Une Grande Colonie anglaise - Organisation de l’empire hindou

Une Grande Colonie anglaise - Organisation de l’empire hindou
Revue des Deux Mondes5e période, tome 29 (p. 682-707).
UNE
GRANDE COLONIE ANGLAISE

ORGANISATION DE L’EMPIRE HINDOU

On nous a souvent reproché de réserver en quelque sorte le monopole de notre attention aux choses de la politique intérieure et de n’accorder qu’une oreille distraite, qu’un regard indifférent à ce qui se passe de l’autre côté de nos frontières. Le grief n’est pas sans une apparence de vérité, et nous sommes obligés de convenir que les questions étrangères n’éveillent point d’ordinaire dans l’esprit de nos concitoyens toute la curiosité qu’il faudrait. Sur la foi d’une documentation insuffisante, ceux-ci acceptent trop volontiers des jugemens hâtifs et les résument en formules. De là, une tendance regrettable soit aux dédains irréfléchis, soit aux admirations conventionnelles qu’inspirent parfois uniquement la mode et le snobisme. Cette légèreté, dont nous avons déjà pâti gravement en maintes occasions, devient un vrai péril depuis que nous nous sommes si fort engoués d’expansion coloniale et que nos hommes politiques se sont mis en tête de nous grever d’un immense empire exotique. La plus élémentaire prudence nous commande de savoir ce qui se passe sur les terres lointaines où se donnent carrière en ce moment les ambitions du monde entier. Or, de tous les peuples qui sont nos rivaux et nos concurrens, celui qu’il nous importe le plus de bien connaître, celui dont nous avons le plus grand intérêt à bien analyser au point de vue de la colonisation la puissance la faiblesse, les qualités et les défauts, c’est incontestablement le peuple anglais qui, perpétuellement, et dans les diverses régions du globe, se trouve en contact avec nous.

Exposer, fût-ce d’une façon très sommaire, l’ensemble du système colonisateur anglais, ne m’est pas possible ici. Mais, à défaut d’une vue d’ensemble de cette énorme machine administrative, je voudrais essayer d’en donner une idée. Cette étude restreinte ne me paraît pas dénuée d’intérêt, parce que, si la machine possède des rouages infiniment variés, chacun d’eux forme un tout complet, original, autonome dans son fonctionnement.

Et voilà déjà un premier fait où apparaît la différence entre la méthode suivie par nos voisins et celle que nous employons. Eux et nous, nous ne sommes pas partis du même pied, nous ne marchons point à la même allure et nous n’envisageons point le même but.

Notre idéal est l’assimilation, le leur est l’adaptation.

Je m’explique.

Amoureux de la symétrie, nous imposons à nos colonies des règlemens conçus d’après un type uniforme ; nous voulons faire de nos possessions d’outre-mer des Frances prolongées et de pseudo-départemens. C’est l’assimilation.

Les Anglais ne sont pas hantés de semblables préoccupations et ne cherchent nullement à reproduire par-delà les océans des comtés agrandis ou réduits. Loin de travailler à créer d’après le modèle métropolitain leurs législations exotiques, ils les confectionnent, — si j’ose m’exprimer ainsi, — sur place et sur mesure, en se servant des élémens locaux et en tenant compte de la mentalité, du génie national, des ancestrales traditions des peuples auxquels elles sont destinées. C’est l’adaptation.

Mais, tandis qu’avec bonhomie, le colon français installe à son foyer les mœurs et les coutumes des peuples conquis, devenus des frères, les Anglais se cantonnent orgueilleusement dans la supériorité de leur civilisation occidentale et ne changent, sous. aucun prétexte, quoi que ce soit à leur genre de vie ordinaire.

Les deux systèmes aboutissent donc à ceci :

Du côté français, rigidité dans les procédés administratifs et abdication presque complète de la prédominance métropolitaine ; du côté anglais, souplesse extrême du joug officiel et maintien implacable de la suprématie européenne.

D’où une illusion d’optique. Rien, en apparence, ne ressemble davantage à une colonie anglaise entrevue qu’une autre colonie anglaise, — partout la même architecture, le même stand, le même club ; tandis que rien, extérieurement, ne diffère davantage que deux colonies françaises, avec leurs changemens d’aspect, d’usages, d’existence. L’observateur superficiel et mal averti risque donc d’être victime d’un mirage, de voir l’opposé du réel et de se former une opinion contraire à la vérité.

Aussi, quand on veut comparer nos œuvres colonisatrices avec celles de nos émules et, de cette comparaison, essayer de tirer des enseignemens tant soit peu fructueux, il importe de se défendre contre un semblable danger d’erreur. C’est ce que je vais m’efforcer de faire, en demandant au lecteur de visiter avec moi l’un des champs d’expérimentation où l’ingénieuse et pratique activité des Anglo-Saxons a pu, mieux que partout ailleurs, se donner libre carrière : je veux parler de l’Inde, joyau du globe, immense et magnifique région dont le développement économique influence, par l’effet d’un choc en retour, la richesse et la prospérité britanniques.


I

L’Inde, abstraction faite de la Birmanie[1], est plus grande que l’Europe entière et beaucoup plus peuplée, puisque sa superficie est de 4 144 000 kilomètres carrés et le nombre de ses habitans d’à peu près 258 millions. Sir Alfred Lyall, dans ses Asiatics studies, me semble avoir très bien défini le point de vue auquel il convient de se placer pour en entreprendre l’étude : « Quand on saura, dit-il, sous quelle domination vit un individu, en quel pays il respire, on sera médiocrement éclairé à son égard ; on ignorera tout de sa nature physique et morale, de sa race, de son état social, de ses mœurs, de ses coutumes ; et parce qu’on connaîtra le gouvernement auquel il appartient en qualité de sujet, on ne sera pas mieux renseigné, car le gouvernement, résultat d’un concours de circonstances, n’est qu’un arrangement accidentel… »

En effet, il n’y a pas, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de « people of India. » Cette expression, quoiqu’on s’en serve couramment, est un simple non-sens ; elle exprime une pure et simple fiction.

Au moment où les Anglais devinrent maîtres de l’immense continent, ils se trouvèrent en présence d’agglomérats humains nés du hasard des conquêtes et demeurés, par la seule force de l’habitude, en état de fragile cohésion, mais d’ailleurs absolument artificiels et ne répondant pas plus à un besoin national quelconque qu’à de logiques groupemens d’intérêts. Ici et là, comme des troupeaux parqués en des lots différens, des millions d’hommes étaient réunis sous l’autorité de chefs dont l’absolutisme se parait, suivant leur degré d’importance, de titres plus ou moins fastueux : princes, rajahs, nababs, sultans, empereurs ; et, depuis les temps historiques, les choses n’avaient cessé d’être ainsi, soit que les dominateurs fussent désignés sous le nom de Perses, Macédoniens ou Parthes, ou qu’ils se nommassent Tartares ou Mogols.

Néanmoins, — phénomène curieux, — cette énorme masse d’hommes, hétéroclite quant à la race et divisée par le jeu capricieux des événemens en de multiples tribus éparses, constamment prêtes à se disperser, créa une civilisation admirablement homogène, extraordinairement harmonieuse, qui, après avoir éclairé le monde pendant des siècles, est encore intacte et paraît inébranlable. D’un bout à l’autre de leur immense pays, des cimes éternellement glacées de l’Himalaya aux rives brûlantes du cap Comorin, les Hindous n’ont cessé de tourner les yeux vers le même idéal et de travailler, avec une persévérance inouïe, à construire, à fortifier un monument social qui leur fût commun.

