthoine de Page 235

Turquemede Espaignol, entre plusieurs qu'il escrit, que vn Sorcier voulãt persuader vn sien compagnon, qu'il seroit le plus heureux du monde, s'il vouloit le croire and aller aux assemblees des Sorciers: Le compagnon l'accorda, and la nuict venuë, le Sorcier apres quelques paroles, le print par la main, and tous deux esleuez en l'air furent trãsportez fort loin en vne compagnie, où il y auoit nombroinfiny d'hommes, and de femmes, and au milieu vn throne, and au dessus vn grand Bouc que chacun alla baiser (la parte ma suzia que tenia) ceux qui entendent l'Espagnol sçauent bien quelle partie c'est. Ce que voyant le nouueau apprentif, dist à son compagnon Sorcier: Ie perds patience, and comme (02) ça à crier dist l'Autheur, (Dios à muy grandes bozes,) c'est à dire, qu'il appella Dieu à haute voix. Alors il vint vn tourbillon, and tempeste impetueuse à merueilles, and tout disparut, and luy demeura tout seul, and fut trois ans deuant que de pouuoir estre de retour en son pays. Il n'y-a pas long temps que au pays du Maine, il en fut bruslé plusieurs, qui confessoyent aller aussi souuent au Sabbath la nuict, and faire les mesmes choses, que i'ay recitees, dont les registres de la Iustice sont chargez recentement, and le procez enuoyé en plusieurs lieux, que ie trancheray plus court, pour estre chose assez notoire, parce qu'il ny auoit pas moins de trente Sorciers, qui s'entre-accuserent par enuie les vns des autres: Et leurs confessions s'accordoyent au transport, and à l'adoration du Diable, and aux danses, and aux renonciations à toure religion. Nous auons aussi de fraische memoire les Page 236

procez des Sorciers de Valery en Sauoye, faict l'an 1574. duquel Danneau a faict l'extraict assez ample, ou l'on peut voir que le Diable en tout lieu, est semblable à soy-mesme: car par la confession des Sorcieres de Valery, and confrontation des vnes aux autres, on voit le transport en corps sur vn baston seulement sans onction, puis l'abiuration de Dieu, l'adoration du Diable, les danses, festins, and le baiser aux parties honteuses de Sathan en guise de beste, puis l'obligation de faire mille maux, and les poudres qu'on bailloit à chacun, and que l'vne auoit faict X X X. ans ce mestier. Et quasi tousiours le Diable se monstroit en guise d'homme, fort noir and hideux, and que les peres and meres y attirerent leurs enfans, le procez est en la derniere edition de Lambert Danneau. Quant aux viandes, and perfonnes qui s'efuanouissent, nous en auons vn tesmoingnage en Philostrate Lemnien, autheur Grec, que Apollonius Thianæus estant entré en vne maison, où les Sorciers faisoient de semblables festins, les menassa aigrement, and soudain tout disparut, tables, viandes, personnes, and meubles, and ne se trouua que vn ieune homme que les Sorciers auoient nouuellement seduict. Le mesme faisoir Pases en Grece, and vn fameux Sorcier de la basse Bretaigne, nommé Eon, qui faisoit soudain seruir ceux qui le venoient voir, de viandes exquises, comme à la table du Soleil en Afrique, and hors de là ils mouroient de faim. Il fut emprisonné du temps d'Eugene Pape, aiant esté au Concil de Rheims, and mourut en prison l'an 1148. Vniour il monstra de grans thresors à vn qui Page 237

le vint voir. Il estoit soudain transporté de lieu en autre, and auoit des disciples qu'il appelloit l'vn sapience, l'autre prudence, l'autre science, l'autre iugement, cõme Valentin ancien auoit ses disciples qu'il nommoit [Greek omitted]. Il estoit Hermite. Et faict bien à noter, que les plus grands Sorciers ont esté Prestres, ou Moynes, ou Iuifs. Et sans aller si loin, plusieurs sçauent, qui sont encores plein de vie, que l'vn des Comtes d'Aspremont traictoit, and receuoit magnifi quemét toutes les compagnies qui venoient en sa maison, and receuoient vn grand contenteme (02) t des viandes exquises, du seruice, and de l'abondance de toutes choses, Neantmoins quand les hommes, and cheuaux auoient sorty de sa maison, ils mouroient de faim and de soif. Ce que i'ay sçeu de plusieurs personnes qui sont encores en vie. Tel estoit le Cõte de Mascon, des plus grãds Sorciers de son temps, lequel nous trouuõs en nos histoires2 auoir esté appellé par vn hõme lors qu'il traittoit à sa table grande compagnie, and n'osant desobeir à Sathã, il trouua vn cheual noir à la porte qui l'atte (02) doit, sur lequel il fut soudain porté auec l'hõme, and disparut sans iamais plus estre veu. Le se (02) blable aduint à Romule, comme recite Plutarque, lors qu'il estoit au champ du Marais de la chéure, il vint vn tourbillon de te (02) peste par lequel il fut esleué, and ne fut iamais veu depuis, ce qui fut certifié and attesté par les Princes and Seigneurs, qui l'accostoyent en grand nombre, mesmes pour confirmation de son dire, il adiouste deux autres exemples semblables, l'vn d'Aristeus Proconesien, and l'autre Cleomede Astypaleam. -notes- 2Hugo Floriacen. Page 238

S. Gregoire au Dialogue 4. recite que le Diable emporta l'enfant visibleme (02) t d'entre les bras du pere, pour les blasphemes qu'il faisoit. Philostrate Le (02) nien dit le semblable cas estre aduenu à Appollonius Thianeus, qu'il a voulu deifier par ce moyen, quoy qu'il fust en reputation d'estre le plus grand Sorcier de son aage: and d'autant qu'il y en a quel ques-vns qui se veulent preualoir d'vn Concil national, ou Conciliabule d'Anquirense, que nous auons remarqué cy dessus, i'ay bien voulu remarquer les Theologiens2 qui sont d'accord, que le Diable transporte les Sorcieres en corps. I'ay demonstré cy dessus, que sainct Augustin, sainct Basile, Origene aux liures [Greek omitted], ont tenu comme Aristote, Platon, Plotin, Iamblique, Procle, Apulee, que les Dæmons sont corporels, and qu'on ne peut faillir de tenir ceste opinion-là, qu'elle estant veritable, faict cesser toutes les sophisteries and arguments de ceux qui veule (02) t soustenir que le trãsport corporeln'est pas vray. Car le mouue (02) t and actiõ sera de corps à corps, voire de corps eleme (02) taire à corps elementaire: and d'vn mouueme (02) t local, and S. Basile dit, que les Anges ont des corps celestes qui est l'aduis d'Alexãdre Aphrodisee [quae] (16) les anges and Dæmõs sont corporels. Ie mets beaucoup d'authoritez de plusieurs peuples and nations, à fin que la verité soit mieux esclarcie, and partant d'exemples si souuent, experimentez, non par songes, n'y resueries, mais par iugemcns contradictoires, par coaccusations des complices, recriminations, recolements, conuictions, confrontations, confessions, condemnations, executions. Entre lesqu'elles -notes- 2Aug. li. 10. and 21. de ciui. Dei. Thomas Aquin, in Su (05) ma, secu (05) da, secundæ. q.95. Arti. 5. tit.de superstit. and in trac. 4 4 pri mæ partis.q.8. tit. de miræ. et q.16.art.5. and 6 and in tit. de Dæmonib. Bonouetu. in 3. sent. dist. 19 q. 3. Paulus Gril læd.li. de sortile sectione 7. nu 4. Sylue st. Prier in tract. de strigib. dæmon. li.I.c. penul. and lib 2. ca. 1. Sprãger in malleo maleficarum. Page 239

il y en a d'Alemaigne vne memorable, que recite Ioachim de Cambray, au liure de Natura dæmonu (05) , qui dit qu'vn boucher allant la nuict par vn bois, oyãt le bruit, and les danses il suit, and approcha, où il apperceut des coupes d'argent, qu'il print apres que soudain tous les Sorciers, and Diables disparurent, and les porta le iour suyuant au magistrat: lequel fist venir ceux de qui les coupes portoient les marques, and accuserent les autres, qui furent executez. L'autre exemple est encores plus insigne d'vne execution, qui a esté faicte à Poictiers l'an mil cinq ce (02) s soixante and quatre, qui m'a esté recité, estant sur les lieux, and depuis encores par Saluert President de Poictiers, qui fut appellé au iugeme (02) t auec Dauenton alors President de Poictiers, and autres Iuges, and qui est assez notoire en tout le pays. Trois Sorciers and vne Sorciere furent condamnez, and bruslez tous vifs, estant conuaincus d'auoir faict mourir plufieurs personnes and bestes, and comme ils confesserent aussi par le moyen du diable, qui leur administroit les poudres, pour enterrer sous l'esueil des estables, bergeries, and maisons, and declarerent qu'ils alloient trois fois l'an à l'assemblee generalle, ou plusieurs Sorciers se trouuoient pres d'vne croix d'vn carrefour qui seruoit d'enseigne. Et la se trouuoit vn grand bouc noir, qui parloit, comme vne personne aux assistãs, and dansoie (02) t à l'entour du Bouc: puis vn chacun luy baisoit le derriere auec vne chandelle ardente: and cela faict, le bouc se consommoit en feu, and de la cendre chacun en prenoit pour faire mourir le b uf, ou vache de son ennemy, à l'autre la brebis, à l'autre le cheual, à l'autre Page 240

pour faire languir, à l'autre pour faire mourir les hommes. Et en fin le diable leur disoit d'vne voix terrible ces mots, Vengez vous ou vous mourrez: cela faict chacun s'en retournoit à l'ayde du diable, comme ils estoient venus. Il faict bien à remarquer qu'ils estoient tenus d'aller trois fois l'an faire ce sacrifice au diable, contrefaisant le sacrifice du Bouc, porté par la loy de Dieu au Leuitique chapitre seiziesme, and le cõmandement qui portoit que tous les masles deuoient cõparoistre deuãt Dieu trois fois l'ã aux trois festes solennelles. Le President Saluert homme d'honneur me dist plus qu'il se trouua és anciens registres, qu'il y auoit cent ans, qu'on auoit condamné des Sorciers pour semblable cas, and pour semblables confessions, and au mesme lieu de la croix portee par le procez. Les deux se repentirent, les deux autres moururent opiniastres. Mais de tous les procez il n'y en a poinct de plus digne d'estre leu que celuy d'Abel de la Rue, qui fut executé à mort, par arrest de la court, mil cinq cens octante deux, non tant par les preuues des tesmoings, que par sa propre confession, où l'on peut veoir la naifue verité: comme ayant esté choisy par Sathan entre les ieunes Cordeliers de Meaux, and baillé au berger de Vaucourtois, le plus grand Sorcier du pays: enuiron la feste de Noel, sur les onze heures de nuict, le diable vint par la cheminee, faisant vn bruit effroyable, and comme s'il eust tonné, and luy demandit s'il se fioit pas en luy, and s'il ne vouloit pas venir à l'assemblee, and l'ayant consenty il fut porté auec le berger apres s'estre frottez de graisse trespuante Page 241

sous les aisselles, and a la paume de la main, and comme ils estoient transportez, il y auoit vn flambeau qui alloit deuant, and au lieu où ils furent transportez se trouuerent soixante personnes ou enuiron qui se trouuerent tous vestus de toile noire: and lors commencerent a baloyer leur place: and soudain vn grand Bouc puant fe trouua là, grondant and mugissant au milieu de la danse laquelle se faisoit la face tournee, hors de la danse, and apres auoir dansé demie heure ils se mirent tous a genoux: and le berger luy dist qu'il failloit adorer le Bouc, and que c'estoit le diable, and lors le Bouc courba ses deux pieds de deuant, leuant le cul hault and cela faict, qu'il seroit tombé d'enhaut des graines qui sentoient le souphre and la charongne fort puante, sur des linges, que chacun auoit mis en la place baloyee, and cela faict, que le plus vieil de l'assemblee tout chenu, portant vne longue barbe blanche auroit commencé d'aller a genoux vers le Bouc, luy baiser la partie honteuse, and cela faict, se leua sur fes pieds recueillant le drapeau ou estoit la poudre, and retourna en sa place, and chacun fist comme le premier: and luy y fust aussi le dernier, and que le Bouc luy demanda ce qu'il vouloit and qu'il fist response qu'il ne desiroit que nouer l'esguillette, a ceux qui luy feroient mal, ce que le Bouc accorda, and le berger luy dist que s'il vouloit se venger, il luy bailleroit de ladicte poudre, and qu'il eust fiance au diable, and seroient retournez comme ils estoient venus, ayant le flambeau deuant eux: and tousiours le Diable l'auertissoit de se venger, and que le berger luy monstra Page 242

la façon de nouer l'esguilletre, and que six mois apresà la fainct Iean ils allerent encores à l'aflemblee qui se fist à Chancoin, pres Dammartin, à la mesme heure qu'ils auoient esté transportez à Challandost, and en mesme distance de cinq lieues, and que le diable vne autrefois s'apparut à luy en femme fort hideuse, and puãte eut sa compagnie charnelle and qu'il l'auroit incité souuent à le tuer. I'ay leu aussi l'extraict du procez des Sorcieres de Potez, qui m'a esté cõmuniqué par maistre Adrian de Fer lieutenant general de Laon, qui porte la confession d'icelles, comme elles furent transportees aupres de Longny au moulin Frenquis, and en disant certains mots, que ie ne mettray poinct, auec vn balet on ramon, and trouuerent les autres qui auoie (02) t chacun vn ramon, en main, and six dix diables auec eux, qui sont la nommez. Et apres auoir renoncé à Dieu, elles baiserent les diables en forme humaine, and toutesfois bien fort hideux à voir, and les adorerent, puis elles danserent ayãs leurs ramons en main, and en fin se couplerent les diables auec les femmes, and puis elles demanderent des poudres pour faire mourir du bestail, and fut arresté d'y retourner huict iours aprez, qui estoit le Lundy apres iour failly, and furent la enuiron trois heures, and puis r'apportees. I'auois oublié de dire que chacun Sorcier doit rendre compte du mal qu'il a faict sur peine d'estre bien batu: Et quant à ce dernier poinct, Bonin bailly de Chasteau-Roux estãt deputé pour le pays de Berry à Blois, me dist qu'il auoit faict brusler vne Sorciere accusee par sa fille, que la mere auoit menee aux assemblees, and l'auoit Page 243

presentee au diable pour l'instruire: mais entre autres villenies, elle confessa, qu'elles danserent autour du Bouc, and en fin que chacun rendoit compte de ce qu'il auoit faict depuis la derniere assemblee, and en quoy il auoit employé la poudre. L'vn disoit auoir tué vn enfant, l'autre vn cheual, l'autre auoir fait mourir vn arbre. Et par ce qu'il s'en trouua vne qui n'auoit rien faict depuis la derniere assemblee, elle cur plusieurs coups de bastons sous la plante des pieds, auecques vne mocquerie and risee de tous les autres. Et disoit qu'il faut auoir souuent des nouuelles poudres. Ce qui est conforme à ce que i'ay leu en vn autre procés d'vne Sorciere qui confessa, qu'elle n'auoit point de repos, si elle ne faisoit tous les iours quelque mal, quand elle n'eust cassé qu'vn vaisseau: mais vn iour sa maistresse l'ayant trouuee cassant vn vaisseau de terre de propos deliberé, elle confessa la verité, and qu'on la fist mourir, par ce qu'elle disoit qu'elle n'auoit point de patience, si elle ne faisoit mourir quelqu'vn, ou qu'elle ne fist quelque mal. Qui monstre bien que ce n'est pas la pouldre, mais Sathan, qui ne procure and ne cherche que la ruine du genre humain, and qui veut souuent estre seruy and adoré. Car la pouldre bien souuent se trouue vn ou deux pieds sous terre: Et me souuient que Fournier homme docte, and Conseillier d'Orleans, me disoit que le bruict commun, and notoire estoit qu'il se faisoit des assemblees de Sorciers pres de Clery, ou les Diables r'apportoient tout ce qui auoit esté faict en diuers pays par ce qu'ils minutent toutes Page 244

les actions des hommes. C'est le moyen que les Sorciers ont pour diuiner. La Sorciere, que i'ay dict, n'appella point de la sentence, disant qu'elle aimoit mieux mourir, que d'estre plus tourmentee du diable, qui ne luy donnoit point de repos: Mais il faict bien à noter qu'il ne se faict poinct d'assemblee, ou l'on ne danse, and par la confession des Sorcieres de Longny elles disoient en dansant, har, har, diable, diable, sauteicy, saute là, ioüe icy, ioue là: Et les autres disoient Sabath, Sabath, c'est à dire, la feste and iour de repos, en haussant les mains and balets en hault, pour testifier and donner vn certain tesmoingnage d'allegresse, and que de bon cueur ils seruent, and adorent le diable, and aussi pour contrefaire l'adoration qui est deuë à Dieu. Car il est bien certain que les anciens Hebrieux apportant leurs oblations au Temple, quand ils approchoient de l'autel, ils dansoient, comme a tresbien noté Dauid Kimhi2 sur le mot, haga [Hebrew omitted] qui signifie feste, and danse. Et Dauid pour vn grand signe d'allegresse dansoit en disant le Psalme quarante sept, and sonnoit de la harpe deuant l'arche. Et en cas pareil nous lisons que Samuel addressa Saul à la troupe des Prophetes, qui dansoient en louant Dieu auecques instruments de musique, laquelle est principalement donnee aux hommes pour louer Dieu d'vne pleine ioye and allegresse: mais le mouuement du corps estoit tel qu'il n'y auoit rien d'insolent, ains le doux mouuement du corps esleuoit le cueur au ciel, qui est la chose la plus aggreable à Dieu. Car il ne se peut faire que celuy qui chante louanges à Dieu de telle allegresse, -notes- 2Sur Psalme 41. Page 245

ne soit rauy d'amour and de zele à l'honneur de son Createur: and en tous les endroits des Psalmes, où il se trouue le mot Sela, qui est frequent: ceux qui le chantoient esleuoient leur voix auec le corps, comme Dauid Kymhi a noté sur les commentaires Hebrieux des Psalmes: iaçoit que ce mot signifie Eternité, comme l'interprete Caldean à tourné, and Symmachus and Theodociõ [Greek omitted] and Abrahã Alben-Esra tourne [Hebrew omitted] id est verè: and neantmoins tousiours les chantres se leuoient à ce mot. Les processions qu'on faict, monstrent encores, comme il semble, la marque des danses anciennes. Et encores a present és festes solennelles, ceux qu'on appelle chantres apres auoir entonné and commencé vn Psalme, ils vont balant au milieu du cueur, comme il se voit és Eglises Cathoques plus solennellement seruies. Vray est que la pluspart ne font que se pourmener: qui est aduenu par corruption de coustume de ceux qu'on mettoit en ceste charge qui ne sçauoient ny chãter ny baler: mais anciennement les chantres apres auoir entonné baloient sans chanter, la main dextre haute, and non vn baston tirant d'Orient en Occident, puis d'Occident, en Orient, and en fin s'approchoyent vis a vis l'vn de l'autre: à la mode des chantres tragiques, qui figuroyent les trois mouuemens des cieux, and les bastõs d'argent des chantres signifient la main. Aussi tous les peuples vsoient en leurs sacrifices, and festes solennelles de danses. Et Moyse Maymon escript, que les filles Persanes, adorant le Soleil, dansoyent toutes nues, and chantoient, auec instrumens. Page 246

Mais les danses des Sorciers violentes rendent les hommes furieux, and font auorter les femmes: comme on peut dire que la volte, que les Sorciers ont amené d'Italie en France, outre les mouuemens insolens, and impudiques, à cela de malheur, que vne infinité d'homicides and auortemens en aduiennent. Qui est vne chose des plus considerables en la republique, and qu'on deuroit deffendre le plus rigoureusement. Quant à la fureur, on voit euidemment, que tous les hommes furieux, and forcenez vsent de telles danses, and sauts violens: Et n'y a moyen plus expedient pour les guerir, que de les faire danser posement, and en cadence pesante, comme on faict en Allemaigne aux insensez qui sont frappez de la maladie qu'on dict de sainct Vitus, and Modestus. Alphonse de Castro liure premier chapitre quinsiesme aducrsus hæreses escrit qu'il fut trouué par les confessiõs des Sorcieresdu pays de Biscaye, qui est fort infecté de sorciers, comme tous pays de montagnes, il fut trouué que les Sorciers and Sorcieres s'assemblerent à la mõtagne, où se presenta vn bouc noir qu'ils adorerent. Pour la fin de ce chapitre ie mettray la conclusion de la dispute resolue deuant l'Empereur Sigismond, que Vlrich le Monnier, a escrit en vn petit liure, qu'il a faict sur ce poinct, où il fust arresté par infinis exemples and iugcmens, que Sathan transportoit les Sorciers veritablement en corps, and en ame. Aussi seroit-ce se mocquer de l'histoire Euangelique de reuocquer en doute si le Diable transporte les Sorciers d'vn lieu en l'autre: puis qu'il est dict en l'Euangile que Sathã Page 247

trãsporta Iesus-Christ sur le sommet du te (02) ple, puis sur vne mõtaigne: Car la pluspart, and plus saine partie des Theologiens tiennent qu'il fut veritablement trãsporté en corps and ame. Ils cõfessent aussi que Abacuc le Prophete a esté transporté en corps, and en ame en Babylone: Et S. Philippe l'Apostre a esté transporté en corps, and ame. Surquoy Thomas d'Aquin conclud, que s'il est possible en vn, il est possible en tous de mes me nature, and de mesme poids. Voila son argument qu'il tire de S. Matthieu, cha. 4. and l'Escot Docteur tressi btil sur le 2. liure des Sente (02) ces dist. 8. dit que les Anges aussi prennent corps non pas pour estre forme d'iceluy, ny pour estre vny à iceluy hypostatiquement: mais seulement pour le mouuoir, and d'en vser comme d'vn instrument: à plus forte raison les Demons que nous auons monstré auoir corps elementaire. Nous lisons pareillement en Philostrate Autheur Grec, que Apollonius Thianeus fut transporté en peu d'heure, d'Ethiopie pres la source du Nil iusques à Rome, qui ne sont pas moins de deux mil cinq cens lieuës à droite ligne, vne autre fois de Rome en Corinthe, vne autre fois de Smyrne en Ephese. Et l'an M. CC. LXXI. Iean Teutonic Prestre, de Halberstad des plus fameux Sorciers de son aage, chanta trois Messes à minuict, l'vne à Halberstad, l'autre à Mogonce, la troisiesme à Couloigne. Ce qu'on recite aussi de Pythagoras, qui fut transporté de Thurie en Metapont. Et mesmes Vierus 2 protecteur and defenseur des Sorciers, asseure par vne certitude de science estre veritable, qu'il sçait plusieurs personnes estre ainsi transportez en vn moment d'vne -notes- 2Vierusli. 2. c.8.de Præsti. and li.3.c.12. Page 248

region en l'autre. Voyla ces mots au liure II. chapitre VIII. De Præstigüs Dæmonum, and au liure III. chap. II. I'ay veu pour le dernier la sentence renduë en la ville d'Auignon l'an 1 5 8 2. par Florus, Inquisiteur d'Auignon, contre plusieurs Sorciers liurez au bras seculier pour les executer à mort: par laquelle il est dict qu'ils furent conuaincus par tesmoins, and par leur cõfession plusieurs fois reiteree, qu'ils auoient renoncé Dieu, and s'estoient donné au Diable, ayant de nouueau esté baptisez, and pris nouueau nom, and qu'ils auoient escrits leurs noms, and signez au liure que le Diable leur auroit baillé, and faict serment and hommage au Diable, marchant sur la croix par mespris, and que apres s'estre gressez, ayant vn baston entre les iambes, auroient esté transportez aux assemblees à certains iours prefix, and apres auoir dansé, banqueté, and celebré la feste à Beelzebut en forme de bouc noir, baisant son derriere auec chandelles de poix noire, and l'auoir prié, appellé, and adoré, and auoir faict mourir plusieurs petits enfans, hõmes and bestes, and auoir porté des membres, and gresses de petits enfans aux assemblees les offrans au Diable, and puis mangé d'iceux: and que les hommes auec sucubes, and les femmes auec incubes auoient paillardé, and encores entre-eux auoir exercé sodomie, and craché l'hostie qu'ils auoie (02) t pris. Voila de mot ce qui est porté par le procez. Et d'autant qu'il y en a qui tiennent que le transport est en esprit seulement, disons aussi du rauissement de l'esprit. Book 2 - Chapter 5 Page 249

Du Rauissement, ou Ecstase des Sortiers, and des frequenta tions ordinaires, qu'ils ont auec les Demons. CHAP. V. Ce que nous auons dict du transport des Sorciers en corps, and ame, and les experiences si frequentes, and si memorables, monstrent comme en plain iour, and font toucher au doigt and à l' il, l'erreur de ceux qui ont escrit que le transport des Sorciers est imaginaire, and que ce n'est autre chose que vne Ecstase, and apportent pour exemple la vision d'Ezechiel, qui fut rauy en esprit de Babylone en Hierusalem: la qu elle vision peut estre vne vraye separation de l'ame, and peut aussi se faire sans separation. Mais les Hebrieux tiennent en leur Theologie secrette, que l'Ange faict oblation à Dieu des ames des esleuz par abstraction demeurant l'homme en vie. Et à ce propos ils alleguent le passage du Psalme 116. pretiosa in conspectu Domini mors Sanctorum eius. ce qu'il semble que Platon in Phædone appelle Mort plaisante. Mais pourtant ne faut-il pas nyer le vray transport du corps and de l'ame, qui se faict par les esprits bons and mauuais. Nous produirons l'exemple d'Helie, and d'Henoc, qui ont esté rauis en corps and d'Abacuc, qui a esté porté en corps par l'Ange en la fosse des Lions. Et si le vray transport en corps ne se faisoit aux exemples que nous auons dict, comment se pourroit-il faire, que celuy de Loches fust trouué de son lict aux landes de Bourdeaux, and celuy de Lion en Lorraine, celuy de Plutarque de Grece en Page 250

Crotone pres de Naples, où il faut par necessité passer plus de cent lieuës de mer, and infinis autres en cassemblables. Thomas d'Aquin, Durand Herué, Bonauenture de Tarantaisie, and Getald Odet, qui ont traité ceste question sur le second liure, distinction V I I I. du Maistre des Sentences, tiennent formellement que les Diables transportent les corps de lieu en lieu par leur puissance naturelle. Combien que ie trouue le rauissement en ecstase, qu'ils disent beaucoup plus admirable, que le transport corporel. Et si le Diable a ceste puissance, comme ils confessent, de rauir l'esprit hors du corps, n'est-il pas plus aisé d'emporter le corps and l'ame sans distraction, ny diuision de la partie raisonnable, que distraire and diuiser l'vne de l'autre sans mourir? Or cõbien que nous ayons des tesmoignages trescertains, and demonstrations indubitables de l'immortalité de l'ame, si est-ce que cestuy-cy me semble des plus forts, and des plus grands, and qui peut suffire estant aueré, comme il a esté par infinies histoires, iugeme (02) s, recolemens, confrontations, conuictions, cõfessions, executions. Il peut, dy-ie, suffire pour conuaincre tous les Epicuriens and Atheistes, que l'esprit humain est vne essence immortelle. Car l'hipothese d'Aristote au second liure de l'Ame est par ce moyen tresbie (02) verifiee, and demonstree en ce qu'il dit que l'ame est immortelle, si elle peut quelque chose sans l'ayde du corps. Et l'autre hypothese, que l'ame est immortelle, si elle est separable du corps. Mais les infideles, qui ne croyent ny la puissance de Dieu, ny l'essence des esprits disent, que ce que nous appellõs Ame, est vne liaison harmonieuse, Page 251

and forme vniuerselle resultant des formes particulieres des humeurs, and autres parties du corps humain: qui est vne incongruité bien lourde, de composer la forme de l'homme, que tous Philosophes confessent estre pure and simple de plusieurs formes. Et quand à l'Ectase, ils disent que c'est vn sommeil melancholic, par lequel les forces de l'ame sont enseuelies, en sorte qu'il semble que l'homme soit mort. Mais c'est chose ridicule, attendu qu'il y a plus de Sorciers en Noruege, and Liuonie and autres parties Septentrionales, qu'il n'y a en tout le reste du monde, comme dict Olaus le grand: and semble que ce qui est dict de Sathan en Iesaye, Ie monteray sur l'Aquilon, and seray semblable à Dieu, se peut raporter à la puissance que Sathan a principalement sur les peuples de Septentrion, qui sont fort diffamez des Demõs and Sorciers, comme en cas pareil par toute l'Escriture Sainte nous lisons que d'Aquilon1 viendra tout mal. Neantmoins ce peuple là tient moins de la melancholie, que peuple qui soit souz le Ciel, car ils sont tous blons generalement, ou de poil de vache. Il faut donc que ceux la confessent leur ignorance. Car Plutarque escrit d'vn nommé Soleus, and Pline d'vn Hermotime Clazomenien, and Herodote d'vn Philosophe de Proconese Atheiste, qu'ils estoient si bien rauis en ectase, que leurs corps demeuroient pour mortz, and insensibles. De sorte que les ennemis de Hermotime2 trouuant son corps ainsi pasmé, le tuerent and bruslerent: Hierome Cardan a laissé par3 escrit qu'il estoit par ecstase rauy hors du corps quand il vouloit, sans qu'il demeurast aucun -notes- 1Sapientiæ. 2. Esayæ cap. 14. 41. 49. Hieremiæ. ca.3.4. 6.13.15.23.25. 46. 47. 50. 51.Ezechiel8. 48. Daniel 11.Zach. c.2. 2Lib. cap.52. 3In sua Genesi. Page 252

sentiment au corps. Mais ie tiens que tous ceux, qui souffrent ceste passion volontairement en veillant sont sorciers: Aussi Cardan4 confesse que son pere à eu vn Diable familier trente ans. Et ordinairement les peres Sorciers façonnent leurs enfans pour les rauir en ecstase. A quoy se raporte ce que dict Virgile au VI. de l'Æneide parlant de la Sorciere, quæ se promittit soluere mentes. Et qui voudroit dire que c'est resiouïr la personne comme l'on dit que Bacchus pour la proprieté qu'il a de resiouïr s'appelle Lieus quia soluit curas, il ne failloit que boire d'autant and non pas enuoier à deux cens lieuës de là querir des Sorcieres comme on conseilloit à Dido. Car à dire vray l'ame vegetatiue, vitale and animale demeurent encores que les sens, mouuement and raison soyent deliez. Nous en auons vne histoire de recente memoire de l'autheur de la Magie naturelle Neapolitain, lequel recite auoir faict preuue d'vne Sorciere qui se frotta de gresses toute nuë, puis tomba pasmee sans aucun sentiment, and trois hcures apres retourna en son corps disant nouuelles de plusieurs pays, qui furent auerees. Vray est que l'Autheur du liure (qui merite le feu) monstre les moyens de le pratiquer. Or Sathan en vse enuers ceux qui ne veulent pas descouurir, ou qui pour la grandeur de leur maison, ou autres raisons n'osent trouuer en telles assemblees. Ie tiens du Prsident de la Tourette, qu'il a veu en Daufiné vne Sorciere, qui fut bruslee vifue, laquelle estant couchee au long du feu, fut rauie en ecstase, demeurant son corps en la maison: Et parce qu'elle n'entendoit rien, son maistre -notes- 4In lib. de rerum variet. ad finern. Page 253

frappoit dessus à grands coups de verge, and pour sçauoir si elle estoit morte, on luy fist mettre le feu aux parties les plus sensibles pour tout celà elle ne s'esueille poinct. Et de faict le maistre and la maistresse la laisferent estenduë en la place, pensant qu'elle fust morte. Au matin elle se trouue en son lict couchce. Dequoy son maistre esbahy, luy demanda ce qu'elle auoit eu: Alors elle s'escria en son language: Ha mon maistre tant m'auez batuë: Le maistre ayant faict le conte à ses voysins, on luy dist que elle estoit Sorciere: Il ne cessa qu'elle ne luy eust confesse la verité, and qu'elle auoit esté de son esprit en l'assemblee des Sorciers: Elle confessa aussi plusieurs meschancetez, qu'elles auoit commises, and fut bruslee. Iacques Spranger Inquisiteur ayant faict le procez à plusieurs Sorcieres, escrit qu'elles ont confessé, qu'elles sont rauies en esprit, quand elles veulent: and quand elles veulent, elles sont rauies aussi en corps. Nous auons encores vn exemple de nostre memoire aduenu à Bouideaux l'an M. D. LXXI. alors qu'on persecuta les Sorciers en France: il y eut vne vieille Sorciere à Bourdeaux qui confessa deuant les Iuges qu'elle estoit toutes les semaines transportee auec les autres, où il se trouuoit vn grand Bouc qui leur faisoit renier Dieu, and promettre de seruir au Diable, and puis chacun le baisoit aux parties honteuses: and apres les danses chacun prenoit des poudres. Alors Belot, maistre des Requestes, voulant faire preuue de la verité par la Sorciere, qui disoit n'auoir aucune puissance, si elle ne estoit hors la prison, la fist sortir à la charge de la representer Page 254

and lors elle se frottatoute nuë d'vne certaine gresse: and apres elle tomba comme morte, sans aucun sentiment: and cinq heures apres elle retourna, and se releuant raconta plusieurs choses de diuers lieux and endroits qui furent auerees. Ie tiens l'histoire d'vn Comte and Cheualier de l'Ordre qui estoit present à l'experience qu'on en fist, and qui est encores en vie. Au procez de Marguerite Pajot, executee M.D.LXXVI. à Tonnerre il fut verifié que quand elle vouloit elle estoit enleuee en l'air au veu d'vn chacun, and se voyoit quelquesfois perchee sur vn arbre, and de là transportee en l'air and perduë de veuë. Et quelquesfois aussi elle tomboit ainsi pamee and si stupide qu'on ne pouuoit apperceuoir qu'elle respirast en sorte quelconque. Olaus dit que celà est bien fort frequent és pays Septentrionaux, and que les amis de celuy qui est rauy en ecstase, le gardent soigneusement iusques à ce qu'il retourne aucc vne grãde douleur, and r'apporte vn anneau, où lettre où cousteau de celuy qui est a trois ce (02) s lieuës de là. I'ay apris vn autre iugement estant à Nantes l'an M D.XLIX. qui n'est pas moins estrange de sept Sorciers, qui dirent en presence de plusicurs, qu'ils r'apporteroient des nouuelles dedans vne heure, de ce qui ce faisoit dix lieuës à la ronde, soudain ils tomberent tous pasmez and demeurerent enuiron trois heures: puis ils se releuerent, and rapporterent, ce qu'ils auoient veu en toute la ville de Nantes, and plus loing a l'entour, ayant remarqué les lieux, les actions les personnes and tout sur le champ fut aueré. Apres auior esté accusez, and conuaincus de plusieurs malefices, ils Page 255

furent tous bruslez. On pouroit dire, peut estre, que l'ame n'est poinct rauie, and que c'est vne vision and illusion que le Diable moyenne, mais les effects monstrent le contraire. Et s'il est ainsi que l'ame est vne essence qui est diuine, and non infuse par semance, and qui n'est poinct meslee auec le corps, comme a tresbien dict Ciceron, nihil esse in animis concretum, il y a bien plus d'aparence de croire que l'ame raisonnable laisse le corps que d'asseurer qu'il ne se peut faire veu mesmement que Sainct Auguslin confesse estre aduenu à Moyse au liure de spiritu and littera. Et Sainct Paul dict qu'il à esté rauy iusques au troisiesme Ciel, and neantmoins son corps demeura pasmé en terre: qui est pour respondre à Tertulian, and Athanase, qui ont soustenu le contraire, qui sont refutez par Thomas d'Aquin: and s'il est possible en vn il est possible en touts: Ioinct aussi que c'est aduis conclud la demonstration necessaire de l'immortalité. Car le corps dit Porphyre ne peut empescher ce qui n'a poinct de corps. On peut bien endormir les personnes auec la Mandragore, and autres breuuages narcotiques, en sorte que la personne semblera morte, and neantmoins il y en a qu'on endort si bien, qu'ils ne resueillent plus, and les autres ayant pris tels breuuages, dorment quelquesfois trois ou quatre iours sans esuciller, comme on faict en Turquie à ceux qu'on veut chastrer sans douleur and se pratiqua vn Gascon du bas Languedoch estant esclaue, qui depuis fut racheté qui est encorés en vie. Mais les Sorciers ne prennent aucun breuuage: Ioinct aussi que ceux qui ont esté endormis Page 256

dormis par breuuages narcotiques n'ont aucune memoire de chose quelconque. Et les Sorciers ont vne viue impression des danses, sacrifices, adorations, and autres choses, qu'ils ont veües and faictes aux assemblces, and remarque (02) t ceux qui estoient presens ausquels ils ont esté confrontez qui l'ont confeslé. Et par la confession des Sorciers, que Iacques Spranger à faict brusler, il recite que les Sorciers confesserent, qu'ils sentoient en l'ecstase les mesmes choses, que s'ils eussent esté presens en corps. Et Saint Augustin au VIII. liure de la Cité de Dieu, recite des Prestantius que son pere fut plusieurs fois rauy en telle ecstase, que son esprite estant retourné, il affirma auoir esté mué en cheual, and auoir porté la prouision au camp auec les autres cheuaux: Et neantmoins son corps estoir estendu comme mort en sa maison. Qui seroit peut estre la raison pourquoy la Lycanthropie, and changement d'hommes en bestes est si renommee de tous les anciens, and si frequente encore en tout le pays d'Orient, de laquelle nous parlerons tantost. Il y à bien aussi des maladies, qui rendent l'homme insensible, and presque mort, comme le mal Caduc, and l'Apoplexie. Et de fait le Pape Iule II. fut deux iours qu'on pensoit, qu'il fust du tout mort: and Iean Lescot comme l'on tient fut enterré tout vif, iaçoit qu'il semblast mort. Et quand il perdit le soufle, alors il commença à se tourmenter and quand on apperceut quelque mouueme (02) t en le couurant de terre, on le retira, mais on le trouua seignant and rendant l'esprit. Telles maladies de Syncopes, epilepsies and apoplexies ne sont poinct és Sorciers, car ils Page 257

sont ainsi disposez, quand il leur plaist. Et ne souffrent celà, que pour s'excuser d'aller aux assemblees craignans estre d'escouuers: faisans au surplus hommage au Diable, and parlant à luy en leurs maisons, quand ils veulent Et de faict le Baron de Raiz (qui fut condamné à Nantes, and executé comme Sorcier) apres auoir confessé huit homicides des petis enfans, and qu'il vouloit encores tuer le neufiesme, and le sacrifier au Diable, qui estoit son fils propre, qu'il auoit deliberé tuer au ventre de la mere, pour gratifier d'auantage à Sathan, confessa qu'il adoroit Sathan en sa chambre se mettant à genoux lors qu'il se presentoit à luy en forme humaine, and luy faisoit encensement, qui estoit la forme des sacrifices detestables des Amorreans, and Cananeans. Le Diable luy promettoit merucilles, and qu'il seroit grand. Toutesfois en fin se voyant captif, and en extreme calamité, il confessa tout, and fut executé à mort, and le procez de sa confiscation est encores pendu au croc. I'ay aussi leu en Spranger, qu'en faisant le procez à vne Sorciere, qu'il fist brusler, elle confessa auoir comme sage femme receu plusieurs fois les enfans du ventre de la mere, and iccux presentez au Diable, en les eleuant en l'air, and puis apres leur mettoit vne grosse espingle en la teste, dont il ne sortoit point de sang. Et voyãt qu'on les portoit en terre, elle alloit la nuict les deterrer, and les saisoit cuire au four, and mangeoit la chair, gardant la gresse, pour luy seruir: Et confessa qu'elle auoit faict mourir en ceste sorte quarante petis enfans. Elle estoit de Dan-prez de Basle. Et vne autre de Strasbourg, qui en fist mourir sans nõbre, Page 258

and fut aussi bruslee. I'ay bien voulu aduertir le Lecteur de ceste cruauté, and idololatrie, qui m'a semblé la plus detestable, dont iamais i'ay ouy parler, à fin qu'on prenne garde de pres à celles qui reçoiuent les enfans. Quant à manger la chair humaine, celà est trescertain, and de toute antiquité les Sorcieres en estoient si friandes, qu'il estoit quasi impossibles de garder les corps morts4, ny les enfermer si bien qu'elle ny entrassent pour les ronger iusques aux os. Et au chapitre LXVII. des Loix Saliques il est dict, que si la Sorciere à mangé vn homme, and qu'elle soit conuaincue (02) , elle payera deux cens soldes. Nous lisons en Philostratus Lemnien, que Apollonius Thyaneus descouurit, and chassa de Corinthe vne Lamie, qui viuoit ainsi de chair humaine. C'est pourquoy Horace pour vne chose trescruelle dict, Neu pransæ Lamiæ puerum viuum extrahat aluo: and neantmoins celà estoit ordinaire aux Sorcieres de se nourrir de telle viande. Nous lisons aussi en Ammian Marcelin liure XXIX. que Pollentian Tribun fut conuaincu d'auoir ouuert vne femme enceinte pour sçauoit de son enfant, qui deuoit estre Empereur. Tous lesquels passages confirment ce que nous voyons és procez de nostre temps. Et plusieurs Sorcieres ont opinion, que les Demons leur font commettre telles cruautez, pour estre ainsi rauies en esprit ou en corps, ainsi qu'elles voudroit. Et sans aller si loin, Rondelet Medecin de grand sçauoir, and reputation, agueta vne nuict vn Sorcier à Mont-pellier qui ne bougeoit autour des sepulchres, lequel alla au sepulchre, ou l'on auoit le iour -notes- 4Apuleius lib. 1. Asini. Book 2 - Chapter 6 Page 259

precedent enterré vne femme, and luy coupa vne cuisse, and l'emporta sur ses espaules mordant à belles dents en la chair d'icelle. Ie tiens l'histoire de l'vn des disciples de Rondelet qui l'accompaigna. Il disoit que c'estoit la maladie, qu'on appelle Lycanthropie, qui faict que les hommes deuiennent furieux, and cuident estre changez en Loups, and viuent de telle viande. Disons donc, s'il est possible, que les hommes soyent conuertis en Loups, and auties bestes veritablement, ou par fantasie ou par maladie. De la Lycanthropie and si le Diable peut changer les hommes en bestes. CHAP. VI. Novs auons monstré cy dessus par plusieurs exemples, and authoritez diuines, and humaines, and par les accusations, conuictions, confessions, iugemens, executions, que les hommes, and femmes sont transportez tantost en esprit, and en corps, tantost en esprit seulement par moyens Diaboliques. Et que Sathan faict croire aux vns que c'est la force des parolles, and des vnguents qu'il leur baille: Et que le plus souuent il apparoist en Bouc: En sorte que nous pouuons dire que nous auons la demonstration des effects, qu'on appelle, Quia est, c'est à dire [Greek omitted] qu'il est ainsi. Et combien que telle demonstration par les effects n'est pas si claire, que celle qui procede par les causes, si n'est elle pas moins certaine. 1 Or la confession de nostre ignorance, est vne belle louange de Dieu -notes- 1In posterio. Analyticus. Page 260

contre lequel il ne faut pas arguer d'impossibilité, veu la foiblesse de nostre esprit. Mais c'est bien chose estrange, que Sathan, qui a de coustume prendre tel corps que bon luy semble, le plus souuent, and ordinairement, aprez la figure humaine, prend la figure d'vn Bouc, si ce n'est pour estre vne beste puante, and salace. Car en la Saincte2 Escriture on voit que les Diables sont appellez Boucz, comme l'interprete Caldean sur Iesaye tourne ce mot [Hebrew omitted] qui signifie Bouc and velu, comme le Docteur Trimhi l'enseigne in radicibus: que les LXXII. interpretes ont traduict sur le XVII. du Leuitique [Greek omitted], que les Italiens appellent Mathous, c'est à dire follastres, and en Proue (02) ce folletons and folletz, pour ce qu'ils font rire, sauter, follier, and se plaisent aux saux and danses. Car le Prophete3 dict, que les Dragons, and Boucs danseront en Babylone, and le Luiton ou Satyre criera apres son compaignon. Zoroaste parlant des Boucz entend les Demons, pour la proprieté du Bouc, qui est puant, and lascif. Ce que le Prince de la Mirande à signifié obscurement en la douziesme position sur Zoroaste, en ces motz, Quid sit intelligendum per capros apud Zoroastem, intelliget qui legerit in libro Bair, quæ sit affinitas capris cum spiritibus. Or la proprieté des Demons est d'auoir puissance sur la cupidité lasciue, and brutale, comme les Hebrieux ont remarqué quand ils disent au liure [Hebrew omitted] que Sathan est porté du Serpent, que Philon Hebrieu à interpreté la volupté: de laquelle parlant le sage Architas, disoit estre le plus capital ennemy du genre humain, nullam pestem capitaliorem -notes- 2Iesaye 13 and 34. 3Isaye 13 and 34. Page 261

hominibus à natura datam voluptate, r'aporté par Ciceron. Et pour mesme cause les Grecz ont signifié les Demons en figure de Satyres paillards, veluz, moytié Boucz, and moytié hommes. C'est pourquoy au2 Leuitique apres que Dieu à ordonné que le peuple luy sacrifiast les animaux specifiez, and que le sang fust espandu pres de son autel, en fin il dit, Et ne vous aduienne iamais plus d'aller apres voz Boucz and Satyres sacrifier. Il y a en Hebrieu Seiirim que l'interprete dit estre Demons qui apparoissent en guyse de Boucz and de Satyres: le Rabin Moyse Maymon, ayant leu les liures des mysteres and sacrifices des Caldeans and Sabeans qu'il raporte3, dit que la coustume estoit d'aller aux lieux deserts sacrifier aux Diables, and faire vne fosse, puis ils iettoient le sang dedans, and au tour de la fosse ils bancquetoient, and faisoient feste aux malins esprits. Et au XVI.chap. du Leuitique, il est commandé au Sacrificateur Aaron de prendre deux boucs, and ietter le sort, l'vn pour Dieu, l'autre pour Zazel: and que le bouc qui sera pris au sort pour Zazel, and sur le [quae] (16) l le sacrificateur confessera les pechez du peuple, sera enuoié au desert, l'autre sacrifié à Dieu. Les Hebrieux ont remarqué que ce bouc la ne se retrouuoit iamais. Au3 Deuteronome, qui est l'interpretation plus claire de la Loy de Dieu, les malins esprits sont appellez en leur propre signification Lascedim [Hebrew omitted], que tous ont tourné Dæmonia. Et quoy qu'on die des Satyres, desquels il est parlé souuent en la vie d'Anthoine and Paul Hermites, il n'y a doubte, que c'estoient melins esprits. Bien souuent aussi Sathan se mõstre en figure humaine, grãd and noir -notes- 2Cap. 17. 3Lib.3. [Hebrew omitted] 3Cap. 32. Page 262

comme i'ay dict de celuy qui apparut à Catherine Daree, à Dion amy de Platon, à Cassius Parmensis, au Philosophe Athenodore, à Magdaleine de la Croix, à Ieanne de Haruillier: laquelle confessa que à l'aage de douze ans, la mere luy monstra le Diable en forme d'vn grand homme fort noir, and vestu tout de noir, and tousiours boté, and esperonné parlant à elle, and se trouuant soudain auec elle quand elle vouloit: and que celà luy continua toute sa vie. Mais la chose la plus difficile à croire, qui est plus admirable, est le changement de la figure humaine en beste, and encores plus de corps en corps. Toutesfois les procez faicts aux Sorciers and les histoires Diuines and humaines, and de tous les peuples font la preuue certaine. Nous lisons au liure des cinq Inquisiteurs des Sorciers, duquel i'ay faict mention assez souuent, que vn Sorcier nommé Stasus au territoire de Berne, ayant plusieurs ennemis, souuent au milieu d'eux, eschappoit soudain en guyse de beste, and ne peut estre tué sinon en dormant. Il laissa deux disciples les plus grands Sorciers d'Allemaigne Hoppo, and Stadlin, qui faisoient venir, comme il escrit, les tempestes, foudres and orages violens: Et sans aller gueres loing de ce Royaume, nous auons vn procez fait au Parlement de Dole, and l'arrest donné le XVIII. Ianuier M. D. LXXIIII. contre Gille Garnier Lyonnois, qu'il n'est besoin de mettre icy au long, puis qu'il est imprimé à Orleans par Eloy Gibier, and à Paris chez Pierre des Hayes, and à Sens: Mais ie mettray les poincts principaux dont il à esté accusé and conuaincu. C'est à sçauoir que ledict Page 263

Garnier le iour sainct Michel, estãt en forme de Loup garou print vne ieune fille de l'aage de dix ou douze ans pres le bois de la Serre, en vne vigne, au vignoble de Chastenoy pres Dole vn quart de lieuë, and illec l'auoir tué, and occisé, tant auec ses mains semblans pattes, que auec ses dents, and mangé la chair des cuisses, and bras d'icelle, and en auoit porté à sa femme. Et pour auoir en mesme forme vn mois apres pris vne autre fille, and icelle tué pour la manger, s'il n'eust esté empesché par trois personnes, comme il a confessé: Et quinze iours apres auoir estranglé vn ieune enfant de dix ans au vignoble de Gredisans, and mangé la chair des cuisses, iambes, and ventre d'iceluy: Et pour auoir depuis en forme d'homme, and non de Loup tué vn autre garçon de l'aage de douze à treize ans, au bois du village de Perouse, en intention de le manger, si on ne l'eust empesché, comme il confessa sans force ny contraincte, il fut condamné d'estre bruslé tout vif, and l'arrest fut executé. Il se trouue encores vn autre procez faict à Bezançon, par l'Inquisiteur Iean Boin l'an M.D.XXI. au mois de Decembre, and enuoyé en France, Italie, and Allemaigne, and que Vierus defenseur des Sorciers à mis bien au loing au liure VI.chap.XIII. des Prestiges: C'est pourquoy ie le trancheray court. Les accusez estoient Pierre Burgot, and Michel Verdun, qui confesserent auoir renoncé a Dieu, and iuté de leruir au Diable. Et Michel Verdun mena Burgot au bord du Chastel Charlon, ou chacun auoit vne chandelle de cire verte, qui faisoit la flamme bleuë, and obscure, and faisoient les danses, and sacrifices au Diable. Puisapres Page 264

s'estans oincts furent tournez en Loups courant d'vne legereté incroyable: puis qu'ils estoient changez en hommes, and souuent rechangez en Loups and couplez aux Louues auec tel plaisir qu'ils auoient accoustumé auec les femmes. Ils confesserent aussi, à sçauoir Burgot auoir tué vn ieune garçon de sept ans auec ses pattes, and dents de Loup, and qu'il vouloit manger, n'eust esté que les païsans luy donnerent la chasse. Et Michel Verdun confessa auoir tué vne ieune fille cueillant des poids en vn iardin, qui fut chassé par le Seigneur de la Cuuee: Et que tous deux auoient encores mangé quatre filles: and remarqua le temps, le lieu, l'aage particulierement des enfans: Et qu'en touchant d'vne poudre, ils faisoient mourir les personnes. Il me souuient que M. le Procureur general du Roy Bourdin m'en a recité vn autre, qu'on luy auoit enuoié du bas pays, auec tout le procez signé du Iuge and des Greffiers, de vn Loup qui fut frappé d'vn traict en la cuisse, and depuis se trouua en son lict auec le traict qui luy fut arraché, estant rechangé en forme d'homme, and le traict cognu par celuy qui l'auoit tiré, le temps, and le lieu iustifié par la confession du personnage. Et Iob Fincel au liure XI. des Merueilles escrit, qu'il y auoit aussi à Padoüe vn Lycantrope qui couroit d'vne vistesse incroyable, toutesfois en fin à force de cheuaux il fut attrapé, and ses pattes de Loup luy furent coupees, and au mesme instant il se trouua les bras and pieds coupez. Qui est pour confirmer le procez faict aux Sorcieres de Vernon,4 qui frequentoient, and s'assembloient ordinairement en vn Chasteau vieil and ancien -notes- 4L'an 1561. Page 265

en guyse de nombre infiny de Chats. Il se trouua quatre ou cinq hommes qui resolurent d'y demeurer la nuict, où ils se trouuerent assailliz de la multitude de chats: and l'vn des hommes y fut tué, les autres bien marquez, and neantmoins blesserent plusieurs chats, qui se trouuerent apres muez en femmes and bien blessees: Et d'autant que celà sembloit incroyable, la poursuitte fut delaissee. Mais les cinq Inquisiteurs0 qui estoient experimentez en telles causes, ont laissé par escrit qu'il y eut trois Sorcieres pres Strasbourg, qui assaillirent vn Laboureur en guyse, de trois grands chats, and en se defendant il blessa and chassa les chats, qui se trouuerent au lict malades en forme de femmes fort blessees à l'instant mesme: and sur ce enquises, elles accuserent celuy qui les auoit frapees, qui dict au Iuges, l'heure, and le lieu, qu'il auoit esté assailly des chats, and qu'il les auoit blessez. Pierre Marmor en vn petit traicté qu'il à faict des Sorciers, dict auoir veu ce changement d'hommes en Loups, luy estant en Sauoye. Et Henry de Coulongne au traicté qu'il a faict, de Lamijs, tient celà pour indubitable. Et Vlrich le Meusnier en vn petit liure, qu'il a dedié à l'Empereur Sigismond, escrit la dispute qui fut faicte deuant l'Empereur, and dict qu'il fut conclu par viues raisons, and par l'experience d'infinis exemples, que telle transformation estoit veritable, and dict luy mesme auoir veu vn Lycanthrope à Constance, qui fut accusé, conuaincu, condamné, puis executé à mort apres sa confession. Et se trouue (02) t plusieurs liures publiez en Allemaigne, que l'vn des plus grands Roys -notes- 0In libro Malica. Page 266

de la Chrestienté, qui est mort n' a pas long temps, souuent estoit mué en Loup, and qui estoit en reputation d'estre l'vn des plus grands Sorciers du monde. Toutesfois la Grece, and l'Asie est encores plus infectee de ceste peste, que non pas les peuples d'Occident, comme noz marchans disent, qu'on est contrainct d'enferrer, and emprisonner ceux qui changent ainsi en Loups. Et de faict l'an M. D. XLII. soubs l'Empire de Sultan Suleyman, il se trouua si grande quantité de Loups garous en la ville de Cõstantinople, que l'Empereur accompagné de sa garde sortit en armes, and enrangea cent cinquante, qui disparurent de la ville de Constantinople, à la veuë de tout le peuple. L'histoire est recitee par Iob Fincel liure 2. des Merueilles, and en cecy tous les autres peuples en demeurent d'accord. Les Allemans les appellent Wer Wolf, and les François Loups garous, les Picards Loups varous, comme qui diroit, Lupos varios, car les François mettentg, pour v. Les Grecs les appelloient Lycanthropes,1 and Mormolycies: Les Latins les appelloient varios, and versipelles, comme Pline2 à noté parlant de ce changement de Loups en hommes. François Ph bus Comte de Foix, en son liure de la Chasse dict que ce mot Garoux, veux dire gardez vous: dequoy le President Fauchet m'à aduerty. Ce qui est bien vray semblable, car les autres Loups naturels courent apres les bestes, and ceux cy plus souuent apres les hommes: c'est pourquoy on peut dire, gardez vous. Pomponatius and Theopraste Paracelse, tiennent que la transmutation est tres-certaine d'hommes en bestes. Gaspar Peucerus -notes- 1[Greek omitted] 2Lib. 8. cap. 22. Page 267

sçauant homme, and gendre de Philippes Melancthon escript, qu'il auoit tousiours pensé, que ce fust vne fable, mais apres auoir esté certifié par plusieurs marchands, and gens dignes de Foy, and qui trafiquent ordinairement en Liuonie, and que mesmes plusieurs ont esté accusez, and conuaincus, and qui depuis leur confession ont esté executez à mort, alors il dict qu'il est cõtrainct de le croire, and d'escrit la façon de faire, qu'ils ont en Liuonie. C'est que tous les ans sur la fin du mois de Decembre, il se trouue vn belistre qui va sommer tous les Sorciers de se trouuer en certain lieu, and s'ils y faillent, le diable les y contrainct à coups de verge de fer, si fort que les marques y demeurent: Leur capitaine passe deuant, and quelques milliers le suyuent traguetans vne riuiere, laquelle passee ils changent leur figure en loups, and se iettent sur les hommes, and sur les troupeaux, and font mille dommages. Et douze iours apres ils retournerent au mesme fleuue, and sont rechãgez en hommes. I'ay veu plusieurs fois Languet natif de Bourgongne, agent du Duc de Saxe, homme fort docte venant traitter auec le Roy de France pour son maistre, qui m'a recité l'histoire semblable, and dict, que luy estant en Liuonie, a entendu que tout le peuple tient cela pour chose tres-certaine. Et combien que ce malheur soit assez frequent par tout, si est-il tout vulgaire en Liuonie. I'ay encore entre mes papiers la lettre d'vn Alemand pensionnaire du feu Roy Henry II. escrite au Connestable de Frãce, où il aduertist le Cõnestable, que le Roy de Moschouie auoit pris le pays de Liuonie, puis adiouste ces mots: In illis locis Herodotus Page 268

Neruios collocare videtur, apud quos dicit homìnes conuerti in lupos, quod est adhuc visitatißimum in Liuonia: C'est à dire, c'est le pays ou Herodote dict que les hommes sont changez en loups, chose qui est encores à present toute notoire, and freque (02) te. Or la posterité a aueré plusieurs choses escrites par Herodote, qui sembloyent incroyables aux anciens. Car il dit aussi qu'il se trouua des Sorciers, qui par certaines incisions appaiserent la tempeste, qui ia auoit enfondré plus de quatre ce (02) s nauires de Xerxes. Or nous lisons en Olaus le grand au liure 3.cha. 18. que les Sorciers de Lappie vendent les vens aggreables, ou tempestueux, en desnouant certaines cordes, and que cela est tout notoire aux mariniers, pour l'experience ordinaire qu'ils en font. Nous lisons aussi en l'histoire de Iean Tritesme, que l'an neufcens septante, il y auoit vn Iuifnommé Baian fils de Simeõ, qui se transformoit en loup, quand il vouloit, and se re (02) doit inuisible quand il vouloit. Or c'est chose bien estrange: Mais ie trouue encores plus estrange, que plusieurs ne le peuuent croire veu que tous les peuples de la terre, and toute l'antiquité en demeure d'accord, Car non seulement Herodote l'a escrit il y a deux mil deux cens, and quatre cens ans auparauãt Homere: ains aussi Platon en sa Republique, parlant du sacrifice qu'õ faisoit à Iuppiter Lyceus d'vn homme, and que celuy qui goustoit du sacrifice estoit mué en loup. Pomponius Mela, Solin, Strabo, Dionysius, Afer, Marc Varon, Virgille, Ouide, and infinis autres. Et à ce propos dict Virgille, Page 269

Has herbas atque hæc ponto mihi lecta venena Ipse dedit Mæris, nascuntur plurima ponto. His ego sæpe lupum fieri, and se condere Syluis Mærim. Pline3 estonné que tous les Autheurs en estoient d'accord, escrit ainsi. Homines in lupos verti, rursumque restitui sibi salsum esse existimare debemus, aut credere omnia, quæ fabulosa sæculis comperimus. On void bien qu'il n'ose l'asseurer, craignant qu'on ne le croye pas. Car il allegue l'authorité d'Euantes, and des premiers autheurs entre tous les Grecs, qui dict qu'en Arcadie la lignee d'vn nommé Anthæus passe certain fleuue, and puis se tourne en forme de Loups, and quelque temps apres ils retournent passer le mesme fleuue, and reprennent la figure humaine. I'ay remarqué cy dessus qu'il ne faut qu'vne Sorciere, pour gaster toute vne famille: and Copus, qui a escrit les Olympioniques dict que Demenetus Parrhasien, apres auoir gousté du foye d'vn enfant qu'on sacrifioit à Iuppiter Lyceus, fut tourné en loup. Ce que Marc Varon le plus sçauant homme de tous les Grecs, and Latins, comme dict Ciceron, allegue, and tient aussi cela pour indubitable. L'histoire d'Olaus le grand parlant des peuples de Pilapie, Norbonie, Finclandie, Angermanie, qui sont encores Payens, and pleins de malins esprits, and de Sorciers, dict qu'ils changent ordinairement d'hommes en bestes, and qui en voudra voir vne infinité d'exemples, que ie laisse pour les trancher plus court, il ne faut que voir Olaus, Saxo, Grãmaticus, Fincel, and Guillaume de Brabant. Ie laisse la metamorphose d'Ouide par ce qu'il a entremeslé la verité de plusieurs fables, mais il n'est pas -notes- 3li.8.c. 22. Page 270

incroyable ce qu'il escrit de Lycaon Roy d'Arcadie qu'il dict auoir esté changé en Loup. Territus ipse fugit, nactúsque silentia ruris, Exululat, frustráque loqui conatur. Puisque de nostre aage il c'est trouué vn Roy qui estoit ainsi changé, and que cela est encores ordinaire par tout: Et ce que dict Homere de la Sorciere Circe, qui changea les compagnons d'Vlysses en pourceaux n'est pas fable: car mesmes S. Augustin 5 aux liures de la Cité de Dieu recite la mesme histoire, encores que cela luy semble estrãge, and incroyable, and allegue aussi l'histoire des Arcades: Et dict qu'il estoit tout commun de son temps és Alpes qu'il y auoit des femmes Sorcieres, lesquelles en faisant manger certain formage aux passans, les changeoie (02) t en bestes pour porter les fardeaux puis apres les rechangeoient en hommes: nous lisons vne histoire du tout semblable en Guillaume Archeuesque de Tyr, qui recite la mesme histoire, que Sprãger Inquisiteur, qu'il y auoit en Cypre vne Sorciere qui mua vn ieune soldat Anglois en forme d'Asne, lequel voulant retourner à ses compagnons dedans le nauire fut chassé à coups de bastõ, and s'en retourna à la Sorciere, qui s'e (02) seruit iusques à ce qu'õ apperceust que l'asne s'agenouilla de dans vne Eglise faisans choses qui ne pouuoie (02) t partir d'vne beste irraisõnable, and par suspiciõ la Sorciere qui le suyuoit, estãt prise par iustice elle le restitua en figure humaine trois ans apres, and fut executee à mort. Nous lisons le semblable d'Ammonius Philosophe Peripateticien, qui auoit ordinairement à sa leçon vn Asne. Or il n'y a rien plus frequent en -notes- 5lib.18.c. 17. and 18. de ci. Page 271

Egypte, à ce que disent nos marchans, and mesmes Belon, en ses obseruations imprimees à paris, escrit qu'il a veu en Egypte aux faulxbourgs de la ville du Caïre vn basteleur qui auoit vn asne, auec lequel il discuroit, and parloit du meilleur sens qu'il eust. Et l'asne par gestes, and signes à sa voix faisoit cognoistre, qu'il entendoit fort bien ce qu'on disoit: Si le basteleur disoit à l'asne qu'il choisist la plus belle de la compagnie, il n'y failloit point, apres auoir bien regardé de tous costez, il alloit la caresser: Si le maistre disoit, qu'on apportast de l'orge pour luy, alors il gambadoit tout autreme (02) t que les asnes, and mille autres choses semblables, and apres que Belon en a bien discouru, i'en dirois (dit-il) en cores d'auátage, mais ie crains qu'on n'y adiouste point de foy, comme ie ne ferois, si ie ne l'auois veu de mes yeux, en presence de tout le peuple du Cayre. A quoy s'accorde tresbien ce qu'escrit6 Vincent, qu'il y auoit en Allemage deux Sorcieres hostesses, qui auoient accoustumé de changer quelquesfois ainsi les hostes en bestes: and comme vne fois elles changerent vn ie une garçon basteleur en asne, qui donnoit mille plaisirs aux passans, n'ayant point perdu la raison, leur voisin l'acheta bien cher: mais elles dirent à l'achetenr qu'elles ne luy garentiroient pas, and qu'ils le perdroient, s'il alloit à la riuiere. Or l'asne ayant vn iour eschapé courut au lac prochain, ou s'estant plongé en l'eau, retourna en sa figure. Petrus Damianus des premiers hommes de son aage, s'estant diligemment en quis de la verité, tant du maistre, que de l'asne, and des Sorcieres, qui confesserent la verité, and de tous ceux qui l'auoie (02) t veu escapper -notes- 6In specul. li. 3.c.109. and Fulgos. li.8. cap.II. Page 272

and retourner en figure humaine, en fist le recit au Pape Leon VII. and apres auoir disputé d'vne part and d'autre deuant le Pape, il fut conclud, que cela estoit possible, qui seroit bien pour confirmer, ce qui est escrit en Lucian and Apulee atheistes, changez en asnes, and qui ont escrit comment cela leur aduint par les Sorcieres de Larisse qu'ils estoient allé voir, pour essaier, s'il estoit vray. Or l'vn and l'autre fut accusé d'Atheisme and de Sorcelerie. Et mesmes Apulee a faict ce qu'il a peu en son Apologie, pour se lauer de ceste accusation de Sorcier and empoisonneur. Mais quand il parle de ce changement qui luy aduint, il dict vne chose bien à noter en ceste sorte, Minus hercule calles prauissimis opinionibus ea putari mendacia, quæ vel auditu noua, velvisu rudia, vel certè supra captum cogitationis ardua videntur, quæ si paulò accuratiùs exploraris, non modò compertu euidentia, verumetiam factu facilia senties. Et peu apres, Prius dcierabo solem istum videntem Deum me vera and comperta memorare, ne vos vlterius dubitetis, and c. Il se peut faire, qu'il a enrichy son histoire de quelques contes plaisans: mais l'histoire en soy n'est pas plus estrange, que celles que nous auons remarquees. Et quant à la transformation d'Apulee, S. Augustin au XVIII. liure de la Cité de Dieu, chap. XVIII. n'o se le nier, ny l'asseurer. Bien est-il d'aduis, and luy semble, que c'est vne sascination: les autres disent, que cela peut aduenir veritablement, and naturellement, and alleguent les changemens de filles en garçons: Ce que nous lisons en Hippocrate in libro cpidemion, cap. VIII. Plin. lib. VII. ca. IIII. Cjelli.lib. IX. cap. IIII. Amatus Lusitanus Page 273

Centuria II. curatione XXXIX. l' en ay remar qué sur mes Commentaires d'Opian, Poëte Grec, de Venatione, huit exemples, mais ils sont tous de filles en masles, qui n'est autre chose que les parties honteuses commencent à sortir, ayant esté cachees dedans le ventre. Mais la Ly canthropie n'a rien de semblable, ny cause qui soit naturelle, ains le tout est supernaturel. Voyla donques la verité du faict en soy, encores qu'il semble incroyable, and presque impossible au sens humain. Et neantmoins il est bien certain, que cela est confirmé par l'histoire sacree du Roy Nabuchodonosor, duquel parlant le Prophete Daniel dict, qu'il fut conuerty and mué en b uf, and ne vescut que de foin l'espace de septans. Les Arabes tiennent que cela est possible: combien que la Metempsychose Pythagorique est sans comparaison plus estrange, and neantmoins soustenue de tous les Platoniciens, Caldeans, Persans, Egyptiens. Plusieurs Medecins voyant vne chose si estrange, and ne sçachant point la raison, pour ne sembler rien ignorer, ont dit and laissé par escrit, que la Lycanthropie est vne maladie d'hommes malades, qui pensent estre loups, and vont courans parmy les bois: Et de cest aduis est Paul Æginet, mais il faudroit beaucoup de raisons, and de tesmoins, pour dementir tous les peuples de la terre, and toutes les histoires, and mesmement l'histoire sacree que Theophraste Paracelse, and Põponace, and mesmeme (02) t Fernel des premiers Medecins and Philo sophes qui ont esté de leur aage, and de plusieurs siecles ont tenu la Lycantropie pour chose tres-certaine, veritable and indubitable. Mais on Page 274

peut douter pourquoy les Diables d'Egypte, ou les Sorciers à leur ayde ne pouuoient faire venir de petits pouls, veu qu'ils faisoient bien de grosses grenoüilles and serpens. Les Hebrieux sur cela disent; que les Diables n'ont point de puissance de faire corps qui soit moindre qu'vn grain d'orge. Et me semble que pour ceste cause, ceux qui veulent chasser les malins esprits des maisons, mettent des vaisseaux pleins de millet, and autres menuës semences, lesquelles estans esparses ils ne peuuent recueillir, and abandonnent la maison. Aussi est-ce chose bie (02) fort ridicule de mesurer les choses naturelles aux choses supernaturelles, and les actions des animaux aux actions des esprits and Demons. Encores est plus absurde d'alleguer la maladie, qui ne seroit sinon en la personne du Lycãthrope, and nõ pas de ceux qui voyent l'homme changer en beste, and puis retourner en sa figure. S. Chrisostome dict que la Sorciere Circe auoit telleme (02) t abesty les compagnons d'Vlysse par voluptez bestiales, qu'ils estoie (02) t cõme pourceaux: où il semble qu'il veut dire que la raison seulement estoit abestié, and abrutié, and non pas que le corps fust changé. Et toutesfois tous ceux qui ont escrit de la Lycanthropie ancie (02) s, and modernes, demeurent d'accord, que la figure humaine change l'esprit, and la raison demeurant en son entier comme a tresbien dict Homere en l'Odissee [Greek omitted], C'est à dire, qu'ils auoient poil, and teste, and corps de pourceaux, and la raison ferme, and stable. Ce que dict Boëce disertement, voce and corpore perditis sola mens stabilisque Page 275

semper monstra quæ gemit patitur. Et par ce moyen la Lycãtropie ne seroit pas contraire au canon Episcopi XXVI. q.v. ny a l'opinion des Theologiens qui tienne (02) t pour la pluspart que Dieu non seulement a creé toutes choses, ains aussi que les malins esprits n'ont pas la puissance de changer la forme, attendu que la forme essentielle de l'homme ne change point, qui est la raison, ains seulement la figure. Or si nous confessions que les hommes ont bien la puissance de faire porter des roses à vn cerisier, des pommes à vn chou, and changer le fer en acier, and la forme d'argent en or, and faire mille sortes de pierres artificielles, qui combatent les pierres naturelles, doit-on trouuer estrange, si Sathan change la figure d'vn corps en l'autre, veu la puissance grande que Dieu luy donne en ce monde eleme (02) taire? Tout cela est confirmé par9 Thomas d'Aquin sur le second liure des Sentences, où il dict ainsi: omnes angeli boni, and mali ex virtute naturalihabent potestatem transmatandi corpora nostra: C'est à dire, que tous Anges bons and mauuais ont puissance par leur vertu naturelle, de trãsmuer nos corps.G1 A quoy se r'apporte le lieu de Iesaye, quand il dit, que la ville de Babylone sera rasee, and que là danseront les fees, les luytons, les Demons, and ceux qu'il appelle [Hebrew omitted] que l'interpretation commune de la Bible imprimee à Anuers chez Plantin, a traduit en François, demy hommes, and demy asnes s'il n'y auoit qu'vne maladie, ou bien vne illusiõ, il ne diroit pas demy homme, and demy asne: Car tous demeurere (02) t d'accord qu'ils perdent la parole, mais ceux qui combatent que le Diable n'a pas ceste puissance, ne considerent -notes- 9Dist. 7. ar.5. G11. Cap.34. Page 276

siderent pas que toute puissance vient de Dieu, soit qu'il la distribue aux Anges ou aux Diables, ou aux hommes, ou aux choses insensibles: comme il est cõmãdé à la terre de produire les bestes quadrupedes, and les plantes: and à la mer il est commandé de produire les oyseaux and poissons: and n'est pas dict que Dieu les a faict, mais bien qu'il a faict les cieux, and lumieres celestes, and la terre: and qu'il a faict aussi l'homme. Et neantmoins il est dict, que Dieu a tout faict and creé: ce qui se doibt entendre par moyens ou sans moyens. Et neantmoins il se peut bien faire aussi quelquesfois, que le Sorcier par illusion diabolique, face que l'homme semble autre, quil n'est: comme on peult veoir en l'histoire de sainct Clement, que Symon le Magicien, fist tellement que tous les amis de Faustinian le descongneurent: puis il dict à Neron l'Empereur, qu'il luy fist trancher la teste, l'asseurant qu'il resusciteroit le troisiesme iour: ce que fist Neron, comme il luy sembloit: Et trois iours apres il retourna, dequoy Neron estonné luy donna vne statuë en Romme, auec telle inscription, Symoni Mago Deo. Et depuis Neron se donna entierement aux Sorcelleries. Or Symon le Magicien auoit tellement faciné les yeux de Neron, and de toute l'assemblee, qu'ils decolerent vn mouton au lieu de Symon. Apulee recite le semblable de trois hommes qu'il pensoit auoir tuez, qui estoient trois peaux do Bouc, estant fasciné par la Sorciere Pamphile: mais telle fascination ne dure que vn moment. Et quand au changement de la figure humaine en beste, Page 277

elle dure quelques-fois sept ans, comme celle de Nabuchodonosor en Daniel, lequel fut vestu de poil long, and de grandes ongles, and souffrit la rosee du ciel, comme dict le texte, and vescut de foin comme les autres b ufs: si ce n'est qu'on voulust dire, qu'on seruoit des boteaux de foin aux Roys d'Assyrie: mais le poinct principal est, qu'il est dict, que apres sept ans passez sa figure luy fut rendue: qui monstre bien par necessité, qu'il auoit perdu la figure humaine. Et puis les actions, le labeur d'vn b uf, d'vn asne, que trois hõmes bien forts ne sçauroient porter la grandeur, les alleures, and qui plus est, les viandes de foin, and de chardons, ne peuue (02) t conuenir au corps humain. Car le Prophete Daniel, and tous ceux qui ont escrit de telle transmutation, sont d'accord qu'ils ne viuoient d'autre chose: bien que Apulee escrit qu'il viuoit aussi de viandes humaines, quand il pouuoit en trouuer, n'ayant point perdu la raison. Ioinct aussi, que la vistesse des loups, la course, la morsure des dents à croc, ne peuuent conuenir à l'homme: and quant à ceux qui disent que Sathan endort le corps humain, and rauist la fantasie, faisant croire que le corps est changé, comme quelques-vns ont pensé, veu que ceux qui ont esté blessez en forme de bestes, se sont apres estre rechãgez, trouuez bles sez en forme humaine, comme i'ay monstré cy dessus: l'vn and l'autre se peut faire par fois: and se peut faire aussi, que Sathan au mesme instãt blesse les corps humains. Car qui voudroit pour vne illusiõ conclure [quae] (16) tout n'est qu'illusiõ des uures de Sathã, il faudroit Page 278

cõfesser que tout ce qu'il fist à Iob la perte de ses bie (02) s, la ruine de ses maisons, le massacre de ses enfans, sa maladie extreme, and que toutes les pestes, mortalitez, famines, stcrilitez, qui sont les exploits des Diables, executeurs de la vengeance de Dieu, ne seroient que illusions: and la saincte Escriture, and toutes les Histoires de telles choses ne seroie (02) t que mocqueries. Et n'y a point d'apparence de dire, que Dieu n'a pas dõné ceste puissance à Sathan: car c'est chose incomprehensible que le conseil de Dieu, and la puissance qu'il donne au Diable est incognuë aux hommes, veu qu'il est dit en Iob. Qu'il n'y a puissance si grãde sur la terre, qu'il luy puisse resister. Et puis il est dit, que les Sorciers de Pharaon faisoient les choses que faisoit Moyse, c'est à sçauoir, qu'ils changeoient les bastons en serpens, and qu'ils faisoient des grenoüilles. Si ce fust esté vne esblouisseme (02) t des yeux, il n'eust pas dict: qu'ils faisoient ce que faisoit Moyse: car Moyse ne faisoit rie (02) par illusion. Ioinct aussi que le Serpent de Moyse n'eust pas digeré des bastons, si les Serpens des Sorciers n'eussent esté que bastons: auquel argument il est impossible de respondre, sans corrompre le texte. Or il est beaucoup plus estrãge de faire d'vn baston vn Serpent, and de plusieurs bastons plusieurs serpens, que de chãger la figure d'vn homme en veau, ou en loup: car S. Augustin au 3. liure de la Trinité dit, que c'estoient vrais Serpens. Et celuy qui veut accomparer les actions des esprits aux actiõs des hommes, est aussi abuzé, que s'il vouloit soustenir que les peintres and autres artizans ne font pas les uures gentiles qui combatent bien souuent la nature, Page 279

par ce que les veaux ny les mulets, ne sçauroient faire choses semblables. Car Dieu à departy à chacune de ses creatures ses merueilles selon leur portee. Et s'il faut rendre quelque raison pourquoy principalement les hommes sont plustost tournez en loups, and asnes qu'en autres bestes, la raison m'a semblé que les premiers qu'on dit auoir changé de forme en loup, mangeoient la chair humaine en sacrifiant à Iuppiter, qui s'appelloit pour ceste cause Lyceus, comme qui diroit Louuet: ce que Platon en la Republique, Marc Varron and autres autheurs Grecs on laissé par escrit. Aussi voit on que celuy qui fut executé à Dol, qui changeoit d'homme en loup, and ceux de Sauoye confessere (02) t auoir mangé plusieurs enfans. Et par vn iuste iugeme (02) t de Dieu il permet, qu'ils perdent la figure humaine, and qu'ils soyent loups, comme ils meritent. Car de toute ancienneté les Sorciers and Sorcieres ont esté diffamez d'auoir mãgé telles viãdes, iusques à deterrer les corps morts, and les ronger iusques aux os: ce que Pausanias à remarqué, and dit que c'estoit vn Dæmõ terrestre. Mais Apulée dict que c'estoient les Sorcieres. Et quand à ceux, qui changent en asnes, cela leur aduient, pour auoir voulu sçauoir les secres detestables des Sorciers. Car comme ceux qui s'amouracherent de la Sorciere Circe, furent changez en pourceaux par vn iuste iugement de Dieu: cõme ils tiennent en Liuonie, que ceux qui frequentent les Sorciers and Licantro pes deuienne (02) t en fin semblables à eux. Et quelque couse que ce soit, les histoires diuines, and humaines, and le consentemont de la plus saine partie des Theologiens, auec l'experience Page 280

des iugemens, and de tant de siecles, and de peuples and des plus sçauans, contraignent les plus opiniastres à recognoistre la verité, que rapporteray tousiours à la plus saine opinion des Theologiens, qui ne s'accorde (02) t pas aux Canonistes és questions que nous traittons. Mais en quelque sorte que ce soit, il appert que les hõmes sont quel quesfois transmuez en bestes demeurãt la forme and raison humaine. Soit que cela ce face par la puissance de Dieu immediatement, soit qu'il donne ceste puissance à Sathan executeur de sa volonté. Et si nous confessons la verité de l'histoire sacree en Daniel, qui ne peut estre reuoquee en doute, and de l'histoire de la femme de Loth changee en pierre immobile, il est certain que le changement d'homme en b uf, ou en pierre est possible, and en tous autres animaux: c'est l'argument duquel Thomas d'Aquin vse parlant du trãsport faict du corps de Iesus Christ sur la montagne, and sur le te (02) ple: s'il est possible en vn, il est possible en tous: car il est dit que cela fut fait par Sathan. Et sainct Augustin au liure troisiesme cha. 9. de la Trinité, dict a ce propos que le diable sçachant la proprieté and la saison des serpens and des grenouilles, faict creer des serpens and des grenouilles mali angeli pro subtilitate sui sensus, in occultioribus elementorum seminibus norunt vnde ranæ ac serpe (02) tes nascantur: and hæc per certas temperationum opportunitates occultis motibus adhibendo faciunt creari. Voila ces mots' Or s'il est ainsi que les Sorciers de Pharaon où le diable ait fait venir des grenouilles de rien and mue de bastons en serpens, a plus forte raison peut il changer la figure. Book 2 - Chapter 7 Page 281

SI LES SORCIERS ONT CO-pulation auec les Demons. CHAP. VI [VII]. Av commencement de cest uure nous auons dist que Ieanne Heruillier natifue de Verbery pres Cõpiegne entre autres choses, confessa que sa mere (qui fut cõdamnee d'estre bruslee toute viue, par arrest du Parlement, cõfirmatif de la sente (02) ce du iuge de Senlis) à l'aage de douze ans la presenta au diable en forme d'vn grand homme noir, and vestu de noir, botté, esperonné, auec vne espee au costé, and vn cheual noir à la porte: auquel la mere dist, Voicy ma fille que ie vous ay promise: Et à la fille, Voicy vostre amy, qui vous fera bien heureuse, and deslors qu'elle renonça à Dieu, and à la religiõ, and puis coucha auecques elle charnellement, en la mesme sorte and maniere que font les hommes auec les femmes, horsmis que la semence estoit froide. Cela dit-elle continua tous les huit ou quinze iours: mesmes icelle estant couchee pres de son mary, sans qu'il s'en apperceust. Et vn iour le diable luy demanda, si elle vouloit estre enceinte de luy, and qu'elle ne voulust pas. I'ay aussi leu l'extraict des interrogatoires faicts aux Sorcieres de Longny en Potez, qui furent aussi bruslees vifues, que Maistre Adrian de Fer, Lieutenãt general de Laon m'a baillé. I'en mettray quelques confessions sur ce poinct icy, Marguerite Bremont femme de Nouël Laueret a dict que Lundy dernier, apres iour failly, elle fut auec Page 282

Marion sa mere à vne assemblee, pres le moulin Franquís de Longny en vn pré, and auoit sadite mere vn ramon entre ses iambes disant: (Ie ne mettray point les mots,) and soudain elles furent transportees toutes deux audict lieu, où elles trouuerent Iean Robert, Ianne Guillemin, Marie femme de Symõ d'Agneau, and Guillemette femme d'vn nommé le Gras, qui auoient chacun vn ramon: Se trouuerent aussi en ce lieu six diables, qui estoient en forme humaine, mais fort hideux à voir and c. Apres la danse finie les diables se couchere (02) t auecques elles, and eurent leur compagnie: and l'vn d'eux qui l'auoit menee danser la print, and la baisa par deux fois, and habita auecques elle l'espace de plus de demle heure: mais delaissa aller la semence bien fort froide. Ieanne Guillemin se rapporte aussi au dire de celle-cy and dict qu'ils fure (02) t bien demie heure ensemble, and qu'il lascha de la semence bien fort froide. Ie laisse les autres depositions qui s'accorde (02) t, à ce propos. Caietan escrit qu'vne Sorciere demãda vn iour au diable pourquoy il ne se rechauffoit, qui fist respõse qu'il faisoit ce qu'il pouuoit. En cas pareil nous lisons au 16. liure de Meyer qui a escrit fort diligemment l'histoire de Flãdres, que l'an 1459. grand nombre d'hommes and femmes fure (02) t bruslees en la ville d'Arrasaccusees les vns par les autres and confesserent qu'elles estoie (02) t la nuict trãsportees aux danses, and puis qu'ils se couployent auecles diables qu'ils adoroient en figure humaine. Iacques Spranger, and ses quatre compagnons inquisiteurs des Sorcieres escriuent qu'ils ont fait le procez à vne infinité de Sorcieres en ayant fait executer fort grand nombre en Page 283

Alemaigne, and mesmement au pays de Constance, and de Rauenspurg, l'an 1475. and que toutes generalement sans exception, confessoient que le Diable auoit copulation charnelle auecques elles, apres leur auoir fait renoncer Dieu and leur religion. Et qui plus est, ils escriuent qu'il s'en trouua plusieurs, qui c'estoicnt repenties, and retirees, sans estre accusees, lesquelles confessoient le semblable, c'est à sçauoir que les diables, tant qu'elles auoient esté Sorcieres, auoient eu copulation auecques elles. Henry de Coulongne confirmant ceste opinion dit, qu'il n'y a rien plus vulgaire en Allemagne, and non pas seulement en Allemaigne, ains cela estoit notoire en toute la Grece and l'Italie. Car les Faunes, Satyres, Syluains, ne sont rien autre chose, que ces Demons, and malins esprits: Et par prouerbe le mot de Satyrizer, signifie paillarder. Sainct Augustin au 15. liure de la Cité de Dieu dict, que telle copulation des diables, auec les femmes est si certaine, que ce seroit grande impudence d'aller au contraire. Voicy ces mots: Et quoniam creberrima fama est, multíque se esse expertos, vel ab eis qui experti essent, de quorum fide dubitandum non est, audisse confirmant, Syluanos, and Junos, quos vulgo Incubos vocant, improbos sæpe extitisse mulieribus, and earum appetisse, and peregisse concubitum. Et quosdam Dæmones, quos Galli Dusios nuncupant hanc assiduè immundiciem, and tentare, and efficere, plures, talésque asseuerant, vt hoc negare impudentiæ esse videatur. Gerardus Lilius, and Isidorus in lib. VIII. dit le semblable: mais tous ont failly au mot Dusios, car il faut lire Drusios, comme qui diroit diables Forestiers, que les Page 284

