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Simon Foucher
Dissertation sur la recherche de la verité
Contenant, l'apologie des academiciens. Où l'on fait voir que leur manier de Philosopher est la plus utile pour la Religion, & la plus conforme au bon sens. Pour servir de Réponse à la Critique de la Critique, &c. Avec plusiers remarques sur les erreurs des sens & sur l'Origine de la Philosophie de Monsieur Descartes.

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Preface
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Quoy que cette Apologie n'ait esté écrite que par occasion & pour répondre à un Livre intitulé Critiq. de la Critiq. de la Recherche de la verité, cela n'empêchera pas neanmoins que l'on n'y trouve autant de satisfaction que si elle avoit été faite de dessein formé. Les Titres de Critique & de Réponse, sont des Titres que le tems impose, & que l'on ne doit pas changer; non seulement parce que c'est un devoir qu'il faut rendre à ceux qui écrivent sur nos Ouvrages, mais encore parce que les plus grands developmens & les meilleures reflexions se recontrent pour l'ordinaire en de semblables dissertations. En effet on peur penser que ce qui a esté discuté & examineé par plusieurs personites, contient quelque chose de plus solide

p5 que les premieres productions qui viendroient d'une main non encore exercée. Ce n'est pas qu'en de pareilles dissertations, on ne trouve quelquefois des choses qui ne regardent poiint le fond des questions: mais on verra que j'ay rejetté tout ce qui m'aparû hors d'œuvre, & que je me suis êtudié a ménager le tems des Lecteurs aussi bien que le mien propre, de sorte que jáy donné en racourci ce qui demnaderoit plus d'êtenduë n'y ayant pas un chapitre dans sette Réponse, qui ne puisse fournir un Livre entier. C'est ce qui me fair prendre la liberté d'inviter à le lire plus d'une fois, d'autant plus que la fin sert à éclaircir le commencement, & qu'il n'y a pas d'apparence que l'on puisse retenir d'un seul coup les differentes choses que l'on y traite en si peu de mots.

Au reste, j'ay répondu sur les chefs de ma Critique, & je me reserve seulement icy à parler des Academiciens. Il n'est pas peu important de faire connoître que leur maniere de philosopher s'accorde avec la Religion, parce que comme elle est la plus conforme au bon sens, c'est aussi celle que les honnêtes gens & les personnes d'esprit suivent plus volontiers,

p6 pour les raisones que nous verrons. Cela m'a porté à écrire cette Apologie, dans un tems où la contrarieté des Dogmatistes trouble & agite les Esprits par des opinions: au lieu que si nous imitons les Academiciens, nous ne nous embarquerons point sur de simples vraysemblances, & nous tenant au port, nous attendrons que de solides demonstrations nous conduisent à la verité, ut non fimus fluctuantes & circumseramur omni vento doctrinæ. Je finis cette Preface par un trait de Ciceron, que S. Augustin a raporté dans ses Livres des Academiciens. Ces illustres Auteurs s'en sont servi ingenieusement, pour montrer l'avantage qu'avoient nos Philosophes pardessus les autres.

Dans un grand & vaste auditoire, il y avoit deux Dogmatistes, l'un Stoïcien & l'autre Epicurien: le Stoïcien crioit en un coin, venez à moy, je vous montreray le chemin de la felicité, apprenez à vivre en hommes, & sçachez que la vertu seule est capable de vous rendre heureux, aimez l'honnêteté méprisez les plaisirs des sens, assurés-vous que le Sage est au dessus du Destin, & ne doit point apprehender la accidens de la for---

pg7 ---tune.... Un Academicien s'approche pour entrendre ce Stoïcien, & voulant passer pour un de ses écoliers, luy fait une question, aprés l'avoir écouté paisiblement. Je voudrois, luy dit-il, que vous nous eussiez donné une idée claire & constante de l'honnêteté: car ce qui est honnête en un Pays ne l'est pas dans un autre, & je n'ay point encore veu que l'on se soit accordé dans des definitions que l'on a données de la vertu & de l'honnêteté. Il ne sert de rien de representer l'homme plus grand qu'il n'est, ny de le considerer toûjours comme s'il n'êtoit qu'un pur esprit, la vertu guindée de cette maniere n'est qu'un beau phantôme, & quand on arriveroit à la perfection que vous décrivez; peut-être ne seroit-on plus q'un être sans action & sans mouvement.... le Stoïcien ne le pouvant plus long-tems supporter, l'interrompt & luy dit brusquement, si vous ne comprenez pas ce que je viens de dire, malheur à vous; ceux-cy (montrant ses écoliers) le comprennent fort bien; allez ne les troublez point par des objections inutiles. L'Academicien se retire, & voyant dans on coin opposé l'Epicurien qui dit, venez, venez goûter les plaisirs que la