De quelle manière expliquer ce mélange de docilité vis-à-vis de l’étranger conquérant et d’opiniâtreté énergique dans la défense de la personnalité ?

Par ce fait que le royaume auquel les Hindous font, dans leur cœur, le serment d’allégeance « n’est point de ce monde » et que le mobile, inspirateur de leurs pensées et de leurs actes, n’est pas d’essence politique ; c’est sur le seul fondement de la foi religieuse que la féodalité purement sociale fondée par eux a entassé les échelons innombrables de la hiérarchie millénaire.

Aussi, le gouvernement anglais n’eut-il pas à redouter de se heurter à l’orgueil national, puisque, là-bas, il ne rencontrait ni nationalités, ni patriotisme. En revanche, il avait besoin d’avoir la main extrêmement légère pour éviter de blesser les susceptibilités d’une dévotion très profonde, très ombrageuse, et de s’aliéner les castes privilégiées, — surtout la caste sacerdotale des Brahmes, toute-puissante sur les esprits et sur les âmes.

La situation était donc celle-ci : liberté d’action presque absolue à d’égard des pouvoirs politiques établis ; obligation stricte de respecter, voire même de soutenir les pouvoirs spirituels.

Le bon sens britannique comprit cela très nettement et jugea qu’il pouvait imposer, sans hésitation, à sa nouvelle colonie telle organisation politique, administrative, judiciaire qu’il voudrait, à la condition expresse de ne pas toucher à la constitution de sa société théocratique. De là naquit un « home government, » à la fois novateur et traditionnel, c’est-à-dire dont la principale qualité est de refléter les idées ambiantes. Ce gouvernement devait savoir tenir compte, non seulement de la grande diversité ethnique, mais encore de la grande diversité climatologique d’un pays qui, suivant l’expression de M. Blaford, « présente, à la même date et sous la même latitude, des contrastes aussi violens que ceux dont la surface entière de notre planète offre le témoignage. »

Le meilleur moyen d’éviter ces deux écueils parut être d’entrer dans la voie d’une très large décentralisation et, dès qu’on eut adopté ce parti, on en fit la base essentielle du système. Grâce à lui, nous avons le spectacle d’une région plus vaste que la superficie de nombreux royaumes administrée sagement, et sans qu’aucune velléité de résistance se manifeste, par quelques fonctionnaires européens.

D’ailleurs, ce ne fut qu’en 1861, et après des tâtonnemens inévitables et beaucoup de tergiversations, que la méthode actuellement appliquée reçut sa forme précise et définitive. On s’inspira, pour en tracer les grandes lignes, de l’organisation de l’East Indian Company, consacrée par l’act de 1773.

Le territoire était alors réparti en trois grandes circonscriptions, les Présidences du Bengale, de Bombay, de Madras, qui devaient ce titre à ce qu’elles étaient gouvernées par des conseils, dont les présidens personnifiaient les pouvoirs et promulguaient les décisions. Mais la situation étant devenue menaçante et la nécessité s’étant imposée d’unifier la direction politique et militaire, l’Act de 1773 investit le président du Comptoir du Bengale[2] d’une certaine autorité sur ses collègues de Bombay et de Madras et lui conféra le titre de Governor-General in Council of Bengal, titre changé, par le bill de 1833 qui renouvela les privilèges de la Compagnie, en celui de Governor General of India in Council. Mais, pas plus que Warren Hastings, le gouverneur général de 1833 ne possédait de réelle initiative ; il ne pouvait rien faire sans son conseil, sans le Board of control, sans l’assentiment des directeurs londoniens. C’était un souverain ultra-constitutionnel, un chef nominal, un personnage plus décoratif qu’agissant, dont la volonté était souvent paralysée. Les responsabilités s’éparpillaient, on bavardait beaucoup, on ne s’entendait guère. A cet organisme trop compliqué manquait une âme. Ce défaut se manifesta d’une façon tragique lors de la célèbre insurrection des Cipayes (1857), qui donna aux Anglais les plus grandes inquiétudes et faillit causer le plus irrémédiable désastre.

La leçon était rude : elle ne fut pas perdue. Dès l’année qui suivit, un projet de bill for the better government of India fut soumis au parlement et celui-ci s’empressa de le voter. Le bill opérait une coupe sombre dans les Offices de l’administration indienne, déblayait largement le terrain autour de l’exécutif, coupait ses plus gênantes entraves, — comme le Board of control, — et chargeait, dans des conditions que j’indiquerai tout à l’heure, un secrétaire d’Etat de servir d’intermédiaire entre la métropole et sa colonie. Ces mesures, toutefois, ne constituaient qu’une amélioration provisoire et le bill de 1858 ne fut qu’un précurseur. La charte administrative de l’Inde, la vrai base et l’armature du système actuel, c’est l’Indian council act de 1861, qui mérite l’épithète d’admirable.

L’Indian Council Act maintint aux présidences de Bombay et de Madras leur dénomination et leurs limites. Quant à celle du Bengale, il la divisa en huit provinces, mais fit de son chef-lieu, Calcutta, la capitale de l’Inde entière. Les nouvelles circonscriptions comprenant uniquement et exclusivement les territoires d’administrations directes, c’est-à-dire ceux qui appartiennent en propre à la Couronne, le reste du continent demeura, de façon plus ou moins nominale, comme nous l’allons voir, sous l’autorité des princes indigènes.


II

Le gouvernement général et les deux présidences sont réservés à des personnages marquans de l’aristocratie et de la politique, presque toujours très riches, habitués au grand luxe et qui forment une sorte de triumvirat administratif supérieur en lequel les Hindous voient une incarnation politique analogue à leur « Trimourti » sacrée : Brahma, Vichnou, Siva.

Le gouverneur général, qu’un usage ayant force de loi désigne plus ordinairement sous le titre de vice-roi, représente une sorte de Brahma, le dieu un peu impersonnel et théorique, le Tout, le Père des êtres. Il plane dans les nuées et « l’immense majorité des populations se doute à peine de son existence ; de temps en temps seulement elle aperçoit un rayon de la majesté du grand lord Sahib[3]… » Jamais il ne se montre qu’entouré d’un appareil fastueux, impressionnant, et lorsqu’on voit passer à l’horizon, traversant en foudre les vastes plaines, son train spécial que précède un autre train chargé d’arroser la voie et de parfumer l’atmosphère, on chuchote en écarquillant les yeux : Voilà le maître mystérieux des hommes et des choses.

Les deux autres gouverneurs qui rappellent Vichnou, Siva, sont des divinités plus concrètes qui, tout en étant fort réservées dans leurs manifestations et ne se mêlant pas au populaire, regardent la foule de moins haut. Mais n’allez pas croire que le Government House de Bombay et celui de Madras soient des maisons où l’on pénètre facilement et où, suivant la conception que nous nous faisons des demeures appartenant à l’Etat, chaque citoyen qui y est admis ait le droit de se croire chez lui. Il règne, au contraire, en ces palais une étiquette sévère, et pour parvenir jusqu’au cabinet de travail où His Excellency the Governor accueille très courtoisement les visiteurs munis d’une lettre d’audience, on est obligé de passer des attachés aux secrétaires, des officiers d’ordonnance aux aides de camp, tous fort corrects, mais aussi nombreux que chez un souverain. Nous sommes loin de la simplicité ultra-démocratique de nos délégués.