Latins en mesmesens ont appellé Syluanos. Il est vraysemblable ce que dict Sainct Augustin, que nos peres anciennement appelloient ces Demons and diables-là, Drusios, pour la difference des Druides, qui demeuroient aussi és bois. Or Sprenger passe encores plus outre, car il dict, que plusieurs fois aux champs and aux bois les Sorcieres se descouuroient, and auoient compagnec du Diable en plein iour, and souue (02) t auoient esté veues denuees par les champs. Et quelquesfois aussi les maris les trouuoient conioinctes auec les diables, qu'ils pensoient estre hommes, and frappans de leurs espees ne touchoient rien. Paul Grilland Iurisconsulte Italien, qui a faict le procés à plusieurs Sorcieres, recite au hure des Sortileges, que l'an mil cinq ce (02) s trente six, au mois de Septembre il fut prié d'vn Abbé de Sainct Paul pres de Rome faire le procés à trois Sorcieres, lesquelles en sin confessere (02) t entre autres choses, que chacune Sorciere auoit copulation auec le diable. Nous lisons aussi en l'histoire sainct Bernard, qu'il y eut vne Sorciere, qui auoit ordinairement compagnie du diable au pres de son mary, sans qu'il s'en apperceut. Et quand le diable leur manque elles cherchent les ieunes femmes and filles dont elles abufent, comme on disoit de Sapho, and autres que les Grecs appelle (02) t [Greek omitted] les Latins Fricatrices, les Africains, Sahacat mot Hebrieu qui n'est pas honeste. Ceste question à sçauoir si telle copulation est possible, fut traictee deuant l'Empereur Sigismond, and à sçauoir, si de telle copulation il pouuoit naistre quelque chose: Et fut resolu, contre l'opinion de Cassianus, que telle copulation est possible, Page 285

and la generation aussi, suyuãt la glose ordinaire, and l'aduis de Thomas d'Aquin sur le Genese chap. VI. qui dit que ceux qui en prouiennent sont d'autre nature, que ceux qui sont procrees naturellement. François Pic Prince de la Mirande tient cela pour indubitable liu.4. c. 4. de Prænot. Nous lisons aussi au li.I.ch.27.des histoires des Indes Occidentales, que les peuples tenoyent pour certain, que leur Dieu Concoto couchoit auec les femmes: Car les Dieux de ce pays là n'estoyent autres que diables. Aussi les Docteurs ne s'accordent pas en cecy: entre lesquels les vns tiennent que les Demons Hyphialtes, ou Succubes reçoiuent la semence des hommes, and s'en seruent enuers les femmes en Demons Ephialtes, ou Incubes, comme dict Thomas d'Aquin, chose qui semble incroyable: mais quoy qu'il en soit, Sprenger escrit que les Allemans qui ont plus d'experience des Sorciers, pour y en auoir eu de toute ancienneté, and en plus grand nombre qu'és autres pays, tiennent que de telle copulation il en vient quelquesfois des enfans, qu'ils appellent Wechselkind, ou enfans changez, qui sont beaucoup plus pesans que les autres, and sont tousiours maigres: and tariroient trois nourrices sans engresser. Les autres sont diables en guise d'enfans, qui ont copulation auec les nourrices Sorcieres, and souuent on ne sçait qu'ils deuiennent. Mais quant à telle copulation auec les Demons sainct Hierosme, sainct Augustin, sainct Chrysostome, and Gregoire Nazienzene, soustiennent contre Lactance, and Ioseph, qu'il n'en prouient rien, and s'il en vient quelque chose, ce Page 286

seroit plustost vn Diable incharné, qu'vn homme. Ceux qui pensent tout sçauoir les secrets de nature, and qui ne voyent goutte aux secrets de Dieu and des intelligences, disent, que ce n'est pas copulation auec le diable, mais que c'est maladie d'opilation, laquelle toutesfois ne vient qu'en dormant, and en cela tous les medecins en demeurent d'accord. Mais celles que nous auons remarquees par leurs confessions, apres auoir dansé auec les diables à certain iour and lieu, qui estoit tousiours assigné auparauant, ne pouuoient tõber en ceste maladie. Encores est il plus ridicule de Philosopher ainsi, veu que telle maladie ne peut auoir lieu, quand l'homme Sorcier à copulation auec le Diable comme auec vne femme, qui n'est pas incube, ou Ephialte, mais Hyphialte, ou Succube. Car nous lisons en Iacques Spranger, qu'il y auoit vn Sorcier Alemand à Confluence, qui en vsoit ainsi deuant sa femme, and ses compaignons qui ne le voyent en ceste action, sans voir la figure de femme, and lequel au surplus estoit fort and puissant, and en telle action peut estre estoit celuy que sainct Augustin dict au liure. II. chapitre 4. de Trinit. auoir veu comme s'il eust copulation auec vne femme and ietter semence. Et mesme François pic Prince de la Mirande 3 escrit auoir veu vn Prestre Sorcier nommé Benoist Berne aagé del XXX. ans, qui confessa auoir eu copulation plus de 40. ans auec vn Demon desguisé en femme, qui l'accõpagnoit, sans que personne l'apperceust, and l'appelloit Hermione. Il confessa aussi qu'il auoit humé le sang de plusieurs petits enfans, and faict plusieurs autres meschancetez -notes- 3Picus mae sor in libris dprænotione. Page 287

execrables, and fut bruslé tout vif. Et si escrit auoir veu encores vn autre Prestre aagé de LXX. ans, qui cõfessa aussi auoir eu semblable copulation plus de cinquãte ans auec vn Demon en guise de femme, qui fut aussi bruslé. Et de plus fraische memoire l'an 1545. Magdeleine de la Croix, natiue de Cordouë en Espaigne, Abbesse d'vn Monastere, se voyant en suspicion des Religieuses d'estre Sorciere, and craignant le feu, si elle estoit accusee, voulut preuenir, pour obtenir pardon du Pape, and confessa que dés l'aage de douze ans vn malin esprit en forme d'vn More noir, la solicita de son honneur, auquel elle consentit, and continua XXX. ans and plus, couchant ordinairement auec luy: par le moyen duquel estãt dedans l'Eglise, elle estoit esleuee en haut, comme Porphire dit de Iamblique, lors qu'il portoit l'idole de son Dieu: and quand les Religieuses communioient, apres la consecration, l'hostie venoit en l'air iusques à elle au veu des autres Religieuses, qui la tenoie (02) t pour saincte, and le Prestre aussi, qui trouuoit alors faute d'vne hostie, and quelques-fois aussi la muraille s'entrouuroit pour luy faire voir l'hostie. Elle obtint pardon du Pape Paul III. estant repentie comme elle disoit. Mais i'ay opinion qu'elle estoit dediee à Sathan par ses parens dés le ventre de sa mere. Car elle confessa que dés l'aage de six ans Sathan luy apparut, qui est l'aage de cognoissance aux filles, and la solicita à douze, qui est l'aage de puberté aux filles, cõme nous auons dict, que Ieanne Heruillier confessa le semblable, and en mesme aage. Ceste histoire a esté publiee en toute la Chrestienté. Nous lisons vne autre histoire de Page 288

plus fresche memoire aduenuë en Allemagne, au monastere de Nazareth, Diocese de Coulongne, où il se trouua vne ieune Religieuse nommee Gertrude, aagee de XIIII. ans laquelle confessa à ses compagnes, que Sathan toutes les nuicts venoit coucher auecques elle. Les autres en voulurent faire preuue, and se trouuerent saisies des malins esprits. Mais quand à la premiere, Iean Vier, qui escrit l'histoire, dit qu'en presence de plusieurs personnages de nom, estant au monastere le XXV. iour de May M. D. LXV. on trouua au coffre de Gertrude vne lettre d'amour, escrite à son Demon. I'en trouue vne autre histoire au Iardin des fleurs d'Antoine de Turquemede Espaignol, qui merite d'estre traduit d'Espaignol en François, d'vne Damoyselle Espaignole, qui confessa aussi auoir eu copulation auec vn Demon, estant attiree à l'aage de dixhuict ans par vne vieille Sorciere, and fut bruslee toute viue sans repentance. Celle-là estoit de Cerdene. Il en met encores vn autre qui se repentit, and fut mise en vn monastere. Maistre Adam Martin Procureur au siege de Laon, m'a dict auoir faict le procez à la Sorciere de Bieure, qui est à deux lieuës de la ville de Laon, en la iustice du Seigneur de la Boue, Bailly de Vermandois, l'an M.D. LVI. qui fut condamnee à estre estranglee, puis bruslee: and qui neanimoins fut bruslee vifue par la faute du bourreau, ou pour mieux dire, par le iuste iugement de Dieu, qui fist congnoistre qu'il faut decerner la peine selon la grãdeur du forfaict, and qu'il n'y a point de meschanceté plus digne du feu: Elle confessa que Sathan, qu'elle appelloit son compagnon, Page 289

auoit sa compaignie ordinairement, and qu'elle sentoit sa semence froide. Et peut estre que le passage de la Loy de Dieu qui dict, Maudit soit celuy, qui donnera de sa semence à Molech, se peut entendre de ceux-cy: and se peut entendre aussi de ceux qui dedient leurs enfans aux Diables, car les Hebrieux par le mot de [Hebrew omitted] signifient aussi les enfans: qui est l'vne des plus detestables meschancetez, qu'on peut imaginer, and pour laquelle Dieu dict que sa fureur s'embrasa contre les Amorrheans and Cananeans, qu'il rasa de la terre pour telles meschancetez. Et se peut faire que les familles, desquelles escrit Pline au liure VII. chap. II. qui sont en Afrique, and en Sclauonie, and de ceux qu'on appelle Psilliens, and Ophiogenes, c'est à dire Enfans de Serpens, qui tiennet les Serpens en leur puissance, and qui du regard ensorcelent, and souuent font mourir, sont les enfans dediez, and voüez à Sathan dés le ventre de la mere, ou si tost qu'ils sont nez, comme en Italie on appelle tels enfans li Acharrontini, enfans d'enfer: lesquels on voit au pays de Veronne: and de Romme dés l'aage de six and sept ans, danser les visages tournez hors la danse, and clinant la teste en arriere, auec telle cadence sans musique ny violõ, qu'on diroit qu'ils sont tous colez en vn. Depuis qu'il y-a de telle semence, les familes en sont par lõgues suittes d'annees infectees, cõme en Thessalie, depuis [quae] (16) ceste vermine y fut portee par Medee la Sorciere tãte de Circe, on ne l'a iamais peu chasser. Car les peres and meres dedioie (02) t leurs enfans au parauãt qu'ils fussent nais à Sathan, and continuoient de pere en fils telle abomination, and mesmes ils auoient Page 290

accoustumé dedier les premiers nais à Sathan, comme escrit Ezechiel chap. XX. les autres les dedient du ventre de la mere, comme il aduint l'an M. D. LXXV. que vn Gentil-homme Allemand se despitant contre sa femme dist, qu'elle enfanteroit vn Diable. Elle fist vn monstre hideux à voir, aussi estoit il en reputation d'estre vn grand Sorcier. Et au pays de Valoys, and de Picardie, il y-a vne sorte de Sorcieres, qu'ils appellent Coche-mares, and de fait Nicolas Noblet riche laboureur, demeurant à Haute-fontaine en Valoys m'a dict que luy estant ieune garson, il sentoit souuent la nuict tels Incubes, ou Ephialtes, qu'il appelloit Coche-mares, and le iour suyuant au matin, la vieille Sorciere qu'il craignoit, ne failloit point à venir querir du feu, ou autre chose, quand la nuict cela luy estoit aduenu. Et au reste le plus sain and dispos qu'il est possible. Et non pas luy seul, mais plusieurs autres l'afferment. Aussi nous lisons vne semblable histoire au liure huitiéme de l'histoire d'Escosse, estant quelqu'vn toutes les nuicts opprimé d'vne Sorciere, en sorte qu'il ne pouuoit crier, ny s'en depestrer, en fin il en fut deliuré par prieres, and oraisons. Ie mettrois infinis autres exemples, mais il semble qu'il suffist pour demonstrer que telles copulations ne sont pas illusions, ny maladies. Toutesfois ie mettray encores vne histoire à ce propos, que Pausanias in Phocaicis, recite que les Candiots auoient de Manes, qu'ils appelloie (02) t Cathecanes, qui retournoie (02) t des corps enseuelis, au sepulchres coucher auec leurs vefues, and que l'ordonnance du pays vouloit, quand cela estoit aueré, qu'on perçast la teste du mort d'vn Book 2 - Chapter 8 Page 291

fer, and puis qu'on le bruslast. Mais disons si les Sorciers ont puissance d'enuoyer les maladies, sterilitez, gresles and tempestes, and tuer hommes and bestes. Si les Sorciers peuuent enuoyer les maladies, sterilitez. gresles, tempestes, and tuer hommes and bestes. CHAP. VIII. Tovs les Philosophes, Theologiens, and Historiens sont d'accord, que les Demons ont grande puissance, and les vns plus, les autres moins: les vns plus me (02) teurs que les autres, les vns plus meschans que les autres, and generalement les anciens ont tenu pour Maxime, que les Demons terrestres and soubterrestres sont pl9 cruels, plus malins, plus menteurs, and plus infects, comme estãs plus souïllez, de matiere plus terrestre. Et pour ceste cause Plutarque dict que Democrite honoroit les Demons qui plus estoient nets de contagion impure. C'est ce que dit l'interprete Grec de Synesius in libro [Greek omitted]. C'est à dire, que les Caldeans tiennent que les Demons terrestres sont menteurs pour estre plus esloignez de la cognoissance des choses diuines. Et ceux-là sont les plus dangereux desquels il semble que l'escriture parle au Psalme 103. quand il dit, que les lions and bestes rapaces fortent des tanieres la nuict, and demandent à Dieu leur pasture, c'est à dire l'execution des meschans. Cela se voit és cauernes ou plusieurs sont tuez: and souuent és Page 292

minieres. Georges Agricola, dict qu'en la miniere du Comte Georges, vn Demon print vn ouurier, and le tirant hors de terre, le mit au plus haut lieu en luy frois sant le corps. Mais nous auons dict cy dessus, que tous les Demons sont malins, menteurs, imposteurs, ennemis du genre humain, and qu'ils n'ont plus de puissance que Dieu leur en permet. Et neantmoins les Sorciers pensent estre tout-puissans, comme on peut voir en Lucan de la Sorciere Erichtho Thessalienne, and en Apulee de la Sorciere Pamphile Thessalienne: Saga, ditil, Diuinipotens c lum deponere, terram suspendere, fontes durare, montes diluere, manes sublimare, sydera extinguere, tartarum ipsum illuminare. Et peu apres parlant de ses ennemis qui la vouloient lapider, il dict que par prieres, and sepulcralibus deuotionibus in scrobem procurratis, cunctos in suis domibus tanta numinum violentia clausit, vt toto biduo, non claustra perfringi, non fores euelli, non denique parietes ipsi potuerint perforari, quoad deierarent se non ei manus admolituros, and sic illa propitiata totam ciuitatem absoluit, Quand à ce dernier poinct, il est bien vray and possible, cõme dict S. Augustin au liure de Diuinatione, Accipiunt sæpe, dit-il, potestatem morbos immittere, and aerem vitiando morbidum reddere: de corrompre l'air, and enuoyer des maladies. Et Thomas d'Aquin a tresbien dict, malesicia fiunt à dæmonibus principaliter Deo permittente, and à malesicis instrumentaliter in 4. distinct. 34. artic. 3. Car Dieu a dix mille moyens de ch stier les hommes, and de grands thresors de vengeance, comme il dict, tantost par soy-mesmes, tantost par ses Anges, tantost par les Diables, tantost par les hommes, Page 293

tantost par les bestes. Bref toute la nature est preste and aussi tost disposee de venger l'iniure faite à Dieu. Mais le fondement de toute l'impieté sur lequel les Sorciers s'appuient, and pour lequel ils se donnent au Diable, sont les promesses qu'illeur faict de leur donner ceste puissance, où leur enseigner les pouldres, les paroles, les characteres pour se faire aymer, honorer, enrichir, viure en plaisir, and ruiner leurs ennemis, comme nous auons dict, qu'il s'est trouué par la confession de plusieurs Sorciers. Voyla les promesses qu'il leur faict, quand ils renoncent à Dieu. Et d'autant qu'il est le premier autheur de mensonge, aussi se trouue, qu'il ny'-a rien que des impostures en tout ce qu'il promet hors-mis la vengeãce, and sur certaines persõnes seuleme (02) t, and tãt que Dieu luy en dõne la permissiõ. Nous en auons vn million d'exe (02) ples en la saincte Escriture, and en voyons l'experience à toute heure. Aussi Dieu au milieu de ses Anges 2, entre lesquels se trouua Sathan comme executeur, ainsi parloit Chrisippus des malins esprits de sa haute Iustice, demandant s'il y auoit homme plus entier, and craignant Dieu, que Iob: alors Sathan dit, pour neant seroit il autre, veu que tu as pris sa protection, and as enuironné de hautes murail les sa perlonne, sa famille, son bestial, ses maisons, and tout ce qui est à luy, en sorte quil est impossible de luy toucher. Mais si tu l'auois laissé tant soit peu, bien tostilte blasphemeroit. Lors Dieu permit à Sathan calomniateur, vser de sa puissance sur ce qui appartenoit à Iob, horsmis sa personne: Tout soudain and en vn moment Sathan se ruina de tout poinct, and non pas peu à -notes- 2Iob.c. 1. and 3. Page 294

peu: mais tout à coup, luy ostant en tierement tout son bie (02) , quoy qu'il fust le plus riche homme d'Orient, faisant ruiner toutes ses maisons, and tuant tous ses enfans, famille, and bestail, pour l'accabler en vn instant, and ne luy laisla que sa femme, son capital ennemy, pour le tourmenter, and se mocquer de luy. Et neantmoins Iob dist: Ie suis venu tout nud, ie m'en retourneray tout nud. Dieu m'a donné des biens, and les a repetez, Dieu soit loué de tout. Sathan despit d'vne coustance ferme and arresté propos de louër Dieu en telle affliction, il va de rechef le calomnier deuant Dieu, disant qu'il n'y a rien qu'on ne donne pour racheter sa vie: mais si Dieu l'affligeoit en son corps, qu'il blasphemeroit bien tost. Alors Dieu luy permist vser de sa puissance cõtre Iob, pour l'affliger iusques à la mort exclusiuement. Soudain Sathan rendit son corps depuis le sõmet de la teste iusques aux pieds tout en apostumes and rõgnes puãtes à merueilles: toutesfois il ne luy aduint poi (03) t de blas phemer Dieu encores qu'il fist de grands regrets. Et apres que Dieu eut sondé son c ur, and integrité, il luy rendit sa santé, sorce, and allegresse, and deux fois plus de biens qu'il n'auoit eu: Et luy dõna sept enfans masles, and trois filles, and le fist encores viure cent xl. ans en paix and douceur de vie. Or ceste histoire est bien fort considerable, and tout le discours de Iob auec ses amis, and la sesolution d'iceluy, qui est le plus beau and le plus diuin qui fut onques, and qui contient soubs les allegories, les thresors de sapience, and les plus hauts secrets qui soient en toute la Bible: Car on voit en ce discours que Sathã ne peut vser de sa puissance, sinon entant, and pourtant Page 295

que Dieu luy permet. Mais si vne fois il luy lafche la bride, on void de merueilleux exploits de Sathan, cela ce voit assez euidemment au procez de Robert Oliue, qui fut bruslé a Falaize l'an 1456. Lequel confessa que le diable luy fist mettre le feu en plusieurs maisons, and à plusieurs foix, and tuer deux petits enfans, and fait a noter audit procez, que le diable qui se nomma Chrysopole ne faisoit faire les feuz and meurtres d'enfans, and bestial, sinon és enuirons de Falaize. Car combien que ledit Oliue fust à Lyon, soudain il estoit porté à Falaize, and apres auoir faict son exploit, il estoit reporte à Lyon vne autre fois de Moulins a Falaize: and de Paris à Falaize. Enquoy plusieurs, qui forme (02) t des questiõs, and font des resolutions, que le diable ne faict pas les choses qu'on void à l' il, and pensent que c'est offenser Dieu, de croire qu'il ait tant and si grande puissance. Les autres disent que c'est reuoquer en doubre la parole de Dieu qui dict,2 parlant de Sathan, Il n'y a puissance sur la terre, qui luy soit accomparable. Qui est vn lieu bien à noter. Orie tiens, qu'il n'y a point moins d'occasion de louer Dieu en la puissance qu'il donne à Sathan, and aux actions qu'il faict, qu'il y en a en la force and puissance qu'il donne au Soleil, aux estoilles, aux plantes, aux animaux, aux herbes, aux metaux. Et par ainsr l'homme de bien oyant tonner, gresler, foudroyer auec tempestes merueilleuses, and trembler la terre, il ne dira pas, que c'est Sathan, encores qu'il soit ministre peut estre de telle chose: Mais il dira que c'est Dieu, comme faict Dauid, quand il dict: la voix du -notes- 2Iob. ca. 41. Page 296

Seigneur tonnant, va sur les eaux resonant parmy les nuees des cieux, s'entend le Dieu glorieux. La voix du Seigneur tesmoingne de quelle force il besongne. La voix du Seigneur hautaine de hautesse est toute pleine. La voix du Seigneur espart ses flammes de toute parts. Et les grands deserts profonds faict trembler iusques au fonds. Mais au temple cependant chacun à Dieu va rendant en lieu de trembler de peur gloire de bouche, and de cueur. Ainsi ferons nous de toutes les uures que Dieu faict par ses Anges soyent bons, ou mauuais, ou par les astres, and autres choses naturelles, ou par les hommes: Car Dieu benist, and multiplie ses graces, faueurs, and largesses par les bons, and ses fleaux par les mauuais: Et n'est pas moins necessaire en la police de ce grãd mõde, que Dieu distribue par sa iustice eternelle les peines aux meschans, que les loyers aux bons, and par ainsi quand la Loy ciuile dict: Multi non dubitant magicis artibus elementa turbare, vitam insontium labefactare, and manibus accitis audent ve (02) tilare, vt quisque suos consiciat inimicos.G1 Il faut attribuer la puissance à Dieu de tout cela, encores que cela soit fait par le ministere des diables, ou autres esprits. Et faut croire qu'il n'est rien fait, soit par les Demons soit par les Sorciers, qui ne se face pour vn iuste iugement de Dieu qui le permet, soit pour chastier ceux qui le meritent soit pour tenter, and fortifier les bons. C'est pourquoy Dieu parlant de ses vengeances.1 Il n'y a point, dit il, d'affliction ny de calamité, qui ne vienne de moy. Or de toutes les actions que les Sorciers s'attribuent, il n'y en a gueres de plus signalee, que faire foudroyer, and te (02) pester, -notes- G11.Li. 4. de Ma lefi. Ca. 1Nullum est malum in ciuitate quod non fecerit Dominus. Page 297

ce que la Loy tient pour2 toutresolu. Et de fart au liure des cinq Inquisiteurs, il est dict, que l'an mil quatre cens octante and huict, il aduint au Diocese de Constance vn orage violent de Gresles, foudres, and tempestes, qui gasta les fruicts quatre lieuës d'este (02) due. Tous les paysans accusoient les Sorciers: on prist deux femmes, l'vne Anne de Mindelen, l'autre Agnés: estãt presentees à la question apres auoit denié, en fin confesserent separément qu'elles auoient esté aux champs en mesme iour auec vn peu d'eaue, and l'vne ne sçachant rien, de l'autre, auoient fait chacune vne fosse, and troublé l'eau dedans la fosse sur le midy, auec quelques paroles qu'il n'est besoin de sçauoir, inuocãt le diable, and cela fait, si tost qu'elles fure (02) t de retour en la maison, l'orage suruint: elles fure (02) t bruslees viues. Nous dirons par cy apres que les plus violents effects des malins esprits sont à minuict ou a midy. Il se peut faire que le Diable preuoyant la tempeste venir naturellement, les incita pour se faire craindre, and reuerer. Ce qui est ordinaire à Sathan preuoyant la peste, ou sterilité, ou mortalité de bestail, faire croire aux Sorciers que c'est par sa puislance qu'ils font venir, ou chassent la peste and la tem peste, and la famine, comme à la verité il se fait bien souuent, mais non pas tousiours. Le mesme Autheur escrit en vn autre procés, qu'il fist à vne Sorciere du pays de Constance, que voyant tous les habitans de son village aux nopces, and se resiouir à dans'er, despité qu'on ne l'auoit inuitce, se fist transporter par le diable en plein iour au veu des Bergers sur vne petite montaigne, qui estoit pres du village, and n'ayant poinct -notes- 2dl. 4. de Malef oC d. Page 298

d'eau pour mettre en la fosse, qu'elle auoit faicte à fin d'exciter la tempeste, comme elle confessa que c'estoit la mode, elle vrina, and mouuant l'vrine dedans la fosfe, dist quelques paroles, bientostapres le ciel, qui estoit beau, and serein, s'obseurcit, and greslaimpetucusement, and seulement sur le village, and sur tous ceux qui dansoient, and puis la Sorciere s'en retourna au village. Lavoyant, on iugea que c'estoit elle, qui auoit fait la tempeste, and puis estant prise, les Bergers deposerent qu'ils l'auoient veue transporter en l'air, ce qu'elle confessa estant accusee, and conuaincue, and fut bruslee toute viue. Et fait bie (02) à noter, que la gresle ne toucha point les fruicts, qui est au propos de ce qu'on list in Fornicario, qu'vn Sorcier confessa qu'il leur estoit aisé de faire la tempeste, par le moyen d'vn sacrifice au diable (qu'il n'est besoin d'escrire.) Mais il disoit, qu'ils ne pouuoient nuire par les tempestes à leur volonté, ny gaster les fruicts, combien que les Sorcieres, ou plustost Sathan à leur requeste, and Dieu le permettant, font quelquesfois perir les fruicts, non pas tous, ny de toutes personnes, comme nous dirons tantost qui n'est poinct chose nouuelle: Car nous lisons aux douzes tables la loy expresse, Quifruges excantassit, p nas dato. Encores la Loy defend d'attirer la fertilité des fruicts d'autruy en sa terre, comme il appert en ceste Loy, Ne alienam segetem pellexeris incantando, and en autre lieu: Ne incantanto, Ne a grum defraudanto. Et pour ceste cause Furnius fut accusé par Spurius Albinus, lequel n'ayant preuue suffisante, pourquoy ses fruicts estoyent tousiours plus beaux, sans comparaison, Page 299

raison que les autres (qui estoit peut estre vne illusion) il fist venir ses b ufs, charrettes, and seruiteurs en plein Senat, disant qu'il n'auoit point d'autres charmes, and fut absous, comme dit Tite Liue. Mais nous lisons que Hoppo, and Stadlin, les plus grands Sorciers d'Allemaigne se vantoient de faire venir d'vn champ en l'autre la tierce partie des fruicts, comme escrit Spranger: Et neãtmoins par tous les proces, il se trouue, que iamais Sorcier n'enrichit d'vn double de son mestier, comme nous dirons tãtost. Nous lisons aussi en Pontanus vne histoire memorable au li. 5. que les François se voyans assiegés des Espagnols en la ville de Suesse, au royaume de Naples, lors que tout brusloit de secheresse, and de chaleur, and que les Frãçois estoient reduits à l'extremité par faute d'eau douce, il se trouua là plusieurs Pre stres Sorciers, qui trainerent le Crucifix par les rues la nuict, luy disant mille iniures and blasphemes, and le ietterent en la mer, puis ils baillerent vne hostie consacree à vn Asne qu'ils enterrerent tout vif sous la porte de l'Eglise, and apres quelques charmes, and blasphemes detestables, qu'il n'est besoin de sçauoir, il tomba vne pluye si violente, qu'il sembloit vn vray deluge: par ce moyen l'Espagnol quitta le siege: lors on dict, Flectere si nequeo superos, Acheronta mouebo. Ceste coustume de trainer les crucifix and images en la riuiere pour auoir la pluye se pratique encores en Gascogne, ce que i'ay veu faire à Thoulouse en plein iour par les petits enfans deuant tout le peuple, qui appellent cela la tiremasse: and se trouua quelqu'vn qui ierta plusieurs images dedãs le puis du Salin, l'an 1557. lors la pluye tõba Page 300

en abondance, qui est vne signalee meschanceté qu'on passe par souffrance, and vne doctrine de quelques Sorciers de ce pays là, qui ont enseigné ceste impieté au pauure peuple en chãtant quelques chansons, comme firent les prestres de Suesse au Royaume de Naples. Il y en a encores vne autre vsitee. and ordinaire en la ville de Pampelonne, au Royaume de Nauarre, quand on veut auoir de la pluye, on prend l'image sainct Pierre, qu'on porte sur le bord de la riuiere, auec Cantiques and louanges: puis on parle à l'image sainct Pierre, disant, ayde nous en ceste necessité, and demande à Dieu de la pluye, cela ce dit deux ou ou trois fois, and voyant que l'image ne respond rien, ils crient tout haur en disant qu'on le noye s'il n'obtient la pluye. Alors les plus riches disent, non non, il n'en fera pas ainsi: car il nous fera auoir de la pluye, comme vn bon pasteur. Et pour seureté il s'en trouue qui le cautionnent, qui ni faudrapas, and iamais il ne trompe l'esperance qu'on a de luy, dedãs 24. heures: ainsi qu'escrit Martin d'Arles docteur en Theologie au liure des superstitions qu'il blasme a bõne and iuste eause. Et ordinairement les Sorciers de ce pays là, inspirez du diable font ces meschãcetez quand ils voyont que les elemens sont disposez à la pluye. Quant au bostail, ordinairement les Sorcieres le font mourir en mettant sous le sueil de la porre quelques pouldres, nõ pas que ce soit la force des poudres, qui feroient plustost mourir les Soroieres, qui les portent sur elles, que non pas les animaux qui passent par dessus. Ioinct auffi que les Sorcieres les cachent tousiours vn pied sous terre, mais il n'y à rien que Sathan, qui en soit ministre: Page 301

Ie me suis laissé dire, qu'il mourut en vne bergerie de Berry trois cens bestes blanches en vn moment par ce moyen. Et non seulement Sathan exerce la puissance que Dieu luy donne és tempestes, gresles, and foudres, and sur les fruicts and animaux, ains aussi sur les hommes, and principalement sur les meschans. I'ay dict cy dessus que les Sorciers, qui furent bruslez à Poictiers l'an mil cinq cens soixante and quatre, confeslerent qu'aux assemblees, où ils se trouuoyent la nuict pour adorer le Diable, en figure de Bouc, pour la conclusion le Bouc en voix terrible disoit, Vengez vous ou vous mourrez. Aussi confesserent ils auoir faict mourir plusieurs bestes, and hommes, and disoient pour excuse qu'il n'y auoit autre moyen de sauuer leur vie: car le propre naturel de Sathan c'est destruire, perdre, and ruiner, comme dict Dieu en Iesaie,3 I'ay faict and formé Sathan pour ruiner, gaster and destruire: Ce que toutes-fois il ne permet que pour l'execution de sa iustice. Or le plus meschant meurtre entre les animaux c'est de l'homme, and entre les hommes d'vn enfant innocent, and le plus aggreable à Sathan, comme celuy que nous auons dict des Sorcieres, qui reçoiuent les enfans, and les offrent au diable, and soudain les font mourir, auparauant qu'on les ait presentez à Dieu, faisant croire aux Sorcieres, que il y à quelque partie des petits enfans, (qu'il n'est besoing d'estre nommee) par le moyen de laquelle partie les Sorcieres pensent faire grandes choses. Et pour monstrer l'imposture impudente, du Diable, Nider escript qu'il a faict le procez à vn nommé -notes- 3chap. 54 Page 302

Stadlin au diocese de Lausanne, qui confessa auoir tué sept enfans au ventre de la mere: and qu'il auoit faict auorter aussi tout le bestail de ceste maison là: and interrogé par quel moyen, il dist qu'il auoit enterré certaine beste, qui n'est besoin de nommer, sous lesueil de la porte: la quelle fut ostee, and l'auortement ceffa en toute la maison. Nous dirons par cy apres, s'il est licite d'vser de tels remedes: maisil suffira pour le present monstrer que ce n'estoit pas la beste, qui fut trouuec pourrie: attendu que les autres ne mettent que certaines poudres que Sathan leur baille. Ioinct aussi que plusieurs Sorciers se seruent de crapaux, qui est vne beste venimeuse, mais elle ne peut faire auorter ny mourir de sa poudre en la touchãt tout pied nud, ou auecles mains: ains le diable met en l'esprit des hommes ces meschantes. opinions pour faire seruir l'homme aux plus sales and ordes bestes. Car il est tout vulgaire que les Sorcieres font ordinairement trouuees saisies des crapaux, qu'elles nourrissent and accoustre (02) t de liurees. Et les appelle (02) t au pays de Valoys les Mirmilots. Nous lisons en l'histoire de Monstrelet qu'il y eut vne Sorciere de Compieigne, qui fut trouuee saisie de deux crapaux baptizez par vn prestre, dont elle vsoit en ces Sorceleries: qui sembleroit ridicule, si on ne voyoit tous les iours l'experience de chose semblable. Et de faict apres. que maistre Iean Martin: Lieutenant de la Preuosté de Laon, out condamné la Sorciere de Saincte Preuue à estre bruslee toute viue, en la faisant despouiller, on luy trouua deux gros crapaux en ses pochetres. Et pendant que i'escriuois ceste histoire on m'aduertist qu'vne Page 303

femme enfanta d'vn crapaut, pres de la ville de Laon: Dequoy la sage femme estonnee, and celles qui assisterent à l'enfantement, deposerent, and fut apporté le crapaut au logis du Preuost, que plusieurs ont veu different des autres. L'histoire de Froissart tesmoigne aussi qu'il y eut vn Curé à Soissons, qui pour se vanger de son ennemy, s'adressa à vne Sorciere, qui luy dist qu'il falloit baptizer vn crapaut, and le nommer, and puis luy faire manger l'hostie consacree, ce qu'il fist, ainsi qu'il confessa, and autres choses qu'il n'est besoin d'escrire. Depuis il fut bruslé tout vif. Les cinq Inquisiteurs des Sorciers recitent aussi qu'entre autres, ils ont faict le procez à vne Sorciere, qui cõfessa auoir receu l'hostie consacree en son mouchoir, au lieu de l'aualler, and la mist dedans vn pot, où elle nourrissoit vn crapaut, and mit le tout auec d'autres poudres, que le Diable luy bailla pour mettre soubs l'essueil d'vne bergerie, en disant quelques paroles, qu'il n'est besoin d'escrire, pour faire mourir le bestail. Et fut surprinse, conuaincue, and bruslee toute viue. Or la ruse de Sathan n'est pas seulement d'esblouir les yeux, and oster aux hommes la congnoissance d'vn vray Dieu, ains aussi arracher de l'esprit humain toute religion, toute conscience, and mesmes ce que chacun croit estre le vray Dieu, pour se faire reuerer soy-mesmes, ou pour le moins faire adorer aux hommes ce qu'ils sçaue (02) t n'estre pas Dieu, and se fier aux creatures, les reuerer, and attendre guarison ou salut d'ic elles, and mesmes les plus ordes creatures. Mais pour mõstrer de plus en plus, que les crapaux, ny les hosties, nyles poudres diaboliques ne fõt mourir les animaux, Page 304

Il est tout notoire, que tous les plus grandes Sorcieres font quelquesfois mourir en soufflant au visage, comme Daneau a bien remarqué en son petit Dialogue: mais ie n'approuue pas que c'est par le moyen des poisons qu'elles ont en la bouche; comme dit Daneau. Car les Sorcieres en mourroient les premietes, qui est vn argument auquel ie ne voy point de response, and qui peut seruir contre vn certain personnage Italien, qu'on dict auoir esté des plus grands empoisonneurs de son aage, ce que ie ne puis croire, quoy qu'on die, qu'il a fourny des grands parfums à plusieurs personnes, qui mouroient apres les auoir sentis, car il feust mort tout le premier, veu qu'il faisoit les senteurs, si le Diable n'eust tué ceux qu'il auoit chargé par vne iuste permission diuine, de tuer par le moyen de ce Sorcier, qu'on appelloit Empoisonneur, duquel Dieu a exterminé la race bien tost apres sa mort par supplices publiques. Et mesmes au procés des Sorcieres soubs Valery en Sauoye, imprimé, il se trouue qu'en iettant de la poudre sur les plantes, soudain elles mouroient. Et au mesme procés imprimé au liure de Daneau l'an M. D. LXXIX. vne ieune Sorciere qui auoit esté seduite par sa mere, confessa que son pere, Sorcier, luy auoit baillé d'vne racine, laquelle elle mettoit en sa bouche, and souffloit contre celuy qu'elle vouloit faire mourir, and mouroit soudain: en quoy il appert que ce n'estoit pas la racine qui ne fut onc de telle puissance, ains le Diable: car la Sorciere fust sans cõparaison, plus tostmorte: c'est pourquoy iene puis estre de l'aduis de Loubert Medecin qui escrit qu'il y a des poisõs sisubtiles, Page 305

qu'en frottant l'estrier, celuy qui monte à cheual, en meurt Car il faudroit premietement que ceux qui composent les poisons si subtiles en mourussent, and ceux qui tiennent l'estrier, ou qui approchent du cheual mesmes. D'auantage on void que le bestail passant sur l'essueil de quelques poudres ou serpens, que les Sorciers y enterrent, meurent. Cen'est donc par la poifon, ny les os, ny les poudres enterrees qui font mourir: mais Sathã à la priere des Sorcieres, par la iuste permission de Dieu. Et pour le monstrer encores mieux, i'ay vn procés qui m'a esté enuoyé par le sieur de Pipemont, vertueux Gentil-homme, faict contre Barbe Doré, qui a esté condamnee d'estre bruslee par Arrest du Parlement l'onziesme Ianuier M.D.LXXVII. confirmatif de la sentence du Bailly sainct Christophle, lez Senlis: apres auoir confessé qu'elle auoit faict mourir trois hommes, en iettant vn peu de poudre en vn papier, au lieu où ils deuoient passer, en disant au nom de Dieu, and de tous les Diables, and c. Ie ne mettray pas les autres paroles. Chacun sçait que le venin, quel qu'il foit, ne peut auoir tel effect, beaucoup moins, la poudre seiche. Aussi la sentence de condamnation porte, que c'est pour les sortileges dont elle a vsé. On void aussi le blaspheme execrable de conioindre Dieu auec ses creatures en telle priere, and dist aussi, quand elle vouloit garder les autres d'estre touchez du sort, que elle disoit au nom du Pere, and du Fils, and sainct Esprit, quand tu passeras pur là, que tu ne preigne mal. Or pour monstrer la difference qu'il y-a entre les maladies naturelles, and celles qui viennent par sortileges, Page 306

on void souuent ceux qui sont ensorcelez mourir en langueur: and quelquesfois ietter des ferreme (02) s, du poil, des drapeaux, du verre rompu. L'Anglois Medecin des Princes Palatins, escrit que l'an mil cinq cens trenteneuf, il y auoit à Vlrich vn nõmé Nessesser laboureur ensorcelé, au quel on tira de dessous la peau vn clou de fer, and sentoit de si grandes douleurs aux intestins, qu'il se couppa la gorge par desespoir. On l'ouurit deuant tous ceux d'Vlrich, and on trouua vn bastõ, quatre cousteaux d'acier, and deux ferreme (02) s, and vne pelotte de cheueux. Et qui plus est, Nider qui a faict les procez à vn nombre infiny de Sorcieres, dit auoir veu vne Sorciere, laquelle d'vn seul mot faisoit soudain mourir les personnes. Vne autre qui fist tourner le menton de sa voisine dessus dessoubs: chose hideuse à voir. Il ne faut pas donc trouuer estrãge, si Pamphile Sorciere Thessalienne fist enfler le ventre d'vne femme, comme si elle eust deu accoucher de trois enfans, and porta huit ans ce fardeau. Telle estoit la Sorciere Martine qui tua Germanicus, non pas d'vne poison, comme dict Tacite, ou d'vn uf de coq, que le mesme Autheur dict auoir esté en grande estime entre les Gaulois, pour les vertus qu'ils luy don noient: Mais d'vne puissance Diabolique, comme fist vne certaine Sorciere au Diocese de Constance, laquelle en soufflant, rendit vn homme ladre par tout le corps, and qui en mourut tost apres. Spranger and les autres Inquisiteurs la firent brusler toute viue: and qui plus est, Spranger recite qu'il a fait brusler vne autre Sorciere aux cõfins de Basle, and d'Alsatie, la[quae] (16) lle cõfessa auoir esté iniuriee d'vn bon laboureur: Page 307

and pource estant despité, le Diable luy demanda ce qu'elle vouloit qu'il fist à celuy qui l'auoit iniuriee: Elle fist response que elle voudroit qu'il eust tousiours la face enflee. Tost apres le laboureur fut frappé d'vne ladrerie incurable, and confessa au Iuge, qu'elle ne pensoit pas que le Diable le deust rendre ladre, qui est bien pour monstrer que ce n'est pas par le moyen des poudres, mais par le moyen du Diable qui faict tout celà, s'accommodant au vouloir de ceux qui l'emploient, comme si quelqu'vn faisoit tuer son ennemy par son compagnon: mais Sathan veut que ses seruiteurs le prient de ce faire, and qu'ils mettent la main à l' uure, qu'ils touchent la personne, qu'ils ayent de son poil ou de ses ongles, ou qu'on prenne de luy certaines poudres pour enfermer és os d'vn homme, and les mettre soubs les voutes, ou bien aux quarrefours. Mais sans la paction auec Sathan, quand vn homme auroit toutes les poudres, caracteres, and parolles de Sorcieres, il ne sçauroit faire mourir ny homme ny beste. Et iaçoit que le Diable puisse faire mourir les animaux par la permission diuine, si est ce qu'en matiere de Sorciers, il veut qu'ils prestent leur consentement, and qu'ils mettent la main à l' uure. Soit pour exemple ce que dict Spranger, qu'il à faict le procez à vne Sorciere, qui auoit faict mourir vingt and trois cheuaux à vn marchand de Rauenspurg: elle dict qu'elle n'auoit faict autre chose que vne fosse, dedans laquelle le Diable auoit mis quelques poudres soubs l'essueil de la porte: qui estoit mettre la main à l' uure: comme en cas pareil ceux qui font les images de cire de Page 308

leurs ennemis, and qui les picquent, and poignent s'estãt premierement vouez à Sathan, and renoncé à Dieu, and faict les horribles sacrifices qu'ils ont de coustume: par ce moyen font mourir leurs ennemis, si Dieu le permect: ce qu'il ne faict pas souuent: car de cent peut estre, qu'il n'y en aura pas deux offensez, comme il s'est cogneu par les confessions des Sorciers, toutesfois ce n'est autre chose qu'vn homicide executé par le Diable, and par les prieres du Sorcier: comme nous lisons que le procez d'Enguerrand de Marigny fut en partie fondé sur ce poinct, and vn autre du temps du Roy François 1. en la ville d'Alençon, qui fut bien aueré, and qui est au loing recité aux comptes de la Royne de Nauarre: non pas pour compte, mais pour vraye histoire, and les poursuites qui en furent faictes. Et l'an M. D. LXXIIII. au procez imprimé, qui fut fait à vn certain Gentil-homme, qui fut decapité à Paris, il fut trouué saisy d'vn image de cire ayant la teste and le cueur percé auec d'autre characteres, qui fut peut estre l'vne des principalles causes de sa mort. Par ce que ceux qui le firent prendre auoient des Sorciers qui s'accusoient les vns les autres, and sçauoient du Diable toutes les meschancetez qui en auertirent ceux à qui celà touchoit. Et de plus fraiche memoire au mois de Septembre dernier, mil cinq cens septante huict, l'Ambassadeur d'Angleterre, and plusieurs François dõnerent aduis en France, qu'on auoit retrouué trois images de cire, ou le nom de la Royne d'Angleterre and d'autres estoient escrits, dedans vn fumier, and disoit on que le Curé d'vn village qui s'appelle Islinkton Page 309

à demie lieuë de Londre les auoit faictes. Toutesfois le procez n'estoit pas encores instruict, ny le faict aueré quand les nouuelles sont venuës en France: Mais de toutes les histoires touchant le discours, il n'y en à poinct de plus memorable que celle que nous lisons en l'histoire d'Escosse de Duffus2 Roy d'Escosse, auquel aduint vne maladie qu'il ne pouuoit dormir la nuict, iaçoit qu'il beust and mangeast fort bien, and que de sa personne il fust allegre and dispos, neãtmoins sans autre douleur il seichoit, and toute la nuict fondoit en sueur. En fin il suruint vn bruit que les Moraues, i'ente (02) s ceux d'Escosse alors ennemis des Escoissois, and qui sont, long te (02) ps a, vnis à la couronne d'Escosse, auoient des Sorcieres à gages pour faire mourir le Roy d'Escosse: On enuoie Ambassadeurs en Morauie au bourg de Forres, ou les Sorcieres rotissoient vne image de cire portant le nõ du Roy, and versant dessus vne liqueur: dequoy Douenald Preuost du lieu, aduerty par les Ambassadeurs, les surprint sur le faict, and apres auoir confessé, elles furent bruslees toutes vifues, and au mesme instant le Roy d'Escosse recouura santé. Car le iour fut remarqué, and semble que Meleager fut bruslé en ceste sorte peu à peu, lors [quae] (16) la Sorciere Althea faisoit brusler la souche fatalle. Car il sembleroit que ce fust vn songe, si telles images n'auoie (02) t aussi esté pratiquees de toute ancienneté. Mais3 Platon en l'onziesme liure des Loix, confirme ce discours des images de cire que font les Sorcieres, and ne faut s'esbahir cõment cela fut sçeu. Car les Sorciers en leurs assemblees rendent conte de toutes leurs actions qu'ils font, cõme i'ay verifié -notes- 2Boët. lib. 11. 3Lib. 11. de leg. Page 310

cy dessus and de tout ce qui a esté faict en quel que lieu de la terre que ce soit, comme il fut descouuert en Orleans en l'assemblee des Sorciers de Clery. Nous lisons en cas pareil en Spranger, qu'il y auoit vn Sorcier qu'on appelloit Punber, au village de Lendembourg en Allemaigne, auquel Sathan auoit apris de tirer à coups de traict le Crucifix au iour du grand Vendredy, and que par ce moyen and de quelques parolles qu'il ne faut sçauoir, il pouuoit tirant en l'air, tuer tous les iours trois hommes les ayant veuz and cogneuz, auec vn ferme and arresté propos de les faire mourir, encores qu'ils feussent enfermez en la plus grand forteresse du monde. En fin les païsans du village le demembrerent en pieces sans forme ne figure de procez apres auoir commis par luy plusieurs homicides: c'estoit l'an mil quatre cens vingt, lors que les Allemans s'agenouilloient encores deuant le crucifix. Car il n'y à gueres moins d'impieté, d'offencer ce que on pense estre Dieu, que d'offencer Dieu: d'autant que celà ce faict en despit de Dieu, qui regarde le c ur and l'intention, qui est le fondement de toutes actions bonnes and mauuaises, comme dict Thomas d'Aquin. On sçait asfez, que à parler proprement, Dieu ne peut estre offencé: and tout ainsi que ceux qui crachent contre le ciel, ne souillent poinct le ciel: ains l'ordure tombe sur eux: aussi l'offence qu'on pense faire à Dieu, tombe sur la teste de celuy qui là faict, comme dict Heliu, parlant à Iob, Fay ce que tu voudras bien où mal tu ne fay rien qui puisse nuire ou seruir à Dieu ains le tout retombe sur toy. C'est pourquoy Page 311

tels Sorciers, qu'on appelloit Archers, ne se trouuent plus en Allemaigne, depuis, que ceux qui les tirent ne croyent pas que le crucifix soit Dieu, ou qu'il ayt quelque diuinité en luy pour l'adorer, c'est à dire s'encliner deuant luy: comme ils faisoient au parauant que la religion eust changé. On peut aussi douter pourquoy les Sorciers de nostre temps ne peuuent faire les tours de passe passe, and les faicts estranges que faisoit vn Simon le Magicien, vn Appollonius de Thyane, vne Circe, vne Medee and autres Sorciers illustres. Il me semble qu'il y a double raison: la premiere que i'ay leu par vn procez de Senlis, que celà se faict selon le marché qu'on a auec Sathan, and à qui le seruira mieux, and qui fera plus d'estranges meschancetez: l'autre que Dieu ne donne pas telle puissance à Sathan sur les peuples qui le cognoissent, que sur les payans. Nous auons dict au premier liure des moyens diuins, naturels, and humains de preuoir and preuenir les choses futures, and qui sont permis and licites: Au second liure nous auons traicté des moyens illicites and deffendus par la Loy de Dieu: disons maintenant les moyens licites d'obuier aux Sorceleries, and d'y remedier quand le mal est cogneu. Book 3 - Chapter 1 Page 312

LES MOYENS LICITES D'OBVIER AVX SORCELERIES. LIVRE TROISIESME. Des moyens licites pour obuier aux Sorceleries. CHAPITRE PREMIER. Les Histoires nous apprennent que les Sorcelleries ne sont pas nouuelles maladies, ains au contraire qu'il y en auoit anciennement cent pour vn, encores qu'il y en ayt beaucoup à present. Car nous voyons en la Loy de Dieu, qui est publiee, il y a enuiron trois mille cent cinquante ans, que la Chaldee, l'Egypte, la Palestine en estoient infectees, and par les plus anciennes histoires on void que le pays de l'Asie Mineur, la Grece, l'Italie, qui n'estoient encores qu'à demy peuplez, estoient ja remplis de ceste vermine. Nous voyons les defences and peines rigoureuses ordonnees par la loy de Dieu contre les Sorciers, and les meschancetez execrables, pour lesquelles la fureur de Dieu s'embraza, pour extirper de la terre les Cananeans: non pas pour les idolatries, ou autres pechez qui estoient alors communs à tous les autres peuples: mais il est expressement2 -notes- 2Deuter.18. Page 313

dict que ce fust pour les Sorceleries abhominables dont ils vsoient. Nous voyons au parauant and depuis la guerre de Troye qui fut enuiron deux cens ans apres la publication de la Loy de Dieu les Sorcelleries cruelles de Medee, les trãsformations de Circe, de Prothee, and les Necromanties Thessaliennes: and qui plus est nous lisons en l'histoire de Tite Liue, Dionys. Halicarnasseus, and de Plutarque, que Romule fut transporté en vn tourbillon de tempeste and plusieurs autres que nous auons remarquez cy dessus. Et ce qui est plus estrange, ceux qui estoient par les Demons rauis en esprit, comme nous auons dict, ou emportez en esprit, and en corps, and ceux que le Diable tenoit assiegez, ou qui parloient en eux, estoient par le menu peuple reputez Diuins. On voit comme Hipocrate au liure de Morbo sacro, abhomine les Sorciers. On voit que Platon entre les Payens en à faict vne tresbelle Loy en l'onziesme liure des Loix, où il veut que les Sorciers qui par charmes, parolles, and ligatures, par images de cire enchantent and charment, ou qui font mourir les hommes ou le bestail, soyent mis à mort. Depuis le quel temps tous les Philosophes d'vn consentement ont condãné la Magie, and fait bru sler les liures, comme on peut voir en la Loy Cæteræ familiæ herciscundæ. ff. Iamblique, Porphyre, Procle, Academiciens, quoy qu'ils fussent accusez and tenuz pour Sorciers, and les autres Philosophes Payens s'accordent qu'il faut fuïr les Sorciers and malins esprits, cõme nous auõs dit: en sorte que les Sorcelleries and Sorciers furent descriez, and furent poursuiuis par Iustice soubs l'Empite Page 314

des Perses, des Grecs and des Romains, and mesmement en Athenes les Sorciers estoient mis à mort sans pitié, comme nous lisons en Demosthene que à la delation d'vne chambriere, Lemnia Sorciere fut executee à mort. Et sur tout les Romains les ont eu en horreur mesmement soubs l'Empire de Tibere, comme nous lisons en Tacite, and encores plus viuement souz Domitian l'Empereur, qui en fist recherche diligemment, and puis souz Diocletian1: mais bien plus rigoureusement quand les Empereurs receurent la Foy Chrestienne Alors les templez and oracles furent rasez, les sacrifices des Payens, and toute la science Aruspicienne and Augurale declaree illicite, auec deffences d'en vser sur peine de la vie aux2 Auruspices, and d'estre confinez à ceux qui demanderoient conseil aux Augures and Aruspices, qui n'estoient pas entre les Chrestiens reputez si meschans à beaucoup pres que les Sorciers, qu'on disoit Malefiques, qui furent alors condamnez d'estre 3 bruslez toufs vifs, and depuis aussi les Aruspices furent condamnez à mesme peine, and les autres exposez aux bestes.4 Ainsi void-on que apres la publication de la loy de Dieu and de la Religion Chrestienne, non seulement on commença d'auoir en horreur ce qu'on auoit adoré, ains aussi au parauãt la publication de la loy de Dieu les Payens mesmes auoient en horreur les Sorceleries and diuinations: car Vlpian5 quoy qu'il fust Payen and ennemy capital des Chrestiens, and qui à composé sept liures de la punition des Chrestiens: Neantmoins il auoit en horreur la Sorcellerie and toute diuination, qu'ils appellent illicite, -notes- 1L prima de Maleficis. C. 2Lnemo Aruspuem, eod. C. 3Lnemo Aruspex, eod.C. 4L multi, co.l. 5In d.l.item apud Labeo §. si quis astrol. de iniurus. Page 315

quand il dit que le Deuin qui aura dit de quelcun qu'il a desrobé la chose perduë, il ne sera pas quitte pour vne action d'iniure, mais il sera puny selõ les Ordonnances qui lors estoient ja faictes contre les Diuins. Et jaçoit qu'il y eut vne Sorciere nommee Marthe du temps de Marius, qui promettoit victoire sur les ennemis par les moyens qu'elle disoit sçauoir: si est ce que le Senat ne voulut pas qu'elle fut employee en vn tel cas, comme nous lisons en Dion. Et les Perses qui estoient plus infectez de ceste vermine, en fin vserent contre les Sorciers des supplices les plus cruels, rompans la teste des Sorciers entre deux pierres, comme dict Plutarque. Mais la publication de la Loy Diuine à bien fort diminué la puissance de Sathan, and les peuples qui ont longuement demeuré, ou qui sont encores Payans, ont aussi fort long temps esté, and sont encores fort trauaillez des malings Esprits iour and nuict, comme au pays de Noruegue, Finslandie, Pilapie and autres regions Septentrionales, and aux Isles Occidentales, comme on peut voir en l'histoire d'Olaus le grand and en l'histoire des Indes, mesmement au païs du Brezil and autres pays circonuoisins, où ils sacrifient encores, and mangent les hommes. C'est chose estrange, dict l'histoire, comme ils sont tourmentez en toutes sortes des malings esprits and n'ont trouué moyen de les appaiser que en enterrant les morts soubs latre de la maison. Et au parauãt que Charles le Grand eust osté d'Allemaigne le Paganisme, elle estoit remplie de Sorciers, comme on peut voir aux Loix Saliques, and aux chapitres de Charlemaigne, and aux Commentaires Page 316

de Cæsar. Et qui voudra diligemment considerer le chapitre quarante and vniesme de Iob, and discuter les allegories des proprietez de Behemoth, and de Leuiathan, que tous interpretent les ennemis du genre humain, du corps and de l'ame, il pourra descouurir de beaux secrets touchãt la proprieté des esprits malings. Il est dit que la force de Behemoth est en ses reins, en son ventre, and en sa queuë: qui signifie la cupidité and partie bestiale, qui pour ceste cause s'appelle Behemit. Et comme les anciens Hebrieux disoient que Sathan a la puissance des voluptez bestiales. Puis il est dict que Dieu qu'il a faict, le frappe de son cousteau, qui est sa Parolle: and qu'il est veautré entre les marescages, qui signifie les vices and immondicitez, ausquelles Sathan se delecte. Puis il est dict que les montaignes, qui signifient en l'Escriture, les Princes arrogans and hommes superbes luy donnent pasture. Et à vray dire, c'est le plus ordinaire gibbier de Sathan: Et n'y à rien plus ordinaire en la Court des meschans Princes que les troupeaux de Sorciers and de Sorcieres. Car c'est, dit Salomon, au Palais des Roys que les arraignes tendent leurs fillets. Par les arraignes bestes tres-venimeuses, il entend les Diables. Il est dict aussi qu'il s'esgaye soubs les arbres feuilleus, and aux sausayes. Or en l'Escriture les arbres feuilleus signifient les hipocrites, qui n'ont rien que la mine: and les sausayes qui ne portent aucun fruict. Et toutesfois il est dict qu'il a la veuë hebetee, pour monstrer que la Prophetie veritable n'est poinct és oracles de Sathan: c'est pourquoy le Prophete Baleham benissant le peuple de Dieu disoit, O peuple heureux Page 317

qui n'as poinct de Sorciers, ny d'en chanteurs, mais à qui Dieu reuele les choses secretes par visions quand il est besoin, and sans y faillir. D'auantage il est dict, qu'on peut boucler aisement par le nez ceste beste, pour monstrer qu'il ne faut pas craindre Sathan. Et de Leuiathan, qui ne se contente pas des corps, ains attente aux ames: Il est dict: Feras tu traicté auec luy pour t'en seruir tousiours? C'est pour ceux qui pensent auoir les esprits familiers en leur puissance comme esclaues. Quant à ce qui est dict que Sathan cherche les Princes superbes and hommes hautains, celà s'est veu, and voit encores que les Princes qui ont laissé Dieu, se laissent captiuer miserablement à Sathan par le moyen des Sorciers: and s'en trouue beaucoup qu'il a pipez, sçachant bien que le peuple est tel que le Prince. Et si le Prince est Sorcier, les mignons and courtisans, puis tout le peuple y est attiré, and par consequent à toutes impietez. Suetone dict que Neron fut cinq ans bons Prince. Et de fait Trajan disoit qu'il ne trouuoit point son pareil és cinq premiers ans: mais depuis qu'il se fut addonné aux Sorceleries, dict le mesme Autheur, iamais il n'y eut Sorcier qui en fust plus diffamé, and sa vie aussi fut la plus detestable, and sa fin la plus miserable que de Prince de son aage. Car Pline faisant recit de plusieurs Sorceleries, and de la vertu qu'on leur donne il dict, Quæ omnia ætate nostra Princeps Nero vana falsáque comperiit: primùm imperare diis concupiuit. Nemo vnquam vlli artium validius fauit. Puis aptes il dict, Immensum and indubitatum exemplum est falsæ artis quam dereliquit Nero, and peu apres: Nam homines immolare etiam Page 318

gratissimum illi fuit. Il parle de la Magie and Sorcellerie. Or iamais Sathan ne faut à donner loyer aux siens tels qu'ils meritent, and les induire à toutes les cruautez, incestes and parricides qu'il peut, tel que fut Neron. Car les Sorciers and Diables luy faisoient entendre, qu'il failloit faire beaucoup de tels homicides, cruautez and parricides, pour viure en seureté de son estat: ce que les Sorciers conseillent encores à plusieurs Princes de procurer meurtres and cruautez, and donner graces de toutes meschancetez. Mais ordinaireme (02) t les Sorciers sont chastiez par les Princes, qui leur demandent conseil: craignans qu'ils parlent trop, ou pour essayer si leurs diuinations sont veritables: cõme fist Domitian au Sorcier Ascletarion, qui auoit predict à l'Lmpereur qu'il seroit tué bien tost. L'Empereur luy demanda de quelle mort deuoit mourir Ascletarion. Il respondit qu'il seroit vn iour mangé des chiens: soudain l'Empereur le fist tuer: and fut mangé des chiens apres sa mort, ce qui espouuanta bien fort Domitian. Vn autre Sorcier de Tibere en vsa plus finement: Car cõme Tibere l'eust mené en vn precipice haut and glissant, il demanda au Sorcier s'il sçauoit bien quand il mouroit: le Sorcier respondit qu'il estoit au plus grand danger de sa vie qu'il auoit iamais esté: car Tibere auoit deliberé de le faire precipiter soudain, s'il eust autrement respondu, comme dict Suetone. Et quoy qu'il en soit, on à veu souuent que les Sorciers ont predict and asseuré le iour de leur mort, and la façon. Il y en a mil exemples, mais ie n'en trouue poinct de plus recent, and qui soit aduenu plus pres d'icy que d'vn Sorcier Page 319

de Noyon, qui estoit familier de l'Euesque de Noyon de la maison d'Hangest, and pensant euiter la mort, il alla le iour que Sathan luy auoit denoncé que il seroit tué, en la maison de l'Euesque, auquel il dist qu'il deuoit estre tué ce iour là: and apres auoir disné à la table de l'Euesque, sur la fin il suruint quelcun le de mander pour parler à luy, il fist response qu'il montast ce qu'il fist, and en parlant à luy, il tua entre deux portes le Sorcier. Ie tiens l'histoire de M. Louys Chatelain Lieutenant de Noyon and de plusieurs autres, qui me l'ont asseuré. Il faut donc pour euiter ces malheurs prescher la Loy de Dieu souue (02) t and imprimer sa crainte aux grands, aux moyens, aux petits, engrauer au c ur sa fiance sur tout: car s'il est ainsi [quae] (16) le nom de ce grand Dieu terrible and tout puissant prononcé à bonne intention, and par celuy qui craint Dieu, chasse les troupes des Diables and Sorciers, cõme nous auons monstré cy dessus estre aduenu plusieurs fois, combien faut il esperer qu'il s'esloignera oyant prescher, lire, publier and parler des louanges and des uures de Dieu. Voila donc le plus grand, and le plus beau, and le plus aisé moyen de chasser and Sorciers and Sorcelleries, and malefices, and malings esprits d'vne Republique: car tant que les blasphemes d'vn costé, and l'atheisme d'autre costé aura credit, il ne faut pas esperer de chasser les malings esprits, ny les Sorciers, ny les pestes, ny les guerres, ny les famines: non pas qu'il soit possible de chasser du tout les Sorciers, qu'il n'y en ait tousiours quelques vns, qui sont tout ainsi que les crapaux and couleuures en terre, les arraignes és maisons, les chenilles, and les mouches Page 320

en l'air, qui sont engendrees de corruption, and qui attirent le venin de la terre, and l'infection de l'air: Mais la terre bien cultiuce, l'air purifié, les arbres nettoyez ne sont pas tant subiects à ceste infection: and si on laisse peupler la vermine, elle n'attire pas, ains elle engendre la corruption and infecte tout. Ainsi le peuple est tresheureux qui a de sages Gouuerneurs, de bons magistrats, and sur tout de bons pasteurs, qui le sçachent bien instruire: alors les malings esprits ny feront pas long seiour: Aussi faut il quand on est seul au lict, ou en chemin fasché, ou comme desesperé, ou irrité tourner sa pensee à Dieu, car c'est lors que le Diable se presente, ou du moins se glisse en l'esprit des hommes, and les induit à se precipiter, ou faire quelque meschanceté: comme les Theologiens demeurent d'accord. Et de faict i'ay remarqué au proces de Ieanne Bonnet, and d'Abel de la Ruë condamnez à mort par M. Nicolas quatre solz, Lieutenant du Bailly de Colomiers, l'an M. D. LXXIX. and M. D. LXXXII. Et par le proces de Robert Oliue condamné à mort par le Iuge de Falaize, l'an M. CCCCLVI. and de plusieurs autres in malleo maleficarum, que le Diable les voyans en fascherie grande and seuls, se presenta à eux pour les ruiner. Car ce dernier estant trauaillé de tailles par ses voisins and seul couché en son lict, il appella le Diable à son ayde, qui soudain respondit, auquel ledict Oliue dist qu'il desiroit se vãger de ses ennemis. Alors le Diable d'vne voix enrouee luy respond (apres auoir fait vn fort grand bruit cõme de tõnerre) par ces mots: Ie suis le Diable Grisopole. Si tu veux me seruir and iamais ne confesser tes pechez Page 321

mesme cestuy cy que tu fais ie te feray riche and te vengeray de tous tes ennemis. Ce qu'il promist de faire. O il se faut bien garder d'escouter ceux qui preschent que ce n'est que illusion, ce qu'on dict des Sorciers, comme preschoit ce Docteur Sorcier, duquel nous auons parlé cy dessus, qui cõfessa que le Diable l'auoit instruit à prescher ainsi. Et tout ainsi que Dieu enuoye les pestes, guerres, and famines par le ministere des malins esprits, executeurs de sa Iustice, aussi faict il des Sorciers, and principalement quand le nom de Dieu est blasphemé, comme il est à present par tout, and auec telle impunité and licence, que les petis enfans en font mestier. Or toutes les meschancetez, parricides, incestes, empoisonnemens, meurtres, adulteres, ne sont pas si grands, ny tant punissables à beaucoup pres, que les blasphemes, comme les Theologiens demeurent d'accord.G1 Car les autres meschancetez sont premierement contre les hommes, comme disoit Samuel, mais les blasphemes sont directement contre l'honneur de Dieu, and en despit de luy. Car c'est le mot ordinaire duquel on vse. Et d'autãt que ceste impieté la regnoit du temps de Charles 9. plus que iamais, le Roy Henry troisiesme à sa venuë fist vn Edict tressainct contre les blasphemeurs, mais l'execution en a esté mesprisee au grand des honneur de Dieu and impunité des blasphemeurs: ausquels il ne suffit pas d'auoir audaciensement renié Dieu, s'ils n'adiouste (02) t que c'est de bon c ur and s'en trouue encores qui blaspheme en rime, cõme vn nommé Boursier de Troye en Champaigne. Il fut prins blasphemant le Vendredy Sainct l'an mil cinq -notes- G1Samuel. 2.ca. Page 322

cens soixante neuf, and condamné d'auoir la leure fenduë d'vn fer chaut, and a faire amende honnorable, and payer cinq cens liure d'amende, dont il appella: and depuis s'enfuit des prisons: toutesfois Dieu voulut qu'il fut reprins sept iours apres, and par arrest de la Cour fut dict mal iugé, and en amendant le iugement, il fut condamné à faire amende honorable en chemise, and auoir la langue percee d'vn fer chaud, and apres pendu and estranglé.G1 Mais depuis d'vn million il n'y en a pas vn executé: Et toutesfois la loy de Dieu dict que celuy qui aura nommé Dieu par mespris, sera lapidé, qui est la plus cruelle mort de toutes: comme dict Moyse Maymon.3 I'ay bien voulu remarquer ceste impieté, qui est vniuerselle en tout ce Royaume, and toutesfois impunie. Nos peres disoient ancienneme (02) t en toutes leurs actions and entreprinses, s'il plaist à Dieu and à l'issuë des affaires, Loué soit Dieu, and en prenant congé and saluant, Dieu vous gard, au lieu que les Grecs disoie (02) t, [Greek omitted], resiouïssez vous, and les Hebrieux [Hebrew omitted] paix soit auec vous: qui est la salutation de tous les peuples d'Asie and d'Afrique: qui en font le mot Turc and Arabesque corrõpu de la langue Hebraïque. Schala mallec. Les Italiens and Espaignols baisent les mains and les pieds, mais ie ne trouue point de meilleure coustume que la nostre, and qui est de merueilleuse cõsequence, cõme nous auons monstré par trois ou quatre exe (02) ples, que ceux qui auoient esté menez aux Sabbats par leurs femmes, ne saçhant que c'estoit en disant, Hé mõ Dieu qu'est cecy? auroient chassé tout l'assemblee des malings esprits and les Sorciers: mais aussi il n'y a blaspheme -notes- G1Leuit. 24. 3Lib. 3. Nemore. Page 323

plus meschant, que d'appeller Dieu pour faire vn sortilege, ce que les Sorciers ne font iamais, sinon en le conioignant auec ses creatures, ou bien en l'inuoquant pour faire vne meschanceté, ou comme quelques Poëtes qui en font vne interiection en choses vilaines, qui est vn blaspheme contre le nom de Dieu. Voyla en general le moyen d'obuier aux sorcelleries, mais en particulier chacun doibt instruire sa famille à prier Dieu matin and soir, benir, rendre graces à Dieu deuant and apres le repas: and donner pour le moins vne ou deux heures en vn iour de la sepmaine, à faire lire la Bible par le chef de famille, en la presence de toute la famille, comme il est commandé par la loy de Dieu. La coustume ancienne de nos Roys, and qui fut mieux pratiquee que iamais par S. Loys en sa ieunesse tendre, estoit, que le Roy en sortant du lict, s'agenouilloit, requerant pardon de ses pechez, and remerciant Dieu de l'auoir gardé la nuict, and le priant de luy continuer sa saincte garde: cela faict, on lisoit la Bible, ou quelque sainct liure, pendant que le Roy s'abilloit. Cela estoit d'vne merueilleuse conseque (02) ce à toute la Republique en general, and à chacune famille en particulier de faire le semblable. Car le peuple suyura tousiours l'humeur de son Prince, iusques aux plus detestables pariures, and blasphemes: cõme il y auoit vn Prince quoy qu'il fustau reste debonnaire qui n'auoit que le Diable en tous les discours qu'il faisoit, qui est vn blaspheme detestable d'appeller, and de iurer le Diable, comme plusieurs font: and quelques-fois le Diable les emporte, estans encores pleins de vie, ainsi qu'il fist l'an mil cinq ce (02) s cinquáte Page 324

and vn en Allemagne2 au pays de Vvildstudie, d'vne femme qui iuroit le Diable incessamment, elle fut emportee deuant tout le peuple. Et en cas semblable comme vn hoste aiant desrobé la bourse d'vn qui logeoit chez luy, and qu'il se donnoit au Diable en plein iugement s'il estoit vray, le Diable l'emporta, and depuis n'a esté veu3. Fernel4 en recite vn autre d'vn ieune enfãt qui fut emporté en appellant le Diable. Voila quant aux familles, pour clorre la porte non seulement des villes, ains aussi de chacune maison aux Sorciers and sor tileges. Il y-a bien encores vn autre remede, c'est de ne craindre aucunement Sathan, ny les Sorcieres. Car il n'y-a, peut-estre, moyen plus grand de donner puissance au Diable sur soy, que de le craindre: Aussi c'est faire iniure à Dieu, que de craindre le Diable. Et pour ceste cause, plusieurs fois en la Loy de Dieu, il est expressément defendu de ne craindre aucunement les Dieux des Payens, qui ne peuuent ny bien, ny mal-faire. Et de fait on a veu souuent, and se voit tous les iours que la Sorciere ne peut nuire à celuy qui l'accuse, and qui la foule aux pieds, sçachant qu'elle est Sorciere. Il y-a bien aussi vn autre moyen que les Sorcieres confessent, que celuy qui est aumosnier, ne peut estre offensé des sortileges, encores que d'ailleurs il soit vicieux. Vierius Protecteur des Sorcieres, escrit au liure quatriesme, chapitre dixiesme, que les Religieuses de Vverter, au Comté de Hornes, furent tourmentees des malins esprits trois ans, and plus. Et fut remarqué que l'occasion entre autres vint de ce qu'on presta à vne pauure vieille Sorciere vne liure de sel, -notes- 2Vier.in li.de prestig. 3Vier.ibi. 4de Abditis Page 325

qu'on ne pensoit point estre Sorciere, à la charge que elle en rendoit trois liures deux mois apres, ce que fit la Sorciere. Alors les Religieuses trouuerent de la dragee de sel semenee en leur Monastere, and au mesme instant furent assiegees des esprits malins. Nõ pas que ce fut la seule occasion, mais estant diffamees de plusieurs vices, encores il se trouua qu'au lieu de faire aumosne, elles prestoient à vsures aux pauures. C'est pourquoy les Sorciers qui sont contraints par Sathan de mal faire, tuer, empoisonner hommes and bestes, ou bien estre tourme (02) tez sans relache quãd ils n'ont point d'ennemis, desquels ils se puissent venger, ils vont demander l'aumosne, and celuy qui les refuse, ayant dequoy donner, sera en danger, pourueu qu'il ne sçache qu'ils soient Sorciers: Car le Sorcier n'a point plus de puissance que sur celuy qui luy donne l'aumosne, ou qui s'accoste de luy s'il sçait qu'il soit Sorcier. Et se faut bien garder mesmes de donner l'aumosne à celles qui en ont le bruit: mais celuy qui ne leur donnera l'aumosne, ne sçachant qu'ils soient Sorciers, à grand peine eschappera-il qu'il ne soit offensé, comme il s'est verifié souuent. Et de fait, i'ay sçeu estant à Poictiers aux Grands iours l'an mil cinq cens soixante-sept, entre les substituts du Procureur general du Roy qu'il y eut deux Sorciers fort piteux and pauures, qui demandere (02) t l'aumosne en vne riche maison. On les refusa ils ietterunt là leur sort, and tous ceux de la maison furent enragez, and moururent furieux: non pas que ce feust la cause pourquoy Dieu les liura en la puissance de Sathã, and des Sorciers ses ministres, mais que d'ailleurs estans Page 326

meschans, and n'ayãs pitié des pauures, Dieu n'eut point pitié d'eux. Aussi l'Escriture saincte appelle l'aumosne [Hebrew omitted] c'est à dire, Iustice: and au lieu que no9 disons donnes l'aumosne, ils disent dõnez la Iustice, comme estant l'vne des choses qui plus iustifie le meschant.G1 Et à ce propos l'Escriture dict, Eleemosina liberat à morte, and en autre lieu, Hilarem datorem diligit Deus, and au Psalme cent onziesme, où il est dict, Dispersit, dedit pauperibus: iustitia eius manet in æternum: l'interpretation est de mot à mot [Hebrew omitted] qui signifie l'aumosne, que les soixãte and dix ont tourné Iustice: c'est pourquoy Daniel persuadoit au Roy Nabuchodonosor, qu'il rachetast son ame par aumosnes. Et en autre lieu2 il est dict, que l'eau froide n'estaint pas si tost le feu, comme l'aumosne estaint le peché. Brief toute l'Escriture saincte n'est pleine d'autre chose. Voila, peut-estre, l'vn des plus grands and des plus beaux secrets qu'on puisse remarquer, pour oster à Sathã, and à tous les Sorciers la puissance de nuire: non pas seulement aux gens de bien, qui sont bien gardez, mais aussi aux meschans, and Payens qui ne cognoissent point Dieu: comme estoit3 Cornelius, duquel est faict mentiõ aux Actes des Apostres. Toutesfois le plus asseuré moye (02) and qui passe tous les autres, c'est de se fier en Dieu, and s'asseurer de luy comme d'vne forteresse treshaute and inexpugnable: c'est, dit Philon, le plus grand, and le plus agreable sacrificé qu'on sçauroit faire à Dieu, and pour le quel Abraham receut tant de benedictions, and duquel l'Escriture dit, qu'il se fia en Dieu, and qu'il luy fut imputé à Iustice. C'est de ne s'appuyer sur les Roys, ny sur sa force, ny sur ses biens, and amis: mais sur Dieu -notes- G1Tob.c.12. 2En l'Eccles. 3Cap.10. Page 327

seul. Et de faict tous les Sorciers qui font professiõ de guerir les maladies, and oster les charmes, demandent premierement à celuy qu'ils veule (02) t guerir, qu'il croye fermement qu'ilsle gueriront, and qu'ils si fient. Cela est ordinaire and qui est vne idolatrie meschante: car c'est donner à la creature la fiance qui appartient au Createur. Aussi voit on au procés d'Abel de la Rue executé à mort, l'an 1582. par arrest de la court, quele diable ne luy parloit d'autre chose que d'auoir fiance en luy, and qu'il seroit bien heureux, qu'il ne seroit iamais pauure. Aussi Sathan employe toutes ces receptes, and sa puissance à guerir celuy qui se fie en luy, ou és creatures. Dequoy Galen estant estonné, quand il parle de Medicatione Homerica, dict que plus on a de fiance aux paroles és ligatures plustost on guarist. Toutesfois Sprãger faisant le procez aux Sorcieres, a entendu que cela n'a lieu si non aux maladies venues par sortileges. Et que les Sorciers ne peuuent guerir des maladies naturelles, non plus que les medecins ne peuuent guerir des maladies venues par sortileges. Il y auoit vn sauetier Sorcier dans Paris qui guerissoit de ceste sorte la fieure quarte, en touchant feulement la main: mais celuy qui ne vouloit pas croire qu'il peust guerir, ne guerissoit poinct: I'en ay veu vn autre qui estoit de Mirebeau en Anjou qui guerissoit du mal des dents en la mesme sorte: Et voyant Messire Charles des Cars Euesque de Langres and Pair de France frappé d'vne fieure quarte, il luy dist qu'il cognoissoit vn homme qui le gueriroit seurement. Le iour suyuant il luy amena vn homme qui luy toucha la main, Page 328

and luy demanda comme il s'appelloit. Et apres auoit sçeu son nom, il luy dist, fiez vous en moy que vous estes gueri. I'estois alors en sa chambre. Et par ce que ie me pris à sous-rire, comme aussi fist le Feure medecin tres-docte, oyant ce nouueau sainct rempli de miracles, Non dit-il, ie gage cent escus à qui voudra, qu'il est guery. Apres qu'il fust party ie dis à l'Euesque de Langres que c'estoit la façon ordinaire des Sorciers d'attraire la fiance des hommes pour les destourner de se fier en Dieu, and de rapporter à sa louange tout le bien and le mal qui nous aduient. L'Euesque ne laissa pas de continuer en sa fieure, qui luy dura deux ans entiers. L'homme voyant les accez de fieure continuer, dist en rougissant, qu'il auoit autãt fait pour l'Euesque qu'il fist iamais pour homme du monde: mais il ne disoit pas ce qu'il auoit fait. Il y en a qui ont remarqué de toute antiquité que les malings esprits s'efforcent plus de faire mal en certain temps, and principalement apparoissent la nuict plustost que le iour: and la nuict d'entre le Vendredy and Samedy plustost que des autres iours, comme Lauatier liure 1. chap. 8. a recueilly des Anciens. Aquoy ie n'auois iamais pris garde, mais depuis i'ay obserué ce que le mesme autheur à remarqué que ceux qui lisent le Grimoire, ausquels Sathan apparoist, le lisent la nuict d'entre le Vendredy and Samedy: and si ay leu en vn liure imprimé auec priuilege vne recepte Demoniaque, pour offenser ou tuer le larron auec certains mots, and charmes que ie ne mettray point and ne nommeray poinct l'Autheur, qui merite le feu: mais il est dict que cela ce doit faire le Samedy matin Page 329

deuant le Soleil leuant. En en plusieurs procez i'ay trouué que les malefices estoient donnez ordinairement le Samedy. Et au procez de Marguerite Paiot executee à Tõnerre l'an 1576. il est porté en plusieurs articles de son procez, qu'elle alloit aux assemblees la nuict du Vendredy: and retournoit froide comme glace. Et encores au procez d'Abel de la Ruë, qui fut executé à Meaux, il dist, que le diable l'ayant transporté le Ieudy le raporta le Vendredy, au lieu de la sacristie des Cordeliers de Meaux, où il l'auoit trouué lisant le Grimoire, and le plus souuent il se trouue que les feux fols, qui sont malins esprits, apparoissent entre le Ve (02) dredy and Samedy, and qui plus est Prierias au liure deuxiesme chapitre onziesme de Strigimagis, escrit que le souuerain remede que les femmes des chãps ont pour empescher que leurs vaches ne tarissent soit par sortilege ou autrement, est de donner aux pauures tout le laict qu'elles peuuent tirer le iour du Samedy, qui fait qu'elles ne tarissent poinct: ains le laict leur vient en abondance.G1 Et apres auoir bien cherché la raison, i'ay leu aux commentaires Hebrieux d'Abraham, Aben-Esra sur le quatriesme article du Decalogue, que Dieu auoit commandé sur la vie, de chomer and sanctifier le Samedy fur tout, and iceluy beny entre tous: puis il passe outre, and tient que Dieu a donné puissance aux malings esprits de chastier and nuire le quatriesme and la septiesme nuict: and qu'il se faut bien garder d'offenser, ny de faire uure quelconque le Samedy. Mais il rend vne raison d'Astrologue, qui m'a semblé plus estrange, c'est à sçauoir, que Mars and Saturne, que les -notes- G1Genes.2.e. Exod.12. Deuter.5. Ez ech.22.23. Secretum and tesserã vocat inter Deum and hominë. Page 330