pg8 nature vous prepare, vous avez beau froncer le sourcil & faire parête au dehors une constance inébranlable lorsque vous êtes plus malheureux que les bêtes: la nature se vange de vos mépris, & si vous la fuyez d'un côté elle vous retrouve d'un autre, c'est elle qui vous a formez & c'est elle seule qui peut vous rendre contens. Suivez, suivez ses ordres, ou vous serez toûjours reduits à combattre contre vous-même.... Nostre Academicien s'approche, & aprés l'avoir écouté assez long temps; vous demandez, luy dit-il, que l'on suive la nature, & je vous avouë qu'il est fort vraysemblable qu'on la doit suivre, mais auparavant faites-nous connoistre ce que c'est que cette nature, & empêchez que nous ne prenions pour elle de méchantes habitudes, que le tems a formées dan nôtre cerveau & dans nos membres depuis le ventre de nos meres, est-ce la nature animale qui je dois suivre ou la nature humaine? Si je suis la nature animale, elle m'apprendra que la force est la Maistresse de tout, c'est elle qui enseigne aux gros poissons à manger les petits, aux épreviers à dépeupler l'air d'oiseaux, aux loups à devorer les

pg 9 brebis.... Mais si je veux suivre la nature particuliere de l'homme, je trouveray qu'elle ordonne d'écouter la raison, & de resister aux inclinations que la nature commune inspire à tous les animaux, d'ailleurs n'y aura-t-il qu'à s'abandonner à toutes sortes de voluptés? helas! on voit assez par experience, combien un seul plaisir nous cause de douleurs, & quels sont les fruits de la volupté : plus on les goûte, & moins on y trouve d'agrément, à quel excés de chagrins se voit-on porté lorsqu'on a épuisé les esprits & les organes qui sont les ministres de ces faux plausirs. Enfin pouvons-nous être sans besoins & sans craintes, lorsque nostre bonheur dépend de mille objects & de mille évenemens, que nous rencontrons quand nous ne voulons pas, & que nous ne trouvons point quand nous voulons, estant toûjours insatiables & jamais rassasiez, excitant toûjours en nous une sois, qui nous brûle & consume en un moment toute nostre felicit'. Malheureuse felicité qui est si caduque, & plus malheureuse volupté qui nous asservit & nous captive sous un joug si indigne & si fàcheúx.... L'Epicurien prenant la parole

pg10 luy dit, je vois bien que vous vous estes laissé entêter des chimeres de ces Stoïcien, mais puisque vous ne voulez pas suivre mes conseils, allez ne troublez point nos plaisirs. 'Academicien se retire, & l'Epicurien haussant la voix dit au Stoïcien, que vous a pû dire ce bon homme? vous iuy avez fait tourner la cervelle par vos idées d'honnêteté & de vertu; le Stoïcien luy répondit avec sa seriesté ordinaire, il ne veut donc point se rendre à vostre libertinage, s'il vous avoit suivi, vous en auriés fait une bête, Epicuri de grege porcum, mais graces à Dieu, il est plus sage que vous. Je le plaindrois fort, reparit 'Epicurien, s'il avoit autant de foie dan la tête que vous en avez. De folie reprend le Stoïcien, sçavez-vous.... Alors les Ecoliers cragnant que leurs Maistres n'en vinssent aux mains, allerent quirir l'Academicien, qui s'entre-tenoit avec un homme de bon sens dans une chambre prochaine, & l'ayant amené, ils le prierent de mettre la paix. C'est là que Ciceron dit que celuy qui a le second rang, au jugement de tous, peut s'assurer d'avoir le premier qui secundas partes judicio omnium tenet, primas

pg11 habet.Vous n'estes pas si differens entre vous que vous pensez, dit l'Academicien, il vous manque à tous deux la même chose. Vous Stoïcien voul voulez que l'on vivre suivant la nature secundum naturam vivere, & vous Epicurien, vous voulez aussie que l'on prenne la nature pour guide, il faut cond que vous vonnoissiez bien tous deux la nature de l'homme, & non pas le considerer, comme fait le Stoïcien, de même que s'il n'avoit point de corps, & pouvoit defaire de toute sorte de passions: ni le regarder seulement de la part du corps & des sens comme fait l'Epicurien, de même que s'il n'avoit point une raison paq laquelle il doit se conduire, vous avec donc tous deux la même chose à aprendre. Pour moy, quoyque je ne la nonnoisse pas mieux que vvous, souffrez cependant que je vous dise que je fuis plus soavant que vous n'êtes, car si je ne sçay pas plus que vous, du moins je connois mon ignorance, & vous ne connoissez point la vôtre.