Les Anglais, — et il faut les en louer, — sont très fiers, très jaloux, du prestige de leur représentant, et chacun des loyaux gentlemen qui met un patriotique amour-propre à en rehausser l’éclat, pense, avec infiniment de raison, que le moyen le plus efficace d’apprendre à l’indigène le respect de la race dominatrice est d’honorer publiquement, de placer au-dessus de toute discussion de coterie la personne de celui que le gouvernement a délégué pour représenter le pouvoir métropolitain. C’est le vice-roi, dont on peut résumer les droits et les devoirs en disant qu’ils lui donnent sur l’administration de l’Empire des Indes une part d’action à la fois très restreinte et cependant de première importance. Quelques détails techniques vont montrer qu’il n’y a là qu’une apparente contradiction.

Le vice-roi est assisté d’un Conseil privé, sorte de Cabinet ministériel, composé de six membres, qui se partagent les diverses catégories d’offices, et dont chacun a sous ses ordres un secrétaire faisant fonction de sous-secrétaire d’État. Toutefois, il ne faudrait pas prendre au pied de la lettre la définition que je viens de donner de ces attributions, car si les membres du Conseil privé ont la même responsabilité, la même autorité sur le personnel que des ministres, ils ne possèdent pas tous les mêmes privilèges. La différence capitale de leurs situations respectives consiste en ce que, si le vice-roi en de certaines circonstances, — telles la promulgation des lois, — a besoin du concours de son Conseil privé et si, en d’autres cas, il est obligé de prendre son avis, sa liberté de décision reste entière et peut s’exercer, quand cela lui convient, dans n’importe quelle branche de l’administration intérieure. Les conseillers privés sont donc des ministres à la façon de ceux de l’ancienne monarchie, beaucoup plus qu’à la manière actuelle. Le vice-roi règne et gouverne.

Parmi les six conseillers privés dits « ordinaires, » trois appartiennent au Civil Service, le quatrième est un officier général auquel est départi le War Office ; ces quatre conseillers doivent compter au moins dix années de séjour effectif dans l’Inde. Le cinquième, chargé du département législatif, est un Barrister et doit en posséder le brevet depuis cinq ans au moins. Le sixième est un ingénieur qui, naturellement, dirige les travaux publics.

Les gouverneurs des présidences, ainsi que le généralissime des troupes de l’Inde, sont membres « extraordinaires » du Conseil et, lorsqu’ils y siègent, ils ont voix consultative et délibérative.

Ce Conseil privé n’a pas de lieu fixe de réunion ; il s’assemble légalement partout où le vice-roi juge à propos de l’emmener, grâce à la fiction qui transforme en capitale momentanée l’endroit, ville, bourg ou village, qui sert de résidence à S. E. le vice-roi. Néanmoins il peut, même en l’absence du gouverneur général, siéger à Calcutta ; il est alors présidé par un de ses membres, délégué spécialement. Mais en ce cas, — et il y a là une règle très originale, — le vice-roi conserve l’intégralité de ses pouvoirs ; le délégué occupe le fauteuil, dirige les débats ; à cela seulement se bornent ses fonctions intérimaires.

L’adjonction d’un certain nombre de membres « additionnels » métamorphose le Conseil privé en Conseil législatif et le Cabinet exécutif en Parlement.

Les membres « additionnels, » qui sont nommés par le vice-roi, doivent être choisis, pour la moitié au moins, parmi les notables non fonctionnaires, tant Européens qu’indigènes. Comme ils ne dépassent pas une douzaine en tout, l’élément officiel est en majorité, ce qui n’empêche pas l’élément civil et natif de faire bonne figure et d’être à même d’apporter le contingent d’une utile collaboration.

L’Assemblée législative est munie de pouvoirs très étendus et qui, dans toute question touchant aux intérêts généraux de l’Inde, ne sont limités que par les prérogatives constitutionnelles du Parlement et de la Couronne. On ne lui oppose de veto que si elle essaie de franchir ces frontières. Ai-je besoin d’ajouter qu’étant donnée la composition de l’Assemblée délibérative vice-royale, on n’a jamais l’occasion d’employer l’arme du veto ?

Les décisions du Conseil législatif sont exécutoires dès qu’elles ont été revêtues de la sanction du gouverneur général.

Ainsi se trouve ingénieusement simplifié le fonctionnement qui, ailleurs, paraît si difficile à organiser, du principe de la séparation des pouvoirs. On a trouvé, dans l’Inde, une manière éminemment pratique de le présenter sous deux aspects différens : il est tantôt ministère homogène et tantôt se transforme en parlement.

L’une et l’autre assemblées réalisent un idéal rarement atteint, celui de n’obéir qu’à la seule passion du bien public, de ne s’inspirer que du désir absolument désintéressé de faire pour le mieux et de discuter avec calme et courtoisie des questions dans lesquelles leur compétence est indéniable. Bien entendu, la politique est absente de ces délibérations, car elle n’aurait que faire parmi des gens qui, n’ayant à plaire à personne, opinent dans la plénitude de leur indépendance.

— Quoique fonctionnaires ? dira-t-on.

— Oui, et même parce que fonctionnaires, car dans ‘l’Inde le fonctionnarisme, au lieu d’asservir ceux qui en font partie, leur confère de toutes spéciales garanties de liberté morale.

Ceci posé, quel est le rôle de la vice-royauté à l’égard des deux présidences et des huit gouvernemens provinciaux ? Je ne parle pas des Native States afin de ne point compliquer la question.

Ce rôle est très facile à définir.

Le vice-roi et le conseil vice-royal s’occupent exclusivement des affaires « impériales, » c’est-à-dire de celles intéressant les services dont le fonctionnement doit être un et qui présentent un caractère d’utilité générale, comme : la dette publique, les douanes, les taxes « impériales, » le change, les patentes, les postes et télégraphes, la défense militaire et navale, les relations extérieures, le Code pénal, les cultes, la propriété littéraire, etc. Rien de plus sage, car si chaque gouvernement avait le droit de traiter à son point de vue spécial ces divers objets, on ne ferait plus de la décentralisation, mais de l’irrédentisme ; on n’aboutirait point à l’autonomie des provinces, mais à leur dislocation, « puisque, entre elles, se dresseraient des murailles douanières et judiciaires ; ce serait ‘l’incohérence et le chaos.

Comment pourrait-on, sans unité de direction dans la politique tant intérieure qu’extérieure et dans l’organisation des grands services publics, instituer un plan d’ensemble, équilibrer les multiples forces mises en action ? Un régulateur suprême, une autorité qui coordonne les élémens épars et les lie en faisceau sont donc nécessaires. Telle est la tâche incombant au vice-roi. Il est le gardien du pacte, il donne l’impulsion, il indique le but auquel doivent tendre les communs efforts et, par le fait même qu’il possède les attributs de la souveraineté, il domine les ambitions, empêche les conflits, oblige chacun à se cantonner dans son domaine où, d’ailleurs, il n’intervient point.