Astrologues appellent Malefiques, ont puissance ces deux iours là. Or s'il estoit ainsi, il deuoit plustost dire la troisiesme and septiesme (s'il n'y a faute aux nombres) car tous sont d'accord que la nuict est premiere que le iour: aussi est il dict: Factum est vespere and mane dies vnus, and que la nuict d'entre le Vendredy and Samedy est du Samedy ou la planete de Saturne, qui est la plus haute, donne le nom à la premiere heure de la nuict, and au iour suyuant: and s'appelle ceste Planette en Hebrieu Sabthai, qui signifie reposant, and le mot Sabath signifie repos: and par la Loy2 de Dieu il est dict, qu'il faut chommer la feste du sainct iour tost apres le Soleil couché: Il faudroit donc conclure que c'est la nuict d'entre le Lundy and Mardy, qui est la troisiesme: and puis la septiesme celle d'entre le Vendredy and Samedy. Ie m'arreste sur ce propos qui sert à l'intelligence du suiet and a la decision des procez, car il y a plusieurs procez and confessions de Sorciers, où il appert que les dãses and copulations des Sorcieres, auec les Incubes, and Succubes se font ordinairement la nuict, apres le Soleil du Ieudy, qui est celle du Vendredy, où la Planette de Venus sur les cupiditez à plus de puissance que non pas és autres iours, and de faict le procez faict en la ville d'Auignõ. 1582.a plusieurs Sorciers condamnez, porte que les assemblees ordinaireme (02) t se font apres le Soleil couché du Ieudy: l'autre poinct que i'ay remarqué est que les assemblees se font aussi apres le Soleil couché du Lundy. Et de fait i'ay veu quelque procesou les Sorciers deposoient qu'ils s'assembloient la nuit d'entre le Lundy and Mardy, cõme celuy de Longny en Potez, -notes- 2Leuit.ca. 23. Exod.cap. 21. Page 331

ou les Sorcieres confesserent qu'en dansant auec les diables leuant en haut leurs ramons disoient, Har, har, Sabath, Sabath: and en vn autre de Berry. Toutesfois ie ne suis pas encores bien informé si les assemblees des Sorciers se font aussi le Samedy. Mais quand au troisiesme iour il est escrit au liure du Leuitique, que les Prestres en leur consecration, deuoient estre purifiez le troisiesme, pour estre sanctifiez le septiesme iour. Et au liure des Nombres, Chapit. dixneuf and trente and vn, il est dict, que celuy qui ne sera purifié le troisiesme iour, ne sera point sanctifié le septiesme. Ioinct aussi que la Planette de Mars commence la premiere heure du Lundy au soir apres le Soleil couché, comme celle de Saturne la premiere heure de la nuict du Samedy apres le Soleil couché du Ve (02) dredy au soir. Car si lon prend la plus digne Planette qui est le Soleil la premiere heure de la creation du monde, qu'on appelle encores Diem Solis, en contant XXIIII. heures, la Lune se trouuera la premiere heure de la nuict suyuant, qui est du Lundy, and Mars à la nuict du Mardy. I'ay aussi leu aux mesmes Cõme (02) taires d'Abrahã, Abe (02) -Esra sur le decalogue, que Dieu depart ses benedictiõs, principalement le iour du Samedy, cest assauoir force and vigueur a toutes choses corporelles and spirituelles, que l'antiquité à remarqué se monstrer ordinaireme (02) t beau and serain: de sorte qu'e (02) tre les Prouerbes populaires que Ioubert medecin à recueilly, il y en à vn qui porte que iamais Samedy ne passa qu'on n'ait veu le Soleil. Ce que ie n'ay iamais experime (02) té. Aussi ne faut il pas s'enquerir curieusement pourquoy Dieu a beny Book 3 - Chapter 2 Page 332

and sanctifié le septiesme iour plustost que les autres: cõ me Caluin qui s'estonne pourquoy le repos du septies me iour est si souuent and si estroittement commandé qu'il semble qu'e (02) cela gist le point principal de nostre falut. Mais tout ainssi que les Iuifs choment le Samedy and les Mahometistes le Vendredy, nous ensuiuans la Loy Chrestienne and les constitutions d'Eglise, sanctifions, où pour mieux dire, deuons sanctifier le Dimen che, lequel neãtmoins est souillé de toutes les desbauches and folies dont on se peut auiser au grand des-honneur de Dieu, qui n'a rien commandé plus estroittement que chommer le iour de repos: and sur peine de la vie.2 Toutesfois ie trouue vn autre Rabin qui dit que Dieu retient la puissance des diables le iour du Samedy, and quand au Mercredy i'ay leu en Cadamoste cha. 61. qu'il y a vn temple en la ville de Maluber, où celuy qui y entre deuant midy leiour du Mercredy meurt. Disons maintenãt si les Sorciers peuuent faire que les hõmes soie (02) t sains, alaigres, riches, puissans, victorieux, honorez, and qui iouissent de leurs plaisirs comme plusieurs pensent. Si les Sorciers peuuent asseurer la santé des hommes alaigres and donner guerison aux malades. CHAP. II. Il ne faut pas s'estonner s'il y a des Sorciers par le monde, veu les promesses que Sathan faict à ceux qui se sont vouez and dediez à son seruice, de les faire riches, puissans, and honorez, -notes- 2Leuit. c.23. Page 333

and iouyr de ce qu'ils desirent. Et iaçoit que les hommes entendus descouurent soudain l'imposture, and que les Sorciers sont belistres pour la pluspart, bestes and ignorans, mesprisez d'vn chacun, si d'ailleurs ils n'ont biens, honneurs, and richesses: si est ce qu'il y a des personnes si miserables qu'ils se iette (02) t du meilleur sens qu'ilsont aux filets de Sathan: les vns par curiosité, les autres pour faire preuue de ses belles promesses, estimans qu'ils s'en pourront retirer quand ils voudront: mais depuis qu'ils y sont, de cent il n'y en a peut estre pas la dixiesme qui s'en depestrent, encores que plusieurs de ceux qui sont dediez à Sathan, and qui ont renoncé à Dieu, ayant cogneu les impostures de Sathan, n'en tiennent plus conte: and neantmoins ils ne renoncent point à Sathan, and ne se reconcilient point à Dieu. Et de ceux la il ne faut pas douter que le diable n'en soit en bonne possession and paisible, encores qu'ils ne l'apperçoiuent aucunement Et d'autant qu'il n'y a rien plus precieux apres l'ame que la santé du corps, plusieurs estant affligez de maladie ont demandé conseil au diable s'ils rechaperont, comme fist le Roy Ochozias: mais Elie ayant rencõtré ses Ambassadeurs leur dict, Allezdire à vostre maistre, qu'il y a vn Dieu au Ciel, à qui il faut demander aduis: and pour l'auoir demandé à Baal, qu'il en mourra. Les autres pressez de douleur se sont vouez au diable pour guerir, comme vn certain aduocat de Paris, que ie ne veux nommer, qui fut deferé l'an mil cinq cens septante vn, and de faict il confessa qu'estant malade à l'extremité, il se donna au diable pour guerir, and luy Page 334

mesmes escriuit and signa la sedule de son sang, ceste excuse vraye ou fausse luy seruit alors, comme en cas semblable Oldrade consil. 101. col. 2. excuse celuy qui pour iouyr de ses plaisirs, auoit faict des images de cire, iaçoit que la loy le condamne in l. multi de malesic. C. and cap. 2. de sortilegiis. Mais Tybere l'Empereur ayant faict raser le temple d'Anubis, and brusler les prestres pour le maquerellage detestable par eux faict, a pris d'argent pour faire coucher la plus belle dame de Rome auec Mondus desguisé en Dieu, enuoya l'amoureux absous: comme recite Ioseph lib. 18. cap.4. Antiqui. and cas semblable aduint en Egypte au temple de Saturne, comme nous lisons en Ruffin liure onziesme chapitre vingt cinquiesme Historiar. Les autres ne se donnent pas au diable, mais bie (02) il ne font point difficulté de se laisser guerir aux Sorciers, desquels comme S.Iean Chrysost.G1 dit qu'il faut fuir la voix comme pestiferé. Or on voit des Sorciers qu'on appelle en Espaigne Salutadores, qui fõt mestier de guerir: and se trou ua en Anjou, vne vieille Italienne, qui guerissoit des maladies l'an mil cinq cens septãte trois, and sur ce que le iuge luy deffendit de plus se mesler de medeeiner les malades, elle appella and releua son appel en la Cour de Parlement, ou M.Iean Bautru Aduocat en Parleme (02) t Sieur des Matrats mon collegue, and citoyen plaida sa cause desertement and doctement: mais on monstroit que les moyens par lesquels elle guerissoit, estoyent contre nature, comme de la ceruelle d'vn chat, qui est vne poison, de la reste d'vn corbeau and autres choses semblables, qui monstre bien que ce n'est pas en vertu -notes- G1au li. de Fato, chap.7. Page 335

de quelques bonnes huiles and vnguens salutaires, comme font plusieurs gens de bie (02) and charitables enuers les pauures gens: mais par moyens contre nature, ou par charmes. Iodocus Darmunbadus escrit, qu'il y auoit aussi vne Sorciere à Bruges en Flandre, qui estoit reputee saincte. Car elle guerissoit vne infinité de maladies: mais premiereme (02) t elle gaignoit ce poinct, qu'il falloit fermement croire qu'elle pouuoit guerir: puis elle cõmãdoit qu'on ieusnast, and qu'on dist certaines fois Pater noster, ou qu'on allast en voyage à S.Iacques, ou à S. Arnoul. En sin elle fust conuaincue de plusieurs sorceleries, and punie comme elle meritoit. Mais Philon Hebrieu au liure de Specialib. Legib. parlant des Sorciers, dict, que les maladies donnees par sortileges, ne peuue (02) t estre gueries par medecines naturelles, ce que l'Inquisiteur Spranger dict en cas pareil, auoir sçeu par les confessions des Sorcieres: comme aussi Barbe Doré de Senlis, qui fut bruslee par Arrest de la Court l'an 1574. cõfessa. Ie croy bien que les Sorciers peuue (02) t quelquesfois oster le malefice and maladie, que les autres Sorciers ou bien eux-mesmes ont donné: mais non pas tous, ny tousiours, and si faut ordinairement, comme ils ont deposé, qu'ils donnént le sort à vn autre: ou bie (02) ils ne peuuent eschapper que le mal ne tombe sur eux. Mais quant aux maladies, qui aduiennent autreme (02) t que par fort, les Sorciers confessent qu'ils n'en peuuent guarir. Et pour sçauoir si c'est sort, Spranger escrit qu'ils en font la preuue, mettãt du plomb fondu en vn vaisseau plein d'eau sur le patient. Et neantmoins il efcrit aussi qu'il y-a des malefices donnez par les vns, que les autres Page 336

ne peuuentoster, ny quelquesfois eux-mesmes, and pour certain exemple ie mettray Ieanne Haruillier, qui fut bruslee viue, comme i'ay dit cy dessus. Elle cõfessa qu'elle auoit ietté le sort pour faire mourir vn homme qui auoit batu sa fille, and qu'vn autre passa par dessus, le quel soudain and au mesme instant se sentit frappé aux reins, and par tout le corps: and sur ce, qu'on luy dist, que c'estoit elle qui l'auoit ensorcelé par ce qu'elle auoit le bruit d'estre telle, elle promist le guarir, and se mist à le garder: elle confessa qu'elle auoit prié le Diable, and vsé de plusieurs moyens qu'il n'est besoin d'escrire pour le guarir, and neantmoins que Sathan auoit fait response, qu'il estoit impossible. Alors elle luy dit, qu'il ne vint donc plus à elle. Et que le Diable luy fit response, qu'il ne viendroit plus. Bien tost apres le malade mourut, and la Sorciere s'alla cacher, mais elle fut trouuee. De ce poinct ie cõclus qu'il n'est pas en la puissance des Sorciers de guarir tousiours ceux qui sõt malades par malefices, veu qu'ils ne peuuent pas guarir tousiours ceux là qu'ils ont eux-mesmes ensorcelez. En secõd lieu, on tient que si les Sorciers guarissent vn homme malesicié, il faut qu'ils donne (02) t le sort à vn autre. Cela est vulgaire par la confession de plusieurs Sorciers. Et de fait, i'ay veu vn Sorcier d'Auuergne, prisonnier à Paris l'an M.D.LXIX. qui guarissoit les cheuaux and les hommes quelques-fois: and fut trouué saisi d'vn grand liure plein de poils de cheuaux, vaches, and d'autres bestes de toutes couleurs: and quand il auoit ietté le Sort pour faire mourir quelque cheual, on venoit à luy, and le guarissoit, en luy apportant du poil de Page 337

la beste, and donnoit le Sort à vn autre, and ne prenoit point d'argent: car autrement, comme il disoit, il n'eust pas guary: aussi estoit-il habillé d'vn vieil saye composé de milles pieces. Vn iour ayant donné le Sort au cheual d'vn Gentil-homme, on vint à luy, il guarit, and donna le Sort à son homme: on vint à luy pour guarir aussi l'homme: Il fit response qu'on demãdast au Gentil-homme lequel il aymoit mieux perdre, son homme, ou son cheual: le Gentil-homme se trouua bien empesché: and ce pendant qu'il deliberoit, son homme mourut, and le Sorcier fut pris. Et faict à noter, que le Diable veut tousiours gaigner au change, tellement que si le Sorcier oste le sort à vn cheual, il donnera à vn autre cheual qui vaudra mieux. Et s'il guarit vne femme, la maladie tombera sur vn homme, s'il guarit vn vieillard, la maladie tombera sur vn ieune garçon. Et si le Sorcier ne donne le sort à vn autre, il est en danger de sa vie: bref si le Diable guarit le corps, il tuë l'ame. I'en reciteray deux exemples L'vn que i'ay entendu de M. Fournier Conseiller d'Orleans, d'vn nommé Hulin Petit, marchant de bois d'Orleans, lequel estant ensorcelé à la mort, enuoya querir vn qui se disoit guarir de toutes maladies, suspect toutesfois d'estre grand Sorcier, pour le guarir: le quel fist response, qu'il ne pouuoit le guarir, s'il ne donnoit la maladie à son fils, qui estoit encores à la mammelle. Le pere cõsentit le particide de son fils: qui faict bien à no ter pour congnoistre la malice de Sathan. La nourrice ayant entendu cela, s'enfuit auec son fils pendant que le Sorcier touchoit le pere pour le guarir. Apres Fauoir Page 338

touché, le pere se trouua guary: Mais le Sorcier demanda ou estoit le fils, and ne le trouuant point, il cõmença à s'escrier, Ie suis mort, où est l'enfant? Ne l'ayãt point trouué, il s'en va: mais il n'eust pas mis les pieds hors la porte, que le Diable le tua soudain. Il deuint aussi noir que si on l'eust noircy de propos deliberé. I'ay sçeu aussi qu'au iugeme (02) t d'vne Sorciere, qui estoit accusee d'auoir ensorcelé sa voisine en la ville de Nantes, les Iuges luy commanderent de toucher celle qui estoit ensorcelee, chose qui est ordinaire aux Iuges d'Allemagne, and mesmes en la Chambre Imperiale, cela se faict souuent: elle n'en vouloit rien faire, on la cõtraignit: elle s'escria, Ie suis morte. Elle n'eust pas touché la femme qu'elle auoit ensorcelee que soudain elle ne guarist, and la Sorciere tomba roide morte. Elle fut condamnee d'estre bruslee morte. Ie tiens l'histoire de l'vn des Iuges qui assista au iugement. I'ay encores appris à Thoulouze qu'vn Escolier du Parlement de Bourdeaux, voyãt son amy trauaillé d'vne fieure quarte à l'extremité, luy dist, qu'il donnast sa fieure à l'vn de ses ennemis: il sit response qu'il n'auoit point d'ennemise Donnez-la donc, dit-il, à vostre seruiteur: Le malade en fist conscien ce: en sin le Sorcier luy dist, Donnez la moy: le malade respondit: Ie le veux bien. La fieure prend le Sorcier, qui en mourut, and le malede r'eschappa. Or ce n'est pas chose nouuelle, car nous lisons en Gregoire de Tours, liure VI. chap. XXXV. que la femme du Roy Childebert fut aduertie que son petit fils estoit mort par malefice, and de rage feminine, elle fist prendre grand nõbre de Sorcieres, qui furent bruslees Page 339

and mises sur la rouë. Elles confesserent que pour sauuer la vie à Mumol Grand-maistre, elles auoient fait mourir le fils du Roy. Alors on print Mumol, qui fut mis à la torture, qui confessa auoir eu des Sorcieres certaines gresses and bruuages pour auoir, cõme il pensoit, la faueur des Princes: and dit au bourreau qui le gehe (02) noit, qu'on dist au Roy, qu'il ne sentoit aucun mal. Alors le Roy le fist este (02) dre auecques poulies, and ficher des pointes entre les ongles des pieds, and des mains, qui est la forme de bailler la gesne en tout l'Orient sans fracture des membres, and auec douleur in supportable. Quelques iours apres, estant confiné en son pays de Bourdeaux, il mourut. Ce que i'ay noté pour monstrer que Sathan veut tousiours gaigner au change, ayant les Sorcieres confessé pour sauuer la vie au grand Preuost auoir tué le fils du Roy, que le pere and la mere adoroie (02) t. Or c'est chose vulgaire, que ce qui est le plus aymé, est plustost perdu par vne iuste vengeance de Dieu, qui veut chastier par ce moyen, ceux qui font leurs dieux de ce qu'ils ayme (02) t, and sur ceux-là Sathan a plus de puisfance que sur les autres. Mais on tient que les Sorciers ne peuuent oster la maladie qui est venuë naturelleme (02) t, and non par malefice. Et de fait, l'Inquisiteur Sprãger recite vn exemple, qu'en faisant le procés aux Sorciers de la ville d'lsprug en Allemagne, il y eut vn Potier Sorcier, lequel voyant vne pauure femme sa voisine affligee extremement, comme si on luy eust donné des coups de cousteaux aux entrailles, le sçauray, ditil, si vous estes ensorcelee, and ie vous guariray. Et prenant du plomb fondu, il versa dedans vn plat plein Page 340

d'eau, le tenant sur la femme malade. Et apres auoit dit quelques parolles, que ie ne mettray point, il apperceut au plõb glacé certaines images, par lesquelles il cogneut, qu'elle estoit ensorcelee. Cela fait, il meine le mary de ceste femme, and tous deux ense (02) ble vont regarder soubs le sueil de la porte, où ils trouuere (02) t vne image de cire de la grandeur d'vne paume, ayant deux aiguilles fichees des deux costezauec d'autres poudres, graines, and os de serpe (02) s, and ietta tout dedans le feu: and la fe (02) me guarit, ayant engagé son ame à Sathã and aux Sorciers ausquels elle demãda guarisõ. Le mesme autheur dit que le Sorcier entretenoit vne Sorciere, qui auoit dõné le mal à sa voisine, telleme (02) t qu'il se peut faireque le Sorcier auoit appris le secret de sa Sorciere. Toutesfois ie ne sçay s'il est besoin de dõner tousiours le sort à vn autre quãd le mal vient de malefice. Mais ie tiens pour tout certain, que Sathã est si malin, qu'il ne souffre point qu'on face bie (02) , si on ne fait vn plus grãd mal, c'est à sçauoir de demander santé à vn Sorcier, qu'on sçait estre tel, ou participer à ses prieres, on faire quelque superstition, ou dire quelques paroles, ou porter quelques billets, ou autres choses qui ne se peuue (02) t faire sans idolatrie, pour destourner l'homme de la fiance, qu'il doit auoir en Dieu seul. I'ay veu le proce (02) s faict à Marguerite Pajot executee à mort par sentence des Iuges de Tonnerre l'an 1576. qui fut conuain cuë par plus de cin quante tesmoins, d'auoir faict mourir plusieurs hommes and bestail en les touchãt d'vne baguette; Il s'en remarquoit treize personnes qui estoie (02) t mortes de tel attouchement: and quand elle retouchoit de Page 341

la mesme baguette, elle guarissoit. Entre autres, aiãt guary vne fille de ceste sorte, anpres d'elle soudain vne brebis mourut: Et quelquesfois elle engraissoit le bestial en le touchant de sa baguette. Et se trouua que en mesme iour deux personnes par elle touchees, l'vn enfla, l'autre seicha, qui depuis retouchez, recouurere (02) t santé. Mais il fall oit la supplier, and tenir la vie and la santé du Diable. Bref, il faut tenir pour Maxime, que iamais Sathan ne fait bien, si ce n'est à fin qu'il en puisse reüssir vn plus grãd mal, qui est en cela du tout cõtraire à Dieu, qui ne souffre iamais aucu (05) mal estre fait, sinon à fin qu'il en aduienne vn plus grand bien. Hipocrate au liure de Morbo sacro, escrit que de son te (02) ps il y auoit Sorciers qui faisoient profession de guarir du mal caduc, qu'ils appelloie (02) t maladie sacree, en disãt quelques prieres, and faisant quelques sacrifices, and acqueroient la reputatiõ d'estre saincts personnages. Mais il dit qu'ils estoient detestables and meschans, and que Dieu estoit blasphemé. par telles gens, qui disoient que les Dieux enuoyent telles maladies. Vray est que Hippocrate ne veut pas confesser appertement que les Demons saisissent les personnes, ains il dict que c'est le mal caduc: Mais toute la posterité a cogneu qu'il y en a des malades du mal caduc, qui sont quelques-fois guaris par medecines naturelles: les autres saisis des Demons, que les Sorciers guarissent soudain, par intelligence qu'ils ont auec Sathan, ou bien en faisant quelques sacrisices ouido latries, que Sathan mesme commande. Nous conclurons donc que les Sorciers, à l'ayde de Sathan, peuuent nuire and offenser, non pas tous, ains Page 342

seulement ceux que Dieu permet par son iugement secret, soient bons ou mauuais, pourchastier les vns, and sonder les autres: afin de multiplier en ses esleuz sa benediction, les ayans trouuez fermes and cõstans. Et neantmoins pour mõstrer que les Sorciers par leurs mau dites execrations, and sacrifices detestables, sont ministres de la vengeance de Dieu, prestãs la main and la volõté à Sathan, ie reciteray vne histoire estrãge publiee, and dõt la memoire est rece (02) te. Au Duché de Cleues, pres du bourg d'Elten, sur le grand chemin, les hommes à pied and à cheual esloient frappez and batus, and les charrettes versees, and ne se voyoit autre chose qu'vne main qu'on appelloit Ekerken. En fin ont print vne Sorciere, qui s'appelloit Sybille Diuscops, qui demeuroit és enuirons de ce pays-là. Et depuis qu'elle fut bruslee on n'y a rien veu: Ce fut l'an M. D. XXXV. Et par ainsi nous pouuons conclurre que les Sorciers vsans de leur mestier à l'ayde de Sathan, peuuent faire beaucoup de mal par vne iuste permission de Dieu, qui s'en sert cõme de bourreaux: car tousiours la sagesse and Iustice de Dieu fait bien ce que l'homme fait mal: Et neãtmoins on void que les Sorciers ne peuuent oster que les maladies aduenuës par leur faict, and ne les ostent iamais qu'ils ne blessent and vlcerent l'ame, ou qu'ils ne facent vn autre mal. Nous dirons tantost s'il est licite d'auoir recours à eux pour auoir santé: Mais disons aussi s'ils peuuent auoir la faueur, and la beauté, tant desiree des laides femmes, and les plaisirs, honneurs, and richesses, pour lesquelles les hommes se precipitent bien souuent en ruine. Book 3 - Chapter 3 Page 343

Si les Sorciers peuuent auoir par leur mestier, la faueur des personnes, la be auté, les plaisirs, les honneurs, les richesses, and les sciences, and donner fertilité. CHAP. III. Ce qui attire les malheureux au precipice glissant du chemin de perdition, and de se vouer à Sathan, est vne opinion deprauee qu'ils ont, que le diable donne richesses aux pauures, plaisir aux affligez, puissance aux foibles, beauté aux laides, sçauoir aux ignorans, honneur aux mesprisez, and la faueur des grands. Et neantmoins on cognoist à veuë d' il, qu'il n'y a point de plus miserables, de plus belistres, de plus hays, de plus ignorans, de plus tourme (02) tez que les Sorciers, comme nous auons monstré cy deuant. Et à ce propos Plutarque dict que la Royne Olympias mere d'Alexandre le Grand, estant aduertie que Philippe Roy de Macedoyne son mary estoit si affolé de l'amour d'vne ieune Dame, qu'il en mouroit sur les pieds, and qu'elle l'auoit ensorcelé, elle voulut la voir: and apres auoir contemplé sa beauté admirable, and sa bonne grace, elle fut toute rauie, and ne luy fist aucun desplaisir. C'est, dit elle, ceste beauté and bonne grace qui a charmé mon mary, and qui pourroit charmer les Dieux. Et à vray dire les beautez qu'on voit en tout ce monde, and en ces parties, sont les rayons de la beauté diuine, and ne peut Page 344

la beauté venir que de Dieu. Mais on n'a iamais veu Sot ciere qui ait peu par charmes, ny autrement desguiser son visage pour se faire plus belle qu'elle n'est oit: ains au contraire on dict en commun Prouerbe, Laide cõme vne Sorciere, and de faict Cardan qui a esté en reputation d'estre grand Sorcier, à remarqué qu'il n'en a point veu qui ne fust laide, ce que ie croy bien.G1 Car mesmes Cardan n'a pas nié que son pere2 ne fust grãd Sorcier and qu'il ne feust en ecstase quand il vouloit, qui est plus que son pere n'auoit faict: Il dict aussi que les esprits malings sont puants, and le lieu puant la où ils frequente (02) t, cela se voit par infinis procés, and principalement au procez d'Abel de la Rue, executé à mort par arrest de la court, 1582. il confessa que le diable s'apparoissoit à luy, en figure d'homme blesme and fort puãt de corps and de l'aleine and que la premiere fois il le porta du conuent des Cordeliers de Meaux, sous le gibet: duquel gibet il est a presumer qu'il auoit pris ledit corps mort, and croy que de la vient que les anciens ont appellé les Sorcieres f tentes, and les Gascons fetilleres, pour la puanteur d'icelles, qui vient comme ie croy de la copulation des diables, lesquels souuent prennent des corps des pendus, ou autres semblables pour les actions charnelles and corporelles: cõme aussi Vier à remarqué que les personnes demoniaques sont fort puantes. Et combien qu'Hypocrates pe (02) sast que les demoniaques fussent frapez du mal caduc, si est-ce qu'il dit qu'ils sont puants, enquoy on peut iuger que les fe (02) mes qui de leur naturel ont l'aleine douce beaucoup plus que les hommes, par l'accointance de Sathan en -notes- G1Li.de Sub 20. 2In lib. de rerum varietate c. ad sinem. Page 345

deuiennent hideuses, mornes, laides, and puantes outre leur naturel. Qui n'est point seulement remarqué par Hippocrate, ains aussi par Lucian lequel se mocquant d'vn Sorcier qui auoit chassé le diable du corps d'autruy, il dit, que le diable estoit plustost sorty de la puãteur du Sorcier que de ses coniurations. Et au contraire les anciens parlant des Anges and bõs esprits disoie (02) t Ambrosium spirant à summo vertice odorem. Et quãt aux plaisirs desirez par elles, and de ceux qu'elles aiment nous auons monstré cy dessus, de plusieurs qui ont esté prises, and conuaincues d'estre Sorcieres, par leur confession, qu'elles ont aussi confessé, qu'elles sont abandonnees à Sathan par copulation charnelle, and auec desplaisir, trouuans ie ne sçay quelle seme (02) ce fort froide, comme elles ont deposé. Spranger escrit qu'il a faict le procez a vneinfinité de Sorcieres, qui toutes ont confessé auoir eu copulatiõ auec Sathã, and sans en estre enquises. Il n'est pas à presumer si elles trouuoie (02) t mieux qu'elles s'addonnassent à tels amoureux, qui les tourmententiour and nuict, si elles ne continuent au seruice de leur maistre. Quant à la faueur qu'on desire auoir des personnes, on void que telles gens sont fuis and hays à mort. Et me souuient que d'eschelles Manseau estant en la presence d'vn Roy, fist vn traict de son mestier, qui estonna le Roy à vray dire, car il faisoit sortir les chesnons d'vne chaine d'or de loin, and les faisoit venir dedans sa main, comme il sembloit, and neantmoins la chaine se trouua depuis entiere. Mais aussi tost le Roy le fist sortir, and ne le voulut oncques voir, tellement que au lieu d'estre fauory, on Page 346

luy fist son procez, and fut condamné comme Sorciet par le Preuost de l'Hostel, comme nous auons dict cy dessus. Quant aux honneurs and dignitez, on void qu'il n'y a gens plus mesprisez ny plus abhominez que ceux là.G1 Aussi lisons nous en Samuel vn traict que les anciens Hebrieux ont bien remarqué, où Dieu parle ainsi. Celuy qui me fera honneur, ie l'honoreray, and celuy qui me contemnera ie le feray mespriser and vilipe (02) der. Ce n'est pas la parole d'vn homme, c'est la parole de Dieu, qui est plus certaine que toutes les demonstrations du monde. O si les hommes ambitieux sçauoient ce beau secret, combien ils magnifieroient la gloire de Dieu, pour estre louez à iamais, and combien ils craindroient des-honorer Dieu, pour n'estre mesprisez and diffamez.G2 Suetone dict que Neron fut vn des plus grands Sorciers du monde, mesprisant toute religion: y eut-il iamais homme plus mesprisé, plus vilipendé, plus cruellement traitté que cestuy-là? Car Dieu non seuleme (02) t le precipita en la fleur de son aage de 32. ans du haut lieu d'honneur, où il auoit colloqué auparauant qu'il fust Sorcier, ains aussi il fut delaissé de tous ses amis, and gardes, and seruiteurs domestiques, and condamné à estre flestri tout nud à coup de baston tant and si longuement, que la mort s'en ensuyuist: and pour euiter vne mort si cruelle, il fut contraict se tuer soy mesme. Mais quel mespris, quel des-hõneur: quelle villenie plus detestable peut on imaginer, que celle que souffrent les Sorciers estans contrains d'adorer Sathan en guise de Bouc puant, and le baiser en la partie, qu'on n'ose escrite, ny dire honestement: ce qui -notes- G1Samuel. ca.2. in libris. [Hebrew omitted] G2Suet. in Nerõ. Page 347

me sembleroit du tout incroyable, si ie ne l'eusse leu és confessions and conuictions d'infinis Sorciers executez à mort. Il s'en est trouué d'autres qui au lieu d'attirer la faueur and amour de ceux qu'ils desiroient, ils les ont faict mourir ou renduz furieux, ou malades à l'extremité comme il aduint n'a pas long temps d'vn qui ietta vn billet au sein d'vne fille qui en fut à vn poinct pres de la mort, and par arrest confirmatif de la sentence du Bailly de Tours, son procez luy à esté faict extraordinairement. Icy dira quelcun, que depuis Syluestre second, iusques à Gregoire septiesme inclusiuement, tous les Pape ont esté Sorciers, comme nous lisons en Naucler and Platine. A quoy ie respond que le Cardinal Benon, qui a remarqué les Papes Sorciers, n'en trouue que cinq, à sçauoir Syluestre second, Benoist neufiesme, Iean vintiesme, and vint vniesme, and Gregoire septiesme. Encores de tous ceux la, Augustin Onophre chambrier du Pape, qui a receuilly diligemment du Vatican, and des anciens registres l'histoire des Papes, n'en mect que deux, à sçauoir Syluestre second, and Benoist neufiesme: Et toutesfois Benoist fust chassé du siege, auquel il estoit paruenu par la faueur de deux oncles Papes. Et quant à Syluestre, qui s'appelloit Gilbert, c'estoit vn moyne de Fleury sur Loyre, qui auoit si bien estudié en sa ieunesse, qu'il fust Pedagoge de Robert Roy de France, de Lothaire Duc, and d'Othon troisiesme Empereur, qui le firent Pape, and non pas Sathan, comme pensent ses miserables Sorciers: and neantmoins Syluestre se repentit suppliant à la fin de ses iours, qu'on luy coupast la langue Page 348

and les mains, qui auoient sacrifié aux Diables. Or il cõfessa qu'il ne s'estoit voué au Diable que depuis qu'il fut Archeuesque de Reims. Il faut donc conclure que toute puissance, honneur, and dignité vient de la main de Dieu: and le vray plaisir and contentement asseuré de la tranquillité de l'esprit que Dieu donne à ceux qui se fient en luy: duquel plaisir les esprits possedez de Sathan ne sentiront oncques vne estincelle, estans cruellement, and assiduellement tyrannisez en leur ame. Quand aux victoires que les Princes souhaittent tant and pour lesquelles les plus mal aduisez demandent conseil aux Diables, ie n'en parleray plus, ayant par infinis exemples faict cognoistre que le Prince qui aura inuoqué Sathan pour c'est effect il se peut asseurer de sa ruine: soit en bataille, soit en combat. Qui est pour leuer le scrupule à ceux qui cherchent curieusement si les combattans sont poinct garnis de billets ou d'espees characterisees par Magie. Et de faict nous trouuons encores le serment que faisoient noz peres entrans aux combats qui se tenant la main iuroient Dieu l'vn apres l'autre qu'ils n'auoient ny pierre, ny bref, ny herbe pour vaincre, ains par l'ayde de Dieu seul and de leur bon droict. Quelques Allemans portent des chemises coniurees auec figures de Diables: qui sont toutes impietez qui les attirent en ruine. Quant aux richesses, on sçait assez qu'il y a de grands thresors chachez, and que Sathan n'ignore pas les lieux où ils sont, comme il est tout certain. Et neantmoins il n'y eut oncques Sorcier qui gaignast vn Escu à son mestier, comme ils sont Page 349

d'accord. Or on void ordinairement que les riches qui se font Sorciers pour enrichir d'auantage, declinent en poureté: and ceux qui sont poures demeurent belistres toute leur vie. Aussi est il bien certain que les biens en l'Escriture s'appellent benedictions: parce que Dieu les donne. Ainsi disoit Iacob à son frere Esau, prens de la benediction que Dieu m'a donné, luy faisant present de ses troupeaux que Dieu luy auoit iustement acquis. Mais pourquoy Sathan ne depart de ses thresors cachez en terre à ses esclaiues: pourquoy les laisse il mourir de faim, and mendier miserablement leur pain? Il faut bien dire que Dieu ne le veut pas, and que le Diable n'a pas la puissance. Car par ce moyen il semble qu'il attireroit beaucoup d'hommes à sa cordelle. Et de faict estant à Thoulouze Oger Ferrier Medecin, print à louage vne maison pres de la Bourse bien bastie, and en beau lieu, qu'on luy bailla quasi pour neant l'an mil cinq cens cinquante huict, d'autant qu'il y auoit vn Esprit malin qui tourmentoit les locataires: mais luy ne s'en soucioit non plus que le Philosophe Athenodore, qui osa demeurer seul en la maison d'Athenes, qui estoit deserte and inhabitee par le moyen d'vn Esprit.G1 Oyant ce qu'il n'auoit iamais pemsé, and qu'on ne pouuoit aller seurement en la caue, ny reposer quelquesfois, il fut aduerty qu'il y auoit vn ieune Escolier Portugais qui estudioit lors à Tholouze, and qui faisoit voir sur l'ongle d'vn ieune enfant les choses chachees: l'Escolier vsa de son mestier, and la fille enquise dict, que -notes- G1Plin. Iun. in Epist. Page 350

elle voyoit vne femme richement paree de chesnet and dorures, and qui tenoit vne torche en la main pres d'vn pillier, le Portugais dist au Medecin, qu'il fist fouïr en terre dedans la caue pres du pillier and qu'il trouueroit vn tresor. Qui fut bien ayse, fut le Medecin, qui fit fouïr: mais lors qu'il esperoit trouuer le tresor, il se leua vn tourbillon de vent qui soufla la lumiere, and sortit par vn souspirail de la caue, and rompit deux toizes de creneaux qui estoient en la maison voysine, dont il tomba vne partie sur l'osteuant, and l'autre partie en la caue par le souspirail, and sur vne femme qui portoit vn cruche d'eau, qui fut rompue (02) . Depuis l'esprit ne fut ouy en sorte quelconque. Le iour suyuant le Portugais aduerty du faict, dict que l'esprit auoit emporté le tresor, and qu'il s'esmerueilloit qu'il n'auoit offencé le Medecin lequel me conta l'histoire deux iours apres, qui estoit le quinziesme Decembre M. D. LVIII. estant le ciel serain and beau, comme il est ordinaire aux iours Alcyoniens, and fut voir les creneaux de la maison voysine abattuz, and l'osteuant de la bouti que rompu. Les anciens Hebrieux ont tenu que ceux qui cachent les tresors en terre, and mesmement ceux qui sont mal acquis, souffrent la damnation and iuste peine de leur impieté pres de leurs tresors, estans priuez de la vision de Dieu: and pour ceste cause qu'il y a vne malediction en l'Ecclesiastique cõtre ceux-là qui cachent les tresors en leur ruine. Philippe Melanchthon recite vne histoire quasi semblable: qu'il y eut dix personnes à Magdebourg tuez de la ruine d'vne tour, lors qu'ils fossoyoient pour trouuer les tresors Page 351

que Sathan leur auoit enseignez. Et Georges Agricola au liure qu'il a faict des Esprits subterrains, escrit que à Aneberg en la mine nommee Couronne de rose, vn esprit en forme de cheual tua douze hommes: tellement qu'il fit quitter la mine pleine d'argent que les Sorciers auoient trouué à l'ayde de Sathan. l'ay apprins aussi d'vn Lyonnois qui depuis fut Chapellain de l'Eglise nostre Dame de Paris, que luy auec ses com paignons auoient descouuert par Magie vn tresor à Arcueil pres de Paris: mais voulant auoir le coffre où il estoit, qu'il fut emporté par vn tourbillon, and qu'il tomba sur luy vn pan de muraille, dont il est, and sera toute sa vie boiteux. Et n'y à pas long temps qu'vn Prestre, de Noremberg ayant trouué vn tresor à l'ayde de Sathan, and sur le poinct d'ouurir le coffre fut accablé de la ruine de la maison. Ce n'est pas chose nouuelle de chercher les tresors par Sorcelleries: car mesmes la Loy dict, que les tresors n'appartiennent pas à ceux, qui puniendis sacrificiis, aut alia quauis arte prohibita scrutantur.G1 Ce sont les termes de la Loy: Et defend pour mesme cause d'obtenir lettres and permission du Prince pour fouïr en la terre d'autruy. I'ay sçeu aussi d'vn practicien de Lyon, que ie ne nommeray poinct, combien qu'il le contoit tout haut en bonne compagnie, que ayant esté auec ses compaignons la nuict pour coniurer and chercher vn tresor, comme ils auoicnt commencé de fouïr en tcrre, ils ouyrent la voix comme d'vn homme, qui estoit sur la rouë pres du lieu où ils cherchoient, criant espouuentablement, Aux larrons: Ce qui le mit en -notes- G1L. vnica de thesau. C. Page 352

fuite. Et au mesme instant les malings Esprits les pour suiuirent batans iusques en la maison d'où ils estoient sortis, and entrerent dedans faisant vn bruit si grand, que l'hoste pensoit qu'il tonnast. Ainsi void on que les malings Esprits qui sont le plus souuent gardes des thresors, ne veulent pas, ou pour mieux, dire, que Dieu ne souffre pas que personne par tels moyens puisse enrichir. Aussi les Hebrieux disent que ceux qui sont morts à regret, insensez d'vn amour furieux d'eux mesmes, souffrent leur enfer, comme on dict, au sepulchre, ou au tour de leur charongne, à fin que par la Iustice de Dieu eternelle chacun soit puny en ce qu'il a offencé. Et qui plus est, les souffleurs Alchemistes pour la pluspart, voyans qu'ils ne peuuent venir à bout de la pierre Philosophale, demandent conseil aux Esprits, qu'ils appellent familliers. Mais i'ay sçeu de Constantin, estimé entre les plus sçauans en la Pyrotechnie, and art metallique, qui soit en France, and qui est assez cogneu en ce Royaume, que ses compaignons ayans long temps soufflé sans aucune apparence de proffit, demanderent conseil au Diable s'ils faisoient bien, and s'ils en viendroient à bout. Il feit response en vn mot, Trauaillez. Les souffleurs bien aises continuerent, and soufflerent si bien qu'ils multiplierent tout en rien and souffleroient encores n'eust esté que Constantin leur dist, que Sathan rendoit tousiours les oracles à double sens, and que ce mot Trauaillez vouloit dire, qu'il falloit quitter l'Alchemie and s'employer au trauail, and honneste exercice de quelque bonne science pour gaigner sa vie, and que c'estoit Page 353

vne pure follie de penser contrefaire l'or en si peu de temps, veu que nature y employe mille ans. Et par mesmes moyens il faut dire à ceux qui veulent auoir les sciences par art Diabolique, Trauaillez, ou comme noz peres, Tres-veillez: ainsi disoit Lucilius noctes vigilate serenas, and prier Dieu qu'il donne heureux succez à nostre labeur, qui est le poinct principal. Ie mettray encores la response que fist Ieanne Bonnet de Boissy qui fut condamnee d'estre bruslee le XIII. Ianuier M. D. LXXXIII. qui confessa que le Diable luy disoit iour and nuict, qu'elle creust en luy, and qu'il la feroit riche, and luy bailleroit des poudres pour ietter ça and là, and parloit à elle fort rudement and la poussoit fort quand elle ne se hastoit d'obeïr: and neantmoins elle mourut en extreme pauureté encores que le Diable ne luy parlast que de l'enrichir. Dequoy nous aduertist Salomon au commencement du liure de Sagesse, où il inuite vn chacun, and leur declare le plus beau secrect qui fust iamais: and le vray moyen d'acquerir Sagesse, c'est, dict-il, de la demander à Dieu de bon c ur, se fier en luy, and ne le tenter poinct.G1 Et si adiouste l'oraison qu'il fist à Dieu. Aussi Moyse Maymon tient pour vne demonstration tres-certaine, que iamais homme ne congnoistra la Sagesse diuine, qui tire apres soy la science and les vertus Morales, comme dict Salomon au chapitre huictiesme de la Sagesse, s'il ne s'humilie deuant Dieu sans feinte. Or nous auons monstré cy dessus, qu'il n'y a poinct d'hommes plus ignorans que les Sorciers, and qui meurent ordinairement furieux and enragez, and ne sont iamais plus -notes- G1Cap. 8.Sapien. Cap. 9. Page 354

insensez que alors que Sathan les possede. Qui m'a quelquesfois estonné, c'est que les personnages fort doctes se sont precipitez és fillets du Diable pour sçauoir d'auantage cõme Hermolaus Barbarus, and Georges de Plaisance, inuoquerent le Diable pour sçauoir ce que Aristote auoit entendu par le mot [Greek omitted] ainli que nous lisons en Crinitus: mais ils s'en retournerent plus ignorans. Si on dict que Sathan est sçauant pour auoir longuement vescu, ainsi que dict Sainct Augustin, comme de faict les Diables descouurent quasi ce qui se faict icy bas, and sçauent tresbien iusques au moindre peché remarquer, voire calomnier la vie des Saincts personnages: Quand i'accorderay qu'ils sçauent la vertu des plantes, des metaux, des pierres, des animaux, le mouuement and la force des Astres ce qui n'est pas: Car il est dict en Iob que la sagesse n'est poinct és oy seaux du Ciel, c'est à dire és Demons, comme quand il est dict en Salomon que s'il y a quelqu'vn qui pense mal du Roy, en son lict, les oy seaux du Ciel le raporteront: c'est à dire que s'il y a personne qui pense en son ame qui est au corps comme en vn lict, quel que chose contre Dieu, les Demons le reuelent à Dieu. Car le mot de Roy, signifie Dieu, and l'oy seau signifie le Demon: Mais le but du Diable est de nourrir les hommes en erreur and ignorance extreme, comme le seul comble de tous malheurs. C'est pourquoy ils donnent tousiours des bourdes and menteries à leurs seruiteurs, ou des parolles à double sens. C'est la façon des tyrans de nourrir les subiets en extreme ignorance and bestise, craignant sur tout qu'ils Page 355

ouurent les yeux pour se depestrer de tel maistre. Or s'il est ainsi, comme la verité est telle que le Diable ne peut, ou qu'il ne veut enrichir, ne donner les thresors cachez, ny la faueur des personnes, ny la iouïssance des plaisirs, ny la science, ains seulement la vengeance contre les meschans, and non toutesfois contre tous. Quel malheur peut estre plus grand que se rendre esclaue de Sathan pour si peu de recompence en ce mõde, and la damnation eternelle en l'autre? Mais deuant que conclure ce chapitre, ie mettray encores vne histoire memorable de fraische memoire. Il se trouua vn signalé Sorcier à Blois, l'an mil cinq cens septante sept, au mois de Ianuier, qui estoit de Sauoye, and se faisoit nommer le Compte, and neantmoins il n'auoit ne seruiteur ne chambriere. Il presenta requeste au Roy, qui fust renuoyé au priué Conseil, par la quelle il promettoit faire multiplier les fruicts à cent pour vn: (au lieu que la meilleure terre de France ne raporte que douze pour vn) en gressant les semences de certaines huyles qu'il enseigneroit, à la charge que le Roy luy donneroit la disme, and l'autre disme demeureroit au Roy pour estre (comme il disoit) incorporee au domaine inalienable. Il promettoit aussi enseigner l'Arithmetique en peu de temps. I'estois lors à Blois aux Estats: la requeste fut enterinee par le priué Conseil, and lettres patentes expediees aux Parlemens pour estre publiees and enregistrees. I'en ay apporté la copie à Laon, que i'ay communiqué à plusieurs. La Cour de Parlement de Paris n'en fist conte non plus que les autres Parlemens. Mais il failloit, ce me semble, Page 356

decerner prise de corps contre le Sorcier, and luy faire and parfaire son procez. Car il estoit vray Sorcier, comme il fut descouuert par l'vn des Commis de Phises Secretaire d'Estat, auquel il vouloit monstrer le moyen de cognoistre les cartes sans les voir. Mais il se tournoit à toutes questions contre la muraille à l'escart, marmotant auec le Diable, and puis disoit les poincts des cartes. Ce que toutesfois plusieurs Sorciers font par l'intelligence secrette de Sathan, sans parler à luy: comme plusieurs ont veu l'Ascot des plus lignalez Sorciers de son aage: qui disoit les poincts de quartes que chacun de ceux qui estoient presens pensoit. Mais vn iour Pierre Capony, s'estant retiré de Florence en Angleterre, trompa l'Ascot, ayant dit à ceux qui l'Ascot deuoit venir voir, qu'ils dissent qu'elle carte ils prendroient au parauant que l'Ascot fust venu: ce qu'ils firent. Peu apres, l'Ascot vint pour faire ses tours, and leur dist qu'ils pensassent chacun vne carte, ils dirent qu'ils l'auoient pensé: Alors il se trouua court, and ne peut rien deuiner, iettant les cartes. Pierre Capony m'a conté l'histoire. Et pour retourner à nostre homme qui promettoit abondance: il faict bien à remarquer que Sathan vouloit faire son proffit de la fertilité and abondance des biens de l'annee M. D. LXXV III. qui a esté des plus belles qui fut dix ans auparauant, à fin que le monde ostast la fiance qu'il a en Dieu, que c'est luy qui enuoye la fertilité, and la famine: qui me faict croire que les Diables peuuent aussi par mesmes moyens, preuoyant los tempestes and famines faire croire aux Sorciers qu'ils font Page 357

venir la tempeste and famine. C'est pourquoy Ouide disoit, Carmine læsa Ceres sterilem vanescit in herbam. Flicibus glandes, cantatáque vitibus vua Decidit, and nullo poma mouente fluunt. On me dira si ceux qui iouent à la prime and aux flux, sçauoient le secret des cartes, ils seroyent riches: Ie respons que tous ceux qui ont escrit and faict le procez aux Sorciers, tiennent pour maxime indubitable, que toutes les souplesses and tours de passe à passe, que le Diable leur apprend, ne sçauroient les enrichir d'vn Escu: and se trouue souuent par la confession des Sorciers, qu'au lieu que Sathan leur ayant remply la main d'or ou d'argent, qu'ils mettoient en leur bourse, ils y trouuoient du foin, and s'ils gaignent vn Escu d'vn costé, ils en perdront dix d'autre costé. Vray est que les Sorciers feront rire, and non pas tous, and donneront estonnement à ceux qui les voyent, comme fist vn iour le Sorcier Des-eschelles, qui dict à vn Curé deuant ses parroissiens: Voyez cest hypocrite qui faict semblant de porter vn breuiaire, and porte vn ieu de cartes. Le Curé voulant monstrer que c'estoit vn breuiaire, trouua que c'estoit vn ieu de cartes ce luy sembloit: and tous ceux qui estoient presens le pensoient aussi, tellement que le Curé ietta son breuiaire, and s'en alla tout confuz en soy mesme. Tost apres il suruint, quelques autres qui amasserent le breuiaire, qui n'auoit ny forme ny semblance de cartes: en quoy on apperceut que plusieurs actions de Sathan se font par illusions, and neantmoins qu'il Page 358

ne peut pas esblouïr les yeux d'vn chacun. Car ceux qui n'auoient poinct esté au commencement, quand le Sorcier esblouït les yeux des assistans, ne voyoient qu'vn breuiaire, and les autres voyoient des cartes figurees: comme il aduint aussi, que s'il y a quelque homme craignant Dieu, and se fiant en luy, le Sorcier ne pourra luy desguiser les poincts des cartes, ny faire ses illusions en sa presence: Brief pour monstrer qu'elle issuë les Sorciers doiuent esperer, il ne faut que voir l'issuë des plus grands Sorciers qui furent oncques: comme de Symon le Magicien, qui fut precipité par Sathan, l'ayant esleué en l'air: de Neron and Maxence, les deux plus grands Sorciers qui furent entre les Empereurs. Le premier se tua, se voyant condamné, l'autre se noya. La Royne lezabel Sorcicre signalee fut mangee des chiens: Methotis le plus grand Sorcier de son aage en Noruegue fust demembré par le peuple, comme escrit Olaus. Et vn Comte de Mascon emporté par Sathan deuant tout le peuple: and le Baron de Raiz bruslé comme plusieurs Sorciers, and en nombre infiny ont esté bruslez tous vifs. Ainsi donc pouuons nous recueillir que Sathan ne peut de soy-mesme faire rien qui vaille. Mais qu'il peut par la permission de Dieu nuire, offencer, tuer, meurtrir hommes and bestes. Brief qu'il n'a rien que la vengeance, and sur certaines personnes, comme i'ay noté cy dessus d'vn Practicien suiuy du Diable à la trace, and qui n'auoit poinct de repos: qui me confessa franchement que le Diable ne luy auoit iamais rien appris, ny faict gaigner vn Escu, ains seulement à se Book 3 - Chapter 4 Page 359

venger. Mais disons si les Sorciers peuuent nuire à toutes personnes indifferemment, and aux vns plus que aux autres: par ce qu'il me semble, que ce poinct n'est pas assez bien esclarcy. Si les Sorciers peuuent nuyre aux vns plus que aux autres. CHAP. IIII. Les Theologiens font plusieurs questions, and trois entre autres sur le faict des Sorciers. La premiere, pourquoy les Sorciers ne peuuent enricihir de leur mestier. La seconde, pourquoy les Princes, qui en ont à leur suitte, ne s'en peuuent seruir pour tuer and deffaire leurs ennemis. La troisiesme, pourquoy ils ne peuuent nuire à ceux qui les persecutent. Quant à la premiere, nous l'auons touchee au precedent chapitre. Quant à la seconde, les Theologiens disent que les Anges, que Dieu à choisis pour la conseruation des Roys and Royaumes, empeschent l'effort des malefices, and que les victoires sont en la main de Dieu, qui s'appelle le grand Dieu Sabaoth: c'est à dire, Dieu des armees, non seulement pour la puissance qu'il à sur les astres and Anges celestes, qui s'appellent armees en l'Escriture: ains aussi sur les armees des Princes. Et tant s'en faut que les Princes qui se seruent de Sorciers puissent vaincre leurs ennemis, que les anciens ont remarqué pour maxime indubitable, que s'il y a deux Princes en guerre, celuy qui s'aydera des Sorciers, sera vaincu. Et le Prince qui s'enquiert au Diable Page 360

de son estat and de ses successeurs, perira miserablement auec tous les siens. Car Dieu les void and en prendra la vengeance. Et ne faut pas dire comme le traducteur du premier Psalme. Et pour autant qu'il n'ane soing ne cure des mal viuans. Mais il faut, ce me semble, traduire ainsi, Et pour autant que les malings n'ont cure Du Dieu viuant, les chemins qu'ils tiendront Eux and leurs faicts en ruine viendront. Laquelle traduction est conforme au Psalme trente-quatriesme, où il est dict, Dieu tient son il fiché Sur les meschans, and sur leurs faicts: A fin que du monde à iamais Leur nom soit arraché. I'en pourrois mettre mille exemples: mais ie me contenteray de deux ou trois. Pompee le Grand auoit tout l'Empire des Romains, and tous les plus grands Princes and Roys à sa deuotion, and trente Legions pour cinq ou six qu'en auoit Cæsar, quand il luy donna la bataille, lors qu'il estoit reduict à telle extremité, que son armee mouroit de faim, ayant la mer and toutes les villes closes contre luy: Neantmoins Pompee se voulut encores ayder des Sorciers: and de faict on luy addressa Erichtho Thessalienne, la plus grande Sorciere de son aage, comme on peut voir en Lucan. Chacun sçait l'issu:e miserable, qui luy aduint tost apres, ayant toute sa vie esté victorieux en Europe, en Asie, en Afrique, and plus encores sur toute la mer Mediterranee. Ariouiste General de l'armee Page 361

Tudesque, qui n'estoit pas moindre de quatre cent mille hommes, prenant conseil des Sorciers d'Allemaigne, (car de tout temps ce pays là en a esté remply) fut ruiné de tout poinct par Cæsar, qui se mocquoit des Sorciers. Ie laisse Neron, Domitian, and infinis autres, qui tous ont eu miserable fin pour mesmes causes. Mais ie ne puis laisser vn grand Prince de nostre siecle, lequel ayant voulu voir les armees de ses ennemis par moyens illicites, and sçauoir d'vn deuin l'issuë de la bataille, Sathan luy donna vn Oracle à double sens, sur lequel s'estant arresté fut miserablement deffaict. Ie tiens aussi de bon lieu quand son petit fils estoit malade à l'extremité, on demanda lors à vn Sorcier ce qu'il en aduiendroit. Il dist qu'il leur failloit enuoyer querir de plus grands maistres que luy en Allemaigne, pour sçauoir ce qui en aduiendroit: car entre les Diables, and entre les Sorciers, il y en a qui sont plus habiles les vns que les autres. Bien tost apres les Sorciers vindrent, and quel que bonne esperance de guarison qu'ils donnassent, si mourut il. Et ceux qui s'en sont seruis, n'ont laissé de ruiner miserablement. Or si les Sorciers and leur maistre auoient puissance de nuire à toutes personnes, les Roys en se ioüant auec des images de cire, ou des sajettes tirees en l'air, ou d'vne parolle, ou du vent de leur espee tueroient leurs ennemis. Mais tous demeurent d'accord par l'experience de toute l'antiquité, que le Prince, quand il auroit tous les Sorciers du monde, ne sçauroit faire mourir par Sortileges les Princes estrangers, ny ses ennemis, soyent bons ou meschans. Page 362

Il y a bien plus, les Sorciers ne peuuent aucunement nuire à ceux qui les persecutent.1 Et quant à ce point, Spranger and Nider qui en ont faict brusler vne infinité, demeurent d'accord que les Sorcieres ne peuuent nuire aucunement aux officiers de Iustice, fussent ils les plus meschans du monde. Et sur ce interrogees, elles deposoient, qu'elles auoient faict tout ce qu'elles pouuoient, pour faire mourir les Iuges: mais qu'il leur estoit impossible. Et de faict i'ay les interrogatoires de leanne Heruillier, ayant assisté au iugement rendu contre elle: Au sixiesine article elle confessa que depuis qu'elle estoit és mains de Iustice, le Diable n'auoit plus de puissance sur elle, ny pour la tirer de prison, ny pour luy sauuer la vie. Toutesfois Spranger and Danneau escriuent que le Diable ne laisse pas de parler and communiquer auec les Sorcieres, and leur donner conseil de ne rien dire: and qui plus est il leur oste les fers des pieds and des mains, ce que i'auois leu en Philostrate d'Apollonius Thianeus, qu'on estimoit le plus grand Sorcier de son aage, qu'il osta ses fers estant à Rome en prison au veu des prisonniers: Et pour ceste cause Domitian l'Empereur le fit razer comme il se faict encores en Allemaigne, and le fist depouiller tout nud quand il commanda qu'on l'amenast en Iugement: mais ie ne pouuois entendre que le Diable peust deferrer vn Sorcier, and ne peust le tirer de prison, si maistre Iean Martin, Lieutenant de la Preuoste de Laon ne m'eust asseuré, que faisant lo procez à la Sorciere de Saincte Preuue, qu'il fist brusler toute viue, il luy demanda pourquoy elle n'eschappoit: elle -notes- 1August.li. 10. de Crut. Dei. T'nom.is in seeunda secunde. q. 95. art. 5. and in tis. de muracu. Page 363

fist response qu'elle osteroit bien les fers, mais qu'elle ne pouuoit sortir des mains de iustice. Et de faict destournant la veuë de l'autre costé, elle osta les fers de ses bras: ce qui estoit impossible par puissance humaine. I'ay veu vn autre proces contre Ianne machant de Thierarche qui confessa qu'elle estoit souuent deliee en prison, and n'y auoit personne qui la deliast, dequoy les iuges and Geoliers s'estõnoient. Elle auoit esté quinze ans Sorciere lors qu'elle fut prise and menee aux Sabats and danses auec quatre autres Sorcieres y denommees. C'est pourquoy Danaeu en son petit Dialogue escrit, qu'il ne faut pas laisser la Sorciere seule en prison, à fin qu'elle ne communique auec le Diable, ou que Sathan ne luy donne le charme de silence, c'est de ne rien confesser: duquel charme plusieurs Sorciers accusés d'homicide, and autres crimes, se sont seruis. I'en ay leu vn execrable imprimé par priuilege, and que ie ne mettray point icy, à fin que personne ne puisse prendre la moindre occasion de faire son mal profit du suiet que ie traicte. Encores est il plus estrange, que les Sorciers ne sçauroient ietter vne seule larme des yeux, quelques douleur qu'on leur face: and tous les Iuges d'Allemaigne tiennent ceste marque pour vne presomption tres-violente que la femme est Sorciere. Car on sçait combien les femmes ont les pleurs à commandement: and neantmoins on a apperceu que les Sorcieres, ne pleurent iamais, quoy qu'elles s'efforcent de se mouiller les yeux de crachats. Encores y a-il chose estrange que Spranger inquisiteur a remarqué, c'est à sçauoir que la Sorciere, Page 364

bien qu'elle soit prisonniere, peut encliner le Iuge à pitié si elle peut ietter les yeux sur luy la premiere. Et de faict le mesme autheur escrit que les Sorcieres qu'il tenoit prisonnieres, ne prioient les Geolliers d'autre chose si non qu'elles peussent voir les Iuges auparauãt qu'ils parlassent à elles. Et par ce moyen tout ceux d'e (02) tre les iuges, qui auoient esté veus, auoyent horreur de les condamner, encores qu'ils en eussent condamné plusieurs qui n'estoyent sans comparaison à beaucoup pres si coulpables. Mais bien tous demeurent d'accord que les Sorciers ne peuuent nuyre aux officiers de iustice: toutesfois plusieurs Sergens prennent les Sorcieres par derriere, and les efleuent de terre: mais les autres sans crainte les vont chercher iusques dedans leurs tanieres. C'est doncques vn merueilleux secret de Dieu, and que les iuges deuroient bien poiser, que Dieu les maintient sous sa protection, non seulement contre la puissance humaine, ains aussi contre la puissance des malings esprits. C'est pourquoy nous lisons en la loy de Dieu: Quand vous iugerez, ne craignez personne: car le Iugement est de Dieu: Et Ioram Roy de Iuda recommandant aux Iuges le deuoir de leur charge, Regardez bien, dit-il, à ce que vous iugerez, and vous suruien ne que vous exercez le iugement de Dieu. Encores en tout l'Orient les parties prennent le bout de la robe de ceux qu'ils veulent appeller deuant les Iuges sans ministere de Sergent, and disent, Allons à la Iustice de Dieu. Les anciens Hebrieux tiennent que les Anges de Dieu sont presens: and mesmes François Aluarez escrit qu'en Æthiopie Page 365

les Iuges se mettent au sieges bas, and laissent douze chaires hautes vuides, and disent que ce sont les sieges des Anges. On me dira, peut estre, que les Sorcieres prisonnieres peuuent estre rauies en ecstase, and se rendre insensibles, comme nous auons dict cy deslus: Ie respons qu'il n'est possible, veu qu'elles ne peuuent euiter le supplice. Ie mettray encores c'est exemple aduenu à Cazeres pres de Thoulouse, où il y eut vne Sorciere, laquelle ayant presenté le pain benit à l'offrande, s'en va ietter dedans l'eau, elle fust tiree: and confessa qu'elle auoit empoisonné le pain benist: qui fut ietté aux chiens, and moururent soudain. Estant en prison elle tomba pasmee plus de six heures sans aucun sentiment, puis se releua s'escriant qu'elle estoit fort lasse, and dist des nouuelles de plusieurs lieux auec bonnes enseignes: mais estant cõdamnee, and sur le poinct d'estre executee, elle appella le Diable, disant qu'il luy auoit promis qu'il feroit tãt pleuuoir qu'elle ne sentiroit point le feu: elle ne laissa pas de brusser toute viue. Et par ainsi les Iuges ne doiuent craindre de proceder hardiment contre les Sorciers: comme il y en a qui fuyent and tremblent de peur, and n'osent mesmes regatder. Cõbien que les Sorciers ne tuent pas la dixiesme partie de ceux qu'ils voudroient: and de feict Nider escrit, qu'vn Sorcier luy confessa par ses interrogatoires, qu'il auoit esté prié de tuer son ennemy, and qu'il employa toute la puissance de Sathan, qui luy dit, qu'il estoit impossible de nuire à cestuy-là. Et quãd nous voyõs de petis enfans tuez par les Sorcieres ou autres innoce (02) s, il faut cõsiderer vn Page 366

passage de sainct Augustin au dixhuictiesme liure chapitre dixhuictiesme de la Cité, Iudicia Dei plurima sunt, inquit occulta: iniusta verò nulla. Il est dict au liure de Sapience que Dieu extermina les peuples sans discretiõ d'aage ny de sexe, des Amorrheans and Amalecites: car dit-il, leur semence estoit maudite, ce que ie n'allegue pas pour raison, and me contente de sçauoir que Dieu est tres-iuste. Ainsi voit on que les Sorciers n'ont pas la puissance d'offenser les meschans, si Dieu ne le permet. Comment donques pourroient-ils offenser celuy: Qui en la garde du haut Dieu Pour iamais se retire? Conclus donc en l'entendement, Dieu est ma garde seure, Ma haute tour and fondement, Sur lequel ie m'asseure, and c. Si que de nuict ne craindras point Chose qui espouuante: Ny dard, ny sagette qui poinct, De iour en l'air volante. N'aucune peste cheminant, Lors qu'en tenebres sommes: Ny mal soudain exterminant, En plein midy les hommes, Quand à la dextre il en cherroit Mille, and mille à senestre. Leur mal de toy n'approcheroit, Quel mal que puisse estre. Et tout pour auoir dit à Dieu, Page 367

Tu es la garde mienne: Et d'auoir mis en si haut lieu La confiance tienne. Malheur ne te viendra chercher, Tiens-le pour chose vraye, Et de ta maison approcher Ne pourra nulle playe. Car il a faict commandement, A ses Anges tres-dignes. De te garder soigneusement Quelque part que chemines. Par ces mots, Dard and sagette en l'air volante, and c. N'aucune peste cheminant: Salomon Theologie (02) Hebrieu interpretant le mot [Hebrew omitted] and le mot [Hebrew omitted] escrit que le mot Deber signifie le Demon, qui a puissance d'offenser la nuict: and Cheteb, qui offense en plein midy. Et de cestui cy les Grecs mesmes ont eu grãd frayeur, comme on peut voir és Commentaires de celuy qui interprete Aristophane in ranis, sur le mot [Greek omitted] qu'il dict estre le Demon de midy [Greek omitted]: mais il s'abuse, car les LXXII. Interpretes tournant ce passage de Iesaye qui dit que le luiton criera apres son compagnon, ont tourné [Greek omitted] le mot [Hebrew omitted] qui signifie le Demon nocturne du mot [Hebrew omitted] qui est la nuict que Nicephore appelle Legilo. Theocrite faict aussi mention Idyl. primo, du Demon de midy. Et me souuient auoir veu au procés de Ieanne Bonnet de Boissi, qui confessa que le Diable luy apparut la premiere fois au poinct de midy: and semble que les cloches qu'on sonne au poinct de midy, est peut-estre, pris de ceste ancienne Page 368

opinion, and que c'est pour induire les hommes à deuotion, and affoiblir la puissance du Diable. Toutesfois Sathan est iour and nuict aux escoutes: and nuist aussi bien le iour que la nuict: Iaçoit que tout les anciens demeurent d'accord, qu'il a plus de puissance la nuict, and en dormant qu'en veillant: Comme il tua au poinct de nuict rous les aisnez des hommes and des bestes en tout le Royaume d'Egypte, cõme aussi la nuict il tua clXXXV. mil hommes de l'armee de Senacherib. Ce qui est aussi entendu par le Prouerbe de Zoroaste, où il dit, Ne sors pas quand le bourreau passe: non pas que Dieu n'afflige aussi ses esleuz: ce qu'il fait quasi assez souuent: mais tout cela leur tourne à grand fruict, profit, and honneur, comme nous auons dict en Iob, auquel Dieu restitua la santé asseuree, and cent trente ans de vie bien heureuse, and deux fois autant de bien qu'il en auoit perdu. Aussi Iob disoit: Encores que Dieu me tuast, si est-ce que i'auray tousiours esperãce en luy. Et Salomõ au liure de la Sagesse parlãt des meschans qui tuent les iustes pour voir si Dieu les gardera, il dit que les iustes deliurez de ce monde pour peu de douleur, ioüissent du fruict de la vie eternelle. Ce que i'ay bien voulu remarquer, parce que Moyse Maimon tient qu'il n'aduient point d'affliction sans peché, ny de peine sans coulpe: qui est l'opinion de Baldad, and d'Eliphas au liure de Iob, reprouuee par le iugeme (02) t de Dieu, lequel affligea Iob encores qu'il luy dõnast louãge d'estre droict and entier. G1 Et la mesme opinion est reprouuee au liure de Iob, qui merite d'estre bien entendue. Vray est que le afflictions des iustes sont bien rares, -notes- G1Li. 3.nemo reloaueboquin. Page 369

car qui est semblable à Iob? qui est celuy qu'õ peut appeller Iuste? C'est pourquoy telles afflictions s'appellent verges d'amour: car combien que S. Ambroise tient que Dieu ne laisse pas en ce monde les forfaicts du tout impunis, à fin qu'on ne pense qu'il n'y a point de Dieu, ou qu'il fauorise les meschans: and ne les punist pas tous aussi, à fin qu'on n'estime qu'il n'y a point d'au tre vie apres celle-cy: toutesfois les1 Hebrieux ne se contentent pas de ceste raison. mais ils tiennent comme vne doctrine tres-certaine and indubitable, que les afflictions qui aduiennent aux gens de bien, serue (02) t à faire preuue de leur fermeté, and à redoubler leurs felicitez and benedictions: ou bien elles seruent de purgations en ce monde, pour les pechez qui sont cõmis par les plus saincts personnages: à fin qu'ils' puissent iouyr d'vne entiere felicité apres ceste vie: Et les plaisirs and richesses que Dieu donne quelquesfois aux meschans, est pour loyer du bien qu'ils font en ce monde: caril n'y-a si meschant homme duquel Dieu ne tire sa gloire, and qui ne face quelque bie (02) , à fin qu'ils soie (02) t tourmentez apres ceste vie des peines qu'ils meritent, and que par ce moyen les offenses soient punies, and que les vertus reçoiuent leur plein and entier loyer: qui est ce beau secret de la saincte Escriture: c'est à sçauoir que Dieu faict Iustice, Iugement, and Misericorde: Iustice quand il donne le vray loyer aux bonnes uures: Iugement quand il discerne la peine selon le vray merite du forfaict: and Mísericorde quãd il donne le loyer plus grand que la vertu, and la peine moindre que le forfaict. On peut donc tenir pour Maxime indubitable -notes- 1In libris pirqueabots [Hebrew omitted] Book 3 - Chapter 5 Page 370

que l'affliction des bons leur tourne à grand bien, and que le loyer du meschantluy tourne à sa ruine. Ce que les Stoïciens disoie (02) t en vn mot, Qu'il ne peut rien aduenir de bien aux meschans, ny de mal aux gens de bien. Et quelquesfois le plus meschant n'est esleué en honneur que pour seruir à la gloire de Dieu au iour de la vengeance, comme dit Salomon, and tenir pour tout resolu, que non seulement les Diables ains aussi toute la nature est armee and disposee à tous moments, de vãger les forfaicts si tost qu'ils en ont commandement, and de se garder d'offenser les bons, s'ils n'ont charge de Dieu. Et ne faut pas estimer ny que Dieu haisse les Diables (car d'vn clin d' il il aneantiroit toute la puissance infernale) ny que les Diables haissent Dieu, ains ils le craignent, and luy obeissent, and ne font rien que ce qu'il commande, comme il est tresbien dict au Psalme 148. and demonstré clairement en Iob, and au 4. liure des Rois par le propos que Michee tient deuãt le Roy Achab. Apres au oir parlé des moye (02) s pour preuenir and empescher les malefices des Sorciers liciteme (02) t, disons maintenãt des moye (02) s illicites, desquels ont vsé pour preuenir le malesice, oude le chasser, s'il est dõné à quelcu (05) . Des moyens illicites, de squels ont vsé pour preuenir les malesices, and chasser les maladies and charmes. CHAP. V. Ceste question est des plus difficiles qu'on peut former en ce Traicté, and qui n'est pas resoluë entre les Theologiens, Canonistes, and Iurisconsultes. Car ceux-cy tiennent qu'on peut chasser les malefices par moyens superstitieux, Page 371

and de cest aduis sont aussi les Canonistes, and mesmem ent Hostiense, Panorme, and Goffred Hunbertin, and autres: and quelques Theologiens, comme l'Escot Theologien subtil liure 4. distinct. 34. où il est dict, que c'est superstition de penser qu'il ne faut pas chasser le malesice par superstition.G1 Mais les autres Theologiens, and la plus grande and saine partie tie (02) t, que c'est idolatrie and apostasie d'vser de l'ay de des Diables, and Sorciers, pour empescher ou chasser les malefices. Comme il est determiné au second liure des Sentences distinct. 7. Et de cest aduis est Thomas d'Aquin en la mesme distinction, and Bonauenture, and Pierre Albert, and Durand, soit qu'on oste malefice par malesice, par le moyen d'vn Sorcier: soit que celuy qui oste le malefice le donnant à vn autre par moyens superstitieux, ne fust point Sorcier, soit qu'on inuoque le Diable expressément, ou tacitement: and sont d'aduis qu'il vault mieux souffrir la mort. Or ceste opinion est tres-saincte, and l'autre damnable and defendue en la Loy de Dieu, comme nous dirons cy apres. Et sainct Basile sur le Psalme 45. deteste grandement ceux qui ont recours à Sathan, and aux Sorciers, and qui vsent de tels prestiges pour guarir. Et sainct Chrysostome, sur l'Homelie 8. en l'Epistre des Collossences, dict ainsi, Citius mors homini Christiano subeunda, quàm vita ligaturis redimenda. Mais les Theologiens le tranchent trop court à mon aduis. Car ils ne parlent que des plus hauts poincts de sorcellerie: Et neantmoins il est certain que tous les moyens de preuenir les maux, pestes, guerres, famines, maladies, calamitez, soit en -notes- G1L. eorum, de malesi C. Raymõ dus de Villa Noua scripsis remedia contra malesficia. Page 372

general, ou en particulier, où il y-a de la superstition sont illicites. Ie dy superstition, car les moyens naturels and Diuins, que Dieu nous a donnez pour preuenir and chasser les maux, sont and seront tousiours louables, and permis. Mais d'autant que nous lisons en Iob qu'il n'y-a puissance en terre que Sathan craingne, c'est vne superstition de pendre de la scille sur vne porte pour empescher les charmes and sorcelleries. Mais bien peut-on vser des creatures auec les prieres diuines, faictes à celuy qui est tout puissant en ce mõde. Cõme on void9 que l'Ange vse de foye d'vn poisson, and de parfums, and auec prieres chasse le malin esprit, qui auoit tué sept maris de la femme qu'espousa Thobie. G1 Et combien que les Diables ont le sel en horreur, comme le Symbole d'Eternité, and que Dieu commande qu'en tous sacrifices on y mette du sel, pour destourner, pe (11) ut- estre, son peuple de sacrifier aux Diables: si est-ce que ceux qui portent du sel, ne seront pas garãtis des embusches de Sathan, si la fiance de Díeu n'y est.G2 Autrement de porter le sel, ou le noyau de date poly, comme Pline dict au liure XIII. chap. IIII. pour empescher ou chasser les malins esprits sans prieres, c'est idolatrie. Les Latins appellent amuleta, les preseruatifs pour preuenir le mal, and remedía, ce que les medecines font pour chasser le mal. Et pour monstrer que Sathan est minisire, autheur, and inuenteur des amuletes and preseruatifs, ou contrecharmes, desquels on vse, and des remedes pour chasser le Sort, and malesice, les anoiens and mesmes les Romains, auoient accoustumé de pendre au col des -notes- 9Tobie ca.5. G1Leuit.ca.1. G2Plin. sapè ab amoliendis. Page 373

en fans la figure d'vn membre, que par honneur on doit cacher, qu'ils appelloient fascinum, pour contrecharme, à fin d'empescher les sortileges, and mesmeme (02) t s'il estoit d'ambre. Ce que Pline a signifié au chapitre III. liure XXXVII. qui estoit vn villain moyen and Diabolique pour inciter les personnes à lubricité. Et quãt les Espagnols se firent maistres des Isles Occidentales, ils trouuerent aussi qu'on portoit pendu au col vne image de Pederastie, d'vn Pedicon, and d'vn Cynede, pour contre-charme, qui estoit encores plus villain, Aussices peuples là estoient fondus en Sodomies and ordures detestables, and en toutes sortes de Sorceleries, and qui ont esté presquetous exterminez par les Es pagnols qui en ont fait mourir plus de quinze milliõs, six ce (02) s mil personnes, comme il a esté aueré par les informations que les Euesques Espagnols ont raportees au cõseil des Indes and en demandoient iustice. L histoire dit qu'ils aymoyent mieux perdre la liberté que la Pederastie. Chacun sera d'accord que c'est vne inuention diabolique. Il y en a d'autres qui ne sont pas si ordes, mais elles ne sont pas moins illicites, de porter des ligatures escrites, and billets pour preseruatif, de quoy sainct Chry sostome Homel. 13. in 1. ad Timotheum, and sainct Augustin parlant au liure de Doctrina Christiana, dictainsi: Ad hoc genus pertinent ligaturæ execrabilium remediorum, siue votis, siue quibúsuis aliis rebus suspendendis and ligandis: en tant qu'on y adiouste fiance, c'est idolatrie, and chose illicite. Et quoy que Thomas d'Aquinsoit en quel[quae] (16) chose superstitieux, si a il blasmé and Page 374

defendu de porter aucuns characteres sur soy, pous preseruatif, horsmis le signe de la ctiox, in 2. 2.q.9.6. artic. 5. Et toutesfois il est bie (02) certain qu'il n'y a que Dieu quinous preserue. Bar be Doré qui fut bruslee par Ar. rest de la Cour, confirniatif de la fentence du Preuost S. Christofle lez Senlis, le XIX. Ianuier, M.D.LXXVII. confessa auoir guary quelquesvns qu'elle auoit ensorcelee, apres auoir fendu vn pigeon and mis sur l'estomac du patient, en disantces mots qui sont portez parson procés, aunom du Pere, du Fils, and du S. Esprit, de monsieur S. Anthoine, and de monsieur S. Michel l'Ange, tu puisse guarir du mal, enioignãt de faire vne neufuaine par chacuniour à l'Eglise du village. Le plus Catholique du monde trouuera ceste recepte fort belle and bonne: mais ie tiens quand elle seroit bonne en soy, que c'est vn blaspheme contrela majesté de Dieu, de la prendre de Sathã, ou du Sorcier qui la tie (02) t de Sathan: ioint aussi que toutes ces oraisons qui viennent de Sathan, doiuent estre en horteur à chacun: car elle confessa que Sathan luy auoit apptis ceremede, comme il se trouue par son procés, que le sieur de Pipemont Ge (02) til-hommed honneut, m'a enuoyé. En cas pareil de prendre and faire, dequ'il ne faut dire, par l'anneau de son espousce pour se deslier, c'est chose illicite. Car encela on met son ayde and secours en se destournant du Createur, and ny a doute [quae] (16) le Diable ny preste la main. Ily en a qui de rechef se remarient estans liez auec les mesmes solennitez qu'ils ont espousé, and se trouuent desliez: and s'en trouue en core (11) s qui dise (11) ns la Messe à rebours pour deslier and pensent tresbien faire. Il y en a en Page 375

Allemagne d'autres qui mettent en vn pot bouillir du laict de la vache, que la Sorciere aura tarie: and en disant certaines paroles, que ie tairay, and frappant contre le pot des coups de baston, au mesmes instant ils disent, que le diable frappera la Sorciere par le dos autant de coups, c'est chose illicite. Car c'est suyure l'inte (02) tion and volonté de Sathan, qui par ce moyen attire celle qui n'est pas Sorciere pour en estre aussi, voyant chose si estrange. Nous ferons mesme iugement des Antidotes d'Apulee pour perdre la figure d'vn Asne, qu'il faut manger des roses fraisches, ou bien de l'anis, and des fueilles de laurier auecques eau de fontaine. Spranger est luy mesme en cest erreur, que l'homme tourné en beste perd la figure bestiale estant baigné en eau viue. comme fist celuy d'Alemaigne duquel nous auons faict mention, il est bien certain que la purité de l'eau est contraire à Sathan, qui ne deman de que souilleure, and pollution, and que la preuue des Sorcieres d'Allemagne se faict en l'eau, en laquelle les Sorcieres ne peuue (02) t noyer, si on ne les submerge. Encores est il a remarquer que Marguerite Paiot qui fut bruslee en la ville de Tonnerre, en touchant les personnes d'vne verge, soudain ils mouroient, ou deuenoient perclus, ou cnflez, and celles qu'elle vouloit, guerissoie (02) t en les frappãt de la mesine verge. Vniour voulãt toucher vn vacher elle toucha son corner, duquel il fut impossible de corner quoy qu'on fouflast a toute puissance insques à ce que le cornet tomba en l'eau casuellement alorele charme cessa and sonna comme auparauant. Le proces fut faict à la Sorciere par le lieutenant general de. Tõnerre Page 376

l'an 1576. la rage cesle par l'eau, and plusieurs maladies: and sert beaucoup aux Ladres, and si quel qu'vn est Sorcier il ne se lauera iamais sinon à regret. Et semble que pour ceste cause, la Loy de Dieu si souuent commande de se lauer and ses vestemens, afin que telle purité exterieure incite l'homme à la purité interieure. Le Prophete Elisee guerit le Ladre Naaman Syrien l'ayant faict baigner sept fois en l'eau viue du Iourdan. Mais ce fut la grace de Dieu, and non pas l'eau du tout. Et par semblable remede, quand on veut sçauoir qui est la Sorciere qui a rendu vn cheual impotent and maleficié en Allemaigne, on va querir des boyaux d'vn autre cheual mort, en le trainant iusques à quelque logis, sans entrer par la porte commune, ains par la caue, ou par dessous terre, and là font brusler les boyaux du cheual. Alors la Sorciere qui a ietré le Sort, sent enses boyaux vne douleur collique, and sen va droict en la maison où l'on brusle les boyaux pour prendre vn charbon ardant, and soudain sa douleur cesse. Et si on ne luy ouure la porte, la maison s'obscurcit de tenebres auec vn tonnerre effroyable, and menace ruine, si ceux qui sont dedans ne veulent ouurir: comme Spranger escript auoir veu souuent practiquer en Allemaigne. I'ay aussi apprins de M. Anthoine de Louain Lieutenant de Ripemont, qu'il y eut vn Sorcier, qui descouurit vn autre Sorcier auec vn tamis, apres auoir dict quelques paroles, and qu'õ nommoir tous ceux qu'on soupçonnoitr Quand on venoit à nommer celuy qui estoit coulpable du crime: alors le tamis se mouuoit sans cesse, and le Sorcier Page 377

coulpable du faict venoit en la maison, comme il fut aueré: and depuis il fut condamné. Mais on deuoit aussi faire le procés à celuy qui vsoit du tamis. Tout cela se faict par art diabolique, à fin que ceux qui voyent ceste merueille, passent plus outre pour sçauoir toute la Sorcellerie. Car Sathã est ia asseuré de la Sorciere qu'elle est sienne, and en veut tousiours gaigner d'autres. Il me souuie (02) t que Maistre Bourdin Procureur General du Roy, me disoit vniour que tout son bestail qu'il auoit en vne mestairie pres de Meaux, se mouroit, iusques à ce qu'on dist à sa famme qu'il failloit tuer vne certaine beste, que ie ne mettray point: and la pendre pieds contre-mont sous l'esueil de l'estable and dire quelques paroles, qu'il n'est besoin de mettre: ce qui fut faict: and depuis il ne mourut aucu (05) bestail. En quoy Sathan gaignoit ce point là qu'on luy faisoit sacrifice pour l'appaiser, qui est vne vraye idolatrie. Sprãger recite aussi que pour empescher les Sorciersde sortir quand elles sont entrees en l'Eglise, ils ont de coustume en Allemaigne de gresser les souliers d'oinct de porc à quelques ieunes enfans: cela fait, siles enfans ne bougent de l'Eglise, celles qui seront Sorcieres ne pourront sortir sans leur congé: and si dict, qu'il se peut faire aussi par quelques paroles, queie ne mettray poinct. Icy dira quelqu'vn, n'est-ce pas chose trefbonne de descouurir les Sorcieres pour les punir? Ie le cõfesse: and les larrons and meurtriers aussi: mais il ne faut iamais faire mal, à fin qu'il en puisse reussir bien, comme dict sainct Paul: and moins en matiere de Sorcellerie qu'entoute autre chose. Or Sathan en cela gaigne Page 378

doublement: car il destourne les Sorcieres d'aller au lieu où elles puissent ouir la parole de Dieu, and attire (02) t la ieunesse tendre partelles impostures pour s'enquerir au diable de la verité des choses secrettes. Nous lisons en Pline 2 beaucoup de contre-charmes and amulettes ridicules, and semblables à ceux-cy comme d'oindre de gresse de loup, le sursueil, and posteaux des huis, quand les nouueaux mariez vont coucher ensemble pour empescher les charmes and ligatures. Et au liure trente septiesme chapitre dixneufiesme il dict que le Saphir blanc, où le nom du Soleil and de la Lune soit graué, and pendu au colauec du poil de Cynocephale, sert aussi contretous charmes, and donne faueur enuers les Roys: mais il fault trouuer des Cynocephales, qui ne furent oncques. Et au mesme liure, chapit. suyuant: il dict que la pierre Anthipathes bouillie au laict est propre cõtre les charmes: mais il faut qu'elle soit noire, and luisante, qui est vne autre imposture encoresplus inepte. Et en cas pareil que l'herbe Anthirrinon sert contre toutes poisons and Sorcelleries, and de contrecharmes, and qu'elle dõne grace and faueur: Et que l'herbe Euplea donne reputation: and que l'Armoise sert cõtretous charmes: qui sont toutes impostures auerees. Et me suis esmerueillé comment les Empereurs Chrestiens ont publié par loix and par edits qu'il est licité par telles superstitions chasser les tempestes, and maladies, veu que les Romains, lors qu'ils estoie (02) t encores Paye (02) s, punissoient capitalement ceux qui auoient par Sorcelleries descouuert seulement vn larron, and ne vouloie (02) t pas qu'on y adioustast soy. C'est la loy2Item apud Labeonem -notes- 2Li.28. c.19. 2l.Item.§. apud de iniu.ff. Page 379

