Une Industrie nouvelle - Le Tourisme en Suisse et en France

Une industrie nouvelle – Le tourisme en Suisse et en France [1]
Louis Farges

Revue des Deux Mondes tome 15, 1903


UNE INDUSTRIE NOUVELLE

LE TOURISME EN SUISSE ET EN FRANCE[2]

Le 31 octobre 1899, le consul des États-Unis à Genève, M. Ridgely, écrivait à son gouvernement les lignes suivantes : « On estime que, depuis le 1er janvier 1899 jusqu’à la date présente, au moins deux millions cinq cent mille voyageurs ont visité la Suisse et que chacun d’eux a laissé dans le pays un bénéfice de quatre-vingts francs, soit un total de deux cent millions de francs. Comme la population de la Suisse est seulement de 2 933 300 habitans, il n’est pas difficile d’apprécier la signification de ces chiffres. La richesse par tête, en Suisse, a été estimée jusqu’ici à 72 fr. 50 ; l’afflux de monnaie dont il a été parlé plus haut la relève immédiatement à 152 fr. 50, c’est-à-dire, d’une des contrées les plus pauvres, fait une des contrées les plus riches. »

Cette citation résume d’une façon saisissante les avantages matériels que la Suisse doit à l’intelligente mise en valeur de ses beautés naturelles. Le sol, dans la plus grande partie du territoire, y était ou pauvre ou inutilisable. Dans l’impossibilité de lui faire rendre de forts revenus agricoles, les Suisses ont su en tirer parti en fondant une industrie inconnue avant le XIXe siècle, l’industrie hôtelière, — c’est le nom qu’elle porte chez eux, l’industrie du tourisme, dirions-nous plus volontiers. Ils ont su drainer ainsi l’or étranger, et un économiste a pu écrire avec raison que c’était « en grande partie au tourisme, pris dans la plus large acception du mot, et à la vente en détail aux étrangers, » que la Suisse, comme la France et l’Italie, devait sa bonne situation monétaire[3].

Comment cela s’est-il fait ? Quelle est l’organisation actuelle de cette industrie ? La France peut-elle à son tour l’organiser chez elle et en tirer profit ? Telles sont les trois questions auxquelles je veux essayer de répondre.

Convertir, commercer, conquérir ; étendre ses idées, ses échanges, ou ses terres ; ce sont ces trois motifs qui, dès la préhistoire, ont poussé les hommes à braver les fatigues et les dangers des voyages. Ces raisons ont été parfois isolées, parfois réunies, comme chez Colomb découvrant l’Amérique ou Vasco de Gama doublant le cap des Tempêtes ; la conquête a précédé l’évangélisation, ou celle-ci a ouvert la route au commerce, mais peu importe. Il n’en reste pas moins que c’est à la foi, à l’amour du gain, ou à l’esprit d’aventure, que l’on doit les premiers voyageurs. La simple curiosité n’est venue qu’après.

Celle-ci, d’ailleurs, n’aurait pas suffi à elle seule pour faire de l’hospitalité primitive une véritable industrie, source de revenus considérables. Les simples curieux sont assez rares, leur passage rapide, leurs dépenses généralement modestes ; de plus, par cela même qu’ils sont des curieux, ils cherchent sans cesse des impressions nouvelles et ne reviennent guère aux endroits qu’ils ont déjà visités. Il est vrai, leurs conversations, leurs écrits font connaître à d’autres les pays qu’ils ont parcourus. Mais, si ces pays n’ont d’intéressant que leur commerce ou leur industrie, ils n’y attireront guère que d’autres curieux de passage, économistes ou agronomes. Pour qu’une région soit à la fois un but de voyage et un lieu de séjour, il faut qu’elle promette le plus précieux des biens humains, la santé. Si des eaux thermales et minérales y sourdent des profondeurs du sol, si le climat y est doux et sain, malades ou fatigués viennent y chercher la santé du corps ; si l’œuvre des hommes, complétant ou remplaçant celle de la nature, a élevé des monumens, réuni des chefs-d’œuvre, accru la beauté du paysage de la magie des souvenirs, c’est la santé de l’âme que l’on demande à ces lieux de rêve. Ainsi donc des missionnaires, des marchands, des soldats découvrent un pays ; des curieux le font connaître ; la nature ou l’art y retient des visiteurs. Devant les premiers, la contrée parcourue était restée indifférente, sinon hostile ; pour les derniers, elle se met en frais. Le sentiment de l’hospitalité envers l’étranger lui en fait un devoir, l’orgueil d’attraits qu’elle méconnaissait l’y encourage ; son intérêt l’y pousse. L’afflux des voyageurs avait exigé un effort ; cet effort, en se précisant et se continuant, les attire à son tour. Bientôt des habitudes s’établissent de part et d’autre, ce qui était occasionnel devient normal, la règle a succédé à l’accident et une industrie nouvelle est créée.

C’est exactement ce qui s’est passé en Suisse.

Les Romains, là comme partout, avaient élevé des autels aux divinités bienfaisantes des sources, dont beaucoup furent par eux reconnues et captées. Ils tracèrent une route de Milan à Bâle par le Grand Saint-Bernard, Vevey et Avenches, qui figure à l’Itinerarium Antonini et à la Table de Peutinger. Mais il ne semble pas qu’ils aient goûté la beauté de la montagne. Leurs villas se mirèrent aux eaux des lacs, s’assirent sur les collines riantes, s’abritèrent à l’ombre des vergers de la plaine. C’est à Nyon, au bord du Léman, qu’en 56 avant J. –C. César établit leur première colonie.

Après eux, pendant tout le moyen âge et jusque vers le XVIIe siècle, la Suisse ne’ fut visitée que par des missionnaires, des soldats ou des marchands. Les premiers évangélisent l’Helvétie, y fondent des monastères, comme à Saint-Maurice (302) ou à Saint-Gall (vers 700) ; les lieux où ils ont vécu deviennent l’objet de pèlerinages, tels que Beatenberg ou Einsiedeln. Les seconds la ravagent ; Frédéric Barberousse traverse le pays à deux reprises, en 1166 et 1174, et les invasions de Léopold d’Autriche et de Charles le Téméraire viennent se briser contre la volonté héroïque des premiers Suisses. A la suite des moines et des soldats, les marchands vont partout.

Pour eux, pour les pèlerins qui, de France, des Flandres ou de l’Allemagne, s’en allaient vers Rome se fondaient les hospices du Grand Saint-Bernard (vers 859), du Petit Saint-Bernard (XIe siècle), du Simplon (avant 1235), du Saint-Gothard (1331), du Grimsel (1479). C’était le charitable et très modeste début de la florissante industrie hôtelière qui enrichit actuellement la Suisse. Il n’en éveilla pas moins la concurrence. Quand Frédéric Borromée, en 1602, envoya un prêtre pour desservir la chapelle de l’Hospice du Saint-Gothard et voulut agrandir ce dernier, il se heurta à l’opposition des habitans d’Airolo, qui se jugeaient frustrés ainsi d’une partie de leurs ressources.

C’est qu’en effet les voyageurs en Suisse commençaient à devenir plus nombreux. Si les missionnaires avaient fait leur œuvre ; si la Suisse, libre et respectée, n’était plus en proie aux armées étrangères, le commerce s’était développé. On revenait aux sources minérales et thermales. Æneas Sylvius, le futur pape Pie II, allait aux bains de Bade en Argovie. Un employé spécial y était chargé de la police ; armé d’une longue férule, il n’hésitait pas à s’en servir et, au besoin, faisait enfermer « dans la tour du chien ou dans le pigeonnier » tout « fauteur de désordre ou donzello impudique. » Louèche, en Valais, était également très fréquenté. L’évêque Jean de Pèleran y avait bâti un établissement ; le fameux cardinal Mathieu Schinner y fit, en 1501, construire une maison à la place où se trouve actuellement l’Hôtel de France. En 1630, l’abbé de Pfeffers, Hœslin, aménagea à nouveau les sources découvertes en 1242 par le chasseur Vogler : on y comptait déjà trois cents baigneurs et, depuis, elles ont fait la fortune de Ragatz.

On aurait tort d’ailleurs de penser que les hommes du moyen âge furent aussi insensibles aux beautés de la montagne que paraissent l’avoir été les anciens. Il n’y a, pour se convaincre du contraire, qu’à observer la façon dont ils choisissaient le site de leurs châteaux ou de leurs églises ; il n’y a qu’à se souvenir que les peintres ou imagiers de cette époque ne croyaient pas pouvoir donner à leurs tableaux, ou même à leurs portraits, un arrière-plan plus beau que des profils de montagne.

