Une intrigante sous le règne de Frontenac/Frontenac sauve la colonie

FRONTENAC SAUVE LA COLONIE



Deux mois se sont écoulés depuis l’incident de madame DeBoismorel. Des événements de la plus haute importance nous imposent le devoir de reléguer quelques instants cette intrigante dans l’ombre. D’ailleurs nous la retrouverons plus loin.

L’Angleterre rêvait depuis longtemps de s’emparer du Canada, cette perle du Nouveau-Monde, et de hisser son fier drapeau au mât de la citadelle de Québec.

Aussi, le 16 octobre 1690, sa flotte, composée de trente-quatre vaisseaux, jeta l’ancre près de l’Île d’Orléans.

Frontenac était prêt à la recevoir. Car il connaissait, par ses éclaireurs, les desseins et les mouvements des ennemis de la colonie, et il savait même que ceux-ci étaient sous le haut commandement du général sir William Phips.

Le gouverneur ne redoutait pas les combats qu’on allait lui livrer. Et sa confiance dans la victoire reposait non seulement sur la bravoure éprouvée de ses soldats, mais aussi sur le courage manifesté par tous les citoyens de Québec et par ceux des paroisses environnantes, en âge de porter les armes. Il comptait également sur le précieux concours que les Canadiens-français des Trois-Rivières et de Montréal lui avaient spontanément offert.

Or, sur les dix heures, Frontenac vit une chaloupe partir du vaisseau amiral anglais et se diriger vers Québec.

Elle portait un drapeau blanc et avait à son bord un parlementaire.

Lorsque celui-ci toucha le rivage, il fut conduit, les yeux bandés, au Château Saint-Louis où se tenait Frontenac entouré d’un brillant état-major.

Le parlementaire donna lecture d’un document ayant tout le caractère d’une insolente sommation et que terminaient ces mots : « Votre réponse positive dans une heure, par votre trompette avec le retour du mien, est ce que je vous demande au péril de ce qui pourrait s’ensuivre. »

— Je ne vous ferai pas attendre si longtemps, riposta Frontenac ! Et il ajouta : « Dites à votre général que c’est par la bouche de mes canons et à coups de fusil que je lui répondrai… »

Quand le parlementaire fut rendu à bord de son vaisseau, les soldats de Québec saluèrent leurs ennemis par une salve d’artillerie. Un boulet lancé par le brave Lemoyne de Ste Hélène fit tomber à l’eau le pavillon amiral, que deux Canadiens, l’un de Québec et l’autre de Beauport, allèrent chercher en canot d’écorce, sous une pluie de balles.

Ce glorieux trophée fut porté en triomphe à la cathédrale, où il resta jusqu’en 1759.

Les premiers coups de canon tirés par les soldats de Frontenac furent le signal d’une lutte qui dura six jours.

Bref, les Anglais essuyèrent une défaite humiliante, et ils disparurent dans la nuit du 22 octobre…

Le général Phips perdit six cents hommes, et neuf de ses vaisseaux sombrèrent dans le bas du fleuve avec une grande partie de leurs équipages.

Frontenac, tout en immortalisant son nom, venait de sauver la colonie !