§.si quis Astrologus de iniuriis ff. Ie passeray plus, outre, qu'il n'est pas licité de rechercher sous l'essueil des portes pour oster les images de cire, and autres graines and ossemens, que les Sorciers y mettent pour faire mourir, comme ils pensent, les hommes and le bestail. Car c'est ce que demande Sathan, qu'on adiouste foy qu'il dõne telle puissance à la cire, and aux poudres: ains qu'il faut auoir recours à Dieu: and tenir pour rout resolu ce qui est dict au Cantique qu'il donne à Moyse, Que c'est luy seul qui enuoye la mort and les maladies: and n'y amalny affliction qui ne vienne de luy. Et par ce que cest abus est ordinaire and tres-agreable à Sathan, la Sorbonne a sagement condamné d'heresie ceux qui pensent que le malesice vient de telles poudres. Et de faict fainct Hierosme parlant de la vie de sainct Hilarion, dict que Sathan tenoit vne ieune fille demoniaque, en laquelle il parloit, disant qu'il ne sortiroit poinct, qu'on n'ostast vne lame de cuyure que l'amy de la fille auoit mis sous la porte. Hilarion nen voulut rien faire, and par prieres à Dieu deliura la fille. Il y en ad'autres qui flamboyent les petits enfans, and les font passer par le feu, pour les preseruer de mal, qui est vne abomination des Amorrheans remarquee en l'Escriture saincte: and semblable à celle que les Sorcieres font faire à quelques sottes, qui portent leurs enfans entre deux croix, pour estre henreux: ce que i'ay veu pratiquer aux processrons. Qui est vn abus, and quand le diable faict semblant de s'en fuyr and la craindre, c'est pour tenir les simples gens en horreur. Et qu'ainsi soit il appert que tous les characteres and inuocations Page 380

sont pleines de croix a chacun mot. Et par cy deuant nous auons monstré, que les assemblees se font ordinairement a certaine croix, que le dinble dõne pour marque aux Sorciers de s'y trouuer. Et au procez de Marguerite Paiot qui fut brussee vifue a Tonnerre, il fut verifié qu'en mertant vne croix sur les robes d'vn sien ennemy, foudain il fut perclus. Ce n'est donc pas la croix qui peur bien faire, mais Dieu seul. Les anciens, dict aussi Theophraste, voyãt vn furieux ou Fanatique crachoient en leur fein, [Greek omitted]. Laquelle superstition estoit aussi commune en Italie, commenous lisons en Tibulle, Despuit in molles and . sibi quisque sinus. Ils setron uoient assenrez apres télle superstition, en laquelle Sathan les nourrissoit: comme il faict des autres superstitiõs semblables. Il faut dõques auoir recours à Dieu seul. C'est pourquoy la faculté de Sorbonne a resolu and arresté que c'est vne pure heresie de chasser les malefices par malefices: la determinatiõ est du 19. de Septembre 1358. où il n'est pas dict que Sathan and ses sugets ne puissent chasser vn malefice par malefico: mais de chercher tels moyens c'est impieté. Car si Sathan guerit la playe du corps, il laisse tousiours vne vlcere à l'ame. I'en mettray vn exemple que maistre Iean Martin Lieutenant du Preuost de la cité de Laon, (car la verité ne peut mieux estre congnue, que par les iuges bien experimentez en telles choses par le moyen des procez qu'ils font) m'a dict, quand il fist le procés à la Sorciere de saincte Preuue, qui auoit rendu vn maçon impotent and courbé, en sorte qu'il auoit la teste Page 381

presque entre leslambes, and auoit opinion que la Sorciere luy auoit faict ce mal. Il fist dire à la Sorciere cõmeiuge bien aduisé, qu'il n'y auoit moyen de sauuer sa vie, sinõ en guerissant le maçon. En fin elle se fist apporter par sa fille vn petit pacquet de sa maison: and apres auoir inuoqué le diable, la face en terre, marmotant quelques charmes en presence d'vn chacun elle bailla le paquet au maçon, and luy dist qu'il se baignast en vn bain: and qu'il mist ce qui estoit dedans le paquet en son bain, en disant ces mots, Vade par le diable: autrement qu'il n'y auoit moyen de le guerir. Le maçon fist ce qu'on luy dist, and fut guery. On voulut sçauoir ce qu'il y auoit au pacquet auparauant que de le mettre au bain: ce que toutesfois elle auoit deffendu: on trouua trois petits lezars vifs. Et pendant que le maçon estoit dedans le bain, il sentoit comme trois grosles carpes, and puis on rechercha diligemment au bain: mais on n'y trouua ny carpe ne lezard. La Sorciere fut bruslee viue, and ne voulutiamais se repentir. Or on voit l'idolatrie and blaspheme tout ensemble de faire chose quelconque aunom and à l'inuocation du diable. Les autres Sorciers ne sont pas si impude (02) s, mais plus ruzez and plus meschans: car ils parlent sainctement, and font ieusner les personnes, comme le noble Sorcier de Normandie l'an 1572. I'en ay leu vn autre à troisiesme liure du Iardin d'Anthoine Turquemede, d'vn Sorcier, voyãr vn paysan mordu d'vn chien enragé, il luy dist qu'il estoit Salutador: c'est à dire sauueur, Peroque no perdais la vita: c'est à dire à fin que tu ne perdes la vie. Puis il piqua trois fois au nez iusques au sãg, Page 382

and fut guery. On void que cest imposteur s'appelloit Sauueur, qui est vn blasphemopour oster la fiãce qu'õ doit auoir en Dieu, qui n'est pas moins abominable que s'il inuoquoit Sathan. Or Dieu parlant en Iesaye, Ie suis, dit il, le grand Dieu Eternel qui enuoye la vie and la mort, la santé and la maladie: and n'y a poinct de salut sinon en moy seul. Au mesmes temps que i'escriuois ce liure M. Charles Martin, Preuost de la Cité de Laon aduerty qu'il y auoit vne pauure femme ensorcelee par vne sa voisine en Vaux, qui est au faubourg de Laon ayãt pitié de ceste pauure femme ensorcelee, menassa la Sorciere de la faire mourir, si elle ne guerissoit la maladie de sa voisine. Elle craignãt, promist de la guerir. Et de faict elle se mist au pied du lict, la face contre terreioingnant les mains, and appellant le grãd diable à haute voix, reitera plusieurs fois ses prieres, marmotrãt quelques paroles incognues: puis elle bailla vn morceau de pain à celle qui estoit malade, qui cõ mencea à guerir. Cela faict le Preuost s'en retourna en sa maison auec resolution de la faire pre (02) dre and brusler tost apres. Mais depuis elle n'a esté veuë par deça. On void euidemment que la malade n'a pas moins inuoqué, ny moins adoré le diable que la Sorcire. Or il vaut mille fois mieux mourir que d'essayer vn remede si detestable qui guerit le corps, and tué l'ame. Encores void on la cõtenãce de la Sorciere mettãt la face cõtre terre, qui est la façon que les ancie (02) s Prophetes Moyse. Iosué, Elie, auoient quand ils vouloient appaiser l'ire de Dieu. Mais outre cela, les plus detestables Sorcieres, font des fossettes, mettans la face dedãs pour testifier Page 383

que l'inuocation se fait à Sathan, and non pas à Dieu. Et appellent Sathan à haute voix. A quoy se r'apporte ce que dit Apulee, parlant de Pamphile la Sorciere de Larisse, pour faire ses horribles coniurations, il dit: Deuotionibus in scrobe (02) procuratis, c'est à dire, faisant ses prieres and deuotions en vne fosse. I'ay sçeu d'vn homme digne de foy, qu'il y auoit vne vieille Sorciere fameuse, qui se leuoit presque toutes les nuicts, and l'ayant suyuie quelques fois pour l'espier, il apperceut qu'elle faisoit ses prieres à Sathan au pied d'vn arbre, mettant la teste dedans vne fosse, qui est le plus haut poinct d'adoration ou inclination qu'on peut faire, and duquel vsoient enuers Dieu les anciens au iour du grand ieusne, où ils estoient en danger, mettant la face contre terre, and les Sorciers font des fosses, inuoquant Sathan des enfers. Au lieu que le plus bel uure and le plus excellent que l'homme peut faire en ce monde, c'est de se leuer la nuict, and prier Dieu la face contre terre: and cela fait, luy chanter louange. Et à ce propos, il est dit en Iob, vous plaignez des tyrannies and afflictions, qui est celuy qui se leue la nuict, pour chanter louange à Dieu? Aussi peut-on dire qu'il n'y-a si grande impieté, que se leuer la nuict pour faire facrifice and hommage à Sathan. Les autres ne veulent pas inuoquer, n'y assister aux inuocations Diaboliques, mais ils ne font point de difficulté d'aller aux Sorciers pour auoir guarison. I'en reciteray vn exemple qui est recent, que i'ay apprins du President de Vitry le François, homme d'honneur, qui fut deputé à Bloys aux Estats l'an mil cinq cens septante sept, lors que nous auions besoin de luy, Page 384

pour nous aiderles vns les autresen la charge commune: Ie le priay bie (02) fort, de ne sortir point que les Estars ne fussent finis. Il me dist qu'il y auoit vn sien amy au lict de la mort qui l'auoit mandé, and fait son heritier, lequel auparauant auoit esté cinq ou six ans malade, and estropiat: and que son pere fut aduerty qu'il y auoit en Flandres vn homme qui gueriroit son fils: ce pere y alla soudain. Le Sorcier de Flãdres luy dist la maladie de son fils, qu'il n'auoit iamais veu: and l'enuoya iusques en Portugal à vn autre Sorcier qu'il luy nõma, qui estoit à la suite de la Cour. Ce pauure homme print patience and alla iusques en Portugal: où le Sorcier luy dist auant que le pere ouurist la bouche: Mon amy, vostre fils sera bien tost guery. Alle vous en en Frãce, and vous trouuerez à 20. lieuës de vostre maison pres Noyõ vn nõmé maistre Benoist, (il y en a plusieurs de ce nom) qui guarira vostre fils. Le pere estonné d'auoir tant voyagé pour chercher ce qu'il auoit pres de sa maison, pre (02) d courage, and s'en va à ce maistre Benoist, qui dist au pere: Vous auez bien pris de la peine d'aller en Flandres, and en Portugal, pour guarir vostre fils: allez luy dire qu'il vienne à moy: c'est moy qui luy donneray guarison. Le pere respond, qu'il y auoit cinq ans and plus qu'il n'auoit bougé du lict, and qu'il ne pouuoit seulement se mouuoir. On fit tant que le malade luy fust amené, qui le guarit à demy: and toutes-fois il ne la fit pas longue depuis. On vient de plus de cent lieuës à ce Sorcier, qu'on dict ne sçauoit lire ny escrire, blasphemeur ordinaire, and reputé des plus meschans hommes du pays: and continuë ceste vie par la souffrance Page 385

de ceux qui en doiuent faire la vengeãce. Or il ne faut s'estonner si les ignorans vont quelques fois cherchãt tels remedes. Car on le permet publiquement soubs ombre de quelques loix, and opinions deprauees de certains Canonistes, directement contraires à la Loy de Dieu: qui n'est pas chose nouuelle. Car nous lisons en Sudas qu'il y auoit dés le temps de Minos des hommes qui par paroles and sacrifices guarissoient les maladies: Et en Homere on void Autholycus guary du flux de sang par paroles. Etmesmes Hippocrate au liure de Morbo sacro, escrit, qu'il y auoit plusieurs imposteurs, qui se vantoient de guarir du mal caduc, disant, que c'estoit la puissance des Demons: en fouiãt en terre, ou iettant en la mer le sort d'expiation, and la plus part n'estoient que belistres: Mais à la fin il met ces mots: Sed Deus, qui sceleratissima quæque purgat, nostra est liberatio. C'est à dire, qu'il n'y a que Dieu qui efface les pechez, qui soit nostre salut and deliurance. I'ay mis les mots de celuy que nous appellons paye (02) , pour nous enseigner d'auoir en horreur telles impietez. Et à ce propos Iacques Spranger Inquisiteur des Sorciers escrit, qu'il a veu vn Euesque d'Allemaigne, lequel estãt en sorcelé, fut aduerty par vne vieille Sorciere, qu'il estoit ensorcelé. Et que sa maladie estoit venue pat malefice, and qu'il ny auoit moyen de la guarir, que par Sort, en faisant mourir la Sorciere, qui l'auoit ensorcelé. Dequoy estãt estonné, il enuoye en poste à Rome aduertir Nicolas cinquiesme Pape, qu'il luy dõnast dispe (02) se de guarir en ceste sorte: ce que le Pape luy accorda, aymant vniquement l'Euesque: and portoit la Page 386

dispense ceste clause ( pour fuir de deux maux le plus grand) La dispense venuë, la Sorciere dist: Puis que le Pape and l'Euesque le vouloient, qu'elle s'y employeroit. Sur la minuict l'Euesque recouurasanté, and au mesme instant, la Sorciere qui auoit ensorcelé l'Euesque, fut frappee de maladie dont elle mourut. Ainsi void-on que Sathan fist que le Pape, l'Euesque, and la Sorciere furent homicides. Et laissa à tous trois vne impression de seruir and obeir à ses commandemens: and ce pendant la Sorciere qui mourut, ne voulut oncques se repentir, ains au contraire elle se recommandoit à Sathan pour guerir. On void aussi le iugeme (02) t de Dieu terrible and ineuitable, qui vãge ses ennemis par ses ennemis, comme il dit en Hieremie. Car ordinairement les Sorciers descouurent le malefice, and se font mourir les vns les autres: d'autant qu'il ne peut challoir à Sathan par quel moyen, pourueu qu'il vienne à bout du genre humain, en tuant le corps ou l'ame, ou les deux ensemble. I'en mettray vn exemple que i'ay leu au procés de Marguerite Pajot, executee à mort par la sente (02) ce des Iuges de Tonnerre, l'an M D. LXXVI. qui fist mourir vn Sorcier en le touchant de sa baguette, parce qu'il ne luy vouloit pas prester vn lopin de bois qu'il disoit estre la vraye Croix, and duquel il disoit guarir toutes maladies en le portãt sur soy: cõme de fait il en auoit guari plusieurs: mais si fut il pris par ladite sor ciere, and ne peut estre guare (02) ty par sa vraye Croix. Mais il n'y-a point de plus remarquable exemple que celuy qui aduint en Poictou l'an M. D. LXXI. Le Roy Charles neufiesme apres disner, commanda qu'on luy amenast Page 387

Des-Eschelles, auquel il auoit donné grace pour accuser ses complices. Et confessa deuant le Roy, en presence de plusieurs grands Seigneurs, la façon du transport des Sorciers, des danses, des sacrifices faicts à Sathã, des paillardises auec les Diables en figure d'hõmes and des femmes: and que chacun prenoit des poudres pour faire mourir hommes, bestes, and fruicts. Et comme chacun s'estonnoit de ce qu'il disoit. Gaspard de Colligny lors Admiral de Frãce, qui estoit present, dist qu'on auoit pris en Poictou peu de mois au parauant vn ieune garçon, accusé d'auoir fait mourir deux Gentils-hommes: il confessa qu'il estoit leur seruiteur, and les aiãt veu ietter des poudres aux maisons, and sur les bleds, disans ces mots, Malediction sur ces fruits, malediction sur ceste maison, sur ce pays. Ayãt trouué de ces poudres, il en print, apres auoir dit, Malediction sur ce lict, and en ietta sur le lict ou couchoient les deux Gentils-hommes, qui fure (02) t trouuez morts en leur lict to9 enflez and fortnoirs. Il fut absous par les Iuges. Des-Eschelles alors en raconta beaucoup de semblables: Et faut croire que si le Roy, qui estoit d'vne forte complexion and robuste, eust faict brusler ce maistre Sorcier and ses complices, il est à presumer que Dieu luy eust donné pour telles executions heureuse and longue vie. Car la parole de Dieu est tres-certaine, que celuy qui faict escapper l'homme digne de mort, verse sur luy mesmes la peine d'autruy, comme le Prophete dist au Roy Achab, qu'il mourroit pour auoir donné grace à Benadab, qui auoit merité la mort. Or iamais n'auoit esté ouy qu'on donnast grace aux Sorciers. Vray Page 388

est qu'on peut dire que c'estoit pour accuser les complices, qu'on luy donnoit grace, mais tous eschapperent. Et pour retourner à nostre propos, Spranger (qui afait executer vne infinité de Sorcieres, and cognu leurs secrets) escrit qu'il y-a des malefices incurables, des autres qui ne peuuent estre ostez qu'en donnant le Sort à vn autre. Les autres en donnant le Sort à celuy qui l'a donné, les autres ne guarissent que d'vne maladie, les autres de plufieurs, les autres ne guarisse (02) t pas, si cen'est de deux lieuës à la rõde de leur maisõ, and certaines perfonnes: les autres n'ostent iamais le Sort, si cen'est du consentement de celuy qui l'a donné. Et voulant sçauoir des Sorciers pourquoy tout cela, les Sorcieres respondoyent, que tout se faifoit selon le marché qu'ils auoient, venant au feruice de Sathan, and par conuentions expresles. Et cela estoit si vulgaire en Allemaigne de son aage, comme il a esté de tout temps, qu'il escrit, que le Seigneur du village de Rictis-haffen, territoire de Cõstance, prenoit vn impost de ceux qui venoie (02) t à vne Sorciere de son village pour estre deslorcelez: and par ce moye (02) le Seigneur du village, and Sathan auoie (02) t bonne intelligence and obligatiõ reciproque: and les pauures ignorãs pipez du Diable, auquel ils s'adresfoie (02) t, en lieu qu'ils deuoient addresser à Dieu, comme disoit le grand Elie au Roy Ochosie: and dit qu'il y en auoit plusieurs Seigneurs en Allemagne qui en vsoient ainsi, en cores que les Sorciers ne pouuoient rien, s'ils prenoient argent. Il est assez notoire qu'il le trouua à la Rochelle vn homme frappé à mort, en sorte que tous les chirurgiens l'abbandonnerent: mais Page 389

il vient vn Sorcier qui fist marcher and parler le patient quelques iours, qui n'estoit autre chose que Sathan qui le portoit, and tousiours pour donner credit aux Sorciers ses subiects, comme depuis il est aduenu à vng grand Roy, lequel ayant perdu l'vn de ses mignons, se trouua vng Flaman, qui le fist ressusciter and marcher par trois iours, que le Roy pensoit formement, qu'il ne fut pas mort. Mais le troisiesme iour il tomba mort auec telle puanteur que chacun en auoit horreur. Mais c'est chose estrange que Pierre Mamor escript, que les os d'vn cheual rompu empeschent qu'on puisse oster le sort. Il n'y à pas grand apparence, n'y pareillement en ce que dit Albert le Grand au liure de animalibus, qu'il y a des oyseaux parlesquels on peut oster les charmes, qui seroit le moye (02) de reduire des hommes aux augures des Payens. Mais ie tiens que tout cela est illicite, and induit les hommes à idolatrie and à reuerer les pierres: Car la parole de Dieu ne peut faillir qui dit, qu'il ny-a puissance sur la terre, qui puisse resister à la puissance de Sathã. Comme il est dit en Iob4 à fin qu'on ait recours à Dieu seul, and non à autre: and bien vser des creatures and medecines ordonnees de Dieu, auec prieres comme fist Tobie, and non autreme (02) t. Thomas d'Aquin passe plus outre, car il tie (02) t [quae] (16) to9 remedes and preseruatifs qui ne peuue (02) t par raison vraysemblable guarir, chasser, ou empescher le mal, sontillicites. Et S. Augustin au dixiesme liure de la Cité de Dieu, disputant contre Porphire and Iamblique, qui pe (02) soient attirer les puissances celestes au ec les choses elementaires, defend toutes sortes de remedes and preseruatifs -notes- 4Ca.41. and cap.si quis per Sorctarias 2.c. p.1. and 26.q. 97.ca admoneant. §,in 2. 2.q.96.art.2. Page 390

contrele Diable, horsmis la priere and penite (02) ce, and tie (02) t que tous les remedes de paroles, characteres, ligatures, and autres choses vaines sõt les filets de Sathã: c'est aussi le texte formel du canõ 6, afin qu'õ ne s'arreste pas à l'opiniõ de l'Escot, ny d'Hostie (02) se, où il dit vana vanis contundere licet: ny à la Glose qui interprete le mot vana, qui ne sont point illicites, qui est chose impossible: and par ainsi la superstition Payenne de ceux qui chassoient les esprits en prenant certain legume en la bouche, que ie ne mettray point, and le iettant par derriere, aiant les piedsnuds, apres auoir prié neuf fois, à la mode qu'ils faisoie (02) t, est damnable and pleine d'impieté: car c'est en bons termes adorer Sathan, pour n'estre point mal traité. Les anciens Latins faisoient cela par trois iours au mois de May: and appelloient cela Placare lemures, ou Remures: parce que la chose print origine pour l'homicide de Remus, apres la mort duquel, les esprits trauailloient les habitans du lieu: and pour mõstrer que telles choses sont vaines and illicites, outre ce qui est cy dessus deduit, nous lisons qu'il est estroittement defendu de faire passer les enfans par le feu. Moyse Maymõ, qui est entre les Theologiens Hebrieux le plus estimé, escrit que les Amorrheans entre autres choses, auoie (02) t accoustumé de faire passer leurs enfans par la flamme,4 estans sortis du ventre: and auoient opinion que cela les garantissoit de beaucoup de calamitez, and mesmes il dit auoir veu7 en Egypte que les nourrisles gardoie (02) t encores ceste superstition de son temps: il viuoit l'an M. CCCXX. Or s'il est ainsi que Dieu ait en horreur ceste superstition, combien pe (02) sons nous qu'il deteste -notes- 6in can.admoneant 26. q.7. and in d. can.si quis per Sorctarias.23. q.1. 4Reg.lib.4.c. 21. and 23.Paral. li. 2. c.28. and 33. 7Li.3.Nemere aneboquina. Book 3 - Chapter 6 Page 391

Ies charmes and remedes contre les malefices, desquels on vse? On peut voir en Moyse Maymon, qui descrit plusieurs superstitions, comme il a trouué és anciens liures, desquels vsoient les Amorrheans, que loy de Dieu n'a pas voulu taire du tout, ny specifier par le menu, à fin de n'enseigner ce qu'il faut enseuelir: and neantmoins par quelques exemples proposez, les meschans n'auront point d'occasion pretendre cause d'ignorance de leur meschanceté, ny les iuges de l'auoir ignoré. Nos anciens Druides a grande solennité de prestres, and peuples alloient cueillir le guy, and en departoie (02) t a chacun vn petit au premier iour de l'an, and chacun y couroit plus qu'au pain benist, crians a guy l'an neuf, dont le prouerbe nous reste encores: ayans opinion quele gui du chesne portoit toute felicité: ce que depuis à esté trouué faux par infinies experiences. On voit vne fuperstition ordinaire par tout, de faire mettre les enfans sur vn ours, pour les asseurer de la peur: and lier les arbres de foirre pour garantir les fruicts, comme ils font en Valois: qui sont toutes pernicieuses superstitions: car c'est tousiours vne auersion du Createur, and fiance en la creature. Et pour ceste cause Mahomet Aben-Taulon Sangiach d'Egypte fit brusler, n'a pas lõg temps, vn crocodile de plomb, qu'on auoit mis sous la porte d'vn temple d'Egypte, par ce que les habitans du lieu, pensoient par ce moyen estre garentis des crocodilles. Voyla quant aux moyens illicites pour obuier aux sortileges. Disons aussi s'il y a moyen de chasser les esprits malins de ceux qui en sont assiegez. Page 392

De ceux qui sont assiegez and forcez par les malins esprits: and s'il y a moyen de les chasser. CHAP. VI. Novs auons parlé de ceux qui volontairement par conuentiõs tacites: ou expresses, ont part auecles malins espris: disõs maintenant de ceux qui sont assiegez and forcez pariceux, and s'il y a moyen de les chasser. Ie ne mets point en dispute s'il y a des personnes assiegees par les malins esprits: car toutes les histoires diuines and humaines en sont pleines: mesmement l'Euangile: and aux Actes des Apostres, chapitre seiziesme il est dit qu'il y auoit vne ieune fille esclaue qui auoit vn esprit qui par loit en elle, que l'escriture appelle [Greek omitted]: qui disoit les choses cachees, à l'aduenture à plusieurs: and pour vne verité dix mensonges. Elle dist que Sainct Pierre and sainct Paul preschoient la voye de salut: and par ce moyen son maistre gaignoit: and le Diable attiroit les personnes à demander la verité au maistre de mensonge. Sleidan recite aussi qu'en la ville de Monster en Vuestphalie, lors que les Anabaptistes tenoie (02) t la ville apres la publication de la communauté de bie (02) s il falloit que chacun rapportast les deniersen commu (05) : and parce qu'il y en auoit qui receloient leurs escus, il se trouua deux ieunes filles qui reueloient tout. Mais on void la preuue de ceux qui sont possedez du diable, qui parlent diuers langages, qu'ils n'ont iamais apprins. Il y en a peu en France si est-ce qu'il s'en void: and Page 393

depuis vn an en çà vn ieune enfant aagé de douze ans, nommé Samuel, du village Wantelet pres ceste ville de Laon, fils d'vn gentil homme, Seigneur des Landes, vn mois apres la mort de sa mere a esté saisi d'vn esprit, qui le trauailloit fort, and luy bailloit dessouflets, and quelquesfois luy entroit de dãs le corps, and si on vou loit oster l'enfant, il le retiroit par force. Le pere pourla religion qu'il tient, ne voulut pas qu'il fust exorcizé. le ne sçay si de puis il est deliuré. On à veu aussi depuis douze ou treize ans vne femme de Veruin, qui estoit possedee d'vn malin esprit, and fut exorcizee en ceste ville de Laon, que ie passeray, par ce qu'il y en a plusieurs liures imprimez. L'ltalie and l'Espaigne en a grand nombre qu'il faut enferrer, and qui parlent Grec, Latin and autres langages sans les auoir appris: ou pour mieux dire, l'esprit parle en icelles. Car l'esprit de celle de Veruin, lors qu'elle tiroit la langue iusques aux larynges, parloit disertement. Melancthon escrit qu'il a veu en Saxe vne femme demoniaque, qui ne sçauoit ny lire, ny eserire: Et neantmoins elle parloit Grec, and Latin, and predict la guerre cruelle de Saxe en ces mots, [Greek omitted]. C'est à dire, qu'il y aura de terribles choses en ce pays and rage en ce peuple. Fernelau liure de Abditis rerum causis, dit auoir veu aussi vn ieune garçon demoniaque qui parloit Grec, encores qu'il ne sçeust pas lire. Et d'autant que ce liure a esté plusieurs fois reimprimé, i'ay pensé d'y adiouster sur ce ptopos l'abregé du procez fait a vne femme nõme la Gantiere, qui fut cõdãnee à la mort par arrest de la cour de Parleme (02) r re (02) dui Page 394

au raport de mõsieur de Grieux autreme (02) t de S. Aubin, cõfirmatif de la se (02) te (02) ce de maistre Toussaincts, Sagot, bailly de la Ferté, Imbant l'an 1582. and de plusieurs autres condamnez, qui ont eu le fouet, les autres bannis. Le faict fut descouuert par vne ieune fille de l'aage de douze ans, demeurant au bourg, de sainct Genol en Souloigne, laquelle se disoit suiuie d'vn esprit malin, en forme d'vn linge blanc, battue and outragee, and tantost esleuee en haut, tantost tirassee: and souuent frappee, iusques à effusion de sang, que plusieurs tesmoins and en fort grand nombre voyoye (02) t, sans voir celuy qui la tourmentoit. En fin, estant exorcisee l'esprit, qui la possedoit parla, ayant la fille la bouche fermee, and sans aucun mouuement de leures, ny de langue, dist que la maistresse de la fille, auoit enuoyé le diable au corps de ladite fille, lequel parloit tãtost d'vne voix fort gresle, tantost d'vne voix grosse. Le iuge faict prendre la Sorciere, qui confesse qu'elle estoit Sorciere, and qu'vne femme nommee la Lofarde l'auoit faict telle, luy promettant richesses, ce qu'ayant promis, le diable la vint veoir, and solliciter de renõcer à Dieu, and se dõner à luy ce qu'elle fist: alors il la marqua au bras, and luy fist mal, and deslors il l'e (02) porta au sabath, au village de Bailly, ou elle trouua la Lofarde qui l'auoit appellee, and persuadee: and six personnes qu'elle nõma qu'ellecognoissoit: and quand aux autres, au nombre de soixante and plus, and lors tous danserent à rebours les faces hors la danse, and le diable habille d'vn haliret iaune, qui luy couuroit seulement le corps, and non les parties basses, ny ses parties honteuses fort noir, and espouuantable, and au derriere Page 395

de luy vne grãde teste sans yeux ny bouche, ayãt griffes, and le diable presse chacun de prendre des poudres pour se venger, and chacu (05) en print pour faire mourir, hommes, fruits and bestes, and s'ils failloient deuant que retourner au sabat, il leur rõproit le col, and qu'elle ne pouuoit deriuer la poison sinon a ses plus familiers. Depose que tous estoient marquez, and qu'au lieu de la marque on ne sentoit point la piqueure: dist aussi que le diable luy bailla huit sols pour payer la taille, and que voulant tiret les huit sols qu'elle auoit enueloppez en vn linge, elle ne trouua rien, and que lors elle se repentit d'auoir esté sorciere, ainsi voit on que la fille possedee du mauuais esprit descouurit tout. Hipocrate au liure de Morbo sacro, pensoit que ce ne fust que le mal caduc: mais la differe (02) ce a esté bien remar quee par la posterité: and en Grece mesmes, depuis qu'õ apperceust les diuerses langues and diuinatiõs des assiegez: qui ne sont point en ceux qui ont le mal caduc. Et la marque aussi est euidente, and plusieurs symptomes tous differens: and ceux qui en veulent faire la preuue, i'ente (02) s les Sorciers ils disent en l'oreille du patient, Exi Dæmon, quia Ephimolei tibipræcipiunt. Soudain le patient demoniaque tõbe comme pasmé: and puis quelque temps apres il se releue, and dit des nouuelles de loing, veritables and incogneues: and cela fait, il est deliuré du Demõ: mais si c'est le mal caduc, cela n'aduient point. Lesautres qui ont le diable au corps sont Sorciers, qui ne sont point vexez qu'on apperçoiue, ou ceux qui par deuotion pensant bien faire sont saisis des Demons, pour vn te (02) ps cõme estoientles prestresses Pythiaques en Grece. On pe (02) soit Page 396

que Dieu pessedoit leurs per sonnes, and appelloie (02) t cela Enthousiasme: quand les Sy billes and Prestresses d'Apollon apres auoir couché en la cauerne de Delt hes, ou de Delos, estoient ainsi saisies, and le diable parloit en elles, qu'ils appelloient le Dieu Apollon, lesquelles estoient peu apres deliurees: mais ceux qui estoient vrayes demoniaques estoient deliurees quelques fois par certaines superstitions, dont Hipocrate parle au liure de Morbo sacro: Mais les Sorciers souuent chassoie (02) t, cõme ils font encores, les Demons. Les Chrestiens de la primitiue Eglise vsoient de prieres, and puis cõiuroie (02) t les Cathecumenes and Energumenes, les exorcisant: encores [quae] (16) celuy qui se presentoit pour estre baptizé, fust en aage, sage and prudent, and qu'il n'y eust aucune apparence de malin esprit en luy. Ce qui a tousiours esté gardé, and se gar de encores és baptesmes des enfans, qui sont baptizez à la religion Catholique. Car ie n'ay a traitter icy que de ceux qu'on void assiegez du malin esprit, qui ne sont point Sorciers: ains au contraire les Sorciers demeurent d'accord par infinis procés, que si vn Sorcier ayãt faict profession and conue (02) tion expresse auec le diable pour iamai, quitter son seruice, and qu'il se repente de ce qu'il a faict sans prier Dieu, il sera mal traicté, tourme (02) té and batu, si Dieu par sa grace ne le preserue, comme il fait sans doute quand la repentãce est vraye, and qu'il se tourne a Dieu de bõ cueur. I'ay remarqué cy deuant, que i'en ay veu vn, lequel estoit suyui par rout du malin esprit, and ne s'en pouuoit deffaire, and au plus profond de son sõmeil le diable l'esueilloit luy tirant le nez, and les oreilles, en luy demãdãt, s'il ne vouloit pas luy demãder quelque chose. Sprãger dit qu'il a Page 397

condáné plusieurs Sorcieres qui estoie (02) t bien aises qu'ó les faisoit mourir, disant qu'elles estoient battues du diable, si elles ne faisoie (02) t ses commandeme (02) s, and qu'autrement elles n'auoie (02) t point de repos. I'ay aussi remarqué vn gentilhõme demeurant pres de Villiers Costerets, auquel vn soldat Espaignol auoit ve (02) du vn malin esprit auec vn anneau: and d'autant qu'il n'obeissoit pas au gentilhomme, comme il esperoit, il ietta l'anneau dedans le feu: and depuis n'a cesse de le trauailler. Il y en a aussi qui ont esté Sorciers, and ont renoncé Dieu, and iuré alliãce auec Sathá: and cognoissans ses impostures n'é tie (02) nent conte: and n'é font ny penitence ny repentãce: ausquels toutesfois Sathan ne fait rie (02) : car il se conte (02) re: qu'ils sont à luy en possessiõ paisible. Il y en a d'autres, qui semblent estre fols seuleme (02) t, and qui rie (02) t and sautent sans propos: cõme estoit celuy duquel parle Philostrate, qui fut descouuert par Apollonius Thianeus maistre Sorcier estre assiegé d'vn malin esprit, and deliuré par iceluy: and à dire vray, si la folie de l'homme ne prouient de maladie, quand il rit sans mesure and sans propos, c'est l'vn des signes que la persõne est possedee du malin esprit, il y en a qui par coustume fõt les fols sás propos, and en fin sont saisis des malins esprits: comme estoit vn Vibius Gall9 declamateur qui se plaisoit fort a cõtrefaire l'insensé, qu'il deuint du routinsensé cõme nous lisons en Seneque. On en voit aussi qui ne sont point autreme (02) t fols: and neãtmoins ils võt en dormant cõme s'ils veilloie (02) t: qui est vne lecargie, ou autre maladie de cerueau, qui aduie (02) t quelques fois aux plus sages. I'e (02) ay veu trois malades de ceste maladie, qui n'auoie (02) r Page 398

aucune douleur: and mesmes Galen confesse qu'il a esté malade en ceste sorte vne foix en sa vie, and alla demy quart de lieue tout dormãt, iusques a ce qu'il rencõtra vne pierre qui le fist tom ber, and le reueilla: mais il y en a qui vont fort souuent la nuict les yeux clos, and montent sur les maisons, sur les Eglises and hauts lieux inaccessibles, où le plus vigilant, and le plus sage homme du monde ne sçauroit mõter: Et si on les appelle par leur nom, soudain ils tombent par terre. Spranger dict en auoir veu tõber en ceste sorte en Orleãs. Il y en eut vn agité la nuit, qui fut suyui par son cõpaignon, qui couchoit auec luy: and le voyant aller en la riuiere il ne voulut pas le suyure: mais de peur qu'il n'allast trop auãt, il l'appella par son nom: soudain il tõba tout dormãt, and fut noyé. Il est à presumer que le malin esprit l'agitoit: toutesfois ie n'e (02) suis pas asseuré: car il se peut faire que l'homme oyant son nom, s'esueilleen sursaut, qui suffit pour le faire tomber: mais ie ne trouue point d'apparence de monter en dormãt aux lieux inaccessibles, and precipices dangereux, and s'en retourner sans choper ny s'offenser, comme Titoreus Stoicie (02) lequel se pourmenoit la nuit sur les maisons en dormãt: and ce tauernier duquel parle Arist. in li. de mirabili audit. qui alloit la nuit on dormant parmy les rues ayant la clef de sa tauerne qu'il gardoit si bie (02) qu'on ne peut on ques luy oster: cõme aussi nous lisons en Bartole qu'il y en auoit vn a Pife qui s'armoit la nuict, and couroir endormy parmy les rues. Et en quelque sorte [quae] (16) co soit, il faut estimer que celuy qui est assiegé du malin esprit, and tour monté pai iceluy, n'est pas hors la voye de salur, comme les saints Page 399

personnages ont iugé: Et de faict, S. Paul en la premiere des Corinthiens parlant de celuy qui auoit abusé de fa belle-mere: Il est, dict-il, expedient que cest homme-là soit liuré à Sathan, à fin que son esprit soit sauué au iour du iugement. Il est à croire qu'ils ente (02) doit l'excõmunication, de laquelle on vse encores. Reste à voïr les moyens de chasser les malins esprits, soit des personnes, soit des bestes, soit des maisons: car Thomas d'Aquin3 est d'accord, qu'on peult aussi cõiurer vne beste irraisonnable, comme estant icelle agitee par Sathan, pour offenser les hommes: and par consequent il suppose qu'on peut chasser les malings esprits. Et quand aux moyens de chasser les Demons, Alexandre I. Pape institua l'eau beneiste, combien qu'elle est instituee par la loy de Dieu, des simples qui sont les plus purgatifs du monde, pour ceux qui auoient touché quelque mort, and autres soüilleures legales, and non pas pour chasser les Diables, qui souuent entretiennent les hommes on ceste opinion, à fin d'arrester tousiours l'homme aux creatures: Mais vn iour Melancththon voyant que le Diable s'enfuioyt pour l'eau beneiste, and quittoit pour vn temps le demoniaque, il prit de l'eau pure, and en ietta sur le demoniaque, and le Diable s'en fuit aussi, car les esprits immondes ont en horreur la purité du sel, and de l'eau. Quant aux coniurations, elles sont assez notoires4: Exorcizo te N. per Deum viuum, and cæt. Et puis l'Oraison Deus misericordia, and cæt: and apres l'execration, Ergo maledicte Diabole, and c. puis autre oraison, and de rechef l'execratiõ, iusques àtrois coniurations, bruslãs tous les Sorts and poudres -notes- 3In secunda secunda q. 90. 4In li. de ceremonies Eccl. Rom. Page 400

malesi ques qui se trouuent en la maison de celuy qui est possede du Diable, qui est directement contre l'aduis de sainct Hilarion, and de sainct Hierosme, comme nous auons dict cy deuant. Ils adioustent aussi les confessions, les Sacremens, les estoles, and beaucoup d'autres choses semblables. Et neantmoins les malins esprits ne sorte (02) r pas pour tout cela, comme il se void assez souue (02) t. I'ay fait me (02) tion cy deuãt de celle qui estoit possedee d'vn malin esprit, and qui demeure encores au Menil pres Dãmartin, qui estoit liee ordinaire me (02) t d'vn esprit depuis l'aage de huit ans: and ne luy failoit autre mal. Le Docteur Picard, and plusieurs autres l'exorcizerent en la ville de Paris, l'an M. D. LII. comme i'ay dict: mais cela ne seruit de rien. Et neantmoins plusieurs voulans exorcizer les Demoniaques, sont bie (02) souuent saisis du Diable, comme nous lisons és Actes des Apostres de deux Disciples, qui vouloient chasser l'esprit malin du corps d'vne persõne, disant ces mots, Adiuro vos per Iesum quem Paulus prædicat, and cæt. respondens autem Spiritus nequam dixit eis: Iesum noui, and scio, vos autem qui (03) estis? Et soudain le Diable se saisit de tous deux, and laissa celuy qu'il vexoit. Nous auons vne histoire semblable en sainct Giegoire au premier Dialogue, qu'il y eut vn Prestre, lequel voyant vne femme saisie du Diable, il print vne estole, and la mist sur la femme: soudain le Diable se saisit du Prestre, and quitra la femme Nider recite aussi qu'il y auoit en Coloigne vn Moyne Sorcier, facetieux, qui auoit grande reputation de chasler les malins esprits. Vn iour le malin luy demanda où il iroit, Va dit-il en mon priué. Le Page 401

Diable ny faillit pas, and la nuict il batist tant comme il alloit à son priué, qu'il fust à vn doigt pres de la mort. Quelques-fois les Diables s'en vont par commandemens des Sorciers, cõme on dir d'Appollonius Thyaneus, qui chassoit les Diables, ou plustost qui luy obeissoient pour luy donner credit de se deifier, comme il tachoit, and trouua for ce disciples qui en faisoient plus de cas que de Iesus Christ: en sorte qu'Eusebe a esté cõtrainct d'escrire huit liures contre Philostrate Euãgeliste du Sorcier Appollonius, où l'on voit l'ascention d'Appollonius, au temple d'Ephese: and en S. Clement l'ascention de Symon Magus qui faisoit le semblable: Car il ny-a finesse ny subtilité dont Sathan ne s'aduise, pour faire idolatrer les hõmes: en quoy sa puis sance n'est pas ruinee, mais bie (02) establie. Sprãger In quisiteur en met vn exe (02) ple d'vn Bohemie (02) no (04) mé Dachon Prestre, qui fut lõg te (02) ps possedé du Diable: and fut mené à Romme, lequel disoit qu'il hayoit à mort les choses que Sathã aime le pl9. Il recite aussi que à Magdebourg il y auoit vn autre Prestre, qui fut possedé du Diable 7. ans: and quãd on demãdoit au Diable pourquoy il auoit cõmencé à tourme (02) ter le Prestre depuis 3. mois, il dit qu'il ne laissoit pas d'estre auparauant dans le corps du Prestre: and quand l'Exorciste demãda au Diable où il se cachoit quand le Prestre prenoit l'hostie sacree. I'estois, dit-il, soubs sa langue: and l'exorciste l'iniuriant disoit, pourquoy ne t'enfuis-tu de la presence de ton Createur? le Diablerespondit, and pendant qu'vn homme de bien passe sur le pont, pourquoy vn meschãt ne passera il soubs le mesme põt? Voy la de mot à mot les Page 402

propos de Spranger2 Inquisiteur. Et quelques-foisle Diable faict des plainctes, comme s'il enduroit grande douleur, and disent estre l'ame d'vn tel, ou d'vn tel, pour tenir tousiours les hommes en erreur. Nous en auons assez d'histoires: and Pierre Mamor en recite vne qui aduint en France, à Confollent sur Vienne, en la maison d'vn nommé Capland, l'an M. CCCCLVIII. d'vn diable qui se disoit l'ame de la defu (05) cte, qui gemissoit, and crioit, en se complaignant bien fort: and admonestoit de faire plusieurs prieres and voyages, and reuela beaucoup de choses veritables: mais quelcun luy dist, si tu veux qu'on te croye, dy, Miserere mei Deus secundu (05) , and c. mais il dit qu'il ne pouuoit. Alors les assìstans se mocquerent de luy, and s'enfuit en fremissant. Le semblable aduint à Nicole Aubery, femme natifue de Veruin, de laquelle M. Berthelemy Faye, Conseiller en Parlement, a escrit l'histoire, où il dict que Sathan s'apparut à elle, priant sur la fosse de son pere, comme sortãt du sepulchre: and luy dist, qu'il falloit dire beaucoup de Messes, faire quelques voyages specifiez, and apres tout cela il ne laissa pas de tourmenter ceste pauure fe (02) me, cõbien que au commencement il dist que c'estoit son ayeul: neantmoins à la fin il dist qu'il estoit Beelzebuth. I'ay dit plusieurs fois ce qui est escrit en Iob, qu'il ny a puissance en terre que Sathã craigne. Et l'opinion de Ioseph historie (02) Hebrieu, que i'ay remarqué cy dessus, est pernicieuse, en ce qu'il dit qu'il a veu vn Iuif de sa natiõ, le[quae] (16) l mettãt vn ãneau au nez de celui qui estoit assiegé, [quae] (16) soudain le Diable s'enfuyoit. C'estoit pour induire les hõmes à reuerer la creature, la pierre, l'anneau. -notes- 2In mallce malesicarum. Page 403

Il ne dict pas que l'anneau portast vn Diamant: car il s'en est trouué de ceste opinion, qui ont dict que ceste force est au Diamant, qu'il garentist des songes friuoles and des malings esprits, comme dict vn Poëte sans renom, Et noctis lemures, and somnia vana repellit. Mais ils ne disent point quelle sorte de Diamant. Car il y en a six fort differens7, and la sixiesme espece est le Diamant Arabic, qui vient à gros tas és monts Pyrenees, and qu'on foule aux pieds, en sorte que le quintal ne couste que trois Escus sur les lieux: Il est figuré and poly par nature d'vne beauté que tous les artisans ne sçauroient si bien contrefaire à six costes esgaux, and les deux bouts en poincte, and forme conoide: and s'en trouue de plusieurs couleurs. Les anciens tenoient aussi que les Diables craignent fort les tranchans des espees, and glaiues, and mesmes Platon, and plusieurs autres Academiciens sont de cest aduis, que les esprits souffrent diuision. Et me souuient que l'an mil cinq cens cinquante and sept, vn malin Esprit foudroyãt à Thoulouze tomba auec le tonnerre dedans la maison de Poudot Courdouannier, demeurant pres du Salin, qui iettoit des pierres de tous costez de la chambre: on ramassoit les pierres en si grand nombre, qu'on en remplist vn grand coffre, que la maistresse fermoit à clef, fermant portes and fenestres. Et neantmoins l'esprit apportoit soudain d'autres pierres, and toutesfois sans faire mal à personne. Latomy, qui estoit lors quart President, fut voir que c'estoit: aussi tost l'esprit luy fist voler son bonnet d'vne pierre, and le hasta bien de fuir. Il y auoit esté six iours quand M. Iean Morges -notes- 7Plin. lib.33. Page 404

Conseiller du Presidial m'en vint aduertir pour aller voir ce mystere, où ie fust deux ou trois heures sans rien apperceuoir. Quelqu'vn, lors que i'entray, dict, Dieu soit ceans: and apres auoir entendu l'histoire, dist au maistre qu'il priast Dieu de bon c ur, and puis qu'il fist la rouë d'vne espee par toute la chambre. Ce qu'il fist. Le iour suiuant la maistresse luy dist, qu'ils n'auoient depuis ouy aucun bruit, and qu'il y auoit sept iours qu'ils n'auoient reposé. Les anciennes histoires sont frequentes de tels esprits ietteurs de pierres: and mesmes Guillaume de Paris escrit que l'an M. CCCC. XLVII. il y en auoit vn à Poictiers en la parroisse sainct Paul, qui rompoit voirres and voirrieres, and frappoit à coups de pierres sans blesser personne. Encores dict on, qu'il faut en chassant les malings esprits, les enuoyer en certain lieu, cõme en l'Euangile Iesus Christ les enuoyoit aux troupeaux de pourceaux. Et en Tobie l'Ange ayant chassé le maling Esprit, le lia en la haute Egypte: où il semble que Dieu a limité non seulement la puissance, ains aussi le lieu où les malings esprits sont reclus. Et de fait Cæsarius en son Dialogue escrit, que la fille d'vn Prestre de Coloigne estãt tourmentee d'vn malin esprit Incube, deuint phrenetique. Le pere fut aduerty de faire aller sa fille par de là le Rhein, and changer de lieu. Ce qu'il fit. Le Diable par ce moyen laissa la fille: mais il batit tant le pere qu'il en mourut trois iours apres. Aussi lisons nous que les malings esprits ne sont pas si frequens dedans les villes, comme és villages: ny aux villages, comme aux lieux deserts and aquatiques, comme il est escrit en Iob Page 405

quarante and vniesme chap. C'est pourquoy les malins esprits qu'on appelle Feuz fols la nuict apparoissans, and mesmement la nuict d'entre le Vendredy, and Samedy suyuent les eaux, and souuent font noyer les personnes pour les chasser: il faut prier Dieu la face en terre, and soudain tout s'enfuit. Ie croy bien que les creatures auec la crainte and parolle de Dieu y peuuent seruir, and sans la crainte de Dieu rien du tout. Ie mettray pour vn exemple la Musique qui est l'vne des choses qui plus a de force contre les malings esprits, comme il est escrit de Saül, que le maling esprit le laissoit tandis que Dauid touchoit sa harpe: Vray est que Dauid auoit alors le Sainct Esprit, and neantmoins il est dit, que le tourment de Saül ne cessoit sinon au son de la harpe, soit que la Musique est vne chose diuine, and que le Diable n'ayme que les discors: soit que l'harmonie conspirant auec l'ame, reduict la raison esgaree à son principe: comme les anciens ont remarqué, que la Musique guarist le corps par le moyen de l'ame, tout ainsi que la medecine guarist l'ame par le corps. Et de fait il y a vne espece de furieux en Allemaigne, qui ne guarissent sinon áu son de l'instrument, quand le Musicien accommode sa Musique au bransle des furieux: and puis il fait peu à peu, que le furieux s'accommode à la cadence du Musicien posément, and en ceste sorte il guerist le faisant reposer: on l'appelle la maladie Sainct Vitus, Nous lisons aussi que le Prophete Michee estant appellé par. Achab Roy de Samarie, and en la presence du Roy de Samarie deuant que prophetizer de l'issue de la bataille, il fit entonner vn inftrument Page 406

de Musique: alors l'esprit de Dieu le saisit and prophetiza: and mesmes Samuel ayant consacré Saül, Va dit-il, en tel lieu où tu trouueras vne troupe de Prophetes qui desce (02) dent de la montaigne, and qui sonnent des instrumens. Alors l'esprit de Dieu te saisira. Si tost que Saül eust approché des Prophetes qui sonnoient leurs instrumens, l'esprit de Dieu le saisit, and se trouua tout changé: combien qu'il est à croire que l'esprit de Dieu, duquel la trouppe des Prophetes estoit remplie, non seulement embraza Saül de l'esprit diuin, ains aussi chassoit les malings esprits de tous costez: comme de faict Saül estant laissé de Dieu, and de son Ange, fut saisy du maling esprit: and comme il auoit resolu tuer Dauid, il enuoya par deux fois des meurtriers pour l'assassiner en compagnie de Samuel, mais si tost qu'ils auoient approché, ils estoient saisis de l'esprit de Dieu, and au lieu de tuer Dauid ils benissoient and louoyent Dieu. Dequoy Saül aduerty y vint en personne, soudain il se trouua tout changé, prophetizant and louant Dieu. Car les anciens Hebrieux ont remarqué pour vne demonstration trescertaine and indubitable, qu'il n'y a rien plus aggreable à Dieu, que sa louange chantee d'vn c ur entier and ioyeux, comme il est dict au Psalme XXXIII. Louange est tres-seante and belle, En la bouche de l'homme droict, and c. Aussi n'y a il rien qui plustost chasse les malings esprits, and les force de sortir: mais c'est la louange du Createur and non pas des creatures. Comment donc, dira quelqu'vn, est-il possible que le Sorcier Apollonius Page 407

chassast les Demons, and comment les Sorciers de nostre temps ont ils encores ceste puissance de chasser soudain les malings esprits? Ie respondray ce qui à esté resolu en la Sorbonne l'an mil trois cens nonante and huict: Hæretici sunt qui putant Dæmones maleficiis cogi posse, qui se cogi fingunt. C'est à dire, que ceux là sont Heretiques qui croyent que par charmes, on puisse contraindre Sathan, qui faict beau semblant d'estre contraint. Et par ainsi quand on void les Sorciers chasser les malings esprits, ce n'est pas chasser ny forcer de sortir. Mais c'est de gré à gré: cõme nous lisons en Leon d'Afrique, que les Sorciers qu'ils appellent Muhazimin mot demy Hebrieu qui peut venir de Mescaphim, en faisant quelques cercles and characteres au front du demoniaque, apres auoir interrogé le Demon, luy cõmandent de sortir, and soudain il sort. Ce que pareillement escrit Iacques Spranger des Sorciers d'Allemaigne. En quoy faisant Sathan commence à posseder paisiblement l'ame, au lieu qu'il ne possedoit que le corps par force and violence. Et en cas pareil quand on vse de superstitions and idolatries, alors l'esprit maling s'en va, and fainct qu'il est contrainct de ce faire pour attirer les ignorans à continuer en leur idolatrie. Et en Allemaigne s'il y a quelque demoniaque ou maleficié, qui ayt suspicion de quelque Sorcier qu'il luy ayt enuoyé le maling esprit, ou donné autre malefice, les Iuges, and mesmes la chambre Imperialle faict dire ces mots à la Sorciere en presence du maleficié, Benedico tibi in nomine patris, and filij, and . spiritus sancti, in tuis bonis, sanguine and armento. Et soudain Page 408

les maleficiez sont deliurez: ce que les plus homme de bien de ce pays-là en disant les mesmes parolles ne peut faire: qui monstre bien l'intelligence du maling esprit auec le Sorcier: Comme les Sorciers faisoient sortir les Diables du corps des hommes du temps mes mes d'Hippocrate, comme on peut voit en son liure de Morbo sacro. Aussi voit-on grand nombre de personnes demoniaques: and mesmement en Espaigne, Italie, and Allemaigne, qui tiennent quelques fois dix ans ou vingt ans les personnes qu'on ne les peur ehasser, comme de faict l'an M. D. LVI. il se trouua en la ville d'Amsterdam trente ieunes enfans demoniaques, qui n'ont peut estre deliurez pour tous les exorcismes qu'on y a faicts. Et fut resolu que c'estoit par sortileges and malefices, d'autant qu'ils iettoient des ferremens, des lopins de voirre, des cheueux, des aiguilles, des drapeaux and autres choses semblables, que les personnes malades par Sortileges rendent ordinairement. I'ay dict si dessus que l'an M. D. LIIII. il y auoit LXXX. filles and femmes demoniaques à Rome qui furent exorcizees par vn moyne Sainct Benoist, que M. Gondy Euesque de Paris y auoit mené: le quel ny fist pas grande chose, encores qu'il y fust six mois. Il interrogea Sathan pourquoy il auoit saisy ses pauures filles. Il respondit que les Iuifs l'auoient enuoyé, despits de ce qu'on les auoit baptizees pour ce qu'elles estoient Iuifues pour la plus part. On pensoir que Sathan dist cela, parce qu'il estima que le Pape Theatin feroit mourir les Iuifs: mais vn Iesuitte soustint deuant le Pape que les hommes n'ont pas ceste Page 409

puissance. Ce qui est bien certain, ny Sathan aussi: mais si Dieu le permect aux vns and aux autres, cela ce peut faire: and d'entrer en Conseil de Dieu c'est chose incomprehensible. Non pas que ie pense que Sathan fust enuoyé par les Iuifs: car ceux de leur Religion en seroient plustost possedez que ceux qui se font baptizer, and renonçent à leur loy. Mais au Monastere de Kentorp au costé de Marche en Allemaigne, où les Religieuses furent vexees des malings esprits d'vne façon estrange l'an M. D. LII. les Sorciers and les Dames interrogees respondirent, que c'estoit la cuisiniere du Monastere nommee Else Kame, qui le confessa, qu'elle estoit Sorciere, disant qu'clle auoit prié Sathan, and faict des Sortileges pour cest effect. Elle fut bruslee vifue auec sa mere. Ces Demoniaques estoient esleuees en l'air par chacun iour, and quelques fois à chacune heure, and retomboient sans douleur: puis elles estoient chatouillees dessous les pieds, and rioyent sans cesse: and tantost ce frappoient les vnes and les autres: Et quand il se trouuoit quelque personnage de vertu, faisant sa priere, ou parlant de Dieu serieusement, elles estoient vexees. Et si elles disoient leurs heures en Latin, and menuz Suffrages, ou qu'on leurs parlast de iouer, ou de follastrer, elles ne sentoient plus de douleur se trouuant fort allegees, and toutes rendoient vne haleine fort puante. Au mesme temps il se trouua plusieurs Demoniaques aux villes and villages prochains: qui fust cause, qu'on print plusieurs Sorcieres qui furent exceutees. Et au Monastere de Nazareth, au Diocese de Coloigne Page 410

par vne ieune Sorciere nommee Gertrude qui auoit accointãce auec vn Demon par chacune nuict depuis l'aage de douze ans: toutes les Religieuses furent assiegees des malings esprits. Nous lisons aussi en Fernel au liure de Abditis rerum causis, qu'on le mena voir vn ieune Gentil homme demoniaque parlant Grec, encores qu'il fust sans lettres: and disoit à son pere qu'il ostast le collier de l'Ordre de son col, and l'esprit interrogé qui il estoit, dict que c'estoit vn personnage, qu'il ne vouloit pas nommer, qui l'auoit enuoyé dans son corps. On peut bien iuger que c'estoit l'vn de ses bons sujets non pas que Sathan ny tous les Sorciers ayent aucune puissance sur les hommes, si Dieu ne le permect: comme il est aduenu n'a pas long temps en Flandre vne chose estrange, and qui a depuis esté publiee par toute la Chrestienté. Anthoine Suquet, Cheuallier de l'Ordre de la Toison, and Conseiller du Conseil priué de Brabant, auoit vn bastard, qui auoit quelque temps au parauant que de s'estre marié, conuersé familierement auec vn autre femme, qu'on disoit estre Sorciere, laquelle estant jalouse d'vne ieune Damoyselle qui espousa le Gentil homme, fist en sorte auec Sathan, que la ieune Damoyselle fust saisie d'vn maling esprit, qui la tirassoit en pleine compagnie, and l'esleuoit en haut contre toute la puissance humaine, puis la iettoit ça and là. Lors qu'elle fut sur le poinct d'accoucher, pendant qu'on alloit querir la sage femme, la Sorciere que la Damoyselle craignoit and hayoit à mort, entra, and soudain la Damoyselle tomba pasmee and endormie and quelque temps apres elle se sentit deliuree de son Page 411

fruict. La Sorciere s'en va, and la sage femme venuë ne trouua que l'accouchee, mais l'enfant ne s'est iamais trouué depuis. Chacun iugeoit que la Sorciere jalouse auoit enuoyé Sathan au corps de la Damoyselle, mais cela ne s'est poinct faict, que par vn secret iugement de Dieu. L'Histoire qu'on recite estre aduenuë en Loraine d'vne femme enleuee par Sathan pour auoir son fruict, approche de celle cy: mais on tient que le pere estoit Sorcier, qui auoit voué son enfant à Sathan. Et quelquefois l'appetit bestial de quelques femmes, faict croire que c'est vn Demon, comme il aduint l'an mil cinq cens soixante and six, au Diocese de Coloigne: il se trouua en vn Monastere vn chien qu'on disoit estre vn Demon qui leuoit les robbes des Religieuses pour en abuser. Ce n'estoit point vn Demon comme le croy: mais vn chien naturel. Il se trouua à Thoulouse vne femme qui en abusoit en ceste sorte. Et le chien deuant tout le monde la vouloit forcer. Elle confessa la verité, and fut bruslee. Il y en eut vne autre qui fut amenee prisonniere à Paris l'an mil cinq cens quarante, conuaincuë de mesmes cas qui n'est pas chose nouuelle: car mesmes Elian escrit que vn Citoyen Romain se cõstitua demandeur en crime d'adultere de sa femme contre vn chien. Et du temps de Louys XII. il nasquit en Bretaigne vn enfant d'vne vache qui n'auoit rien qu'vn pied qui ressemblast à la vache dont y eu procez recité par Boyer President de Bourdeaux decisione 301. mais ceste meschanceté est plus ordinaire auecles chiens. Et Sigibert dict aussi qu'il nasquit vn cochon ayant la face d'homme. Page 412

Et semble que la Loy de Dieu pour l'abomination and meschanceté, ne s'est pas contentee de prohiber cela sur la vie: ains encores elle deffend d'offrir à Dieu, le loyer de la paillarde, and le pris d'vn chien en vn mesme article. Il se peut bien faire aussi que Sathan soit enuoyé de Dieu, comme il est certain que toute punition vient de luy par ses moyens ordinaires, ou sans moyen, pour vanger vne telle vilainie: comme il aduint au Monastere du Mont de Hesse en Allemaigne, que les Religieuses furent Demoniaques: and voyoit on sur leurs licts des chiens, qui attentoyent impudiquement celles qui estoient suspectes d'en auoir abusé, and commis le peché, qu'ils appellent le peché muet. Dequoy i'ay bien voulu aduertir le Lecteur, à sin qu'on prenne garde de ne forcer la volonté des ieunes silles au veu de chasteté. Mais c'est merueilles des exorcismes desquels plusieurs vsent, veu que iamais les Saincts Prophetes n'en ont vsé: and eussent eu horreur d'interroger, où de rien demander à Sathan, ny rien faire de ce qu'il commandoit: ains la presence des Saincts personnages chassoit les malings esprits, en la louange d'vn seul Dieu. Et au temps de la primitiue Eglise on faisoit venir les Demoniaques en l'assemblee, and tout le peuple prioit Dieu, comme nous lisons en Sainct Iehan Chrysostome2, and en Sainct Clement3, qui baille vne tresbelle oraison, and en Theodore Lecteur4. Nous lisons que le Roy de Perse en la primitiue Eglise, commanda de chasser les Demons: on fit prieres en l'Eglise, and les Demons estoyent chassez. Et en Theodoret5 -notes- 2Lib. de incomprehensibils Dei nati uitate. 3Lib. 8. c.32. 4Lib. 2. 5Lib. 5. Page 413

nous lisons, que l'Euesque d'Apamee faisant sa priere à Dieu, la face touchant à terre chassa le Demon qui estoit au temple de Iupiter. C'est pourquoy la Loy de Dieu6 commande expreslément de raser les Temples ou les Payens faisoyent prieres à leurs images: à fin que le nom de Dieu ny fust souillé, ny contaminé, ny prié en sorte quelconque. Et en Sainct Augustin,6 and en Sozemene7 nous lisons qu'on ne failoit rien que prier Dieu pour chasler les Demons, sans familiarizer, ny plaisanter auec eux, and sans aucunement interroger Sathan, comme il est aduenu à quelques vns en Allemaigne: lesquels mesmes ont creu aux paroles de Sathan, and les autres ont executé ses mandemens, qui est vne detestable and damnable impieté. Sainct Denis en la Hierarchie, Theod. de Sacra synaxi, escriuent qu'en la primitiue Eglise, on ne bailla iamais Hostie aux Demoniaques. Et Sainct Hierosme en la vie de Sainct Hylarion, escript que vn ieune Sorcier ne pouuant gaigner le c ur d'vne ieune fille, ietta soubs sa porte vne lame de cuyure, où il y auoit quelques characteres grauez, and tost apres la fille fut assiegee du Demon, parlant comme furieuse: and disoit le Demon, qu'il ne sortiroit point du corps de la fille, qu'on n'eust osté ceste lame. Neantmoins Hilarion defendit qu'on l'ostast and par ces seules prieres sans Hostie, ny autres adiurations, ny aucuns interrogatoires faicts aux Diables chose qu'il auoit en horreur, deliura la fille. Iehan Vier8 recite qu'il a veu vne fille Demoniaque en Allemaigne: Et sur ce qu'vn certain exorciste l'interrogeoit, -notes- 6Deut.ca.12. 6Lib. 22. de Ciuitate. 7Lib. 6. ca. 28. 8Lib. 5. cap. 14. Page 414

Sathan respondit qu'il falloit que la fille allast en voyage à Marcodure ville d'Allemaigne, and que de trois pas l'vn elle s'agenouillast, puis qu'elle fist dire vne Messe sur l'Autel Saincte Anne, and qu'elle seroit deliuree, predisant le signal de sa deliurance à la sin de la Messe. Ce qui fut faict, and sur la fin de la Messe, elle and le Prestre veirent vn nuage blanc, and fut ainsi deliuree. Et l'an M. D. LIX. le XV III. Decembre au village de Loen au Comté de Iuilliers le Curé osa bien interroger le Diable, qui tenoit vne fille assiegee, si la Messe estoit bonne, and pourquoy il poussoit and contraignoit la fille d'aller sondain à la Messe quand on sonnoit la cloche: Sathan respondit qu'il vouloit y aduiser, c'estoit reuoquer en doute le fondement de sa Religion and en faire Iuge Sathan. Or Pylocrates1 parlant de ses beaux interrogatoires dict ainsi, Mali Dæmones faciunt sponte quod inuiti videntur facere, and simulant se coactos vi exorcismorum, quos fingunt in nomine Trinitatis, eósque tradunt hominibus, donec eos crimine sacrilegij and pæna damnationis inuoluant. Nous auons vn autre exemple de Philippe Wosolich Religieux de Coloigne en l'Abbaye de Knecten, lequel estant assiegé d'vn Demon l'an mil cinq cens cinquante: respondit à celuy qui l'interrogeoit qu'il estoit l'ame de Matthias Durense Abbé precedent: lequel n'auoit payé le peintre qui auoit peint si bien l'Image de la Vierge Marie, and que le Religieux ne pouuoit estre deliuré s'il n'alloit en voyage à Treues, and Aix la Chappelle: ce qui fut faict: and le Religieux ayant obey fust deliuré. L'histoire -notes- 1Lib.2.ca.14. Page 415

est imprimee à Coloigne. M. Berthelemy Faye President des Requestes en Parlement, escrit que Nicole Aubery natifue de Veruin priant sur la fosse de son ayeul, il se leua comme sortant de terre vn homme enuelopé de son drap, disant à la ieune femme qu'il estoit son ayeul, and que pour sortir des peines de Purgatoire, il failloit dire plusieurs Messes, and aller en voyage à nostre Dame de Liesse: Et apres auoir faict cela, il descouurist, and sembla estre l'ayeul d'icelle and continua de faire dire force Messes: and quand on cessoit de dire Messes, la ieune semme se trouuoit tourmentee: En fin que Sathan dist qu'il estoit Beelzebuth. Et d'autant que l'histoire est notoire à toute la France and mise en lumiere par M. Berthelemy de Faye President des Requestes, ie n'en diray autre chose. Mais il y en a vne autre plus recente, notoire aux Parisiens, and non imprimee qui est aduenuë en la ville de Paris en la ruë Sainct Honoré au Cheual rouge. Vn Passementier auoit retiré sa niepce chez luy voyant orpheline: vn ìour la fille priant sur la fosse de son pere à Sainct Geruais, Sathan se presenta à elle seule en forme d'homme grand and noir, luy prenant la main, and disant, m'amie, ne crain point, ton pere and ta mere sont bien: mais il faut dire quelques Messes, and aller en voyage à nostre Dame des Vertus, and ils iront droict en Paradis: Par ce que Sathan est fort soigneux du salut des hommes, la sille demande qui il estoit. Il respondit qu'il estoit Sathan, and qu'elle ne s'estonnast point. La fille sist ce qu'il luy estoit commandé. Celà faict, il luy Page 416

dist qu'il failloit aller en voyage à Sainct Iacques: Ie ne sçaurois dict-elle aller si loing. Depuis Sathan ne cessa iamais de l'importuner, parlant familierement à elle en faisant sa besongne lors qu'elle estoit seule, luy disant ces mots, tu es bien cruelle, elle ne voudroit pas mettre les sizeaux au sein pour l'amour de moy: ce qu'elle faisoit pour le contenter, and s'en depescher: mais cela faict, il demandoit qu'elle luy donnast quelque chose, iusques à luy demander de ses cheueux, elle luy en donne vn floquet: quelques fois il voulut luy persuader qu'elle se iestast en l'eau: and tantost qu'elle s'enstranglast, luy mettant la corde d'vn puis à l'entour du col voulant l'estrangler, si elle n'eust crié. Combien que son oncle voulant vn iour la reuancher fut si bien battu, qu'il demeura au lict malade plus de quinze iours. Vne autre fois Sathan la voulut forcer, and la cognoistre charnellement, and pour la resistence qu'elle fit, elle fut battue (02) iusques à effusion de sang. Entre plusieurs qui ont veu la fille, vn nommé Chaomy, Secretaire de l'Euesque de Valance, luy dist, qu'il n'y auoit plus beau moyen de chasser l'esprit, qu'en ne luy respondant rien de ce qu'il diroit, encores qu'il commandast de prier Dieu, ce qu'il ne faict iamais si ce n'est en le blasphemant, and le conioignant tousiours auec ses creatures par irrision. Et de faict Sathan voyant que la fille ne luy respondoit, and ne faisoit chose quelconque pour luy, il la print and la ietta contre terre, and depuis elle n'a rien veu. M. Amyot Euesque d'Auxerre, and le Curé de la fille n'y auoyent sçeu remedier. Ceste recepte Page 417

me semble fort bonne. Car comme il est dict au douziesme article de la determination de la Sorbonne contre les Sorciers, faicte l'an M. CCCXC VIII. Sathan commande des Ieusnes, Prieres, and Oraisons, and iusques à employer l'Hostie pour deceuoir les igno rans. I'en ay remarqué cy deuant vne Histoire de Pierre Mamor au liure des Sorciers, qu'il a composé il y a six vingts ans: où il escrit que Sathan se disoit l'ame d'vn defunct à Comfolem sur Vienne en la maison d'vn nommé Caplant l'an mil CCCCL VIII. qui gemissoit comme s'il eust souffert grand douleur, admonestant qu'on fist dire grand nombre de Messes, and qu'on fist des voyages, reuelant beaucoup de choses occultes and veritables: mais on luy dist, si tu veux qu'on te croye dy, Miserere mei Deus secundum magnam misericordiam tuam, ce qu'il ne voulut faire, and s'en fuyt en fremissant de despit qu'il auoit d'estre mocqué. Book 4 - Chapter 1 Page 418

DE L'INQVISITION DES SORCIERS. LIVRE QV ATRIESME. CHAPITRE PREMIER. Novs auons parlé des moyens de chasser les malings esprits: mais pour neant on les chasseroit si les Sorciers les rappellent. Car tousiours Sathan est aux escoutes pour venir quand on l'appelle: and bien souuent sans qu'on l'appelle. Nous auons declaré les moyens doux and medecines aysees à prendre qui est d'instruire le peuple en la Loy de Dieu, and de l'induire à son seruice. Et si tout cela ne peut retenir les meschans en la crainte de Dieu, ny destourner les Sorciers de leur vie detestable, il y faut äppliquer les cauteres and fers chaux, and couper les parties putrifiees: combien que à dire verité quelque punition qu'on ordonne contre eux à rostir, and brusler les Sorciers à petit feu, si est-ce que ceste peine là n'est pas à beaucoup pres si grande que celle que Sathan leur faict souffrir en ce monde, sans parler des peines eternelles qui leur sont preparees, car le feu ne peut durer vne heure voire demie, que les Sorciers ne soyent morts. Mais de tous les pechez Page 419

qui tirent leur peine apres eux, comme l'Auarice, l'Enuie, l'Yurognerie, la Paillardise, and autres semblables, il n'y a point qui punisse plus cruellement son homme, ny plus longuement que la Sorcellerie, qui se venge de l'ame and du corps: comme fist vn Milannois pour se venger de son ennemy, l'ayant en sa puissance, luy mist la dague sur la gorge, menassant de luy couper, s'il ne vouloit renier Dieu: Ce qui fut fait, and non content il luy fist renier Dieu de bon c ur, and repeter cela plusieurs fois. Celà faict il tue, disant: Voila ce venger du corps, and de l'ame: ainsi faict le Diable à ses subiets. Nous auons monstré que leur mestier ne les peut enrichir ny leur donner plaisir, honneur, ny sçauoir, ains seulement le moien de faire des meschan cetez, en quoy Sathan les employe: Et pour loyer en ce monde, il les contrainct de renoncer à Dieu, and se faict adorer and baizer le derriere en guise de Bouc, ou autre animal infect: and au lieu de reposer, il transporte ses esclaues la nuict pour y faire les ordures que nous auons deduict. Et par ainsi la peine de mort ordonnee cõtre les Sorciers, n'est pas pour les faire souffrir d'auantage qu'ils souffrent en les punissant, ains pour faire cesser l'ire de Dieu sur tout vn peuple, en partie aussi pour les amener à repentance and les guarir, ou pour le moins s'ils ne veulent s'amender, de les diminuer, and estõner les meschans, and cõseruer les esleuz. C'est dõcques chose bien fort salutaire à tout le corps d'vne Republique de rechercher dilige (02) ment, and punir seuerement les Sorciers: autrement il y a danger que le peuple ne lapide and Magistrats and Sorciers: comme il Page 420

est aduenu depuis vn an à Haguenone pres ceste ville de Laon, que deux Sorcieres qui auoient merité iustement la mort, furent condamnees, l'vne au foüet, l'autre à y assister: mais le peuple les print, and les lapida and chassa les officiers. Vne autre Sorciere fort diffamee de meurãt à Verigny, qui est morte au mois d'Auril dernier, qui receuoit les enfans, apres auoir esté accusee de plusieurs Sorcelleries fut absoulte: mais elle c'est si bien vengee, qu'elle a faict mourir des hommes and du bestail sans nombre, comme i'ay sçeu des habitans. Et me suis esmerueillé pourquoy plusieurs Princes ont institué des inquisitions, and decerné Commissaires extraordinaires, pour faire le procez aux larrons, aux financiers, aux vsuriers, aux guetteurs de chemins: and ont laissé les plus detestables and horribles meschancetez des Sorciers impunies. Vray est, que de route ancienneté, il c'est trouué des Princes Sorciers, ou qui se sont voulu seruir des Sorciers, par lesquels neãtmoins ils sont tousiours precipitez du haut lieu d'honneur au grouffre de toute misere and calamité. Car ils s'enquierent aux Sorciers s'ils auront victoire, Dieu les rend vaincus: s'ils demandent à Sathan qui sera leur successeur, Dieu faict leurs ennemis leurs successeurs: ils demandent aux Sorciers, s'ils gueriront de leurs maladies, Dieu les fait mourir, comme nous auons monstré par infinies histoires. En ceste sorre Dieu chastie les Princes Sorciers que les magistrats ne peuuent chastier. Quelquesfois aussi Dieu faict rebeller les subiets contre les Princes Sorciers, and ordinairement il les chastie par les Sorciers mesmes, d'autant que Sathan Page 421

and les Sorciers ioüent leurs mysteres la nuict, and que les marques des Sorciers sont cachees and couuertes, and que la veuë au doigt and à l' il ne s'en peut aysément faire l'inquisition, and la preuue en est difficile: qui est la chose qui plus empesche les Iuges de donner iugement ou tenir pour conuaincus les personnes d'vn crime si detestable, and qui tire apres soy toutes les meschancetez qu'on peut imaginer, comme nous auons monstré cy dessus. Il faut doncques en tel cas ou les crimes si execrables se font si couuertement, qu'on ne les peut descouurir par gens de bien, les auerer par les complices and coulpables de mesme faict, ainsi que on faict aux volleurs, and n'en faut qu'vn pour en accuser vne infinité. Cela fut verifié soubs le Roy Charles neufiesme lors que Des-eschelles se voyant conuaincu de plusieurs actes impossibles à la puissance humaine, and ne pouuant donner raison apparente de ce qu'il faisoit, confessa que tout celà ce faisoit à l'ayde de Sathan: and supplia le Roy luy pardonner, and qu'il en defereroit vne infinité. Le Roy luy dõna grace à la charge de reueler ses compaignons and complices. Ce qu'il fist: Et en nomma grand nombre par nom and surnom qu'il cognoissoit, and quant aux autres qu'il auoit veu aux Sabbaths, and qu'il ne cognoissoit que de veuë pour les recognoistre il se faisoit mener aux assemblees publiques and faisoit regarder l'espaule, ou autre partie du corps humain de ceux qui en estoyent, ou l'on trouuoit la marque, and cognoissoit aussi entre deux yeux ceux qui n'estoyent point marquez, desquels le Diable s'asseuroit, and luy estoyent plus Page 422

loyaux sujets. Et toutesfois la poursuitte and delation fust supprimee, soit par faueur ou concussion, ou pour couurir la honte de quelques vns qui estoient, peut estre de la partie, and qu'on n'eust iamais pensé: soit pour le nombre qui se trouua, ou que la preuue ne sembloit pas assez claire, and le delateur eschappa. Au cas pareil quand l'aueugle des Quinze Vingts fust pendu à Paris auec quelques vns de ses complices, il s'en trouua pres de cent cinquante deferez: mais ceux qui furent pendus furent cõuaincus d'auoir plusieurs fois vsé de l'Hostie consacree en leurs Sorcellerie. Depuis peu à peu on a ouuert les yeux, and mesmement depuis la mort du Roy Charles neusiesme: les Iuges ne ont plus faict les difficultez que on faisoit soubs le regne de Charle neufiesme, and que iamais on n'auoit fait au parauant le Roy Henry second. De quoy s'est plaint en ses uures M. Berthelemy Faye, President des Requestes. Or il y a plusieurs moyens de proceder à la punition des Sorciers: soit par les Iuges ordinaires, soit par Commissaires. Car outre les Iuges ordinaires, il est besoing d'establir Commissaires à ceste fin, pour le moins vn ou deux en chacun gouuernement. Mais ie n'entens pas pour celà que la cognoissance soit ostee aux Iuges ordinaires d'en cognoistre, soit par preuention ou concurrence, à fin que les vns prestent la main aux autres à vn uure si Saincte. Anciennement les Iuges d'Eglise en auoyent la cognoissance priuatiuement aux Iuges lays. Et s'en trouue arrest du Parlement rendu à la poursuitte de l'Euesque de Paris mil deux cens octante deux. Comme il se Page 423

voit encores en Italie, and en Espaigne: and en France le Iuge Ecclesiastique, and le Iuge lay conioinctement faisoyent le procez comme celuy de Gilles de Raiz, Mareschal de France, fut faict par Pierre de l'Hospital and l'Euesque de Nantes, and fut ledict Mareschal executé à mort le XXV. Decembre M. CCCCXL. estant conuaincu de plusieurs Sortileges cinquante ans auparauant. La congnoissance fust attribuee aux Iuges lays, priuatiuement aux gens d'Eglise par arrest de Parlement l'an mil trois cens nonante, qui fut sainctement ordonné, par ce que les gens d'Eglise qui ne ont puissance de condamner à mort n'y a peine de sang n'vsoyent que de peines legeres. C'est suiuant l'opinion d'Alexandre de Hæretic. C. Accusatus lib. 6. and Oldrad. Consil. 210. car les Ecclesiastiques ne prenoie (02) t cognoissance des Sorciers sinon en qualité d'Heretiques, qui estoyent lors de la cognoissance Ecclesiastique priuatiuement aux Iuges lays: Mais d'autant que les Sorciers sont conuaincuz d'homicides, and de mille meschancetez qui passent les termes de la simple heresie il estoit bien necessaire que la Iurisdiction seculiere, y mit la main. Mais depuis Poulallier Preuost des Mareschaux de Laon, ayant prins plusieurs Sorciers, voulant attirer cela à sa cognoissance, en fut debouté par arrest de la Cour. C'estoit alors que Sathan sist si bien, qu'on auoit opinion que ce n'estoit que fable tout ce qu'on en dict. Et à fin que les Iuges n'attendent pas qu'on en face plaincte ou que les Procureurs du Roy se reueillent, ils doiuent de leur office2 faire informer des suspects, qui est la plus secrette -notes- 2Bart.in l. 2. §. si publice de adultlnublum detestib.l. si quis in boc de Episc. and Clericis. C. Page 424

voye, and peut estre la plus seure. Mais d'autant que les vns craignent, and les autres ne veulent pas s'ingerer d'en faire eux mesmes la recherche, il est bien besoing que les Procureurs du Roy, and substituts se facent parties: qui est le second moyen: Car c'est propreme (02) t leur charge de vacquer sur tout and songner à la poursuitte des forfaicts. Et d'autant que les Procureurs du Roy sont bien souuent plus negligens en leur charge que les Iuges, il est expedient que chacun soit receu accusateur en ce crime, le Procureur du Roy ioint: and s'il ne se veut ioindre, qu'il soit permis neantmoins aux particuliers d'accuser pour la vindicte publique de ce crime, and sans s'arrester, s'il y va de l'interest particulier, ou non, comme il est requis en ce Royaume en touts autres crimes, pourueu qu'en ce cas on y garde les solemnitez requises de droict commun portees en la Loy, qui accusare, de publicis iudicüs. ff. qui est la troisiesme forme de proceder qu'on pourra tenir. La quatriesme se fera par delations sans que les Procureurs du Roy soyent contraints de nommer les delateurs, si la calomnie n'est bien euidente: and que l'accusé soit absouls à pur, and à plein, suyuant l'Edict de Moulins, and non pas si le prisonnier est eslargy quousque, ou qu'il soit dict qu'il en sera plus amplement enquis. Comme il se doibt faire s'il y a indices, ou presomption. Et d'autant que ceste peste de Sorciers est plus ordinaire aux villages and aux faux bourgs des villes, que dedans les villes, and que les pauures simples gens craignent les Sorciers plus que Dieu, ny tous les Magistrats, and n'osent se porter pour accusateurs, Page 425

ny pour delateurs, il est necessaire de mettre en vsage en la recherche de ce crime si detestable la coustume loüable de Escosse, practiquee à Milan, qu'on appelle Indict, c'est asçauoir qu'il y ayt vn tronc en l'Eglise, où il sera loysible à vn chascun de mettre dedans vn billet de papier, le nom du Sorcier, le cas par luy commis, le lieu, le temps, les tesmoings: Et que le tronc en presence du Iuge, and du Procureur du Roy, ou Fiscal, qui auront chacun vne clef du tronc, fermant à deux serrures, sera ouuert tous les quinze iours, pour informer secrettement contre ceux qui seront nommez: qui est la cinquiesme and la plus seure forme de proceder. Et en quelque sorte que ce soit ne publier iamais le nom des accusateurs and delateurs, ny des tesmoings si faire se peut, comme il est dict au chap. statuta. de Hæret. lib. 6. pour les inconueniens qui en aduiennent quand les preuenuz eschappent. La sixiesme se doibt faire par monitoires, qui est vne voye bien necessaire pour contraindre ceux qui n'osent, ou qui ne veulent accuser, ny deferer, ny se plaindre. La septiesme sera de receuoir les complices accusateurs de mesmes crimes contre les autres, and promettre impunité à l'accusateur, and luy tenir promesse, pourueu qu'il se repente and renonce à Sathan. C'est l'opinion de Iehan2 Durand des plus grands Iurisconsultes de son aage, au tiltre de accusat. qui est d'aduis que ce priuilege doibt estre donné au complice des Sorciers. Iaçoit que de droict commun les confors ne sont pas receuables accusateurs: encores que la Loy Tullia, de ambitu, donnast mesmes prerogatiues -notes- 2In specul. Page 426

aux competiteurs de conuaincre l'vn l'autre au crime de corruption, pour paruenir aux Estats: and pour loyer le vainqueur auoit impunité, and emportoit l'Estat de son competiteur. Et encores que le Sorcier soit preuenu au parauant que d'accuser, si est-ce qu'il faut tousiours promettre impunité, and diminuer la peine de ceux qui confesseront sans torture, and qui accuseront leurs cõsorts, qui est vn moyen bien seur pour paruenir à la cognoissance des autres. Car il est bien certain qu'il ny a que la crainte de la mort, qui empesche de confesler la verité, and au suiect qui se presente il fut cogneu quand le Roy Charles neufiesme eust donné la grace à Des-eschelles condamné à la mort, comme Sorcier à la charge qu'il accuseroit ses complices. Il en descouurit vne insinité, comme i'ay dict cy dessus. Et cy par ce moyen on n'y peut paruenir, il faut prendre les ieunes filles des Sorciers. Car le plus souuent il c'est trouué, qu'elles estoient instruites par leurs meres, and menees aux assemblees: and en l'aage tendre elles seront aysees à persuader and redresser auec promesses d'impunité, que l'aage, and l'induction des meres doibt impetrer. Alors elles nommerent les personnes, le remps, le lieu d'aller aux assemblees, and ce qu'on y faict. Par ce moyen Bonin Bailly de Chasteau-Roux sçeut tout ce qui se faisoit par vne ieune fille, que la mere auoit seduicte. Et celles de Longny en Potez, dont nous auons faict mention cy dessus, furent descounertes par vne ieune fille: and si elles craignent dire la verité deuant plusieurs personnes, il faut que le Iuge face cacher deux ou trois Page 427

personnes derriere vne tapisserie, and ouyr les depositions sans escrire: puis faire reiterer les confessions and les escrire. Et d'autant que les Iuges qui iamais n'ont fait le procés aux Sorcieres, ou qui n'en ont point veu, ou qui ne sçauent leur suiet, si trouueront empeschez: il faut premierement, and le plustost que faire se pourra, commencer à interroguer la Sorciere, and si cela est tres-vtile en tous crimes: il est necessaire en cestui-cy: Car il s'est veu tousiours, que si tost que la Sorciere est prise, aussi tost elle sent que Sathan l'a delaissee, and comme toute effrayee, elle confesse alors volontairement ce que la force, and la question ne sçauroie (02) t arracher: cõme il aduint d'vne Sorciere de Geneue laquelle estant prise, aussi tost fut esperdue, se lamentant que son cõpagnon la delaissoit, and qu'elle seule disoit voir: and vne autre de Tenailhes: and alors l'interroger de cest estonnement, and l'asseurer de la peine disant la verité, mais si on la laisse en prison quelque temps, il n'y-a doubte, que Sathan ne luy donne instruction. Il faut donc commencer par choses legeres, and dignes de risee, comme des tours de passe-passe, and sans Greffier, and dissimuler l'enuie qu'on a d'estre de la partie, qui est la chose que plus volontiers elles oye (02) t, and peu à peu s'enquerir si leur pere and mere ont esté du mestier. Comme ie fus d'aduis qu'on s'enquist diligemment de la mere de Ieanne Haruillier, de laquelle nous auous parlé cy deuant. On enuoya à Verbery expressément, pays de sa naissance, and il se trouua qu'elle auoit esté condamnee d'estre bruslee plus de trente ans auparauant, and Ieanne Heruillier sa fille, lors bicn fort Page 428

icune, condamnee au foüet. Caril n'y-a rien plus ordinaire que les meres seduisent leurs filles, and les dedient à Sathan: and souuent si tost qu'elles sont nees. Et de fait la sille de Ieanne Haruillier, voyant sa mere prisonniere, s'enfuit, and depuis on sçeust qu'elle en estoit: aussi and les filles de Barbe Doré, qui fut executee par arrest (cõme nous auons dict) aussi tost que leur mere fut prise pour les Sorcelleries, s'enfuirent, sans estre accusees ny recherchees, and depuis l'vn des Sorciers familier amy de ladicte Doré, deposa que toute la race en estoit. Le second poinct doibt estre, à sçauoir de quel pays estla Sorciere, and si elle a point chãgé de pays: Caril se trouue ordinairement que les Sorcieres changent de place en place, and d'vn village en autre, si les biens ne les retiennent en vn lieu. Ce qu'elles font craignãt estre aecusees, quand elles se voyent descouuertes, and sçauoir l'occasiõ pourquoy elles ont changé de lieu, and pre (02) dre garde soigneuseme (02) t à leur visage: car telles gens n'oseroient regarder les personnes entre deux yeux, and n'oublicr rien au procés de leur façon, contenances and propos. Oril a esté experimenté que les Sorcieres ne pleurent iamais, qui est vne presomption bien grãde, d'autant que les femmes iettent larmes and souspirs à propos and sans propos. Mais Paul Grilland, and Spranger Inquisiteurs disent qu'ils n'ont iamais sçeu faire pleurer vn seul Sorcicr: and faut aussi prendre garde de pres aux variations, and reiterer plusieursfois vn mesme interrogatoire par interualles sçauoir pourquoy elles sõt ainsi redoutees, pourquoyapres auoir menassé, tel outel est Page 429

tõbé mort ou malade, voir la cõtenãce, and tout escrire: and mesmes l'interroger si elle cognoist point de Sorciere and de quelle qualité ils sont, and ce qu'ils font: and si elle, en a iamais ouy parler, à qui, quand, and comment: and que les confessions volontaires que feront les Sorciers soient en presence de trois ou quatre personnes, and rechercher dilige (02) ment tous les endroits de la maison si on trouuera point de crapaut, mesmement habillez de liuree, ou en pots, ou des os d'enfant, ou des gresses and poudres puantes, and autres choses semblables, dont les Sorcieres sont ordinairement pourueuës. Mais il faut, s'il est possible, faire interrogatoires de toutes les charges sans discontinuer, à fin que Sathan ne les destourne de dire la verité: and pour ceste cause Danneau dict tresbien en son petit Dialogue, qu'il ne faut iamais laisser la Sorciere seule quãd elle est prisonniere: par ce que, dit-il, elle parle au diable qui la destourne de dire la verité, ou la fait departir de ce qu'elle a confessé, and tousiours luy promet qu'elle ne mourra point, dont ils aduiennent plusieurs inconueniens. Car il s'en est trouué qui pensoient voller, estant dedans la prison, comme ils faisoyent hors la prison, and se rompoient le col. I'ay sçeu de Maistre Adam Martin, Procureur en ceste ville de Laon, que la Sorciere de Bieure qu'il iugea, and fist executer à mort, luy dist qu'elle estoit cõdamnee à mourir, and qu'elle seroit bruslce toute vifue, cõbien que pas vn ne luy auoit dict horsmis Sathã. Marguerite Pajot, excutee à Tõnerre, sçeut de Sathã, Page 430

tout ce qu'vn homme malade and ensorcelé auoit dict à son voisin: en cores qu'il ny eust homme viuãt qui luy eust r'apporté. C'est pourquoy les Iuges doiuent pre (02) dre garde, faisant tels procez de parler peu, and tromper le Diable qui est tousiours aux escoutes. Et ce qui plus estonna les luges fut qu'ils l'auoient condãnee d'estre estranglee and puis bruslee, and neantmoins le bourreau n'ayant peu bien executer le mandeme (02) t, la fist brusler toute viue. Il y en a d'autres ausquelles Sathan promet qu'elles seront bien-heureuses apres ceste vie, qui empeschent qu'elles ne se repentent, and meure (02) t obstinees en leur meschanceté. Et si le Sorcier confesse la verité, il est en danger d'estre tué, ou bien bastu par Sathã, s'il ne prie Dieu de bon c ur. I'en mettray vn exemple du procés fait à Iourdain Faure, natif de Dauphiné, Abbé de S. Ieã d'Angely, lequel empoisonna Charles de Frãce frere de Loys XI. and la Cõtesse de Mõtsoreau, en leur baillãt à chacu (05) la moitié d'vne pesche: où il nyauoit au cune apare (02) ce de poizõ: mais l'Abbé qui est oit Sorcier, les fist mourir par malesice aiãt charge d'vn grãd prince: cercha l'occasion lors qu'ils auroie (02) t adulterezl'vn auec l'autre. Estant prisonnier à Nãtes, il confessa tout pour euiter à la torture. Cela fait, le Geolier aduertit les Iuges qu'il estoit impossible de pl9 demourer en la prifõ pour les figures espoue (02) tables qu'õ y voioit, and lescris lame (02) tables qu'õ oy oit: mais il ne peut estre si tost iugé qu'vne nuict entre autres, il ne se leuast vn orage, auec tonnerre, and foudres, and le prison nier fut trouué roide mort, enslé, and la lãgue tiree, noir cõme vn charbon: le procés est rapporté par le Seigneur d'Arge (02) tré li.xij.ch. Page 431