C'est ainsi que les Academiciens combatoient les prejugez des Dogmatistes, & tachoient de les reduire dans un doute raisonnable: non pas pour les y arrêter

p11 entierement; mais au contraire pour les obliger d'en fortir de maniere à n'y rentrer jamais. Il est vray que les Academiciens doivent douter d'une tresgrande quantité de choses, mais c'est parce que ces choses sont douteuses, & il se trouve neanmoins que les principales veritez leur sont connuës, de sorte que leurs doutes regardent seulement les matieres de sciences, & les propositions dogmatiques que l'on pourroit faire sur les sujets de pure speculation humaine.

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Reponce a la critique de la critique de la recherche de la veriteé sur la philosophie des Academiciens
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Où l'on fait voir que leur maniere de philosopher est la plus utile pour la Religion.

Le panchant naturel qui porte les hommes au libertinage, les oblige de chercher dans la Philosophie, de quoy autoriser cette méchante inclination, comme s'il leur étoit premis de faire servir la raison & la verité à leurs desordres; c'est ainsi que nous voyions corrompre tous les jours ce qu'il y a de plus considerable dans la Philosophie des Anciens, aussi bien que ce que les derniers tems nous

p19 nont donné de plus curieux & de plus raisonable: mais il est bon de faire voir à bien des gens qu'ils se trompent, lors qu'ils s'imaginent que l'ue des plus sage manieres de philosopher, qui ait gouverné les esprits, les doive porter à mépriser leur Religion, & à se rendre incredules pour toutes les veritez, qui ne leur plaisent pas.

On juge bien que je veux parler de la Philosophie des Academiciens, que quelques-uns employent pour se persuader qu'il faut douter de toute chose, & que par consequant on doit regarder la Religion d'une maniere indifferente.

Ce n'est pas neanmoins que quelques personnes de merite, sçayantes d'ailleurs, mais mal informées de cette maniere de philosopher n'ayent entrepris de confirmer des sentimens qu'ils devoient plûtôt combatre, mais cela oblige encore davantage de découvrir au public l'erreur où l'on est sur ce sujet: de forte que la Pieté & la Religion ne permettent pas de laisser regner ces opinions qui sont plus generales qu'on ne pense, & qui font d'autant plus de mal qu'elles sont autorisées par un silence qui les favorise.

Que l'on ne s'imagine donc pas que la Philosophie des Academiciens soit plus contraire à la Foy que les autres Philosophies, & que si elle tient d'avantage du bon sens, elle n'en soit pas plus nuisible à une Religion appuyée sur la verité qui en est la fource & la regle.

Et quoy que l'Auteur auquel je répond ait semblé vouloir dire le contraire, je ne laisseray

p20 pas de deffendre icy de l'opinion que l'on a vulgairement des Academiciens, Saint Augustin a trouvé bon de faire la même chose en son tems, & c'est pour cela qu'il a écrit trois livres touchant ces Philosophes, il employe une partie de ces livres pour deffendre les Academiciens, des sentimens que le vulgaire leur attribuoit. Ce saint Docteur pretend qu'on s'est trompé de penser que les Academiciens avoient desesperé de connoître la verité & cela posé, comme il le veut, il reduit toutes les Academies à celle de Platon, qui est l'ancienne: & si l'on trouve quelque Peres, qui ait semblé dire le contraire, il faut confiderer que le mot d'Academie étoit si general & si fameux qu'on lattribuoit indifferament à toute sorte d'assemblée de Philosophes & même de gens de lettre jusque-là qu'Aristote & les Peripateticiens ont été appellez quelquefois Academiciens: de sorte que pour en bien juger, il les faut regarder comme veritables Sectateurs de Platon, & c'est ce qui nous donne sujet de dire....

Article Premier. Que les premiers Peres de l'Eglise ont été Academiciens. modifier

On ne doute pas qu'ils n'ayent été Platoaiciens & nous reconnoîtrons dans la suite de cette réponse qu'ils ont étê Academiciens. J'ay dé-ja remarqué qu'il y a eu de deux sortes de Sectateurs de Platon: & s'il y a eu quelques heresies que l'on dit avoir été tirées des

p21 dogmes qu'on attribuë àee Philosophe; cela ne regarde point les Academciens; mais seulement quelque Dogmatistes qui prenant le nom de Platoniciens, ont fait dire à Platon plus qu'il n'a voulu dire: plus qu'en un mot ce Philosophe n'a pas prétendu affirmer d'avantage que Socrate auquel il raporte ses écrits; & d'ailleurs Socrate n'a affirmé qu'une chose: Vnum scio, quòd nihil scio. Ce qui ne peut servir pour former des heresies.