Mais c’est surtout au grand mouvement d’idées provoqué par la Renaissance que la Suisse dut d’être mieux connue. Enivré de l’antiquité retrouvée, l’esprit humain veut soulever le voile de l’Isis mystérieuse, il veut connaître les secrets de la nature, et la montagne lui apparaît comme leur terrible gardienne. En 1518, le duc Ulrich de Wurtemberg, puis Joachim de Watt, font, pour la première fois, l’ascension du Pilate, auquel la légende de Ponce-Pilate, enseveli sous les eaux sombres du lac de Brundlealp, prêtait une redoutable auréole. Rellicanus célèbre en vers latins celle du Stockhorn (1536), et, dès 1514, la Descriptio de situ Helvetiæ de Glareanus avait été mise en chansons et chantée par les jeunes gens. Des étrangers, diplomates comme Marsius (1555-1559) ou Scotti, simples voyageurs comme Montaigne (1580-1581), Burnet (1686) et Addison (1699), visitent et décrivent la Suisse. Deux des juges de Charles Ier, Ludlow et Broughton, viennent mourir à Vevey, où ils sont enterrés. En 1544, le professeur bâlois Sébastien Munster donnait quelques cartes, d’ailleurs assez grossières, de la Suisse. En 1575, Simler[4] ; en 1578, Tschudi, dans ses quatre grandes cartes ; puis, en 1642, Mathias Merian et Martin Zeiller[5], font paraître les livres que l’on peut considérer comme les ancêtres de Joanne, de Baedeker et de Murray. Ce ne sont pas cependant, à proprement parler, des guides. L’histoire et les hommes y tiennent plus de place que les curiosités naturelles. Dans son Mercurius Helveticus (1688), J. Wagner ne parle ni de Grindelwald, ni d’Interlaken, ni de Zermatt. Mais, au début du XVIIIe siècle, se publient deux ouvrages qui, souvent réimprimés, plus souvent encore copiés, vont commencer à attirer l’attention sur les beautés de la Suisse. Ce sont les Délices de la Suisse d’Abraham Ruchat (1714) et les Itinera alpina de Scheuchzer (1720), tous deux ornés de planches et de cartes ; le premier, mal ordonné et souvent mal informé, mais d’une lecture attrayante et commode à consulter, grâce à son index ; le second, résumé d’observations personnelles et consciencieuses, aussi complet, aussi exact que le permettait l’état de la science à son époque.

Le congrès diplomatique tenu à Bade en Argovie (1714) contribua aussi à la connaissance de la Suisse. Des fêtes extrêmement brillantes y furent données, et plus d’un bon Suisse se désola à l’idée que l’élégance et le luxe français, « le goût frivole et insouciant de cette nation » s’introduisaient ainsi dans sa patrie. « Le sang me monte au visage, écrit l’un d’eux, quand je relis les louanges que firent des Suissesses les gentilshommes français ; ces belles Suissesses arrivaient à ne plus dire : ou nein, mais oui ou non en français, et, par ma foi, plus souvent oui que non ! »

Le résultat de ces événemens et de ces publications ne se fit pas attendre. On compte à peine une vingtaine de relations de voyage en Suisse aux XIVe et XVIIe siècles, il en paraît plus de cent au siècle suivant, sans omettre le poème de Haller sur les Alpes (1732) et les idylles de Gessner. Si ces ouvrages deviennent plus nombreux encore à la veille de la Révolution, c’est surtout grâce à trois hommes, auxquels la Société suisse des Hôtels devrait élever des statues, car elle leur doit plus qu’à personne, J. -J. Rousseau, Gibbon et de Saussure.

Déjà, dans sa Lettre à d’Alembert sur les spectacles, le premier avait opposé à la peinture des salons de Paris une description, d’ailleurs flattée, de la vie des montagnards suisses. La Nouvelle Héloïse (1760) fit connaître les charmes des rives du Léman, comme les Confessions, ceux du lac de Neuchâtel. Tous ceux qui avaient pleuré aux lettres des deux amans voulurent voir les lieux où était née, où s’était développée leur liaison : Meillerie, où Saint-Preux connaît Julie, Clarens, où il la retrouve mariée. En cette fin d’un siècle où l’amour tint tant de place, bien des couples passionnés et tendres voulurent mirer leurs lèvres unies aux ondes pures du lac, et y retrouver, par une nuit d’été, « un ciel serein, la fraîcheur de l’air, les doux rayons de la lune, le frémissement argenté dont l’eau brillait. »

Les souvenirs laissés par Gibbon sont moins poétiques. Envoyé par son père à Lausanne, en 1754, il y séjourna cinq ans chez le pasteur Pavilliard, qui sut le ramener au protestantisme. Mais c’est surtout à partir de 1782 que sa présence fit connaître le pays et y conduisit des visiteurs. Tandis qu’il y écrivait les derniers volumes de son Histoire, la meilleure société locale se groupait autour de lui, amenant des hôtes de marque, le prince Henri de Prusse, les Necker, Sébastien Mercier, l’abbé Raynal. Gibbon contribua à la réputation du célèbre médecin Tissot, qui, à son tour, attira une clientèle lointaine. Lausanne, petit centre protestant, devint ainsi à la mode ; on allait y étudier la théologie, y consulter, y apprendre le français. Aussi le souvenir de l’historien anglais s’y conserva-t-il, et, en 1816 encore, Byron allait visiter la demeure de son compatriote, et envoyait en souvenir à son libraire Murray une branche de l’acacia de Gibbon.

Mais Jean-Jacques et Gibbon, Sainte-Beuve[6] l’a très finement remarqué en ce qui concerne le premier, n’avaient guère connu que la région la plus basse de la Suisse, celle qui « finit où finissent les noyers » et que l’on retrouve dans beaucoup de pays un peu accidentés de la zone tempérée. C’était du reste le goût du temps ; les contrées tourmentées étaient réputées tristes et rudes, et, sur les vignettes des Bibles datant de cette époque, le Paradis était représenté comme un jardin à la française, soigneusement orné, taillé, ratissé. La montagne et les neiges éternelles ne furent vraiment révélées au public que par Saussure. Ses Voyages dans les Alpes, parus de 1779 à 1794 (2e édition à Genève, 1787-1796, 8 vol. in-8o), résumé de toute une vie d’amant de la nature et de savant, marquent une date capitale dans l’histoire de l’alpinisme. Le premier, Saussure montra tout ce que la science pouvait devoir à l’étude de la montagne, comme le premier il sentit et fit sentir l’austère et grandiose poésie des cimes. Il est encore utile de consulter son livre ; il sera toujours lu avec un infini plaisir de ceux qui aiment la montagne.

Grâce à ces trois hommes, grâce également aux Lettres sur la Suisse, bien qu’elles fussent surtout politiques, de W. Coxe, la Suisse, à la veille de la Révolution, commençait à être connue. Ce grand bouleversement aurait pu arrêter le mouvement dès sa naissance ; ce fut le contraire qui eut lieu. Aux voyageurs pour leur plaisir s’en ajoutèrent d’autres, les voyageurs par force, émigrés, déportés et soldats. Beaucoup des membres de l’ancienne noblesse française avaient, dès 1789, franchi la frontière. Plus tard, près de six mille prêtres, déportés en vertu des décrets de la Législative et de la Convention, vinrent les y rejoindre. Plus tard encore, la Suisse était à son tour conquise par nos armes et devenait le champ clos où se mesuraient l’Europe et la Révolution (1799). Mais, nobles émigrés, prêtres déportés ou soldats républicains, tous étaient également nourris de Rousseau, capables de comprendre et d’admirer les beaux spectacles de la nature, et, quand, après 1815, les temps furent plus calmes, beaucoup revinrent aux lieux dont, à travers les émotions et les dangers, ils avaient conservé le souvenir. Avant 1789, avons-nous dit, plus de cent relations de voyage avaient paru sur la Suisse ; avec la Restauration, on va voir le résultat de cette propagande écrite et orale. Le romantisme aidera au mouvement ; il va devenir à la mode d’aller en Suisse après Montesquieu, Gœthe, Mme Roland, Dolomieu, Chateaubriand, Mme de Staël, Shelley, Byron ; et, dès 1815, commence à se dessiner l’effort qui créera en Suisse, avant la fin du XIXe siècle, une industrie nouvelle.

Tout y concourut. En même temps qu’une ère de paix s’ouvrait qui permettait les voyages, elle fermait à une notable partie de la population suisse masculine le débouché qu’elle trouvait dans la location de ses services militaires à l’étranger. Ne pouvant devenir laboureurs, les soldats mercenaires se firent hôteliers.

Cette pensée devait leur venir tout d’abord. De tout temps, en effet, la rigueur du climat, les difficultés d’accès, avaient obligé les habitans de la Suisse à organiser des abris pour les voyageurs sur les points les plus fréquentés. Nous avons vu qu’au moyen âge, où tout était religieux, ces préoccupations s’étaient traduites sous la forme religieuse par la fondation d’hospices. A côté d’eux, s’établit plus tard l’industrie privée. Elle se perfectionna bien lentement. En 1314, une ordonnance du gouvernement de Zurich recommande aux hôteliers de se faire remettre par leurs hôtes les couteaux qu’ils peuvent avoir, « avant que la chaleur du vin ne les incite à mal faire. » Un règlement bernois de 1521 oblige les hôteliers à donner un repas avec poisson et viande pour deux groschen et un souper pour un groschen. Erasme nous a laissé un tableau pittoresque de ce qu’étaient les hôtelleries suisses à cette époque. « Personne ne vous recevait à votre arrivée. Après avoir appelé pendant quelques instans, une tête apparaissait à une lucarne et, sur la demande d’entrer, il vous était répondu par un simple signe de main. Quand on avait pénétré dans la cour de l’auberge, il fallait soigner soi-même sa monture… On entrait dans la salle commune, tout botté, couvert de son manteau de voyage, le plus souvent crotté, poussiéreux ou ruisselant de pluie. On se déchaussait et dévêtissait à loisir, en présence de toutes les personnes présentes ; l’un faisait sécher ses bottes ; l’autre changeait de linge ; un troisième se peignait. On ne mange pas avant neuf heures du soir, quelquefois dix heures, car on attend tout le monde avant de se mettre à table. Quand on est assis, l’aubergiste réclame le prix de votre gîte et de votre repas, et personne ne conteste l’écot demandé. On ne peut guère se coucher avant les autres. Quand tous les voyageurs sont décidés à se reposer, on montre à chacun son nid, qui n’est rien moins qu’un lit et dont les draps n’ont souvent pas été lavés depuis six mois. »