423, de l'histoire de Bretagne. Les autres qui se tuent estant ia condamnees, cõme il est souuent aduenu: les autres qui se dedisent de ce qu'elles ont confessé en la torture, and mette (02) t les iuges en telle perplexité, que par faute de preuue suffisante, ils font contrains leur faire ouuerture des prisons. Mais celuy qui a confessé les meschãcetez sans torture s'il se desdit, doit neátmoins estre condamné si la confession est ay dee d'autres presomptions and indices. Et d'autant que les Sorciers exercent leur meschanceté sur leurs ennemis, il faut dilige (02) ments' en querir, si celle qu'on presume tuee ou ensorcelee à eu inimitié contre la Sorciere, qui en est suspecte, and interroger diligemment la Sorciere sur chacun point d'inimitié. Il faut aussi pour tirer la verité de celles qui sont accusees ou soupçonnees, que les iuges facent contenance d'auoir pitié d'elles, and leur dire que ce n'est pas elles, ains le diable, qui les a forcees and contraintes de faire mourir les personnes. Et pour ceste cause qu'elles en sont innocentes. Et si on voit que les Sorciers ne confessent rien, il faut leur faire changer d'habits and leur faire razer tout le poil, and alors les interroger. Et s'il y a demy preuue ou de violentes presomptions, il faut appliquer la torture. Car tous sont d'accord, que les Sorciers portent des drogues de taciturnité, combien que c'est le diable qui les conforte, and les asseure: and neantmoinsay ant perdu la drogue, ils ont opinon qu'ils ne pourront iamais soustenir la question, qui faict que bien souuentils disent la verité fans question, comme i'ay leu de l'In quisiteur Cumanus, qu'il fist brusler quarante and vne Sorciere au territoire Page 432

Varniser sur les marches de Milan, l'ã mil quatre cens octante and cinq, qui confesserent toutes sans que stion, apres qu'on les eut faict razer and changer d'habits: ce que fist Domitian l'Empereur au Sorcier Apolonius de Thianee, qu'il fist despouiller tout nud and razer ainsi que nous lisons en Philostrate Lemnien: car Spranger inquisiteur escrit, si le Sorcier à sur luy le sort de silence, qu'il ne sentira douleur quelconque en la question, and ne confessera iamais la verité. A quoy se raporte ce qu'escrit Gregoire Archeuesque de Tours, que Mummo grand Preuost de l'Ostel, duquel nous auons parlécy deuant, lors qu'il estoit à la question, enuoya dire au Roy Childebert qu'il ne sentoit douleurs quelconques. Alors le Roy le fist estendre auec poulies and le tirer de telle force, que les bourreaux estoyentlas, encores qu'on luy mist des pointes entre les ongles and la chair des pieds, and des mains: qui est la plus excellente gehenne de toutes les autres, and pratiquee en Turquie. I'excepteray la gehenne deFlorence qui al'empeschement de dormir: car on attache l'accusé, comme ceux à qui on donne l'estrapade, and on le faict soir sur vne chere en pendant, sur laquelle il se peut reposer, tant qu'il peut veiller: mais si tost qu'il dort il tombe, and se trouue pendu par les deux poings derriere à vne corde qui leur cause la douleur qu'ils ne peuuent dormir aussi tost ils se remette (02) t surla chaire, en fin ils disent tout. Car les membres ne sont point rõpus, and sans peine ny trauail on tire bie (02) tost la verité. Paul Grilland au traicté de question, quæstione quarta, numero decimoquarto, and Hypolite de Marsil escriuent Page 433

que souuent on atrouué le sort de taciturnité entre les cheueux des Sorciers, qui sembloient alors qu'on les gehennoit qu'ils fussent endormis sans douleur, tellement que Paul Grilland en ayant veu plusieurs, fust aduerty qu'il failloit dire Domine labia mea aperies, and c. and qu'on sent alorsla douleur, and qu'on dict la verité, ce que ie ne voudrois pas faire, ny cercher la verité par charmes de paroles: mais il faut deuãt qu'appliquer à la question faire contenance, de preparer des instrumens en nombre, and des cordes en quantité, and des seruiteurs pour les gehenner, and les tenir quelque temps en ceste frayeur and langueur. Il est aussi expedient auparauant que faire entrer l'accusé en la chambre de la question, de faire crier quelqu'vn d'vn cry espouuãtable, comme s'il estoit gehenné and qu'on die à l'accusé que c'est la question qu'on donne, l'estonner par ce moyen and arracher la verité. I'ay veu vn iuge qui monstroitle visage si atroce, and la voix si terrible, menassant de faire prendre si on ne diroit la verité, que par ce moyen ils se confessoyent soudain, comme ayant perdu tout courage. C'est expedie (02) t est bon enuers les personnes eraintifues and non pas aux impude (02) s. Il faut aussi mettre des espions accords and bien entendus, qui se disent prisonniers pour cas semblable que le Sorcier accusé, and par ce moyen tirer sa confession. Et s'il ne veut rien dire, il luy faut faire croire que ses compaignons prisonniers l'ont accusé, encores qu'ils n'y aye (02) t pensé: and alors pour se venger il rendra, peut estre, la paroille. Tout cela est licite de droit Diuin and humain, Page 434

quoy que sainct Augustin au liure de Mendacio, and Thomas d'Aquin soyent d'aduis qu'il ne faut iamais mentir de huict sortes de mensonges, qu'ils mettent bien au long2 mais les iuges ne suyuent pas ces resolutions. 3 Aussi voit on que les sages femmes d'Egypte and l'hostesse Rachab receure (02) t loyer de Dieu pour auoir menti. Et tel merite d'estre pendu, qui dict la verité: comme si on cele vn homme innocent: au meurtrier qui s'en quiert de celuy qui le cherche. Aussi la solutiõ des Canonistes, qui disent, qu'Abraham ne conseilloit pas à sa femme de mentir, pour empescher qu'Abrahã ne fust tué: mais qu'il vouloit que Sara ne dist pas la verité, est bien friuole. Car mentiri est contra mentem ire, comme disoit Nigidius Figulus, and celuy qui dict autrement, qu'il ne pense, il est bien certain, qu'il ment, comme fist Abraham, Isaac, Sara, and autres infinis: Il faut donc confesser par necessité que c'est chose vertueuse, louable and necessaire de mentir pour sauuer la vie à l'innocent, and damnable de dire la verité pour le faire assassiner. C'est pourquoy Platon, and Xenophon ont permis aux magistrats de mentir pour gouuerner vn peuple ainsi qu'on faict aux malades, and aux petits enfans. Ainsi faut il faire en iustice pour auoir la verité des meschancetez cachees: Or de toutes les meschancetez du monde, il n'y en a point de plus signalee ny plus detestable que celle des Sorciers, comme nous auons monstré cy dessus. Disons donc des preuues requises pour auerer telles meschancetez. -notes- 2ca.omne gemus and si quis ad te dist. 22. q.2. and c. que ritur.eod. 3Can. vtilem q.22.q.2. Book 4 - Chapter 2 Page 435

Des preuues requises pour auerer le crime de Sorcelerie. CHAP. II. ENTRE les preuues sur lesquelles on peut asseoir iugement, il y en a trois qu'on peut dire necessaires and indubitables. La premiere est, de la verité du faict notoire, and permanent. La seconde de la confession volõtaire, and faite en iugement de celuy qui est preuenu and attainct du fait. La troisiesme de la deposition de plusieurs tesmoins sans reproche. Quant à la preuue de la renommee publique, de la confession forcee, des presomptions de droit, ou autres semblables, on peut dire que ce sont presomptions plus grandes les vnes que les autres, and non pas preuues indubitables. Quant à la verité du fait notoire and permanant, c'est la preuue2 la plus claire. Il y a notorieté de faict: notorieté de droict: and notorieté de presomption violente: mais proprement il n'y a que la notorieté du faict permanant: la quelle notorieté est plus forte, que tous les tesmoins du mõde, voires mesmes que les confessions volontaires des accusez: comme si on produict au iuge cinquante tesmoings, qui tous d'vn consentement testisient que Pierre est mort and ensorcelé, par le faict de celuy qui est accusé de l'homicide, and neantmoins qu'il se trouue plein de vie deuant le iuge. Alors lè iuge ne doit auoir aucun esgard aux tesmoings, ny à leur depositions, encores qu'ils ne soyent reprochez, and que -notes- 2Bald.in l. Deo nobis de Epi. and Clericis. C.coll.3. per ce quod au tem 27.q. and Innoc.in c. proposuisti de probat. Page 436

l'accusé s'en fut rapporté à leur dire. Carils sont reprochables de droict, lequel droict doit estre supplee par le Iuge. Aussi est telle preuue plus forte que la confession mesmes volontaire and iudiciaire, de l'accusé: comme nous en auons exemple en Valere Maxime au liure huictiesme, qu'vn esclaue fut executé à mort sur la confession volontaire, qu'il fist d'auoir tué vn homme, qui estoit absent, qui depuis se trouua plein de vie. C'est pour quoy Pison le Consul fut blasmé d'vne cruauté notable soubs ombre de seuerité militaire. Car comme vn soldat fut retourné au camp sans son compaignon, Pison le condamna à la mort, comme ayant tué son compaignon. Le soldat remonstre qu'il venoit apres luy: Nonobstant cela le Proconsul commande à vn Centenier qu'il execute à mort le condamné. Sur le poinct qu'il estoit d'estre executé, l'autre compaignon se presente plein de vie. Alors le C'entenier tient l'execution en surseance, and represente les deux soldats au Proconsul, lequel irrité ou depit d'auoir si temeraireme (02) t condamné vn homme à mourir, il fist executer à mort le Centenier pour n'auoir obey, and le soldat condamné, par ce qu'il estoit cõdamné, and le troisiesme pour ce qu'il estoit cause de la mort des deux auttes: tellement que trois hommes furent condamnez and executez à mort pour l'innocence d'vn. L'histoire est en Seneque.3 Il faut donc s'arrester à la verité du faict permanent, quele iuge void ou cognoist, ou tousche, ou perçoit, ou cognoist par l'vn des cinq cens,1 laquelle preuue n'est iamais2 excluse ny par edits, ny par sentence, ny par -notes- 3In li. de ira. 1l. Si trrupto. §. ad ossi. ium fintum regun dor.im.ff.Bal. in l. 1 Si aduersuslibertatem, and in l. penuls sine de peric.tutor.C. 2Bald. in l. contrs negantem, allegem Aquil.C. and in rubrica de proba.C. bar batia in cap. euidentia, de accusat.excu. and in c. 1 de officia ordinarij. and Consi. 7. lib. col. 4. Alex.in l. eil q'il §. vlt.col. pen.de tureiu. Et cons. 116. lib.1. et cons. 186.coll.4.li. 2. et cons. 37. col.4.li.4.et concil.63. col. pen.li.4. Cur si s senior in repet.l.admonendi, col.89. de iureiur Ca rol.Ruinus cõ si.138. Page 437

coustumes. Et iaçoit qu'apres publication d'enqueste, on ne soit receu à faire preuue, si est-ce que la preuue est receue, qui est fondee sur vn faict permanent, co (04) metiennent les docteurs.3 Et si par edict, ou par coustume il estoit defendu receuoir aucune exception, si est ce que l'exception d'vn faict euident est tousiours receuable and ne se peut reietter, 4 A plus forte raison en matiere de crimes, ou il n'y a iamais for clusion de preuues, l'euidence du fait est tousiours receuable. Et par ainsi quand les poisons and Sortileges sont trouuez sur la Sorciere, qui en est saisie, ou en son cabinet, ou coffre, ou qu'on la trouue fouyr sous l'essueil d'vne estable, and que la se trouuent les poissons qu'on luy a veu mettre, and le bestail mourir, on peut dire au cas qui s'offre que c'est vn faict euident and permanent: Si on trouue celle quiest accusee d'estre Sor ciere saisie de crapaux, d'hosties, de me (02) bres humains, d'images de cire transpercees d'aiguilles au crime qui s'offre, sont faicts permanens: en cas pareil, si on trouue la Sorciere ou suspecte d'estre telle tuant vn enfant, comme il est aduenu és C uures le second iour de Feurier mil cinq cens septante and sept, qu'vne Sorciere non furieuse coupa la gorge à deux filles, and fut surprise sur le faict par la iustice. On peut dire que c'est vn faict euident, pour la conuaincre, ores qu'elle n'eust confessé (comme elle fist) que le diable luy fist faire, attendu qu'elle n'estoit poinct furieuse. Elle s'appelloit Catherine d'Aree: car il ny arie (02) plus ordinaire aux Sorcieres que de meurtrir les enfans: si on void que la Sorciere menasse son ennemy -notes- 3Eald. in l si quis testib. ad fin. and ibtde (02) . Saltcetus col. vlt. de testib. c.Rom.in rep. l si vero §. de vtro solu. ma. ff. Stephanis Bertrandi cõs. 337. de arbit. col. 9. Alex. cons.63. li. 3. Iason con. 21. col.2.lib. 1. 4Comme dit laglo in l.1.§. hoc inter lictu (05) verbo imperfectum, de tabulisez hibe (02) dis ff.et. Bal en la loy, ex prædiis de euiction. C. Page 438

estant sain and dispos: ou qu'elle tousche, and qu'à l'instãt il tombe mort, ou qu'il deuienne ladre, ou qu'il deuienne soudain contrefait, ou estropiat, ou frappé de maladie soudaine, comme nous auons monstré par plusieurs exemples mesmement de Marguerite Paiot, bruslce à Tonnerre qui soudain par l'attoucheme (02) t de sa baguetterendoit les hommes estropiats ou les guerissoit: c'est vn faict euident, and permanent, and si d'ailleurs le bruit est qu'elle est Sorciere. Si le iuge void que la Sorciere oste le sortilege and charme par prieres faictes au diable l'appellant à claire voix, c'est vn fait notoire de notorieté de fait au iuge, and autres, si cela c'est faict en presence des iuges, qui doiuent proceder en ce cas à la condemnation de mort. Et si cela c'est faict en l'absence du iuge presens tesmoins, il faut proceder par recolemens, and confrontations, si le faict est denié. Si on trouue l'obligation and paction mutuelle du Sorcier auec le Diable signee de luy en son coffre, comme i'en ay remar qué cy dessus, c'est vn faict permanent, si le seing du Sorcier est par luy recogneu. C'est doncques la preuue la plus claire and la plus forte qui met4 en veue la verité qu'on cerche des choses sensibles. Aussi peut on mettre pour exemple d'vn faict euident, si la Sorciere par le au diable, and que le diable ores qu'il soit inuisible luy responde, comme i'ay veu en Angleterre vn grand Seigneur, deuant que deuiner, parler au diable tournant le visage, and puis rapporter ce qu'on luy demandoit. Car l'ouie n'est pas moins ains beaucoup pl9 certaine que la veuë, and d'autãt plus certaine [quae] (16) l'ouye peut estre -notes- 4l.si rupto.§ ad officiu finium regu (05) dorum. ff.Eal.in l.si quis testib. de testi.C. and in l.1. si aduer sus liber. Azo in summa ad l. Aquil. C. Alexand. in l. Aquil. §. vlt.coll.penul. de iureiurãdo. Et consil. 116. lib. and Consi. 186. li.et Cõsil. 35. li.4.et Consil.29.lib. 9Carolus Rumus consil. 138.li. Page 439

moins abusee que la veuë, qui s'abuse souuent. C'est aussi vn faict euident si la Sorciere en vn instãt se trouue absente de son lict, and de sa maison, les huis fermez, s'estant couchee le soir mesme au lict, and qu'apres elle se trouue en son lit, cõme nous en auons mõstré assez d'exemples cy deuant en tous ces cas, and autres semblables de faicts euidents, apparoissans aux Iuges, ils peuuent asseoir iugement de condemnation, selon la diuersité des faits comme nous dirons cy apres. Or que la Sorciere ne voulust rie (02) cõfesser, à plus forte raison si auec le fait euident, la confession du Sorcier est concurrente, and encores plus s'il y-a tesmoins sans reproche. C'est aussi vne preuue euidente and trescertaine, sile Sorcier fascine ou esbouit les yeux, ou charme de pa roles, ce que la loy de Dieu a bien expressement remarqué quand elle dit, Celle qui esbouist les yeux, soit mis à mort, vsant du propre terme Hebrieu Mescaphat. Car la loy de Dieu2 a determiné ceste preuue comme trescertaine and sussisante pour conuaincre le Sorcier d'auoir paction expresse auec Sathan, and par mesme moyen celuy qui charme les hommes, ou les bestes, ou les fruicts comme celuy qui monte en l'air, qui fait parler vn chien, qui couppe les mebres, and fait sortir le sang, and puis r'assemble les membres, c'est vne preuue cuidente and trescertaine qu'il est Sorcier. Et pour ceste cause les Sorciers sont appellez fascinateurs, and les Sorcieres en Auuergne s'appellent fascinaires, qui faschinent, ou charme (02) t les yeux, and font voir choses contre le cours ordinaire de nature: car combie (02) que Pomponianus -notes- 2Exod. c. 226. Page 440

Atheiste, Auicenne liur.4.chap.dernier, and Algazel liu. 5. Phy si. chap.9.ont voulu faire à croire que les charmes de fasemations se peuuent faire naturellement, si est-ce que tous les Theologiens tiennent le contraire, mesmeme (02) t S. Augustin, li.3.de Trini. aussi seroit-ce dementir la loy de Dieu. Le second moyen de preuue claire and certaine est, s'il y a plusieurs tesmoins sans reproche, qui depose (02) t des choses sensibles par les sentimens, and de choses insensibles par discours and raisons certaines. Car l'euide (02) ce d'vn fait notoire doit apparoir aux Iuges, and autres presens, and ne suffist2 d'apparoir au Iuge, ou autres seuleme (02) t: and la preuue des tesmoins sans reproche des actions transitoires, n'est pas notoire de fait permanent, cõme si les tesmoins r'apporte (02) t auoir veu la Sorciere faire vn ou plusieurs actes de Necromantie, ou inuoquer Sathan, ou s'estre absentee inuisibleme (02) t, and pour retourner les huys clos, sont actions transitoires, and ausquelles les Iuges ne peuuent pas souuent assister.G1 Et d'autãt plus la preuue est forte, si les resmoins depose (02) t de plusieurs actes, and qu'ils s'accordent du temps, du lieu, des personnes and autres circonstáces, que les Docteurs appellent Contestes, and plus encores si la Sorciere en presence du Iuge and autres, fait quelque inuocation à Sathã: c'est notorieté de fait, and telle preuue est des plus fortes pour estre procedé à la condamnation4. Et si la confession de l'accusee est cõcurre (02) te auec la deposition des tesmoins, la preuue est encores beaucoup plus certaine5: and neantmoins elle ne laisse d'estre bien certaine sans la confession des actes que i'ay remarquez ou semblables: car il ne suffiroit -notes- 2l. rescripto. § si quis ac cusatore (02) , de muneribus and bonorib. ff. G13. Ballan l su per. col. 5. de bonorum possessionib. Inno. in ca.qualiter le accusat. Decius in l. que extrinsecus, de ver bo. obligat. ff. Alexand.cõ sil. 47. lib.2. nu.6.Corneus cõsi.149.li. 2. 4.2.q1.c.prohibeniur, cap. peruenit, cap. consuluit, cap. eum specialt de appel. 5l.qui senten. de p nis.C. Page 441

pas que plusieurs tesmoins depossasent quelque temps apres les menaces de l'accusee faictes à son ennemy, il seroit tombé en maladie. Bien seruiroit cela d'vne presomption pour ayder la preuue, and si soudain and à l'instant que la Sorciere a menassé ou touché quelqu'vn, il est tombé mort, les Iuges font difficulté de condamner la Sorciere, s'il n'y a autre preuue, ny presomption ny confession: and ne voudrois pas conclure à la mort en tel cas, s'il n'y auoit plusieurs actions reiterees comme au procez de Marguerite Pajot, qui fut conuaincue d'auoir tué treze personnes en les touchãt d'vne baguette, encores qu'elle deniast, si fut-elle bruslee vifue. Cardan escrit qu'il y eut vne fe (02) me à Pauie, qui toucha d'vne verge vn ieune enfant qui luy auoit pris vne põme, soudain il tóba mort: pour vn seul acte tel qu'estoit cestuy-là, s'il ny auoit autre chose, ie ne conclurois pas à la mort, mais bie (02) aux autres peines corporelles: car tous les peuples d'vn commun cõsentement ont receu que la punition doit estre aggrauce ou moderee selon la preuue plus ou moins, and que la forme des anciens6, d'absoudre l'accusé, si la preuue n'est claire and entiere de tout poinct est abolie. Mais nous dirons par cy apres des peines, quand i'ay dit plusieurs tesmoins sans reproche, la loy dict deux7 pour le moins. Et ne faut chercher grãd nõbre de tesmoins en choses si detestables, and qui se fõt la nuit, ou és cauernes és lieux secrets. Mais [quae] (16) dirõs nous si trois tesmoins deposent de trois faits tous differe (02) s: c'est à sçauoir que le premier depose auoir veu le Sorcier cauer, and foüyr soubs l'essueil d'vn huys, ou en quarrefour: car c'est -notes- 6l.Qui accusare, de accus. C.l.si autem ae probat.ff. 7l.vbi numde tist ff. Page 442

ordinairement ou les Sorciers mettent leur sort: Et puis les hommes ou le bestail y soit mort. L'autre depose que le mesme Sorcier ayant touché quelqu'vn, elt tombé mort soudain: L'autre, qu'ayant menassé son voisin, il est tombé en langueur. Ie tiens que ces trois tesmoins sans reproche, auecques quelque autre presomption, suffist pour asseoir iugement de mort, iaçoit que les tesmoins soient singuliers chacun en son faict: Car ils sont vniuersels au crime de Sorcelerie: auquel cas tous les Docteurs8 tombent d'accord, que la preuue est suffisante en crimes couuers, comme la concussion, l'assassinat, l'vsure, l'adultere, and autres crimes qui se font tousiours le plus couuerteme (02) t qu'on peut, and mesmement les Sortileges. Si done trois tesmoins en tel cas suffisent pour prouuer l'vsure, ou la concussion, ou l'adultere, à plus forte raison doiuent suffire, pour le crime le plus detestable and le plus couuert qui soit de tous les crimes qu'on peut imaginer. Et non seulement telle preuue est suffisante comme les Docteurs alleguez en sont d'accord, ains aussi Bartole9 passe plus outre. Car il est d'aduis en crimes si occultes que la presomption and la preuue coniecturale suffist, and n'est pas seul de son aduis. Vrayest qu'il ne suffiroit pas pour asseoir iugement de mort: mais de toute autre peine iusques à la mort exclusiuement. Et non seulement les Docteurs en Droict Ciuil, ains aussiles Canonistes 2 sont de mesmes aduis, and entre les Papes, le plus grand Iurisconsulte Innocence IIII. Et la raison est pertinente, d'autant que les tesmoins s'ac cordent au cas vniuersel, and crime general, en sorte que la singularité -notes- 8Accurs.in l. ob carme. §. vlt.de testib. Spetula de inquisitionib. §. 1. lacobus Butrig arius in l. Arriani de hæ red.C.Bald. in Lactor.de probauoni. C. and in La de tastamen. Docan l. inter pares, de re in dicua ff. Alex copiosè lib. 7. Cosil.15. nu. 24.et Co sil 2.lib. 1. 9In l.de pu pillo §. si qais tpsi de operis noui q.8. Adexã. in d §. si quis insi nu. 22.etlaso.nu. 10. and Bartol. in l si quis ex argentariis.§. an vero.nu.3. de edendo, and ibi late lason. sub §. Prator. nu.18. Alex. cõsil.89. visa. pertotum. l.2. Decius Cõsil. 577. viso. nu. 11.Socinus cõ. sil.32.Hippoli. Consi.61.post reditu (05) . nu.31. 2Innocent.in c. qualiter, de accusa.Immo. Lain c.cu (05) opor teat, de accusationib. Page 443

n'est pas incompatible ny repugnante, ains elle aide and conforte la preuue. Ce que Balde3 appelle singularité adminiculatiue, qui est bien differente de la singularité contradictoire and repugnante à soymesmes, qu'il appelle obstatiue, quand vn tesmoin destruict la preuue de l'autre, pour la diuersité du lieu, ou du te (02) ps, ou autres circonstances semblables. Car en ce cas la preune n'est pas suffisante, mesmement quand il y va de la vie, ou de punition corporelle: ou il faut que la preuue soit bien plus forte qu'en matiere ciuile. C'est pourquoy en matiere criminelle, le serment suppletif de preuue n'est pas receuable, comme il est en cas ciuil és choses legeres, and n'est aussi receuable la conue (02) tion de se r'apporter à vn tesmoin, pour asseoir iugement de l'honneur ou de la vie, comme il est en cas ciuil4 du consentement des parties. Et par ainsi, quand on dict qu'vne preuue imparfaite ne se peut ioindre auec vne autre impatfaite5, cela s'entend de deux preuues, ou de deux tesmoins, ou de deux presomptions, ou de deux crimes differe (02) s: comme si vn tesmoin depose d'vn homicide, and l'autre depose d'vn adultere, l'autre d'vn larcin: cela fait bien preuue d'vn homme sceleré: mais nõ pas qu'il soit prouué adultere, ny homicide, ny larron pour y asseoir condamnation de peine corporelle. Car la Loy de Dieu ne veut pas que la deposition d'vn tesmoin face preuue pour asseoir iugement de condamnation: ny les loix Ciuiles ne veulent pas qu'on puisse asseoir la moindre condamnation pecuniaire. Et en cecy tous les Iurisconsultes, and Canonistes, sont d'accord, quelque dignité, saincteté, and reputation -notes- 3Buld. in rubricade cõtrouers. inuest.de vsib.seuderti, and in authe (02) tica rogati.C. de testib. et its l.de quib.coll. ãtepenul. Cur tius in tracta. de testib. conclus. 46. 4Bertol. in l. Thcopõpus, de dotepralegata fine. Romanus and Alexand. in l. 1. §. vlt. de verb. obli. Bald.in l. Iudi ces, de sente (02) t. and interlocu. C. Felinus in c. venie (02) s, de te stib. Iaso. ait bãc esse cõmu ne (02) opinione (02) in l.Iureiu.princip. de Iureiurando. ff. 5Panorm, in cap.penult. de probatio. Alexand. consil. 94.lib. 7 nu. 3.Doct. in ca. vlt. de succes. ab intesta. Deuter.17. Page 444

que puisse auoir le tesmoing7. Et iaçoit que Iean André, and le Docteut Alexandre soyent d'aduis8 qu'vn bon tesmoing sans reproche suffit pour condamner à la question: si est-ce qu'ils ne sont pas suyuis en ce Royaume obstant l'ordonnance du Roy Louys XII. qui l'a defendu: mais il suffira bien pour presenter l'accusé a la question en tous autres crimes: and s'il y a quelque presomption auec vn tesmoing sans reproche, il suffira pour appliquer à la question és cas qui meritent peines capitales ou corporelles: Mais en ce cas si enorme and si occulte, ie seray bien d'aduis que l'opinion d'Alexandre and de Iean André soit suyuie, and que pour appliquer à la question, il suffise d'vn tesmoing homme de bien and sans reproche, ny suspicion quelconque, duquel la deposition soit accompagnee de raison, ou des sens: i'entends ceux-là contre lesquels on ne peut rien dire, que les docteurs disent Omni exceptione maiores, mais ceux qui n'ont point souffert condamnation portant infamie,9 and non pas s'ils sont reprochez pour estre homicides, adulteres, incestueux, ou attaints d'autres crimes, qu'on appelle infames de faict: and toutes-fois leur tesmoignage est bon 0 auec d'autres. Comme il se pratique en tout ce Roy aume sans auoir esgard à l'infamie du faict, ny aux canons4 pour ce regard qui veulent que on reçoiue telles reproches, ce qui ne doibt estre faict. Car si on reçoit les faicts de reproches, contre lestesmings non condamnez, il faudroit faire le procésà tous les tesmoings sur les faicts des reproches, and par -notes- 7l.vbi num. de testib. Docto. 8loan. Andre as in addi. ad Specul. tit. de præsumpt. §.Species, versu. violenta. Alexand.cõsil. 77.lib. 1. nu.1. 9Ex l. infamem, de publ. iudiciis.ff. 0l.Lucius, de iis qui notantur insam. ff. 4Glo. and Panormi. in cap. sup.eo. 1. de test.Felin. ibi. Page 445

ce moyen les meschans eschapperoient, and les gens de bien seroient souuent calomniez. Et iaçoit que vn tesmoing soit attainct, voire conuaincu, and condamné de crime public portant infamie, and non pas d'vn iniure verbale, qui ne porte point d'infamie de droict Canon3 pratiqué pour ce regard, iaçoit que la Loy le tient4 pour infame, si est-ce que le tesmoin condãné and infame, est receuable en tesmoignage, si il y-a appel, and ne sera point reproche5 pour ceste cause, si le iugement n'est confirmé comme dict la Loy5, and toutesfois le Iuge ne doibt appliquer à la question pour vntesmoing infame, de faict encores qu'il ne soit condamné: mais bien si ce tesmoing est ay dé d'autres tesmoings, ou de presomptions violentes, autrement il faut attendre le iugement dernier du tesmoing8 reproché: and si on dict que le Iurisconsulte1 ne reçoit pas le tesmoignage d'vne femme accusee d'adultere, and neantmoins absoulte, le Iurisconsulte dict, Puto notam obesse, and ne parle que des femmes qui sont tousiours moins croyables que les hommes: and de faict, par les Ordonnances de Venise de l'an M. D. XXIIII. and de tout l'Orient, il faut tousiours deux femmes pour le tesmoignage d'vn homme, and quatre femmes pour deux tesmoins. Comme aussi les femmes n'estoient par les loix des Romains receuables à tesmoigner en testament 3, ou en obligation par corps. Et mesmes de droict4 Canon les femmes, en matiere criminelle, ne sont pas receuables à tesmoigner, pour l'imbecilité and fragilité du sexe. Mais les Iurisconsultes and Empereurs ont aduisé que les plus grandes mesehãcetez -notes- 3c. cum te,de sententiis and re iudicata. 4l.1. de iis qui netantur ff. 5Lsurti,de us qui notantur infamia ff. 8lacob Butrigar. Bartol and Cune us in l. furti,de iis qui notãtur infamta, vua valere testimon. etiãsi sente (02) tia cõfirmata sit, quia nõ debet neglige (02) tia aecusantis obesse procedenti. 1l. Palam.§. que de ritis nupt. ff. 3l. qui testame (02) . §. mulier, de testament. 4ca.soras,de verb. signific. and can. mulier 32.q.5. Page 446

demeuroient impunies, si cela auoit lieu: Et pour ceste causeils ont sagement pourueu5, à ce que les crimes fussent testifiez par toutes personnes, and la raison est peremptoire. Car és actes legitimes, on a moyen de prendre des tesmoins tels qu'on veut, and aux crimes tels qu'on peut. C'est pourquoy en ce Royaume, and en toute Republique bien ordonnee, le droict Canon n'a aucun lieu pour ce regard, and le droict Ciuil est suiuy. Et au fait qui s'offre, il est bie (02) necessaire d'adiouster foy aux femmes, encores qu'elles soient infames, comme disent nos Docteurs, ou bien ignominieuses de fait6 cõme parle (02) t les Iuriscõsultes, and autres auteurs Latins, comme seroit vne femme impudique. Car les Iurisconsultes reçoiue (02) t les femmes en tesmoignage à fin que les forfaits ne demeurent impunis, qui est vne raison for grande and considerable, comme dict le Iurisconsulte. Il faut pour mesme raison 7, and beaucoup plus grande receuoir les personnes infames de faict, and de droit en tesmoignage contre les Sorciers, pourueu qu'il y en ait plusieurs concurrens auecques indices: autrement il ne faut pas esperer que iamais ceste impieté si execrable soit punie. Or tous8 sont d'accord, and les Iuges le sçauent tresbien pratiquer, que les complices du mesme fait de volerie, ou assassinat, ou leze maiesté font preuueles vns cõtre les autres, quãd on ne peut autrement tirer la verité du faict, non seulement contre les autres qui ont commis vn semblable assassinat (qui est là l'imitation de Pierre Ancaran) ains aussi du mesme assassinat dont le tesmoing est conuaincu, si le tesmoing se charge luy-mesmes. G1 -notes- 5l.ex co.de te stib.ff.Nouel. La Leomis Pbilosophi. 48. 6Fest.Pomp. and Nonius ex li.4.de repub. Cie l.infame (02) . §.que,de ritu nuri.l.cognition ide variis cognitionib. 7l. Ita vulne rat. ad l.Aquil. ff. 8Doct.in ca. quoniã, de testib. Butri. Panor. Felin.lbi. Areti. consil. 61. Gloß.in l. vl.de accus.c. G19. In cõsi.24. and sequ. Grämati. cösal.nu. 25. and 16. Page 447

Et de faict il me souuient que M. Gelee Lieutenant criminel de Paris ayant condamné par l'aduis des iuges Presidiaux du Chastelet de Paris, trois voleurs accusez and conuaincus par leur propre confession de plusieurs voleries and assassinats, ils en accuserent vn qui ne vouloit rien confesser à la question.G1 Et neantmoins auec les presomptions and les tesmoingnages des complices il fut condamné, and puis executé sur la roue: and iaçoit qu'il declarast qu'il mouroit innoce (02) t, comme ils font presque tous, and voulant blasphemer Dieu pour couurir son honneur deuant le mõde, si est-ce qu'il declara à son confesseur qu'il estoit aussi coulpable que les autres, le priant de n'en rien dire: Mais le iuge fist appeller le confesseur, qui declara ce qui en estoit. En Allemaigne ils ont vne tresmauuaise coustume de ne faire mourir le coulpable s'il ne cõfesse, quoy qu'il soit conuaincu de mille tesmoins, vray est qu'ils applique (02) t la question si violente and si cruelle, que la personne demeure estropiat toute sa vie. Or tout ainsi que ceci n'a lieu sinon és crimes exceptez and non és autres, comme disent les Docteurs, qui ne veulent pas mesmes que les complices tesmoins auec presomption soye (02) t suffisans pour appliquer à la question, aussi faut il qu'és crimes exceptez, comme est le poisson and la Sorcellerie,2 le crime de leze maiesté, and d'assassinat les complices du mesme faict soyent receuables à faire preuue suffisante, s'il n'y a reproche pertinente, comme si le complice est ennemy capital de celuy qui accuse d'auoir eu part au malefice. Et ne faut auoir esgard si c'est le pere ou le fils. Le tesmoingnage desquels ne doit pas estre receu -notes- 1glo. and Dot. in l.fin.de acc. C. and in ca.1. de conses.in l. quomam libe. de testi.C.l.1. §.diuus. de quest.Dict. in c.sunt ca. veniens c. personas de testib. specul.titu. de teste. §.1. ver. item quod est socius.Cynus. Petr. Salic. in l.fin.de accn. Alex. consil. 89.li. 4. and consil.169. li. 2. and consil. 128.li.4.Mar sil.in practica crim.§.dilige (02) . nu.59.in sin. 209. Decius consil.230. 175.189. 2glos.in l.si. de accu C. and in l.de mal.C. Page 448

l'vn contre l'autre, pour autres crimes, encores qu'il ny eust autres tesmoins pour la reuerence du sang:3 mais cestuy-cy est singulier. Et faut ouyr la fille contre la mere en ce crime de Sorcellerie, par ce qu'il c'est cogneu par vne infinité de iugemens que la mere Sorciere meine sa fille en perdition ordinairement. Bounin Bailly de Chasteau-Roux depuis trois ans en fist brusler vne toute vifue, qui auoit mené sa fille aux assemblees, and qui depuis reuela tout, comme i'ay dict cy dessus. Les Sorcieres de Longny en Potez furent aussi accusees par vne fille, que la mere y auoit menee, and si le pere and le fils en crime de lese maiesté 0 sont receus à tesmoingner and accuser l'vn l'autre, and mesmes si les loix decernent loyer à qui tue son pere, venant pour ruiner sa patrie (comme la loy4 dict que tous sont d'accord en ce poinct la) pourquoy ne seront ils receus l'vn contre l'autre en vn crime de lese maiesté diuine, and en vne meschanceté qui emporte toutes les autres? Il ne faut donc pas s'arrester aux regles ordinaires de proceder,0 reprocher, ou receuoir tesmoins en vn crime si detestable, que cestuycy. Et à fin que les consciences craintifues s'asseurent en iugeant de ce faict icy, nous auons vn exemple notable en Exode5 où Moyse, ayant veu que le peuple auoit faict le veau d'or, ceux, dit il, qui sont du party de Dieu, qu'ils s'approchent de moy: les Leuites se presenterent: ausquels il fist commãdement de pre (02) dre les armes, and tuer chacun son frere and son prochain, qui auoient idolatré apres le veau d'or. Ce qu'estant executé iusques au nombre de trois mille hommes, -notes- 3l.perentes de sestib.C. 0Doct. in dictal. Pare (02) tes,et in le.quisquis, ad lege (02) luliam maiestatis.C. 4l. minime, de religiosis.ff. 0l.3.§.leg.de testib.ff. 5Chap.32. Page 449

Moyse leur dict qu'ils auoient consacré leurs mains à Dieu pour receuoir sa benediction: and de faict Dieu choisit ceux là ausquels il donna le droict de ainesse, and la prelature pour assister à iamais deuãt Dieu, and iuger le peuple. En quoy on voit combien l'idolatrie fut desplaisante à Dieu, and qu'il ne voulut pas que pour venger l'iniure faicte à Dieu, on eust aucun esgard à la proximité du sang, encores que le peuple n'eust autre intention que d'adorer Dieu, qui les auoit tirez d'Egypte, comme il est dict au texte: mais ils formerent vn veau d'or à son honneur contre la defence à eux faicte: combien est plus desplaisant à Dieu d'adorer le Diable. Il ne faut donc pas s'arrester aux voyes ordinaires qui deffendent d'ouyr en tesmoingnage le fils contre le pere, ny le pere contrele fils car ce crime passe tous les autres. Or il est certain en termes6 de droict, où il y a peril and necessité, and chose exorbitante, qu'il ne faut pas s'arrester aux regles de droict: ains au contraire c'est droictement proceder selon le droict de laisser l'ordre de droict, capit.tua nos, and capit. vestra, de cohabita.clericor. Et par ainsi le tesmoin qui se sera presenté sans estre appellé pour deposer contre vn Sorcier, il doit estre ouy iaçoit qu'en autre chose il ne soit pas receuable.7 I'excepteray seulement la reproche d'inimitié capitale procedãt d'autre cause que de Sorcellerie. Car qui est l'homme de bien qui ne haisse les ennemis de Dieu and du genre humain, d'autãt que l'inimitié priuee8 pour autre cause pourroit induire la calõnie cõtre l'innocent. Et iaçoit que le tesmoing en autres causes soit conuaincu -notes- 6Alex. and las.inl.de pu. §.si quis riues. de operis Deiu, and in Li. and tbid. Deci. de off. cius cut. ff. and c.pro ne cesat. 1.q. 1. and in ca. cum cessante de ap. and in l. quæ propter, de re. tur. teat. in l. casus, and itid. Bald. and Salecet.in 1. nctabili. C.de tesiã. vbi propter ne cessitatem dispositio tur.s suspenditur. l. silio.§. Li aute (02) de triusto rupto. ff. Ang. in l nemo carcerem. de exa. tril ut.C. 7Bar.in Lpost legatie.§. His de us, quibus vtindig. Alex. cons.72.li. 2.8.Bal. in l.3. de testib. et in auth. si dicatur eo.C.et ibi Sal. Inn. in c. cum Iean. de reiud. Panor. and Felin. in capitul. quoties de testib. Page 450

de pariure, and qu'il doiue estre9 reictté, si est-ce qu'en ce crime, il sera receu auec d'autres tesmoinssans reproche si sa deposition est conforme aux autres, s'il n'a haine capitale cõtre l'accusé. Et iaçoit que l'Aduocat and le Procureur ne puissent, 1 and ne deuoient estre contraints de deposer au faict de leurs parties: si est-ce qu'ils doiuent estre cõtraints en ce crimeicy, combie (02) que plusieurs 2 ont tenu qu'ils peuuent estre contrains de deposer sur le faict, de leurs parties, ce requerant la partie aduerse, soit chose ciuile ou criminelle. Et combien que les complices ne facent3 pas preuue necessaire és autres crimes, si est-ce que les complices Sorciers accusans ou testifians contre leurs cõplices, font preuue suffisante pour estre procedé à la condemnation, mesmement s'ils sont plusieurs. Car on sçait assez qu'il n'y a que Sorciers qui puissent testifier d'auoir assisté aux assemblees, où ils vont la nuict. Aussi void on en Spranger que les iuges d'Alemagne, procedent à la condemnation des Sorciers, sur le tesmoignage des complices, encores que les accusez, le denient. Paul Grilland escrit le semblable des iuges d'Italie: and s'est tousiours pratiqué en ce Royaume iusques à ce temps miserable, qu'on a voulu cacher l'ordure de quelques vns qui estoie (02) t de la partie. Et n'y fait rien qu'on4 n'est pas receuable d'alleguer and descouurir sa turpitude: car cela s'entend contre ceux qui en veulent tirer profit, and non pas contre eux mesmes quãd ils s'accusent les vns les autres. Vray est, que tout ce qui est, and qu'on peut dire des tesmoins, and quelle foy on leur doit adiouster and quelle preuue est suffisante ou non, gist plus en fait -notes- 9c.testimon. de testrb. can. si sacras 90. dist.Bald. and Salic. in l.so ex falsis, de tras. 1Ex l.mãdatis, de testib. ff.C. Romana cod. and ita in dicatu (05) arresto Parisio.1386. 2Bart.inl.de ferre.§.ide (02) de iure sisci, iudi catu (05) Gratisnopoli. 1454. 3c. vltim. de testib. Bald. in l. quoniam liberi, eo.C. and glos.in ca.1.in verbo ad testi moniu (05) . Ale. consil.120.li. 7.num. 3. and consil 69. li. 2. cons.89,lib. 3.nu.10.Soci. cons.95. coll. 1.lib. 3. text. est in l. vle. de accus.C.Bart. in l.1.§.si seruum. quæst. Alex. consil. 160.lib. 6. num.8. 4l.cùm prosi tearis, de reuo candis don at. C. and in l.si creditorib. de seruo pign. C. Book 4 - Chapter 3 Page 451

qu'en droict. Età ce propos on doit remarquer ce que dict Calistrate,5 Quæ argumenta probandæ cuique rei sufficiant nullo certo modo satis definiri potest: and pen apres, Aliâs numerus testium, aliâs dignitas and atrocitas, aliâs veluti consentiens fama confirmat rei, de qua quæritur, fidem. C'est purquoy l'Empereur Adrian disoit qu'il faut croire aux tesmoings, non pas aux tesmoignages. Car le iuge bien exercé en sa charge, and bien entendu iugera le tesmoingnage à la veue du tesmoing, à la face, à la qualité, and infinies autres circonstances. Mais il faut bien prendre garde que le crime de Sorcellerie ne soit traicté en la sorte des autres: ains il faut suyure vne voye tout autre and extraordinaire, pour les raisons que i'ay deduites. Nous auons dit de la premiere and seconde preuue euidente, disons de la troisiesme qui est la confession. De la confession volontaire and forcee, que font les Sorcieres. CHAP. III. SOVVENT les iuges se trouue (02) t empeschez sur les cõfessions des Sorcieres, and font difficulté d'y asseoir iugeme (02) t, veu les choses estranges qu'elles confessent par ce que les vns cuident que ce soye (02) t fables de ce qu'el les disent comme Alciat and plusieurs autres ont voulu desguiser and cacher les meschãcetez: les autres craingnent que telles personnes desesperees ne cerchent qu'à mourir. Or il ne faut pas croire celuy -notes- 5l.3 §.que.de testib,ff. Page 452

qui veut mourir, comme dict la Loy. 6 Et me souuie (02) t auoir leu en Tertullian que l'Huyssier d'vn Proconsul d'Affrique, demandant tout haut en l'audience, s'ily auoit point là de Chrestiens pour les punir felõ la coustume, qui estoitalors: Soudain plusieurs leuerent la main disans qu'ils estoie (02) t du nombre, à fin d'estre executez pour mourir en Martyrs. Le Proconsulles voyãt resolus de mourir, Allez, dict il, vous ietteren la mer, qui est deuant vos yeux, and vous precipitez des montagnes, and des maison, ou vous pendez aux arbres, and cherchez qui vous condamnera. Iulian l'Empereur voyant vneieune femme Chrestienne auec son petit enfant pendu à la mamelle, qui couroit au supplice pour estre martyre, il fist defence d'executer à mort les Chrestiens: non pas pour garder celle qui couroit à la mort, mais par ce qu'il disoit que les autres Chrestiens les faisoient Dieux apres leur mort, and que cela incitoit les plus meschans a se deifier. Ily en a d'autres qui ne veulent pas mourir pour l'honneur qu'ils esperent, mais pour vn desespoir ou douleur extreme: and ne les faut pas ouyr encores que la loy les excuse, and que Platon trouue beau de faire sortir l'ame deuant qu'õ la chasle, ce qu'il apelle [Greek omitted], mais Sprãger recite auoir veu des Sorcieres qui confessoientleur meschãceté, and supplioient le iuge de les faire mourir, autrement qu'elles se tueroient, par ce que le diable les tourmentoit si elles ne luy obeissoient, comme elles disoie (02) t. Or en ce cas la loy7 qui dict, inconfitentem, nullæ sunt partes iudicantis and cet, ne peut auoir lieu. Et ne faut pas que le iuge suyue le vouloir de telles personnes. -notes- 6Labsente (02) ,de panis.l.2.cum gloss de üs qui ante sententiã mertem sibi. 7l.1.de cõsessu. Page 453

Car on tient pour certain que la Sorciere que le Diable afflige and tourmente, est repentie, and est en voye de salut, and par ainsi il faut la tenir en prison, and l'instruire, and vser de peines moderees and salutaires: Mais si on voit qu'elle ne vueille se repe (02) tir, il faut proceder à la condemnation de mort, encores que la Sorciere supplie qu'on la face mourir, apres qu'on aura leu and repete la confession, and qu'elle se trouuera constante és meschancetez que nous auons dict. Et quand à celles qui se sont confessees and repenties deuãt que d'estre accusees, il ne faut pas que le Iuge en prenne cognoissance, s'il n'apparoit des homicides par elles cõfessez pourueu toutesfois que cela soit faict sans fraude: and que celle qui c'est repe (02) tie n'eust preueu l'accusation ineuitable: comme fist Mag deleine de la Croix Abesse de Cordoue, de laquelle i'ay faict mention cy dessus, se voyant diffamee, and grandement suspecte, elle s'accusa d'auoir eu trente ans accointance auec Sathan, toutesfois son pardon fut receu par les inquisiteurs, comme ils font tousiours en ce cas de pardõ requis sans preue (02) tion. Or il y a double confession: l'vne volontaire, l'autre forcee. Et l'vne and l'autre peut estre en iugement ou hors iugement. Et celle qui se faict hors iugement peut estre deuant plusieurs personnes, ou vn seul, soit amy, parent, ennemy, ou confesseur. Et toutes ces circonstances sont à remarquer, non pas que la verité soit plus veritable en iugement qu'hors iugement, ny deuant vn peuple, que deuant vn confesseur: ains au contraire la pluspart desguise en public ce qu'il confesse en particulier, soit de honte ou Page 454

de crainte, comme il se void souuent des voleurs, quidescouurent au confesseur ce qu'ils ne veulent iamais dire en iugement. Mais toutesfois la preuue n'est pas si forte d'vne confession extraiudiciaire que iudiciaire: ny forcee que volontaire: Et entreles confessions volontaires, celle qui se faict deuant qu'on soit interrogé, à plus d'efficace: Car quelquesfois le Iuge trompe celuy qu'il interroge, and quelquesfois il luy faict la bouche and la leçon, comme fist Auguste à vn ieune homme accusé de parricide, l'interrogeant en ceste sorte. Ie m'asseure dict-il, que tu n'as point tué ton pere. Et quelquesfois le iuge messera deux ou trois faicts ensemble desquels l'vn sera veritable les autres non. Sur quoy les Iurisconsultes sont en debat, si la confession ou negation se doit prendre pour tous lesfaits: and les vns8 disent que la negation ou confession s'entend pour tout. Il est bien certain en termes de Dialectique, quand tous les faicts sont articulez par disionction (ou) le tout est vray, si vne partie est vraye encores que tout le reste soit faux: mais si les faicts sont articulez par la conionction (Et) tout est faux si l'vn des faicts est faux. Mais ceux qui sont en iustice sont au Temple d'Equité, and de verité: Il faut donc que celuy qui est interrogé de plusieurs faicts desquels il a cognoissance: diuise les vns des autres, and qu'il confesse les vns, and denie les autres, selon la verité de ce qu'il sçait, qui est l'aduis de Bartole, 9 and de Panorme.1 Ce qui a esté confirmé par arrest de la chambre Imperiale2 rapporté par Minsinger Senateur,3 contrela Contesse de Frise Orientale. -notes- 8Ioam. And. alspeculas.tit. de litis contest. parte 2. 9In l. 1. §.si stipulanti, de verb.obli.ff. 1Paner. in c. 1. de plupcus. 2li.2.c.55.anno 1554.Octo. 27. 3l.qui iurasse. §.penul.de In reiuerando and cap.ad bot,de testib. Page 455

Mais c'est à faire au Iuge prudent, and entendu en son estat, de diuiser les faicts en faisant l'interrogatoire. Et ne faut pas s'arrester à l'opinion de ceux qui tiennent4, que le Iuge les ayant faict posés par l'accusateur, y adiouste que la confession sera prise comme estant faicte hors iugement. Ce qui n'a point d'apparence, car les interrogatoires sont actes iudiciaires. Et pour ceste cause, le tiltre porte de interrogationibus in iure faciendis: Et la loy interpretant que c'est à dire in iure, dit, Vbicunque magistratus salua imperij maiestate ius dicere potest. Ioinct aussi que la confession de la partie deuant le Iuge sans interrogatoire, n'est point sur les faicts articulez, and neantmoins elle est plus forte que si elle estoit sur les interrogatoires comme dict la Loy5. Et en matiere criminelle, and mesmement en ce crime de Sorcellerie la voye ordinaire des accusations 6 ne doit pas estre suyuie: au contraire le Iuge, par tous les moyens qu'il peut imaginer, doibt tirer la verité. Or la response de l'accusé est certaine, ou incertaine, and celle qui est certaine, est affirmatiue ou negatiue, ou bien l'accusé dict, qu'il ne sçait que c'est. La response est incertaine7 quãd l'accusé respond par ambages, and en doutant, qu'il pense qu'il croit, ou par equiuocation: si l'accusé afferme 8vne chose fausse, ou qu'il denie9 chose vraye il n'est pas si coulpable que celuy qui respond par ambages. Car en ce cas il faut tenir pour confeslé1 la response equiuoque à son preiudice: car chacun doibt estre certain de son faict, and ne peut0 seruir l'excuse d'erreur en ce cas s'il ne respõd à propos. Mais la difficulté est, -notes- 4Innocen.in c.cum Bert. de re indicats. Alexand. in l.ciu,de Iurisdict ff. 5l. si sine §.1. de Int.rrogatoriis actio. et c quoniã cõtr. de probationi. 6l. Ordo de publicrs indiciis. ff. 7vt.l.Sancimus, de Iurs deliberãdi. §. similíque me do.C.l. vlt. de cõ lict. indeb. 8l. si qius in lure. and l. de ctate. de inter rogatoiris.ff. 9l. non alienum, cod. 1d. l.de atate. §. nibil. 0l. 1.§.1. de interrogator. actio.ff.cap.ab excommunicato de rescri. Page 456

si on doibt tenir l'accusé2 pour confessé, s'il ne veut respondre chose quelconque, comme il y en a quelques fois. quãt au ciuil, cela n'a point de difficulté que les faicts ne soient tenus pour confessez à son preiudice, en matiere d'interrogatoires, and pour deniez és Escritures. Mais quand il y va de la vie, on ne doibt pas tenir les faicts pour confessez, s'il n'y a preuue par tesmoins. Mais s'il y a preuue, la taciturnité emportera effect de la confession en la personne de celuy qui est accusé, pour proceder à condãnation, ainsi que le cas meritera: and non pas toutesfois, si la taciturnité procede d'vn tesmoing qui doibt estre contrainct 3 par amendes and prisons à deposer: and neantmoins le Iuge doibt auparauant proceder par tortures, selon la qualité des personnes contre l'accusé de Sorcellerie, qui ne veut rien respondre, and qu'il ait vn bon tesmoing, ou plusieurs presomptions: and s'il ne veut rien dire en la torture, le crime sera à demy confessé, and puny selon la grandeur de la preuue, comme nous dirons cy apres.G1 Et en cas pareil de celuy qui de propos deliberé obscurcist sa response. Et iaçoit que telle response par interpretation de droict ne suffist pas pour la preuue des autres crimes, ou il y va de la peine corporelle, s'il n'y a tesmoins: (Ce qui n'est pas necessaire en la confession claire and volontaire,) si est-ce qu'en ce crime si couuert and si detestable, elle suffist auec les autres presomptions. Les Docteurs ont mis la confession pour l'vne des preuues necessaires: and indubitables, comme il est vray en matieres ciuiles: si est-ce que la difference est bien notable -notes- 2d.l.de ætate. §. qui tacuit, and l.si desen sor.co.ff.c.si testes § aie 4. q.2. and c.literas, de præsu. 3l. vnica, si quis ius dice (02) ti. l.1.§.igitur. de ve (02) tre inspicie (02) do ff.d.l.de atate.§.qui ta cuit, and c.quoniam, vt lite contestata. G14.Accurs. in l.certu (05) .de reb. credit.ff.Bart. in l.1.de relat. C. Bald.in l.1. quomodo and quãdo Index. C.Capolacantela. 123. Page 457

pour les circonstances des lieux, du temps, des personnes, and du crime, comme la confession d'vn enfant, and d'vn homme aagé: d'vn sage, ou d'vn fol: d'vn homme, ou d'vne femme, d'vn amy, ou d'vn ennemy: en iugement, ou hors iugement: d'vne iniure, ou d'vn parricide: en la torture, ou fans torture. Laquelle varieté doibt estre bien poisee par vn Iuge sage and entendu. Et ne faut pas prendre la Loy premiere de Confessis, pour les antres crimes qui emportent peine capitale: que celuy qui est confessé, soit tenu pour condamné5, s'il n'appert d'autres presomptions suffisantes, and comme dict la Loy6, Si nulla probatio religionem iudicantis instruat: and mesmement si la confession est faicte en la torture7, ou estant presenté à la torture: car la Loy tient telle confession faicte au pied de la torture semblable8 à celle qui est faicte en la torture. D'autant que la peur9 du tourment est vn tourment. Et en matiere des Sorciers qui ont paction expresse auec le Diable, and qui confessent auoir esté aux assemblees, and autres meschancetez, qu'on ne peursçauoir, que par leur confession, ou de leurs cõplices: telle confession hors la torture faict preuue, 4si elle est faicte par celuy qui est preuenu, mesmement s'il est foupçonné, and tenu pour tel, encores qu'il n'apparoisse qu'il ayt faict mourir homme, ny bestial. Car ceste meschanceté-là est plus detestable, que tous les particides qu'on peut imaginer. Et si, on dict, qu'il ne fault pas s'arrester à la confession d'vne chose contre nature5, comme disent quelques vns, il ne faudroit donc pas punir les Bougres, Sodomites, qui confeslent le peché contre nature: maissi -notes- 5l.1.de cõsc ß. C.nec reuocabilis est l. si is de consc ß.ff. sed nõin arocibus. l. 1. §.si quis vltro. de quastie.ff. 6l. 1.§.diuns, de quest ff. 7arg.l.ex incendic, and l. padius de incendio. 8l.3. quorum appell.non recipiutur. C. l. item apud §. aditcitur vers. questinnem. 9l.metu (05) aute (02) , de eo quod metus ff. 4l qui sente (02) tiam, de p ni. C. Azo in sã ma de quast. 5l.Consessio. l si cuius, de interrogater. ff. Page 458

on veut dire contre nature pour chose impossible, cela est faux: car ce qui est impossible par nature, n'est pas impossible: comme sont toutes les actions des intelligences, and les uures de Dieu cõtre le cours de nature, qu'on void souuent, and que mesmes Hippocrate à remarqué, que toutes les maladies populaires viennent de Dieu, ou comme, il dict, ont quelque chose de Diuin, and contre le cours and ordre des causes naturelles, où les medecins ne cognoissent rien. C'est donc vne pure Sophisterie, de dire ceste meschanceté est impossible par nature: elle est donc impossible: comme qui diroit d'vn meschant hommeil est bon chantre, il est doncques bon. Or nous auons monstré par auctoritez diuines and humaines, and par la preuue de toute l'antiquité, and par les loix diuines and humaines, experience, iugements, conuictions, confrontations and confessions, le transport des Sorciers: and la sterilité, and que les tempestes se font par leur moyen: il est donc possible. Et par ainsi quãd on dit que la confession pour y adiouster foy doibt porter chose6 qui soit possible, and veritable: and qu'elle ne peut estre veritable si elle n'est possible: and que rien n'est possible de droict, que ce qui est possible par nature 7. C'est vn argument Sophistic and captieux: and neantmoins l'assomption d'iceluy est faulse. Car les grandes uures and merueilles de Dieu sont impossibles par nature, and toutes-fois veritables: and les actions des intelligences, and tout ce qui est de la Metaphysi que, est impossible par nature, qui est la cause pourquoy la Metaphysique, est du tout distincte -notes- 6l.inde Neratiusad l.Aquil. ff.c.final. de confess.l.6. Bald.in l.1.de confe ß is. C. 7l.1.§. filius, condit. instit. ff.ibi gloss. Page 459

and differente de la Physique, qui ne touche que la nature. Il ne faut donc pas mesurer les actions des esprits and Demons aux effects de nature. Combien que s'il est ainsi qu'en vne minute d'heure qui a soixante minutes, le premier mobile fait plus de cinq ce (02) s mille lieuës par demonstration naturelle: Il est aussi possible qu'en peu de temps, le malin esprit porte le corps d'vne Sorciere tout autour de la terre, qui n'est qu'vn poinct, eu esgard à ce grand ciel. Ie dy donc, que la confession des Sorciers d'estre transportez est possible and veritable, and encores plus que les Sorciers à l'ay de and inuocation des malings esprits, tuent les hommes, and les bestes: ainsi que nous auons en la saincte Escriture, qu'en Egypte, à l'heure de minuict, le Diable tua tous les aisnez des hommes and des bestes. Le Royaume auoit deux cens lieuës de largeur, quatre cens en longueur, comme Strabon and Pline sont d'accord, and le mieux peuplé, and le plus riche, qui fust soubs le Ciel. Or l'Escriture dict que Dieu ne voulut pas que le destructeur Sathan entrast aux maisons de son peuple. Ce faict là par nature est impossible. Et toutes-fois il n'est pas moins veritable que la lumiere du Soleil. Combien qu'Auicenne and Algazel disent que telles actions des esprits sont naturelles and possibles par nature: qui seroit tolerable s'ils entendoient que les esprits ont telle puissance par la permission de Dieu, comme le feu de brusler: mais cela ne se peut entendre des causes naturelles and ordinaires, comme nous auons dit cy dessus. Or pour conforter la preuue des confessions des Sorciers, il faut les r'apporter Page 460

à la confession des autres Sorciers: car les actiõs du Diable se r'apportent tousiours en tous pays, comme vn Singe est tousiours Singe, habillé de toile, ou de pourpre. C'est pourquoy on voit les confessions des Sorciers d'Allemaigne, d'Italie, de France, d'Espaigne, des anciens Grecs and Latins, estre semblables: and le plus souuent les Sorciers sont accusez les vns par les autres, comme nous auons dict cy desfus, de celuy de Loches, qui accusa sa femme, and cõfessa y auoir esté à la suasion de sa femme, laquelle depuis co (04) fessa tout, and fut bruslee vifue: mais il suruint à Chastelleraut quasi vn semblable faict, où le mary and la femme furent accusez par vn tiers, qui estoit conuaincu d'estre Sorcier. Le mary dist qu'il auoit esté aux aslemblees des Sorciers vne nuict seulement, pour sçauoir où sa femme alloit paillarder la nuict, and depuis qu'il n'y auoit esté: and la femme confessoit en estre aussi, and que son mari y auoit esté. La difficulté fut si on deuoit pre (02) dre la confession du mary à sa descharge, sans la diuiser, comme plusieurs Docteurs3 sont d'aduis qu'il faut prendre la confession entiere, tant à la charge cõme à la descharge du confessant, soit que la confession fust portee par vn article ou plusieurs. Et leur raison principale est, que le serment est indiuiduel, qui est vne raison bien froide. Car par mesme moyen, cinquante stipulations en vn contract, qui ne porte qu'vn serment, seroient prinses pour vne stipulation. Chose notoirement faulse and absurde, atrendu qu'il y-a autant de stipulations que de clauses: and autant de sentences que de chefs, qui peuuent se diuiser4 en appellant -notes- 3Faber in §. ite (02) si quis pestulãti, prime. de actio. and in l. vna. versis. cantra. d sess. per l.Publia §. vlt deposi. ff and ex l.si fils. §. vlt de Interroga teri. actio. Cynns in le. 2. q. vlt. de donat. an.nnp.C.Iacob. Rane (02) nas, Pet. Belli Per tic e and Cyn. ind.l. vna. q. 13. Albe.ibi. q 10.decõfes. C.argumen.l. etiam. §. de minorib. Alexã. cõsil.22. versu prater li.2.de donat. ante nnp tex. in l. nemin de le. 2.et l. Põp. §. 1. and ibi laso. col. 2. de acquir possess. ff Bald inl. 2. de transact. 4l in boc indicio fam. ber ciscun. Bal. et Florenti 8. ibi. per l Corneli. de inre patronatus. Bald.in l.2.de re iudic. C. Fel. in c.cu (05) inter pri. fallen. de re indicata. Page 461

d'vn chef, and laissans l'autre: and en cas pareil, plusieurs Docteurs sont d'aduis que la confession se peut diuiser5 and que du temps de lacques de Rauenne ceste question fust disputee and resoluë, que la confession se doibt diuiser: comme il a esté iugé depuis par plusieurs arrests6: and se pratique principalement és causes criminelles, en sorte que si l'accusé confesse auoir occis, mais qu'il à fait estant assailly le premier chef de sa confession, sera tenu pour verifié par preuue indubitable: le second qui faict à sa descharge, ne sera tenu pour verifié, ains il faudra que l'accusé verifie ses faicts iustificatifs: autrement il doibt estre condamné4. Qui n'est pas en bons termes diuiser la confession: Car si elle estoit diuisee, and regrettee, l'accusé ne seroit pas receu en son faict iustificatif. Mais quand il n'y a point de preuue, and qu'il est impossible d'en auoir, comme des assemblees nocturnes des Sorciers, sçauoir s'il faut prendre toute la confession pour veritable, tant celle qui faict à la charge comme à la descharge de l'accusé: Car il semble que c'est le cas auquel on doibt prendre toute la deposition, ou la reietter du tout, comme en cas semblable le Iurisconsulte Alexandre7 est de cest aduis. Car quand le Iuge demanda au mary pourquoy il n'auoit accusé sa femme, il fist response, qu'il vouloit sauuer son honneur, and l'honneur de sa famille. Et quant à la femme, elle disoit que son mary ny auoit esté que ceste fois-là. Mais il n'estoit pas ex cusable attendu qu'il enduroit que sa femme demeurast soüillee de la plus horrible and de testable paillardise, qu'on peut imaginer: and s'il faut -notes- 5ex l. perstct de denat C æt ex l publia. §. vlt.deposit. et ib. Accu. An gel. Sal. Bart. Panor. inc bo na memone. vers. eatra.de postu.pral Capola cantel. 184.si matuã per l.3. §.1.de Iureiu. Felin. in c. cu (05) dilect. de accusasine. 6Boerius prases in decision. Burdega.243. num.7. 4l.si non cõniti, de iniur. C.si nõ cõnitij consilio te aliquid iniurios. dixisse probar. potes.fides veri a calnnia te vindica. idem in l.1.de siccariis. C. 7Consil. 80. colla.2. versu, posse li. 7. Rota decisi. 408. fuit dubitatu (05) , in nouis. Castrensis consil. 269.fine li. 2. Stepb Bertrãd cõsil.151. viso. li.3.et cõs.148 themate nu.3. li. 4. Ancaran. cõsil. 208 Index.censil. penalt. and cõsil. 207. qu. cella.2. Page 462

dire, il estoit conuaincu de tel maquerellage. Car nous auons monstré cy dessus, que toutes les Sorcieres ont ordinairement copulation auec le Diable. Ioint aussi que celuy est conuaincu de leze maiesté, qui a sçeu la coniuration and ne la pas reuelee, encores qu'il n'ait presté aucun consentement aux coniurez. Cela est vulgaire8. A plus forte raison celuy est coulpable qui a sçeu le crime de lese Maiesté diuine1 and humaine, and la plus detestable qui peut estre, and la recelle. Nous dirons cy apres, si cestuy-là doibt estre puny comme Sorcier, and de quelle peine. Mais il faut voir comment le Iuge se doit gouuerner, si la Sorciere confesse le faict, and puis apres qu'elle denie. Et en cecy il faut distinguer, à sçauoir si la confession premiere est faicte deuant Iuge competant, and sans torture, quand la Sorciere a esté preuenuë and accusee. Et en ce cas ie tiens qu'il se faut arrester à la premiere confession, and passer outre à la condamnation, quand il n'y auroit autre preuue. Car il s'est veu souue (02) t que les Sorcieres, enseignees par le Diable en la prison, se sont de partiesde leur confession. Et d'autant que ce crime est le plus couuert and le plus execrable qui soit, il faut tenir la confession volontaire des Sorcieres, quand on les a preuenuës pour certaine and indubitable preuue. Me souuient que l'an M. D. LXIX. il y eut vn chanoine de Laual, qui fust accusé d'auoir versé la poison au calice du Doyen de Laual: lequel apres l'auoir prise, en disant la Messe de minuict, tamba par terre, and neátmoins il regetta la poison. L'accusé confessa volontairement and sans torture: and depuis se voyant cõdamné, -notes- 8Dect in l. quis quis, ad l. Iulian.maiest. C. 1c. verge (02) tis, de bert. l. vlt. de malesicis. C. Page 463

il appella au Parlement de Paris, and cependant on luy fist la bouche, and se departit de sa confession. Neantmoins il fust condamné d'estre bruslé par arrest, and le vey mener au supplice: ce que la court n'eust pas faict, si la confession eust esté arrachee à la question. Mais que dirons nous si la confession est faicte par deuant vn iuge incompetent, sçauoir si elle faict preuue: Plusieurs2 tiennent qu'elle ne fait ne preuue ny presomption pour la torture. Et qui plus est, la pluspart3 des Canonistes tient que la confession extraiudiciaire ne preiudicie aucunement à celuy qui l'a faicte, and beaucoup moins aux complices: les autres4 tiennent que la confession deuant Iuge incompetent ne sert que de presomptions and coniectures. Or l'erreur est prise de ce que dict Vlpain en la loy certum.§. siquis absente, de confessis.ff. où il dit que celuy n'est pas iugé qui à cõfessé en l'absence de partie aduerse: mais ce n'est pas à dire que la confession soit en iugement, soit hors iugement, soit deuant Iuge competent, ou incompetét ne face preuue plus ou moins, and de faict les mieux entendus5 en pratique tiennent que la confession n'a point d'effect en l'absence de partie, si sa presence y est necessaire. Et si le iuge in competent à cogneu du faict and instruit le procés, and que par deuant luy l'accusé ayt confessé si les procedures sont mises au neant pour l'incompetence ou autre nullité, les preuues neantmoins demeurent en leur force: autrement plusieurs crimes and criminels demeureroyent impunis: auquel inconuenient il faut obuier par tous moyens comme dict la loy6: and faire tellement que l'iniquité -notes- 2Exl. Diuus, di enstod.reorum, vbi Bartol. Et D.in c. at si cleric, and pracipuè Felin de iudic. ext. Alberic. in l. magistrati. de Iurisdic. Angel. Areti. in §.sed siquis, ã stitutis de suspectis tutorib. decis. Capd. Teles.q. 427. sec.ce (02) s. 108. nn.5.lib. 4. Gnide decis. Del. 120. 3Fel.pro reg. ponit cum 9. fal.in c. olun, de rescri. Cor. cons. 128.li.1. Bal.cons.122. versu, nã fama lib.1.Cast. in l.transigere versu, and licet, de transa. C.Salic in l. in bonæ fidei de iureiur.C. 4Immol. in c.per inquisit. de elect. and in c.2.de confes. Io.Andin c. qualiter,de ac. Ang.cõs.28. quidam. Recons. 8. viso.per text.et gl. in l.cap. 5. de adul.ff. et per l.ictus fustiu (05) r de iis qui net. infam. Paner. in c. de bec.de sineouia and in c.elimde rese. 5Ang. in l. Papin. §. meminisse. de inofficioso Hart in l. cum facta de iuris et facti. Imme. and Ans.Butr. in c.si cautio, de fide instrume (02) . 6Lita vulneratus, ad l.Aquil.ff. Book 4 - Chapter 4 Page 464

and absurdité de loy soit ostee7 and mesmement au faict des Sorciers ou la preuue est si obscure, and les meschácetez si couuertes, que de mille à peine qu'il y en ait vn puny, il ne faut pas que l'incompetence face perir la preuue. Nous auons dict de la confession volontaire, qui est la troisiesme preuue, qu'on appelle necessaire: car quant à la confession forcee, and qui se faict en la question, elle peut bien seruir de preuue si l'accusé persiste apres la question: autrement s'ils ne persiste, c'est plustost presomption que preuue necessaire. Disons donc des presomptions qu'on peut recueillir contre les Sorciers. Des presomptions contre les Sorciers. CHAP. IIII. QVAND les trois preuues euidétes defaillent, c'est à sçauoir le faict permanent, and notoire, la deposition cóforme des tesmoins sans reproche, and la confession volontaire, and reiteree de l'accusé preuenu deuant la confession: il faut examiner les presomptions qui peuuent seruir à la preuue and punition des Sorciers. Or il y a des presomptiõs temeraires, les autres probables, les autres violentes, quand à la derniere elle peut estre fondee en droict, and qui est plus forte que toutes les autres preuues: contre laquelle, la preuue n'est receue au contraire: comme les Docteurs demeure (02) t d'accord. Cõme celle sur laquelle Salomon -notes- 7l.Salnius,de legatis prastãdis. ff. Page 465

donna son iugement sur le debat de deux meres qui debat toient pour auoir l'enfant.G18 Et Claude l'Empereur qui commanda à la mere d'espouser celuy qu'elle ne vouloit recognoistre pour enfant,9 On me dira que Salomon, and l'Empereur se pouuoient abuser. Ie le confesse: aussi peut on aux tesmoings sans reproche, and aux confessions: comme nous auons monstré de l'esclaue qui fut executé sur la confession par luy faicte, d'auoir tué celuy qu'on cherchoit, qui depuis se trouua: C'est pourquoy la Loy dit qu'il ne faut pas adiouster foy à la seule confession de celuy qui est homicide, s'il n'appert de celuy0 qui est tué. Mais les presomptions qui sont de droict,1 and articulees au droict, sont fondees sur vne raison naturelle:2 Car il n'est pas à presumer qu'vne mere n'aimast mieux que son enfant, fut adiugé à vn autre que le voir tuer, ayant faict tout ce qu'elle pouuoit pour l'auoir. Et celuy qui ne veut iurer sur vn fait par luy denié, ny referer le serment à celuy qui l'offre se rend cõuaincu du faict. Nous lisons d'vn Alphonse Roy de Naples, que sur la denegation que le pere faisoit de recognoistre son fils, commanda qu'on le vendist à vn marchant de Barbarie. Alors le pere recogneust son fils. Ceste presomption là vuyda le different: Et neantmoins s'il y a preuue euidente de faict contraire, elle est receue 2 contre la presomption, quoy que plusieurs3 tie (02) nent que la preuue n'est pas receue contre la presomption du droit. Car la preuue de celuy qui mõstre quit tãce dupayeme (02) t4 est receue, iaçoit qu'il n'ait voulu iurer -notes- G17. cad id.c.is qui de sponsa. ca per tuas,de cond appesit. l.si quis adult. de adult.C. 8in c. affcrter de prasump. 9Sueton.in Cliudi.or 0l.item melas ad l. aqutl.ff. 1l. manisestæ de iureiur. and ibi B. rt. l si bi qui adult adl. inl.de adnl.C. l.Excipiuntur ad Sylli.ff. 2autben.non licet, de liberis prateritis. C. l.iura fanguinis de reg. inris. ff. 2Alexã. ce (02) . sil. 158. li.2. nn.9. and glo. in l.si tutor,de periculo ct cõmodo Tiraqu. in l. si vnquã de reuoc. don. num.133. 3Dect.in l. mansfcsta tur pisud iuretur. ff. Panornit. in c. afferte de prasumpt. and in c. quãto, eo. 4in c quãto, de præsunapti. lo.de Graßu ind.c.quanto. and Cyn in au ibe (02) .sed id, co. de dones. ante nup. C. and §.1. in anibe (02) . de aqual.det. Page 466

auoir payé, n'y referer le serment, qu'il pouuoit auoir oublié s'il auoit payé ou non: and ne sçauoir s'il auoit la quittance: Mais il ne faut pas prendre pour vne presomption de droict les esblouissements des yeux que font les Sorciers, and les miracles contre nature: car la Loy de Dieu met ceste preuue pour certaine and indubitable, (Tu ne laisseras point viure celle qui charme les yeux) chose dont elles ne se cachent point. Car la Loy de Dieu tient pour tout certain and indubitable, que tous ceux là qui charment, ont paction auec Sathan: faisans choses contre le cours de nature. Si donc pour venir aux presomptions des Sorciers, on trouue les enfans tuez en la main de la mere, encores qu'il n'y eust autre qu'elle à la maison, il ne faut pas presumer qu'elle ait cõmis le parricide, attendu que la presomption de tout le droict5 est au contraire, and sera absoulte, s'il n'y à preuue bien euidente, par laquelle elle soit conueincue du parricide: Mais si elle à le bruict d'estre Sorciere, il est à presumer qu'elle est parricide de ses propres enfans, si elle n'est iustifiee par preuues au contraire. Il est aduenu à C uures le deuxiesme iour de Feurier, mil cinq cens septante and sept, que Catherine Daree couppa la gorge à deux filles: l'vne qui estoit sienne, l'autre à sa voysine, and si n'estoit diffamee d'estre Sorciere: mais elle confessa que le Diable en guise d'vn homme haut and fort noir, luy auoit faict faire, and fut bruslee, car elle ne voulut appeller, quoy que le Bailly de C uures luy remonstrast qu'elle pouuoit appeller: elle dist qu'elle auoit bien merité. En cas pareil, Gilles Mareschal de -notes- 5l. vlt.princ. de cur.furies. l.pen.§.de vne de ritu nu. Lere ationib.de Episcepali authentia l. humanitatis, de impuberu (05) and aliis substitutio. C. Page 467

