Une nouvelle figure du monde. Les Théories d’Einstein/Notes liminaires
NOTES LIMINAIRES
La présente édition de cet ouvrage diffère des précédentes.
J’ai procédé à une épuration et à une mise à jour.
J’ai d’abord purgé mon livre des déclarations de M. Einstein qui lui servaient de préface. Une partie de la presse et des amis qui me sont chers, avaient critiqué la forme et le fond de ces déclarations. Je ne les avais moi-même insérées que pour permettre au savant israëlite allemand de dire publiquement du haut de cette tribune ce qu’il voulait donner comme vrai sur ses opinions politiques, sa vie, sa nationalité, ses sentiments, en un mot, sa physionomie non scientifique, laquelle, on le sait de reste, est extrêmement discutée.
Bien que j’eusse laissé à M. Einstein la responsabilité de ses déclarations je m’en sentais un peu complice puisque je leur donnais l’hospitalité. Mais je n’en aurais pas purgé ce livre, même si leur teneur m’eût été démontrée mensongère, car elles donnaient sur ce grand savant le témoignage le plus précieux puisqu’il émanait de lui.
L’événement le plus imprévu m’a décidé ; M. Einstein a, en effet, renié ses déclarations dans la presse allemande. Je me hâte donc de les retrancher de cet ouvrage qui n’aura à connaître que de la figure purement scientifique du grand théoricien ; c’est la seule qu’on puisse considérer avec sérénité et même avec quelque sympathie.
Il va sans dire que j’ai également indiqué sur le mode dubitatif, ou même supprimé, les assertions que j’avais, dans le cours de l’ouvrage, avancées sur la foi des paroles d’Einstein, les autographes de celles-ci demeurant entre mes mains pour exercer la sagacité des psychologues futurs.
Il m’a semblé indispensable d’ajouter à ce travail un bref exposé des théories de Weyl qui complètent très heureusement celles d’Einstein. Leur audace et leur beauté ne peut guère à l’heure actuelle apparaître qu’aux savants. Il est toutefois dès à présent certain que le disciple égale au moins le maître ; et peut-être le dépasse-t-il.
Les nombreuses lettres qui me sont parvenues m’ont aussi convaincu de l’intérêt que présente pour le public la question du temps relatif. J’ai donné avec assez de détails le point de vue einsteinien pour n’y pas revenir. Mais j’ai pensé que le lecteur entendrait avec plaisir sur le même sujet la voix de M. Guillaume dont j’avais brièvement exposé les théories. Le savant bernois a bien voulu écrire y spécialement pour le présent ouvrage, la note qu’on lira en appendice. On trouvera agrément et profit à la méditer.
M. Brillouin a bien voulu également indiquer lui-même son point de vue aux lecteurs du présent ouvrage ; on trouvera sa lettre en appendice.
Il faut admirer la sûreté, la clarté de cette belle page bien française. Elle met exactement à sa place scientifique la théorie einsteinienne ; elle en dégage la convenance et l’utilité en tant qu’hypothèse ; très sobrement, elle met en garde contre les commentaires où se peuvent aventurer ceux qui confondent l’hypothèse et le réel ; j’y discerne, sans vouloir engager la pensée de son auteur, une méfiance à l’égard des conceptions philosophiques déduites des travaux einsteiniens.
Il n’est pas possible de ne pas souscrire à un jugement si parfaitement lucide ; sa réserve et sa sagesse ne diminuent en rien l’enthousiasme que les théories d’Einstein et celles de Weyl, peuvent indépendamment de leur adéquation au réel, inspirer à qui y recherche un excitant intellectuel.
Enfin M. Sagnac, dont on a pu écrire, en faisant allusion à la phrase qui termine ce livre, qu’il était peut-être le nouveau Poincaré, le seul capable de nous donner une réponse définitive sur la valeur des théories einsteiniennes, a accepté de confier à ce petit ouvrage le sort d’une note originale dont l’extraordinaire importance n’échappera à personne.
Cette note :
— d’une part résume l’effet Sagnac sur la rotation dans l’éther (auquel nous avons fait allusion dans notre ouvrage) ;
— d’autre part institue une théorie générale des champs en translation par une extension de la pure mécanique des petits mouvements.
Nous sommes extrêmement heureux de pouvoir donner à nos lecteurs la primeur d’un travail qui nous paraît contenir en germe les plus belles découvertes.