Les progrès furent longtemps peu rapides. Cependant, en 1779, Bourrit signale avec éloges l’auberge de Kandersteg, que chaque famille du village tient à tour de rôle pendant deux ans. Les Stockalper. avaient déjà édifié à Gondo, près du Simplon, leur curieuse auberge, tour carrée de huit étages à fenêtres grillées, où l’on séjournait en cas de tempête. Il y avait une Gasthaus à Grindelwald dès 1781, à Lauterbrünnen dès 1784. Vers la même époque, Saussure note que les capucins du Saint-Gothard, qu’il visita en 1783, commençaient à avoir l’habitude de recevoir des étrangers. Ils ne demandaient rien. « On évalue sa dépense sur le pied de ce qu’on aurait payé dans une bonne auberge, et on laisse ostensiblement sur son assiette ce à quoi l’on s’est taxé. »

Il y avait également des capucins au Righi et, à côté d’eux, d’autres auberges tenues par des particuliers. Frédérika Brun fut la première personne qui ait eu l’idée d’aller y séjourner quelque temps. Elle y passa neuf jours avec ses enfans, au commencement de septembre 1795, à l’auberge du Cheval Blanc. En 1816, on construisit le premier hôtel du Kulm et, en 1820, le Belvédère ; le vieux père Martin Bürgi fut le premier hôtelier du sommet, où il recevait les visiteurs en culotte et en bas bleus, sa grosse figure épanouie d’empressement et de bonne humeur. L’hôtel du Faulhorn fut achevé en 1832. De tout côté les anciens hôtels furent rebâtis et de nouveaux construits. La Suisse devenait de plus en plus à la mode, et, dès 1832, Alexandre Dumas, dont les Impressions de voyage sont souvent plus exactes qu’on ne le croit communément, signalait le développement pris par Interlaken, « point de réunion des voyageurs qui arrivent pour voir ou qui reviennent après avoir vu. »

L’industrie hôtelière aurait, dès lors, acquis en Suisse le développement qu’elle a pris plus tard, si deux causes ne s’y étaient opposées : les difficultés de communication d’abord, et surtout la cherté de la vie. Les voyageurs sont unanimes sur ce dernier point, depuis miss Helena Williams et Ebel, jusqu’à Joanne. « Les voyages de Suisse sont remplis de plaintes sur la cherté des auberges, et certes elles sont fondées, » dit la première ; « on est quelquefois étrangement écorché, » les muletiers ont « des prétentions extravagantes, » les bateliers sont « de mauvaise foi, » dit le second. Joanne fait les mêmes observations ; à Zurich, la malpropreté et la cherté de l’Hôtel de l’Epée « ont excité pendant longtemps… les trop justes réclamations de tous les voyageurs. » Tout se paie, depuis les airs nationaux que chante avec sa nombreuse famille le régent Kehrli, maître d’école de Brienz et gérant de l’Hôtel de l’Ours, jusqu’aux couvertures qu’emportent, afin de se garantir du froid matinal, les voyageurs s’arrachant à leur lit pour voir, au Righi, le lever du soleil. Joanne, qui avait fait ses premiers voyages en Suisse avant la construction des nouveaux hôtels, quand, à Zermatt, on logeait chez le curé, a signalé, dans sa première édition (1841), la transformation qui commençait à s’opérer et qui ne lui plaisait guère. « Depuis quelques années, dit-il, de riches capitalistes ont fait construire, dans les principales villes de la Suisse, des espèces de palais avec écuries et remises, où un gérant responsable exploite les voyageurs au profit d’une société d’actionnaires. Ces palais sont élégamment et richement meublés ; ils renferment des cuisines aussi curieuses à voir que celle des Invalides à Paris ; des salles à manger spacieuses et décorées avec luxe, une garnison imposante de domestiques parlant toutes les langues connues, en cravate blanche, et habillés de noir de la tête aux pieds, des belvédères au-dessus du toit et une foule d’autres agrémens de cette espèce. La populace et les badauds de la ville s’assemblent le soir devant les fenêtres pour contempler l’illumination de la table d’hôte. Mais… les voyageurs, simples et modestes, auxquels le gérant responsable de ces entreprises en commandite daignera accorder l’hospitalité, ne tarderont pas à se convaincre, une fois leur curiosité satisfaite, que les palais ne doivent être habités que par des souverains et par de grands seigneurs. » Et il établissait que les prix variaient de 14 à 16 francs par jour pour les hôtels de premier ordre ; de 8 à 11 francs pour les autres, ce qui était élevé pour l’époque.

Dans sa deuxième édition, parue en 1853, on trouve des remarques identiques. « Les hôtels de seconde classe, entraînés par le mauvais exemple de la cupidité, commencent à se donner des airs de première classe. La bougie ne leur suffit plus ; eux aussi, ils tarifent le service à leur profit, élèvent de 50 centimes ou de un franc le prix de la table d’hôte, et ne font boire à leurs hôtes que des vins de la plus mauvaise qualité, afin de les contraindre à prendre des vins extra, dont le moins cher, fort ordinaire d’ailleurs, se vend trois francs la bouteille. Cette innovation ne date que de quelques années. Que nous présage l’avenir ? Certes on est mieux logé, mieux nourri, et en revanche plus mal soigné, dans les hôtels suisses, aujourd’hui qu’il y a vingt ans, mais on y paie tout le double. Il est grand temps vraiment que l’avidité de MM. les aubergistes se trouve satisfaite. Déjà un grand nombre de voyageurs abandonnent les hôtels des villes pour les auberges des villages où, tout en dépensant moitié moins, ils ont l’agrément d’être bien accueillis et de passer leur soirée et leur matinée à la campagne. »

La modification désirée allait se produire. On peut déjà constater que les prix avaient relativement baissé depuis Ebel, qui déclarait, en 1817, qu’un voyageur « modeste et économe » pouvait « se tirer d’affaire » avec un demi-louis par jour. Vers 1855 ou 1860, les hôteliers suisses allaient commencer à s’efforcer d’attirer les voyageurs, à la fois par la bonne tenue de leurs établissemens et par la modicité relative de leurs tarifs. Il y eut à cela deux raisons : d’abord les plaintes justifiées dont les auteurs de récits de voyage et de guides se faisaient l’écho ; ensuite l’extension des chemins de fer, qui amena en Suisse toute une catégorie nouvelle de visiteurs, beaucoup plus nombreux, mais beaucoup moins riches.

Avant le développement des chemins de fer, en effet, un voyage en Suisse était non seulement pénible, mais de plus très coûteux. Dès 1722, des jeunes gens de famille de Zurich prirent l’habitude de s’organiser en caravane, ordinairement sous la conduite d’un ecclésiastique, pour voyager en Suisse. Töpffer, on le voit, n’a pas inventé les voyages en zigzag. En 1731, une de ces excursions, dirigée par un sieur Schmuz, établit son itinéraire par Glaris, Altdorf, Brunnen, Einsiedeln, Lucerne, Thoune, Berne et Fribourg. La dépense globale du voyage, pour 9 personnes et 2 domestiques, se monta à 465 gulden. Schmuz demanda en outre, pour sa peine et pour le pourboire des domestiques, 2 gulden de plus à chacun, ce qui portait la part de chaque voyageur à 59 gulden environ, soit en moyenne 2 gulden par personne et par jour. Un trajet identique se ferait aujourd’hui beaucoup plus rapidement, plus confortablement et surtout à meilleur compte.

Si l’on n’était plus obligé de se faire porter en litière par 16 vigoureux gaillards d’Uri, moyen auquel dut avoir recours, en 1504, le légat Raymond de Petrandi, il fallait le plus souvent aller à cheval, parfois à pied, par des chemins médiocres quand ils n’étaient pas détestables. On citait comme un événement extraordinaire la traversée du Saint-Gothard, en phaéton léger, parle naturaliste anglais Graville, le 25 juillet 1775. Les voitures, les bateaux, même à la fin du XVIIIe siècle, étaient encore fort chers. Toutes les grandes routes alpines ne furent établies qu’au début du XIXe siècle. Celles du Simplon et du Süsten, tracées sous la domination française, la première de 1800 à 1815, la seconde en 1811, servirent d’exemple.

Dès 1818, cependant, une agence de voyages en Suisse, dirigée par Emery, s’établissait à Londres. On peut juger des conditions matérielles du voyage d’après le contrat signé par Agassiz, qui se rendit de Londres à Lausanne en 1829. « Je m’engage, disait le loueur, à fournir une bonne voiture, pour conduire de Londres à Lausanne M. Agassiz, avec deux dames, une jeune demoiselle, deux petits enfans et deux domestiques, en prenant à ma charge tous frais de route, savoir : nourriture, déjeuners, dîners, soupers au désir de la famille, avec le meilleur vin ordinaire, logemens, passage de mer, frais de douane, ponts, barrières, chevaux de renfort, pour la somme de 95 livres sterling. Monsieur, avec sa famille, pourra rester deux jours à Paris, sans payer autre chose que sa propre dépense, mais les logemens seront à ma charge. La famille aura quatre bons lits, et une chambre en particulier, pendant tout le voyage, pour leurs repas, qui seront ordonnés par Monsieur, s’il le désire. La voiture sera entièrement à la disposition de la famille de Monsieur. Le voyage se fera en seize jours de marche… Les domestiques des hôtels et le cocher seront payés par M. Agassiz. » Aujourd’hui, le même voyage demande à peine trente-six heures et ne coûte pas 200 francs par personne.

Les chemins de fer et la navigation se développèrent concurremment avec les routes. Le premier tronçon de voie ferrée fut le chemin de fer de Saint-Louis à Bâle, ouvert le 15 juin 1844. La ligne de Zurich à Bade le fut le 7 août 1847, mais ce n’est guère qu’en 1860 que le réseau suisse se trouva établi dans ses lignes principales.