Raiz fust conuaincu, and confessa d'auoir tué and sacrifié huict enfans au Diable: and que Sathan luy dict qu'il failloit encores sacrifier son propre enfant, and le tirer du ventre de la mere, qui en sentit le vent. Et par ce moyen son procez luy fut faict. Nous lisons en la vie de Manasses Roy de Iudee, qui fut le plus grand Sorcier de son aage, qu'il sacrifia ses enfans au Diable, qui luy promettoit de le faire grand: Et neantmoins il fut prins par ses ennemis and perdit son estat. Il faut donc presumer que le Sorcier est parricide, attendu la presomption du droict Diuin6. Et si l'enfant du Sorcier ne se trouue, il faut presumer qu'il l'a sacrifié au Diable, s'il ne verifie du contraire: Et la presomption du droict diuin est fondee en raison. Car celuy qui a perdu toute pieté diuine, and s'est rendu esclaue du Diable, a aussi perdu toute affection and pieté humaine, and affection naturelle. Et faut presumer qu'il a faict tout ce que les Sorciers ont accoustumé de faire. Et iaçoit qu'on doit presumer7 quelque chose estre faicte par erreur8 plustost que par malice, s'il n'appert du contraire. Toutesfois on doibt tousiours presumer que les Sorciers n'ont rien faict par erreur, ains par meschanceté and impieté: Et faut presumer toutes sortes de meschancetez ordinaires aux Sorciers en celuy qui est Sorcier, and au lieu que celuy qui n'a point esté condamné que de larcin, ou de fausseté, ne doibt estre diffàmé ny presumé coulpable9 d'autre meschanceté que de larcin, ou de fausseté. Si donc vne Sorciere a esté condamnee comme Sorciere, elle sera tousiours reputee Sorciere, and par consequent presumee coulpable -notes- 6Deut. c.18. Leuit.cap.20. 1.Reg. cap.18. 7Argumento leg. quod si nolu. §. quia aßidua,de adi litio edicto. l. final.in fine de fideiiusscr. C. l.si prius. §.cer tè,de aqua plis uiaa. Alexan. consil.129.lib. 7. num. 11. 8l.quoties, §. tantundem,de bæredibus instituend. vbi Bar. singulare (02) textu (05) appella. Bald.Rom.ibi. Castrensis cõsil. 203.lib. 2. immola consil. 104. Bal. consil. 144.lib.1. Cumanus cõsil. 135. and 142.Decius in l si librarius, de reg. Capola consi.21.co. 4.Cursius sentor consi.55. Alexan.cons. 53.lib.7.num. 16. 9Canonista in ca.1.de præ sumptionib. Page 468

de toutes les impietez, dont les Sorciers sont notez. Et iaçoit que la condemnation ne soit point ensuyuie, si est-ce que l'accusation, la renommee, and bruict commun suffira pour la presomption violente, and pour l'infamie de faict. Car si la Loy 1 veut que la femme accusee de paillardise and absoulte demeure notee toute sa vie, combien plus doit on estimer celle estre notee and diffamee qui a le bruit d'estre Sorciere? Car c'est vne presomption tres-violente quand vne femme a bruit d'estre Sorciere, qu'elle est telle, and qui suffit pour la condamner à la question auec quelques indices ioints au bruit commun, iaçoit que l'ordonnance de Louys XII. Roy de France ne veut pas qu'on donne la torture s'il ny a vn tesmoing fans reproche, auec indices: Et ne faut pas aussi appliquer à la torture pour vn bruit commun és autres crimes de droict. Et en cela tous les Docteurs2 presque en demeurent d'accord, iaçoit que par coustume de Mantouë la commune renommee suffit de quatre tesmoings, qui deposent l'auoir ouy dire pour appliquer à la question en tous crimes qui meritent la mort. A plus forte raison celuy qui a le bruit commun, and constant d'estre Sorcier, auec indices doit estre appliqué à la question6: and au contraire si la femme est accusee d'auoir faict mourir quelcun, and qu'elle n'ayt iamais esté suspecte d'auoir esté Sorciere si la preuue de l'homicide n'est bien claire, on ne doit pas asseoir iugement 5 de condemnation, mais ordonner qu'il en sera plus amplement enquis, and ce pendant luy faire ouuerture des prisons. Mais quand on veut s'arrester au bruit commun, -notes- 1l. Pali. §. que in adult. de ritn nnptia rum. ff. 2Ioa. And. in add.ad Spe cul.tit.de probat. §. videndum, vers.13. Bald.in l. milites. de quast. Cynus in l fin. cod.C.Butrig. in cap veniens coll.4.de test. Alexa.consi. 6Cum famæ cõstans leginme probatienis vl babeat, nisi contraria probatione resellatur l. si mater. ne de statis defnnct. C.l.2.siserums vel libertus.C. ca. transmissa. qui silij sint legitimi.3.Ca. cum in iuuenture. de prasumptio. extr. l.non omnes §. à Barboris, de re militari.ff. sed si sit male fame in cede (02) genere mali prasumptio est aduersua eum l.4. de suspectis tutorib.ff. l.1.si quis imperatcri maledixerit, l. vlt. de actionib. 5coll. 2.lib.1. Ias in ladmonendi coll. 15. de Iurciurãdo, ff.Marsil.in l. de minore, §. plurium, coll. 5. vers. alterius, de quast. Felin in c. ve niens. 1.de test. coll.5.Marsil. in praxi criminum, §.diligenter,nu.8. Page 469

and à la renommee, il faut que le bruit ayt commencé par gens dignes de foy, and non pas des ennemis.3 Ceste limitatiõ me semble necessaire pour oster occasion aux meschans de calomnier les gens de bien and n'est pas necessaire que le bruit commun soit de la pluspart du peuple, comme quelques vns4 ont voulu. Car si la ville est grande il suffit bien que le bruit soit de tous les voisins qui sçauent mieux la vie de leurs voisins, que les autres plus estoignez. Et par ainsi il suffira de vingt personnes autant que font deux tourbes pour prouuer le bruict commun. Et si on dit qu'il ne faut s'arrester à la voix d'vn peuple, qui est reputee vaine5 cela est bien vray quand on peut iuger le contraire sensiblement ou par discours fondé en raison. Mais quand il est question des Sorciers, le bruict commun est presque infallible6, mesmement s'il y a apparence, ce que les Docteurs 7 appellent legitimam famam. Et à plus forte raison si outre le bruit commun il-y-a des indices, comme si la Sorciere: quand on la prent dit, Ie suis morte, ou bien, ne me faites point mourir, ie diray là verité. Car c'est alors qu'elle sent en son esprit vn changement notable, comme fist vne Sorciere, de laquelle le procez m'a esté apporté par le Bailly de Tenailles. Car c'est vn tres-certain signe de meffait quand la personne se cõdamne deuãt qu'on l'accuse: cõme fist vn parricide, lequel ayant tué son pere, and voyãt vn nid -notes- 3Canonistæ si limitant in ca. qualiter and qu n lo,de accusatio.Barto. in l. de minore. §. tormenta de quæstionib.Alexand.ibi in addit.Saliect.in l.ea quidem, de accusat. C. Textus in c. iuuentute extra de purg. Canonic.Decius consil.37.in causa,col.6.nn.9. and 10. and 133.viso proces. consil.supi4.glos.in l.3.§.eiusdem,de test.qua Bart. vtitur in l. de minore. §. plurium de quæst. 5In l. decurionsun de p nis. 6Panorm. and Felin,in c. veniens.1.de test.Parsi. consil. 154.lib.4.nu. 12. vsque ad 18. 7Bald. in l.diffamari, de ingenuis manumis. C. and in c. veritatis de iureinrando, and in l. proprietatis, fine, ne probationib. C. Page 470

d'Arondelles, il tue les petits and les foule aux pieds: and sur ce qu'on l'accusoit de cruauté, Il-y-a, dict-il, trop long temps qu'elles ne font que me reprocher que i'ay tué mon pere: ainsi que Plutarque8 recite: and sur cela on le prend, on l'applique à la question, il cõfesse le faict. Ou bien si la Sorciere promet guarison de celuy qu'elle a affligé, and qu'elle s'en fuit n'ayant rien peu faire: comme fist Ieanne Heruillier, de laquelle nous auons parlé cy dessus. Car l'homme innocent d'vn tel crime, ne craindra iamais les calomnies, qu'on craint és autres crimes. Quant aux coniurations de parolles and prieres à Sathan, que faict le Sorcier pour ostér les malefices, c'est vne presomption tres-violente, que cestuy là est Sorcier. Car mesme la Loy Ciuile punist capitallement les exorcistes, l. 2. and 3. de maleficiis. C. la Loy entend ceux qui faisoient mestier de coniurer les Diables, and de faict les chassoient: qui estoient alors les plus grands Sorciers, qui soubs voile de Religion, comme dict Hippocrate au liure de morbo sacro, faisoient des coniurations and Prieres. Et iaçoit que la Loy ne punisse à mort celuy qui guarit par telles voyes, si est-ce que la Loy de Dieu veut que le Sorcier soit puny à mort. Car il est certain qu'il a traicté auec Sathan, and pour vn qu'il guarist, il en faict deux malades, comme nous auons monstré. Et quand il ny auroit que l'obligation au Diable, ayant renié Dieu, cela merite la mort la plus cruelle qu'on puisse imaginer. Les autres indices sont la contenance du Sorcier, qui baisse ordinairement la veuë contre terre, and n'ose regarder en face, les variations aux interrogatoires8, and sur tout si -notes- 8de sera nu nuius vindict. 8l. Vnius. §. testes,de quast. c. liter as, de prascrtpt.Bart. in l.vlt. de qu. Ancaran cès. 288. Alexa. consil. 77.lib. 1. Seci. consil. 15. l.1. Page 471

le Sorcier est descendu de pere ou mere Sorciers. Car c'est vn argument bien grand aucc le bruit commun, d'autant que le plus aggreable sacrifice que le Diable desire de telles ge (02) s, est de vouër and dedier leurs enfans à son seruice, si tost qu'ils sont nez: comme i'en ay remarqué des exemples. Et n'y a pas long temps que M. Anthoine de Louan Lieutenant de Ribemont me dist, qu'il auoit faict le procez à vn nommé Claude Vvatier, accusé de plusieurs Sortileges, duquel le pere Nicolas Vvatier est mort en prison pour mesme crime de Sorcellerie: and sa mere grand, nommee Catho, auoit esté bruslee toute vifue. I'ay remarqué le semblable de Ieanne de Heruillier, qui fut bruslee vifue, de laquelle la mere auoit esté condamnee par arrest à estre bruslee vifue, and la petite fille estoit ja dediee à Sathan quand sa mere fust prise: and en cas pareil Barbe Doré qui fut aussi bruslee, and les Sorcieres de Longny en Potez, and les Sorcieres de Valery en Sauoye, and celle de Chasteau Roux auoient faict leurs filles Sorcieres: tellement qu'on peut faire vne reigle qui n'aura pas beaucoup d'exceptions. Que si la mere est Sorciere aussi est la fille (comme on dict pour l'impudicité) que la fille semble à la mere: qui n'est pas tousiours veritable. Mais quant aux Sorcieres, la reigle est presque infallible, comme il s'est trouué par infinis procez. L'autre presomption est si la Sorciere ne pleure point, qui est vne des plus fortes presomptions que Paul Grilland, and les inquisiteurs ont remarqué pour en auoir faict executer bien grand nombre. Le Lieutenant de Ribemont, duquel i'ay parlé cy dessus, m'a dir Page 472

que l'vne des Sorcieres, ausquelles il a faict le procez, confessa qu'elles ne peuuent ietter que trois larmes de l' il dextre: ce qui m'a semblé digne d'estre remarqué. L'autre presumption est, si la Sorciere s'est trouuee en la maison, ou en l'estable d'autruy, and que peu apres la mort ou maladie soudain soit aduenuë à quelqu'vn, encores que la Sorciere n'ayt esté saisie des poudres, and qu'on ne l'ayt veu ietter le Sort. Car ceste preuue seroit euidente. Mais quant à la presomption derniere, elle est tres-violente: and de presomption semblable vse Cornificius8. and Bartole9 contre celuy qui à esté veu où il n'auoit accoustumé de frequenter, quand le crime a esté faict, ou qui a esté trouué pres de l'acte1, and crime perpetré. Nous en auons les histoires recentes mesmement de Cazal en Piedmont, où l'on apperceut, que vne nommee Androgina entroit és maisons d'autruy, and tost apres les personnes mouroyent. Elle fut prise and confessa la coniuration de toutes les Sorcieres ses compaignes, qui estoient enuiron quarante qui gressoient les cliquets des portes pour faire mourir les personnes. Celà aduint l'an M. D. XXXVI. and depuis encores à Geneue il aduint vn cas semblable l'an M. D. LXVIII. and la peste fut en ceste ville là pres de septans, ou plusieurs moururent. Nous lisons vne semblable histoire de cent septante Sorcieres qui furent aussi executees en Rome pour cas semblable, soubs le Consulat de Claudius Marcellus, and Valerius Flaccus: auquel temps on ne les prenoit que pour empoisonneresses. L'autre presomption est la freque (02) tation auec les Sorciers attaints and conuaincus, qui est -notes- 8ad Here (02) nsu (05) . 9Bartol.in l. finals in fine de questionib. Salacet. l. vlt. eod.C.Paris de Puseo in trae (02) t. Syndic. verbo viso, ex l. §. quid ergo ad Syllantanum. 1. Bartol. in l. fur defurtis ff. 1Argumento l. 3.§. nullus, de excusat. tutor.l. ite (02) apnd Labeone (02) . §.adduxisse,de iniurüs, ff. l. nullius, §. 1.de actio.empt.ff. l. ædiles. §. Pædius, de adilitio edicto, ff. Page 473

aussi fort notable. Car chacun se ioint auec son semblable. C'est aussi grande presomption quand celle qui est soupçonnee a accoustumé d'en menacer4. Car le naturel des femmes impotent brusle d'vn appetit de vengeance incroyable, and ne peut tenir sa langue, si elle a puissance de nuire qu'elle ne menace: and si apres les menaces la mort s'en ensuit, c'est vne presomption tres-violente2 en tous crimes, and necessaire en cestuy cy. I'ay veu au procez de Guillaume l'An glois qui fut condamné d'estre bruslé vif par le Bailly de Corbeuille, que apres auoir menacé vne femme en blasphemant Dieu qu'elle s'en repentiroit aussi tost elle deuint forcenee, and furieuse laquelle rage luy dura vn mois and iusques à ce que le mary d'elle eust appaisé ledict l'Anglois qui aussi tost la guarit. Baptiste Zilet grand Iurisconsulte au Consil LXXIX. allegue d'vn nommé Anthoine Zund Allemant, lequel estant accusé d'auoir faict mourir vn nommé Valentin vn peu deuant qu'il mourust, il auoit dit que l'annee ne passeroit pas qu'il ne sechast comme vn baston: and de fait il mourut. Le Sorcier fut appliqué à la question: ce qui suffiroit en tous autres crimes3, and en cestuy-cy telle menace est encores plus violente: Et la confession hors iugement és autres crimes suffist à la torture4: En cestuy-cy, elle suffist à la condamnation, comme en cas pareil, si le coulpable à demandé pardon hors iugement de l'homicide commis, la tortnre y eschet s'il denie en iugement: en ce crime icy si detestable il suffist pour la condemnation à la -notes- 4Bald. in l. paeumemum, de bared. instuurnd. ff. argd si bi qui adulterij de adul. C.l si vere uon, mãdau, ff. 3. de repudtu, ff.l.samesi. ad l. inlean mausi.ff. 2Sperul. us. de præscrip. §. species, versu sed pone. Alberum in l. metum, quod merus C.Bald. and Inuola l. 1. de seruis sugitiuis, C. Felin in l. cum opertet de accusas. 3l. de minore. §. sermenta,de quast. Ange, Areti. in sua in quisuicn. in glo. suprr ver be comparrt. 4l cap. 5. de adult. ff. vbs glo. and Barto. Page 474

peine, qui sera reiglee selon la qualité des personnes. Car tous les Docteurs and practiciens demeurent d'accord5 que l'accusé est conuaincu, s'il à requis pardon en iugement du crime dont il est attainct, encores qu'il s'en departe puis apres: and demeurent aussi d'accord6 que la confession faicte hors iugement, and puis reuo quee suffist à la torture és autres crimes. Comme en cas parcil les mensonges7 and variations font indice, and presomption violente contre les Sorciers, pour les appliquer à la question. Or il faut que le iugement de ce crime si detestable soit traicté extraordinairement, and autrement que les autres crimes. Et qui voudroit garder l'ordre de droict and procedures ordinaires, il peruertiroit tout droict diuin and humain4, mais il ne faut pas aysément appliquer les Sorciers à la question. Car les Iuges ont remarqué qu'ils n'en tiennent pas grand compte, qui pourroit causer l'impunité: d'autant que apres la question, si l'accusé à bonne bouche, il est eslargy par tout: qui est le plus grand danger qui puisse aduenir en l'in quisition de ce crime de leze majesté diuine and humaine, and qui comprend 7 tous les autres crimes qu'on peut imaginer. Car combien que le Diable ne puisse deliurer le Sorcier de la main de Iustice: si est-ce qu'on a veu que les Sorcieres ne sont pas delaissez de Sathan, s'ils ne se repentent. Et mesmes Sathan leur nomme celuy qui est leur ennemy. I'ay sçeu de M. Adam Martin Baillif de Bieures, que lors qu'il fist le procez à vne Sorciere de Bieures, elle luy disoit souuent: Ie sçay bien que tu me feras vn meschant tour: and deuant que la sentence luy fust prononcee, -notes- 5cap. venerabilis de elect. and D.in c. exhibisa, de hom. Iean. And. Hostien. Butr. Car.lin.Panor. ibidem. 6Bart. in d. l.c.5.de adul. gl.l. ictus fustus de us qui notantur.Bar. and alij D. in l.quo niam, de infam. Alexand. and Soc. cõm unem esse tradunt in l. magistrati. de Iunsdict. 7l. vnius. §. testes,de quest. and c.liter as,de præsumptione. extr. 4ca. tua nos. c. vestra, de coh abitatione clericoru (05) and mulierum. c. cum ailectus, de cõsanguin. and affinit. 2. q.1.can. prohi bentur. §. vlt. 7l. 3. 4. and vlt. de malef. c. vergentis de hære. Page 475

elle luy dist qu'il la feroit brusler toute vifue. (Ce qui fut faict par la faute du bourreau, qui deuoit par la sentence l'estrangler: mais il ne peut:) and tousiours sont dissuadez par Sathan de dire la verité. Et quelquefois il empesche 1 qu'ils ne sentent la question comme escrit Spranger l'inquisiteur qui n'est pas de aduis qu'on applique les Sorciers aysement à la question. Toutesfois ie seray tousiours d'aduis, si c'est vne ieune fille, vn ieune enfant, ou vne femme delicate, ou quelque mignart, s'il y a presomptions violentes, qu'on presente les vns à la question auec terreur, and qu'on y applique les autres: and non pas les vieilles Sorcieres endurcies and opiniastres en leur meschanceté. Et si apres qu'on aura tiré la verité de celuy qu'on aura appliqué à la question, il faut soigneusement le garder, à fin que le Diable ne parle à luy, and puis de rechef XXIIII. heures apres luy repeter sa confession, suyuant l'ordonnance du Roy Loys douziesme. Car pour en tirer preuue necessaire, il faut persister, comme l'ordonnance veut, qui à esté confirmee par plusieurs2 arrests. Autrement si la Sorciere se depart hors la question, il ne faut pas y asseoir iugement 3 de condemnation de mort: n'y d'autre peine corporelle, s'il n'y auoit d'autres presomptions. I'ay dict cy dessus, que l'ordonnance de Louys douziesme, qui defend d'appliquer à la question pour vn tesmoing sans reproche, s'il n'y a autres indices, ne doibt auoir lieu, au crime, qui s'offre, ou la preuue ne se peut auoir, que bien difficilement. Car si pour crime de leze Majesté humaine, il est permis d'appliquer4 à la question -notes- 1Paris de Puteo in tract.de Syndsc. c.tert. Sylues prtm in tract. de strig. dernenst nura. li. 4.c. 5. Paul Grilland. in tract de quæst 2anno 1535. mense Augu. 3l.1.§.diuus Seucrus, de quæst. ff.l. sicut, codem.C. 3. Faber. in l. si quis, ad leg. lubani namest asis. C. 4q. Hippolitm. de Marsil. in l.repet.coll. 4. de quast. vide. sup.cap. 1. lib. 4. Page 476

sur la simple presomption, comme il s'est tousiours pratiqué: and mesmes que les Docteurs4 sont d'accord és autres crimes qu'on peut appliquer à la question sur la deposition d'vn seul tesmoing sans reproche, and proceder à la condemnation de mort sur la deposition de deux tesmoings, suiuant la Loy de Dieu, and les ordonnances humaines. A plus forte raison les Iuges doiuent promptement, comme dict Balde and Alexandre, appliquer à la question pour vn crime si abominable 5 sur la deposition d'vn tesmoing sans reproche, ou sur les presomptions violentes and vrgentes: Et la raison est qu'vn tesmoing sans reproche faict demie preuue, comme si le mary depose qu'il a esté conduict par sa femme aux assemblees des Sorciers, and qu'elle denye, elle doit estre appliquee à la torture, si elle n'allegue hayne capitalle, ou parjure du mary. Car ces deux points de reproche sont tousiours receuables, and mesmement le parjure, qui ne doibt iamais estre receu en tesmoignage pour faire presomption and indice: s'il n'est aydé d'vn bon tesmoing, ou autre presomption bien violente, comme si le Sorcier se trouue marqué: qui fut le moyen par lequel le Sorcier Des-eschelles en descouurist plusieurs. Mais ie suis bien de l'aduis de Dagneau, qui dict que les plus grands Sorciers ne sont points marquez, ou bien en lieu si secret, qu'il est quasi impossible de les descouurir. Car i'ay sçeu d'vn Gentil-homme de Vallois, qu'il y en a de marquez par le Diable soubs la paupiere de l' il, soubs la leure, and mesmes au fondement. Mais Des-eschelles disoit, que ceux -notes- 4Aceursius in dicta l. si quis, and ibi. Bal.i. and Sali. Matibeus afflict. in constu. Neapoli.tu.de us qui fideiussores. nu. 17. lices verba legis mariss, de quest. ff. repugnare vide (02) tur. 5not at.Bal.in l. 3. de Episco. andientia. Co. Ange.in l. 1. de male.C. and in l. quicu (05) que, de seruis fugit. C. promptior (inquit) esse debet index ad tcrturam. Idem Alexã. lib. 3. consil. 60.Affictus in consuetud. Neapoli. 3. de nox. cap.1.testimon. um, de testib. c. sicut nobis, fine. Raphaè l Fulg. consi. 173. and consi. 107. and Decius consil. 189. Page 477

qui estoient marquez auoyent comme vne piste, ou pied de lieure, and que l'endroict estoit insensible, encores qu'on y mist vne aiguille iusques aux os. Ce seroit bien vne presomption tres-violente, and suffisante auecques d'autres indices: pour proceder à la condemnation: comme en cas pareil, la deposition du Sorcier repenty, qui en accuse plusieurs en mourant, doibt seruir de presomption violente contre les autres. Car il est à presumer6, puis qu'il c'est repenty, and qu'il a inuoqué Dieu, qu'il a dict la verité. Mais aussi il ne faut pas y adiouster foy, si le Sorcier est mort obstiné, comme la pluspart meurent and ne peuuent ouyr parler de Dieu. Qui seruira de limitation à la reigle des anciens Docteurs: que celuy qui meurt est presumé de dire verité. Sur laquelle deposition nos peres anciens procedoient à la condemnation: comme il se faisoit aussi en crime de leze majesté. Et de faict Neron fist mourir ses plus intimes sur la deposition de ceux qui mouroyent, qui n'auoyent autre but que de se venger de leurs ennemis en mourant. Tout cela depend de la discretion d'vn Iuge prudent and bien entendu, qui peut voir si celuy qui meurt parle pour se venger,7 and s'enquerir diligemment s'il a eu inimitié contre ceux qu'il defere. Il y en eut vne Sorciere nommee Beraude bruslee à Maubec pres Beaumont de Lomaigne: and lors qu'elle fut sur le poinct d'estre bruslee, on luy demanda si vne Damoyselle, qu'elle auoit accusee, en c'estoit: la Damoyselle luy fust confrontee, qui le nya. Mais la Sorciere luy repliqua ces mots, No scabes tu pas -notes- 6ex. l. vit. ad leg. Iul. repetund. and o. Sancimus. prima.q. 7 Lcum quis decedens. §. codt. ilias de legar. 2. ff. authen. quod obtinet, vbi Bald. de probat. and in leg. 2. comomunia de leg. C.D.in c. qua ni, de re iudicata Alexan. in l. si de donat. de col.Co. 7Vide Bald. in in. de pace Conftant. verbo vassala. in sine.laso. in.l. 1.col. 2.Oltra. consil. 192. viso. Hippol. Marsi.in prat. §. restit. coll. 12. and in rubrica de sideius. col. 7.8. and seq c. latis. Bartol. in l. si quis in graui §. 1. ad Syllanianun. ff. Page 478

que lo darre cop que nos hem lo barran a la crotz dau pastis, tu portaues lo topin de les posons? C'est à dire, ne sçais tu pas que la derniere fois que nous fismes la danse à la croix du pasté, tu portois le pot des poisons? La Damoyselle demeura muette, and ne respondit rien. En quoy elle se monstra conuaincuë. Mais si le Sorcier meurt opiniastre, il faut presumer qu'il est ennemy iuré de Dieu and des hommes: and qu'il voudroit tous faire mourir en viuant: comme disoit Neron le grand maistre Sorcier, corrigeant le dire de celuy qui desiroit qu'en mourant le ciel and la terre fussent reduits en cendre, il disoit me moriente. Neron dist [Greek omitted] c'est à dire, moy viuant. C'est le cas auquel vne presomption destruit l'autre 8. Et neantmoins le iuge ne doibt pas mespriser la deposition de celuy qui meurt. Car il se peut faire qu'elle sera veritable, comme nous auons monstré cy dessus, que les Sorciers font souuent mourir les Sorciers: and que Dieu ruine ses ennemis par ses ennemis, comme dict Ieremie. Mais si l'accusé par vn Sorcier obstiné allegue pour ses faits iustificatifs, qu'il a tousiours vescu en homme de bien, il doibt estre receu en sa iustification, and au contraire s'il appert que l'accusé soit aussi suspect, ou qu'il ayt autresfois esté attainct, and non iustifié, ou puny, il faut presumer contre luy qu'il est Sorcier. Et jaçoit qu'on trouue qu'il ne faut pas receuoir la preuue contre la presomption 9 de droict, and que de droict diuin la Sorciere est presumee homicide, voire parricide: si est-ce qu'elle sera receuë à representer, ou monstrer en vie ceux qu'on l'accuse auoir tuez. Car ce -notes- 8L dinus. de in integ. rest. 22. q. 2. c. 1. Est. and c. ne quis, ne quis arbitretur. 9l. antiquæ. ad velle, C. l. vlt.ad maced. l. vlt. arbitriu (05) intelæ. C. l. à diuo Pio. §. si piguera. de re rudicata ff. Alexan. in. inser strpulamtem. §. 1. de verb. abbgm. and conss. 47. and consil. 91. coll.sinali.lib. 6.Romã cons. 350. Hippoln. Marsil. in l.2. §.ad quast. de quæst. specula. in tit. de præsumptie. Page 479

fait iustificatif qui depend de l'euidence1 est plus fort que toutes les preuues and presomptions contraires, quand le fait est permanent: tout ainsi que nous auõs dict cy dessus, que la verité du faict permanent contre la Sorciere, est la plus euidente preuue qui soit. Mais la maxime de droict2 est, que la preuue moins legitime doit suffire toutesfois and quantes qu'on ne peut auoit la preuue és crimes atroces, and mesmement nocturnes, comme cestuy-cy. Toutesfois le Iuge bien entendu ioindra toutes les presomptions pour recueillir la verité, pourueu toutesfois qu'il ne face comme plusieurs Iuges d'Allemaigne, qui cherchent d'autres Sorciers qui font danser les tamis, pour sçauoir si celuy qui est accusé est Sorcier, ou en faisant prendre des souliers neufs gressez d'oing de porc aux ieunes enfans, qui vont à l'Eglise, de laquelle les Sorcieres ne peuuent sortir, s'il ne plaist à ceux qui ont les souliers: ou bien de lier les deux pieds and mains à la Sorciere, and la mettre doucement sur l'eau: and si elle est Sorciere, elle ne peut aller à fonds. Car le Diable faict par ce moyen vne Sorcellerie de la Iustice, qui doibt estre sacree. Comme en cas pareil au liure des Coniurations impri mé à Rome, and en Auignon, il y a vne recepte de faire vn formaige au nom de la Sorciere, pour l'accusé, que ie ne mettray point, ny d'autres semblables, que i'ay leües. Mais la question est, s'ils ny a ne confession du Sorcier, ny tesmoing sans reproche, ny euidence de fait permanent, and neantmoins qu'il y aye plusieurs presomptions violentes, comme d'estre reputé and tenu pour Sorcier par tous les voisins,2 ou d'auoir estésaisy -notes- 1Felin. in ca. quãto, de præsumptio. Sald. in l.contra negantem. red. Roman. consil. 350. coll. 8. Alexan in l. vnica. vt quæ desunt admocatis. C. and consi.218.col. pennlt. 2ca. præterea, cum gl.eat.de testib. Paner. in c. venerabilis col.2.eod. l.si ij. qui adul terip ad l. Iulde aduls.ff. 2a vieinis Ve ritas melius baberi petest voc Bartol. in l. Dominus horteorum. locati. ff. and argu. l. si na §.mulie. and ibi. Bartol. de fundo instructo. ff. Book 4 - Chapter 5 Page 480

de crapaux nourris en pots, ou autre lieu secret, and neantmoins que le Sorcier n'ayt menacé personne. Ie dits que telle presomption violente ne suffira pas à la condemnation de mort: Mais bien à d'autres peines. Disons donc de la peine des Sorciers qui doibt estre aggrauee, ou moderee pour la grandeur de la preuue, and des forfaicts. De la peine que meritent les Sorciers. CHAP. V. Il y a deux moyens par lesquels les Republiques sont maintenuës en leur estat and grandeur, le loyer and la peine: l'vn pour les bons, l'autre pour les mauuais: and s'il y a faute à la distribution de ces deux poincts, il ne faut rien esperer que la ruine ineuitable des Republiques, non pas qu'il soit necessaire que tous les forfaicts soyent punis: Car les Iuges ne suffiroient à les iuger, ny les bourreaux à executer: aussi n'aduient il pas que de dix crimes il y en ayt vn puny par les Iuges: and ordinairement on ne void que des belistres condamnez. Ceux qui ont des amis, ou de l'argent, eschappent le plus souuent la main des hommes. Vray est que leurs amis, ny leurs biens ne les garentiront pas de la main de Dieu. Mais ceux là s'abusent bien fort, qui pensent que les peines ne sont establies que pour chastier le forfait. Ie tiens que c'est le moindre fruict qui en reüssit à la Republique. Car le plus grand and principal est pour appaiser l'ire de Dieu, mesmement si le forfaict est directement contre la majesté de Dieu comme cestuy-cy. Aussi void on Page 481

quand le peuple de Dieu se mesla auee les Moabites, qu'ils les attirerent aux sacrifices de Bahal-Phegor1 l'ire de Dieu s'embrasa, and en mourut vingt and quatre mil: and en fust mort beaucoup plus n'eust esté que soudain Pinhas fils d'Eleazar voyant l'ire de Dieu se embraser, transperça d'outre en outre l'vn des Capitaines du peuple couché auec vne Moabitide. Alors la mortalité cessa: Et Dieu dict à Moyse, Pinhas a appaisé ma fureur par vn zele ardent qu'il a eu de mon honneur, and a empesché que ie ne ruinasse ce peuple. Dy luy que ie traitteray alliance auec luy, and sa posterité pour estre mes Sacrificateurs. Depuis il vescut trois cens ans, and sa posterité à iouy plus de trois mil cinq cens ans de la sacrificature, qui estoit le plus grand honneur qu'on peut auoir. Voyla donc le premier fruict de la punition des meschans. C'est d'appaiser l'ire de Dieu, and sa vengeance sur tout vn peuple. C'est pourquoy il est commandé2 aux Iuges quand ils auroient faict information, and qu'ils n'auront peu descouurir celuy qui aura faict l'homicide, qu'ils prennent vne vache pour sacrifier au lieu ou l'homicide s'est fait, and lauer les mains cõme innocens du faict, and prier Dieu qu'il n'espande son ire sur le peuple pour l'effusion du sang. Le second fruict de la punition est pour obtenir la benediction de Dieu sur tout vn pays, comme quand il est dict en la Loy de Dieu,3 Apres que vous aurez razé à feu and à sang la ville d'entre mon peuple, and d'entre voz freres, qui aura laissé Dieu pour seruir aux idoles, and que vous aurez tué toute ame viuante, hommes and bestes, vous dresserez vn comble de pierre and mont-joye en triom. -notes- 1Num.c.15. 2Deuter. ca. 211. 3Denter. 13. Page 482

phe, and alors i'estendray mes grandes misericordes sur vous, and vous combleray de mes faueurs and benedictions. Le troisiesme fruit qu'on reçoit de la punition des meschans, est pour donner frayeur and terreur aux autres, comme il est dit en la Loy de Dieu4, que les autres ayant veu la punition, craignent d'offencer. Le quatriesme fruict est de conseruer les bons à fin qu'ils ne soient infectez and gastez par les meschans, cõme les pestiferez and ladres infectent 5 les sains. Le cinquiesme fruict est pour diminuer le nombre des meschans, qui est la seule raison pourquoy la coustume de Bretaigne ancienne veut, qu'on pende les larrons, par ce qu'il y en auroit trop. Voyla les mots de la coustume inepte, attendu que toutes les forests du pays n'y suffiroient pas, and que la mort est trop grieue pour punir les larrons, and ne suffit pas pour empescher les larrecins: neantmoins la coustume est fondee sur ce seul point. Le sixiesme est, à fin que les bons puissent viure en seureté. Le septiesme fruict est pour punir la meschanceté.6 I'ay bien voulu toucher les biens and vtilitez qui reüssissent de la punition des meschans. Or s'il y eut oncques moyen d'appaiser l'ire de Dieu, d'obtenir sa benediction, d'estonner les vns par la punition des autres, de conseruer les vns de l'infection des autres, de diminuer le nombre des meschans, d'asseurer la vie des bons, and de punir les meschancetez les plus detestables que l'esprit humain peut imaginer, c'est de chastier à toute rigueur les Sorciers: combien que le mot de Rigueur est mal pris, attendu que il n'y a peine si cruelle qui peust suffire à punir les meschancetez -notes- 4Deuter.ca. 15. and 19. 5Ieuis.ca.12. 13. 14. 6Deuter.19. fine. Page 483

des Sorciers, d'autant que toutes leurs meschancetez, blasphemes, and tous leurs desseings se dressent contre la Majesté de Dieu, pour le despiter and offenser par mille moyens. Les ancie (02) s se sont trouuez fort empeschez de quelle peine ils feront mourir celuy qui a tué son pere ou sa mere, cõme on peut voir en la Loy de Pompeja contre les parricides, la nouueauté d'vn supplice exquis, and neantmoins il a semblé trop doux: Et de fait la Cour de Parlement condamna Tarquez l'aisné, qui auoit fait tuer son pere Esleu de Poitiers, d'estre tenaillé de tenailles ardentes, puis estre rompu sur la rouë, and apres bruslé. Encores on iugeoit qu'il ne souffroit pas ce qu'il auoit merité, d'auoir osté la vie à celuy qui luy auoit donné la sienne. Par vn autre Atrest du mesme Parlement, vne Damoyselle qui auoit fait occir son mary, fut bruslee viue. Ce qu'elle endura assez patiemment, ayant deuant ses yeux la chemise sanglante de son mary. Et quelques vns font difficulté de faire brusler les Sorciers, mesmeme (02) t les Sorciers qui ont pactiõ expresse auec Sathan. Car c'est principalement de celles-cy, desquelles il faut poursuyure la vengeance, en toute dilige (02) ce, and à toute rigueur, pour faire cesser l'ire de Dieu, and sa vengeãce sur nous.G1 Et d'autant que ceux qui en ont escrit, interpretent le Sortilege pour heresie, and rien plus: combien que la vraye heresie est crime de leze majesté diuine, and punissable au feu par le chapitre vergentis, de hæret. Si est-ce qu'il faut remarquer la difference de ce crime à l'heresie simple: qui est vne opinion particuliere contraire à la commune, touchant les choses diuines: and laquelle peut estre telle qu'elle ne -notes- G1Premier crime dcs Sorcuiers. Page 484

concerne point le salut: and en cecas ce n'est point heresie à la maniere qu' on l'en tend: autrement il n'y auroit si sainct personnage qui ne fust heretique. C'est pourquoy le Pape Innocent 4. sur le chap. si innitaris de constitut. escrit, que celuy qui tient l'vn des opinions debatues entre les Doctes, n'est point heretique, qui faict à noter. Mais au cas qui s'offre, nous auons monstré que la profession premiere des Sorciers est de renier Dieu, and toute religion. La loy de Dieu 7 condamne cestuy-là qui a laissé le vray Dieu pour vn autre, d'estre lapide, que les Interpretes8 Hebrieux disent estre le supplice le plus grief. Ce poinct icy est bien cõsiderable: Car le Sorcier que i'ay dit, ne se contente pas de renier Dieu, pour chãger and prendre vne autre religion, mais il renõce à toute religion, soit vraye ou superstitieuse, qui peut tenir les hommes en crainte d'offenser.G1 Le second crime des Sorciers est, apres auoir renoncé à Dieu, de le maudire, blasphemer and despiter, and tout au tre Dieu, ou idole qu'il auoit en crainte. Or la loy de Dieu9 dict ainsi: quiconque blasphemera son Dieu, son peché luy demeurera, and Quiconque prononcera le grand nõ de Dieu par mespris, qu'il soit mis à mort. Ce passage à fort empesché Philon, and les docteurs Hebrieux. Car il semble que le premier chef de ceste loy parle contre tous ceux qui blasphement leur Dieu, qu'ils pensent estre vray Dieu, and de ceux-là il est dict, qu'ils porteront leur peché. Les autres Interpretes disent, que celuy qui a blasphemé Dieu, iamais ne luy est pardonné, quelque peine qu'on luy face souffrir, s'il ne s'en repent: and celuy qui a exprimé trop audacieuseme (02) t -notes- 7Deute. c.13. 8Rabbi Maymon lib.3. [Hebrew omitted] G1Second crime des Sorciers. 9Leuit. 24. Page 485

le grand nom de Dieu, [Hebrew omitted], qu'il doit estre mis à mort. Ie mettray les mots de la loy1 de Dieu, qui faict bien à noter [Hebrew omitted]. C'est pourquoy les Hebrieux n'escriuent and ne prononcent iamais ce Sainct and sacré nom de Dieu. Or on voit au premier chef de ceste loy, qu'il ne dict pas [Hebrew omitted], qui est le propre nom de Dieu, mais [Hebrew omitted], qui s'attribue à tous Dieux, and aux Anges. Car il semble que Dieu veut monstrer, que ceux qui blasphement ce qu'ils pensent estre Dieu, blasphement Dieu: ayant esgard à leur intention: and qui sonde les c urs and volontez des hommes: comme les Sorciers qui par cy deuant rompoient les bras and les cuisses aux crucifix qu'ils adoroyent comme Dieux. Ils faisoient aussi prendre l'hostie, and en repaistre les crapaux. On voit donc vne double detestable impieté aux Sorciers, qui blasphement le vray Dieu, and tout ce qu'ils pensent auoir quelque diuinité, pour arracher toute opiniõ de pieté, and crainte d'offenser.G1 Le troisiesme crime est encores plus abominable, C'est qu'ils font hõmage au diable, l'adorent, sacrifie (02) t, and les plus detestables font vne fosse, and mettent la face en terre, le prians and adorãs de tout leur c ur, comme nous auons remarqué de la Sorciere Pamphile en la ville de Larisse en Thessalie, ainsi que Apulee escrit: and sans aller plus loing, il s'est veu és faulx-bourgs de ceste ville de Laon au mois de May, M. D LXXVIII. d'vne Sorciere aux faulx-bourgs de Vaux, qui feist le semblable deuant plusieurs personnes. Ceste abomination passe toutes les peines que l'homme peut imaginer, attendu le texte formel de la Loy de Dieu, qui -notes- 1Lemit. 14. G1Ie troisiesure des Sorciers. Page 486

veut2 que celuy qui s'incline seulement pour faire hõneur aux images, que les Grecs appellent Idoles, soit mis à mort, car le mot Hebrieu Tistaueh, and le Caldean Tisgur, ne signifient autre chose que s'encliner, ce que tous les Interpretes tournent, and les Latins disent adorer. Or les Sorciers ne se contentent pas d'adorer, ou s'encliner seulement deuant Sathan, ains ils se donnent à Sathan, and le prient, and l'inuoquent.G1 Le quatriesme crime est encores plus grãd, c'est que plusieurs Sorciers ont esté cõuaincus, and ont confessé d'auoir voüé leurs enfans à Sathã, pour laquelle meschãceté3 Dieu proteste en sa loy qu'il embrasera sa vengeã ce contre ceux qui dedioyent leurs enfans à Moloch, que Ioseph intreprete Priapus, and Philon interprete Saturne: and en quelque sorte que ce soit, c'estoit à Sathan, and aux malins esprits.G2 Le cinquiesme passe encores plus outre, c'est que les Sorcieres sont ordinairement conuaincues par leur confession, d'auoir sacrifié au Diable leurs petis enfans, auparauant qu'ils soient baptisez, les esleuant en l'air, and puis leur mettant vne grosse espingle en la teste, qui les fait mourir: qui est vn autre crime plus estrange que le precedent. Et de fait Sprãger dit, qu'il en a fait brusler vne, qui en auoit ainsi faict mourir quaranto and vn, desquels elle auoit humé le sang, auec d'autres Sorcieres.G3 Le sixiesme crime passe encores plus outre: car les Sorcieres ne se cõtente (02) t pas de sacrifier au Diable leurs propres enfans, and les faire brusler par forme de sacrifice, comme faisoient les Amorrheans and Cananeans, pour monstrer cõbien ils sont affectionnees à Sathan: contre lesquels -notes- 2Exod.c.20. and ca.32. and Deuter. 13. et 27. Num.c.25. G1Le quatriesme crime. 3Leuit.21. Deuter.18. G2Le cinquiesme crime. G3Le sixiesme crime. Page 487

Dieu parle en sa loy4 disant, qu'il a arraché les peuples de la terre pour telles abominatiõs: ains encores ils les consacrent à Sathan dés le ventre de la mere, comme le Baron de Raiz, auquel Sathan dist, qu'il falloit luy sacrifier son fils estant encores au ventre de la mere, pour faire mourir l'vn and l'autre: cõme il s'efforcea de faire, s'il n'eust esté preuenu, ainsi qu'il recogneust and confessa: qui est vn double parricide auec la plus abominable idolatrie, qu'on peut imaginer.G1 Le septiesme and le plus ordinaire est, que les Sorciers font serment, and promettent au Diable d'attirer à son seruice tous ceux qu'ils pourront, comme ils font ordinairement, ainsi que nous auons monstré si dessus. Or la loy5 de Dieu dict que cestuy-là qui est ainsi appellé doit faire lapider celuy qui l'a voulu desbaucher.G2 Le huictiesme crime est, d'appeller and iurer par le nom du diable en signe d'honneur, comme font les Sorciers qui l'ont tousiours en la bouche, and ne iurent que par luy, sinon quand ils renient Dieu, ce qui est disertement contre la loy de Dieu qui defend de iurer par autre que par le nom6 de Dieu. Ce que l'escriture dict, donne gloire à Dieu: ainsi disoient les iuges en prenant le serment des parties ou des tesmoins: dõne gloire à Dieu.G3 Et le neufiesme est, que les Sorciers sont incestueux, qui est le crime de toute ancienneté, duquel les Sorciers sont blasmez and conuaincus. Car Sathan leur faict entendre qu'il n'y eut onques parfaict Sorcier, and enchãteur qui ne fut engendré du pere and de la fille, ou de la mere and du fils. Et a ce propos disoit Catulle. -notes- 4Deater.18. G1Sepsiesune crime. 5Deut.13. G2Le 8.crime. 6Hier.5. and 12. G3Neusiesune crime. Page 488

Nam Magus ex matre and gnato gignatur oportet, Si vera est Persarum impia religio. Epiphanius contre les Gnostiques, and Athenagoras enl'Apologie ont remarqué que l'inceste est commun aux Sorciers. Toutes ces impietez là, sont directeme (02) t contre Dieu and son honneur, que les iuges doiuent venger à toute rigueur, and faire cesser l'ire de Dieu sur nous. Quant aux autres crimes des Sorciers, ils touchent l'iniure faicte aux hommes, qu'ils vengent bien quand ils peuuent. Or il n'y a rien qui desplaise tant à Dieu,7 que de voir les iuges venger les moindres iniures à eux faictes, ou aux autres, and dissimuler les blasphemes horribles contre la Maiesté de Dieu: comme ceux que i'ay recité des Sorciers. Poursuyuons donques les autres crimes.G1 Le dixiesme est que les Sorcieres font mestier de tuer les personnes, qui plus estd'homicider les petits enfans, puis apres les faire bouillir and consommer iusques à rendre l'humeur, and chair d'iceux potable, comme dit Spranger auoir sçeu par leurs confessions: and Baptiste Porta Neapolitain au liure de la Magie. Et faict encores à noter, qu'elles font mourir les enfans auparauant, qu'ils soyent baptisez: qui sont quatre circonstances, qui aggraue (02) t bien fort l'homicide.G2 L'onziesme crime est que les Sorcieres mangent la chair humaine, and mesmement des petits enfans, and boiuent leur sang euidemment. Ce qui sembloit estrange à Horace, quand il dict, Neu pransæ Lamiæ viuum puerum extrahat aluo. Et neantmoins cela s'est verifié souuent, and quand elles ne peuuent auoir des enfans, elles võt deterrer les -notes- 7Samuel.c.2 G110. trime des sorciers. G211. crime. Page 489

hommes des sepulchres, ou bien elles vont aux gibets pour auoir la chair des pendus, comme il s'est verifié assez souuent. Et à ce propos disoit Lucan, -laqueum, nodósque nocentes Oresuo rupit, pendentia corpora carpsit, Abrasit cruces, percussáque viscera nymbis Vulsit, and incoctas admisso sole medullas. C'est pourquoy Apulee dict, estant arriué à la ville de Larisse en Thalassie, qu'il gaigna six escus à garder vn corps mort vne nuict, par ce que les Sorcieres, dont ce pays là estoit diffamé, s'il n'y auoit bonne garde, entroient en telle forme qu'elles voloient, and rongeoient les corps morts iusques aux os.G1 Mais on void que c'est vne persuasion detestable, que le Diable met au c ur des hommes pour les faire tuer, and manger les vne les autres, and ruiner le genre humain. En cores faict-il à noter que tous Sorciers font ordinairement des poisons, qui suffist pour proceder à la condemnation de mort par la Loy Cornelia de sicariis, quand mesmes la poison n'auroit esté baillee, l.1.in verbo, venenum confecerit.de sicariis.ff. Or l'homicide par la Loy de Dieu7 and par les loix humaines8 merite la mort, and ceux qui mangent la chair humaine, ou qui la font manger merit ent aussi la mort, comme il se trouua vn pastissier dans Paris, qui faisoit mestier de faire des pastez de chair de pendus. Il fut bruslé tout vif, and sa maison razee auec defe (02) ces d'y bastir: and qui est demeuree longuement deserte en la rue des Marmoufets. G2 Le douziesme est particulier, de faire mourir par poisons ou sortileges, qui est separé du simple homicide -notes- G12.Deut.19. 8Teto tit. ad d.l.Cor. de sicarus. C. G212. crime. Page 490

en la loy Cornelia, de sicariis and veneficiis. ff. Car c'est beaucoup plus griefuement offenser de tuer par poison qu'a force ouuerte, comme nous dirons tantost, and encores plus grief de faire mourir par sortilege 2 que par poison. Grauius est occidere veneno, quam gladio.G1 Le tresiesme crime des Sorciers est de faite mourir le bestial, chose qui est ordinaire. Et pour ceste cause vn Sorcier d'Ausbourg l'an mil cinq cens soixãte and neuf, fut tenaillé, pour auoir faict mourir le bestial, ayant prins la ferme de cuir des bestes.G2 Le quatorsiesme est ordinaire, and porté par la Loy, c'est à sçauoir de faire mourir les fruicts, and causer la famine and sterilité en tout vn pays Le quinziesme est, que les Sorcieres ont copulation charnelle auec le diable, and bien souuent pres des maris, comme i'ay remarqué cy dessus, que toutes confessent ceste meschanceté.G3 Voyla quinze crimes detestables, le moindre desquels merite la mort exquise, non pas que tous les Sorciers soyent coulpables de telles meschancetez, mais il a esté bien verifié, que les Sorciers qui ont paction expresse auec le diable, sont ordinairement coulpables de toutes, ou de la pluspart de ces meschancetez.G4 Or quand il y a plusieurs crimes commis par vne personne, and par plusieurs actes, ils faut qu'ils soient tous punis, and ny à iamais d'impunité de l'vn pour la concurrence de l'autre:3 and faut, comme dict Bartole,4 imposer plusieurs peines distinctes5 soit par les loix and ordonnances, soit par l'arbitrage du iuge. En plusieurs crimes sont commis par vn mesme acte, si ce n'est que les crimes soyent d'vne mesme espece: comme le parricide6 est -notes- 2l. 1. ne male fic.Cod. G113.crime. G214.crime. G315.crime. G4l.3. nunquam de priuatis delictis. ff. 4ex l.3.de termino moto. ff. l.prætor. §. si mihi plures de iniur.ff.l.si adulterrium cu incrfu de admls. ff. 5l.non est nonum. de actio emt.l.qui sepulchro velate C. 6l. Senatur de accusa. and ibi Bart. l. prætur edixit. §.1. de iniur. ff. Page 491

aussi homicide, and toutesfois il ne sera tenu que de la peine des parricides. Orla Loy de Dieu qui decerne la peine de mort, n'articule pas les meschancetez des Sorciers: Mais est dict seulement que la Sorciere9 ne viue poinct, c'est à dire [Hebrew omitted], lequel pas. sage interpretant Philon Hebrieu dict que ces mots lohtechaieh, signifie que le iour mesmes qu'elle est cóueincue, elle doit estre mise a mort, and qu'il se pratiquoit ainsi. En quoy non seulement Dieu monstre la grandeur du crime: ains aussi le desir qu'il a qu'on en face bonne and briefue iustice, and notamment la loy condamne à mort, à fin que la peine ne soit diminuee pour le sexe feminin, comme il se faict en tous autres crimes en terme de droict.1 Car il y a plus d'offence à tuer vne femme qu'vn homme, dict Aristote aux proble. liure vingneufiesme chapitre 11. Et par ainsi quand il ne sera rien verifié contre la Sorciere des idolatries, blasphemes, sacrifices, parricides, homicides, adulteres, and paillardises, auec le Diable and autres meschancetez. Si est-ce que s'il est verifié que l'accusé soit Sorcier, il merite la mort. La loy Ciuile passe plus outre. Car elle ne veut pas seulement que la Sorciere, qui a paction expresse auec le diable, telle que nous auons dict soit mise à mort, ains aussi celuy qui demande1 conseil aux Sorcieres, que la Loy abhomine si fort qu'elle appelle tantost telles gens, hostes salutis communis,2 tantost ob facinorum magnitudinem,3 maleficos, tantost peregrinos naturæ, hos tanquã4 naturæ peregrinos feralis pestis absumat, tantost humani5 generis hostes. Et mesmes Sainct Augustin au liure de la -notes- 9Exod. 22. 1l. sacrilegu de pen. ff. l. si adulterium § stuprum de aduls. ff. c. sicus de bonni 1l. nemo aruspicen. de ma Cod. 2l. vlt cod 3d. l. nemo. co. 4l. nulos. co. 5d.l. and si.de malef.C. Page 492

Cité de Dieu, appelle maleficos les Sorciers ob maleficiorum magnitudinem. Et quand aux Sorciers courtisans d'autant que ceste vermine s'approche des Princes tant qu'elle peut, and non seulement à present, ains de toute ancienneté, pour ruiner toute vne Republique, y attirant les Princes, qui puis apres y attire (02) t les subiets la loy y est notable: Car il est dit que s'il y a Sorcier qui suyue la Cour, ou Magicien, ou aruspice, ou ariole, ou augur, ou interpretant les songes par art diuinatrice, il adiouste encores ce mot, Mathematicus, qui signifioit diuin, de quelque qualité, and pour grand Seigneur qu'il puisse estre, qu'il soit exposé aux tourmens, and crucifié sans auoir esgard à sa qualité. Il seroit de besoing que ceste loy fust grauee en lettre d'or sur les portes des princes: Car ils n'ont peste plus dangereuse à leur suitte. Et à fin qu'on sçache combie (02) les Princes Payens sont plus loüables que plufieurs Princes Chrestiens qui ont des Sorciers a gages, nous lisons que du temps de Marius6 le Senat Romain bannit vne femme nommee Marthe, qui se faifoit fort de dire tout ce qui aduiendroit de la bataille contre les Cymbres, and Claude l'Empereur fist proceder à toute rigueur contre vn cheualier Romain qui fust condamné à mort:7 and son bien confisqué, pour auoir porté sur luy vn uf de coq les autres disent de Serpent, pensant par ce moyen abuser de la religion des iuges, and par faueur gaigner la cause. Et soubs Tybere il y en eut, pour la moindre opinion d'auoir vsé de necromantie, condamné à mort.8 Et mesmes l'Empereur Caracalla9 en cõdamna, pour auoir pendu à leur -notes- 6Plutar: hus in Mario. 7Tacitus Pli. lib.29.c.3. 8Idem Taci. 9Spartian. in Caracalla. Page 493

col d'herbes and autres c hoses, pour guerir des fieures, qui est chose deffendue par la loy de Dieu, quand il abhomine les manieres de faire des Amorrheãs and Chananeans: entre lesquelles Moyse Maymon met telles ligatures, que sainct Augustin códamne aussi, comme nous auons dict cy dessus. Ce iugement de l'Empereur Caracalla doit estre misdeuãt les ieux de ceux qui abu sent de la loy de Dieu, pardõnant les execrables meschancetez des Sorciers qui cause tous les maux que nous souffrõs. Toutesfois ie suis d'aduis que ceux qui les baillent, and non pas ceux qui les prennent par ignorance, soient poursuiuis en iustice. Car ce sont les principes d'ido latrie and de Sorcellerie: Ce qui seruira d'exemple pour monstrer en premier lieu que les Sorciers qui ont pactiõ expresse auec Sathan, meritét la mort. Et d'autãt que le crime est plus detestable, la peine doit estre plus rigoureuse. C'est à sçauoir, de lapidation, où la peine est vsitee: ou bie (02) du feu, qui est la peine ordinaire obseruée d'ancienneté en toute la Chrestienté. En Flandres, and en plusieurs lieux d'Allemaigne ont iette les femmes condamnees en l'eau: mais il c'est trouué que les Sorcieres iettees en l'eau pieds and poincts liez ne se peuuent noyer, si par force on ne leur met la teste en l'eau, commenous auons dict cy dessus: Et si auec le crime de Sorcellerie on verifie, soit par confession, ou par tesmoings, ou par euidence de faict, que la Sorciere ait faict mourir quelqu'vn, le crime est encores plus grand, and mesmes si c'est vn enfant. Et encores qu'il aduienne que le Sort ietté par la Sorciere pour faire mourir son ennemy, en ait faict Page 494

mourir vn autre, si est elle punissable de mort: and si elle a faict mourir, voulant faire aymer, elle metite ausfi la mott, encores qu'elle ne feust Sorciere, comme dict la loy.2 Mais en celle qui n'est Sorciere, doit estre la peine moderee. Toutesfois la difficulté bien souuent ne gist qu'en la preuue, and les iuges ne se trouuent empeschez qu'en cela. Si doncques il ny a tesmoings, sans reproche, ny confession des accusez, ny euidence de faict, qui sont les trois preuues que nous auons dict, sur lesquelles on peut asseoir iugement de mort: ains seulement qu'il y ait des presomptions, il faut distinguer si les presomptions sont foibles, ou violentes: Si les presomptions0 sont foibles, on ne doit pas condamner la personne comme Sorcier, ny l'absoudre aussi: ains il faut ordonner qu'il en sera plus amplement informé and cependant eslargir l'accusé. Mais si les presomptions sont violentes, on peut douter si en procedera au iugeme (02) t de mort, pour la difference notable, qu'il y a de ce crime icy aux autres. Car quant aux autres crimes on ne doibt1 condamner personne à la mort par presomption, pour violente qu'elle soit. Mais ceux qui ne peuuent estre condemnez à autres peines,2 comme des Galeres, ou du fouet, ou à l'amende honorable, ou pecuniaire selon la qualité des personnes,3 and la grandeur de la preuue: and par ainsi il semble qu'en ce crime si abominable on doit proceder au iugement de mort, si les prefomptions sont violentes. Toutesfois ie ne suis pas d'aduis que pour les prefomptions violentes on procede à la cõde (02) nation de mort: mais bien de toute autre peine excepté -notes- 2l.si quis aliquod qus ab ortiones. de punis ff. 0Bal.in l. sin. de prob.C.app. probationem præsumptione (02) and idem in l. præsbyt. de Episcop.C. 1l. absentem, de pen.ff l. vl. de prob.C. l. singnli. de ac. C.Gand. in tract. malaf. sub rub. quãdo puniantur plu. Ancara. cons. 217. Alex. lmm. cõs. 15.li. 1. es cõs. 14.li.3. Cæpo. cons 41.Cast. con. 192. Alex. cons. 81. lib. 5. Ang. de malef.in verbo and And. nu 22. 2Deu. 13. 3l.capitalium §. inseruoru (05) , de p n. ff.l. vli. de incendio.ff. Page 495

la mort naturelle. La loy de Dieu nous instruict en cas semblable, où il est dit, Que si tu as entendu que l'vne des villes de ton peuple sollicite les autres à laisfer le Dieu Eternel, pour prier les autres dieux, enquiers toy diligemment de la verité du faict. Et si tu cognois que le cas est bien certain, alors tu iras assieger, forcer, and mettre à feu and à sang les habitans de ceste ville. Il faut donc estre bien asseuré de la verité, pour assoir iugement de mort. Icy dira quelcun, Il faut absouldre, ou condamner si le cas est vray: la mort ny suffist pas. S'il n'est vray, il faut absoudre, ou pour le plus ordonner qu'il en sera plus amplement enquis: and ce pe (02) dant essargir le prisonnier à la charge de se representer en l'estat, and c. and non pas vfer de punition corporelle, ny oster l'honneur à personne pour les presomptions, suiuãt la disposition de la loy3 des Romains, qui n'auoie (02) t que trois lettres, l'vne portant 4 A: l'autre C: la troisiesme N.L. C'est à dire Absoluo, Condemno. Non liquet. A cela y a response, que ceste forme de proceder fust oftee5, and la forme extraordinaire mise en auant soubs l'Empire mesmes des Romains, and quant à la Loy qui dit, actore non probante reus absoluitur. Cela est vray: mais la preuue n'est pas seulement celle qui est necessaire, ains aussi celle qui approche de la preuue indubitable, mesmement des choses qu'on a de coustume d'executer en secret. La preuue par bõnes and vrgentes presomptions suffit comme dit Balde6, and lean André7 dit, ratione difficilis probationis, sufficit probatio præsumptiua: and pour mesme raison, la preuue des tesmoins domestiques est receuable8 és choses faictes en lieu secret and -notes- 3l. vlt.de probat.l.sciant. cod.Cod l.qui accusare, and D. ibidem 4Asconius in verre. 5l.or.lo.de pu bli. indi:.ff. 6in l.quicuq. de seru. sugit coll. vlt. vers and nota octa. and in Auth. quas actiones, circa sin. de sacrosanct.C. 7in cap. cum dioce, in c'ossuper verbo. arguro, and in cap.illo vos, de pignor. and in c. ad nostram, de emptione. 8in l. consensu, de repu. C. and ibi not at Bart. and idem Bart. in l. lex quæ tutor. de administ. tut. and Synus in l. parent. de test. C. Not. in c. 3. loco, de proba. et in c. venie (02) s, secund. de test. and in c. cu (05) dilecti, de clect. Page 496

domestique, qui autrement ne seroit pas receuable9. Or la meschanceté des Sorciers se faict ordinairement la nuict, and en lieu desert, escaité des hommes, and par moye (02) qu'on ne pourroit iamais presumer ny penser. Il suffit donc d'auoir des presomptions violentes pour proceder à punition corporelle en ce cas si derestable, and iusques à la mort naturelle exclusiuement: C'est à sçauoir par fustigatiõs, sections, marques, emprisonnemens perpetuels, amendes pecuniaires, confiscations, and autres semblables peines, horsmis le bannissement, si le Sorcier n'est confiné en certain lieu: car c'est chose ordinaire aux Sorciers de chãger de lieu en autre, quand on les a descouuers, portans la peste par tout, and si on les contrainct de ne bouger d'vn lieu, ils n'osent plus rien faire, se voyans esclairez, and soupçonnez: and quant aux prisons perpetuelles, iaçoit qu'il soit defendu de doit commun1: si est-ce que le droict Canon y a mieux pourueu: and mesmeme (02) t au cas qui s'offra: Car il n'y a chose que les Sorciers craignent plus que la prison, and qui est l'vn des plus grands moyens de leur faire confesser la verité, and les amener à repentãce: mais il ne les faut pas laisser sans compagnie d'autres prisonniers, qui ne soie (02) t point Sorciers. Car il s'est trouué par experience, quand ils sont seuls, que le Diales faict persister en leur meschanceté: and quelque-fois leur ayde à se faire mourir. Si donc la Sorciere est trouuee saisie de crapaux, ou lezards, ou hosties, and autres osseme (02) s, and graisses incogneuës, si elle a le bruit d'estre Sorciere, telles presomptions sont tresvio lentes and vrgentes: ou bien si autrefois elle a esté reprise de Iustice, -notes- 9l. ommbus, and ibi. Doct. de tist.Cod. 1l. mædatis, de p n.ff. Page 497

and non iustïfiee: c'est vne presomption bie (02) fort vrgente: ou bien si on l'a veue sortir de l'estable ou bergerie de son ennemy, and puis apres le bestial de la bergerie mourir: ou bie (02) si ceux quelle a menacé de les faire repentir, qui puis apres soient morts, ou tombez en langueur, mesmeme (02) t qu'il y en ait plusieurs, c'est vne presomption tresviole (02) te, pour lesquelles presomptiõs encores qu'il n'y eut autre preuue de confession, ny de tesmoings, on doit neantmoins proceder à la conde (02) nation des peines susdites: and iusques à la mort exclusiueme (02) t. C'est la regle que nous denõs tenir, ostãt la peine de mort, and adoucir2 la rigueur des loix, quand on procede par presõption. Et ne faut pas s'arresterà ceux qui disent3 qu'il ne faut condãner à peine corporelle par presõptions pour viole (02) tes qu'elles soient: and ceux qui sont de cest aduis ont suiui l'opinion d'Albert Gãdin: and mesmeme (02) t de Paul de Castre: le quel empescha, cõme il se vante4, de proceder à la condamnation de peine corporelle cõtpe vn assassin qui fut trouué ayant l'espee, sortant du lieu où l'on trouua son ennemy tué fraischeme (02) t: and mesmes le pere du meurtrier auoit dit à son fils qu'il ne retournast à l'a maison, qu'il n'e (02) ouist des nouuelles. Et apres le coup, il fust aussi verisié que son pere l'aduertist de s'en fuir. L'esprit humain, dict Paul de Castre, ne pouuoit doubter, que le meurtrier ne fust celuy qui estoit accusé, encores que il le niast. Et neantmoins il ne fut pas puny corporellement. Et de fait, les Docteurs5 de Bouloigne furent de cest aduis, and s'arrestoient aucunement à l'ancienne opinion des Romains d'absouldre ou condamner du tout, selon -notes- 2Anton. Butrig. Panorm. Feli. Ioã. Andre as in c. afferte. de præsu. tex.in c.illud de cleric. secu (05) du Felinu (05) in c. qualiter, and quando. 3Albertus Candi.in tractat. malesiaitul.de præsãp. coll. 3. Specul. tu. de prasup. § species vers. in sum. Olrad. consil. 192. vso, Bald in l. presbyt. coll. 1. vers. and adde, de Emsc C. and in l. nõ c. 9 verisimile qued metus. ff and in l. eiui de § t. de testiam. and in l. sciat cucti de probat. C. ad sine (02) , vers. 6. vbi Castrens. Bald. in l. fugit coll. 2. and ibi Capola vlt.chert de sernis fugiti. C. Idem Bald. in c. 1.sine, ait quibus modas seud. amittat, Ancar. in regul. jemel malus, col. 10. de reg. 4. Castre 209. vt a, col. vlt.lib. 2. 5Alber. Gã din. in d. trac. de malesi. tit. de præsumpt. it a resert. Roman. in l. §. Si quis in villa. fine, ad Syllans et Frãcis. Areti. in l. eius qui §. si. de testam. and Barbas consil. 26. col. 7 versu modo. li. 1. and consil. 23. Sapient: siam coll vli.lib. 2. Alexa. in l. 1. coll. 8. versu ad vnis si cert. petatur.ff. and consil. 15. viso process. coll. 2. lib. 1. and cõsil. 115. in caus. li. 3. and consil. 2. post prin. li. 7. consil. 188. col. vlt.lib. 7. Page 498

la loy, ou relascher: and neantmoins tous sont d'aduis qu'il y a tousiours de l'amende pecuniaire, quand les presomptions sont notables. Pourquoy à l'amende? S'ils iugent que les presomptions ne meritent pas qu'on y doiue asseoir iugement, il ne faut pas les condamner à l'ame (02) de, attendu mesmement que celuy qui est condamné pour crime, s'il n'a dequoy payer, il doit estre puny corporellement par les loix6 diuines and humaines. Et s'ils iugent que les presomptions violentes meritent peine, pourquoy font-ils doute de proceder à la punition corporelle, mesmement quãd l'enormité du crime y est? Les Iuges and Parlemens de ce Royaume n'ont pas suiuy les opinions des Docteurs Italiens. Car ils procede (02) t à la condãnation de peine corporelle pro modo probationis, and en tous les crimes qui ne sont pas à beaucoup pres si enormes, que celuy dõt est question. I'ay cogneu vn Gentil-homme, que ie ne nommeray point, pour l'honneur de ceux à qui il attouche, qui estoit du pays du Maine lequel ayant tué de guet à pend son ennemy, fut trouué saisi d'vne lettre escrite à son oncle, qu'il prioit de luy enuoyer argent pour sa remission. Interrogé il denie que soit son escriture. Simon Cornu Clerc du Greffe, par ordonnance de la Cour, le fait escrire: il contrefait si bien sa lettre, qu'elle n'auoit aucune semblance à celle qu'il auoit escrite: Il fut deux ans prisonnier, and n'y auoit autre preuue: bien y auoit-il quelques autrespresomptions: neantmoins il fut condamné aux galleres pour neuf ans, ainsi qu'il m'a confessé luy-mesmes. Tels iugemens sont ordinaires en tout ce Royaume, sans s'arrester aux opinions -notes- 6li. 1. § generaliter, de p uis.ff. l.siquis id quod,de iurisdict.ff. Page 499

des Docteurs Italiens. Au bas pays de Flandres, and en quelques lieux en Allemaigne on y procede bien autrement: Car ils ont d'anciennes coustumes and ordonnances de Charlemaigne, cõme ils disent, par lesquelles ils punissent à mort sur la renommee, and sur des preso mptions bienfoibles, comme ils faisoient aussi, n'a pas long temps, en Carinthie, où l'on faisoit mourir sur la presomption, puis on faisoit le procés au mort. C'estoit abuser de la Iustice: Mais le procés estant faict and parfait sur les presõptions violentes, telles que nous auons dit, on doit proceder au iugemét de peine corporelle: autrement il n'y aura iamais de punition de meschãcetez, si on ne punit que les crimes, qu'on touche au doigt and à l' il: qui est vn inconuenient'que le Iurisconsulte7 a mis en auant pour proceder à la condamnation, encores qu'il y aye doute de plusieurs qui ont offencé, le quel doit estre puny. Et iaçoit qu'il ne fust lors question que du dommage, neantmoins la raison de la peine pecuniaire au cas ciuil est semblable és peines corporelles au cas criminel, and principaleme (02) t aux crimes enormes, comme celuy dont est question. Combien que Balde8 monstre assez qu'on doit proceder à condamnation de peines corporelles par presõptions, quand il dit Mitiùs agi in p nis corporalib. quando est dolus præsumptus, and non verus. Et allegue la loy. 1. ad L. Corneliam de siccariis. ff. Ie confesse bien qu'il vaut mieux absouldre le coulpable, que de condamner l'inno cent: mais ie dis que celuy qui est conuaincu de vifues presomptions, n'est pas innocent, comme celuy qui fut trouué l'espee sanglante pres du meurtry, -notes- 7l. ita vuluerat ad l.aquil ff.l.si in rixa cod. l. item immola §. sed si plures. 8Bald. in c. 1. sine, titul quibus modis feu dum annis. Page 500

n'ayant autre que luy, and autres coniectures, que nous auons remarquez. C'est pourquoy le Roy Henry second sist vn Edict en ce Royaume, fort salutaire, publié and enregistré le quatriesme de Mars, l'an mil cinq cens cinquante six, par lequel il veut que la femme soit reputee auoir oué son enfant, and punie de mort si elle a celé sa grossesse, and son enfantement: and que son enfãt soit mort sans baptesme, and qu'elle n'ait prins tesmoignage de l'vn ou de l'autre, and neseront crouës de dire que l'enfant est mort né. Ce qui a depuis esté pratiqué par plusieurs arrests: car non seulement les femmes perdues and desesperees faisoie (02) t mourir leur fruit, ains aussi les Sorcieres les incitoie (02) t à ce faire. C'est vne presomtion de droit puis que l'Edict est fait: and l'Edict est fait sur la presõption des hõmes, qui est bie (02) vrge (02) te, and nõ toutesfois si grãde [quae] (16) les presõptions [quae] (16) i'ay remar quees cy dessus. Et nenobstant cela, non seulement on procede à punition corporelle, ains aussi à la mort. Et neantmoins il se peut faire que la femme pour conseruer son honneur, aura celé son fruict, and sa grossesse and son enfantement, que l'enfant qu'elle eust volontiers nourry soit mort en la deliurance: mais d'autant qu'on a veu que soubs ceste couuerture que l'enfant estoit mort nay, on commettoit plusieurs parricides, il a esté resolu sagement que relle presomption suffit pour proceder à peine de mort, pour vanger le sang innocent: Car il ne faut pas pour vn inconuenient qui n'aduiendra pas souuent, qu'on laisse à faire vne bonneloy0, and pour ceste cause ie fus d'aduis que vne de Muret pres de Soislons fust condamnee -notes- 0l. 3. et 4. de legib ff. 9. Sic Cato dicebas nullam legem satiscamodens omnib. esse. Page 501

à mort, ayant celé sagrossesse, and sa deliurance, and enterré son enfant en vn iardin le mois de Mars, l'an, M. D. LXXVII. Et en ce cas beaucoup moindre ceux qui ont esté accusez d'adultere, puis absoubs, si apres ils se marient ensemble, comme il estoit licite apres la repudiation se marier. La loy veut qu'ils soient punis à toute rigueur, comme adulteres, que la loy de Dieu condánoit à la mort: and celuy auquel le mary a denoncé par trois fois qu'il ne freque (02) te sa femme, s'il les trouue ense (02) ble sans crime, il luy est permis neãtmoins de les tuer2 sans forme de iustice. Et qui pl9 est, Nicolas Abbé de Palerme ne veut qu'il soit licite aux Iuges de diminuer la peine de la loy, qui toutesfois n'est fondee que sur presomptions humaines: Car la presomption des loix, n'est rie (02) autre chose que presõption humaine de ceux qui ont faict la loy sur telles presomptions, and qui plus est, d'vn faict present la loy presumele passé, and sur telle presomption procede à la conde (02) nation de mort, comme i'ay monstré cy deslus: qui fait bie (02) à noter: Car tout cela n'est fondé que sur la difficulté qu'il y-a de trouuer les adulteres ensemble. Cóbien est il dõques plus necessaire de proceder aux peines corporelles quãd les presomptio (04) s so (04) t viole (02) tes cõtre les Sorciers, and quãd l'euide (02) ce du fait y est, on doit proceder à la peine capitale, comme si l'accusé de Sorcellerie a esté trouué saisi des membres humains, mesmes de petis enfans, il ne faut pas douter de proceder à la condemnation de mort: Car l'euidence du faict permane (02) t y est, si l'accusé de Sorcellerie, pour guarir quelcun, inuoque le Diable à haute voix, ou priãt tout bas -notes- 2authet metri. et ania. §. bis quoque. Panor. in c. Accedes. ver. siculo, no obstat, de accusa. Marbes in Sin gul. 116. 9l. so qui aduls Cod. 1. l. quamnis cod. Cod. Page 502

contre terre son petir maistre, comme ils parlont, l'cuidence du fait permanent y est: Il ne faut pas douter de proceder à la peine de mort, comme fist M. Iean Martin, qui condamna d'estre bruslee toute vifue vne Sorciere de saincte Preuue, qui estoit accusee d'auoir rendu le Maçon de saincte Preuue courbé and impotent. Elle luy fit faire vn baing, and luy bailla trois lezards enueloppez en vn mouchoir, luy enioignant qu'il les iettast au baing, and qu'il dit, Va de par le Diable: Car l'inuocation du Diable est vne detestable idolatrie, and ce seul poinct suffisoit, pour la conuaincre, encores qu'elle ne confessast rien, and qu'il n'y eut aucune preuue, d'auoir rendu le Maçon impotent. Car plusieurs ostent le charme and maladie donné par les autres Sorciers: Il faut proceder aussi contre ceux-là, si on void que les remedes qu'ils appliquent ne soient naturels, ny conuenables comme les trois lezards, qui ne furent oncques depuis trouuez au baing.G1 Et comme la Sorciere d'Angiers, de laquelle nous auons touché, qui vsoit pour guerir, de ceruelle de chats qui est vne violente poison, and de teste de corbeaux, and autres ordures, and auec autres presomptions and informations, on doit proceder à punition corporelle. G2 Et s'il aduient que la Sorciere inuoque ou appelle le Diable, il faut proceder sans doubte à condemnation de mort pour les raisons susdictes: and non pas seulement de mort, ains il faut condamner tels mõstres à estre bruslez tous vifs, suyuant la coustume generale, obseruee de toute ancienneté en toute la Chrestie (02) té: de laquelle coustume and loy generalle, le Iuge ne se doibt departir ne deroger à icelle, ny diminuer la peine, s'il n'y a grãde and vrgente -notes- G13.l.seruos, fine. de crs. public. C.Lus as Pe (02) na. li. 1. col. 8. ver. distulerit, prin cip. de Sortil. lib.12. Cod. G24.l. 2. fine. de cõmercüs, C. et ibi.Bald.facit text.in c.sicut inquit, and in c. negligere, 2.q.7. and in c. error80.dist. l.1. de carcerit prinat. Page 503

raison. Car la loy dit que c'est tout vn diminuer ou remettre du tout la peine: and qui plus est, la loy tient le Iuge pour coulpable, qui remet ou diminue la peine de la loy.G1 Et si Iudex non uindicat repertum, tegere vt conscius criminosa festinat. Et passe encores plus outre: Car elle note d'infamie le iuge pour ceste cause. Et qui plus est, la loy veut qu'on punisse de cõfiscation celuy qui remet ou diminue la peine de la loy:6 and quelquesfois d'exil:7 and d'autres peines8 selon la varieté des cas, iusques à punir les iuges de mesmes peines que le coulpable, and conueincu, seroit puny, comme dit la loy 9 en en ces termes, nisi ipse pati velit quod aliis dissimulando cõcessit. Et a ce propos André Iserni dict que Charles de France premier de ce nom Roy de Naples, fist pendre le iuge qui auoit condamné le meurtrier de guet à pe (02) d d'auoir la main coupee seulement. Et s'il est ainsi que le iuge est coulpable, and doit souffrir la peine de lese maiesté, qui a remis ou diminué la peine de lese Maiesté comme dict la loy, combien plus est coulpable le Iuge qui remer ou diminue la peine de celuy qui est coulpable de lese maiesté diuine? Et la raison fort pertinente est en Cicero qui dit ainsi: Non istum Verrem maius in se scelus concepisse, cùm fana spoliaret, cùm tot homines innocentes necaret, cùm ciues Romanos morte, cruciatu, cruce afficeret: cùm prædones accepta pecunia dimitteret, quã eos qui istum tot, tantis, tam nefariis sceleribus compertum iurati sententia sua liberarent. Autant peut on dire de ceux qui enuoyent absoultes les Sorcieres (encores qu'elles soyent conueincues) and dise (02) t pour toute excuse qu'ils ne peuuent croire ce qu'on dict, qu'ils meritent -notes- G15.l.sernes sine de vi publi. C. quem allegat. Host. and Ioa. Andin nouella, vterque in verbo cod. Panor. in si. et Det. col. vis. i. C.de causus de off. dele. Rom. sing. 77. loa. Plat. in l. I. de deserto. Cod. 6Text in d. l. I. de deser. Pa. in l. si veri §. de viro. 26. Fal. Solut. mat. 7Tex. in aut. vt. neque mil. neque foedere. 8l. 1. sin. and ibi. Bal. vls. no ta de monop. C.l. si quis sepulcrum de sepule. viol. C. and l. prator. §. dinus. co. tit. and l. 1. publi. latit. C. Bart. and Bal. l. mancipia de seruis fugi. C. 9l. nulli fine ne sacrum baptisma c. An. I. sern. c. n. II. qua Suni reg. Pua. Cast. in l. Page 504

la mort. Car c'est reuoquer en doute la loy de Dieu, and toutes les loix humaines, and histoires, and executiõs infinies sur ce faictes depuis 2. ou trois mil ans, and dõner impunité à tous Sorciers. Si on me dict, que tous crimes en ce Royaume sont arbitraires: Ie l'accorde s'il n'y a peine de mort limitee par edit ou par coustume. Or par la coustume tres-ancienne les Sorciers en toute l'Europe sont condamnez à estre bruslez tous vifs. Nous auons parlé principaleme (02) t des Sorciers qui ont paction iuree and socicté expresse auec le Diable. Mais il y a d'autres sortes de Sorciers, desquels nous auons discouru au second liure, qui ne sont pas si detestables, and neantmoins qui ont part auec le diable par actions diaboliques: comme les noueurs d'aiguillettes qui est vne meschanceté damnable: and iaçoit qu'il y en a qui le font sans auoir eu conuention expresse, ny societé auecle diable. Si est-ce [quae] (16) l'actiõ en soy est diabolique, and merite peine capitale. 1 Car celuy qui en vse, ne peut nier qu'il ne soit violateur de la loy de Dieu and de nature, d'empescher le faict de mariage ordonné par la loy de Dieu. Car de cela il aduient qu'il faut2 rõpre les mariages, and pour le moins les tenir en sterilité, qui est en bons termes vn sacrilege. Ne peut aussi nier qu'il ne soit homicide: car celuy n'est pas moins homicide qui empesche la procreation des enfans, que s'il leur coupoit la gorge. En troisiesme lieu il oste l'amitié mutuelle du mariage qui est le sacré lié de nature and de societé humaine, and y met la haine capitale. Car ordinaireme (02) t ces noueurs mette (02) t vne haine capitale entre les deux conioints. En quatriesme lieu ceste liaison se fait -notes- 1Lueas Pe (02) na ad hoc litus. l. de prinat. carcerib.C. and l. 2de sepulcbr. viol. and l. vlt. ad l. Iul. de vi publica, and l. præcepit. C.de ca is largit. 2. ca. vlt. de frigid. and male. can.si per Sarciart.35.q.8. Page 505

au mesme instãt que le ministre pronõce les Sainctes paroles and qu'vn chacun doit estre ententif à Dieu, celuy qui noue, vient entre-mefler des paroles and misteres diaboliques, qui est vne impieté detestable. En cinquiesme lieu il est cause des adulteres and paillardises qui s'en ensuyent. Car ceux qui sont liez bruslans de cupidité, l'vn aupres de l'autre, vont adulterer. En sixiesme lieu, il en aduient aussi plusieurs meurtres commis en la personne de ceux qu'on soupçonne auoir faict, qui bien souuent n'y ont pas pensé. Voy la donc cinq ou six crimes qui se commettent en nouant les personnes, lesquels i'ay remar quez, à sin que les iuges qui font prendre les coupeurs de bourses, ne laissent pas ceste meschanceté capitale impunie: comme fist vn iuge de Niort, lequel mit en prison vne femme, qui par tel moyen auoit empesché sa voisineau fait de matiage contracté sur la requeste and dilation de ceux, qui se trouuoient empeschez, la menaçant, qu'elle ne sortiroit iamais, qu'elle n'eust osté l'e (02) pescheme (02) t. Trois iours appres elle fist dire aux nouueaux mariez, qu'ils couchassent ense (02) ble se trouuãsdesliez. llsen aduertire (02) t le iuge, qui lascha la prisonniete sans autre peine, par ce que plusieurs and iusques aux enfans en font mestier. Il est donc besoin puis que ce crime pullule, and qui sõt les commencemens and fondemens des Sorciers, de proceder par peines capitales contre ce crime, qui est directement contre la loy de Dieu and de nature. Et si quelqu'vn est surpris voulãt lier les personnes, ou qu'il soit verifié qu'il a faict la liaison, qui n'a point forty effect: (Car ceux qui ont la crainte de Dieu, ne peuuent Page 506

estre liez) pour la premiere fois meritent le fouet, and la mar que du fet chaud. Car si celuy qui a versé la poisõ, qui n'a point sorty effect, est puny de la peine des homicides, comme la loy y est form elle,3 and la decision des Docteurs: and qui plus est celuy qui a esté trouué4 saisy, and qui a vendu, ou achepté des poisons, est tenu de la peine des homicides: and si celuy qui atte (02) te de violer la pudicité d'vne religieuse sans effect, est condamné à mort,4 ou il n'y a qu'vne espece de crime: à plus forte raison les lieurs d'esguillettes ayant faict tout ce qui estoit en eux pour lier, ne doiue (02) t estre quites pour le fouet, attendu mesmement l'atrocité du crime, and que les Docteurs demeure (02) t d'accord5 que l'effort sans effect és crimes atroces doit estre puny capitalement. Et par l'ordonnance publiee à la requeste des estats de France à Blois article 195. il est dict que ceux qui a pris d'argent se loue (02) t pour tuer, outrager, ou recouurer prisonniers pour crime, and ceux qui les auroient louez ou induits pour ce faire la seule machinatiõ and attaint sera puny de peine de mort, encores que l'effect n'en soit ensuyui, sans esperance de grace ny remission: cõme de fait il fut prati qué a Moulins contre vn assassin Italien qui confessa estre venu a pris d'argent en Frãce pour tuer vn Seigneur, sans effort ny effect il fur pe (02) du and estranglé. Et qui plus est, ils demeurent d'accord qu'au crime de lese maiesté, l'affection and volonté, est punie capitalement6 comme de faict il se practique, l'ay mõstré qu'il y a crime de lese maiesté diuine, souillant les sacremens ou prieres sacrees de charmes diaboliques. Iaçoit qu'és autres crimes l'effort soit moins -notes- 3l.1.§. prater cail.eiusde (02) , de sisariu. ff. D. l. si quis non dicam,de Episcop.C. 4D.l.1. cod. 5.D. l. 1. and l. vlt. de cupres. C. l. vlt de indicta viduita. C. 4d.l.si quis non dicã, and in l. 1. ad l. Cor. desi.sine. 5D. in l. si quis non dicã. 6in l. cogitation is de pæn. and ibi. Doct. Page 507

puny que l'effect7. Ce que i'ay dit de l'effoit des licurs, s'estend par identité de raisons aux Sorciers qui ont ietté le Sort, ou gressé les portes, encores que personne n'en soit mort. Veu mesmes que la Loy veut que ce luy qui est trouué8 saisi, ou qui a acheté de la poison sans autre effect, soit tenu de la peine des homicides. Les autres sortes de Sorcelleries, qui se font pour sçauoir les choses futures, comme est la Geomancie, and autres semblables, que nous auons touchees au secõd liure, attendu que toutes telles sortes de diuinations sont diaboliques, and inuentions du Diable, defendues par la parole de Dieu, and ceux qui s'en mesleront, and en seront conuaincus, pour la premiere fois doiue (02) t estre condamnez en amendes pecuniaires and honorables, puis pour la seconde fois au foüet and marquez: and pour la troisiesme pendus. Et quant à ceux qui font profession de guarir en ostant le charme, comme ils disent, ou par moyens diaboliques chassent la tempeste, and empeschent les pluyes and gresles. La2 loy ne veut pas qu'ils soie (02) t punis, mais ie tiens que tels medecins doiuent estre interrogez, and visitez pour sçauoir s'ils sont Sorciers: and si on ne trouue la preuue, il leur faut faire defenses sur peine de punition corporelle de se mesler de medecines, and auoir l' il de pres sur eux: and quand à la Chiromantie, qui est ordinaire de ceux qui par les lignes des mains se meslent de dire la bonne aduenture, que ceux qui en feront mestier, comme il y en a, pour la premiere fois leur soit faicte defense d'en vser plus sur peine arbitraire, and neantmoins que les hures de Chiromantie and Geomantie qui se vendent par tout, -notes- 7l. 1. princ.de extraord. cri. minib. ff. iust. l. quamus, de adul. C. Bald. in l. 1. § hac au te,quod quisque turis. ff. Alexa, cosil. ponderat. li. I col. penul. Bal. cosil. 443. cochue, li. 3. limit. gloss. singula. in. § in sum. de iniur. Inst. Floria. in lue so obsterix, si. adl. a quil. ff. capola in repetit. l. fugitini x ol. 12. Felinus in ca ex hiters, de constis. Bald. in cõsil. 34. casus talis lib. 1. fin. 8l.1.de sicar §. 2l 3. de malefic. Cod. Page 508

soient biuslez, auec defences aux imprimeurs and libraires d'en imprimer, ou exposer en ve (02) te sur peine à ceux qui en seront trouuez saisis pour la premiere fois d'estre punis par amendes pecuniaires: and pour la seconde, par amendes honorables. Et à fin qu'on ne pretende cause d'ignorance, il seroit bien necessaire de specifier les auteurs par le menu, and qu'il soit enioinct à tous Iuges de brusler sur le cham tous les liures de Magie, qui se trouueront en faisant les inuentaires. Ce que mesmes les Iuges Payens faisoient8 sans les mettre en partage: and comme nous9 lisons qu'il fut faict en Ephele, au temps de la primitiue Eglise. Car ie trouue que les anciens ont puny capitalement telles impietez que les Chrestiens passent par dissimulation, comme nous lisons de Aphronius1 Preuost de Romme, qui condamna à la mort vn nommé Hilarius, qui fut conuaincu d'auoir baillé son fils pour instruire à vn Sorcier: and fut tiré de l'Eglise pour estre mis à mort, fuiuãt les termes de la loy2, Culpam similem esse tam prohibitæ discere, quàm docere. Nous lisons aussi3 que l'Empereur Valens ayant sçeu que Iamblique auoit cherché par Alectriomantie, qui seroit Empereur apres luy, en luy faisant sa fosse deuant sa mort, fist mourir tous ceux qui en estoient coulpables, ou soupçonnez, comme nous auons remar qué cy deuant. Et qui plus est, vn nommé Bassianus fut puny par confiscation de tous ces biens pour s'estre enquis aux diuins si sa femme est enceinte d'vn fils ou d'vne fille. Vn autre nommé Lollianus4 fort ieune fut banny, and son bien confisqué pour auoir transcrit vn liure de Magie -notes- 8l.cat.famil. harciscundæ. ff.improb.lect. libros. 9Act. Apo. 1Ammian. Marcel.li 26. 2l. 4. de malefic. Cod. 3Socrat.li. 4. c. 29. Sozom. li 6.c.35. Nicepb. lib 11.c. 45. Zonaras lib. 3. in vita Valentis. Ammian Marcel.li.29. 4Nicepborus lib.10. Page 509

and vn autre5 prestigiateur, fascinant les youx des assistans, fut condamné d'estre aueuglé: il s'appelloit Sicitides, par la loy de Dieu il meritoit la mort. Car il est indubitable que les prestigiateurs and charmeurs ont paction expresse auec le Diable, and tous ceux qui l'exercent la Necromantie, Psichagogie, Goetie and autres semblables. Quant à l'Astrologie naturelle, and cognoissance d'icelle, d'autãt que par icelle on cognoist les merueilles de Dieu, le cours des luminaires celestes, les ans, les saisons, ioinct aussi qu'elle est necessaire aux Medecins, and à l'vsage des instruments Metheoriques, il ne faut pas la mesler auec les autres: mais bien empescher l'abus de ceux qui font profession de diuiner l'estat and la vie des personnes, qui attire apres soy vne defiance de Dieu and impieté. C'est pourquoy la plus belle science du monde a esté blasmee, en sorte que le mot d'Astrologus, and Mathematicus, and Chaldeus és loix souuent sont prins pour Sorciers 6: Mais il ne faut pas reietter les belles sciences pour l'abus: autrement il fauldroit condamner tous les arts, and sciences du monde, voire la Loy de Dieu. Mais il y a de grands personnages qui pour n'auoir pas separé le droict vsage d'Astrologie de l'abus, ont tiré plusieurs en erreur: c'est à sçauoir, Iehan François Pic, Prince de la Mirande, qui l'a blasmee outre mesure, and Philippe Melancthon, qui s'est par trop atresté à l'Astrologie diuinatrice. Les Egyptiens ne pouuans oster l'abus, ny deffendre la science, faisoyent payer vng impost à tous ceux qui demandoyent conseil aux Astrologues diuins, qu'on appelloit -notes- 5Nicelus lib. 4. 6l. 2. de malefic. and Maathemat. le item apud §. si quit astrolo. de iniuriis off. l. vlt. de malefic and mathema. 5. C.V. alera. li.I. c. 4 ait Chaldecos ex Italia exire iussos in tra decimum dio consulibus. Popilio lenet. and lucio calphuniol. Page 510

