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par les pieds; il a cinq fers en cinq6 sur le bois de lit, d'où pendent cinq rubans qui soutiennent en l'air les trois grands rideaux et les deux cantonniers7; les bonnes grâces 3 sont retirées par le chevet avec un ruban. Adieu, ma bonne. M. de Grignan veut-il bien que je lui rende une visite dans son beau château? Suscription: Pour une créature que j'aime passionnément. 298. DE MADAME DE SÉVIGNÉ A MADAME DE GRIGNAN. A Auxerre1, samedi 16* juillet. Enfin, ma fille, nous voilà. Je suis encore bien loin de vous, et je sens pourtant déjà le plaisir d'en être plus près. Je partis mercredi de Paris, avec le chagrin de n'avoir pas reçu de vos lettres le mardi. L'espérance de vous trouver au bout d'une si longue carrière me console. Tout 6. N'y aurait-il pas ici un mot sauté ou quelque autre altération? Nous avons suivi le texte de l'édition de la Haye, la seule qui donne ce morceau, depuis Voilà jusqu'à avec un ruban. 7. On appelait cantonniers ou cantonnières deux pièces d'étoffe qui couvraient les colonnes du pied du lit et passaient par-dessus les rideaux. 8. Les bonnes grâces étaient d'autres pièces d'étoffe qui accompagnaient les grands rideaux. Lettre 298. — 1. A quarante-deux lieues de Paris, et à trentedeux de Montjeu, d'où est datée la lettre suivante. Comme dans son voyage de Bretagne, Mme de Sévigné faisait dix à douze lieues par jour; par eau, sur le Rhône du moins, elle alla plus vite (voyez la note de la lettre du 27 juillet suivant). Elle se reposa à Montjeu et à Lyon : en tout elle mit dix-sept jours à franchir la distance de cent cinquante-six lieues et demie, qui sépare Paris de Grignan. Voyez Walckenaer, tome IV, p. 200. —le monde nous assuroit agréablement que je voulois faire mourir notre cher abbé, de l'exposer dans un voyage de Provence au milieu de l'été. Il a eu le courage de se moquer de tous ces discours, et Dieu l'en a récompensé par un temps à souhait. Il n'y a point de poussière, il fait frais, et les jours sont d'une longueur infinie. Voilà tout ce qu'on peut souhaiter. Notre Mousse prend courage. Nous voyageons un peu gravement. M. de Coulanges nous eût été bon pour nous réjouir. Nous n'avons point trouvé de lecture qui fût digne de nous que Virgile, non pas travesti2, mais dans toute la majesté du latin et de l'italien3. Pour avoir de la joie, il faut être avec des gens réjouis; vous savez que je suis comme on veut, mais je n'invente rien. Je suis un peu triste de ne plus savoir ce qui se passe en Hollande. Quand je suis partie, on étoit entre la paix et la guerre. C'étoit le pas le plus important où la France se soit trouvée depuis très-longtemps. Les intérêts particuliers s'y rencontrent avec ceux de l'Etat. Adieu donc, ma chère enfant; j'espère que je trouverai de vos nouvelles à Lyon. Vous êtes très-obligée à notre cher abbé et à la Mousse; à moi point du tout. 2. Le Virgile travesti de Scarron avait paru en i653. En 1668 on en publia une édition qui se joint à la collection des Elzévirs (deux parties en un volume petit in-12). 3. Dans la fidèle et poétique traduction d'Annibal Caro : Enéide di Virgilio, tradotta in versi sciolti, Venise, Juntes, I58i, in-4". Une des plus belles réimpressions est celle de Trévise, i6o3.

299. DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY RABUTIN. Un mois après (voyez la lettre du 26 juin, p. I13), je reçus cette réponse de Mme de Sévigné, à Bussy, où je ne faisois que d'arriver. A Montjeu1, ce 22e juillet 167a. Vous dites toujours des merveilles, Monsieur le Comte; tous vos raisonnements sont justes; et il est fort vrai que souvent à la guerre l'événement fait un héros ou un étourdi. Si le comte de Guiche avoitété battu en passant le Rhin, ilauroit eu le plus grand tort du monde, puisqu'on lui avoit commandé de savoir seulement si la rivière étoit guéable; qu'il avoit mandé qu'oui, quoiqu'elle ne le fût pas; et c'est parce que ce passage a bien réussi qu'il est couronné de gloire. Le conte du prince d'Orange m'a réjoui. Je crois, ma foi, qu'il disoit vrai, et que la plupart des filles se flattent. Pour les moines, je ne pensois pas tout à fait comme eux; mais il ne s'en falloit guère. Vous m'avez fait plaisir de me désabuser. Lettre 299. — 1. o c La terre et la seigneurie de Montjeu (à une lieue et demie d'Autuiî) est une ancienne baronnie (que le célèbre président Pierre Jeannin avait acquise en i5g6, ef) que Charlotte Jeannin, sa fille, apporta en mariage à Pierre deCastille, contrôleur et intendant des finances, ambassadeur en Suisse, décédé en 1629. Le fils de ce dernier, Nicolas (r/idte de Mme de Sévigné), joignit à son nom le nom plus illustre de sa mère, et se nomma Nicolas Jeannin de Castille, et le plus souvent Jeannin. » (Walckenaer, tome IV, p. 351.) Mais il avait en i656 obtenu l'érection de la terre de Montjeu en marquisat, et il en fit porter le titre à son fils unique, Gaspard. — Nicolas Jeannin qui était allié à Foucquet, avait été exilé au temps de la disgrâce du surintendant; il fut rappelé en 1687, et mourut trois ans après son fils, le marquis de Montjeu, en juillet 1P91. Voyez les notes 10 de la lettre 36, et 9 de la lettre (>3. Je commence un peu à respirer. Le Roi ne fait plus que voyager, et prendre la Hollande en chemin faisant. Je n'avois jamais tant pris d'intérêt à la guerre, je l'avoue; mais la raison n'en est pas difficile à trouver. Mon filsn'étoit pas commandé pour cette occasion. Il est guidon des gendarmes de Monsieur le Dauphin, sous M. de la Trousse: je l'aime mieux là que volontaire. J'ai été chez M. Bailly2 pour votre procès; je ne l'ai pas trouvé, mais je lui ai écrit un billet fort amiable. Pour M. le président Briçonnet3, je ne lui saurois pardonner les fautes que j'ai faites depuis trois ou quatre ans à son égard. Il a été malade, je l'ai abandonné. C'est un abîme, je suis toute pleine de torts; je me trouve encore le bienfait après tout cela de ne lui pas souhaiter la mort. N'en parlons plus. J'ai vu un petit mot d'italien dans votre lettre; il me sembloitque c'étoit d'un homme qui l'apprenoit, et plût à Dieu! Vous savez que j'ai toujours trouvé que cela manquoità vos perfections. Apprenez-le, mon cousin, je vous en prie; vous y trouverez du plaisir. Puisque vous trouvez que j'ai le goût bon, fiez-vous-en à moi. Si vous n'aviez point été à Dijon occupé à voir perdre le procès du pauvre comte de Limoges4, vous auriez été a. Avocat général au grand conseil. 3. Guillaume Briçonnet, président au grand conseil, mort en 1674. 4. Charles-François de Rochechouart, né en 1649, marquis de Bellenave (par sa mère), et appelé le comte de Limoges. Il était fils unique du marquis de Chandenier. Il servit en 1673, sous le comte d'Estrées, et écrivit à cette époque au comte de Bussy des lettres pleines d'intérêt. Il avait demandé en mariage Mlle de Bussy (celle qui devint Mme de Coligny). <n Je la lui avois promise, dit Bussv dans une note (tome II, p. 248 de sa Correspondance), en cas qu'il gagnât son procès contre les créanciers de son père, qui prétendoient que le bien de sa mère étoit obligé aux dettes. Cependant ne jouissant d'aucun bien alors, et ne subsistant que par le moyen de son oncle, en ce pays quand j'y suis passée, et suivant l'avis que je vous aurois donné, vous auriez su de mes nouvelles chez mon cousin de Toulongeon6; mais mon malheur a dérangé tout ce qui vous pouvoit faire trouver à ce rendez-vous6 qui s'est trouvé comme une petite maison de Polémon7. Mme de Toulongeon ma tante y vint le lundi me voir, et M. Jeannin8 m'a priée si instammentde venir ici, que je n'ai pu lui refuser. Il me fait regagner le jour que je lui donne par un relais qui me mènera demain coucher à Chalon 9, comme je l'avois résolu. J'ai trouvé cette maison embellie de la moitié, depuis seize ans que j'y étois; mais je ne suis pas de même; et le temps, qui a donné de grandes beautés à ses jardins, l'abbé de Moutier-Saint-Jean, il ne pouvoit avoir d'équipage pour servir; je m'avisai donc de lui conseiller d'aller sur mer, auprès du comte d'Estrées, vice-amiral de France. » Mlle deBussy ne se soucia point d'épouser le pauvre comte de Limoges (voyez les lettres du 24 janvier et du 20 mars 1675). Il mourut d'une blessure reçue devant Ypres en avril 1678. 