Sur les lacs, un seul service fonctionna longtemps : celui du bateau qui, depuis la fin du XVIIIe siècle, allait de Thoune à Brienz quatre fois par semaine. Mais, en 1823, le Guillaume-Tell flotta pour la première fois sur le lac de Genève, et des services réguliers furent ensuite successivement organisés sur les lacs de Constance (1824), de Neuchâtel (1826), de Zurich, de Lucerne, de Thoune (1835), de Brienz (1839), de Zug (1852), etc.

Vers 1860, la Suisse était donc en possession des premiers élémens de son outillage pour l’industrie nouvelle du tourisme, et déjà les voyageurs trouvaient dans ce pays des facilités qui n’existaient, à cette époque, nulle part ailleurs. Les premiers hôtels, dont nous avons indiqué plus haut la fondation, avaient vu s’établir à côté d’eux de nombreux concurrens. Dans l’Oberland, Interlaken avait déjà perdu sa physionomie de village suisse, ses maisons de bois, et ressemblait de plus en plus à une cité anglaise. On avait élevé les hôtels de l’Uetliberg (1839), du Giessbach, de la Petite-Scheidegg (1842), de Mürren (1857). Le Beatenberg commençait à être fréquenté. A Montreux, on achevait la ligne de chemin de fer, ouverte en 1861, qui allait, réunir « la Nice de la Suisse » à Clarens, Glion, Territet, les Avans, par une suite ininterrompue de boarding-houses et de villas. Zermatt recevait environ un millier de voyageurs dans ses deux hôtels du Monte-Rosa, fondé en 1838, et du Mont-Cervin, fondé en 1852. Les stations du Burgenstock et de l’Engelberg permettaient déjà de séjourner dans la région du lac des Quatre-Cantons. Si Davos restait encore ignoré, une compagnie s’assurait, dès 1855, le monopole cinquantenaire des sources de Saint-Maurice.

Des publications nombreuses continuaient à faire connaître la Suisse à l’étranger. Après Heidegger[7], après le livre d’Ebel, peu facile à manier, même dans son édition de 1818 en trois volumes in-8o, après Glutz-Blotzheim[8], Joanne, Baedeker et Murray, faisaient paraître leurs excellens volumes, qui, remaniés et tenus à jour, sont encore les compagnons indispensables du voyage en Suisse. Une foule de publications moins didactiques, parmi lesquelles il faut se garder d’oublier celles d’Alexandre Dumas et de Töpffer, récits de voyage, albums illustrés, etc., inspirèrent le désir de connaître de près les beautés de la nature alpestre. Il y eut là, aux environs de 1860, un moment unique dans lequel tout concourut, création d’hôtels, développement des chemins de fer, publications, pour créer un grand mouvement des étrangers vers la Suisse, mouvement auquel la création du Club Alpin suisse (1863) allait donner un organe et une direction.

Le grand mérite des Suisses fut alors de comprendre que, pour accroître l’importance de ce mouvement et assurer sa durée, il fallait renoncer à faire du voyage et du séjour un luxe coûteux, mais, au contraire, les rendre accessibles au plus grand nombre possible de personnes. La quantité des voyageurs devait compenser largement les prix élevés payés autrefois par un petit nombre. Dès 1843, quelques hôteliers s’étaient entendus pour appliquer un tarif unique d’environ dix francs par personne et par jour. Depuis cette date, — à part les établissemens de grand luxe ou dans une situation d’accès particulièrement difficile, qui sont toujours très chers, — les hôtels suisses se recommandent, au contraire, par leur bon marché relatif, surtout si l’on séjourne un peu longuement. Le calcul fait par les Suisses, avec un esprit aussi pratique qu’avisé, s’est donc réalisé pleinement, comme on en peut juger en étudiant l’état actuel de l’industrie du tourisme dans ce pays.

La situation géographique de la Suisse la prédestinait à devenir un grand carrefour, le jour où les progrès de l’industrie permettraient de surmonter les obstacles qui tiennent à la topographie tourmentée de son sol. Si le massif des Alpes suisses tombe presque à pic au midi, il est d’un abord relativement facile de tous les autres côtés. A l’ouest, les retranchemens parallèles du Jura sont traversés par des cluses et peuvent se tourner, au nord et au sud, par les deux trouées de Belfort et de Genève. Au nord, les vallées profondes du Rhin et de ses affluens ouvrent des routes pittoresques jusqu’au cœur du pays. A l’est, l’accès, pour être moins facile, est encore très praticable. Placée à la fois sur la route qui va, de l’Angleterre et de la France, vers l’Orient, et sur celle qui mène de l’Allemagne vers l’Italie, la Suisse s’est vue, dès lors, traversée par deux lignes très importantes de chemins de fer et voisine de deux autres non moins considérables. De l’ouest à l’est, une ligne mène, de Londres, par la Belgique ou la France, à Bâle, d’où l’on gagne Vienne par Innsbruck. Perpendiculairement à celle-ci, la ligne du Saint-Gothard constitue l’artère essentielle de communication entre le Nord et le Sud de l’Europe. A droite et à gauche, les grandes lignes du Mont-Cenis, bientôt celle du Simplon, et de Vienne à Venise par Trieste, complètent le système. Ces quatre lignes drainent sur tout le continent européen les touristes vers les Alpes ; c’est sur elles, que, plus ou moins directement, viennent s’embrancher les diverses voies ferrées qui constituent le réseau spécialement suisse.

Mais ce n’est pas tout d’aller facilement dans un pays : il faut encore, pour qu’on y aille et surtout pour qu’on y revienne, que le séjour en soit agréable. La géographie, comme la topographie, avait favorisé la Suisse ; elle a eu le mérite d’en profiter par la bonne organisation de ses hôtels, de ses moyens de communication et des différentes parties de l’industrie du tourisme.

En 1899, on comptait en Suisse 1 896 hôtels pour étrangers, dont 951 ouverts toute l’année et 945 seulement pendant la saison. De ces hôtels, 490 avaient moins de 20 lits ; 1 204 avaient de 20 à 100 lits ; 202 dépassaient ce chiffre. Ils disposaient ensemble de 104 876 lits de voyageurs, — dont 62 686 dans les seuls établissemens de saison, — plus 12 279 lits de réserve, — dont 7 734 dans les établissemens de saison — et 37 299 lits pour les familles ou le personnel ; soit un total général de 154 454 lits. Quand moins de 28 pour 100 des lits ont été occupés constamment, la saison est réputée mauvaise. Elle devient bonne quand ce chiffre s’élève à 32 pour 100, excellente dès qu’il dépasse 36 pour 100. C’est le cas qui se produit quand la saison se prolonge un peu tard. Bénéfice de septembre, bénéfice net : ont coutume de dire les hôteliers suisses. Mais, même sans la prolongation aléatoire de septembre, les lits des hôtels suisses ne manquent pas d’occupans, puisqu’en 1899, — année bonne, il est vrai, car le coefficient d’occupation était de 34 pour 100, — le nombre des touristes en Suisse a été d’environ 2 559 000.

Cette prospérité des hôtels de la Suisse est due à bien des causes, mais surtout à leur situation topographique, à leur propreté, à leur bon marché et à leur bonne organisation.

D’abord, ils sont en général bien situés, en dehors des agglomérations, en face de beaux panoramas, recevant à Ilots l’air et la lumière, munis de terrasses et de vérandas, souvent en pleine campagne et à de hautes altitudes. Sur 1 890, 673 sont à une altitude de plus de 500 mètres ; 531, à plus de 1 000 ; 34 dépassent 2 000. Ces derniers, sauf 2, sont tous des établissemens de saison, comme la grande majorité du reste de ceux situés à plus de 1000 mètres. Ainsi, au grand air, au milieu des prairies, des forêts, des eaux vives, parfois tout près des neiges éternelles, non seulement la vue est charmée, mais la cure d’air, le délassement physique et moral s’opèrent naturellement.

La propreté extrême des hôtels y aide puissamment. Dans la plupart d’entre eux, l’ameublement est sommaire, mais confortable et hygiénique, l’eau à discrétion, le linge abondant et irréprochable. Après le départ de chaque voyageur, non-seulement la literie est complètement renouvelée, mais les planchers et les boiseries sont lessivés soigneusement. Presque partout l’établissement est muni de lavabos et de cabinets méticuleusement tenus.

Cette tenue rigoureuse s’allie à un bon marché réel. C’est une erreur, en effet, que de croire à l’extrême cherté des hôtels suisses. Si, dans certains grands hôtels des centres à la mode, Interlaken par exemple, ou dans les établissemens bâtis sur des sommets isolés et éloignés des villes, les prix sont souvent fort élevés, il n’en est pas de même pour la grande majorité des autres hôtels. Dans ceux de premier ordre, les prix sont les mêmes que dans ceux du même genre en France ; dans ceux de second ordre et dans beaucoup de pensions de saison, ils sont notablement inférieurs. Cela est surtout vrai si l’on séjourne plus de cinq ou huit jours. On trouve alors des hôtels ou pensions fort convenables et bien fréquentés pour les prix de 6, de 5 et même 4 francs par jour. Il est vrai que, dans la Suisse allemande, le vin n’est pas compris et que, partout, la nourriture, saine et abondante, est généralement peu délicate et peu variée. C’est par-là, du reste, que pèchent la plupart de ceux des hôtels suisses que leur clientèle ordinaire n’a pas habitués à une grande exigence sur ce point.