Blaseunomion, comme qui diroit, le truage des fols, comme font encores ceux qui demandent conseil à vn tas de larrons and voleurs, qu'on appelle Egyptiens, qui sont pour la pluspart Sorciers, cõme il s'est trouué en plusieurs procez. Brief, en toutes choses ou l'esprit humain est effrayé de crainte superstitieuse, ou retiré de la fiance d'vn seul Dieu, pour adherer aux vanitez quelle qu'elle soie (02) t, Dieu y est offensé, and est vraie idolatrie: and pour ceste cause les Payens mesmes decernoient7 grande peine contre ceux-là, comme nous lisons la Constitution de Marc Aurele portãt ces mots,2 si quis aliquid fecerit quò leues animi superstitione terreantur, Diuus Marcus in insulam relegandum hunc rescripsit. C'est pourquoy il faut bien prendre garde à la distinction de Sortileges, pour iuger l'enormité and grauité d'entre les Sorciers, qui ont conuention expresse auec le Diable, and ceux qui vsent de ligatures and autres arts de Sortileges. Car il y en a qui ne se peuuent oster, ny punir par les magistrats, comme la superstition de plusieurs personnes de ne filer par les champs, que les Payens craignoient, and craignoient aussi de saigner de la narine senestre, ou de r'encõtrer vne femme enceinte deuant desieuner. Mais la superstition est bien plus grande de porter des rolleaux de papiers pendus au col, où l'hostie consacrce en sa pochette: Comme faisoit le President Gentil, qui fut trouué saisi d'vne hostie par le bourreau qui le pondit à Mont-faucon: and autres superstitions semblables que. l'Escriture saincte, and le Rabbin Maymon met entre les façons des Amorthcans, qu'elle appelle vias Amorrheorum, qui sont -notes- 7l.si quis aliqui.l, de p nis ff.l.Saccularij §. sunt quedã de extraordinariis criminibus. 2l. si quis aliquid, de p nis, ff. Page 511

estroittement deffendues par la loy de Dieu, and Prophetes, pour la defiance, qu'il y a enuers Dieu, and idolatrie enuers les creatures. Celane se peut corriger, que par la parole de Dieu: mais bien le magistrat doit chastier les Sarlatans and porteurs de billets qui vende (02) t ces fumees là, and les bannir du pays: Car s'il est ainsi que les Empereurs Payens ayent banny ceux qui faisoient telles choses, quò leues animi8 superstitione terreantur, que doiuent faire les Chrestiens enuers ceux-là, ou qui cõtrefont les esprits, comme on fist à Orleans, and à Berne? Il ny a doute que ceux-là ne meritassent la mort, comme aussi ceux de Berne furent executez à mort, and en ças pareil de faire pleurer les crucifix, ainsi qu'õ fist à Muretpres Thoulouse, and en Picardie, and en la ville d'Orleans à sainct Pierre des puilliers: Mais quelque poursuitte qu'on ait fait, cela est demeuré impuny cõme en cas pareil ces bons moynes qui font adorer le corps mort de leur cuisinier pour le corps d'vn sainct. Or c'est double impieté en la personne de ceux qui sont prestres and pasteurs. Mais l'impieté est beaucoup plus grande, quand le Prestre ou le pasteur à paction auec Sathan, and qu'il faict d'vn sacrifice vne Sorcellerie detestable. Car tous les Theologiens demeurent d'accord, que le Prestre ne consacre poinct, s'il n'a intention de consacrer, encores qu'il prononce les mots sacramentaux: and de faict il y eut vn Curé de Sainct Iean le petit à Lyon, lequel fut bruslé vifl'an mil cinq cens quarante huict, pour auoir dit, ce que depuisil cõfessa en iugement, qu'il ne confacroit point l'hostie quand il disoit la Messe, pour faire damner ses paroissie (02) s -notes- 8d. l si quo ali quid de p nis ff. Page 512

cõme il disoit à cause d'vn procez qu'il auoit cõtre eux. Combien doncques est plus punissable le prestre Sorcier qui au lieu de consacrer, blaspheme execrablement. C'est pourquoy Platon9 le premier entre ses loix en a fait vne qui veut que le Prestre Sorcier sãs remission soit mis à mort, car l'enormité de la Sorcellerie est beaucoup plus atroce en celuy qui manie les choses sacrees. Car au lieu de les sanctifier il pollue, il souille, il blaspheme execrablement, comme le curé de Soissons, duquel parle Froissard qui baptisa vn crapaut, and luy bailla l'hostie consacree, il fut bruslé tout vif sans s'arrester aux canons1 qui ex communient seulement les prestres Sorciers. Il est vray qu'on peut dire que c'est la peine ecclesiastique, qui ne faict aucun preiudice aux peines des Magistrats lais. Or tout ainsi que par proportion de iustice harmonique, la peine est plus grande, and le crime aggraué pour la qualité des personnes, commele Medecin qui empoisonne le tuteur qui viole sa pupille, le iuge qui faict iniure, le notaire qui commet fauseté, l'orfeure qui faict de la fause monnoye, le vassal qui trahist son Seigneur, le Citoyen, qui vend sa patrie, le subiect qui tue son prince, le Prince qui manque de sa foy, sont beaucoup2 plus punissables, and generalement tous ceux qui faillent en leur office, aussi le prestre Sorcier est non seulement plus meschant que tous ceux-là, ains aussi plus, detestable que tous les autres Sorciers qui ne sont poinct prestres. Car cestuy3 cy est deserteur de son Dieu pour s'abandonner au diable, and proditeur des choses sacrees, qu'il deuoit sur tous garder -notes- 9li. 11. de leg. 1Can. si quis Cler. ex co (04) cil. Aure. and cã. aliquis ex iõs. Agaibensi, and can si quis Epij.ex conci. Toles. 26. q.5. 2l. qui decu, de fals.l. quedam. de p n. ff.Thom. 1.2. q.7.artic. vlt. Diuus, Bald. Sali. lac. Are. in l. nemo de sum. Trin. C. 3l. presbyter. de Epasi. C. l. qua de pen. Rom. singul. 476 and 669 Bal in c.siquin vero de pace tura. Felisa c. pasie. de nueri Page 513

sainctement and inuiolablement. Et par ainsi le prestre, ou ministre qui fera attainct, and conuaincu d'auoir vsé des Sortiles par mirouers, ou anneaux, ou haches, ou tamis, ou autres choses semblables, qui se font mesmes sans expresle inuocation du Diable merite la mort: and les autres d'estre bannis. Es autres crimes, horsmis les sortileges, and les sacrileges, ce n'est pas la raison que le prestre soit puny si griefuement: Mais la dignité de sa personne doibt amoindrir la peine: and celuy qui offence les prestres and ministres de Dieu, doit estre puny plus griefuement, que pour tous les autres: d'autant que sa dignité4 est plus grande, and doit estre sa personne sacree, and inuiolable. Mais aussi quand il s'oublie iusques à la de se dedier à Sathan, la peine ne peut estre assez grãde: Car il s'est trouué en in finis procez que les Sorciers bien souuent sont prestres, ou qu'ils ont intelligen ce auec les prestres: and par argent ou par faueurs ils sont induits à dire des meiles pour les Sorciers, and les accommodent d'hosties, ou bien ils consacrent du parchemin vierge, ou bien ils mettent des anneaux, lames characterisees, ou autres choscs semblables sur l'autel, ou dessous leslinges, commeil c'est trouué souuent, and n'a pas long temps, qu'on y a surprins vn Curé, qui a cuadé, ayant bon garand, qui luy auoit baillé vn anneau pour mettre soubs les linges de l'autel quand il diroit sa messe. Apres les prestres and ministresde Dieu, les magistrats qui sont gardes and depositaires de la iustice, doiuent estre recherchez, and punis à la rigueur s'il s'en trouuc. Car s'il y a vn Magistrae, il -notes- 4Phale.in li de, acris and leutt.c.2. Page 514

fera tousiours euader les Sorciers, and maintiendra par ce moyen le regne de Sathan: Et la premiere presomption contre le magistrat qu'il est Sorcier, est quand il se mocque de telles Sorcelleries. Car sous voile de risee il couue sa poison mortelle, i'ay dict par cy deuant que l'vn des premiers d'vne court souueraine auoit accoustumé de faire eschaper tousles Sorciers, and se moquoit au raport de leurs proces: and apres sa mort il fut accusé par l'aueugle des quinze vingts d'auoir esté Sorcier. Or tout ainsi que Solon ordonna que si les Areopagites, qui estoient gardes des loix, les auoient enfraintes, seroient tenus payer vne statue d'or de leur pesanteur, comme dict Plutarque5 aussi faut-il que le Magistrat Sorcier, qui doit punir les Sorciers, ou qui les faict euader soit puny à la rigueur: car par la souffrance des iuges ceste vermine a si bie (02) multiplié, que Des-eschelles dist au Roy Charles neufiesme qu'il y en auoit plus de trois cens mille en ce Royaume. Et puis apres les Courtisans Sorciers doiuent estre sans discretion de leur qualité, comme dict la loy,6 exposez aux tourme (02) mens. Etnon sans cause la loy a voulu punir rigoureusement les Sorciers de la Cour: car il ne faut qu'vn Sorcier Courtizan pour gaster tous les Princes and Dames qui suiment la cour, and infecter le Prince souuerain, pour la curiosité que les grands Seigneurs ont de voir and sçauoir les prestiges des Sorciers, estimans que par ce moyen ils feront grandes choses. Aussi Sathan n'a rien en plus grande recommandation que d'y attirer les Princes, car depuis qu'ils sont plongez, c'est d'executer la volonté de Sathan, se mocquer de toute religion, -notes- 5In Selone. 6l.nemo aruspicem, de ma lefic.C. Page 515

monstrer exemple aux suiets de toutes paillardises, incestes, parricides, cruautez, exactions, mouuoir des seditions entre les suiets, ou guerres ciuiles, pour voir l'effusion de sang, and faire sacrifice au diable qui ne luy est poinct plus aggreable que du sang innoce (02) t. Et donner grace de toutes meschancetez. Car il veut conseruer les meschans. Apres ceux là on peut mettre les meres, qui meinent leurs silles aux assemblées diaboliques: and quãt aux filles si elles ont accusé leurs meres auparauãt, qu'elles fussent preuenues, elles merite (02) t pardon, par double raison: tant pour auoir accusé le faict, que pour la repentance: si apres estre preuenues, il suffira des verges, si elles sont en bas sage and penite (02) tes: Et neantmoins il est besoin qu'elles soie (02) t mises en la garde de quelque Sage matrone, pour les instituer. Car combien que la minorité ne merite poinct de faueur, quand il est question de punir les forfaicts: si estce, dit la 2 loy, qu'on y doit proceder auec quelque relache de la rigueur des loix, mesmement3 si le mineur est au dessous de dixhuict ans.Mais s'il n'a rien voulu confesser des pactions expresses, and d'auoir assisté aux assemblees des Sorciers, and qu'il soit conuaincu par autres, il doit estre mis à mort: car en cela il monstre le ferme, and arresté propos qu'il a auec les diables. Car la4 loy condamne à mort l'enfant qui n'a pas attainct la puberté pour n'auoir pas crié quãd on tuoit son maistre and n'auoir pas declaré les meurtriers, cõme en cas pareil fut pendu and estranglé vn ieune enfant aagé de onze ans, qui auoit tué d'vn coup de pierre vnc fille, and l'auoit cachee. Il fut trainé sur vne claye au gibet par -notes- 2li.si aduersur de lict. C.l. auxilium de minor. ff. 3Auth. si capri ni,cum glo.de Episc. and der. C.lac. Arena Sal. inl.si quis in tantum, vn de vi. C.Phil. Cor. cons.247 lib.1. 4l. excipiuntur ad Syl. ff. Page 516

arrest de parlement, donné l'an mil trois cens cinquãte and quatre. A plus forte raison doit l'enfant Sorcier, qui a attainct la puberté estre mis à mort, s'il n'a declaré les assemblees auec les Diables, mesmeme (02) t estãt preuenu, and qu'il soit conueincu, ne voulant rien confesser. Car combien que les peres and meres Sorciers cõsacrent and dedient leurs enfans aux Diables, les vns si tost qu'ils sont sortis, les autres deuant que sortir du ventre de la mere, si est-ce que i'ay monstré cy deuant, que les diables ne font point de paction exptesse auec les en fans, qui leur sont vouez, s'ils n'ont attaint l'aage de puberté, comme i'ay apprins par les interrogatoires de Ianne Haruillier, qui deposa que sa mere, qui l'auoit dediee à Sathan si tost qu'elle fust nee, ne la maria poinct auec Sathan, ny Sathan ne demanda poinct fa copulation, and renonciation à Dieu, and à toute religion qu'elle n'eust attaint l'aage de douzeans. Et en cas sem blable Magdaleine de la Croix, Abbesse des Moniales de Courdoue en Espaigne confessa, que Sathan n'eust point copulatiõ ny cognoissance d'elle, qu'elle n'eust douze ans, qui est l'aage de cognoissance: mais bien on pourra moderer la peine de feu, à la quelle ceux qui sõt en aage doiue (02) t estre condãnez, and ne faur point en ce cas si execrable, que la peine soit diminuee pour l'imbecillité ou fragilité du sexe des femmes, si elles ne se repentent, and qu'elles inuoquent Dieu auec vne vraye repentance: auquel cas la peine du feu doit estre ostee iusques à ce que celle qui c'est repentie, foit suffoquee: ou estranglee: Mais quiconques persistera en la pactiõ qu'il a auec le diable sans aucune repentance, comme Page 517

font la pluspart, il faut proceder à la peine du feu. Et ne faut pas que le baptelme, and la repentance, qui peut aucunement diminuer la peine,7 oste la peine de droict and de la Loy de Dieu, qui est capitale qui ne 8 peut par penitence quelle qu'elle soit, estre abolie: ains plustost l'Eglise and le droict, canon vent and entend entretenir la iustice.9 C'est pourquoy tous les Canonistes y demeurent d'accord, que celuy qui a fait penitence de son crime, peut estre accuse and puny en Courlaye: car l'absolution de l'Eglise ne faict aucun preiudice au bras seculier, comme dict Balde.2 Encores la pluspart3 des Docteurs en droict Ciuil and Canó tiennent, que la repentance pour grande qu'elle puisse estre, ne diminue rien qui soit de la rigueur de la peine establie par les loix, comme Decius escrit, qu'il fut iuge contre vn luif, qui voulut se faire Chrestien, pour diminuer la peine du crime qu'il auoit commis: mais le Magistrat de Padoue ne diminua tien de la peine, suiuant l'aduis de tous les Docteurs. Aussi est-ce l'aduis des Theologiens:4 and melmes la loy de Dieu a voulu que le meurtrier de guet à pend soit arraché de l'autel sacré pour estre mis à mort: afin que les meschãs ne se couurent point du voile de religion, de franchise, de penite (02) ce, pour euader les peines establies par les loix, and afin aussi que les meschãcetez en quelque sorte [quae] (16) cesoit, ne demeure (02) t impunies, qui est le but auquel tous les Iurisconsultes5 se sont principaleme (02) t arrestés qui seruira de respõce à ceux qui sous ombre de repe (02) tance -notes- 7Theol. in4. sent. and cap. quod aute (02) 32. q.1. and can. vli. de p n. item dist 7. et c. 2. fin.de con secrai. dist. 4. Cald. Anton. Buit. Im.Fe. in ca.de bis de accns.glos. vl. 49 dicunct. 8l 2. § figuis a principe ne quidem loco pu blac. ff. and l.super co de of. de leg. and ca. ex tuarum de ant. and vsu pullijs. 9ca.1.de alit feud. and tur. vlt 29.4 vlt. 2in l. platet de sacresanct. Eccles C. 3concludit glin c. admonere, verb. pæ 32. O. es gl. in. and Hestie in coll vlt. fin. Io And Anto Butr. Panorem in cap. gaudemus per txt ibi de diner. Marian. and franc. in d ca. de his de accu. card in Cle. 1. § sane de vsu. Inc. Pen. in 1. si appanior. col. pen. de cohortib. C.li. 17. Dec. inc. qua in Eccl coll. 8 de constit. and cons. 130. 4Alex. Ales in4.sen. q. 20. me (02) br. 1. art. 2. Bonauen tura in dict 4. Sertenti rum distinctione secun da artie 1.4. ite Thom in 3. pari. summ. q. 63. art. 5. A stesan.l.4. tit item 4.art. 1. coll.u. vltim. Ant. Flo. in prima par. 3. pcrtis prin.tit. 14.cap. 13. 5l.ita vtilurratiu fin: ad l. Aquil. f.l.cõ nemri de pact. dotal si msritus. §. legis versis Cæteru (05) , de aduls.ff. Page 518

veulent faire euader les Sorciers, d'autant que la coulpe estãt pardonnce, la peine n'est pas pardonneé, comme lon voit en la loy de Dieu assez souuent apres auoir pardonné la coulpe, il vse neantmoins de quelques peines. Exod. 34. Si donc l'homicide ne laisse pas pour la repentance d'estre mis à mort, pourquoy le Sorcier mille fois plus coulpable euadera il? I entens de ceux qui se repentent apres qu'ils sont preuenus, ou qui entrent en religion, and veulent que la maison dedice à saincteté soit vne cauerne de parricides, and Sorciers. Il ne faut pas dõc que le magistrat differe la pour suitte des Sorciers, qui vont en religion apres qu'ils sont preuenus, ains la peine doit estre plus exemplaire sans s arrester à l'habit, ny aux priuileges, qui ne doiue (02) t auoir lieu en ce cas, quoy que quel ques vns ne sõt pas de c'est aduis.G1 Mais si la loy de Dieu veut and commande qu'õ arrache le meurtrier de l'autel sacré, pourquoy sera le Sorcier, qui est pire que les parricides, asseuré des peines qu'il a meritees pour entrer en religion? Mais bien si le Sorcier estant preuenu, and non toutesfois cõuaincu, confesse la verité, and qu'il accuse ses cõplices, il y a bien apparence que la peine de feu soit relaschee,7 s'il se repent, tant pour estre moins coulpable, que pour attirer les autres à confesser la verité and se repentir: comme la court de Parlement modera la peine du feu, porté par la sentence rendue contre Abel de la Rue, and ne voulut qu'il fust brussé qu'apres auoir esté estranglé, par ce qu'il confessa deuant que d'estre conuain cu and se repentit. Et mesmes en Athenes celuy qui confessoit sans estre -notes- G16.Oldrad. cõs. 4. quo l laicus Birtol. in 1. de de pen.Bal.in l.1.ad si. anse. ex sact sup. Cæp.c.intel.9. Ias.in l.penul. princ. vli. notab. de iurisd. Bart. Gulielm. laco Butr. and Bal. in l. vlt. qui satisd. 10. And.in c. 1. de obl.ad rat. Cyn. in auth. cau. quæ fit de Episcop. 7lege. 1. ne tut. vol cu (05) C. auth.sed no no iure. C. de p n. iud qui malè indic. c. vltim and ibi glos. de fuetir, and cap. inter corperalia vev sorte, de translatio. Episc. and ca. vlt ibi glos. 50. dist. and c. si quis connot, sint. l q.7. and cap. non dicatur, 12. q. 1. glos. not in l. no, §. vle. de re milit. Panurmit. in c. at si Clerici, and ibid. Fel. col.2.sacu lex edicto prins. de iure siscil.3.§. de alien. iud. Page 519

conuaincu estoit absous, comme dit Plutarque en la vie d'Alcibiade mais ceste loy n'a pas esté suyuie pour l'impunité des malefices qu'elle tiroit apres soy: and mesmes en la loy de Dieu8 celuy qui confessoit son larrecin au Preftre, il estoit tenu restituer le larrecin, and la cinquiesme partie d'auãtage outre l'oblatiõ pour le facrifice de son peché. Beaucoup moins9 doit la peine estre relachee, si celuy qui confesse peut este conuainer. Mais celuy qui confesse sans estre accusé, ny preuenu, ny attaint, and quine peut estre conuaincu and se repent, and accuse les complices, cestuy-là merite pardon: non pas qu'il n'ait merité la mort d'auoir adoré Sathan and renié Dieu: mais la vie luy doibt estre laissee, tant pour loyer d'auoir accusé ses complices, que pour attirer les autres par tel moien, autrement2 la confession apres la preuention, and deuant la preuue, ou apparence de preuue doibt bien diminuer, and non pas oster5 la peine, s'il ny auoit edict ou loy expresse qui deffendit aux iuges de diminuer la, peine establie par la loy: auquel cas la confession volontaire deuant l'accusation n'emporteroit ny absolutiõ, ny diminution de la peine. Car la defense de la loy en ce cas est plus forte que l'authorité de tous les Magistrats.G1 Mais on peut demãder, si le Prince a contraint son vassal, ou le Seigneur son suiect, ou le maistre son seruiteur, ou le pete son -notes- 8Exed. 22. and Num.5. 9Panor. and Felin. int. At si clerici. vter. que col. 2. ver nota, de iud. ext glos. in ca. 3. 50. dist per c. vlt. 24. dist. 2Panerm in cap.de hoc, de simonia. G13. Bald.in l.ea quæ, de condict.indebiti, C.q.10.cap. vlt.de iuramente calum.lib6.Bald. in l. contra negante (02) . col.1.d.e lege Aquilia:C. and in c. vassallus, ibi cel. 3. si de feudo fuerit c.controuer. and in 1. § perro, col.4.in. quæ fuit prima cansa feudi. Ange.in §. ex malef. col. 8. Barbat. consil. 28. 4. li. id quid. struo. §.1. de pecidio legato. and ibi Bar. and l.palam §. vli. de run. nus.ff. Bald. in l. ca quæ. q. 2. de condict. indebiti, C. Petr. Ancaran.in c. perpetuæ, col. 1. de elect. lib.6. Flerian. in l.2.ad l aquil Angel. Aretin in tractat.malesic.in verbo deducta.quarta parte, Bald.in l. vli. col.2. de executi iudicate, C. Page 520

fils, on la mere sa fillo, do faire los actes des Sorciers, aller aux assemblees, renier Dieu: si ceux-là sont suiects aux peines de la Loy: Ie dy que le faict n'est pas receuable. Ioint aussi qu'il n'cst ny veritable ny vray-semblable, d'autant que Sathan veut lo ploin consenoeme (02) t and franche volonté des personnes, comme nous auons monstré par exemples cy deuant. Et quand il se trouueroit vn pere, ou Seigneur si meschant de contraindre son fils à renier Dieu, il ne seroit pas pourtant Sorcier, ny coulpable de la poine Car le peché n'est point peché s'il n'est volontaire, comme dit S. Augustin. Et en ce cas, les loix5 ont accoustumé d'absouldre ceux qui ont eu necessité d'obeir, and ne punir à la rigueur, ains adoucir la peine de ceux qui ont bie (02) peu deso beir. Mais pour quelque reuerence n'ont pas desobey. Ce qui ne se peut ente (02) dre en crimes atroces, and beaucoup moins en ce crime si execrable. Car la loy6 de Dieu cõmande en ce cas de tuer quiconque voudra seulement suader de faire vne meschãceté si execrable: mais bien l'obeissance d'vne ieune fille enuers sa mere, d'vn ieune enfant enuers son pere, and d'vn ieune seruiteur enuers son maistre, merite 7 que la peine soit adoucie, si on apperçoit la confession, and repentance deuant la conuiction. Et en ce cas se peut bien accommoderce que dict Seneque en la Tragedie de Thyeste, quempeccasse p nitet, pene est innocens, quand la penitence est veritable, and non fainte. Et iaçoit que les prieres d'vn Prince, ou d'vn souuerain sont plus violentes8 que la force, neantmoins l'obeissance en ceste melchanceté si execrable n'a point d'ex cuse. Car le Prince n'a rien à -notes- 5l. sed and si vin. § si iuss Dommi. de iniu. ff. and l. vlt. in fine,et ibi glo. de bon.damn. and l.seru. and ibi de act. and oblig ff l. libe. §. excus. de iis qui motan.infa. ff l.li.hom. 2.ad l. Aquil. ff.l. ad ea.de reg.iur.ff. autbe (02) t. sed nouo iure, de cuslo. reor. l. si sera de sepu. viola. C.et ibi Faber, Gell. li. 2.c.7. C. Deuter. 13. 7l.seru. et ibi. Bald et Salic. ad l. Iulian.de vi public.C.et in l.2. and ibi glo. Fab.et D. de sepulc. violito, C.glo. in c.dixit Domi. 14.q.5.et in c. quod quis, de regul.lib.6. 8l. 1.quod ius. su and ibi glos. Bart. in tract. de tyran. q.7. Castre (02) . consil. 70.co 4. li. 4. Innoc. in c. petitio, princi de suretus. socio cons. 263. can. rogo 11.9.3. Page 521

commander à son suiet contre la loy de Dieu, ny le suiet aucune necessité d'obeir. Et toutesfois c'est bien la raison que la peine soit moderee, s'il y a confession du fait, and repentance: mais s'il y a force ouuerte, and iuste crainte de mort en cas de desobeissance (cõbien qu'on doit plustost mourir que d'obeir) toutesfois l'obeissance en ce cas est aucunement excusable9 pour la peine corporelle, encores que le Sorcier qui a esté contraint de faire quelque sortilege, eust fait mourir quel cun, tout ainsi que sil auoit esté contraint sur peine de la vie de tuer quelcun, il ne seroit1 suiet à la peine des homicides. Car on ne peur accuser qu'il y ayt dol ne fraude en luy, pourueu que la contrainte2 de mort, ou de tourment soit precise, comme i'ay dit. Mais que dirons nous de celuy qui renie Dieu, and sareligion, and se donne au seruice de Sathan pour guarir d'vne maladie ou pour crainte de mort and de son ennemy? combien que nous auons monstré cy dessus que de dix à peine qu'il y en ayt vn qui guarisse, and encores des sortileges feulement. En ce cas la personne ignorante seroit aucuneme (02) t excusable de la peine capitale, and non pas vn homme de lettres, iaçoir que l'ignorance n'a point de lieu en ce crime. Car il ny a persõne qui puisse dire que par erreur il ait renié Dieu son Createur pour se dõner au diable. Aussi voit-on par tous les procés que Sathan veut vne frãche volonté: Mais bienl erreur peut estre excu sible en telles personnes seul ement és façonsillicites de Sortileges, qui n'ont pas conue (02) tion iuree áueo Sathan, cõme la sorcellerio d'Anneaux, de Miroirs, do Tamis, and autres semblables, que quelques-vns fons -notes- 9D. in c. sac. de us que vi metus re cans. and c. presbyt. 50 dist Alexud Ale. in tertia partio suman. 9. 41. meh. 4. ar. vie. 1Bal. in § iniur. tit. de pac. inrame firma. 2Petr. in li scieptiacum § qui cum alit. ad l Aquid. Cym. and Fab in l. I. vnde vi c. Bar. in l. 2. noxali. ff. 2 l. metum autem de co quod mi tus. ff. l vani de reg. ff. Page 522

pour l'auoir veu faire, ainsi que nous auons dict cy dessus. Et toutefois elles ne doiuent pas demeurer sans quelque peine pour la premiere fois, and pour la seconde corporellement, and pour la troisiesine de mort, veu mesmes qu'vn couppeur de bourses est ordinairement1 condamné à mort pour la troisiesme fois, comme la coustume y est presque ordinaire. Que dirons nous donc de ceux qui ont inuoqué les malins esprits, and fait les mysteres pour l'attirer, and que Sathan ne soit point venu: combien qu'il n'y faut iamais: and toutesfois qu'il n'ait point respondu comme il contrefaict les paillardes rusees, qui se font prier. On ne peut dire que ce soit vn attentat seulement, mais vne detestable Sorcellerie accomplie and parfaicte. Et par ainsi la peine capitale y eschet, la diminution de la peine és attentats2 qui n'ont sorty effet n'a point de lieu en ce cas: Car ce n'est pas vn simple attentat, mais vne meschanceté faicte and parfaite 3. C'est à sçauoir d'auoir inuoqué and prié Sathá, qui est aussi vne droite renõciation à Dieu: Et par ainsi c'est abuser des loix diuines and humaines, de pardonner au Sorcier penitent, sous ombre que les loix 4 and canons5 veulent qu'on pardonne aux heretiques repentis, combien que les Magistrats en quelques lieux par cy deuant, y ont eu tel esgard, que celuy qui auoit mangé' de la chair au Vendredy, estoit bruslé tout vif, comme il fut fait en la ville d'Angiers, l'an mil cinq cens trente neuf, s'il ne s'en repe (02) toit: and iaçoit qu'il se repentist, si estoit-il pen du par compassion. Car celuy qui croit vne chose contre la loy de Dieu: encores qu'il soit heretique, si est-ce que ceste opinion estant -notes- 1Angelus de malefic verb. etia veste, Pa. exc vus.scrib. statuta esse vt plurimim pro tertio furt.suspends fures, Gandi in tra. de ma'efirub. de furib. and l. Feder. de pace Constant. pro qium que solid. pæna capital. decernitur. 2l.1.§. Diuus, es ibi. Bart. ad l.Corne. de sic. ff.et inl. si in rixa col.1.cod. Bald. in l. si quis dicam, de Episc.cod. and in l. is quis cu (05) tele. cu (05) duab. seq.C.de sic ar. 3Bald. Alex. Salic in limit. l. si quis non dicã rapere, de Episcop.C. 4l. Manich. de bærei.Cod. 5c.ad abole (02) d. §.p nitent.de haret. lib.6. Page 523

changee, la cõscience demeure entiere. Mais celuy qui adore Sathan ou renie Dieu, (cõbien que l'vn ne peut estre sans l'autre,)à mis en effectvne chose qui ne peut qu'elle ne soit faite, and comme on dit en droit, Factum infectum esse non potest. Et quant à ceux qui n'ont pas renoncé Dieu, ains qui ont vsé des characteres, cercles and inuocations, comme ils ont trouué par escrit en quelques liures defendus, and que l'esprit familier, comme ils parle (02) t, ne soit point venu, on doit distinguer la qualité des personnes. Si c'est vn folastre and ignorãt, ne pensant pas que tels esprits familiers soient Diables, il doibt estre puny par bonnes amendes honorables, and pecuniaires. Car combien qu'en France l'affection ne soit pas punie sanseffect1: si est-ce qu'en ce cas l'effect y est, à sçauoir l'inuocation: and si la personne qui a faict telle inuocation, est homme de lettre, and de sain iugement, il merite la mort. Car on ne peut nier en ce cas qu'il n'ait sciemment inuoqué Sathan: and si celuy qui est condamné à faire amende honorable pour telle meschanceté faict du retif, and qu'il refuse d'obeïr à iustice, il doit estre condamné à la mort: comme il fut faict par Arrest de la Cour le XVII. Auril, M.D. XXIX. de Iean Berquin: lequel ne voulant faire l'amende honorable pour vne heresie, fut condamné d'estre bruslé tout vif, and fut aussi tost executé. Et neantmoins quand on dict que l'attentat en France n'est pas puny sans l'effect: Ceste Maxime n'est pas veritable en tous les crimes atroces, où l'attentat, and l'effort est puny sans l'effect2: and celuy qui a baillé la poison, qui n'a sorty effect, est puny, encores que la -notes- 1Bartel.in l si rixa,et l. 1. §. diunus de siccariis, ff. Ange. de malesi. verbe, in platra. nu.31. D. in l. si quis ne (02) dicã rapere de Episcop. Cod. and ibi Baldus. 2Bald.Scilicet in l si quis non dicã capere,de Episcop.C. and in l.cogitat.de p nis, vbi Ear tol. l. is qui cu (05) telo, de siciar. C. and quoties lex solum con.uum intuetur, vt notat Bart. in l.gene ralit. §.1. de calumniatoribus ff. Page 524

peine ne soit pas si griefue: Ce qui a lieu en tous delits. Or il n'est pas en la puissance des Princes de pardõner vn crime que la loy de Dieu punist de peine de mort: comme sont les crimes de Sorcelleries. Ioint aussi que les Princes font vne grande iniure à Dieu de pardõner de si horribles meschancetez commises directement contre sa Majesté, vcu que le moindre Prince vãge ses iniures capitalement. Aussi ceux-là qui font euader les Sorciers, ou qui n'en font punition à toute rigueur, se peuuent asseurer, qu'ils seront aban donnez de Dieu, à la mercy des Sorciers. Et le pays qui les endurera, sera batu de pestes, famines, and guerres, and ceux qui en ferõt la vengeance, seront benits de Dieu, and feront cesser sa fureur. C'est pourquoy celuy qui est attaint and accusé d'estre Sorcier, ne doit iamais estre enuoyé absous à pur and à plein, si la calõnie de l'accusateur ou delateur, n'est plus claire que le Soleil. D'autant que la preuue de telles meschancetez est si cachee and si difficile, qu'il ny auroit iamais personne accusé, ny puny d'vn milliõ de Sorciers qu'il y a, si les parties estoient reglees en procés or dinaire par faute de preuue: c'est pourquoy l'ordõnãce ne permet point cela aux Iuges en crimes, si la matiere ny est disposee. Combie (02) que Plurar que escrit des Lacedemoniens, qu'ils n'auoient iamais accoustumé d'absoudre à pur and à plain: ains seulement eslargir iusques au r'appel, en quel que crime que ce fust. Nous auons remarqué cy dessus, que la Sorciere nõmee Sybille Duiscops, au Duché de Cleues, estant bruslee, la main qu'on voyoit qui persecutoit tous les passans, cessa soudain. Apres que la Sorciere de Bieure qui est Page 525

pres ceste ville de Laon fust bruslee, les mortalitez d'hommes and bestes, qui aduenoient par les venefices cessere (02) t. Encores est-il à noter, ce que i'ay appris de M. Adam Martin, qui luy a fait son procés: c'est qu'elle menassa vne femme qu'elle n'alaiteroit iamais enfant, soudain son laict seicha: and combien qu'elle eust depuis plusieurs enfans, fi est-ce que son laict tarissoit tousiours: mais son laict retourna aussi tost que la Sorciere fut executee, and fut bruslee toute vifue par vn iuste iugement de Dieu, contre l'aduis des Iuges, qui auoient ordonné qu'elle fust estranglee. Et me souuie (02) c auoir leu au liure intitulé Malleus maleficarum, que la peste ne cessa point en vn bourg d'Allemaigne au pays de Constance, iusques à ce qu'on eust deterré vne Sorciere, and redigé son corps en cendres. Comme en cas pareil il y eut vne femme au village de Verigny, pres de Concy, laquelle fut attainte and accusee de plusieurs malefices: and pour la difficulté de la preuue relachee: de puis i'ay sçeu des habitans qu'il estoit mort vne infinité de bestial, and de personnes. Elle mourut au mois d'Auril, M. D. LXXIX. depuis sa mort tous les habitans de Verigny, and le bestial sont en repos, and ne se meure (02) t plus, comme de coustume. Qui est bien pour monstrer que la cause principale cessant, les effects cessent, encores que Dieu face tomber les afflictions sur ceux qu'il luy plaist. Page 526

REF VTATION DES OPINIONS DE IEAN VVIER. SVR la fin de cest' uure, and fur le poinct de le mettre soubs la presse, l'Imprimeur, auquel i'en auois donné la charge, m'enuoya vn nouueau liure de Lamiis, de Iean Vvier, Medecin, où il soustient que les Sorciers, and Sorcieres ne doiuent estre punies: ce qui a differé l'impression de l' uure. Long temps2 au parauant, Vvier auoit tenu ceste opinion: and sur ce qu'on luy auoit resisté sans toucher les cordes principales d'vn tel subiect, il auroit repliqué en telle sorte, que s'il eust eu la victoire. Qui m'a donné occasion de luy respondre, non par haine: mais premierement pour l'hõneur de Dieu, contre lequel il s'est armé. En second lieu, pour leuer l'opinion de quelques Iuges, ausquels cest homme-là se vante d'auoir faict changer d'opinion, se glorifiant d'auoir gaigné ce poinct par ses liures, qu'on eslargissoit maintenãt les Sorciers à pur and à plain, appellant bourreaux les autres Iuges qui les font mourir: ce qui m'a fort estonné, car il faut bien que telle opinion soit d'vn homme tres-ignorant, ou tres-mes-chant. Or Iean Vvier monstre par ces liures, qu'il n'est -notes- 2in lib. de Præstig. Page 527

poinct ignorant, and mesmes qu'il est medecin, and neãtmoins il enseigne en ces3 liures mille sorcelleries dãnables, iusques à metre les mots, les inuocations, les figures, les cercles, les characteres des plus grands Sorciers, qui furent oncques pour faire mille meschancetez execrables, que ie n'ay peu lire sans horreur. D'auantage il met tous les autheurs Sorciers, and les plus signalez qui furent onques, pour y auoir recours: and qui plus est, à la fin de son liure de Præstigiis imprimé a Basle mil cinq cens soixante and huict, il a mis l'inuentaire de la Monarchie diabolique auec les noms and surnoms des soixante and douze Princes, and de sept millions, quatre cens cinq mil neuf cens vingt six diables, sauf l'erreur du calcul. Car il conte par legions les petits, and en met six mil six cens soixante and six en chacune legion, adioustant leurs qualitez and proprietez, and à quoy ils pouuoient seruir pour les inuoquer. Et neantmoins apres auoir enseigné curieusement les receptes diaboliques, il adiouste ces mots, (mais cela cst meschant.) La loy premiere de V ariis cognit. §. medicos. ff. dict qu'il ne faut pas appeller Medecin celuy qui incantauit, qui inprecatus est, qui, vt vulgari verbo impostorum vtar, exorcisauit: non sunt ista medicinæ genera. Mais la loy de Dieu ne dit pas que c'est vne simple imposture, ains vne detestable impieté. On peur donc appeller imposteur celuy qui ne se conte (02) te pas de faire, ains encores qui enseigne par liures imprimez telles meschãcetez, and pour les couurir, il parle quel quesfois de Dieu, and de fa loy, qui est l'imposture de la quelle: Sathan and ses suiets. ont tousiours vsé. C'est à sçauoir, sous le voile des choses -notes- 3li.3. and 4.de Prast. Page 528

sainctes and sacrees, faire passer toutes les impietez, qu'õ peut imaginer. Fernel2 dit auoir veu vn Sorcier, lequel en disãt des oraisons and mots sacrés auec des mots barbares, faisoit voir en vn mirouer ce qu'il vouloit. Ce que dict aussi Origene, and l'interprete Grec4 de Synesius. Or on peut dire de Wier, and de telles gens, ce que dict Dionysius, ad Sosipatrum parlant d'Apolophanes, Diuinis aduersus Deum nefariè vtitur. Cõme aussi Wier confesse auoir transcrit la Stenographie de Iean Triteme qu'il trouua en l'estude de son maistre Agrippa, laquelle est toute pleine d'oraisons, and d'inuocations de diables, and l'vn des plus detestables liures du monde, cõme aussi a escrit Carolus Bouillus. Nous lisõs3 qu'vn ieune homme nomméLollianus fut banny, and ses bie (02) s confisquez pour auoir transcrit vn liure de Magie, and qu'elle peine merite celuy qui la soustient, voire qui l'enseigne par dits and par escrits. Il ne faut pas donc s'arrester quand Wier parle de Dieu, puis qu'on void de si horribles blasphemes en ces liures. Car tout ainsi qu'il n'y a poison plus dangereuse, que celle qui est coulee auec le succre, ou sauces appetissantes, d'autant qu'elle est auallee plus euide (02) ment, and plus difficileme (02) t se vomist: aussi n'y a il impieté plus grande que celle qui est couuerte du voile de pieté. I'ay dict cy deuant, que Sathan à des Sorciers de toutes qualitez. Il a eu autres fois plusieurs Papes, comme escrit le Cardinal Benon, Naucler, and Platin: Il a des Roys, des Princes, des Prestres, des Prescheurs, en plusieurs lieux des iuges, des medecins, briefil en a de tous mestiers. Mais il n'a point de meilleurs subiets à son gré, que ceux qui font -notes- 2l.1. de abditis rer. causis. 4in lib. [Greek omitted] 3Nicephorus Calistus li. 10. Page 529

les autres Sorciers, and qui les attire (02) t par dits, ou par escrits, en ses filets, ou qui empesche (02) t la punitiõ des Sorciers. I'ay remarqué cy deuãt que2 Guillaume de Lure Docteur en Theologie, grand Predicateur, fut condãné comme Sorcier à Poitiers l'an mil quatre cens cinquante trois, le douxiesme Decembre, conuaincu par tesmoings, and par sa confession propre, qui se trouue encores és registres de Poitiers, cõme i'ay sceu de Saluert Preside (02) t de Poitiers, que par obligation reciproque qu'il auoit auec Sathã, de la quelle il fut trouué saisi il auoit promis en renonçant à Dieu, and sacrifiãt au diable, de prescher, comme il fist, que tout ce qu'on disoit des Sorciers, n'estoit que fable, and que c'estoit cruellement fait de les condamner à mort, and par ce moyen, dit-il, la punitiõ des Sorciers cessa, and le regne de Sathã fut estably, croissant le nombre infiny de Sorciers. Tous les compaignons de ce Prescheur ne sont pas morts. Car il s'est trouué n'a pas long temps, vn Prestre nommé de la Mote, fameux Sorcier, qui contrefaisoit l'exorciste, and le Diable dist qu'il ne sortiroit poinct du corps d'vne personne que pour cestuy-là. Nous voyons que Wier escrit ce que le Docteur en Diabologie preschoit. D'auantage il fait bien à noter que Wier confessa qu'il estoit disciple4 d'Agrippa, le plus grand Sorcier qui fut on ques de son aage, and non seulement il estoit son disciple, ains aussi son valet and seruiteur, beuuãt, mangeant, and couchãt auec luy cõme il cõfesse5 apres qu'Agrippa eut repudié sa femme. Et sur ce que Paul Ioue,0 and plusieurs autres ont escrit que le chien noir d'Agrippa, qu'il appelloit Mõsieur, -notes- 2Vide Tetru (05) Marmor. flagellum ma'esicarum. 4lib.2.c.5 de Præslig. 5D.li.2.c.5. 0in E logiis. Page 530

si tost qu'Agrippa fut mort en l'hospital de Grenoble, s'alla ietter en la riuiere deuant tout le monde, and que depuis ne fut iamais veu: Wier dict que ce n'estoit pas Sathan en guise de chien, ains qu'il le menoit apres Agrippa en lesse, and que le chien couchoit entre Agrippa, and luy. Et quand il parle de son maistre Sorcier il dict: Felicis memoriæ Agrippa, ou bien6 Venerandi præceptoris mei Agrippæ: Et neantmoins il n'y a hõme de sain iugement, qui ne confesse apres auoir leu les liures d'Agrippa, que c'estoit l'vn des plus grands Sorciers du monde. Ce qui est encores plus euide (02) t par les epistres qui sont à la fin des trois liures de Occulta Philosophia, où il escrit à vn certain Augustin Italien, qu'il auoit reserué la clef de l'Occulte Philosophie à ses amis seulement: qui est le quatriesme liure, que les disciples and amis d'Agrippa ont faict imprimer apres la mort de leur maistre, lequel liure descouure comme en plein iour, la poison detestable de Sotcellerie auec toutes les inuocations des demons, and les cercles, characteres, and sacrifices faits à Sathan. I'ay bien voulu mettre en auant quel homme estoit Agrippa, à fin qu'on ne s'esmerueille si Wier s'escarmouche si fort pour la protection des Sorciers, appellant les Magistrats cruels bourreaux, and bouchers. Et qui plus est, il s'est efforcé de falsifier la Loy1 de Dieu oùil est escrit ainsi: Tu ne souffriras poinct que la Sorciere viue: prenant le Grec, and interpretant que la Loy veut qu'on face mourir les empoisonneurs, and non pas les Sorciers soubs le mot Equiuoque, and laissant la lettre Hebraique qui n'a aucune difficulté. La loy de mot à -notes- 6li.3.cap. 35. mõ veuerable maistre and d'beureuse memoire. 1Exod.c.22. Page 531

mot est telle, [Hebrew omitted] Le mot Hebrieu vient de [Hebrew omitted] qui signifie esblouir les yeux, and le mot [Hebrew omitted] signifie prestigiateur en l'Exode2, and en plusieurs autres lieux 3 de la Saincte Escriture, que i'ay remarquez, où le mot de Mecasphim ne se prend poinct autrement que pour Sorciers. Et d'autant que tous Sorciers ordinairement font mourir les personnes, and qu'ils vsent de pouldres, ossemens, bestes venimeuses, les Grecs les ont appellez [Greek omitted], and les femmes [Greek omitted], par-ce que la pluspart des Sorciers contre-font les Medecins, and Exorcistes: Mais Iean Wier voulant desguiser la Loy de Dieu, qui est publiee en Hebrieu soubs vmbre de l'interpretation Grecque, a commis vn erreur trop grossier, où il dict que les empoisonneurs s'appellent [Greek omitted], qui n'est poinct vn erreur d'Imprimeur: Car l'accent descouure le contraire, ioinct qu'il est ainsi en la Preface du liure des Prestiges, and le mesme erreur est au liure troisiesme, chapitre trente-huictiesme, and au liure sixiesme, chapitre vingt-deuxiesme, and au liure de Lamiis, chapitrc quatriesme, au lieu qu'il deuoit dire [Greek omitted] ou par contraction [Greek omitted]: Mais l'erreur est bien plus grand aux choses. Car Philon Hebrieu and les soixante and douze Interpretes, n'ayant autre mot plus propre en Grec, ont ainsi tourné le mot de Mecasphat, qui ne signifie rien autre chose, que Sorciers. Et le mot Grec signifie Apothecaires, and empoisonneurs, and Teinturiers, Arboristes, and Sorciers, and ceux qui purifioyont anciennement les Temples souillez, and qui -notes- 2Exod. c.7 3Habacuc.c. 3.Micbac cap. 5. and lib. 4. Regum. cap. 9. and lib. 2. Paralip.c.33. and Esaye ca. 47. and Hieremiæ c.27. and Daniel c. 2. and Nabum.ca. 3. Page 532

faisoyent sortir les Diables, que la loy2 appelle exorcistes, and imposteurs: ce qui a esté remarqué par Eusthatius interpretant le XXII. liure de l'O dyssee, sur la fin. Mais pour mõstrer que les Grecs ordinairement, and sans equiuocation appelloyent les Sorciers [Greek omitted], and non pas empoisonneurs, on le peut veoir en Dioscoride, quand il dict que le Nerprun ou Rhamnus empesche les meschancetez des charmeurs. Ces mots sont tels, [Greek omitted] and Aristote parlát de l'Hippomanes au liure VI. chap. XVIII. de historia animalium, appelle les Sorciers [Greek omitted] quand il dit que l'Hippomanes sert aux Sorciers, qui n'est poinct poison, puisque les Sorciers le font prendre aux hommes pour aymer. Et mesme Theocrite parlant de l'Hippomanes, dit que c'est vne herbe qui croist en Thessalie, c'est à dire vn Sortilege Thessalien. Car c'est en l'Eclogue de la Sorciere5, qu'il appelle [Greek omitted], laquelle employe tous les charmes, veuz, prieres and inuocations aux astres, and Demons, auec l'oyfeau que les Grecs appellent [Greek omitted], les Latins Motacillam, les Frãçois Mouette, qui n'estoit pas pour empoisonner son amy: mais pour l'attirer estant esloigné d'icelle. Aussi la Mouette est bonne a manger, combien que Seruius dict que le mot [Greek omitted] signifie vne sorte de fluste pour entonner les charmes des Sorciers, qui monstre bien que ce n'est rien de poison, en quelque fignification qu'on le veille prendre. Aussi Aristote6 parlant de l'oyfeau Sippe que les François appellent torchepot dict ainsi, Il est courageux, ayfé a appriuoiser bon à -notes- 2l. 1. §. medicos de Varlis cognit. ff. 5In [Greek omitted]. 6lib.9.c.17. de bist. anim. Page 533

manger, and dict on qu'il sert à la Sorcellerie, pour faire sçauoir les choses chachees: il vse du mot [Greek omitted]. Ie mettray ces mots qui sont tels, [Greek omitted]. Aussi lisons nous en Hippocrate7, que ceux qui estoient ensorcelez par les Sorciers, s'appelloyent [Greek omitted]: car tout le liure de morbo sacro escrit contre les Sorciers, qu'il appelle [Greek omitted]: c'est dire Magiciens, imposteurs, Sorciers, Sarlatans, lesquels dict-il, se vantent d'attirer la Lune, obscurcir le Soleil, faire la tempeste, and asseruir les Dieux. Or chacun sçait, que les Sorciers font mourir sans aucune poison, auec vne pomme, ou en touchant de la main, ou d'vne verge, comme dict Cardan auoir veu à Pauie vne Sorciere qui tua tout roide mort vn enfant, en luy touchant doucement sur le dos d'vne verge. La Sorciere Medee ialouse que Glauca fille du Roy Creon espousoit son amy Iason, elle luy enuoya vne couronne d'or le iour de ses nopces, and soudain qu'elle eut mis la couronne sur sa teste, la flamme y print, and mourut soudain comme dict Euripide in Medea, vsant du mot [Greek omitted]: c'est à dire partes Sorcelleries, and non pas par poisons. Car il est dict que Medee sacrifia ces deux propres enfans pour venir à chef de faire mourir Glauca, and de tels sacrifices s'entend la Loy ex senatusconsulto, de sica. ff. où il est dict, Ex senatusconsulto eadem legis Corneliæ p na tenetur, qui mala sacrificia fecerit, habuerit: c'est à dire, les sacrifices -notes- 7In libro de Morbo sacre. Page 534

detestables des Sorciers, and non pas des Payans, comme dict Accurse en la glose: car l'autheur mesmes de la loy estoit Payan: cela est confirmé par le passage de Ciceron contre Vatinius qui auoit sacrifié des enfans and vsé de Necromantie, Quæ te, inquit, tanta prauitas, tantus furor tenuit vt cum inaudita ac nefaria sacra susciperes, cum inferorum animas elicere, cum puerorum extis Deos manes mactare soleas, and c. Or il appert que le Senat interpretant la loy contre les meurtriers, donna son arrest contre ceux qui ont, ou qui font les sacrifices detestables des Sorciers. Et pour monstrer encores plus la difference qu'il y a entre la poison and Sortilege, l'vn and l'autre estant signifié par le mot [Greek omitted], comme le mot Latin, veneficium, signifie poison naturelle, and Sortilege, il faut voir Platon au liure onziesme des Loix, où il faict distinction de l'vn and l'autre, and decerne peine de mort contre les Prestres, and Aruspices, qui auroient faict mourir quelcun par sacrifices, liaisons, enchantemens, ou autres Sorcelleries qu'il dict [Greek omitted], and le tiltre de sa loy est tel [Greek omitted], s'ensuit la loy des poisons and Sorcelleries, où il appelle telles liaisons illecebres, and enchantemens, [Greek omitted]. G1 Puis apres il fait vn article de loy pour celuy qui empoisonne sans Magie [Greek omitted], and puis il dict, que les Sorciers besongnent par moyens estranges, and qui seroyent incroyables, si on ne les auoit veuz mettre leurs images de cire aux carrefours, aux sepulchres de leurs peres, and soubs les portes, ou l'on voit euidemment les -notes- G1Verba Platonis [Greek omitted]. Page 535

images de cire, dont ils vsoient du temps, and auparauant Platon, comme font noz Sorciers, qui n'ont pas leu Platon, and par le moyen desquelles images, auec l'ayde de Sathan elles font mourir les personnes. C'est pourquoy Azon interpretant ces mots de la Loy premiere de maleficis and mathematicis, où il est dict, plus est occidere veneno quàm gladio, dict, venenum arte magica datum, and en la loy venenum, ad l. Corneliam de sicariis and en la loy venenum, de verborum signif. ff. le mot de venenum emporte l'vn and l'autre. Mais d'autant que Wier allegue l'interpretation de Ioseph, qui est ambigue, pour le mettre hors d'equiuocation, à fin que la loy de Dieu ne soit falsifiee, il faut voir Philon Hebrieu compaignon and amy de Ioseph qui à interpreté c'est article de la Loy de Dieu d'Hebrieu en Grec au liure7 des Loix particulieres où il dict ainsi, la Loy de Dieu, dict-il, a en horreur les Magiciens and Sorciers vsant des mots [Greek omitted] qui par moyen and ars damnables font mille maux, qu'elle veut que le iour mesmes qu'ils seront pris, qu'on les execute à mort, comme la loy derniere de maleficis C. dict, que celuy qui aura descouuert vn Sorcier, illico ad publicum pertrahat. Puis apres que Philon a declaré les meschancetez des Sorciers, and magiciens, il distingue la Magie naturelle, qu'il appelle Physique, d'auec la Magie enchanteurs, Sorciers, and prestigiateurs, qui font des exorcismes and enchantemens, and mettent les inimitiez capitalles entre les amis, and autres meschancetez incroyables, ou chacun peut veoir l'eui dente calomniode lean Wier, qui soustient que la Loy de -notes- 7In libro [Greek omitted]. Page 536

Dieu ne veut pas, que les Sorcieres soyent mises à mort ains seulement ceux qui empoissonnent. Ie demeure sur ce poinct, qui est de grande consequence, pour sçauoir s'il faut absouldre tant d'innocens, comme dict Wier and s'arrester à ses calomnies, ou bien à la Loy de Dieu, qui deffend de laisser viure les Sorciers vn seul iour. Et qui peut mieux entendre la langue Hebraïque and la Loy de Dieu, que les Hebrieux, and Prophetes. Or Elias Leuites pour oster toute equiuocation, a tourné le mot de Mecasphat, lamiam, duquel mot à vsé. Horace8 Neu pransæ lamiæ viuum puerum extrahat aluo, Hesichius les appelle [Greek omitted]: combien qu'à la verité Eustathius sur Homere dict 9 que lamia signifie vn Demon en guise de femme: and en mesme signification l'a pris Philostrate1, où il dict que Appollonius Thianeus chassa de Corinthe vne lamie qui deuoroit les ieunes personnes. Wier dict qu'il n'est poinct mention de lamies en la Saincte Escriture, le mot est Grec, and le vieil Testament en Hebrieu: Et quand Iesaye detestoit la ville de Babylonne pour ses Sorcelleries il dict, qu'il ny demeurera pierre sur pierre (ce qui est aduenu: Car long temps a qu'il ny a homme viuant qui puisse remarquer vne pierre de ruines de ceste ville là, qui auoit du moins XXX. lieuës de tour en quarré) ou comme dict Ionas and Herodote trois iournees, ains que les luitons and Demons y feront leurs danses, and que la Fee ou lamie y fera sa demeure. Il y en a en Hebrieu [Hebrew omitted] que les LXXII. interpretes ont tourné [Greek omitted], and les Latins lamia, qui est tout vn: que Rabby Helias Leuites in -notes- 8In arte poët. 9In lib. Odys. 13. num. 33. Vide Dyon. Cbrysastomu (05) in Lybica fabula. 1In vita Apollonij. Page 537

Thisby appelle mere des Diables. Et d'autant que ce Demon se voit és lieux deserts, comme est l'Afrique pour la pluspart, Dion en l'histoire d'Afrique la descrit comme vne beste sauuage, qui a le visage d'vne femme tres-belle, and pour attirer les passans, elle descouure son estomach, and ses tetins and d'vn regard modeste and gratieux, le surplus est vn Serpent plain d'escailles, and la teste de Serpens au lieu des pieds, and si tost qu'on approche, elle deuore l'homme euidemment: Ce qui se peut r'apporter à ce que dict Hieremie. Lamiæ nudarunt vbera, Threnorum ca. 4. C'est pourquoy tels esprits sont appellez deuorateurs, and lamies, [Greek omitted] ou de [Greek omitted] qui signifie ingluuies, comme dict Porphyrion. 2 Et pour mesme cause le poisson, qui deuore tout, and les hommes tous entiers est appellé lamia, comme dict Nicandre Colophonien3 and d'autant que les Sorciers hument euidemment le sang des personnes, Apulee appelle Sorcieres lamias, comme celle qui fist vne ouuerture en la gorge de Socrate compagnon d'Apulee couché aupres de luy, and endormy, and recueillit le sang en vn vaisseau, puis renferma la playe, and Socrates s'esueillant dict qu'il n'auoit rien senty, and n'en faisoit que rire: neantmoins le iour suiuant il mourut. A quoy se rapporte la sentence allegorique de Salomon, que l'Aigle repaist ses petits de sang, il entend par l'Aigle Sathan, qui nourrist ses subiets de telle viande. Aussi Porphyre dict que les Demons, and malings esprits ayment les sacrifices, pour se repaistre de la fumee du sang au liure [Greek omitted], qui meriteroient -notes- 2In illud Horarij, Neu prãsæ Lamiæ. 3Apud Eustatbium in Odys. lib.13. Page 538

bien estre traduits de Grec en Latin. C'est pourquoy Dieu voulant retirer son peuple des sacrifices qu'ils faisoient aux Demons, commande qu'on espande le sang dessus, and à costé dextre de son Autel, and à fin que on sçeust, que c'estoit pour destourner son peuple de telles impietez, il est dict ainsi: Et ne vous2 aduienne iamais par cy apres d'aller sacrifier aux Diables, and Satyres, apres lesquels vous auez idolatré, and paillardé. Car ils auoyent accoustumé (comme dict le Rabin Moyse Maymon)3 d'aller sacrifier aux Demons soubs les arbres, and montaignes, and mettre partie du sang en vne fosse, autour de laquelle ils banquetoyent auec les malings esprits.G1 Ainsi s'entend l'article de la Loy de Dieu, qui dict7, vous ne mangerez point sur le sang, and ne serez poinct Sorciers: il y a en Hebrieu [Hebrew omitted], que les interpretes ont tourné, cum sanguine, contre la nature de la proposition [Hebrew omitted] qui signifie super, n'ayant prins garde à ceste coustume, que le Rabin Maymon dict estre venuë des Caldeans. C'est pourquoy le Prophete Nahum4 detestant la paillarde Babylone ville Capitalle de Caldee, dict qu'elle est puissante en Sorcelleries, and qui a enseigné les Sorcelleries à tous les peuples de la terre: le Prophete à vsé du mot susdict [Hebrew omitted] que Rabby Dauid Kimhy à interpreté [Hebrew omitted] en mesme signification de Sorciers and Ionatas Ben-Vriel interprete Caldean à tourné [Hebrew omitted] qui sont Sorcelleries. Car l'interprete Caldean oste non seulement l'equiuocation, ains aussi esclarcist le vray sens de l'Escriture S. Aussi seroit ce chose inepte de dire que Babylone eust fourny de -notes- 2Leuit.c.17. 3Lib. 3. G1[Hebrew omitted] 7Leuit. c.19. 4c.3.vers. 4. Page 539

poisons tous les peuples and Roys de la terre: veu qu'en tous pays il y a bonne prouision de poisons dequoy Pline se plaint. Mais il est bien notoire qu'ils estoient les premiers Sorciers, and Magiciens du monde, comme tous les Grecs and Latins demeurent d'accord, que pour ceste cause le mot de Chaldæus, signifie Sorcier, Deuin, Magicien, comme dict Hesichius [Greek omitted] and souuent en Ciceron5, and en noz Loix6, and en la Saincte Escriture7, and quand il est dict au liure des Roys que des Sorcelleries de Iesabel Royne de Samarie la terre estoit infectee, on lict le mesme mot de [Hebrew omitted] qui ne peut signifier poisons. Car elle fist tuer les Prophetes de Dieu, qu'elle hayoit à mort, and Nabot à force ouuerte, and non pas par poisons: and depuis que ceste Sorciere la eut attiré les Sorciers en Samarie, comme la Royne Medee en Thessalie, six cens ans apres la Samarie demeura tousiours infectee de ceste peste, tellement qu'on disoit en prouerbe, Tu es Samaritain, tu as vn Diable familier: Ce qui fut dict à Iesus-Christ7 par ses ennemis en le calomniant, and de ce pays-là mesmes estoit Symon surnommé le Sorcier ou Magicien, maistre de Menander. Mais Wier calomniant c'est article de la Loy de Dieu (que la Sorciere8 meure soudain) n'a pas pris garde pourquoy la Loy n'a pas dict Sorcier: Car ce n'est pas pour espargner les Sorciers, ny les Medecins, and Apothecaires, s'ils empoisonnent, and qui s'entendent beaucoup mieux aux poisons, que non pas les femmes: Mais la Loy de Dieu à voulu monstrer, que les hommes sont moins infectez de ceste maladie, and -notes- 5In diuina. 6l. nemo, de maleficis and Maibematicis. C. Daniel.c. 2. and Iesa. ca. 7Lib.3.c.18. 7Iean. 8. 8Exod. 22. Page 540

que pour vn homme il y a cinquante femmes, comme il est dict au prouerbe6 Hebrieu plus de femmes, plus de Sorciers, c'est à dire [Hebrew omitted]. C'est pourquoy Pline8 dict que les femmes sont excellentes en Sorcelleries, c'est à dire, feminarum scientiam in veneficio præualere: ce qu'il n'entend pas poison, car il met pour exemple Circe, qui changeoit les hommes en bestcs, ce que toutes les poisons du monde ne sçauroyent faire. Ainsi Quintilian9 dict, que la presomption est plus grande que la femme soit Sorciere, que l'homme, and l'homme plustost voleur que la femme, Latrocinium in viro facilius, veneficium in f mina credam. Qu'on lise les liures de tous ceux qui ont escrit des Sorciers, il se trouuera cinquante femmes Sorcieres ou Demoniaques pour vn homme, comme i'ay remarqué cy deuant. I'excepteray seulement la compagnie des Sorciers mentionnez au procez d'Abel de la Ruë, qui tous estoient hommes, desquels les Diables font beaucoup plus d'estat que des femmes: qui ny vont que trop. Ce qui aduient non pas pour la fragilité du sexe à mon aduis: Car nous voyons vne opiniastreté indoutable en la plus part, and qu'elles sont bien fouuent plus constantes à souffrir la question que les hommes, comme il fut esprouué en la coniuration9 de Neron, and apres la mort d'Hippias Tyran d'Athenes, que les femmes se tranchoyent la langue pour oster toute esperance de tirer la verité. Et de plusieurs femmes martyres il y auroit plus d'apparence de dire, que c'est la force de la cupidité bestiale, qui a reduict la femme à l'extremité pour iouïr de ces appetits, -notes- 6In libro[Hebrew omitted] 8lib.25.c.11. 9In declimatio. 9Tacitus lib. 14. Page 541

ou pour se venger. Et semble que pour ceste cause Platon mect la femme entre l'homme and la beste brute. Car on voit les parties visceralles plus grandes aux femmes qu'aux hommes, qui n'ont par les cupiditez si violentes. Et au contraire les testes des hommes sont plus grosses de beaucoup, and par consequent ils ont plus de cerueau, and de prudence, que les femmes: Ce que les Poëtes ont figuré quand ils ont dict que Pallas Deesse de sagesse, estoit nce du cerueau de Iuppiter, and qu'elle n'auoit point de mere: pour mõstrer que la sagesse ne vient iamais des femmes, qui approchent plus de la nature des bestes brutes. Ioinct aussi que Sathan s'addressa premierement à la femme par laquelle l'homme fut seduict. D'auantage ie tiens que Dieu à voulu ranger, and affoiblir Sathan, luy donnant puissance ordinairement and premierement sur les creatures moins dignes, comme sur les Serpens, sur les mouches, and autres bestes que la Loy de Dieu appelle immondes, and puis sur les autres bestes brutes plustost que sur le genre humain: Et sur les femmes plustost que sur les hommes, and sur les hõmes qui viuent en bestes plustost, que sur les autres. Ioinct aussi que Sathan par le moyen des femmes attire les maris and les enfans à sa cordelle. Et par ainsi la resolution de la Loy de Dieu demeurera, que la Sorciere soudain doibt estre mis à mort, and la calomnie de Wier contre la Loy de Dieu and des Magistrats executans son mandement sera reiectee. Car Wier1 est d'accord que les Sorcieres ont communication, and paction auec les Diables, and qu'elles font beaucoup -notes- 1lib.2.ca.40 and 8. and 34. and lib.4.ca. 14. and lib. 5. ca. 9. de Præstigiis, sæpe alibi. Page 542

de meschancetez à l'ayde du Diable, and neantmoins au liure de lamiis, il dict tantost qu'il ny a point de paction, and tantost qu'on ne sçauroit le prouuer, tantost qu'il ne faut pas croire la confession des Sorcieres, and qu'elles s'abusent de penserfaire ce qu'elles disent and que c'est la maladie melancholique qui les tient. Voyla la couuerture que les ignorans, ou les Sorciers ont prise pour faire euader leurs semblables and accroistre le regne de Sathan. Par cy deuant ceux qui ont dict que c'estoit la melancholie, ne pensoyent pas qu'il y eust des Demons, ny peut estre qu'il y eust des Anges, ny Dieu quelconque. Mais Wier confesse qu'il y a vn Dieu (comme les Diables le confessent aussi, and tremblent soubz sa puisfance, ainsi que nous lisons en l'Efcriture2) il confesse aussi par tous ces escrits qu'il y à de bons and malings esprits qui ont intelligence, and paction auec les hommes. Il ne failloit donc pas attribuer les transports des Sorciers, leurs malefices, and actions estranges à la melancholie, and beaucoup moins faire les femmes melancholiques, veu que l'antiquité à remarqué pour chose estrange, que iamais femme ne mourut de melancholie, ny l'homme de ioye, ains au contraire plusieurs 3 femmes meurent de ioye extreme, and puisque Wier est Medecin il ne peut ignorer, que l'humeur de la femme ne soit directement contraire à la melancholie aduste, dont la fureur procede, soit qu'elle vienne à bile flaua adusta, aut à succo melancholico, comme les Medecins demeurent d'accord. Car l'vn and l'autre procede d'vne chaleur, and secheresse excessiue comme -notes- 2Epistola Iacobi. c. 2. 3Pline liis.7. Valere Max. Solin. Page 543

dict Galen au liure de atra bile. Or les femmes naturellement sont froides and humides, comme dict le mesme autheur, and tous les Grecs, Latins, and Arabes s'accordant en ce point icy. Et pour ceste cause Galen4 dit aussi que l'homme estant d'vn temperament chaud, and sec, en region chaude and seiche, and en esté tombe en la maladie melancholique, and neantmoins Olaus le Grand Gaspar Peucerus, Saxo Grammaticus, and Wier mesmes est d'accord auec tous les Inquisiteurs des Sorciers d'Allemaigne que souz la region Arctique, ou la Mer glace, and en Allemaigne and aux Mons des Alpes, and de Sauoye tout est plein de Sorciers. Or il est certain que les peuples de Septentrion tiennent aussi peu de la melancholie, comme les peuples d'Afrique de la pituité. Car on voit tous les peuples de Septentrion blancs, les yeux vers, les cheueux blondz, and desliez, la face vermeille, ioyeux and babillards, chose du tout contraire à l'humeur melancholique. D'auantage Hippocrate au premier liure des maladies populaires, and Galen au mesme liure tiennent que les femmes generallement sont plus saines que les hommes, pour les flueurs menstruales, qui les garentissent de mille maladies. Iamais, dict Hippocrates, les femmes n'ont la goute ny vlceration des poulmons, dict Calen5, ny d'epilesies, ny d'apoplexies, ny de frenesies, ny de lethargies, ny de conuulsions, ny de tremblement tant qu'elles ont leurs fleurs, ou leurs menstruës, and fleurs. Et combien que Hippocrate6 dict que le mal caduc, and de ceux qui estoyent assiegez des Demons, qu'on appelloit maladie sacree, est naturelle: -notes- 4In lib. de atra lile. 5In libro de venæ sectione. 6In libro de Morbo sacro. Page 544

neantmoins il soustient, que cela n'aduient sinon aux pituiteux, and non point aux bilieux: ce que Iean Wier estant Medecin, ne pouuoit ignorer. Or nous auons monstré que les femmes ordinairement sont Demoniaques plustost que les hommes, and que les Sorcieres sont transportees souuent en corps, and souuent aussi rauies en ecstase, estant l'ame separee du corps, par moyens Diaboliques, demeurant le corps insensible, and stupide. Encores est il plus ridicule de dire, que la maladie des Sorcieres prouient de melancholie, veu que les maladies procedans de la melancholie, sont tousiours dangereuses6. Neantmoins on void des Sorciers, and qui ont faict ce mestier quarante, ou cinquante ans, and de l'aage de douze ans, comme Ieanne Haruillier, qui fut bruslee vifue le vingtneufiesme Auril mil cinq cens septante huict, and Magdaleine de la Croix, Abbesse de Cordouë en Espaigne, mil cinq cens quarante cinq, auoyent eu accointance ordinaire, and copulation auec le Diable, qui dura, quarante ans à l'vne, and trente a l'autre. Il faut donc que Wier confesse que c'est vne incongruité notable à luy qui est Medecin, and ignorance par trop grossiere: (mais ce n'est pas ignorance) d'attribuer aux femmes les maladies melancholiques, qui leur conuiennent aussi peu que les effects loüables de l'humeur melancholique temperé, qui rend l'homme sage, posé, contemplatif, (comme tous les anciens Philosophes and Medecins ont remarqué7) qui sont qualitez aussi peu compatibles auec la femme, que le feu auec l'eau. Et mesmes Salomon qui cognoissoit -notes- 6Gal. in lib. de atra bile. 7Aristot.in Proble sicti 30. princip. Page 545

aussi bien l'humeur des femmes, que homme du monde, dict qu'il à veu de mil8 hommes vn sage, mais de femme qu'il n'en à pas veu vne seule. Laissons donc l'erreur fanatique de ceux qui font les femmes melancholiques. Aussi Wier voyant que son voile de melancholie estoit descouuert par la demonstration and verité apparente par tant de Loix diuines and humaines, par tant d'histoires de tous les peuples de la terre, par tant de confessions les vnes volontaires, les autres forcees, par tant de iugemens, de conuictions, de condamnations, d'executions faictes depuis trois mille ans en tous les pays du monde, il c'est aduisé d'vne ruse trop grossiere, pour empescher qu'on face mourir les Sorciers, disant 9 que le Diable seduict les Sorcieres, and leur faict croire qu'elles font ce que luy mesme faict. Et ce faisant il faict semblant, qu'il est bien fors contraire à Sathan, and ce pendant il sauue les Sorciers, qui est en bons termes se iouer auec Sathan de parolles, and en effect establir sa grandeur and sa puissance. Car il sçait bien que les Magistrats n'ont point de Iurisdiction ny de main mise sur les Diables. Qui n'est pas seulement absoudre les Sorciers, ains aussi tous les meurtricrs, voleurs, incestueux, and parricides, qui sont pouslez par l'ennemy du genre humain à faire ce qu'ils font. Puis il loue grandement4 la taxe de la chambre du Papc: qui condamneles Sorcienes repenties à deux ducats pour le pardon: and en autre5. lieu il dit que s'il soustenoit que non seulemeut les Sorciers ne doyuent estre punies à mort par la Loy de Dieu, ains aussi qu'il n'est faicte -notes- 8In Prouer. 9c. 4. and ca. vle.de Lamiis. 4cap.24. de Lamiis. 5lib. 3. c. 35. de Prastig. Page 546

aucune mention des Sorcieres en la S. Escriture, qu'il ne peut estre conuaincu facilement. Icy i'appelle Dieu, and sa Loy en tesmoignage, and mille passages6 de la Bible pour conuaincre c'est homme. Et pour cognoistre a veuë d' il qu'il n'y à rien plus abhominable deuant Dieu, ny plus souuent defendu en toutes les Escritures. Baleham inspiré de Dieu benist le peuple d'Israël, quoy que Balaac Roy des Madianites, le suppliast tres-instamment de n'en rien faire: and le Prophete le rend la raison: Car, dit-il, il n'y any Enchanteur, ny Sorcier en ce peuple: Mais Dieu luy faict sçauoir sa volonté quand il est besoing. Et quand Dieu voulut monstrer combien il auoit en horreur les Sorcelleries, il dict, Gardez vous sur la vie de suyure les abominables coustumes de ces nations, que i'ay rasé de la terre, pour les Sorcelleries, Magies, diuinations, où il en mect neuf genres, qui comprennent tous les autres7: Mais il faict bien à noter qu'il ne dict poinct qu'il à exterminé ces peuples pour les homicides, parricides, incestes, tyrannies, idolatries, maís pour les Sorcelleries, and d'autant que ces peuples-là dedioyent leurs enfans au Diable Moloch, pour executer leurs Sorcelleries, Dieu commande que celuy qui fera ceste abhomination, soit lapidé:0 qui estoit la plus cruelle mort de routes, comme dict le Rabin8 Maymon. Puis apres Dieu adiouste qu'il estendra sa fureur contre le peuple qui souffrira ces meschancetez impunies. Et quand Samuel voulut faire entendre à Saül la grandeur de sa faute, Ton peché, dict-il, est aussi grand que le peché des -notes- 6Exod.ca.7. and 8. and 9. and 22. Leuit. 19. and 20. Deut. ca. 18. and 4. Reg.c. 9. and 21. and 23. and 2.Par. 33. and lesa. c. 34. and 8. and 47.Daniel.c. 2.Micbe.c.3. and ca.5. Ezecbiel c.13. Num. cap.23. Ierem.ca.1 9. and 23. and 27. and 50. and Act. ca.16. Nabum.ca.3. 7Deut.c.18. 0Leuin. 20. 8lib.3. 20. Page 547

Sorciers. Et pour monstrer cõbien Dieu auoit en horreur le Roy Manasses, il est dit, Manasses irrita Dieu par ses meschancetez detestables: Puis il est dit, qu'il estoit Sorcier, ayant conuention auec les Diables. Il fut priué de son Royaume, and mis aux seps en vne prison. Et combien qu'il se fut repenty grandement, si est-ce que cinquante ans apres sa mort, Dieu dist au Prophete Hieremie: Ie raseray à feu and à sang ceste ville, pour les meschancetez execrables du Roy Manasses: and quãd au lieu Tophet9, où il auoit fait ses sacrifices à Sathan, il est dit, que ce sera le lieu des meurtres pour vanger l'ire de Dieu, ce qui fut fait. Et au 4. liure des Rois, chapitre XVII. il est dit que les dix lignees furent exterminees and emmenees esclaues, parce qu'elles estoient addonnees aux Magies and Sorcelleries. Qui sont lieux bie (02) notables, car la captiuité des dix lignees, n'est fondee que sur ce poinct-là. Et quant aux deux autres lignees, il est dit que cinquante ans apres, Dieu qui est tardif à la vengeance, vengea les Sorcelleries de Manasses, alors que la ville de Hierusalem fut mise à feu and à sang, and les deux autres lignees emmenees captifues, and en autre lieu il dit 6, Gladius ad diuinos, Gladius ad Chadæos:, and au Prophete Michee7 il est dit, Ie raseray de la terre les Sorciers and Deuins. Et quand Esaye menassa Babylone qu'elle sera rasee, and mise à feu and à sãg, il dit: Toutes ces calamitez t'aduiendront pour la grãdeur de tels meschancetez execrables que tu as cõmises auec tes Sorciers. Brief ce seroit chose infinie d'esplucher par le menu tous les passages de la S. Escriture, sans toucher aux Docteurs, Legislateurs, Philosophes, -notes- 9c.19.Hier. and 50. 6c.50.Hier. 7cap.5. Page 548

Historiens qui sont pleins d'exemples, parlesquels on peut voir que les Sorciers de toute ancienneté ont esté execrables à Dieu, and aux hommes: Comme i'ay noté cy deuant que sainct Augustin a escrit, que toutes les sectes ont decerné peines contre les Magiciens and Sorciers, pour monstrer que Wier a tresbien leu and entendu les peines establies par les loix diuines, and humaines: and neantmoins que de propos deliberé il les a calomniees, disant qu'il n'est parlé que des empoisonneurs, and non pas des Sorciers. Voyons donc qu'il veut dire par le mot de Sorciers, qu'il appelle Lamias, car c'est le fondeme (02) t de toute la dispute. Ie mettray sa de finition:8 Lamia est quæ ob f dus præstigiosum, aut imaginarium cu (05) Dæmone initu (05) propria ex suo delectu, vel maligno Dæmonis instinctu impulsúque, illiusq; ope qualiacu (05) que mala, vel cogitatione, vel imprecatione, vel re ludicra, atque ad institutum opus inepta designare putatur. C'est à dire, en trois mots, la Sorciere est celle qu'on pense auoir alliãce auec les Demons, and à leur ay de faire ce qu'elle ne fait point. En quoy on peut voir, que si Wier s'est abusé grandement en son art de medecine, parlant de la melãcholie des femmes, qu'il a bien failly plus lourdement en termes de Dialectique, de former vne definition par imagination: veu que la definition doit tou cher au doigt, and monstrer à l' il la vraye essence de la chose: Encores est-il plus ridicule d'auoir mis six disiõctions en sa definition. Attendu que la definition est vicieuse, s'il y a seulement vne disionction, comme dit Aristote:9 Comme si on disoit, le meurtrier est celuy -notes- 8li.7.ca.1. de Præstig. and li. de Lamiis, c. 5. 9li. 6. Topic. Page 549

qu'on pense qui frappe, ou qui tuë, ou qui se mocque d'autruy. La definition de Wier est semblable. Or si la Sorciere est celle qu'on pe (02) se qui est Sorciere, and qui ne l'est point, il ne falloit point faire de liures des Sorcieres, ny chercher la definition de ce qui n'est point. Car premierement on demande, si la chose qu'on met en dispute est en nature, ou non: id est an sit, puis apres, quid sit, and en troisiesme lieu, qualis sit, and en quatriesme lieu, ,cur sit. Il faut donc rayer le tiltre De Lamiis du liure de Wier, and ne mettre la definition d'vne chose qui n'est point, qui est vne incongruité notable en terme de Philosophic. Et toutesfois Wier definist9 le Sorcier, qu'il appelle magnum infamem, qui s'efforce d'appeller, and inuoquer le Diable, à fin qu'il se monstre, and qu'il responde à ce qu'on luy demande. Ce que i'ay mis briefuement: car la definition de Wier, contient pres d'vne page, and vne douzaine de disionctions. Pierre d'Apponne, qui n'a pas osé confesser, qu'il y eust des Demons, tant pour leuer l'opinion qu on auoit qu'il fust Sorcier, que pour y attrapper les autres, n'estoit pas si aisé à conuaincre. Mais Wier ayant confessé qu'il y a des malins esprits, and qui plus est, en ayant faict l'inuentaire à la fin de son liure de Præstigiis. Et mesmes confesse que le Sorcier a communication, and alliance auec Sathan, c'est chose bien estrange, de nyer que la Sorciere ayt alliance auec Sathan: ains que cela est imaginaire, veu que la loy de Dieu disertement a parlé de la Sorciere, qui s'accointe auec le maling esprit. Et d'autant que les cinq0 Inquisiteurs, qui ont mis par -notes- 9li.2.cap.2. 0in malleo maleficarum. Page 550

escrit sommairement le nombre infiny des Sorcieres qu'ils ont fait executer en Allemaigne, and que par la confession de toutes, ils ont trouué qu'elles faisoient alliance auec Sathan, luy touchant en la main: Wier2 dit sur cela qu'il est impossible de toucher la main, par ce que les Demons, dit-il, n'ont point de chair3, Dæmones non carnea, sed spirituali cõcretione cõstare. Or le mot de cõcretion, est du tout cõtraire à la nature des esprits, nihil est, dit Ciceron, in animis concretu (05) , nihil mistum. Ce que Ciceron auoit pris d'Aristote qui appelle0 l'Intellect, [Greek omitted]: Mais confessant la concretion en la nature spirituelle, il faut aussi confesser qu'ils ont corps, comme S. Augustin, suiuant la definition d'Apulee, qui appelle les Demons natura corporeos, and Philopone Peripateticien4, and Porphire 5, Iamblique6, Platon, Psellus, Plotin Academiciens, and Gaudentius Merula, se fondent sur ce que la chose incorporelle ne peut souffrir d'vne chose corporelle: and mesme S. Basile tient, que les Anges aussi bien que les Demons, ont corps, qui est l'occasion pourquoy les anciens disoie (02) t que les Demons souffrent diuision. Or S. Augustin tient au 3. liure, chap. dernier de la Trinité, qu'on ne peut faillir de dire que les Demons sont corporels. Et s'il est ainsi qu'Aristote au 4. de la Metaphysique, atenu que les Demons sont non feuleme (02) t corporels, ains aussi elementaires: toutes les Sophisteries de Wier, n'auront aucun fondement, car les actions se ferõt de corps à corps, and de corps elementaire à corps elementaire. Et tenant que les Anges and Demons sont corporels comme S. Basile and S. Gregoire in Homilia Epiphan. -notes- 2li.de Lamiis, cap.7. 3in Tusulsn. 0li.2.de Anima. 4in li. de Anima. 5in libro[Greek omitted]. 6in li.de my. steriis. Page 551

la demonstration sera fondee en principes indubitables, cest à sçauoir qu'il n'y a qu'vne substance infinie qui est Dieu, car s'il y auoit plusieurs infinis l'vn neseroit pas compris par l'autre, and par conseque (02) t ne seroit pas infinie. Or la substance ne peut estre finie que par extremitez des superfices qui ne conuiennent sinõ au corps. Mais la plus commune opiniõ des Theologie (02) s, and mesine de Iean Damascene, Gregoire Nazianzene, Thomas d'Aquin, and du Maistre de sentences, est que les Demõs sont de mesme nature que les Anges qu'ils disent estre formes pures and simples,3 and neantmoins ils s'accordent aussi en ce point que les bons and malins esprits se forment en corps visible, quand il est besoin pour effectuer ce qu'ils veulent corporellement. Toute la saincte efcriture est pleine d'exemples, cõme l'apparition d'Abraham, de Iacob, de Moyse, d'Helie, de Manoha, d'Abacuch, de Thobie, and infinis autres, and les liures de Iamblique de mysteriis Ægyptiorum, de Plutarque, de Procle, de Porphyre, and de Plotin, mesme celle d'Olaus le Grand, qui escrit qu'il n'y à rie (02) plus frequent en toutes les regions septentrionales, que de voir des esprits en figure humaine, qui touchent en la main (voila cõme il escrit) and puis s'euanouissent.G1 Toutesfois posons le cas que les Demons n'ayent ny concretion en soy, and qu'ils ne prennent corps quelconques, ains que sont natures pures and simples, du tout separees, comme Aristote a patlé des Anges, ou intelligences, si est-ce que Wier ne peut nier qu'il ne soit vn vray calomniareur d'vfer de c'est argument, pout monstrer qu'il n'y à point de paction, ny de conuention -notes- 3l.3. Seutru. G14. in libro. [Greek omitted] Page 552

des hommes auec Sathan. Car il suffist d'vn simple consentement, pour faire vne conuention: lequel consentement se peut faire sans stipulation, sans parole, sans escriture, d'vn clin d' il, and comme dict la Loy, nutu 4 solo, and Dieu qui est incorporcl a faict conuention and traicté auec son peuple, and neantmoins Wier est d'accord5 que les Sorciers ont paction, and conuentiõ auec Sathã, and qu'il parle à eux, and qu'il leur fait responce. Pourquoy donc plustost aux Sorciers qu'aux Sorcieres, veu que la Loy de Dieu parle disertement des Sorcieres, and que nous auons monstré par infinis exe (02) ples, que les femmes sont beaucoup plus subictes à ceste meschanceté, que les hommes. Et qui plus est, Wier demeure d'accord,6 que les Demons prennent les corps des hommes, and des bestes: en sorte qu'õ peutiuger la contrarieté de ses escrits, and l'incongruité de ses conclusions. Car il demeure d'accord, que les demons transportent les personnes, and les esleue (02) t en l'air sans corps, and en baille plusieurs histoires,7 qu'il confesse luy mesmes auoir veu. Wier se mocque8 aussi de la copulation des Sorciers auec les Demons, que toute l'antiquité, and tous les peuples ont tenu pour certaine, and les Theologiens ont confirmé: and mesmes S. Augustin au quinziesme liure de la Cité dict, que c'est vne impudence bien grande de nier cela. Ie mettray ces mots. Dæmones, creberrima fama est, quos Latini incubos, Galli Dusios vocant, mulierum attentare, atque peragere concubitus, and hanc aßiduè immunditiam, and attentare, and efficere, plures talésque asseuerant, vt hoc negare impudentiæ esse videatur. On sçait bien que les femmes -notes- 4Lnutu,de le gat.3.ff. 5li.2.cap.2. 6c.16.de Lamiis et lib. de Prastig.3.c.12 and li.4.c.14. 7li.3. and 4. de Præstig. 8in li. de La. Page 553

n'ont pas accoustumé de se vanter de leurs paillardises. Et comment confesseroient-elles auoir eu copulation auec les Diables, s'il n'estoit vray? Or nous lisons que les Iuges d'Allemaigne, d'Espaigne, de France, and d'Italie ont mis par escrit, que toutes les Sorcieres, qu'ils ont fait executer, ont confessé, and persisté en leurs confessions iusques à la mort inclusiuement, and plusieurs aussi à qui on auoit pardõné, qu'elles anoie (02) t eu copulation auec les Demons, iusques à dire qu'elles trouuoient leur semence froide, comme nous lisons 9au liure des cinq Inquisiteurs, qui en ont fait executer vn nombre infiny, and en Paul1 Grilland. I'ay monstré cy dessus plusieurs exéples des procés particuliers, qui m'ont esté communiquez, où cela est tresbien verifié, and par confessions sans torture, and par conuictiõs. Et ne faut pas douter que le desir de paillardise corporelle n'attire (mesmement les femmes) à la paillardise spirituelle. A quoy se peut aussir'apporter l'abomination d'vne si excerable meschanceté portee par la Loy2 de Dieu, où il est dit, que tous ceux qui s'estoie (02) t couplez au Diable Pehor, estoient peris malheureufeme (02) t. Et quant la Loy de Dieu3 defend de laisser viure la Sorcicre, il est dict tost apres, que cestuy qui paillardera auec la beste brute, qu'il sera mis à mort. Or la suite des propos de la Loy de Dieu touche couuertementles vilennies and meschancetez incroiables: Comme quand il est dict, Tu ne presenteras point à Dieu le loyer de la paillarde, ny le pris d'vn chien: cela touche la paillardise des meschantes auecles chiens, que nous auons remarquee cy dessus par exemples memorables: -notes- 9in malleo maleficarum 1in li.de Sortilegus. 2Deut. c4. 3Exod.c. 22. Page 554