L'Autuer auquel je réponds aprés avoir approuvé les Loix des Academiniciens, telles que je les ay rapportees, dit qu'il n'y à que les Academiciens, qui pensent tout ignorer que l'on doive condemner, pag. 14. pour moy je pretends que les Academiciens on reconnu quelque veritez. tant de Geometrie, de Mechanique, & que Physique; que de Logique, de Morale & de Metaphysiqque, quoy qu'ils considerassent ces veritez, autrement qu'on n'a coûtume de faire; donc si les Peres ont parlé contre ceux qui ont nié toute sorte de veritez, cela ne fait rien contre les Academiciens que je deffends. Enfin quand on voudroit soûtenir que les Academiciens de la Moyenne & nouvelle Academicie n'auroient point suivi Platon, cela n'empescheroit pas que les premiers Peres n'eussent été Academiciens à la maniere de l'Ancienne Academie. Je raporteray volontiers icy les témoingnages de saint Justin, de saint Denis , de Clement Alexandrin, d'Origine, de saint Jerôme, de Lactane, de saint Thomas même, & de toute ce qu'il y a eu de Sçavans Theologiens: mais je me suis proposé


p22 de n'en parler icy qu'en peu de mots, & nous allons reconnoître encore cetter verité en examinant les principales Regles de l'Academie & montrant....

Article Second. Que les Lois des Academiciens s'accordent fort avec le Christianisme modifier

En voicy la premiere, ne se conduire que par demonstration en matiere de Philosophie. Saint Augustin nous propose luy-même cette loy & l'exprime tres bien en cette maniere: Nolite putare vos veritatem in Philosohia conovisse, nisi ita didisceritis saltem ut nostis unum, duo, tria, quatuer co'ecta insumma fieri decem, Cette loy est si autentique & si necessaire qu'il est absurde & entierment déraisonnable: de la refuser, En effet, il n'y a point de science sans évidence. Cela est clair, & n'a as besoin de preuve, jusques là qu'il est ridicule, comme dit Lactance de s'imaginer avoir de la science par de simples vray-semblances ou probabielitez.

La seconde Loy n'est pas moins importante ny moins incontestable. Ne point agiter les questions que l'on voie bien ne pouvoir decider. Par ce qu'on n'observepoint la premiere, on rombe dans les prejugez: & par ce qu'on ne suit point cellecy, on tombe dans la dissenction onise perd dans des disputes inutiles & l'on éuisse vainement toute la force de l'esprit & tout e tems de la vie: on s'engager à de vaines recherches qui ne

p23 servent qu'à nous enfler de presomption & d'orgueil, semper disecentes & nunquam ad veritatis cognitionem pervenientes. On se porte aprés cela à soûtenir opiniâtreent tout ce que l'on a avancé, au prejudice même de la verité: jusques-là que l'on peut dire que toutes les heresies sont des effets de la presumption que l'on combat per cette Regle. Stultas, disoit saint Paul, & Sine disciplina questiones devita sciens quia genorant lites.

Avouër que l'on ne sçait pas qu'on ignore, n'est-ce pas encore une Loy qui est tres-conforme au Christianisme? puisque c'est un moyen de s'éloigner de cet esprit de superbe que cette Religion a toûjours eu en horreur. Quand on reconnoit sa pour découvrir des veritez qui semblent étre au dessus de l'esprit humain, n'est-ce pas une disposition à demander au Ciel un secours que nous n'avons pas, de nôtre nature? si on y fait reflection on reconoîtra que les Peres dont nous avons parlé, ont fait le fondement de leurs écrits contre les Gentils, & principalement contre les Philosopes payens, Is tàchoient de leur faire connoître que les lumieres de la Philosophe humaine étoient trop foibles pour découvrir aux hommes, ce qui devoit faire leur bon-heur & fervir de regle à toutes leurs actions, pretendant par ce moyen les obliger d'avouër leur ignorence & de venir apprendre de l'Evangile, ce que leurs études ne pouvient leur enseigner. Ils les tombatoient par raisons des Academiciens

p24' & même par celles des Pyrrhonniens en leur faissant voir la contrarieté de leurs opinions, & le trouble qu'is causoient dans l'esrit par leurs contestations.