Cette clientèle, qui se compose en moyenne de 33 pour 100 d’Allemands, de 20 pour 100 de Suisses, de 17 pour 100 d’Anglais, de 11 pour 100 de Français, de 5 pour 100 d’Américains et d’un petit nombre de Belges, Hollandais, Russes, Italiens ou Autrichiens, s’attache surtout à la bonne organisation du service. Or, à cela, les Suisses y ont pourvu par la Société suisse des hôteliers, dont dépendent le Bureau central de Bâle et l’Ecole professionnelle d’Ouchy-Lausanne.

Le 11 février 1882, 65 hôteliers, réunis dans la grande salle du Casino à Berne, décidèrent la création d’une Société suisse des hôteliers. A la fin de la première année, le nombre des membres s’élevait à 169 ; il atteignait, en 1900, le chiffre de 810, représentant 65 100 lits et jouissant d’une fortune sociale de 80 918 francs. En octobre 1891, la Société acquit les droits juridiques par l’enregistrement dans le Registre suisse du commerce. Au mois de février 1892, fut créé son organe social indépendant, la Revue suisse des hôtels. Cette revue, feuille hebdomadaire, pour laquelle l’abonnement annuel a été fixé au prix minime de 5 francs, publie des articles sur toutes les questions concernant l’industrie hôtelière et un supplément consacré aux offres et demandes d’emploi. Elle est éditée par le Bureau central officiel de la Société, établi à Bâle.

La fondation de ce Bureau avait eu lieu à Bâle en février 1891. Il se proposait un quintuple but : 1° placement du personnel d’hôtel ; 2° sauvegarde des intérêts du mouvement des étrangers en Suisse par des pétitions, préavis et autres démarches relatives à des questions de douane, d’amélioration des moyens de communication et généralement à toutes les questions intéressant la Société ou la profession ; 3° organisation de la réclame ; 4° établissement de relevés statistiques sur la valeur et l’importance de l’industrie hôtelière en Suisse au point de vue économique, industriel, commercial et agricole ; relevés destinés à servir de base pour les négociations douanières et à encourager la production indigène en ce qui concerne l’alimentation ; 5° exécution des décisions du Comité de la Société.

L’office de placement fut supprimé dès 1896, et remplacé avec succès par la feuille d’annonces de la Revue. Un Livret noir fut créé, signalant aux sociétaires les employés et domestiques douteux.

Parmi les mesures de protection de l’industrie hôtelière, il faut signaler : les contrats spéciaux passés avec les compagnies d’assurances ; la protestation au département des Postes et Télégraphes contre la responsabilité imposée aux hôteliers pour les envois de valeur déposés dans leurs bureaux à l’adresse des voyageurs ; les pétitions au département des Chemins de fer pour la prolongation de la durée de validité des billets d’aller et retour et pour la mise en vigueur des horaires d’été dès le 1er mai ; la part prise à la discussion du projet d’enquête fédérale sur les métiers et de la loi fédérale sur le contrôle des denrées alimentaires, etc.

Au point de vue de la réclame, l’œuvre principale du Bureau central a été la publication du livret-guide : Les hôtels de la Suisse. La première édition de ce livret-guide (1896) fut tirée à 150 000 exemplaires, dont 60 000 en anglais, 50 000 en allemand et 40 000 en français. On y trouve, précédée d’une curieuse introduction de M. Guyer-Freuler sur les droits et devoirs réciproques des hôteliers et des voyageurs, la liste de plus d’un millier d’hôtels avec une vue de la plupart et l’indication détaillée des prix. Les localités indiquées dans le livre sont reportées sur une carte itinéraire de la Suisse. Une deuxième édition, tirée à 25 000 exemplaires anglais, 20 000 allemands, 15 000 français, et distribuée gratuitement, fut publiée en avril 1897. On y avait ajouté l’indication de l’altitude pour chaque hôtel et de grandes vues d’ensemble hors texte ; l’illustration générale était d’ailleurs plus soignée. Elle l’est davantage encore dans la troisième édition, parue en 1901, en nombre d’exemplaires égal à la seconde. La carte de la Suisse, tirée à trois couleurs, donne le figuré du terrain. On a ajouté, de plus, la liste des postes diplomatiques et consulaires en Suisse et le tarif suisse des télégraphes.

Mais ce n’est pas tout d’organiser sa réclame, il faut encore se défendre contre les attaques. Un Livre rouge signale aux membres de la Société des hôtels les agences de voyages et de réclames sujettes à caution. Au besoin, la Société n’hésite pas à mettre à l’index les publications qui la critiquent trop vivement. Le New-York Herald en a fait l’expérience en 1896. « Pour répondre aux attaques perfides lancées par le New-York Herald contre l’ensemble des hôteliers, dit le XVe Rapport de gestion du Comité de la Société, le Bureau central… a invité les principaux hôtels à prendre l’engagement écrit d’ignorer absolument cette feuille, soit pour les annonces, soit pour l’abonnement. Plus de 800 hôtels ont déféré à cette invitation, donnant ainsi la preuve la plus éclatante de leur esprit de solidarité. C’était la seule réponse convenable à opposer aux attaques inqualifiables du New-York Herald. » Et, comme les hôteliers suisses ne craignent pas d’insister sur leurs sentimens et qu’ils ignorent l’art des réticences, le rapport a soin d’ajouter : « Quelle que soit l’impression produite sur ladite feuille par cette manifestation, nous n’éprouvons pour elle que le mépris le plus profond et le plus dédaigneux. » Le Swiss and Nice Times a partagé, en 1899, l’infortune du New-York Herald.

Le livret-guide des hôtels est, à la fois, un moyen de réclame et une œuvre de statistique. Dans ce dernier ordre d’idées, le Bureau a publié annuellement des relevés du mouvement des étrangers. Ajoutons, de plus, qu’il a été fréquemment mis à contribution, pour toutes les questions concernant l’industrie hôtelière, non seulement par les sociétaires, mais encore par les autorités, les consulats, les voyageurs, etc.

Après le Bureau central, c’est à l’École professionnelle que la Société suisse des hôteliers a donné tous ses soins. La création en fut proposée, en 1891, à l’Assemblée générale de Lucerne et les cours s’ouvrirent, dès l’automne de 1893, à l’Hôtel d’Angleterre, à Ouchy-Lausanne. Les études y sont remarquables par leur caractère essentiellement pratique. Elles comprennent d’abord un enseignement général : cours de langues (allemand, anglais, français), de calcul, de calligraphie, de géographie, de comptabilité et tenue des livres. Elles comportent ensuite des leçons d’un ordre infiniment plus technique.

Dans le cours de « Science des voyages, » on s’attache à mettre les futurs garçons d’hôtel en mesure de renseigner tout étranger sur les curiosités de la ville ou du pays dans lequel il doit résider, à leur bien faire comprendre ce qu’en général veulent voir les touristes et comment ils veulent le voir, quelles sont en pareille matière leurs habitudes et leurs préférences suivant leur rang social et leur nationalité. « Pour mettre au courant les élèves, dit le professeur dans le rapport de 1895, j’ai commencé par leur faire visiter la ville de Lausanne et principalement les curiosités qui s’y trouvent, en leur conseillant de procéder de la même manière à l’endroit où ils seront établis, afin de pouvoir renseigner clairement un étranger. Au moyen de la carte murale, je leur ai fait faire des voyages circulaires, d’abord dans les environs et ensuite sur le lac et autour du lac, en se servant du Guide officiel de la compagnie de navigation sur le lac Léman. En procédant de la même manière, et à l’aide de guides de chemins de fer, nous avons visité les principaux endroits fréquentés par les étrangers, en donnant des explications sur les villes et stations balnéaires de la Suisse et des pays environ nans. Ensuite, toujours au moyen des guides, nous avons fait des voyages circulaires en Italie, en France, en Allemagne et en Angleterre. Tout en cherchant les heures de départ et d’arrivée, nous calculions les prix des différens trajets, en tenant compte des classes de chemins de fer et de bateaux. Ceci a été fait principalement afin que les élèves apprennent à se servir des divers horaires vite et bien. » Ces travaux sont faits par écrit et le professeur les complète par quelques notions sur les monnaies et le change et aussi sur les arrangemens des hôteliers avec des différentes entreprises de voyages.

Un autre cours traite de la « Connaissance des marchandises. » Son programme mérite d’être cité in extenso, car il fait toucher du doigt le caractère, à la fois général et pratique, de cet enseignement professionnel. Voici l’exposé des matières du cours de 1896 : « 1° Table générale du marché, indiquant les saisons où paraissent la viande de boucherie, la volaille, le gibier, le poisson et les légumes ; le temps de leur durée, l’époque à laquelle ils sont le meilleur marché ; le temps où les végétaux paraissent hors de saison et le moment où l’on peut se les procurer. 2° Composition et explications détaillées des menus de lunch, déjeuners à la fourchette au gras et au maigre, dîners de table d’hôte avec et sans entrées, dîners d’ambigus et de banquets, soupers et dîners de noce. 3° Explication par recettes des différens mets. 4° Connaissance des différentes pièces de boucherie, bœuf, veau, mouton, volaille et gibier. 5° Découpage de la viande, de la volaille et du gibier. 6° Découpage du poisson. 7° Connaissance des substances alimentaires qui entrent dans la préparation des dîners. 8° Projections culinaires. »

D’autres leçons présentaient un caractère encore plus technique. Elles avaient trait : 1° à l’organisation des hôtels (modèles de correspondance, devis et évaluations, service de la cave, construction d’un hôtel et distribution pratique des locaux, précautions à prendre quand on acquiert un hôtel en activité) ; 2° aux devoirs professionnels (hygiène, convenances et bonne tenue, manière de se vêtir et civilité « telle qu’elle doit être pratiquée par un jeune homme bien élevé, » service en général, réception du touriste à la gare et à l’hôtel, comment on doit annoncer une visite au touriste résidant à l’hôtel, comment on doit le recevoir à la salle à manger, le servir à table d’hôte et au restaurant, notions générales sur les rapports de chaque jour entre touristes et garçons d’hôtel, festins, banquets, dîners de gala, etc.).