L’organisation des Présidences de Bombay el de Madras est conforme à celle que je viens d’indiquer : conseil privé qui se mue en conseil législatif lorsqu’il est complété par l’adjonction des membres « additionnels » dont le nombre est de quatre au moins et de huit au plus : gouverneurs qui tantôt avec l’assistance du Conseil, tantôt motu proprio, tranchent souverainement toutes les questions ayant un caractère local, Conseils législatifs qui peuvent librement innover, tailler et rogner en matière budgétaire, créer ou supprimer des taxes, des subventions, voter des dépenses, modifier la réglementation locale, etc. ; mais ne doivent jamais s’aventurer dans le domaine réservé au gouvernement général. A l’instar de l’Assemblée vice-royale, qui n’a pas le droit de toucher aux Acts du Parlement métropolitain, les Conseils législatifs de présidences n’ont pas le droit de toucher aux Acts vice-royaux. Ils sont maîtres de tout ce qui n’est pas « impérial, » comme l’autre pouvoir est indépendant à l’égard de tout ce qui n’est pas constitutionnel.

Les gouverneurs de Bombay et de Madras ainsi que les membres de leur Privy Council, sont nommés par décret de Sa Majesté. Ils correspondent directement avec Londres. Ils possèdent donc le maximum d’autorité et d’indépendance compatibles avec le maintien de l’unité ; et cela est singulièrement propre à stimuler leur zèle, à mettre en relief leur valeur personnelle, à exciter chez eux le noble désir de marquer leur passage dans l’Inde par quelque acte digne de la reconnaissance des populations.

Un mot maintenant sur le gouvernement des huit provinces. Elles ont pour chefs des fonctionnaires de carrière nommés, avec approbation de Sa Majesté, par le vice-roi et portant, les uns le titre de « lieutenant-gouverneur, » — comme au Bengale, au Penjab, dans la province de l’Ouest, — les autres celui de Chief-Commissioner, — comme en Birmanie, dans les Provinces centrales, etc., — qualificatifs qui ne correspondent point à une différence dans les attributions, mais seulement à des différences de hiérarchie, de solde et de retraite.

Lieutenans-gouverneurs et Chief-Commissioner n’adressent point de rapports directs à la métropole ; mais s’ils sont liés au gouvernement général par un lien plus étroit que les Présidences, si, au lieu d’être dirigés sur le Colonial Office, leurs papiers administratifs sont envoyés à Calcutta, ne croyez pas qu’ils aient, dans leur circonscription, moins d’initiative que les gouverneurs de Bombay et de Madras dans leurs énormes satrapies.

Entre ces délégués et leurs deux grands collègues, il y a une question de préséance et surtout une question d’origine, puisque, comme je l’ai dit, ces derniers doivent à leur rang social et à leur situation parlementaire d’arriver directement à la position éminente qu’ils occuperont pendant cinq ans, alors que les autres parviennent à leur grade, étape par étape. Ces distinctions échappent aux natifs, car la main qui les dirige est aussi ferme, aussi vigoureuse, aussi bien armée dans les provinces que dans les Présidences. Je dirai même que les lieutenans-gouverneurs, dont la période de séjour n’est pas limitée et qui ont pu acquérir une expérience plus complète, possèdent, en général, une influence morale plus grande sur leurs administrés et contractent, vis-à-vis du pays où ils ont passé leur jeunesse, où s’écoulera leur âge mûr, des liens de réciproque affection que ne sauraient former au même degré des missi dominici relativement éphémères.


III

Pour compléter ce que je viens de dire au sujet de la répartition de la puissance directrice dans les provinces, il est indispensable de donner ici quelques courtes indications relatives au fonctionnement des rouages qui font mouvoir l’ensemble du système.

Parmi les grands services, parlons d’abord de l’Armée.

Trois élémens, de valeur très inégale, la composent : le contingent européen, le contingent hindou qui forment les troupes régulières, le contingent fourni par les Native States (Etats indigènes), et qui forme les troupes auxiliaires. En voici les proportions : 72 000 Anglais, 157 000 Indiens, soit 229 000 hommes pour l’active ; 380 000 hommes et quatre mille pièces de canon pour la réserve. Ce total, qui dépasse, comme on voit, six cent mille hommes, paraît de nature à faire face à toutes les éventualités, mais il n’est formidable que sur le papier. A part les soixante-douze mille Anglais et quelques régimens de Sicks, l’armée régulière est de second ordre ; quant à l’armée auxiliaire, excepté le contingent de l’État de Gwalior, elle ne comprend que des mercenaires dépourvus d’instruction et dont le principal emploi consiste à parader. L’armée indienne est donc une illusion. Comment, d’ailleurs, en serait-il autrement, puisqu’elle se recrute parmi des gens réfractaires à l’idée de patrie, indifférens à la forme du gouvernement qui les régit et, par conséquent, n’ayant aucune raison d’être prêts à s’immoler pour la défense de l’un ou de l’autre ? Ce magnifique appareil militaire, entretenu à grands frais, a pour but de faire croire que l’empire de l’Inde serait capable de résister à une invasion. Heureusement pour lui, la nature lui a donné une protection plus efficace que cet appareil simili-guerrier, l’Himalaya.

Les troupes indo-européennes sont, comme au temps de l’East Indian Company, divisées en trois corps que commande un généralissime, lequel est aussi chef de l’armée du Nord. Tous les officiers de l’armée active appartiennent à l’Indian Staff Corps, état-major très fermé, accessible seulement à des candidats ayant subi des examens fort sévères et justifié de la parfaite connaissance de plusieurs langues indigènes (sanscrit, hindoustani, bengali, tamoul, etc.). Chaque grande circonscription militaire possède son Staff Corps particulier, car on tient à ce que les officiers acquièrent, en résidant continuellement dans la même région, une expérience approfondie des usages, des préjugés, de la mentalité des peuples auxquels Ils ont affaire, ainsi que de la limite souvent bien compliquée, de leurs castes[4]. Cela est fort judicieusement imaginé.

Pour la plupart, les membres de cet état-major font leur carrière tout entière dans l’Inde, car ils y jouissent d’avantages très considérables et de soldes très élevées ; nombre d’entre eux y prennent ensuite leur retraite. Des villes se sont fondées, de gracieuses et charmantes villes, soit au pied de l’Himalaya, soit dans les admirables montagnes des Nilghiris, où la presque-totalité des cottages a pour propriétaires des généraux, des colonels, des majors en retraite. Ils y mènent une existence très douce, au milieu d’une végétation luxuriante, sous un climat enchanteur, parmi les plus belles fleurs du monde. Ces vétérans profitent là-bas des charmes d’un large confort auquel, depuis trente ou quarante ans, ils sont habitués et qu’ils ne pourraient pas conserver en Angleterre. Qu’iraient-ils faire, d’ailleurs, sur les bords, de la brumeuse Tamise, où ils n’ont plus guère de famille ni de relations ?

Pour ce qui concerne les Finances, nous avons vu que le vice-roi possède, en ce qui touche les dépenses « impériales, » des pouvoirs quasi illimités. Cela n’empêche pas la décentralisation financière d’être plus hardiment pratiquée dans l’Inde[5] qu’en aucun pays du monde. Je crois intéressant de montrer comment on la pratique.

