Œuvres poétiques de Joséphin SoularyAlphonse Lemerre, éditeur1re partie (p. 273).




XXI

UNE GRANDE DOULEUR



Comme il vient de porter sa pauvre femme en terre,
Et qu’on est d’humeur noire un jour d’enterrement,
Il entre au cabaret ; car la tristesse altère,
Et les morts sont bien morts ! — c’est là son sentiment.

Il se prouve en buvant que la vie est sévère ;
Et, vu que tout bonheur ne dure qu’un moment,
Il regarde finir mélancoliquement
Le tabac dans sa pipe et le vin dans son verre.

Deux voisins ses amis sont là-bas chuchotant
Qu’il ne survivra pas à la défunte, en tant
Qu’elle était au travail aussi brave que quatre.

Et lui songe, les yeux d’une larme rougis,
Qu’il va rentrer ce soir, ivre-mort, au logis,
Bien chagrin — de n’y plus trouver personne à battre.