Ces cours théoriques sont constamment accompagnés d’exercices pratiques. S’agit-il d’expliquer le service au restaurant ? un des élèves s’assied à une table, représentant le voyageur qui fait une commande à la carte. Un autre élève reçoit cette commande. Il doit écrire un bon en règle, comme cela se fait dans les hôtels, expliquer les différens offices de ce bon et dire dans les mains de quels employés il doit passer, tandis que les autres élèves ont à donner des renseignemens sur les mets et les vins commandés. Les repas de l’École sont toujours servis par les élèves eux-mêmes, sous la direction de l’un d’eux comme chef. En outre, ils aident au service dans les hôtels environnans. Des excursions, où l’on visite des établissemens se rattachant à l’industrie hôtelière, chais, brasseries, etc., complètent cet enseignement organisé avec un sens pratique vraiment admirable. Grâce à lui, tous les progrès accomplis par l’industrie hôtelière suisse à la suite d’une expérience quasi centenaire, se répandent peu à peu jusque dans les établissemens les plus modestes. C’est donc à la Société des hôteliers et à ses deux principales créations, le Bureau central et l’École professionnelle, que la Suisse devra de continuer à attirer les touristes par la bonne organisation de ses hôtels.

Mais, si bien que l’on se trouve dans un hôtel, encore faut-il pouvoir y parvenir facilement et commodément. Presque autant que les hôtels, les moyens de transport jouent un grand rôle pour le développement du tourisme dans un pays. Là aussi, la Suisse a fait un sérieux effort.

Il suffit de jeter les yeux sur une carte des chemins de fer de ce pays pour s’apercevoir que, eu égard aux accidens de son sol, il est un des mieux pourvus du monde en voies ferrées. Sur les grandes lignes que nous avons déjà signalées, lignes d’un intérêt européen, vient s’embrancher tout le réseau des lignes locales. La montagne est comme pénétrée de ses ramifications, que continuent encore les funiculaires ou les chemins de fer à crémaillère. Ceux-ci dépassent souvent l’altitude de 2 000 mètres ; bientôt ils atteindront le sommet de la Jungfrau (4 166 mètres). L’Oberland bernois, à lui seul, n’en compte pas moins de dix.

L’organisation de ces chemins de fer n’est pas supérieure à celle de la France ou de l’Allemagne, comme personnel, matériel et vitesse, bien que le contrôle des billets accompli uniquement dans les trains constitue un agrément appréciable. Mais ils présentent des avantages sérieux au point de vue du tourisme. C’est d’abord la durée de validité des billets d’aller et retour, dits billets de double course, valables trois jours pour une distance de moins de 10 kilomètres et dix jours pour toute autre distance. C’est ensuite le système très pratique des billets circulaires avec itinéraires au gré des voyageurs, dits billets combinables, qui permettent d’autant mieux d’organiser ses excursions de la façon la plus commode et la plus variée, que, par des conventions spéciales, ils se rattachent au réseau des pays limitrophes. C’est surtout les cartes, délivrées en commun par un certain nombre de compagnies de chemins de fer et sociétés de navigation à vapeur, sous le nom d’abonnemens généraux, cartes qui donnent le droit d’effectuer sur leur parcours un nombre de courses illimité. Ces abonnemens généraux sont valables sur les lignes les plus fréquentées du pays, et d’un bon marché réel. La carte, valable pour un mois, ne coûte, en première classe, que 110 francs ; pour deux personnes, voyageant ensemble pendant un an, le prix est de 900 francs. J’ajouterai que la demi-place, accordée aux enfans jusqu’à l’âge de dix ans, contribue à attirer en Suisse les familles, à l’époque des vacances.

Les chemins de fer se complètent par les bateaux à vapeur et les voitures. Les services des premiers se combinent avec les deux autres, et leur flottille, généralement confortable, dessert régulièrement les lacs de Genève, de Neuchâtel, de Morat, de Bienne, de Thoune, de Brienz, des Quatre-Cantons, de Zug, de Zurich, de Constance, de Greifen, de Hallwill, d’Ager, de Joux et les lacs italiens.

Les voitures privées, en Suisse, sont assez chères. Mais les diligences postales, qui desservent les routes dans les pays où ne pénètre pas la voie ferrée, sont très commodes. Comme sur les chemins de fer, on y a appliqué le système des billets d’aller et retour, valables trois jours avec une réduction de 10 pour 100, et des abonnemens, valables pour trois mois avec une réduction de 20 pour 100. L’administration des postes fournit également des voitures et des chevaux de poste sur les principales routes de la Suisse, à condition de les commander au bureau de poste une heure à l’avance. C’est ce qu’on appelle, en Suisse, l’Extraposte.

La Suisse avait été, jusqu’à ces derniers temps, assez peu hospitalière aux nouveaux modes de locomotion, cyclisme et automobilisme. Sous l’impulsion du Touring-club suisse, cet état de choses est en train de changer. Grâce aux démarches de cette société, d’accord avec celles des pays voisins, les cyclistes, membres d’un Touring-club étranger, peuvent entrer en Suisse sans déposer, pour leur machine, le montant des droits de douane. Enfin, elle a organisé l’an dernier la délivrance d’un triptyque pour automobiles, valable six mois, donnant, à la frontière suisse, l’entrée en franchise des droits de douane aux chauffeurs qui en adressent la demande au Touring-club suisse par l’intermédiaire du secrétariat de leur société.

Hôtels et transports sont complétés par une série d’autres avantages très appréciables pour les voyageurs. La poste n’est pas chère (5 et 10 centimes pour les lettres, 5 centimes pour les cartes postales), et les colis postaux, beaucoup mieux organisés qu’en France, sont expédiés et délivrés directement par l’administration des Postes, dans le même délai que les lettres. Au point de vue télégraphique et téléphonique, la Suisse est Je pays le mieux outillé de l’Europe. Les télégrammes ne sont pas obligatoirement déposés à un guichet souvent encombré ; ils peuvent être mis sous une enveloppe, portant le mot « télégramme » et contenant le prix en timbres-poste, et jetés ainsi dans une boîte aux lettres.

Partout le voyageur trouve, et souvent gratis, les renseignemens nécessaires. La Société des hôteliers, le Club alpin suisse, le Touring-club suisse, les compagnies de transport, ont multiplié les agences de renseignemens. Aux guides excellens de Joanne, Bædeker et Murray, s’ajoutent des guides spéciaux, comme le Guide routier de la Suisse, de Spiess, le Touren-Buch de Schaffhouse, etc. Il n’est pas de société de développement, pas d’hôtel un peu important, qui ne distribue gratuitement une foule de brochures, généralement très pratiques, souvent artistiquement éditées, à la fois guide très utile pour le touriste et excellent moyen de réclame. J’ai sous les yeux celle que donne à ses hôtes le Grand-Hôtel des Alpes de Reichenbachfall. La localité en occupe le centre : c’est la part de la réclame ; mais la carte, imprimée en quatre couleurs au 1/150000e, est très claire et vraiment pratique : c’est la part de l’utilité.

La cartographie suisse est, du reste, une des meilleures de l’Europe. L’Atlas topographique de la Suisse, de Siegfried, à l’échelle de 1/25 000e pour la plaine et de 1/50 000e pour la montagne, est une œuvre admirable. Son utilité est encore augmentée par son bon marché, — 1 franc la feuille, — et par la mise en vente de tirages spéciaux pour les régions plus particulièrement consacrées aux excursions. Le voyageur peut consulter en outre la carte au 1/100 000e de Dufour et, pour l’Oberland bernois, la carte des distances au 1/200 000e de Kummerli, qui indique les heures de marche.

Enfin, tous ces avantages sont complétés par une excellente organisation du corps des guides et porteurs, due surtout au Club alpin suisse. Fondé en 1863, ce dernier ne s’est pas borné à des publications et à des excursions. Il a constitué le corps des guides patentés, dans lequel ne sont admis que des hommes ayant subi un examen préalable. Régis par un règlement particulier, munis d’un livret spécial, avec leur signalement, sur lequel le voyageur inscrit ses attestations, les guides suisses forment une corporation des plus honorables. Leur tarif, fort équitable, est publié en trois fascicules : 1° Alpes valaisannes et vaudoises ; 2° Alpes bernoises ; 3° Alpes de la Suisse centrale et orientale, qui sont mis en vente et peuvent être achetés séparément.

Un grand effort, on le voit, a été fait par la Suisse. Nous avons établi, au début de ce travail, qu’il avait été fécond. Résumons-en, encore une fois, les résultats. Les capitaux engagés dans les hôtels, immeubles, meubles et approvisionnemens, représentent environ 600 millions. Après avoir payé, à environ 28 000 employés, près de 20 millions de salaires, après avoir fait la part des annuités de réparation et de vacances, comme aussi de l’amortissement du capital, les hôtels de la Suisse rapportent environ 30 millions de bénéfices nets. Le taux de l’intérêt s’établit donc à 5 pour 100 et paraît assez faible. Mais, si l’on tient compte des bénéfices que procurent en outre à la Suisse les transports, les salaires des guides et porteurs, les achats de toute nature, les dépenses diverses que font les touristes, on se rendra compte que c’est au moins 100 millions que vaut chaque année à ce pays l’exploitation méthodique des voyageurs étrangers.