Chaque gouvernement provincial partage avec le gouvernement central, dans des proportions déterminées, les produits des impôts locaux fonciers, de timbre, de l’excise, des assistral taxes ; mais, en retour, il prend charge des frais de perception du Land Revenue, supporte les dépenses afférentes à la justice, à l’enseignement, aux travaux publics[6], au service hospitalier, à la police, etc. On le crédite des sommes nécessaires pour une période de cinq ans, durant laquelle il « se débrouille, » faisant usage, comme il l’entend, des ressources qu’il a réussi à se créer, s’ingénient à pouvoir, quand finira l’espèce de contrat passé ainsi avec la vice-royauté, présenter un boni dont on le laisse disposer à sa guise. N’est-ce pas une heureuse combinaison capable de donner aux bons administrateurs l’occasion de fournir la preuve de leur capacité ? On peut évaluer à la somme approximatrice de deux milliards et demi à trois milliards le montant brut des revenus de l’Inde. Ce magnifique denier a pour principales sources : le Land Revenue (600 millions), l’opium (250 millions), les forêts (34 millions), les postes et télégraphes (300 millions), les tributs des Sections Stades (18 millions), les taxes diverses[7] (600 millions).

Je n’entre pas dans les détails. Cependant, le land revenue me paraît mériter quelques lignes.

Lorsque les Anglais prirent possession de la partie de l’Inde qu’ils administrent directement, ils se substituèrent aux souverains indigènes et devinrent, à leur place, propriétaires du sol. Théoriquement, les détenteurs de ce sol, ne changeant point de condition, restèrent de simples fermiers et, comme tels, continuèrent à payer un droit de location dont la taxe fut, d’ailleurs, fort allégée, puisque du tiers et de la moitié qu’il était jadis, il descendit, sous les nouveaux maîtres, à 8, à 7 pour 100, parfois même à 6 pour 100. Cette taxe, que M. Pawcett a fort justement comparée aux droits exercés sur leurs domaines par les landlords anglais, présente au premier abord une apparence moyenâgeuse, mais elle gagne à être examinée de près. On s’aperçoit bientôt que, suivant la remarque de M. J. Stuart Mill, « les ressources produites par le Land Revenue naissent, en réalité, de la seule « interception » d’un paiement qui, sans cet impôt, tomberait dans la poche de tels ou tels particuliers et servirait à leur usage personnel, tandis que, perçu par l’État, il est employé aux besoins de la chose publique et, par conséquent, profite à ceux-là mêmes qui l’acquittent. » Cette dernière affirmation est vraie : le Land Revenue sert à exécuter d’immenses travaux, notamment ceux relatifs aux irrigations dont le bénéfice va droit au Ryot (paysan), parce que, sans eau, pas de rizières possibles et, sans riz, c’est la famine.

Quoi qu’il en soit, le Land Revenue, en changeant le nom d’une institution millénaire, a beaucoup allégé le poids de ce vieil impôt ; double raison pour qu’il se perçoive facilement et pour qu’on le considère plutôt avec sympathie.

Nous noterons quelques traits seulement de l’organisation de la Justice qui serait pourtant bien curieuse à étudier, bien instructive aussi[8].

Quatre Hautes cours — celles du Bengale, de Bombay, de Madras, du Nord-Ouest, — représentent, au civil et au criminel, la juridiction suprême. Leurs membres, dont les appointemens annuels varient de cent à deux cent mille francs, sont choisis indifféremment parmi les Barristers et les Civilians et nommés par décret. Mais comme ces quatre prétoires situés, la plupart du temps, à des distances énormes des justiciables, obligeraient ceux-ci à des déplacemens et à des frais très onéreux, on ne porte guère devant les Hautes cours que les causes qui mettent en jeu des intérêts de premier ordre, et on a institué d’autres tribunaux d’appel plus accessibles aux plaideurs ordinaires ; ce sont ceux des Chief Court ou Judicial Commission[9] qui siègent au chef-lieu de la province et opèrent à des taux raisonnables, très rapidement. Quelquefois, j’ai assisté à ces audiences provinciales, et j’en ai gardé une excellente impression. Le juge ne se perd pas dans les méandres surannés de la forme ; dès qu’il a entendu l’exposé contradictoire des faits de la cause et que son opinion s’est formée, il prie les avocats d’arrêter le flux de leurs paroles et, en deux mots tranchans, prononcés d’un ton sec, il rend la sentence qu’il ne perd pas son temps à enguirlander de « considérans. »

Il y a aussi, dans chaque province, une Court of session, sorte de cour d’assises ambulante qui, au lieu de faire venir à elle prévenus, témoins, agens, etc., va juger sur place ; le magistrat et son greffier, après avoir mis robe et perruque dans une valise, prennent le railway, et se rendent à domicile. N’est-ce pas là une habitude très louable ?

Au degré inférieur, le District Magistrate qui, à lui tout seul, tient la place de notre tribunal de première instance.

Encore au-dessous, le Munsiff, analogue à notre juge de paix, mais ayant une compétence beaucoup plus étendue.

C’est tout, — et il faut croire que c’est suffisant, puisque la justice fonctionne admirablement dans l’Inde anglaise.

Quant à l’Instruction publique, c’est encore une façade derrière laquelle il n’y a presque rien. On y consacre beaucoup d’argent, beaucoup d’efîorts, qui sont bien mal récompensés. La cause de cet insuccès, c’est qu’on a le pied sur la limite de la zone interdite, je veux dire celle des coutumes, où la science et la littérature occidentales donnent aux peuples la vague impression d’armes hypocrites forgées pour battre en brèche leurs chères bastilles. C’est pourquoi les universités de Calcutta, Bombay, Allahabad, Lahore, ainsi que les collèges d’instruction secondaire et les écoles de premier degré, resteront probablement de simples usines à fonctionnaires où les candidats iront chercher le « sésame, ouvre-toi ! » indispensable ; ils prendront, d’ailleurs, les laissez-passer avec précaution, en évitant de leur mieux la souillure du contact des « parias blancs » et en mettant leur amour-propre, leur orgueil, à sortir, avec une mentalité indienne bien vierge, de ces diaboliques officines. Comme, d’autre part, l’Hindou est fort intelligent, le résultat que produiront sur lui ces enseignemens supérieur et secondaire sera de diminuer considérablement son respect pour ses maîtres et de le rendre plus habile à défendre son ancestrale féodalité théocratique. « Les indigènes instruits, avoue franchement Macaulay, gardent leurs instincts. Ils ont des journaux rédigés en excellent anglais, mais où les idées hindoues sont exprimées sous une forme déloyale (sic). » Lord Dufferin déclare, de son côté, que « sur une population de 250 millions d’individus, il ne s’en trouve que quelques millions qu’on puisse considérer comme ayant notion des idées occidentales. »

Cela est bien vrai des hommes et combien davantage des femmes ! L’Hindou tient, en effet, pour sacrilège l’instruction donnée aux filles. Prétendre que la destinée du sexe aimable ne se borne pas à assurer la perpétuité de l’espèce, et, par-là, le culte des ancêtres, soutenir que l’épouse, la mère, ne sont point les servantes-nées de leurs maris et de leurs fils, c’est, à son avis, proférer autant de blasphèmes. On aura beau multiplier les ligues et les sociétés d’encouragement scolaires, les petites filles hindoues conserveront la pureté de leur ignorance, les parens se garderont de mettre entre leurs mains le stylet de fer des lettrés et le paquet d’elles qui servent, là-bas, de fourniture de bureau.

Notons, cependant, à l’actif du département de l’Instruction publique, les écoles spéciales qui forment les native surgeons (médecins indigènes). Ces officiers de santé ne manquent pas de savoir, — quelques-uns même sont fort habiles, — et rendent de très appréciables services.