5. François de Toulongeon, fils d'Antoine de Toulongeon et de Françoise de Rabutin (voyez la note 1 de la lettre du 11 juillet précédent). Il fut marié à Bernarde de Pernes, sœur de Louis de Pernes, comte d'Épinac. « Il possédait la terre d'Alonne; il la fit par la suite ériger en comté de son nom. » (Walckenaer, tome IV, p. io5.) 6. Dans la copie autographe deBussy, on lit ce rendez, au lieu de ce rendez-vous, 1 7. C'est très-vraisemblablement une allusion à ce que Diogène Laerce, comme on l'appelait au dix-septième siècle, rapporte du philosophe Polémon, qui vivait entouré de ses disciples. Ceux-ci, est-il dit dans la traduction de Gilles Boileau, publiée peu d'années avant la date de cette lettre (Paris, i668), ot demeuroient proche son école, où ils se faisoient de petites maisons : 1 voyez le tome I de cette traduction, p. 28g. 8. Il avait été brouilléavec Bussy; peut-être y avait-il encore du froid entre eux (voyez cependant plus haut, p. 5o, avant-dernière ligne; ils se réconcilièrent en tout cas l'année suivante) : voyez la fin de la lettre du 21 octobre 1673, et Walckenaer, tome IV, p. 197. 9. Chalon est à douze lieues d'Autun, à trente-deux de Lyon. m'a ôté un air de jeunesse que je ne pense pas que je recouvre jamais10. Vous m'en eussiez rendu plus que personne parla joie que j'aurois eue de vous voir, et par les épanouissements de rate à quoi nous sommes fort sujets quand nous sommes ensemble. Mais enfin Dieu ne l'a pas voulu, ni le grand Jupiter, qui s'est contenté de me mettre sur sa montagne11, sans vouloir me faire voir ma famille entière. Je trouve Mme de Toulongeon, ma cousine, fort jolie et fort aimable. Je ne la croyois pas si bien faite, ni qu'elle entendît si bien les choses. Elle m'a dit mille biens de vos filles; je n'ai pas eu de peine à le croire. Adieu, mon cher cousin, je m'en vais en Provence voir cette pauvre Grignan. Voilà ce qui s'appelle aimer. Je vous souhaite tout le bonheur que vous méritez. 3oO. DE MADAME DE SÉVIGNÉ A MADAME DE GRIGNAN. A Lyon, mercredi 27e juillet. Si cette date ne vous plaît pas, ma bonne, je ne sais que vous faire. Je reçus hier deux de vos lettres, par Mme de Rochebonne 1, dont la ressemblance me surprit 10. Mme de Sévigné avait alors quarante-six ans et demi. 11. Montjeu, en latin Mons Jov'u, « montagne de Jupiter. » Lettre 3oo. — 1. Thérèse Adhémar de Monteil, sœur du comte de Grignan. Elle avait épousé Charles de Châteauneuf, comte de Rochebonne, qui fut mestre de camp du régiment de la Reine, puis commandant pour le Roi dans les provinces de Lyon, Forez et Beaujolais. Elle mourut le 21 mai 1719 et son mari au mois de mars 1725. Ils semblent avoir eu une très-nombreuse famille (voyez la lettre du 2o juillet 1089), et cependant cette maison finit avec leurs enfants. Le fils aîné fut tué à Malplaquet (1709) où il commandait le régiment de au delà de ce que j'ai jamais vu; enfin c'est M. de Grignan, ~~ qui compose une très-aimable femme. Elle vous adore. Je ne vous dirai pas combien je l'aime, et combien je comprends que vous devez l'aimer. Pour Monsieur son beaufrère 2, c'est un homme qui emporte le cœur: une facilité, une liberté dans l'esprit qui me convient et qui me charme. Je suis logée chez lui. Monsieur l'intendant3 me vint prendre au sortir du bateau, lundi, avec Madame sa femme et Mme de Coulanges; je soupai chez eux; hier j'y dînai; on me promène, on me montre; je reçois mille amitiés; j'en suis honteuse; je ne sais ce qu'on a à me tant estimer. Je voulois partir demain; Mme de Coulanges a voulu encore un jour, et a mis à ce prix son voyage de Grignan; j'ai cru vous faire plaisir de conclure le marché. Je ne partirai donc que vendredi matin; nous irons coucher à Valence4. J'ai de bons patrons6 ; surtout j'ai prié qu'on ne me donnât pas les vôtres, qui sont de francs coquins 6 : on me recommande comme une princesse. Je serai samedi à une heure après midi à Robinet7, Villeroi cavalerie. Un de leurs fils fut évèque deNoyon (1708-1731), puis archevêque de Lyon (1731-1740), et un autre successeurdu bel abbé sur le siége de Carcassone (1722-1730). Un troisième, chevalier de Malte, périt avec son vaisseau coulé bas par les Turcs (lettre du 19 avril 1707). — Voyez les lettres des 10 et 11 octobre 1673. a. Charles de Châteauneuf, chanoine-comte et chamarier de l'église de Saint-Jean de Lyon, frère du comte de Rochebonne. Dans l'édition de la Haye (17a6), et dans celle de 1734, on lit « Monsieur son oncle, » au lieu de 1 Monsieur son beau-frère, » qui est dans l'édition de 1754. 3. Du Gué Bagnols, père de Mme de Coulanges. 4. A vingt-cinq lieues de Lyon et à onze de Montélimar. 5. Dans l'édition de la Haye on a omis le mot patrons, et altéré d'une façon bizarre le reste de la phrase : « J'ai de bonssurtouts. J'ai prié qu'on me recommandât comme une princesse, n 6. Voyez la lettre du 4 mars 1671, tome II, p. 91 et suivantes. 7. « Le port où l'on débarque pour aller à Grignan. » (Note Je

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