A la fin de son très intéressant livre sur l’histoire des voyages en Suisse, G. Peyer se pose la question suivante : l’affluence étrangère en Suisse se maintiendra-t-elle ? Et il répond : que des symptômes indéniables paraissent indiquer, sinon une diminution, au moins une non-augmentation dans le nombre des étrangers voyageant en Suisse. « Nous n’avons pas la preuve, dit-il, que les générations futures se plairont en Suisse comme les générations actuelles, ou que notre pays demeurera dans l’avenir l’idéal de la beauté naturelle. Il se peut aussi que l’opinion des médecins se transforme, et qu’au lieu de recommander l’air des montagnes, ils conseillent le séjour au bord de la mer. L’extension, la rapidité et le confort des moyens de locomotion, pourront causer un dommage sérieux à l’industrie des étrangers en Suisse ; on ira, comme déjà on commence à le faire, dans les Alpes autrichiennes, dans les Carpathes, en Suède, en Norvège, etc. »

Qu’il me soit permis d’ajouter : on ira en France, et on aura raison.

Nul pays, en effet, n’offre, dans un espace relativement étroit, une pareille variété de beautés naturelles unie à une semblable profusion de monumens de l’histoire et de l’art. Si l’on aime la montagne, on n’a pas seulement les Alpes de Savoie ou du Dauphiné, égales, sinon supérieures, aux Alpes suisses ; on peut hésiter entre elles et les Pyrénées, comme on peut choisir entre les cimes arrondies des Vosges, que les sapins centenaires revêtent d’un manteau royal, et les puys volcaniques de l’Auvergne, autour desquels rayonnent les vallées vertes, écrins de velours où les églises romanes s’enchâssent comme autant de joyaux. Si l’on préfère la mer, où donc trouver une pareille étendue de côtes, d’un pittoresque si divers, blanches falaises de la Normandie, granits déchiquetés de la Bretagne, plages ensoleillées de la Gascogne, calanques parfumées de la Corse et de la Côte d’Azur ? Et si l’on cherche enfin tout bonnement la campagne ; où donc est-elle plus changeante et plus riante ? Forêts séculaires de l’Ile-de-France, Fontainebleau, Compiègne, Rambouillet ; coteaux plantureux de la Bourgogne : gorges et grottes fantastiques de l’Ardèche et du Tarn ; sol âprement tourmenté du Rouergue, du Limousin, du Quercy ; bords exquis de la Loire, où, dans le jardin de France, les pierres ciselées des châteaux des Valois gardent encore un frisson de volupté élégante et cruelle ; Normandie fraîche et grasse ; Morvan sauvage et sombre, — notre vieux sol gaulois a tous les aspects, tous les charmes, toutes les séductions. L’œuvre de l’homme s’y est, de longue date, ajoutée à la nature. La France a des villes où l’antiquité reste vivante, comme Arles et Nîmes ; elle a des basiliques romanes, comme Caen, Vézelay, Poitiers, Périgueux, Issoire, Le Puy, Toulouse ; elle a ces merveilles de l’art gothique, Rouen, Reims, Amiens, Chartres, Bourges, Beauvais ; ces imposantes ruines féodales de Provins, de Gisors, de Murols et de Coucy.

Notre pays peut, quand il le voudra, retirer du tourisme un produit double ou triple de celui qu’en retire la Suisse. Pour cela, il n’a qu’à suivre, en le perfectionnant encore, le système qui a si bien réussi à nos voisins, qu’à améliorer ses hôtels, ses moyens de communication, toutes les branches, de l’art de voyager.

La première question qui se pose est celle des hôtels. Non pas qu’en France il n’y en ait d’excellens ; mais l’hôtel à la fois propre, confortable, et d’un prix abordable y reste encore beaucoup trop rare. Les hôtels français peuvent en effet se ramener à trois types : l’hôtel de grand luxe, l’hôtel ordinaire, et l’auberge. Le premier, généralement très cher, répond aux besoins et aux goûts de sa clientèle. Situé d’ailleurs uniquement dans les grandes villes ou les stations balnéaires et thermales à la mode, il répond pleinement à sa fonction ; il n’a pas à changer et ne changera pas. Il en est de même, à l’autre bout de l’échelle, des auberges qui, dans les villes, abritent une clientèle d’ouvriers et de paysans. Mais telle n’est pas la situation de l’hôtel ordinaire, dans les villes moyennes ou petites, et de l’auberge dans les bourgs et les villages. C’est là qu’il faut faire, si l’on veut exploiter le tourisme en France, des réformes radicales.

Le fond de la clientèle des hôtels ordinaires en France est constitué par les voyageurs de commerce. Les nécessités de leur profession dictent leurs besoins. Ce qu’ils demandent surtout à un hôtel, c’est d’être central, pour être plus à portée de leurs acheteurs ; d’avoir des propriétaires et un personnel accueillans, auprès desquels ils se renseigneront au besoin ; enfin, de leur donner, pour un prix modique, une table d’hôte abondante et, si possible, délicate, où ils pourront se retrouver et s’informer entre confrères. Peu exigeans en général pour la chambre, ils ne le sont pas du tout pour l’entretien et le service.

Tout autres sont les désirs du touriste. Il recherchera, au contraire, un hôtel paisible et, par conséquent, éloigné du centre des affaires ; il ne demandera des propriétaires et du personnel qu’une correction courtoise sans familiarité ; il préférera, s’il voyage en famille ou à plusieurs, une table séparée simplement servie à la table d’hôte banale ; il voudra un salon décent pour y recevoir une visite, le cas échéant ; il sera surtout exigeant pour la propreté méticuleuse non seulement de sa chambre, mais des pièces communes de l’hôtel, des escaliers, des corridors, et surtout, oh ! surtout, des lavabos et water-closets ; il tiendra à ce que le service soit irréprochable. Toutes les fois qu’on le pourra, il faudra donc prendre son parti entre la clientèle ordinaire des hôtels et la clientèle des touristes, savoir que Tune exclut généralement l’autre, et choisir entre les deux.

Mais cela n’est pas toujours possible, dans les hôtels de petite ville et dans les auberges en particulier. En ce cas, il n’y a pas à hésiter. Ce que nos hôtels et nos auberges doivent réformer avant tout, ce n’est pas le vivre, presque partout suffisant et souvent excellent, c’est le couvert. Dans celui-ci, deux choses sont à considérer, l’installation et l’entretien. Si la première est parfois convenable, le second laisse presque toujours énormément à désirer. Ce n’est pas tout d’avoir un lit avec des draps propres, il faut qu’il en soit de même de toute la literie ; il faut que la table de toilette soit large et commode, l’eau et le linge abondans, les sièges et les portemanteaux solides ; il faut que la pendule donne l’heure et que les sonneries d’appel marchent ; il faut que les portes et fenêtres ferment bien ; il faut surtout que chaque objet soit d’une propreté resplendissante. Le touriste n’exige que les meubles essentiels, mais il veut les sentir soignés journellement. Il préfère avec raison un parquet ciré bien net à un tapis sale, un simple fauteuil canné à un voltaire crasseux. Surtout il faut que cette propreté ne s’arrête pas à la chambre. Je me souviens encore de l’impression exquise que j’ai eue en entrant, à l’auberge du Sappey, dans une simple salle récemment blanchie à la chaux, avec, pour tout ornement, quelques branches de sapin accrochées aux murs, et en m’asseyant devant une modeste table en bois blanc, mais que recouvrait un linge d’une propreté immaculée. Combien j’étais loin de la classique salle à manger des hôtels de petite ville, avec ses faux-bois prétentieux où des générations de voyageurs et de domestiques ont laissé leurs traces, avec les nids à poussière de ses tentures défraîchies, avec sa table d’hôte en pseudo-vieux chêne, recouverte d’une nappe douteuse ! Qu’on ne s’y trompe pas, le développement du1 tourisme en France est, par-dessus tout et avant tout, une question de propreté.

On le comprend et on a déjà beaucoup fait pour y remédier, grâce à trois sociétés dont les efforts sont des plus méritoires, le Touring-Club de France, le Comité d’action pour favoriser les voyages en France et le Syndicat des grands hôtels. Sous l’active et énergique impulsion de son Conseil d’administration, présidé par un homme dont l’esprit est aussi avisé que pratique, M. Ballif, le premier a accompli une œuvre véritablement merveilleuse. Au point de vue spécial des hôtels, il a établi un type de chambre hygiénique qui est déjà adopté dans beaucoup d’endroits ; il a surtout fait la plus utile des réformes en distribuant gratuitement des appareils sanitaires à tous les propriétaires d’hôtels et d’auberges qui faisaient preuve de bon vouloir. Quant au Syndicat des grands hôtels de Paris, il vient, avec le patronage du précédent et sous l’intelligente initiative de son président, M. Brunel, de procéder à la fondation d’un Syndicat général des hôteliers de France et d’une école professionnelle d’hôteliers. Pour les hôtels donc, le mouvement est donné ; il n’y a qu’à le suivre avec méthode et persévérance.