Les Travaux publics sont remarquables par la grandeur de la conception et la perfection dans l’exécution. Les ingénieurs qui ont passé par le Royal Indian Enginery College de Cooper’s hill, composent un corps de savans fort distingués. On peut, sans exagération, affirmer que les ingénieurs anglais ont créé dans l’Inde une œuvre digne de la plus grande admiration, et que tels de leurs travaux d’art méritent d’être cités parmi les plus beaux du monde. Si jamais la Grande-Bretagne est dépossédée des terres d’Aureng-Zeb, elle y laissera, grâce à ses ingénieurs, de magnifiques et durables souvenirs.


IV

De même qu’on divise les provinces en Regulation et Non-regulation, suivant qu’elles possèdent ou ne possèdent pas encore-un organisme complet, de même les fonctionnaires chargés d’en diriger l’administration appartiennent, les uns au Covenanted, les autres à l’Uncovenanted service.

On appelle Covenanted Officers ou, plus ordinairement Civilians, membres du Civil Service, des agens recrutés en Angleterre au moyen d’un concours (Open Competition) très difficile et dont le niveau se maintient singulièrement élevé, grâce à la foule de candidats qu’attire l’espérance de se voir ouvrir la porte d’une carrière extrêmement brillante, très lucrative, assurant au bout de vingt ans d’exercice, alors que la vigueur intellectuelle et physique est encore entière, une retraite de vingt mille francs.

Le classement des concurrens se fait parmi des jeunes gens, d’élite qu’on désigne, d’après les connaissances linguistiques dont ils ont fait preuve, pour telle ou telle région, où ils ne cesseront de résider. Leur grade sera leur propriété et ce ne pourra être que dans des cas très graves, soigneusement déterminés, qu’on prononcera l’exclusion ou même le déplacement d’un membre du Civil Service. Nulle part au monde la loi, les traditions, l’usage, n’entourent les fonctionnaires de garanties semblables, ne protègent à ce degré leur indépendance et leur dignité. Aussi, l’heureuse colonie de l’Inde ne saurait, comme d’autres pays, se plaindre qu’on la transforme en exutoire pour les ratés, en asile pour les épaves politiques.

On appelle Uncovenanted Officers tous les administrateurs européens qui ne font partie ni des Civilians, ni du Staff Corps.

Les membres du Civil Service peuvent être employés dans toute l’étendue du territoire, mais ont le privilège que les Regulation Provinces leur soient réservées. Ils occupent ; 765 postes, ce qui donne la proportion de un Civilian pour deux cent cinquante mille habitans. Les officiers du Staff Corps et les membres de l’Unconvenanted ne peuvent être affectés qu’aux Non-Regulation Provinces ; leur proportion est plus considérable, quoique, de bien loin cependant, hors de comparaison avec les statistiques, sans cesse grossissantes, de nos annuaires.

Faut-il en conclure que, de toutes les administrations, l’administration britannique soit, comme on l’affirme couramment, la seule qui mérite d’être enviée par l’Europe pour avoir résolu le problème posé par Harpagon, à savoir de faire un bon dîner avec peu d’argent ? En aucune façon. La vérité est que l’état-major administratif anglo-indien présente, en effet, un contingent, à la fois très restreint et de qualité supérieure, mais que l’armée bureaucratique placée sous ses ordres est une des plus formidables qui existent ; fonctionnaires subalternes, commis, scribes de toutes catégories, pullulent, fourmillent, incroyablement. Dans les Offices de l’État, des légions d’Hindous griffonnent et, l’air majestueux, la mine grave, trônent derrière d’innombrables guichets. Leur flot monte, monte toujours, sans qu’on cherche, bien au contraire, à l’arrêter, car il n’y a pas de moyen plus efficace de tenir les classes dirigeantes et, par elles, la plèbe moutonnière, que d’embrigader beaucoup d’hommes castes dans les pacifiques cohortes de l’administration. Distribuer ainsi quelques centaines de mille roupies à des natifs intelligens et domestiqués, constitue un placement avantageux.

Je ne saurais évaluer exactement le nombre des indigènes marqués de l’estampille officielle ; mais, ayant eu la fantaisie de rechercher le nombre de ceux qu’on pourrait appeler les gros bonnets, — ou plutôt les gros turbans, — je veux dire ceux dont les traitemens varient entre douze et cent mille francs, j’en ai, sauf erreur, compté deux mille cinq cents. Comme on peut admettre que, vis-à-vis de ces derniers, les autres sont dans une proportion de 90 pour 100, vous voyez combien il est faux d’affirmer que le personnel administratif de l’Inde est réduit à un minimum extraordinaire.

Le principe est celui-ci : réserver aux métropolitains toutes les situations éminentes, tous les postes politiques et de confiance ; livrer généreusement les postes subalternes aux indigènes.

« Est-il un homme, a écrit lord Salisbury, qui oserait prétendre qu’il « ne voit rien d’impossible à nommer un Indien gouverneur, ou chef commissioner, ou commandant en chef, sans tenir compte de la race à laquelle il appartient ?… »

« Ne dissimulons pas hypocritement, écrit sir John Strachey, notre intention de garder pour nos concitoyens les postes administratifs du sommet de l’échelle qui sont la condition « sine qua non » de la possession du pays. Gouverneurs, chefs supérieurs de l’armée, magistrats des districts et leurs principaux collaborateurs doivent, dans toutes les hypothèses, être et rester Anglais. »

De tous les fonctionnaires les plus importans, ceux qui jouent le rôle de chevilles ouvrières, sont les Collectors (appelés Deputy Commissioners dans les (Non-Regulation Provinces).

Placé à la tête du district, qui est l’unité territoriale, le collecteur y concentre l’autorité exécutive et y cumule les multiples fonctions de préfet, de trésorier, de chef suprême de la justice. Il tranche directement une foule de questions importantes ; il a la haute main sur le personnel en service dans la circonscription et jouit d’une grande liberté d’action, car on ne lui demande que de ne point transgresser les règlemens et de suivre la ligne politique tracée par le gouverneur. Sa tâche, prodigieusement absorbante, exige à la fois une somme considérable de labeur et une grande variété de connaissances professionnelles ; ne doit-il pas être versé en économie politique, en jurisprudence administrative, en finances, en agronomie, en travaux publics, en droit anglais et hindou ? Ne doit-il pas avoir étudié les religions brahmanique et musulmane, savoir parler couramment les idiomes en usage dans son district ? enfin n’exige-t-on pas de lui, avec la facilité de rédaction, un bon style diplomatique ?

Je n’ai pas besoin d’ajouter que les collecteurs appartiennent exclusivement au Civil Service.

Leur principale mission est de diriger et de contrôler. Bien qu’il soit plus rapproché des populations que le gouverneur provincial, le Collector est empêché, par l’étendue de son district et par la multiplicité de ses attributions, d’entrer dans les menus détails des affaires. Aussi lui a-t-on donné, en la personne du Joint-Magistrate and Deputy Collector et en celle de l’assistant-collector, civilians comme lui, d’utiles coadjuteurs. Après ces derniers viennent le Deputy Collector et le Deputy Magistrate, du cadre indigène (native civil service), qui sont chargés des subdivisions du district. Chacun de ces natifs ne touche pas moins d’une quinzaine de mille francs, parfois sensiblement davantage.