Et aux dixseptiesme du Leuitique il est dit, Et vous n'irez plus sacrisier à vos Satyres diables, apres lesquels nous auez paillardé. Or Wier, qui est Medecin, cognoissant que l'opillation de foye, ny l'oppression de la rate, ne pouuoient s'attribuer aux femmes saines, and gaillardes, and que telle maladie n'aduient qu'en dormant, and que toute l'antiquité auoit remarqué non seulement la copulatiõ des Demons auec les femmes, que les Grecs appellent Ephialtes, les Latins Incubes, comme, aussi des hommes auec les Demons en guise de femmes, qu'ils appelloient Hyphialtes ou Succubes, and que cela se faisoit en veillãt, and continuoit à quelques vns trente, and quarante ans comme Wier mesme a confessé. Il n'a pas dict que c'estoit maladie, mais il a denié, disant que les femmes sont melancholiques, qui pensent faire ce qu'elles ne font poinct, Et neantmoins on n en brusle iamais de furieuses:4 On void en elles la ruse, la discretion, and le iugement de sçauoir constame (02) t denier le faict, comme quelques vnes, ou s'excuser and demander pardon, commeles autres se cacher, and s'enfuir, quine sont poinct les actions de personnes furieuses. Ioinct aussi que les conuictions, tesmoingnages, confrontations, and confessiõs semblables de toutes nations se rapportent iusques au peuple des Indes Occidentales, qui se trouuent semblables auecles autres, and les copulations des Demons auec les femmes, ainsi que nous lisons és Histoires des Indes, comme i'ay remarqué cy dessus. Mais ie demanderoye à Wier quelle maladie se seroit és Sorcieres de penser auoit tué les petits enfans, qui se trouuent -notes- 4l.Diuus, de off. Præsid. ff. Lp n. §.Sane. de parric.ff. Page 555

tuez de les faire bouillir and consommer, pour en auoir la gresse, comme elles ont confessé, and souuent y ont esté surprises. Wier dict qu'elles imaginent auoir fait tout cela, mais qu'elles s'abusent: voila ces mots,4 and qui sera creu en ceste meschanceté si execrable sinon les yeux, les sens, l'attouchement, les tesmoins sans reproche, les confessions sans torture, briefle fait euident and permanent, quand on les trouue sur le faict, Spranger escrit 5 qu'il en fut executee vne au pays de Constance qui auoit (cõme sage femme pour assister aux gesines) tué quarante and vn enfant sortant du ventre, en leur mettant secrettement de grosses espingles en la teste. Or on voit semblables parricides auoir esté commis par Medee la Sorciere, tuant tantost son frere, puis ses propres enfans. Nous voyons les Sorcelleries de Canidia en Horace,6 and de Erictho en Lucan, les crapaux, les Serpens, and ossemens que nos Sorcieres ont ordinairement, and dont elles se trouue (02) t saisies. Et ny a sorcellerie, qui ne soit descrite par Orphee:il y a pres de trois mille ans, and en partie par Homere, and remarquee en la loy de Dieu, il y a trois mil cinq cens ans. I'ay remarqué cy dessus en Ammian Marcellin d'vn Sorcier, qui ouurit vne femme enceinte, pour auoir son fruict sous l'Empire de Valens. Le Baron de Raiz fut conuaincu, il y a centans apres plusieurs meurtres des petits enfans auoir attenté d'ouurir sa femme enceinte pour sacrifier son propre fils à Sathan, quin'a rien plus aggreable, and nõ pas pour auoir la gresse pour en vser en choses detestables, qui est vne persuasion de Sathan, pour induire les Sorciers à -notes- 4li.de Lamiis cap.8. 5m malleo. 6lib. Epedem Ode.5. Page 556

tels parricides, car elles disent que la gresse d'vn petit enfant mort naturellement n'y est pas bonne, and pour le monstrer on void, comme i'ay dict, quarante and vn enfant tuez par vne Sorciere, and deuant que d'estre baptisez, and apres les auoir presentez à Sathan. Et neantmoins Wier, qui faict semblant de ne eroirerien des choses qu'il sçait aussi bien que son maistre Agrippa, a bien osé escrire, and faire semblant de suyure l'opiniõ de Baptista Porta Italien, le louant bien fort, lequel neantmoins escrit que les Sorcieres luy ont confessé qu'elles font l'onguent dés petits enfans bouillis, and consommez, y mettant plusieurs drogues, qu'il n'est besoin d'escrire qui est en bons termes, enseigner à cõmettre tels parricides, sous vne fausse persuasion diabolique, que tel vnguent a la vertu de faire voler les personnes. Or les Sorcieres de France ne sont pas plus agiles, ny plus legeres, que celles d'Allemaigne, and d'Italie, and neantmoins la pluspart, comme ceux du Mãs, and celle de Verbery, and de Longny en Potez que i'ay remarqué cy dessus, ne mettoient qu'vn ramon ou balet entre les iambes en disant quelques paroles, and soudain estoient transportees en l'air: and Raul Grilland dict que plusieurs de celles quil'a veu executer en Italie, confessoient, qu'il se presentoit vn bouc à la porte, sur lequel elles montoient pour estre transportees, sans gresse ny onction quelconque. On voit que l'Italien Baptiste en son liure de la Magie, c'est à dire Sorcellerio, and Wier s'efforcent de faire entendre que c'est vn vnguent à force naturelle, and soporatiue, à fin qu'on en face experience. Car les herbes soporatiues Page 557

sontlà Mandragore, le Pauot, le Solatre mortifere, le hioscyame ou hanebane, la cigue, and neantmoins il ne se trouua onc medecin Grec, Arabe, ou Latin, qui ait appliqué des vnguents, sur le dos, sur les bras, sur les cuisses, pour endormir si bien la personne qu'elle ne sent douleur quelconque. Et s'il applique quelque chose exterieurement, c'est quelque fronteau sur la teste de semences froides corrigees par mistions, and fusions Et quand à la gresse, c'est vn principe de medecine, qu'elle est chaude, and inflammatiue. Cõment donc seruiroit elle pour endormir, appliquee au dos, ou sur le bras? Veu que le sommeil est causé par les veines carotides, portãt le sang du c ur au cerueau, and par la fluxion douce des humeurs, qui sont montees au cerueau, comme les vapeurs en l'air retournãt doucement sur les parties cordiales. Mais pour monstrer que Sathan rauist l'ame hors du corps, le laissant comme mort and insensible, ainsi que nous auons discouru au chapitre de l'ecstase and que ce n'est point som meil, on voit euidemment, que tous les simples soporatifs ne sçauroient empescher que l'homme, tant soit il endormy, ne sente le feu appliqué au cuir: and neantmoins les Sorciers ne sentent ny feu ny douleur quelconque, estant rauis en ectase, comme il a esté souuent experimenté: Encores void on vn argument, auquel il ny a poinct de responce, pour mõstrer que cen'est pas l'onguent ny le sommeil, mais vn vray rauissement de l'ame hors du corps, c'est [quae] (16) tous ceux qui sont ainsi rauis retourne (02) t demie heure apres, and aussi tost qu'il leur plaist, ce qui est impossible à celuy qui est endormy Page 558

par simples Narcotiques, ains ils demeurent quelques fois vn ou deux iours sans s'esueiller. Et aussi l'on a aueré que ceux qui estoie (02) t rauis, auoient remar qué la verité des choses à cent lieues loin, comme nous auons dict cy dessus. 8 Mais il faict bien à noter que la composition de cest vnguent, que l'autheur de la Magie naturelle a enseigné, n'a pas vn simple soporatif, mais bien plusieurs poisons dangereuses. Sainct Augustin parlant de telle ectase, s'esmerueillant de la puissance diabolique, dict ainsi, Serpit hoc malum dæmonis per omnes aditus sensuales, dat se figuris, accommodat se coloribus, adhæret sonis, odoribus se subiicit. Si donques il est ainsi que les Demons par vne iuste permission de Dieu ont puissance de separer l'ame du corps, comment n'auroient ils puissance de les transporteren corps, car il est sans comparaison plus admirable de deslier, and separer l'ame du corps, que d'emporter le corps and l'ame tout ensemble. Quant à moy ie tiens que ceste ecstasc, ou aphairese est l'vn des plus forts arguments, apres le tesmoingnage de la loy de Dieu, que nous ayons de l'immortalité des ames, and decisif de l'hipothese d'Aristote, 9quand il dict que l'ame est immortelle, si ello peut quelque chose sans les corps, que les grands Sorciers (qui le sçauoient par experie (02) ce, comme Orphee) appellent la prison de l'ame, and Empedocle and Zoroastre les plus illustres magiciens de leurs temps appellét sepulchre, and apres eux Platon au Cratyle dict, que [Greek omitted] c'est à dire corps est dict de [Greek omitted], c'est à dire sepulchre, and Socrate l'appelloit la cauerne de l'ame.G1 Mais en disputant naturellement, il est certain -notes- 8au cbade PEctase. 9li.2.de Anims. G1l.7.de Repub. Platonis. Page 559

que le mouuement local sefaict souuent sans attouchement par la seule vertu de l'agent, comme l'on voit la mer se mouuoir, par la Lune diftãte de plus de cinquante mil lieuës, and le Magnes attire le fer sans le toucher, choses toutesfois qui sont insensibles and inanimees: à plus forte raison les choses animees auront plus de vertu, mesmes quand elles seroie (02) t incorporelles, comme il se dit des intelligences pures and separees, qui mouuent les cieux. Outre ces argumens and raisons ausquelles Wier ne respond rien, nous auons l'authorité des plus grands personnages de toute l'antiquité, comme Plutarque2, qui en met plusieurs exe (02) ples memorables, Plotin3, Pline 4, S.Augustin5, Thomas d'Aquin6, le Docteur Bonauenture7, Durand, and tous les Theologiens, and Syluestre Prier, Paul Grilland 8, and les cinq Inquisiteurs9 d'Allemaigne qui ont fait le procés à nombre infiny de Sorcieres, and qui ont briefuement laissé par escrit leurs procés. Et puis qu'outre l'authorité de tant de personnages nous auons l'experience ordinaire de procés infinis, ou l'on void les tesmoignages, les recollemens, confrontations, conuictions, cõfessions iusques à la mort, ce n'est pas opiniastreté à Wier de soustenir le contraire, mais vne impieté, and desir qu'il a d'accroistre le regne de Sathan: Car on a veu la preuue des Sorcieres absentes la nuict, qui ont confessé la verité, and la cause de leur absence. On a veu que ceux qui estoie (02) t de nouueau venuës à telles assemblees, ayant appellé Dieu à leur ayde, ou mesmes ayant erainte and horreur de ce qu'ils voyoient, s'estre trouuez à cent ou cinquante lieuës loin de leur maison, and -notes- 2in Romulo. 3in l.de Anima. 4lib.7. 5li.10.et 27. de Ciuit. Dei. 6in secunda secund. q.95. artic. 5.tit. de supersti. and in tract. primæ partisiq.8. and tit. de Mirac. q.16.arti.5.et 6.tit.de Dæmonib. 7in terti. senten. di.19.q.3. 8li.2.de cortileg. cap.7. 9in li.Mallei. Page 560

retourner à longues iournees au lieu duquel Sathan les auoit transportez en peu d'heure. I'en ay remarqué de fraiche memoire les exemples de Loches, de Lyon, du Mans, de Poictiers, de Chasteau-Roux, de Loigny, and infinis autres: qu'on list és auteurs que i'ay cottez, qui tanchent tous les arguments de Wier, qui dict, que les Sorcieres sont melancholiques. Caril ne peut dire cela de ceux qui sont retournez à longues iournees, combien que Wier1 se contredisant à tous propos est d'accord que Simonl eMagicien, auquel Neron dedia vne statuë honorable, voloit en l'air. Ce que les anciens Docteurs, and en grãd nõbre2 ont aussi laissé par escrit. C'est donques vne folie extreme à Wier de cõfesser [quae] (16) Simon le Sorcier voloit en l'air, and soustenir que les autres Sorciers s'abusent de penser estre transportez en l'air aux assemblees des Sorciers. Sathan a-il moins de puissance qu'il auoit alors? Car c'estoit apres la mort de Iesus-Christ. Et mesmes Wier dict3 auoir veu en Allemaigne vn basteleur Sorcier, qui montoit au ciel deuant le peuple en plain iour, and cõme sa femmele print par les iambes, elle fut aussi enleuee, and la chãbriere print sa maistresse, qui fut aussi enleuee, and demeurerent assez long temps en l'air en ceste sorte, estant le peuple estõné and rauy de ce miracle. Nous lisons le se (02) blable en l'histoire d'Hugues de Fleury, que vn Cõte de Mascon fut ainsi esleué en l'air, and emporté criant à haute yoix, Mes amis aidez moy, and iamais depuis ne fut veu, non plus que Romule, qui fut deuãt son armee rauy en l'air: Cõbien que par le texte de l'Euangile il appert, que Sathan enleua Iesus-Christ sur le -notes- 1li. de Limiis cap.3. 2Ambr in Examero. Irenæus, Ense lius, Clemens in itinerario. Egesipp. li. 3. de excid.Hieresolym. ca.2. Nicepbo.li.2. Eccles.bist.ca. 27.Fulg.li.8. c.116. 3in li.de Præstigiis. Page 561

sommet du temple: puis sur la crope d'vne montagne. Surquoy Thomas d'Aquin tire vne consequence indubitable, que Sathan per permission de Dieu n'a pas moins de puissance és antres pour les transporter, atte (02) du qu'il est tout certain que Iesuschrist estoit vray hõme and non pas fantastie. Mais il me suffist de conuaincre Wier par ses propos mesmes, and par ses liures: Car luy mesmes4 escrit qu'il a veu les hommes transportez en l'air par les diables, and qu'il ny a point d'absurdité, and aum esme lieu il escrit vne chose fause, qu'õ alla cercher en Allemagne vn Sorcier qui promettoit tirer duchasteau de Madril les enfans du Roy François, and les faire trãsporter en l'air d'Espaigne en Frãce, mais qu'il n'en fut rien fait, par ce qu'on craignoit, qu'il leur fist rõpre le col. Et qui plus est il escrit au liure5 I I I r.ch. XIX. que le diable plaidant vne cause en guise d'aduocat, ayant ouy que la partie aduerse se donnoit au diable s'il auoit pris l'argent de son oste, soudain Sathan laissant le barreau emporte celuy qui c'estoit pariuré deuant toutle mõde. Il dict que l'histoire est veritable aduenue en Allemaigne. Et apres qu'il a mis plusieurs exemples de ces transports diaboliques, il cõclud que cela est certain, and qu'il n'y a rien d'absurdité, and neantmoins au liure des Lamies il dist tout le contraire. En quoy on peut veoir vn cerueau leger, and qui s'e (02) brouille à tous propos. Et combien qu'il regrette plusieurs historiens, and Theologiens, neantmoins il se sert de la lege (02) de Doree,5 alleguant la vie de S. Germain où il est dict que fainct Germain alla voir la dance des Sorcieres, and tost apres il alla voir aux licts de leurs maris, où -notes- 4li.2.cap.12 de Præst.pa.6. 5de Præstig. 5li.2.eap.13. de Præstig. Page 562

elles furent trouuees, comme si S. Germain eust esté plus leger que Sathan. Et tout ainsi qu'il les auoit transportees, il ne l'eust pas aussi tost r'aportees. Et à ce propos, il se trouue au procés de Robert Oliue, qui fut bruslé vif à Falaize l'an 1456. qu'il confessa auoir esté deux ans Sorcier, s'estant dõné au Diable pour se vanger de ses ennemis, pendant lequel temps il confessa auoir esté transporté de lieu en autre plus de quarante fois, and tousiours r'apporté au mesme lieu, mesme endroit, mesme place que le Diable l'auoit pris: à sçauoir de Falaize à la Guibray, où le Diable luy fist brusler vne maison, and puis le r'apporta, and encores de Falaize audit lieu de la Guibray où il brusla vne autre maison, and puis de la ville de Sablé, il fut ttansporté à la court des bons Puez de Falaize, où il fist encores brusler vne autre maison par vn garçon: and vne autre fois il fut trãsporté de Lyon à la Guybray, où le Diable luy baïlla des poudres pour bailler audit garçon, pour brusler vne autre maison: and dudit lieuil fut trãsporté auec vn petit enfant qu'il estrangla, and fut raporté au mesme lieu. Et fut aussi porté à Moulins, à S.Denis en France. Or il est impossible que les maisons par luy bruslees, and homicides fussent imaginaires, car ce fut la cause de son emprisonnement. Quand à ce que dit Wier que les Sorcieres ne peuuent de soy-mesmes faire tonner, ny gresler, ie l'accorde, and aussi peu tuer, and faire mourir les hommes par le moyen des images de cire and paroles: Mais on ne peut nier, and Wier en demeure d'accord, que Sathã ne face mourir and hommes, and bestes, and fruicts, si Dieu ne l'en garde, and ce par le moyen des Page 563

sacrifices, v uz, and prieres des Sorciers, and par vne iuste permission de Dieu, qui se vange de ses ennemis, par ses ennemis. Aussi les Sorciers meritent mille fois plus de supplices, pour auoir renoncé Dieu, and adoré Sathã, que s'ils auoient en effect meurtry de leurs mains leurs peres, and meres, and mis le feu aux bleds. Car ces offenses sont contre les hommes, comme dit Samuel: Mais celle-là est directement contre la Majesté sacree de Dicu. A plus forte raison, si Dieu directement est offensé, and puis les hommes tuez, and les fruicts gastez par les Sorcelleries de telles gens: c'est pour quoy la Loy des douze tables punissoit ceux qui auoient enchãté les fruits, dequoy Wier se mocque, aussi bien qu'il calomnie la Loy de Dieu. Mais on luy peut respondre que sa vacation est de iuger de la couleur, and hypostase des vrines, and autres choses se (02) blables, and non pas toucher aux choses sacrees, ny attenter aux loix diuines and humaines. Car combien que Wier confesse que cesoit Sathan, si ne peut-il nier, qu'il ne soit incité, poussé, attiré, aydé par les Sorciers, and les Sorcieres par Sathá, à commertre les meschancetez qui se font, tout ainsi qu'on peut dire à bon droit que les prieres ardentes d'vn Moyse, d'vn Helie, d'vn Samuel, and autres saincts personnages ont sauué les peuples. Puis qu'on voit que Dieu inclinant à leurs prieres, a retiré sa main, and appaisé son ire: Aussi peut-on dire, que les Sorciers parleurs prieres, and sacrifices abhominables sont en partie cause des calamitez qu'on void. Et mesme Wier confesso2, escriuãt de la Sorciete fameuse de fon pays de Cleues, aupres du bour. El ten, nommee Sybille Duiscops, que si tost -notes- 2lib. 6.c.15. de Præstigin. Page 564

qu'elle fut bruslee, les persecutions des passans, qui estoie (02) t battus outrageuseme (02) t par vne main qu'on voyoit, and rien autre chose, cesserent: qui mõstre assez que c'estoit la cause principale de telles persecutions, puis que les effects cesserent: soudain, estant ceste cause la ostee, and que la Maxime generale en toutes scie (02) ces dit, que la cause3 cessant, les effets cessent. Tout ainsi qu'on eust peú dire au contraire, que ce n'eust pas esté la cause4, si les persecutions eussent continué. Et toutesfois il est bien certain que les Iuges ne firent pas le procez à Sathan, mais ils diminuerent d'autant sa force, and sa puissance, luy ostant ceste Sorciere-là, qui luy prestoit la main, qui le prioit, qui l'adoroit, qui luy aydoit à ses desseins. I'ay parlé cy deuant d'vne Sorciere de Bieure, qui fut bruslee pres de ceste ville de Laon, M. D. LVI. Elle rendoit les personnes estropiats, and cõtrefaits d'vne façon estrange, and faisoit mourir hommes, bestes, and fruicts. Si tost qu'elle fut bruslee, tout cela cessa, cõme I'ay sçeu du Iuge qui luy a fait son procez: lequel m'a dit encorcs qu'elle auoit menassé vne femme qu'elle n'allecteroit iamais, ce qui aduint, car son laict feicha soudain. Et combien qu'elle eust eu plusieurs enfans, toutesfois son laict tarissoit tousiours. Soudain que la Sorciere fut bruslee son laict retourna en grande abõdance: Sathan toutesfois n'estoit pas mort auecla Sorciere. I'ay sçeu d'vn Gentil homme d'honneur, que sa tante auoit empesché la femme d'iceluy d'auoir enfãs, comme elle confessa en mourãt, pour faire tomber la successiõ à ses enfans. Si rost qu'elle fut morte, la niepce fut enceinte, qui est accouchee depuis sa mort, and -notes- 3l. Adigere §. Quanis de iure patron ff. 4l cõ.linonis pupillus, prin. de condit. and dem. ff. l. penult ex quib. caus.maior.ff. Page 565

bien tost apres fut encores enceinte, combien qu'il y auoit onze ans qu'ils estoient mariez. Et toutefois Sathan, que Wier dict estre seul cause de tout cela, n'estoit pas mort. Quand le peuple Hebrieu alla s'encliner and prosterner deuant l'image de Bahalpehor pour prier, l'ire de Dieu s'embrasa contre tout le peuple, and en mourut en peu d'heure X X I I I I. mil. On ne peut nier que Sathan n'inuitast le peuple à telle idolatrie, and neãtmoins Pinhas le Sacrificateur, d'vne arde (02) tc ialousie qu'il auoit de l'hõneur de Dieu, persa d'outre en outre vn Capitaine couché auec vne Madianite, qui l'auoit attiré à telle idolatrie: tout soudain l'ire de Dieu cessa. Et mesme Dieu benit Pinhas de grandes benedictiõs, disant qu'il auoit appaisé sa fureur cõtre le peuple: and toutesfois Sathan n'estoit pas mort que Wier dit auoit esté and estre seule cause de tous ses maux, excusant totaleme (02) t les Sorcieres: Mais Thomas d'Aquin a fort bien dit, que les Demõs malesicia faciunt Deo permittente principaliter, and par les Sorciers instrume (02) taliter in 4.dist. 34.art. 3.Nous cõclurons donc que les Sorcieres sont causes coadiuuãtes and impulsiues des maledics, and mortalitez d'hommes and bestes, puisque apres l'execution d'icelles tout cela cesse, qui seruira pour respondre à tous les argumens qu'on fait, and que Wier a appris, de quelques Docteurs, qui dispute (02) t3 comme luy, c'est à dire, naturellement de la Metaphy sique: qui est vn erreur notable, and duquel il ensuit mille absurditez. Car si on parle naturellement, on diroit que les Sorcieres ne font pas mourir les fruicts, and les animaux, d'autant qu'il faudroit qu'elles eussent la puissance, and -notes- 3Alex.cõsil. 128 li.1.Alciat. in Parer. Page 566

pour auoir la puissance il faut trois choses, la force, and faculté de l'agent, l'aptitude de la chose patie (02) te, and l'application conuenable and possible de l'vn à l'autre. Or la faculté n'est point en vne femme de disposer des Elemens, and quant aux paroles, elles n'ont force que de celuy qui les prononce, qui n'a pas ceste puissance, ny par consequent les paroles, quoy que dit Iean Pic en ses positions Magiques, cõme aussi nous l'auons monstré cy dessus: telleme (02) t que quand bien la Sorciere auroit ceste puissance, le moye (02) inhabile duquel elle vse: c'est à sçauoir les paroles, feroient cognoistre qu'elle n'a pas la puissance.: Cest argument est fondé en raison. Mais de dire que la Sorciere ne peut faire auec Sathan, ce qu'elle ne peut faire de soy mesme, comme dit Wier, cela est faux. Car comme aussi l'argument est captieux, and vn Elenche Sophistique, à simplicibus ad cõposita. Car il est bie (02) certain que tout ainsi que le corps seul ne peut rien sans l'ame, and que l'ame seule ne peut aussi sans les actions qui touchent le corps, cõme boire, manger, dormir, digerer, and autres actions semblables qui sont naturelles and communes conioinctement à l'ame, and au corps, and que l'vn auec l'autre font tresbie (02) leurs actions, aussi peut-on dire par raison semblable qu'il se pourroit faire, que la Sorciere seule, ny Sathan seulne feroit pas ce que l'vn and l'autre ferolent conioinctement. La raison est fondee en demonstration naturelle des causes concurrentes à vn effect, and qui s'aydent l'vne l'autre, comme la procreation vient du masle and de la femelle conioinctement, lesquels estant separez ne peuuent rien: Et me souuient d'auoir Page 567

leu en vn Rabin ancien, que le corps, and l'ame sont punis pour auoir offensé conioinctement, and leur excuse des choses disioinctes aux choses conioinctes, n'est nõ plus receuable, que l'excuse de l'aueugle: and de celuy qui auoit les iambes couppees, que le iardinier accusoit d'estre venus en son iardin manger ses fruicts. L'aueugle disoit, ie ne vois goutte, ny iardin, ny arbres: L'estropiat disoit ie n'ay poinct de iambes poury aller: Mais le iardinier leur dict, que l'aueugle auoit porté l'estropiat, and cestuy-cy auoit guidé l'aueugle, and tous deux ensemble auoient faict, ce qu'ils ne pouvoyent faire separement. Encores y a il plus grande apparence en ce cas: d'autant que Sathan peut seul faire2 les choses estranges que nous auons dictes, tuer, meurtrir, faire mourir les fruicts, agiter lesvents, ietter les feus, gresles, and foudres, pour chastier comme vn bourreau and executeur de la haute iustice de Dieu, par la permission d'iceluy. A plus forte raison estant aydé, prié, and adoré pour ce faire par les Sorcieres, and sans la priere, inuocation, and adoration desquelles sa force est affoiblie, and sa puislance debilitee, and l'occasion de nuyre tellement retranchee, que les Sorcieres mortes on vold souuent que les estropiats se redressent, la maladie se guerist, les mortalitez cessent, comme nous auons monstré cy dessus. Et quand à l'argument qu'on faict, que les Sorcieres ne meritent poinct de peine; s'il est ainsi que Sathan vse d'icelles pour executer des desseins, and que l'action, and souffrance ne peuuent estre ensemble: sont argumens Sophistiques and captieux. Car quant à l'action and passion, il -notes- 2Iob c.2. Page 568

est sans doute qu'elles peuuent estre en mesme temps pour diuers respets, comme celuy qui iette quelqu'vn par terre, qui au mesme instant fait tomber son voisin. Quant à l'autre argument, par lequel Wieriusveut conclure (comme il a resolu par tout) que les Sorcieres ne meritent point de peine, puisque Sathan les met en besongne: il n'est pas seulement plein de Sophisterie, ains aussi d'impieté. Car si c'est argument auoit lieu, toutes les plus grandes impietez des hommes demeuroient impunies, d'autant que les hommes ores qu'ils soyent quelquesfois poussez de vengeance à tuer and frapper en se reuengeãt, ou de forcer la pudicité d'autruy par vne cupidité brutale, si est-ce que les grandes meschancetez ne sortent pas de ceste boutique, ains l'assassinat de guet à pend (comme sont tous les homicides, and venefices des Sorciers,) les meurtres des enfans, les parricides, and autres meschancetez semblables qui font ceux qui ne sont pas Sorciers, sont aussi conduictes par Sathan qui seroient aussi impunies: Brief si la Sophisterie de Wier, and de ses beaux Docteurs, desquels il a tiré ces argumens, auoit lieu, les voleurs, and brigans auroient tousiours leurs recours de garentie contre les Diables, sur lequel les officiers de iustice n'ont ny iurisdiction ny main mise. Et par mesme moyen il faudroit rayer and bifer toutes les loix diuines and humaines, touchant la peine des forfaicts: duquel argument vsoit vn Academicien contre Possidonius Stoicien, pour monstrer l'absurdité ineuitable, de la necessité fatale, qu'ils posoient que tout se faisoit par necessité. Veu la maxime4 des iurisconsultes -notes- 4in l. si stup. de adult.ff.cu (05) simiul. Page 569

disertement articulee par la Loy de Dieu, qui absoult celuy qui a esté forcé, and contrainct de faire quelque chose: Carla necessité n'est point suiette à la discretiõ des loix: and poureuiter vne telle absurdité, Possidonius 5 se departit de son opinion. Or nous sommes en plus forrs termes, car tous les Sorciers demeurent d'accord, que Sathan ne force personne de renoncer à Dieu, ny de se vouer au Diable: Ains au contraire sur toutes choses il demande vne pure, franche, and liberale volonté de ses suiets, and contracte auec eux par conuentions. Tellement que la necessité fatale des Stoiciens ne peut auoir lieu, and aussi l'edict, De eo quod metus causa, ff. qui veut que la craincte de laquelle 5 on est releué, doit estre crainte de mort ou de tourments: Et tout autre crainte de douleur, ou perte d'honneur and de biens, n'est pas excusee par la Loy,6 ains la loy dict que tous tels actes sont volontaires A plus forteraison les cõtracts, conuentiõs, sacrisices, adorations, and detestables copulations des Sorciers auee les Demons, non seulement sont volontaires, ains aussi d'vne franche volonté, que les Philosophes appellent Spontaneam voluntatem, and factu (05) sponte, ou comme disent les Grecs, [Greek omitted]. Il ne faut donc pas dire comme faict Wier, tirant ceste raison d'vn certain Docteur, que si Sathan ves des Sorciers comme d'instruments, les Sorciers ne soient point punissables, par ce que les actions ne sont pas estimees par les instruments, and la fin des actions ne depend pas des instrumens, and qu'il n'y7 a que la fin eonsiderable en droict pour la peine: qui sont8 raisons -notes- 5Gal. in l. de placis. Hippe. 5l.Metu (05) , de eo quod met. causa.ff. 6l.mulier, eo dem ff. 7l.Diume, ad L.Cor. de sica. ff.l. aut facta de pæ n.l.Verum de iniuriis. ff. 8Argume n. l.qui mihi, de don. ff. Page 570

tirees du droit, qui font directement contre ces bons Docteurs. Car la Sorciere vso de malings esprits pour instrumens de mal faire, and pour executer ses meschãtes entreprises, puis qu'il est ainsi, que la poudre, ny les paroles, ny les charmes n'ont poinct de puissance. Car il a esté verifié cy dessus que les Sorciers communicans auec Sathan, Ie prient de tuer l'vn, de rendre l'autre estropiat, commeils ontpuissance de ce faire par permission diuine, ainsi que doctement à traicté Tertullian en l'Apologetique.8 Aussi void on en tous les procez des Sorciers, que leurs confessions ne sont pleines d'autres choses. Tellement que les Sorcieres sont beaucoup plus coulpables sans cõparaison, que ceux qui font assassiner leurs ennemis a pris faict auec les meurtriers, qui sont coulpables de mort sans remissiõ, en termes9 de droict: encores que le meurtrier, n'ait pas1 executé le meurtre, and le iuge pratique ordinairement. Combien donc est plus capital le Sorcier, qui employe Sathan en telles choses? Voire qui le prie, and qui l'adore? Il ne faut donc pas que Wier, and ses bons Docteurs se pleignent qu'on faict porter la peine de Sathan aux Sorciers, ny calomnier indignement de la loy de Dieu, qui ne veut2 pas queles vns porte (02) t la peine des autres. Et neantmoins toute la saincte escriture est pleine, que Dieu a en extreme horteur les Sorciers, voire plus que les parricides and incestueux, and Sodomites: poutquoy Dieu les a-il en si grande abominatiõ, qu'il n'en parle iamais sin on auec ces mots, de rage, fureur, ou vengeance, ce qui n'est pas dit des autres meschancetez,0 horsmis de l'idolatrie. Qui seruira de -notes- 8Cap.22. 9l.nõ solum, §.nec mandatis de iniur. l. qui mihi bona §.qui iussu de acqu.hær. and ibl B.trt.ff. 1l.si quis non dicam rapere, and ibi Bald. Ang.Sal. 2EZec.21.l. crim.patronu (05) , de p n.C. l. Sancim. eod. 0Exod.ca. 15. and 32. Leuit. 22. Page 571

response à vn autre argument, que Wier a tiré de ses bons Docteurs, qu'il ne se faut pas arrester aux confesfions, si elles ne sont vrayes, and possibles, ce que ie luy accorde: mais son assomption est en ce qu'il dit, qu'il ny a rien possible de droit, qu'il ne soit possible par nature: est non seulement faulse, ains aussi pleine d'impieté.G1 Car elle oste entierement toutes les merueilles de Dieu, and ses uures faictes contre le cours de nature: and les fondemens de toute religion, and pieté enuers Dieu. Et si ceste maxime auoit lieu, il faudroit rayer tous les articles de foy. Et toutesfois sans sortir des termes de droict, on ne peut nier que les Hermaphrodites, and autres monstres ne soient contre nature, lesquels neantmoins la loy reçoit3 and recognoit. On ne peut aussi nier, que ce ne soit contre nature, qu'vn hõme arreste les bestes sauuages d'vne parole, iusques à ce qu'il les ait tirees: ce que Wier afferme auoir veu de ses yeux. Aussi est-il contre nature, qu'on deuine qui a commis le larrecin, and neantmoins il est puny capitalement3 quiconques c'est en quis aux Sorciers du larcin, and qui a faict conuenir tel larron presomptif en iugement. Il est impossible par nature que les hommes facent la gresle, and la tempeste, and mourir les fruicts par charmes, and neantmoins les loix reçoiuent4 cela comme tres-certain, qui toutesfois est impossible par nature, and punissent capitalement ceux qui en vsent. Qui monstre bien que les loix Payennes, and diuines recognoissent plusieurs choses comme certaines, and impossibles par nature, and neãtmoins possibles contre tout le cours, and ordre de nature: -notes- G1et 26. Nu. II and 25.Drodt. 29.33.les. 7. and 23. 2 Reg s 24. n 4.Leg 13 and 2.Paral.12. et 28. and 29. and 63. 3l.Hermaph. de statu bo.ff. 3l.item lebre. §. si quis aftrelog de umu.ff. 4l. Eorum l. Multi, l. Nemo arusp. and tete ti t.de Ma lefit. C. Page 572

lesquelles loix Wier and ses complices voudroyent volontiers rayer des Digestes, and du Codice, comme ils feroie (02) t en cas semblable la loy de Dieu, en ce qu'ils disent qu'il faut corriger les loix quand les causes d'icelles ne se trouuent plus veritables, prenant pour cõfessé, ce qui est le poinct principal de la dispute, and cela s'appelle en matiere de Sophisterie petere principiu (05) , c'est à dire [Greek omitted], assumere id quod fuerat concludendum: qui est vne lourde incongruité en Dialectique. Or tant s'en faut que l'assomption du syllogisme leur soit accordee, and que les choses, que de toute antiquité, and depuis quatre mil ans on a aueré des Sorcieres, so yent trouuees fauces depuis l'aage de Wier, and de ses Docteurs: que mesmes sainct Augustin à remarqué, que toutes les sectes de Philosophes, and toutes les religions qui furent iamais, ont decerné peines contre les Sorciers, and magiciens: sectas omnes magiæ p nas decreuisse, comme i'ay monstré cy dessus. Et mesmes Plutarque aux Apophtegmes escrit que les Perses punissoient les Sorcieres de la peine la plus cruelle qu'ils eussent, rompant la teste entre deux pierres. I'ay remarqué plusieurs passages de la saincte escriture, qui ne chante autre chose, and les peines de mort rigoureuse ordonnees par la Loy de Dieu, contre les Sorciers. I'ay remarqué les loix de Platon, qui a decerné aussi peine de mort aux Sorciers. I'ay allegué plusieurs histoires, and non pas toutesfois la centiesme partie des condemnations capitales contre les Sorciers, and contre ceux mesmes, qui auoient tels liures. Il faut condamner toute l'antiquité d'erreur and d'ignorance, il Page 573

faut rayer toutes les histoires and bifer les loix diuines, and humaines comme faulces and illusoires, and fondees sur faux principes: and contre tout cela opposer l'opinion de Wier, and de quelques autres Sorciers, qui se tiennent la main pour establir, and asseurer le regne de Sathan: ce que Wier ne peut nier, s'il n'a perdu toute honte, ayant publié en son liure9 de Præstigus, les execrables Sorcelleries plus que n'auoit iamais faict son maistre Agrippa, lequel a retracté entierement ses liures de occulta Philosophia au quarante huictiesme chapitre de Vanitate scientiarum: and son disciple monstre au doigt, and à l' il tout ce que Sathan peut enseigner aux plus grands Sorciers, and entre-mesle neantmoins plusieurs propos de Dieu, and des Saincts Docteurs, pour faire boire la poison auec du miel, qui est, and à toussiours esté le style de Sathan. Combien que Dieu à tellement osté le iugement à cest hõme la, que le feu n'est point plus cõtraire à l'eau, qu'il est soy mesmes. Car en plusieurs lieux il cõfesse que celuy qui exerce l'art Magique, doit estre puny capitalement, mais non pas les Sorcieres. Voyla ces mots.7 Confiteor magicas artes capitales esse, sed Lamiæ non continentur: comme qui diroit, qu'il faut prendre les meurtriers, and pardõner aux voleurs. Il y a mille propos semblables. Et en autre8 lieu il dict que les Sorciers ne meritent poinct d'estre punis pour auoir traicté auec Sathan, and renoncé à Dieu, par ce qu'ils ont esté deceuz, and que le dol à donné cause au contract: lequel par consequent est nul, and qu'il faut pardonner à ceux qui sont trompez, and non pas à ceux qui trompent: qui sont les arguments ridi, -notes- 9li.§.5.4.5. 6.7.8. 9.10. 11.11.14.15. 17.18.21.25. de Prast. 7li.6. c.2.4. de Præstig. 8de Lamuiis. cap. vls. Page 574

cules de ces Docteurs Italiens, qui ont si bien profité en ce mestier, que l'Italie est presque toute infectee de ceste peste, and en a infecté la France: tirant les loix par les cheueux pour donner lustre à telle meschanceté. Or il n'y a homme si grossier qui ne voye l'absurdité lourde de tels argumens. Car si la conuention faicte auec le suiet à la suasion de celuy qui est ennemy capital de son Prince, est punie à mort sans aucune remisfion, comment pourroit-on excuser la conuention faicte auec Sathan, ennemy de Dieu, and de tous les sie (02) s. Car quand bien le Sorcier n'auroit iamais faict mourir, ny malesicié hommes, ny bestes, ny fruicts, and mesmes qu'il auroit tousiours guery les hommes ensorcelez, and chassé la tempeste comme faisoit vn Sorcier, curé de Sauillac pres de Tholouze, qui enuoioit tousiours la trumade ou te (02) peste hors de sa parroisse, si estce que pour auoir renoncé Dieu, and traicté auec Sathã il merite d'estre brussé tout vif: car telle conuention est sans comparaison plus capitale, que de faire mourir par feu and par glaiue les fruits, les hommes, and les be stes: car cecy se faict contre les creatures, auec lesquelles on peut compofer:6 mais traicter auec Sathan, c'est directement combattre la maiesté de Dieu, and en despit d'iceluy.G1 C'est pourquoy la Loy de Dieu dict que la Sorciere soit soudain mise à mort, sans parler, si elle a fait mourir les fruits, ou le bestail, où i'ay remarqué [quae] (16) la loy vse du mot [Hebrew omitted], c'est à dire, celle qui fascine les ieux, cõme le Docteur Abrahã Aben-Esra, and tous les Interpretes demeure (02) t d'accord: qui fait bie (02) à noter: car la loy de Dieu est telle, qu'il n'y a mot qui n'e (02) porte son -notes- G19.Samuel c.2. Page 575

emphase, à fin qu'on sçache qu'il ne faut punir les Sorciers principalement pour faire mourir les hommes, and les bestes, mais pour auoir traicté auec Sathan. Et pour cognoistre celuy qui a traicté auec Sathan, la loy en monstre vne sorte au doigt, and à l' il, à sçauoir celuy qui esblouist and faschine les yeux, tellement qu'il faict voir souuent ce qui n'est point, ou celuy qui charme de parole, à fin qu'on tienne pour preuue tres-certaine and indubitable entre autres que celuy a traicté auec Sathan qui fascine les yeux, qui charme de paroles, and qui faict autres choses semblables. Car les Sorciers font souuent telles choses pour faire rire, and pour estre estimez fort habilles, qui est pour trancher la racine à Wier, and à tous ses supposts, and aux Iuges de s'enquerir plus auant s'il y-a traicté faict auec Sathan, ou non, and quel, and quand, and comment il a esté faict, ou si le Sorcier a ictté quelque sort, ou malefice pour nuire à personne: car les preuues de ces cho ses-là seroient quasi impossibles, d'autant qu'elles ne se font qu'en tenebres, and aux lieux deserts, and par moyens quafi incroyables, and à ceux qui n'en auroyent ouy parler, and non pas qu'il ne soit bon aussi de s'en enquerir: Mais la Loy de Dieu a voulu monstrer qu'il fuffit de verifier que le Sorcier a vsé de charme, ou esblouy les yeux: comme fist Des-eschelles deuant le Roy, faisant venir en sa main les chesnons d'vne chaine d'or qu'auoit vn Gentil-homme, sans y toucher, demeurant toutesfois la chaine entiere au col du Gentil-homme, and saisant voir que le Breuiaire d'vn Prestre estoit vn ieu de cartes. Ceste preuue-là Page 576

suffit pour proceder à la condãnation du Sorcier: car il est trescertain [quae] (16) telles choses, qui ne se font point par miracle diuin, and neãtmoins sont cõtre nature, se font par Sathan, and par conuention expresse iuree auecques luy: afin qu'on pre (02) ne garde à tous ces maistres Gonins (qui est vn mot Hebrieu [Hebrew omitted] mesgonim, qui signifie Sorciers), and qu'on en face bõne and briefue iustice, cõme estoit vn Sorcier Iuif nõmé Sedechias, lequel, cõme escrit Iean Abbé de Triteme, chassoit en l'air, puis il mettoit vn homme en pieces, and le rassembloit (cõme fist Simon le Sorcier dcuant Neron) and si sembloit aualler vne chartee de foin, and les cheuaux, and le chartier deuant tout le peuple, and mesmes Wier 2 dict n'auoir pas ouy, mais auoir veu en Allemaigne celuy qui mõtoit au ciel, and tiroit apres soy sa femme, and sa chãbriere, qui se tenoient par les pieds l'vn de l'autre, auec vn estonnement de tout le peuple, que nous auõs remarqué cy deuant. Qui est aussi pour respondre à Wier and à ces bõs Docteurs, qui disent qu'il ne faut croire estre fait ce qui est impossible par nature: veu que Wier mesme co (04) fesse auoir veu telles choses qui neantmoins sont impossibles par nature, comme il dit4 aussi auoir veu de ses yeux enleuer en l'air per le Diable, sans aucu (05) repos vne sille nommee Henriette, au chasteau de Lalde (02) broc, au Duché de Gueldres: la quelle histoire quãd il n'y auroit autre chose, suffiroit pour reietter tous les argumens de Wier, and ses complices: combien que tout son liure est plein de choses aduenuës cõtre tout le cours and puissance de nature, qu'il confesse estre faites par le moyen des malins esprits: comme d'vn cousteau tiré du ventre d'vne fille, sans aucune apparence -notes- 2in lib.de Præstig. 4li. 1.c.12. de Præstig. Page 577

d'vlcere: ce qu'il dict auoir veu en presence d'vne infinité de personnes, and le cousteau, qui est encores en nature, comme en cas pareil il dict auoir veu9 tirer du corps d'Vlrich Nussescer ensorcelé, quand on l'ouurit quatre cousteaux, vn gros baston, plusieurs cloux, and grande quantité de filassee deuant plusieurs Medecins, and plusieurs personnes estonnees d'vn tel spectacle. C'est donc vne faulse Maxime, and pleine d'impieté, de dire qu'il ne faut pas croire ce qui est impossible par nature, quand nous voyons la demonstration [Greek omitted]. Et tout ainsi que les Catholiques faisant foüetter les Manicheans, leur faisoient dire par le bourreau, qu'on ne fouettoit pas leur corps, and que ce n'estoit qu'vn corps fantastic, comme ils disoient que Iesus-Christ n'auoit qu'vn corps fantastique: ainsi faudroit-il faire à ceux qui vsent des argumens de Wier pour faire euader les Sorcieres: Car laissant ces merucilleuses actions, and fascinations contre le cours ordinaire de nature, il est principalement question de punir à toute rigueur ceux qui renonce (02) t à Dieu, and f'abandõnent à Sathã, que V vier ne peut dire estre vne actiõ impossible: and d'autãt que la preuue de telles impietez est difficile, la loy de Dieu cõmande de mettre à mort les charmeurs qui es blouisse (02) t les yeux, ou la fãtasie fãs f'enquerir plus auãt, tenãt pour resolu que le charmeur est Sorcier, qui a pactiõ expresse, ou tacite auec Sathã. A pl 9 forte raisõ s'il appert ou par cõ fessions, ou par escrit des conuentions auec Sathan quine se pruuent commettre par nature: Car il faict bien à noter, comme i'ay dir, and le faut souuent repeter que la Loy de Dieu parlant des Sorciers, and de la peine -notes- 9li. 44. 9.de Præstig. Page 578

capitale contre eux decernee, ne faict aucune me (02) tion ny de la mort, du bestial, ny des hommes, ny des malefices iettez sur les fruicts, (qui sont les moindres meschancetez que facent les Sorciers) ains de ceux qui fascinent, ou charment les yeux, ou qui demandent aduis aux morts, ou autres choses semblables que nous auons cy dessus interpretees. Car d'autant que ceux qui font ces tours estranges, and cõtre nature, faisans rire vn chacun, les uures des Iuges s'amolissent, and chacun pense qu'il n'y ait point de mal. Il y auoit vn grãd personnage d'authorité qui fut accusé apres sa mort, d'auoir esté au nombre des Sorciers, qui auoit accoustumé de tourner la seuerité de Iustice en risee, pour faire euader les Sorciers. C'est la façõ de Sathan de faire rire, pour adoucir le combled'impieté: ainsi font les Sorciers par leurs charmes, and pour dix sorcelleries, ils fõt couler vn trait de souplesse, à fin qu'on pense que tout ce qu'ils font est par souplesse. Pour ceste cause, Dieu a expresseme (02) t articulé, que ceux qui esbouysse (02) t, ou fascine (02) t les yeux, soie (02) t mis à mort: encores il est dit qu'on ne les souffre viure, à fin, dit Philon9 Hebrieux, que soudain ils soient executees à mort le iour mesmes: and dit qu'il se pratiquoit ainsi. En quoy il appert assez qu'on ne s'arrestoit pas à l'inquisition des autres malefices des Sorciers, à fin que la difficulté de la preu ue ne retardast le supplice. Or Wier pour aneantir les loix faites cõtre les Sorciers, and reuoquer en doute toutes les histoires, s'amuse à refuter l'opiniõ de ceux qui croyent les Lycanthropes, disans que tout cela n'est qu'illusion. Ce n'est pas respondre à la loy de Dieu, qui -notes- 9in li.de specialib. legib. Page 579

veut que ceux qui font telles illusiõs soie (02) t mis à mort: Et n'est pas question de sçauoir s'il y a vray changement du corps humain en loup, ou demeurant la maison en son entier, ou qu'il y ayt entier changement du corps and de l'ame, ou qu'il n'y ait qu'vne illusiõ, ou fascination de ceux qui le voyent demeurant le corps and l'ame en son entier. Toutes fois Wier1 se mõstre plus hardy, and soustient que tout cela n'est qu'illusion. Ce n'est pas fait en Mathematicie (02) , ny en Philosophe, d'asseurer temerairement vne chose qu'on n'ente (02) d point: Mais il faut en ce cas voir l'effect, and ce qu'on dict, [Greek omitted], and laisser à Dieu la cause, c'est à dire, [Greek omitted]. Or tous les arguments de Wier sont appuiez sur vn fondement ruineux, en ce qu'il dispute des esprits and Demõs and de leurs actions, comme il feroit des choses naturelles, qui est confondre le ciel and la terre: comme i'ay demonstré en la Preface de cest uure. Il confesse l'histoire de Iob estre veritable, and que Sathan esmeut les vents, la foudre, le feu, and les ennemis pour faire ruiner and brusler les maisons, enfans, and famille, and tout le bestail de Iob tout à coup: and puis apres que Sathan l'affligea d'vne rongne incurable, depuis le sommet de la teste, iusques à la plante des pieds: toutes lesquelles actions sont plus difficiles, que de tourner vn homme en figure de loup: Et neantmoins on void que Dieu donne ceste grãde puissance à Sathan. Aussi Wier ne peut nyer, que Nabuchodonosor Empereur d'Assyrie, n'ayt esté changé en b uf, paissant l'herbe sept ans entiers, estant sa peau, son poil, ses ongles, and toute sa forme changee, and puis restitué en -notes- 1Augu.li. 18 c.18 de Ciuis. Dei, and in lib. de Spiritis. and lis.c.26. Page 580

sa figure: comme l'Histoire de Daniel le Prophete nous enseigne. S'il dict que ce changement du Roy Nabuchodonosor est veritable, comme la saincte Escripture, and non pas vne illusion fabuleuse: il fault aussi qu'il confesse que le mesme changement se peut faire de figure humaine en loups, and autres bestes: Et en asseurant que le changement des Sorciers en loups, and autres bestes est fabuleux, and que c'est vne illusion: il faict vne conclusion que l'histoire sacree est vne fable and illusion: Car s'il est faict en l'vn, il se peut faire és autres: attendu que la puissance de Dieu n'est point diminuee. C'est l'argument que Thomas d'Aquin faict, pour monstrer que Sathan transporte les Sorciers veritablement, par l'exemple de Iesus-Christ qui estoit vray homme, qui fut transporté par Sathan sur le temple, and puis sur la montaigne. Et si Dieu a donné ceste puissance à Sathan sur Iob, and sur Iesus Christ, qui doute qu'il ne la donne encores plus grande sur les Sorciers, and sur les meschans? Car Wier est d'accord au liure de Lamiis7, que Sathã mua Nabuchodonosor d'homme en b uf, qui doit le faire rougir de honte de confesser, comme il ne peut nier le vray changement de Nabuchodonosor en beste faict par Sathan, and le nier és autres. Car le Canon Episcopi8, and autres semblables touchant la transformation, ne se peut entendre sinon de ceux qui pensent que les Sorciers, ou Sathan ayent puissance de soy-mesmes de faire telles choses. Mais ce seroit vne lourde heresie, de penser que Dieu ne donne ceste puissance à Sathan quand bon luy semble, pour chastier -notes- 7c.16. and li. 1. c.24.de Præstig. 8d.6.q.5. Page 581

les meschans, and de limiter la puissance de Dieu, c'est vn blaspheme: and de iuger de ses secrets, c'est vne temerité capitale. Et en bons termes, la puissance des creatures est la puissance de Dieu: and la gloire de Dieu ne luist pas moins en la puissance qu'il a donnee à Sathan, que à toutes les creatures de la terre: Car il est dict en Iob, qu'il ny-a puissance en terre pareille à la sienne: Qui monstre bien que les actions de Sathan sont supernaturelles, and qu'il ne les faut pas mesurer au pied des causes naturelles. Nous lisons aussi que les Sorciers du Roy d'Egypte tournoyent les bastons en Serpens, comme Moyse. Or il est certain que Moyse ne faisoit rien par illusion, c'estoyent donc vrays Serpens, qui est sans comparaison plus difficile que changer la nature d'vn animal en l'autre. Et neantmoins la verité est que Dieu a creé toutes choses, and n'y a autre Createur que Dieu seul: aussi n'est-il pas dit and ne se trouue point que Sathan, ny to us les Sorciers, ayent creé ou formé vne espece nouuelle. Et si Dieu a donné ceste puissance à Moyse, il a peu, and peut encores la donner, and à Sathan, and aux Sorciers: car tousiours c'est la puissance de Dieu soit ordinaire, ou extraordinaire, and sans moyen, ou par ses creatures, comme Thomas 6 d'Aquin and l'Escot demeurent d'accord, ainsi que nous auons dict cy deuant. Mais Wier s'est bien abusé de prendre la creation pour la generation, and la generation pour la transmutation: La premiere est de nihilo, qui est propre au Createur, la seconde est ex eo quod subsistit, qui s'appelle [Greek omitted] in formarum generatione, and la troisiesme n'est pas motus, c'est à dire, -notes- 6In lib. 1. Page 582

[Greek omitted], ains seulement vn changement, and alteration accidétale, c'est à dire [Greek omitted], demeurãt la forme essentielle7. Et par ainsi ce que le createur a vne fois creé, les creatures engendre (02) t par fuccession, and transforme (02) t par la proprieté and puissance que Dieu leur a donnees, que Thomas8 d'Aquin appelle Vertu naturelle, parlant des esprits en ceste sorte, Omnes angeli boni and mali habent ex virtute naturali potestatem transmutandi corpora nostra. Or tous les anciens depuis Homere, and tous ceux qui ont fait les procez aux Sorciers, qui ont souffert tel changement, sont d'accord que la raison, and forme essentielle demeure immuable, comme nous auons dit en son lieu. Mais Wier9, qui veut disputer en Physicien de la Metaphy sique, tres buche à tous propos és fondeme (02) s, and principes de la Physique. Et quand il se void accablé d'vn milion d'histoires diuines and humaines, touchant les changemens de la figure humaine en bestes, il dict que Sathan endort les corps. Cela se pourroit faire pour vne heure, ou vn iour: mais il est impossible par nature, que l'hõme sain viue plus de six iours sans rien manger, cõme dict Pline1, que les anciens ont experimenté en tous ceux qui estoie (02) t condãnez à mourir de faim, and les ieunes beaucoup moi (03) s que les vieillards, qui est la cause pourquoy ils meure (02) t les premiers de faim aux places assiegees, cõ me dit Hippocrate:2 Et neantmoins en Liuonie ils sont pour le moins douze iours en figure de loup: les autres trois mois: Et les anciens 0 en ont remarqué qui l'auoie (02) t esté dix ans chãgeãt de figure, apres auoir passé certaine riuiere. Mais il fait bien à noter, qu'il ne se -notes- 7Arist.li. 3. and 5. [Greek omitted]. 8dist.7.ar.5. 9lib.3. 1Pliis.11.54. 2in li.de Carnib. 0Plinius. Page 583

trouue par vn des corps humains, cõme Peucer escrit. D'auantage l'arrest donné au Parlement de Dol, le dix huictiesme Ianuier mil cinq cens septante and quatre, contre Gilles Garnier Lyonnois, porte sa confession, c'est à sçauoir qu'il auoit mangé deux filles, and vn ieune garçon: la premiere, le iour de la sainct Michel, pres le bois de la Serre, au village de Chastenoy, à vn quart de lieue de Dol, and l'auoit tuee, and deschiree auecques fes griffes en forme de loup, comme i'ay dict plus au long cy deuant,3 laquelle confession fut tresbien aueree par la mort des enfans des lieux, du temps, and la façon, and des personnes, qui se trouuere (02) t, à ce qu'il auoit faict l'ayant veu en forme de loup: and failloit bien que le corps fust changé en figure de loup, ou du moins que l'esprit humain passast au corps d'vn loup, pour remarquer exactement toutes choses. Et neantmoins en ceste sorte il faudroit confesser que deux formes seroient ensemble en mesme suiet, qui est directeme (02) t contre les principes de Physique:4 and toutesfois Wier qui veut disputer de la Metaphysique en Physicien, confesse en mille endroits de ses liures, que les diables, qui sont formes intelligibles, entre (02) t au corps des hommes, que les anciens pour ceste cause appelloient [Greek omitted]. C'est pourquoy'Aristote n'a iamais dispute des esprits, ny des intelligences aux liures de la Physique, ains il a reserué aux liures intitulez [Greek omitted], craignant tomber aux inconueniens, and absurditez, où les anciens s'estoient enuelopez, en meslant les questions, des Mathematiques en Physique, dequoy il les à repris5 Wier, and tous -notes- 3li.2.ca.6. 4Arist.in li. de ors. and ina. 5in lib.1. [Greek omitted] Page 584

ceux qui s'arrestent à ses argumens sont tresbuchez en la mesme faute. Car Aristote tient pour maxime de Physique, que la forme Physique separee du corps naturel, perist, and neantmoins en sa Metaphysique il excepte l'ame de l'homme, la quelle il dict aussi aux liures de partibus animantium [Greek omitted] c'est à dire [Greek omitted], diuinitus, c lit9, and qu'elle viét en l'homme de dehors, and demeure apres la corruptiõ du corps humain. Aussi Wier, qui veut traicter en Physicien les action des esprits, dit en mil endroicts de ses liures que les Diables vont de lieu en autre, and dict vray, and cela se cognoist à veue d' il en ceux qui sont assiegez, ou transportez par los Demõs: and neantmoins il est impossible par nature (si los principes de Physique posez par Aristore sont veritables) que tout ce qui est mobile, and occupe lieu ne soit corps, qui est du tout contraire aux esprits: Et touresfois le mesme Aristote disputant en Theologien c'est à dire Metaphysicien, dit que les esprits separez meuuent les corps9 celestes and souffrent aussi mouuement, horsmis le premier moteur. Et mesmes Dieu qui surpasse tous les Anges en purité and simplicité d'essence parlant de soy mesmes dict, Ie remplis le ciel and la terre, and pour ceste cause il s'appelle aussi [Hebrew omitted], c'est à dire lieu, par ce que le monde est en luy, and non pas luy dedans le monde, comme disent les Docteurs Hebrieux sur ce passage d'Isaye Cælum mihi sedes est, and terra scabellum pedum meorum. Et si on veut dire comme Sainct Augustin qui a suiuy la definition qu'Apulee baille des Demons, que les Academitiens ont receue, c'est à sçauoir que les Demons -notes- 9lib. 8. [Greek omitted]. Page 585

ont corps, il sera encores plus estrange, and beaucoup plus incõpatible, and cõtre nature. Car deux corps se pourroient penetrer, qui seroit euertir toute la Phisique fondee sur le principe, qu'il ny a point de penetration de dimensions, attendu que les Demons penetrent les corps des hommes, ce que Wier cõfesse par tous ces liures. Il ne deuoit donc fonder ses argumens des Sorciers, and des actions des Demons sur les principes, and hy potheses de la Physique, lesquelles toutesfois il a tres-mal entendues, comme i'ay touché en passãt: Et ce peut cognoistre à veue d' il par celuy qui aura leu serieusement, and ente (02) du les liures des Philosophes: le squels en la dispute des Demons s'accordent auec les Theologiens pour la plus-part, mesmement les Academiciens. Car le mouuement des cieux and lumieres celestes est attribuce aux Anges en la Saincte es criture aussi bien que par les Philosophes, comme on peut voir en Ezechiel and au Psal. 68. vers.18. ou l'mrerprete Caldean dit qu'il y a xx. mil: lumieres and autant d'Anges pour les mouuoir. Et Thomas d'Aquin, que les Grecs nouueaux ont estimé si bõ Philosophe, qu'ils ont traduict le plus beau de ses uures de Latin en Grec, tient toutes les actiõs des esprits, and des Sorciers pour veritables, comme nous auonsmonstré cy deuãt and dict qu'il n'est point estrange que Simõ7 Sorcier fist parler vn chien par le moye (02) des diables, cõme aussi fist Frãcisque de Syene and les 4. Sorciers qui furent bruslez à Poictiers l'an 1564. deposerent que le boue, qu'ils adoroie (02) t la nuict, parloit à eux, and Paul Grilland8 escrit [quae] (16) de son te (02) ps il a veu brusler vne Sorciere à Rome qui -notes- 7Clemens in Itinerarie. 8li.de Sertile sect.7.uu.24. Page 586

s'appelloit Francisque de Siene, qui faisoit parler vn chien deuant tout le monde. Toutes ses actions, and autres semblables estranges que Wier confesse, se font contre nature. Il faut donc baisser la teste deuant Dieu, and confesser la foiblesse de nostre esprit sans s'arrester aux principes, and raisons de nature, qui nous manquent quand on veut examiner les actions des esprits, and societé des demons auec les Sorciers, and faire separalogisme que telles actiõs ne sont pas veritables, par ce qu'elles sont contre nature. Et que tout ce qui est impossible par nature est impossible, qui est vn droit paralogisme and elenche sophistique: comme qui diroit d'vn meschant homme, il est bon escrimeur, il est donc bon. Car la consequence à coniunctis ad simplicia ne vaut rien. Or Wier voulant en quelque sorte, and à quelque prix que ce soit faire euader les Sorciers, dict9 qu'elles sont possedees, and forcez du diable. Chacun sçait la'difference qu'il y a entre les Sorciers, qui se sont vouees, consacrees, and dediees à Sathan, qui sont comme les paillardes abandonnees, and celle qui est assiegee de l'esprit malin, qui est comme la vierge pudique rauie par force. Aussi Sathan n'est pas si mal aduisé enuers ses loyaux suiects. Puis apres il dict que le transport d'icelles aux assemblees est impossible par nature, and en si peu de temps. I'ay respondu à ce poinct suffisamment: Et neantmoins Wier monstre bien qu'il est aufsi mauuais mathematicien, comme Physicien: Car on voit le huictiesme ciel auec tous les astres faire son tour en XXIIII. heures, lequel tour a plus de cent trente and trois millions de lieues à deux -notes- 9.c.16.de La. Page 587

mil pas la lieüe au pas Geometrique. Car combien que Archimede, and Ptolomee, n'ayent demonstré seulement que la distance de la terre iusques au Soleil, qui a douze cens and neuf semy diametres and demy de la terre, lequel semy diametre a 2736. lieües and plus à deux mil pas la lieüe, and le tour de la terre six fois autant auec vne septiesme d'auantage, ainsi que Ptolomee a demonstré, apres auoir recueilly les obseruations d'Hyparchus: Qui font en tout depuis le centre de la terre iusques au Soleil, quatre cens quarante, and neuf mil trois cens soixante and quatre lieües, à deux mil pas chacune. Neantmoins les Arabes Alfragan, Albategny, Tebit, Campan, ont passé plus outre, and laissé par escrit, que la distance de la terre, iusques au huictiesme ciel, à vingt mil octante and vn semydiametre de la terre, and XXVIII. minutes d'auantage, qui font trente and six millions, cent quarante and cinq mil huict cens lieües. Le Rabin Moyse Ramban au troisiesme liure [Hebrew omitted]: y en met plus: car les demonstrations Astronomiques se font au sens: mais en prenant le moins, il est certain and demonstré par Ptolomee que la raison du semydiametre à l'arc, est comme de cinquante deux à soixante: and par la demonstration d'Euclide au troisiesme, les six semydiametres du cercle font iustement l'exagone, tellement que le semy diametre, depuis le centre de la terre iusques à l'huictiesme ciel, se trouuera iustement six fois en l'huictiesme ciel, qui sont six fois trente six millions cent quarante and six mille huict cens lieües: and le surplus du cercle, qui sont quarante and huict degrez Page 588

prenant huict degrez en chacun arc de l'exagone du cercle outre les six semydiametres, reuiennent à 28916690. lieues and plus: car ie laisse 28. minutes, qui font huict cens lieues, qui est pour tout le circuit du ciel huictiesme, deux cens quarante and cinq millions sept cens nonante and vn mille quatre cens quarante lieues, qui se font en vingt and quatre heures. Le neuf and dixiesme ciel sont bien encores plus grands: Car il est tresbien demonstré par Ptolomee en son Almageste, que toute la terre qui a vnze mil cens soixante lieues de tour n'est rien qu'vn poinct insensible, eu esgard seulement au cercle du Soleil, qui est beaucoup moindre que l'huictiesme: si doncques en vingt and quatre heures l'huictiefme ciel faict son tour en vne minute d'heure (dont les soixante font l'heure) l'huictiesme ciel faict vn million sept cens six mil cent cinquante and cinq lieues par le mouuement de l'Ange à qui Dieu a donné ceste puissance, que les Hebrieux appellent le Cherubin0 faisant la rouë du glayue flamboyant de lumieres celestes: est il donc impossible que Sathan à qui Dieu à donné tant de puissance sur la terre transporte vn homme à cent ou (05) deux cens lieues en vne heure? On voit donc euidemment que tel mouuement n'est pas impossible par nature. Ieanne Haruillier de laquelle i'ay parlé cy deuant, and qui fut brusiee vifue le dernier iour d'Auril 1578. confessa que le Diable l'auoit transportee fort loin la derniere fois, and qu'elle auoit esté long temps deuant que d'arriuer en l'assemblee, and puis estant rapportee, elle se trouuoit toute foulee and fort lasse, comme i'ay recueilly -notes- 0Leo Hebræus,lib.2. Page 589

du procez qui m'a esté rapporté par maistre Claude de Fay Procureur du Roy à Ribemont. Mais on voit vne malice notable en Wier, lequel escrit au chapitre huictiesme, de Lamiis, que les Sorcieres ont confessé que Sathan leur faisoit crachor en terre pendant qu'on monstroit l'Hostie, and marcher sur la Croix. Or Wier se sert de ceste occasion pour piper ceux qui ont laissé la Messe, en ce qu'il dict que tout cela est ridicule. Spranger escrit aussi, qu'il auoit sçeu en faisant le procez des Sorciers, que plusieurs auoient paction expresse auec Sathan de rompre les bras and les cuisses des Crucifix: and mesmement le Vendredy Sainct. Wier dict que tout ccla n'est que folie. Ie ne veux pas entrer au merite de la Religion, que tant de Theologiens ont traicté amplement: aussi n'est ce pas mon suiect. Mais ie tiens que les ruses de Sathan sont incroyables, si on ny prend garde de fort pres: à quoy n'a pas regardé celuy, qui a faict le liure des Strategemes de Sathan, qui sont fort pueriles. Car le dessein de Sathan n'est pas seulement de faire mespriser, and renoncer Dieu par ses subiets, ains aussi toute religion, and tout ce que chacun pense estre Dieu, and qui le peut tenir en crainte de mal faire pour se tourner du tout à Sathan. C'est pourquoy les Sorciers demeurent d'accord, que la premiere chose que faict Sathan aux Sorciers apprentifs, c'est de les faire renoncer à Dieu, and à toute Religion, sçachans bien que celuy qui n'a Religion quelconque, se desborde en toutes impietez and meschancetez. Car mesmes en Rome on descouurit que aux. Sacrifices nocturnes Page 590

de Bacchus il se trouua vn nombre infiny de Sorciers, qui commettoient mille incestes, and Sodomies puis ils sacrifioient les plus innocens, and pour ceste cause ils furent deffendus par toute l'Italie à iamais, and plusieurs Sorciers 2 executez à mort. Comme nous lisons aussi en Epiphanius, que des la primitiue Eglise Sathan fist couler vne secte damnable de Sorciers Gnostiques, laquelle soubz voile de Religion sacrifioyent les petits enfans prouenus des incestes, qu'ils commettoyent, and les pilloyent en mortiers auec de la farine and du miel, dont ils faisoyent des tourteaux qu'ils bailloyent à leurs sectateurs à manger, and appelloyent celà leur Cene: qui estoyent les vrays Sorciers ainsi appris par Sathan: duquel le but principal pour establir sa puissance, est d'arracher toute Religion du c ur des hommes, ou bien soubz le voile de superstition couurir toutes les meschancetez qu'on peut faire en despit de Dieu, ou de celuy que chacun pense estre Dieu. Car ie tiens que celuy n'offence pas gueres moins qui faict quelque chose en despit d'vne pierre ou autre matiere qu'il pense estre Dieu, que celuy qui blaspheme le vray Dieu Eternel qu'il cognoist: comme faisoit Caligula qui prenoit l'image de Iuppiter and luy disoit iniures en l'aureille2, and brisoit l'image de Vesta, que les Vestales luy bailloyent pour baiser. Non pas que ce fust malfaict en soy de briser la statuë des Vestales: mais c'estoit blaspheme and impieté à Caligula qui auoit ce but de faire celà en despit de celuy qu'il pensoit estre Dieu, lequel à tousiours esgard à la conscience and intention des personnes: and pour -notes- 2Linius. 2Tranquil.in Caio. Page 591

ceste cause il s'appelle Scrutateur des pensees sans auoir esgard aux mines. C'est pourquoy Hieremie le Prophete sçachant que le peuple captif en Babylone estoit contrainct de s'agenouiller deuant les images de metal, de bois, and de pierre, il leur escrit ainsi: Quand vous verrez porter des images surles espaules pour les faire reuerer, vous direz en voz c urs, C'est à toy ô Dieu Eternel, à qui l'honneur appartient. Ainsi faisoyent plusieurs en la primitiue Eglise, qui assistoyent ou par force ou par craincte aux sacrifices des Payens, ou pour euiter au scandale qu'on ne les estimast Atheïstes, ores qu'ils fussent à genoulx deuant les images, ils prioyent Dieu neantmoins à ce qu'il luy pleust les garder de toute pollution and idolatrie, and qu'il print en gré la conscience and intention bonne tant d'eux que des pauures ignorans. Ie conclud donc que la volonté and intention d'vne part and d'autre est le fondement de toute action bonne ou mauuaise; en sorte que si la volonté controuient à ce que la raison iuge and croit estre bon, encores que la raison soit abusee, on offence Dieu. C'est la decision de Thomas d'Aquin5 au traicté qu'il a faict de Bonitate actus interioris voluntatis: où il dict ainsi, Quando ratio etrans ponit aliquid vt præceptum Dei, tunc idem est contemnere dictamen rationis, and Dei præceptum: suyuant Sainct Augustin4. C'est pourquoy Sathan cognoissant que Dieu regarde l'intention excusant tousiours la forca, la crainte, la iuste ignorance s'efforce, d'arracher non seulement la vraye Religion, ains aussi toute opinion de diuinité du c ur des hommes. Et faict tout ce qu'il -notes- 5Prima secundæ, q. 19. ad quintum. 4In lib. retractationum. Page 592

peut, à ce que, celuy qui n'adore qu'vn Dieu, luy donne plusieurs compaignons, puis apres il le distrait du Createur aux creatures, and des creatures intelligibles aux creatures sensibles: and des creatures nobles and celestes aux creatures elementaires, iusques aux bestes immondes, Serpens and crapaux and des ereatures de Dieu aux ouurages des hommes: Car c'est chose plus abhominable de s'aggenouiller par reuerence deuant les Idoles uures de l'homme, que deuant les crapaux and Crocodilles, que les Ægyptiens adoroyent, qui sont creatures and uures de Dieu. C'est pourquoy Sathan apres les creatures de Dieu faict honnorer les uures des hommes, comme les images and statues, que les Grecs appellent Idoles, les Hebrieux Pesselin, and non content il faict encores en fin renoncer aux images, qui les tiennent en quelque crainte d'offenser pour se faire adorer soy-mesme, and à fin d'empescher que iamais ses seruiteurs ne se puissent reconcilier à Dieu, il les oblige par meschancetez signalees, and horribles blasphemes pour n'esperer iamais pardon, cõme de faire en despit de Dieu manger les Hosties consacrees aux crapaux, qui est chose execrable: ce qu'il ne fait faire sinon à ceux qui tiennent pour tout certain and resolu que l'Hostie est Dieu, comme i'ay remarqué cy dessus and faire en despit de Dieu tirer le Crucifix à coups de traict, qui est encores vne autre meschanceté abhominable and detestable, comme i'ay monstré que Sathan faisoit faire par cy deuant aux Sorciers, qu'on appelloit Sagittaires en Allemaigne, qui ne se trouuent plus depuis que la pluspart des Allemans Page 593

ont desisté de s'agenouiller deuant le Crucifix: Car tout ainsi que Dieu sonde les c urs, and regarde l'intention des hommes, aussi Sathan contrefaisant Dieu se faict seruir comme Dieu, comme font les plus grands Socciers, qui l'adorent la face contre terre: ou par les ceremonies qu'on pense estre aggreables à Dieu, and ce qu'ils font par reuerence: comme de baiser les Reliques auec chandelles ardentes: Sathan se faict ainsi seruir: comme il fut verifié au procez des quatre Sorciers qui furent bruslez tous vifs à Poictiers l'an mil cinq cens soixante and quatre: Ils deposerent qu'ils baisoyent Sathan en forme de Bouc au fondement auec chandelles ardentes, pres d'vne Croix. Si les Prestres de Monstrelet, and de Froissart, qui baptiserent les crapaux, and leur baillerent l'Hostie, euslent pensé, qu'il n'y eust eu aucune Diuinité en l'Hostie Sathan n'eust pas requis cela d'eux, ny demandé à Neron maistre Sorcier, s'il en fut iamais, and à Caligula son oncle, qu'ils foulassent aux pieds les statues de Iuppiter, de Vesta, and autres, s'ils eussent pensé que il n'y eust eu aucune Diuinité. Comme en cas pareil en toutes les Sorcelleries, and communications detestables des Sorciers, à chacun mot il y a vne Croix, and à tous propos Iesus-Christ, and la Trinìté, and l'eau beneiste. Et si les Sorciers veulent faire quelque meschanceté par les images de cire, il les fait mettre soubs les Corporaux pendant la Messe, comme Paul3 Grilland dict auoir aueré par plufieurs procez, and les baptisent au nom de ceux qui veulent offenser, and vsent de parolles, and mysteres detestables qu'il falloit supprimer, -notes- 3Lib. 2. de Sortileg. ca.5 num. 11. Page 594

and non pas les faire imprimer. Et faict à noter que Sathan a de toute antiquité attiré les Sacrificateurs, Aruspices, and Prestres à sa cordelle, pour souiller roures sortes de Religions, and leur donner tousiours plus de puissance de mal faire, que aux autres. Et pour ceste cause Platon en l'onziesnie liure des Loix, decerne peine capitale au Sacrificateur qui tue par Sacrifices and Magie: ce que i'ay remarqué cy dessus auoir esté iugé par arrest du Senat Romain sur l'interpretation la Loy Cornelia, in l.ex senatusconsulto, de sicariis ff. que celuy est punissable comme meurtrier, qui a, ou qui fait tels sacrifices. Aussi voyons nous en Spranger, and Paul Grilland, and en Pontanus les plus grands Sorciers auoir esté Prestres, pour gaster tout vn peuple: Car plus le Ministre de Dieu doibt estre sainct and entier pour sanctifier le peuple, and presenter vne oraison and louange aggreable à Dieu: d'autant plus est l'abhomination derestable, quand il s'addonne à Sathan, and luy fait sacrifice, au lieu de sacrifier à Dieu. Car mesmes Porphyre escrit que tous les anciens ont remarqué que si les sacrifices faits à Iuppiter, Apollon and autres Dieux estoyent faits indignement, les malings esprits venoyent, and la priere estoit tournee en execration. Non pas que Dieu eust les idolatries aggreables, qu'il deffend sur la vie, mais il est à presumer qu'il prenoit l'intention des ignorans, and les iugeoit selon la volonté qu'ils auoient. Paul Grilland4 recite d'vn nommé Iacques Perusin Prestre, qu'il dict auoir esté l'vn des plus grànds Sorciers d'Italie, lequel en disant la Messe, and se tournant au peuple, au lieu de dire: -notes- 4Lib. 2. c.6. de Sertileg. Page 595

Orate pro me fratres, il dist vn iour, Orate pro casti is Ecclesiæ, quia laborant in extremis, c'est à dire, priez pour l'armee Ecclesiastique qui est en danger extreme, and à l'instant mesme l'armee fut defaicte, qui estoit à vingt cinq lieuës de Perouse, où il disoit la Messe. Nous en lisons vne semblable en Philippes de Commines, d'vn Italien Archeuesque de Vienne, lequel disant la Messe deuant le Roy Louys vnziesme, le iour des Roys, à Sainct Martin de Tours, en luy donnant la paix à baifer, il luy dist, Pax tibi, Sire, vostre ennemy est mort: il se trouua qu'à l'heure mesme Charles Due de Bourgongne fut tué en Lorraine, deuant la paix de Nancy. Ie ne sçay si de ce temps la l'Italie produisoit des Prophetes autres qu'elle n'a fair depuis: Mais ie doute fort qu'il estoit du mestier de plusieurs autres de ce pays la, que Sathan à deputé vers quelques Princes, pour les infecter de ceste peste: Car Philippes de Commine recite plusieurs propos de ce bon Archeuesque qui ne ressentent rien que les effects d'vn vray Sorcier. Voyla pour respondre à Wier, en ce qu'il dict que e'est chose ridicule de commander par Sathan à ses suiets, qu'ils demembrent les Crucifix, qu'ils crachent contre terre, quand on mõstre l'Hostie, qu'ils ne prennent poinct d'eau beneiste. Il se mocque aussi d'vne Sorciere, à qui Sathan commanda de garder bien ses vieux souliers, pour vn preseruatif, and contre-charme contre les autres Sorciers. Ie dy que ce conseil de Sathan à double sens, les souliers signifient les pechez, comme estans tousiours trainnez par les ordures: Et quand Dieu dist à Moyse and à Iosué, oste tes souliers, ce Page 596

lieu est pur, and sainct: il entendoit, comme dict Philon Hebrieu, qu'il faut bien nettoyer son ame de pechez, pour contempler and louer Dieu: Mais pour conuerser auec Sathan, il faut estre souillé, and plongé en perpetuelles impietez, and meschancetez: alors Sathan assistera à ses bons seruiteurs. Et quand aux sens literal, nous auons dict que Sathan, fait ce qu'il peut, pour destourner les hommes de la fiance de Dieu aux creatures, qui est la vraye definition de l'idolatrie, que les Theologiens 7 ont baillee: tellement que qui croira, que ses vieux souliers, ou les bilets, and autres babioles qu'il porte, le peut garder de mal, il eft en perpetuelle idolatrie. L'autre but de Sathan est d'accoustumer ses suiets à luy obeïr, comme i'ay remarqué cy dessus, que Sathan pour attirer vne fille à sa deuotion, luy disoit qu'elle luy donnast de ses cheueux, ce que elle sist: Puis apres qu'elle allast en voyage à nostre Dame des Vertus: and voyant qu'elle fist aussi, il la pria d'aller à Sainct Iacques: elle dist qu'elle ne pouuoit, puis il la pria de mettre ces ciseaux en fon fein, ce que elle fist pour se despestrer de ce maling esprir, and ce fut alors qu'il continua plus que deuant. Or il est bien certain que si Sathan commandoit de garder la Loy de Dieu, and qu'on le fist pour luy obeïr, ce seroit blasphemer Dieu. Il faut donc bien se garder d'obeyr à Sathan en forte quelconque. Quant au Canon Episcopi repeté tant de fois par Wier, i'ay par cy deuant remarqué, qu'il n'est point faict en Concile general, ny Synodal, ains vn Conciliabule, and qui eft reprouué de tous les Theologiens,8 en ce qu'il nye le transport des Sorciers, soustenu -notes- 7Idolatria est auersio à Crea tore ad creaturam. 8August.li. 10. and 21.de Ciuis. Tbomas in serunda secunde q. 95. ar.5.iu.de superst. 1. and in tractatu 1.par. q.2. and ut.de miracul.q.18. ar.5. and tit de Dæmo. Boauentura in 3. senten. distin. 19.q.3.Spranger in Mallco. Paul.Grilland in li.2.de Sortileg. Page 597

par Sainct Augustin, Thomas d'Aquin, Durant, Bonaue (02) ture, Syluestre, Prier, les cinq Inquisiteurs, Paul Grilland, and in finis autres: and neantmoins au Canon, Nec mirum. §. Magi, xx vl. q. v. il est dict que les Sorciers de la seule parolle ensorcellent, and font vn malefice violent, ce qui est confirmé par Philon Hebrieu au liure9 des Loix speciales: and par Sainct Augustin, and Tertullian in Apologetico, à quoy se rapporte ce vers de Lucan: Mens hausti nulla sanie polluta veneni Incantata perit. Et Spranger escrit auoir veu des Sorcieres en Allemagne qui faisoient mourir soudain les personnes d'vne parolle: qui sont bien choses plus estranges que la transuection: non pas que ce soit la parolle, mais l' uure de Sathan, prié and adoré pour ce faire par la Sorciere. Et neantmoins ce meurtre icy commis ne se faict point que par vne iuste vengeance de Dieu, pour le forfaict de celuy qui l'a merité, and par sa permission seulement, comme nous auons dict. Au dernier chap. de Lamiis, Wier remue ciel and terre, pour faire ente (02) dre qu'il faur faire euader les Sorciers par vn elenche fort ridicule, and semblable à ceux de Corax, and Thisias, dont parle Aule Gelle. Car il dit ainsi, Il faut pardonner aux Sorcieres qui sont repenties, comme on faict aux Heretiques: and à celles qui sont obstinees, il faut aussi pardonner, à fin de ne tuer le corps and l'ame. Ainsi disoit Thisias contre son maistre deuant les Iuges: si ie puis persuader que ie ne doy rien payer, ie seray quitte par sentence, and si ie ne le puis persuader, ien e payeray rien aussi: car Corax à promis de faire -notes- 9lib de Ciui. Page 598

tant que ie seray bon Orateur, qui est de persuader ce qu'on veut. Mais son maistre luy repliqua, Si tu peux persuader aux Iuges que tu ne dois rien, ie feray payé, par ce que tu seras iugé bon Orateur: Et si tu es condamné par faute de le pouuoir persuader, ie seray aussi payé en vertu de la sentence: les Iuges donnerent leur sentence que d'vn mauuais corbeau il ne peut venir qu'vn mauuais uf.G1 Aussi, ie repliqueray à Wier, que si les voleurs, and meurtriers repentis par toutes les loix diuines, and humaines doiuent estre executez: attendu que l'execution de iustice, and la peine n'ont rien de commun auec la coulpe, and la penitence: A plus forte raison le Sorcier obstiné qui est pire que tous les voleurs meurtriers, and parricides, comme coulpable de leze majesté diuine and humaine, doibt estre puny à mort: mais la repentance faict que la coulpe est pardonnee, ce que Wier n'a point distingué de la peine. Quand Dieu fist dire à Dauid que son peché luy estoit remis, il ne laissa pas d'estre bien puny. Et quand Dieu dist à Moyse, qu'il auoit pardonné au peuple, il fut neantmoins bien chastié. C'est pourquoy il dict tost apres, Ie suis1 le grand Dieu Eternel, qui fais misericorde, and pardonne les pechez, and iniquitez, and toutesfois ie ne les laisse pas impunies, selon la verité du texte Hebrieu, and l'interpretation de Vatable, non pas qu'il punisse tous les pechez selon leur merite: car long temps a que le genre humain fust pery: mais il faict iugement, iustice, and misericorde: à fçauoir Iugement, quand il punist les pechez de ses ennernis iurez selon qu'ils ont merité: and Iustice, quand il donne loyer à -notes- G1[Greek omitted] Coruus. 1Exod.c.34. Page 599

chacun pour ses biens-faicts: and Misericorde, quand il fait plus de bien qu'on n'a merité, and punist plus doucement que l'on n'a deseruy: qui est l'vn des plus beaux secrets de la Saincte Escriture, and peut estre le moins entendu: Car Hieremie donne ces proprietez à Dieu auec grande exclamation. Et si Dieu auoit resolu, sans la priere de Moyse, faire mourir tout son peuple au desert, qui n'estoit pas moindre de dixhuict cens mil personnes pour s'estre inclinez deuãt vne image, and auoir à icelle presenté leurs sacrifices, chose deffenduë par la loy: and qu'il en fist mourir trois mil soudain, que meritent les Sorciers qui adorent Sathan and luy sacrifient? Et faut bie (02) dire que Wier est du tour delaissé de Dieu d'oser escrire chose si absurde qu'il faut pardonner à ceux qui opiniastrement blasphement Dieu, and luy font guerre sans trefues. Il valloit mieux que Wier dist ouuertement comme Agesilaus,2 lequel escriuant aux Iuges pour vn sien amy disoit, que s'il auroit bon droit qu'on luy gardast, and que s'il auoit tort, qu'il ne perdist pas pourtant sa cause, and en quelque sorte que ce fust, il vouloit à tort ou à droict qu'il gaignaist son procez. Ainsi faict Wier, lequel veut qu'on pardonne aux Sorciers, s'ils se repentent: and s'ils sont opiniastres: il veut qu'on leur pardonne afin que le corps and l'ame ne soit perdu. Par ce moyen il eft couplable de la peine des Sorciers, comme il est expressément porté par la3 Loy, Que celuy qui faict euader les Sorciers, doit souffrir la peine des Sorciers. Et en ce que Wier sur la fin s'eschauffe en sa peau, and par cholere appelle les Iuges bourreaux, il donne grande presomption, -notes- 2Plutar. in Apopbtegm. 3l.penult. de maleficis, C. Page 600

qu'il crainct que quelqu vn des Sorciers parlent trop, and faict comme font les petits enfans, qui chantent la nuict de peur qu'ils ont. Or l'absurdité la plus grande qu'on peut remarqucr en toutes les Loix diuines, and humnin es alleguees souuent en la Loy de Dieu, and par les lurisconsultes,2 c'est à sçauoir, que les forfaicts ne demeurent impunis, est enuelopee aux argumens de Wier, qui soustient à cor and à cry, qu'il faut pardonner aux blasphemeurs incestueux, parricides, and ennemis de Dieu, and de nature, c'est à dire, aux Sorciers encores qu'ils persistent en leurs blasphemes, and detestables meschancetez. En fin cognoissant bien que toutes les Loix diuines, and humaines luy resistoient, and la coustume de tous les peuples, pour donner quelque lustre à ce qu'il dict, il c'est aduisé de falsifier la Loy de Dieu en deux articles. Le premier est en ce qu'il escrit,3 que Dieu commande en sa Loy de faire mourir les faux tesmoings l'autre en ce qu'il dict que Dieu commande de tuer le larron, qui entre par force de iour en la maison d'autruy. Si vn Notaire, vn Greffier, vn Iuge, à falsifié vn acte, il est pendable sans esperance de remission. Et Wier en deux lignes a'commis deux faulsetez en la loy de Dieu. Car la loy de Dieu commande4 de punir le faux tesmoing de la mesme peine, qu'il à voulu faire tomber sur autruy: s'il a faux tesmoigné pour faire perdre la vie, il moura: si pour faire bailler le fouët il aura le fouët: Si pour faire perdre vn escu, il payera vn escu. L'autre article est encore plus impudemment falsifié, car il est dict,5 que celuy qui tuera le larron de iour, il sera coulpable de son sang, qui est -notes- 2l.conueniri, de pact. dotal. l. si maritus §. legis, de adult. l.ut vilneratus, ad l.aquil. ff. 3c.24.de Lamús columna 6.num.10. 4Exod. 19. 5Exod. 22. Page 601

tout le contraire de ce que dict Wier: Mais la fausseté est beaucoup plus capitale, en ce qu'il dict que la Loy de Dieu, qui defend de laisser viure la Sorciere, s'entend seulement de celle qui empoisonne. Car la Loy de Dieu parle de celle qui fascine, and qui esblouïst les yeux, and qui faict voir ce qui n'est point, tenant pour tout certain que cela ne se peut faire sinon par le moyen de l'alliance auec Sathan. Pour la conclusion il reste à voir s'il faut plustost s'arrester aux blafphemes de Wier, qu'à la Loy de Dieu repetee en tous les endroicts de l'Escriture Saincte, qui decerne peine capitale contre les Sorciers, que Dieu abhomine d'vne execration extreme: s'il faut plustost s'arrester à vn perit Medecin, qu'aux liures and sentences de tous les Philosophes, qui d'vn commun consentement ont condamné les Sorciers: S'il faut plustost s'arrester aux Sophisteries pueriles de Wier, qu'aux loix de Platon, des douze tables, des Iurisconsulres, des Empereurs, and de tous les peuples and legislateurs, Perses, and Hebrieux, Grecs, Latins, Allemens, François, Italiens, Espagnols, Anglois, qui ont decreté peines capitales contre les Sorciers, and contre ceux qui les recele (02) t, ou qui les font euader: S'il faut pluftost s'arrester à Wier qu'à l'erperience de tous les peuples, Roys, Princes, Legislateurs, Magistrats, Iurisconsultes, qui ont cogneu au doigt, à l' il les impietez and meschancetez execrables, dont les Sorciers sont chargez: s'il faut plustost s'arrester au disciple du plus grand Sorcier, qui fut oncques de son aage, qu'aux Prophetes, Theologiens, Docteurs, Iuges, and Magistrats, qui ont descouuert Page 602

la verité par mille and mille presomptions violentes, accusations, tesmoignages, recollemens, cõfrontations, conuictions, recognoissances, repentances, and confessions volontaires iusques à la mort. Nous auons le iugement de Dieu, 6 qui a declaré qu'il auoit arraché de la terre les peuples de la Palestine, pour les horribles Sorcelleries dont ils vsoient, and non pour autre chose, and a menassé d'exterminer non seulement les Sorciers, ains aussi tous ceux qui les souffriront viure:7 and qui a dict à Hieremie qu'il preschast, haut and clair qu'il raseroit8 à feu and à sang la ville de Hierusalem, and tous les habitans pour les execrables Sorcelleries du Roy Manasses. Voyla ce qu'il m'a semblé, qu'on peut respondre aux liures de Wier: En quoy ie vous prie Monsieur, and tous les Lecteurs me pardonner, si i'ay escrit, peut estre, trop aigrement: car il est impossible à l'homme qui est tant soit peu touché de l'honneur de Dieu, de veoir ou lire tant de blasphemes sans entrer en uiste cholere: ce qui est aduenu mesmes aux plus Saincts personnages, and aux Prophetes parlant de telles abhominations, la memoire desquelles me faiót dresser le poil en la teste, and la ialouste, que chacun ldoiq auoit sur toutes choses, que l'honneur de Die unelsoir ainsi foulé aux pieds, par ceux là qui soustienneut les meschancetez, blasphemes, and impunité des Sorciers. -notes- 6Deut.c.18. 7Leuit.c.20. 8Hier.ca.15.