Mais, s’il reste encore des progrès à accomplir de ce côté, nous sommes peut-être moins loin du but en ce qui concerne les moyens de communication. On a une tendance, en France, à se plaindre constamment des compagnies de chemins de fer. C’est une des formes de ce travers de notre caractère national qui nous pousse à nous dénigrer nous-mêmes. Si l’on cherchait bien, d’ailleurs, on s’apercevrait rapidement que, de même que les touristes les plus exigeans à l’hôtel sont ceux dont la vie familiale est le plus médiocre, de même ceux qui abaissent nos chemins de fer devant la prétendue supériorité de l’étranger n’ont jamais franchi la frontière ni connu un wagon anglais, allemand ou suisse autrement que par les affiches illustrées des agences de voyages. On oublie, en matière de voies ferrées, que nous avons les express les plus rapides ; que, si, dans certaines compagnies, le matériel est encore trop arriéré, dans d’autres, comme l’Orléans et le P. -L. -M., il est égal pour les secondes et les premières, supérieur pour les troisièmes, au meilleur matériel étranger, et que, partout, on tend à le perfectionner ; on oublie que notre personnel est, à de rares exceptions près, parfaitement obligeant et serviable ; on oublie surtout la franchise des 30 kilos de bagages, grâce à laquelle on évite cet encombrement par les valises et les paquets, un des désagrémens du voyage en Suisse ou en Italie, dont rien en France ne saurait donner l’idée.

Est-ce à dire qu’il ne reste pas des réformes à faire, des améliorations à apporter ? Assurément non. Le matériel roulant peut et doit se perfectionner encore. Mais les perfectionnemens doivent surtout porter sur les facilités données aux voyageurs. Comme le disait récemment un ancien ministre des Travaux publics, M. Pierre Baudin : « Si importans qu’aient été les progrès accomplis au cours de ces dernières années dans l’art de transporter la marchandise encombrante et récalcitrante, la marchandise qui réclame, les administrateurs des réseaux de chemins de fer ne doivent pas être embarrassés quand l’ambition leur vient de mériter un peu de popularité. » Que, comme en Suisse, ils prolongent jusqu’à dix ans l’âge donnant droit à la demi-place. Qu’ils augmentent la durée de validité des billets d’aller et retour. Qu’ils réduisent au minimum le formalisme qui préside à la délivrance et au contrôle des tickets. Qu’ils développent le plus possible les divers systèmes de billets circulaires, de famille, d’excursions, etc. ; surtout, qu’ils généralisent, dans des conditions pratiques et économiques, la carte de circulation déjà en usage sur le réseau de l’Etat. Je ne saurais, comme M. Pierre Baudin, leur promettre à coup sûr la popularité, chose capricieuse et généralement aveugle, mais du moins je crois pouvoir leur assurer de sérieuses augmentations de recettes.

Du reste, à côté des chemins de fer, il y a les routes, qui, par ce temps de cyclisme et d’automobilisme, tendent à reprendre une réelle faveur. Là, plus encore, nous n’avons rien à envier à l’étranger. Les routes de France ne sont pas seulement les plus pittoresques, elles sont les mieux tracées, les mieux construites et les mieux entretenues du monde. Aux efforts de notre admirable corps d’ingénieurs et de conducteurs des Ponts et Chaussées, le Touring-Club et l’Automobile-Club joignent les leurs. Par leurs soins, des poteaux indicateurs sont plantés ; des bancs rustiques, des abris, installés ; la route de la nouvelle Corniche est due à l’initiative du Touring-Club, comme on lui doit les essais sur le goudronnage des routes et cette œuvre, si juste et si humaine, la caisse de secours des cantonniers.

Mais, si nous avons, au point de vue des routes, une supériorité acquise qui ne peut que se maintenir, il nous reste beaucoup à faire sur d’autres points. Les voitures privées, en France, sont en général confortables et à meilleur marché qu’en Suisse : mais nos voitures publiques sont médiocres. C’est à l’automobilisme, cette industrie essentiellement française, qu’il appartient d’apporter le remède. Pourquoi les grandes maisons d’automobiles n’organiseraient-elles pas, dans les régions pittoresques de la France non encore desservies par les chemins de fer, des services réguliers pendant la saison du tourisme ? Ce pourrait être pour elles une affaire rémunératrice ; ce serait à coup sûr une excellente réclame.

Un effort plus grand encore doit être tenté, si nous voulons égaler la Suisse en ce qui concerne les Postes, les Télégraphes et les Téléphones. Le développement des réseaux, rabaissement des tarifs, l’augmentation du nombre des bureaux auxiliaires, le transport des colis postaux avec la même vitesse que les lettres, sont des mesures qui seront accueillies avec reconnaissance par toutes les classes de la population ; elles sont indispensables au développement du tourisme.

Avec de bons hôtels, de bons transports, des facilités de correspondance, le touriste a l’essentiel. Il lui est pourtant presque aussi nécessaire d’être bien renseigné. Nous avons en France une fort bonne collection de guides, fondée par un homme qui fut un très méritant précurseur, M. Adolphe Joanne, et dignement continuée par son fils. La partie française de cette collection, constamment perfectionnée et tenue à jour, n’a rien à envier aux Baedeker et aux Murray. Ses rédacteurs pourraient cependant recourir plus souvent à l’obligeance éclairée des savans et des érudits locaux. C’est à eux, justement, qu’a fait appel M. M. Boule pour la collection dont le livre sur Le Cantal, publié en commun par nous deux en 1898, a été l’origine et dont il a pris la direction, en 1900, avec un volume de MM. Gord et Viré sur La Lozère et les Causses. D’autres publications, Guides Conty, Guides Mi-riam, sont aussi très recommandables, et je me reprocherais de ne pas avoir un mot d’éloge pour les livres, si agréables et si documentés, de M. Ardouin-Dumazet.

Nos cartes ne valent pas nos guides. La carte de l’Etat-major au 1/80 000e constituait, à son établissement, un monument incomparable de la cartographie française. L’étranger nous a depuis dépassé, et ce n’est pas la carte de l’Intérieur au 1/100 000e, si imparfaite comme figuré du terrain, qui nous fera reprendre notre rang. Espérons que les travaux de notre service géographique de l’armée nous doteront enfin de la nouvelle carte au 1/50 000e si impatiemment attendue. Signalons. sa nécessité urgente à nos cartographes, et aussi l’importance qu’aurait pour le tourisme la publication de parties séparées de cette carte, embrassant toute une région particulièrement pittoresque et fréquentée.

Quand, à ces diverses réformes, nous aurons ajouté, pour toutes nos régions montagneuses, un bon corps de guides et de porteurs, tel que celui qui existe déjà à Chamounix, nous n’aurons rien à envier à la Suisse au point de vue de l’outillage de l’industrie du tourisme.

Si ces réformes sont faites, et si l’industrie nouvelle du tourisme s’organise ainsi en France méthodiquement et pratiquement, quel peut en être le résultat ? Il y aura d’abord un résultat matériel. Si l’on considère, en effet, qu’outre ses massifs montagneux, la France a ses côtes, on peut supposer hardiment qu’elle arrivera à retirer du tourisme le double de ce qu’en retire la Suisse, soit environ 200 millions par an. Il y aura ensuite un résultat moral. Lorsque les étrangers ne se contenteront plus de venir s’amuser dans les milieux cosmopolites de Paris ou des villes d’eaux, lorsqu’ils verront de plus près notre pays, avec les qualités de travail, d’épargne et d’intelligence de ses habitans, ils prendront une autre idée de nous. Ils ne nous en aimeront peut-être pas plus, mais ils nous en estimeront et nous en respecteront davantage. Nous avons tout à gagner à être mieux connus.

Est-ce à dire que nous devons purement et simplement imiter la Suisse ? Certes non. Sachons profiter de ce qu’elle a fait, en restant nous-mêmes. Ayons des hôtels tenus comme les siens, mais gardons notre cuisine, saine et fine à la fois ; offrons à nos hôtes non pas seulement le banal menu que l’on trouve partout, mais les mets locaux que chacune de nos provinces a conservés comme une agréable tradition. Soyons méthodiques comme la Suisse, mais sachons l’être avec souplesse et distinction. Souvenons-nous que la France est la terre de la bonne grâce et du sourire. Pour tout résumer d’un mot, recevons l’étranger, non pas avec l’empressement correct et banal d’un hôtelier, mais avec la courtoisie à la fois cordiale et réservée d’une vieille race, qui, sachant ce que vaut son domaine, en fait galamment les honneurs.


LOUIS FARGES.


  1. Ouvrages consultés : — G. Peyer, Geschichte des Reisensin der Schweiz, Bâle, 1885, in-8°. — Coolidge, Swiss tIravel and Swiss Guide-Books, Londres, 1889, in-8°. — Ebel, Manuel du voyageur en Suisse, 3e édition, Zurich, Paris et Genève, 1818, 3 vol. in-88. — Éditions successives des guides Joanne, Baedeker et Murray. — Rapports annuels et publications de la Société suisse des hôteliers. — Revue du Touring-Club de France, etc.
  2. Ouvrages consultés : — G. Peyer, Geschichte des Reisensin der Schweiz, Bâle, 1885, in-8o. — Coolidge, Swiss tIravel and Swiss Guide-Books, Londres, 1889, in-8o. — Ebel, Manuel du voyageur en Suisse, 3e édition, Zurich, Paris et Genève, 1818, 3 vol. in-88. — Éditions successives des guides Joanne, Baedeker et Murray. — Rapports annuels et publications de la Société suisse des hôteliers. — Revue du Touring-Club de France, etc.
  3. Voyez le Temps du 7 avril 1902.
  4. Commentarius de Alpibus, Zurich, -1575, in-8o, réimp. par les Elzévirs en 1633.
  5. Topographia Helvetiæ, Rhetiæ et Valesiæ, Francfort, 1642, in-folio.
  6. Causeries du Lundi, t. VIII, pp. 336-337.
  7. Handbuch für die Reisenden durch die Schweiz, Zurich, 1787-1789, in-8o.
  8. Guide pour les voyageurs en Suisse, Zurich, 1823, in-8o.