Quant aux Collectors, leurs appointemens varient, suivant les classes, le temps de service, etc., de cinquante à cent dix mille francs (indemnités comprises). Si l’on considère que la majorité d’entre eux n’a guère que trente-cinq ans en moyenne, on comprendra que ces fonctionnaires forment une véritable aristocratie intellectuelle.

Les districts sont, au point de vue fiscal, fractionnés en un certain nombre de Revenue Divisions que dirigent des natifs.

Un Superintendant of Police (anglais) réside au chef-lieu du district ; des Police Officers (en général natifs) commandent, sous ses ordres, les Police Divisions.

Il y a, dans chaque district, une prison centrale et des prisons ordinaires admirablement organisées, où l’on fait travailler les détenus pour le compte de l’Etat[10]. Ces prisons, — chose extraordinaire dans les annales administratives ! — compensent largement leurs frais.

Les hôpitaux, fort bien installés et largement pourvus, délivrent avec générosité des médicamens gratuits aux indigènes. Ainsi que je l’ai dit, le personnel médical est fourni presque tout entier par le corps des Native-Surgeons ; mais le chef est toujours un officier du corps de santé militaire. J’en aurai fini avec le chapitre de l’administration proprement dite, quand j’aurai fait connaître brièvement le (système municipal.

Il est ondoyant et divers, ce système et, pour parler franc, assez vague ; on s’aperçoit facilement qu’il est relégué à l’arrière-plan, celui de la figuration.

Dans les grandes villes, les municipalités sont ordinairement, — pas toujours, — élues au second degré, et c’est aux gouverneurs qu’appartient le droit de fixer les conditions donnant accès à la liste électorale et, par conséquent, d’augmenter ou de réduire le collège lui-même. Quelques localités jouissent du privilège de choisir le Chairman (président de la municipalité), quoique, d’habitude, le Chairman soit toujours le District Magistrate.

Dans les agglomérations rurales qu’on juge assez importantes pour leur octroyer un semblant de vie municipale, l’organisation est bizarre : les trois quarts des membres du board (Conseil) sont élus par des votans désignés par le gouvernement ; le quatrième quart est nommé par l’administration et, bien entendu, le Chairman est fonctionnaire. Tout cela ne constitue qu’un très faible embryon de franchises municipales ; mais personne n’en réclame davantage. Les Anglais n’ont aucun goût pour les papotages d’indigènes, et s’ils permettent à l’Indian National Congress de se réunir, de discuter, de présenter des vœux, ils regardent d’un œil méprisant et sévère cette institution nouvelle, fruit de l’éducation universitaire qui donne à quelques ambitieux manques l’occasion de poursuivre de vagues chimères d’émancipation politique, sans que jamais on y étudie la moindre réforme sociale. Parmi les Hindous lettrés qui bavardent au Congrès soi-disant national, pas un n’oserait toucher aux coutumes les plus rétrogrades, voire les plus monstrueuses, telles que les Suttys (immolation des veuves), les mariages prématurés, etc. Aussi lord Dufferin, vice-roi des Indes, n’a-t-il pas hésité à dire dans un discours officiel : « Je voudrais bien savoir comment un homme raisonnable pourrait s’imaginer que le gouvernement britannique est disposé à permettre aux natifs de contrôler son administration sur cet immense et multiforme empire dont il garantit le bien-être et la sécurité, dont il répond devant Dieu et la civilisation… »

Combien ces paroles prononcées dans le Tower Hall de Calcutta, à l’occasion d’une grande cérémonie, traduisent un état d’âme différent du nôtre et combien ces théories sont éloignées de celles que nous préconisons, nous qui livrons aux indigènes de nos colonies le droit de contrôle le plus absolu sur les actes de l’administration européenne, nous qui avons importé sous les palmiers des tropiques le suffrage universel, accompagné de tous les accessoires d’un pseudo-parlementarisme !


V

La partie du territoire de l’Empire composé de ce qu’on a appelé les Native States (Etats indigènes) occupe sur la carte une place trop importante pour que je néglige d’en faire une mention succincte.

Le régime des Native States est celui du protectorat, un protectorat analogue à celui qu’on pourrait concevoir accordé au pot de terre par le pot de fer, c’est-à-dire assez vigoureux pour soutenir efficacement le protégé, et au besoin pour le briser.

On les divise théoriquement en deux catégories qui répondent à deux degrés de la vassalité.

Dans la première catégorie, — joug le plus doux, — figurent les États musulmans qu’on a laissés debout, parce que leur maintien constitue une économie importante et qu’un geste du gouvernement anglais suffirait pour anéantir leurs dynasties à l’équilibre instable. Ces dynasties n’ont, en effet, aucune racine dans le pays ; elles appartiennent à des races étrangères, comme celles du Nizam[11] où l’on compte 9 millions de Brahmaniques et seulement un million de Mahométans tenant les emplois de toute sorte. Même disproportion dans les autres États musulmans qui comprennent 50 millions de Brahmaniques. Ce fait se reproduit aussi chez les Mahrattes, où les chefs et leur entourage appartiennent seuls à la race de ce nom et qui sont, dit sir L. Griffin, « les représentans de ces hordes pillardes qui transformaient en déserts les plaines fertiles de l’Inde centrale jusqu’au moment où les armées britanniques les écrasèrent et qui n’ont rien de commun avec les peuples qu’ils gouvernent[12]… »

La seconde catégorie, dont les États les plus importans sont le Sugson et le Radjpoutana, est composée de royaumes ayant pour souverains des rajahs qui descendent de lignées millénaires et qui, par le fait qu’ils professent le brahmanisme, sont, au sens hindou du mot, les compatriotes de leurs sujets. Bien que ces monarques n’aient cessé, depuis des siècles, d’être les hommes-liges, tantôt des Mahrattes, tantôt des Mogols (pour ne parler que des temps récens) et que cette longue accoutumance de servitude les rende peu dangereux, le gouvernement britannique croit, néanmoins, prudent de les tenir, de plus près que les autres, sous sa main. Mais, encore une fois, les distinctions entre native states auxquelles je viens de faire allusion constituent des nuances et ne sont déterminées que par le nombre des tours de vis donnés à la machine comprimante.

Le prince ou rajah est censé ne pas être un feudataire, mais un allié, qui a librement accepté et juré une « constitution » et dont l’indépendance est demeurée entière, sauf les petites restrictions suivantes : ne pas disposer des revenus publics, ne point s’occuper des affaires extérieures, et dans les affaires intérieures, ne rien décider sans l’agrément préalable du Résident anglais ; permettre, dans toute l’étendue du territoire, l’application des lois britanniques, contribuer aux charges financières et militaires de l’Empire. En échange de ces légers sacrifices, on lui garantit une grosse liste civile, on le décore de l’Etoile des Indes, on lui reconnaît le titre de Hautesse, on lui fait rendre des honneurs princiers, on lui prodigue les fleurettes du protocole. Ne plaignons point trop ce roitelet, fainéant par goût et par nécessité, car il mène, en somme, une existence très agréable : superbes palais, magnifiques jardins, beaucoup d’argent, nuée de serviteurs, troupes de musiciens, d’astrologues, de bayadères, carrosses et palanquins, cortèges brillans qui s’avancent, bannières au vent, parmi les peuples agenouillés, toute la pompe extérieure de la souveraineté, tous les plaisirs que donne le pouvoir absolu, et même des ministres, pour avoir l’illusion de la puissance réelle, voilà des conditions que bien des gens accepteraient volontiers. La cage est confortable, les barreaux en sont capitonnés.