C'est de cette maniere que Lactance pretendoit convaincre tous les Philosophes de son tems, & que saint Augustin s'efforçoit de faire voir, que le Chrétien étoit le veritable Philosophe, ce que ces Peres ont fondé sur ce principe, Sçauoir, que les hommes n'ayant encor pû découvrir la verité par leur lumiere naturelle, ils étoient obligex d'avouër leur ignorance & de demander au Ciel ce qu'ils ne pouvoient obtenir par toutes leurs études. Numen aliquod aisti solum posse ostendere homini quid sit verum, cum breviter, tum etiam piè. Cette Loy se trouve encore proposée par Saint Paul, ce grand Apostre parlant de la science humain qui enfle & regardant la science qui n'en a que le nom. dit, Si quis existimat se scire aliquid nundum cognovit que malmodum opportent eum scire.

Cette quatriéme Loy, discerner les choses que l'on sçait, de celles que l'on ne sçait pas, est si conforme à ce que les Saints Peres on voulu infinuër dans les esprits, qu'uue partie de leurs Livre ne tend qu'à la faire observer: jusques -là que Lactance & S.Augustin ont entrepris de faire voir que la sagesse humaine consiste dans un milieu sçavoir qu'on sçait quelques choses & qu'on en ignore d'autres. Ils prouvent même cette verité contre les Academiciens oú pour mieux dire, contre les sentiemens qu'ons attribuoit communement aux Academiciens; car

p25 ils sçavoient assez juger que les Academiciens n'avoient pas désesperé d trouver la verité, ils pensoient même qu'ils la conoissoient, c'est ce que Lactance, dit parlant d'Arcesilas: Homo versutus cateris Philosohis voluit scientiam eripere ut eam domi absconderet, & Saint Augustin declare experssement qu'il croit que les Academiciens, déuisoint leurs sentimens de peur de prostituër la verité, en l'exposant aux insultes des insesez & des ignorans. Arcesilas vir acutissimus atque humanissimus maluit deocere quos patiebatur male dostos, quam docere quos dociles non arbitrabatur. Il n'est pas necessaire de prouver icy qu'il est bon pour les Chrêtiens de discerner les choses que l'on sçait de celles qe l'on ne sçait pas; car outre les raisons que sans cela, il ne seroit pas moyen de distinguer les Articles de Foy des opinions des hommes ny former aucune doctrine constante & assutée. De sorte que cette quatriéme Loy, n'est pas seulement utile, mais elle est encor tres-necessaire.

Enfin les Academiciens font profession de chercher toûhours des connoissances nouvelles, & je ne pense pas qu'on puisse dire que cette Loy qui tend à perfectionner l'esprit humain, & à 'enrichir de la découverte des veritez, soit opposêe à l'Esprit du Christianisme. Au contraire la science étant un don de Dieu, les Peres de l'Eglise sont demeurez d'accord, que c'est une belle occupationpour des Chrêtien qe de chercher la verité. Saint Augustin s'étoit dévoüé à cet employ qui est le plus noble & le

p26 plus legitime que les hommes se puissent proposer. Contemptis autem cateris quo bona mortaes utant, investiganda, veritati, inservire prosui. Ce sSaint Docteur remarque judicieusement aprés Ciceron, que la Sagesse humaine consiste à chercher la verité, soit que l'on soit assur'de la trouver, ou non. Car quoy qu'il ne dèpende pas de nous de la trouver, il est purtant en nôtre puvoir de la chercher: & quand nous l'avons fait, nous nous sommes acquité de la principale obligation, que nous avons de nous bien servir de nôtre raison.

Le même saint Augustin regardant cette pensée comme importante pour la Religion Chrêtienne, s'applique à détruire un sentiment qu'on attribuoit vulgairement aux Academiciens, Sçavoir, qu'on ne devoit pas chercher la verité,; par ce qu'on supposoit qu'il étoit impossibe de la trouver; sentiment neanmoins qui n'est pas des Academiciens, comme nous le ferons voir aillieurs: C'est donc ce que ce Pere a coulu combatre ayant assez fait connoître aparavant qu'il ne croyoit pas queles Academiciens sussent tombez dans cet erreur à laquelle il déclare la guerre uniquement, ce qui nous fait voir, que Saint Augustin aussi bien que les autres Peres delÉglise ont toûjours fort estimé l'inclination que dieu a donnée aux hommes de chercher la verité.

Il est vray, qui le Chrêtien est principalement obligé de travaillier à acquerir de la vertu en soumettant son esprit & son cœur à l'empire de sa Religion. Mais il ne sçauroit le faire mieux qu'en e faisant sagemet & confor méme