Quels sont, à l’égard de leurs « alliés » indigènes, les sentimens des Anglais ? Un des plus hauts fonctionnaires de l’Inde va nous le dire : « Je crois que nous pouvons compter sur le loyalisme des chefs indigènes, mais il est bon de ne pas se faire illusion. S’ils nous sont, pour la plupart, fidèles, ce n’est point qu’ils nous aiment, mais parce qu’ils savent que nous sommes forts et que la fidélité est la seule politique conforme à leurs intérêts. Nous ne pouvons raisonnablement leur demander davantage. S’il arrivait qu’à un moment donné, ils pussent cesser de croire à la permanence de cette domination, ce moment verrait inévitablement la fin de cette fidélité[13]. » La même pensée est exprimée par sir James Stephen : « Les Anglais sont, dans l’Inde, les représentans d’une civilisation belligérante, de la paix imposée par la force… Aucun pays du monde n’est mieux ordonné, plus tranquille que l’Inde britannique. Mais si la vigueur du gouvernement se relâchait jamais…, le chaos recouvrirait l’Inde comme un torrent. »


VI

Je voudrais avoir donné une impression suffisante de la façon dont les Anglais ont organisé leur bel empire indien et de la manière dont ils ont compris le vocable « décentralisation, » si fort à la mode dans nos programmes électoraux.

A mon esquisse rapide, je n’ai plus qu’à ajouter un dernier trait, pour indiquer comment le régime de la tolérance se concilie avec le respect des droits du Parlement et des prérogatives de la Couronne.

Ici, tout de suite, nous retrouvons encore l’esprit traditionnel que la Grande-Bretagne semble avoir hérité de l’ancienne Rome, car c’est en utilisant les règlemens de l’East Indian Company, qu’on a constitué le ministère des Indes. L’Act de 1858, qui supprima le Board of Control, se borna, en effet, à un changement d’étiquettes, puisque les pouvoirs dévolus au Secrétaire d’Etat assisté du Conseil supérieur sont, à peu de chose près, ceux qu’exerçaient jadis les directeurs.

Le Conseil supérieur compte quinze membres qui sont, en-majorité, d’anciens fonctionnaires ayant séjourné dans l’Inde depuis plus de dix ans et revenus depuis moins de dix ans. Trois d’entre eux, « recommandables par des mérites professionnels éclatans et d’autres qualités particulières, » sont nommés à vie ; les douze autres reçoivent un mandat décennal. Cinq appartiennent au Civil Service, quatre à l’armée des Indes, six à la diplomatie, à la science, au commerce, etc.

Les attributions du Conseil supérieur des Indes sont identiques à celles du Conseil privé vice-royal. Son avis n’est obligatoire qu’en certains cas, notamment pour les questions financières ; mais, dans la pratique, toutes les affaires lui sont soumises, — sauf celles que le vice-roi transmet avec la mention « secret ; » elles sont réparties entre les Commission départment.

Le secrétaire d’Etat a surtout pour fonctions de contrôler. Cependant, il donne la direction pour ce qui a trait à la politique étrangère, lorsqu’elle intéresse, non pas seulement l’Inde, mais le pays entier. Il présente au Parlement les bills concernant l’Empire et soumet à la signature royale les décrets portant nomination aux grands emplois.

J’ai entendu dire souvent que le Conseil supérieur des Indes se montre rebelle au progrès, aux innovations utiles, et trop disposé à maintenir la routine où la plupart de ses membres se sont enlizés pendant leur longue carrière, enfin qu’il est, par essence, laudator temporis acti. Jusqu’à quel point ces griefs sont-ils fondés ? je ne me permettrai pas de l’apprécier ; mais ce dont je suis très convaincu, c’est qu’on trouverait difficilement assemblée plus compétente, plus éclairée, plus capable de suivre avec persévérance une ligne politique et administrative bien arrêtée.

Ainsi se développent, dans une harmonie remarquable, les grandes lignes du vaste édifice construit sur les ruines de l’empire mogol et des conquêtes de Dupleix. Son architecture est, à la fois, savante et simple. Néanmoins, aucun de ceux qui l’ont examiné de très près n’oserait affirmer qu’il serait, le cas échéant, capable de résister à de violens assauts. Pourquoi ? Parce qu’il a été construit avec des matériaux hétérogènes et qu’il a peut-être été mal cimenté par des ouvriers d’origines différentes, auxquels faisait défaut l’esprit de solidarité.


PAUL MIMANDE.

  1. La Birmanie (haute et basse) a 750 000 kilomètres carrés de superficie et compte environ 8 millions d’habitans. (Voyez l’ouvrage de M. J. Strachey.)
  2. C’était Warren Hastings.
  3. Sir John Strachey.
  4. Dans son Compendium of the Castes and Tribes of India, M. Kitts cite 1 920 castes différentes. M. Sherring, dans son ouvrage intitulé : Hinder Tribes and Castes, n’en nomme que 1 800.
  5. L’honneur en revient à lord Lytton.
  6. Excepté les chemins de fer, service « impérial. »
  7. Le droit sur le sel, qui est le plus important, oscille entre 5 et 6 pence par tête. Le Stamp Revenue (timbre) produit au contraire des millions, l’excise (droit de consommation sur les boissons et spiritueux) en donne à peu près cent trente. Quant à la Registration (enregistrement), son produit est variable et peu important, car la loi ne l’a pas instituée partout. Enfin l’Income Tax (impôt sur le revenu) frappe certaines catégories de personnes telles que les commerçans, les industriels et aussi les fonctionnaires qui, sans elle, échapperaient à toute charge fiscale. Cet impôt, qui ne donne lieu à aucune difficulté sérieuse de recouvrement, rapport » environ quarante millions.
  8. Suivant les cas, on applique tantôt le code hindou, — un code fort bien fait et contenant des dispositions originales, — tantôt le code civil britannique modifié et mis au point de la couleur locale. Le code pénal anglo-indien actuel est dû aux savans travaux de sir Barnes Peacock. Je me permets de renvoyer le lecteur qu’intéresserait cette question de droit occidental adapté aux usages orientaux à l’ouvrage très complet, très autorisé de sir James Stephen, intitulé : History of the criminal Law.
  9. Ces magistrats de Cour d’appel et tous les autres magistrats provinciaux sont nommés par les gouverneurs.
  10. Confection de vêtemens, de chaussures, de literie pour la troupe ; tissage de draps, serviettes, linge pour les hôpitaux ; ateliers typographiques où s’impriment la plupart des documens officiels, etc.
  11. Le fondateur de la dynastie régnante est le descendant d’un des principaux lieutenans du célèbre sultan Aureng-Zeb, qui s’affranchit de la domination mongole en 1724. Son royaume a pour capitale la grande et belle ville — absolument anglaise — d’Haiderhabad. Sauf le Bhôpal et le Bohawalpam, les autres États musulmans, au nombre d’une vingtaine, sont politiquement insigniflans. Rapport : 125 millions environ. Voyez, au sujet de leur histoire, sir John Strachey, India.
  12. Population : 6 millions et demi ; rapport : 88 millions environ.
  13. Lectures faites à Londres par un ancien gouverneur, sir John Strachey, dont j’ai déjà invoqué le témoignage. Ces Lectures ont été réunies en volume et fort bien traduites par M. Armand, ministre plénipotentiaire.