Une Amitié de Balzac - Correspondance inédite/06

Marcel Bouteron
Une Amitié de Balzac - Correspondance inédite
Revue des Deux Mondes7e période, tome 15 (p. 79-110).
UNE AMITIÉ DE BALZAC
CORRESPONDANCE INÉDITE [1]

VI [2]

Le séjour de Balzac à Vienne a duré près d’un mois. Le 12 juin 1835, le romancier, de retour à Paris, a repris sa tâche interrompue.


Il m’est impossible, écrit-il à Mme Carraud, de venir avant d’avoir fini Séraphita. Je vous écrirai un petit mot quelques jours avant mon arrivée. Mille tendres amitiés à vous et à Borget ; rappelez-moi par un baiser à Ivan et par une poignée de main au commandant.


Mme Carraud, peu satisfaite, réplique le 10 juillet :


Vous êtes sans pitié, Honoré, depuis bientôt un an que vous nous bercez de l’espoir de vous voir ; vous ne tenez aucun compte de ces alternatives dans lesquelles vous nous laissez ; on dirait que vous vous êtes donné pour tâche d’exercer nos facultés sensitives.

Au premier sourire du printemps, j’ai compté sur vous pour jouir de mes arbres en fleurs, de mes plantes privées ; puis j’ai encore espéré que vous vous laisseriez asphyxier par mes magnifiques lilas ; puis enfin je voulais que vous admirassiez mes roses. Mais vous avez couru le monde, sans songer que Frapesle en fait partie. Vous écrivez que vous allez venir, et quand nous avons bien accueilli celle certitude, vous la détruisez ; c’est mal, cher Honoré. Si les vieilles amitiés s’usaient, je vous dirais que vous êtes imprudent ; mais dans dix ans tout comme aujourd’hui, vous serez reçu ici avec joie, — faites donc selon votre bon plaisir.

Nous venons d’être frappés d’un coup bien cruel : mon frère aîné [3] est mort subitement. Cette rupture des liens de famille est toujours douloureuse, et une affection de moins, à un âge où l’on ne s’en crée plus, laisse un grand vide : cette douleur, à moi personnelle, ne m’empêche pas d’accueillir celles d’autrui et de chercher à les alléger. Vous pourrez peut-être m’aider à relever un pauvre jeune homme du désespoir profond où il est tombé. C’est le fils d’un particulier honorable de notre ville, dont jusqu’à présent je n’avais connu que le nom. Ce jeune homme s’est jeté dans la littérature, malgré son père ; il est resté quelques années à Paris, d’où la misère la plus poignante l’a chassé. Son père ne voulant plus satisfaire à ses dépenses, il m’a écrit afin d’implorer mon assistance pour le tirer d’embarras, et lui procurer les moyens de faire éditer ses manuscrits ; je l’ai engagé à me venir voir et, malgré son excessive timidité, j’ai pu juger de son esprit, qui a besoin de développement, mais qui est déjà quelque chose. Je ne vois d’autre moyen de lui être utile que de tâcher de le replacer au centre de cette fermentation d’idées qui agit si puissamment sur ceux qui veulent en vivre. Mais pour aller à Paris, il faut les moyens d’y vivre ; ce jeune homme a peu de besoins, et il me disait qu’avec trente sous par jour il serait heureux. Ne pourriez-vous, dans vos hautes relations, le placer comme secrétaire ? Cela lui donnerait la vie, car il ne s’agit point ici de forts appointements, puis il aurait assez de temps de reste pour poursuivre sa carrière à laquelle il tient beaucoup. D’ailleurs, cette position lui permettrait de voir un peu le monde dont il n’a aucune idée, ce qui doit lui faire faire mille bévues dans ses romans. Il est d’un extérieur fort agréable, timide sans gaucherie ; il rédige très bien, a un peu l’accent berrichon, mais parle purement. Le découragement est si profond chez ce pauvre garçon, que je ne serais pas étonnée qu’il ne finit par un suicide. Il a une digne mère qui en mourrait. Jugez du prix que j’attache au service que je vous demande. Il a si peu de prétentions, ce pauvre jeune homme, que les moindres appointements lui suffiraient. Une fois qu’il serait parvenu à faire publier deux ou trois ouvrages, ou bien à faire accepter quelques articles dans un petit journal, il vivrait par lui-même, quelque médiocres que fussent ses livres, car il n’est pas donné à tout le monde d’écrire le Colonel Chabert, Je l’ai lu deux fois à des hôtes différents, et, chaque fois, je les ai émus jusqu’au fond de l’âme. Vous êtes bien assez généreux pour tendre la main à celui qui veut arriver et que les difficultés de la route et la misère avec toute sa hideur n’ont point rebuté.

Vous ne connaissez pas mon petit Yorick. Une créature dans son ébauche comme lui n’offre pas beaucoup d’intérêt au grand explorateur du cœur humain, mais ma joie ne vous sera pas indifférente.

Adieu, Honoré. Faites quelque chose pour mon protégé et je vous en bénirai du fond de l’âme. Dans tous les cas, je vous aimerai toujours bien. Comme votre temps est précieux, ne m’écrivez qu’un mot, si vous trouvez quelque chose. Ne me mettez jamais au nombre des obligations. J’ai l’orgueil de me croire au-dessus de toutes ces nécessités-là. Chez moi, l’amitié peut vivre sans cette menue nourriture, et ne vous fussiez-vous pas manifesté pendant vingt ans, elle vous offrirait ses trésors avec la même confiance et le même abandon.

Adieu, vous ne connaîtrez donc jamais la chambre que je vous destine ?


Balzac répond aussitôt :


Oui, j’aurai soin de votre jeune protégé. Mais il faut que je le voie, car ce serait pour moi, et près de moi ; à ramasser des miettes il y a une petite fortune. J’ai vingt fois refusé de laisser entrer chez moi les gens de bonne volonté. Mais j’irai à Issoudun préalablement vous expliquer les choses et voir l’homme. Mon voyage est soumis à la conquête de dix jours de tranquillité. Ne m’accusez pas. Je suis accablé d’ouvrage et vous ne pouvez pas me juger de là-bas. Il faut que je corrige vingt épreuves par jour. A chaque instant on va et on vient des imprimeries. J’ai trois Revues [4] sur les bras et mes deux libraires qui, à eux deux, ont trois livraisons sous presse [5]. J’ai quinze mille francs à payer d’ici deux mois et il faut que ma toute-puissante plume balle des monnaies !

Mille tendres choses à vous tous.

HONORÉ.


Je ne puis aller vous voir qu’après avoir terminé trois ou quatre œuvres qui sont sur les fourneaux, et j’irai bien sûr embrasser Yorick pour lui mettre sur le front un baiser qui, je le voudrais, lui communiquât l’énergie et la constance de votre ami Honoré. Je ne réponds qu’à l’article pressé de votre lettre.


La promesse de Balzac n’est pas suivie d’effet : Mme Carraud impatiente lui dépêche son jeune protégé en personne, porteur de cette lettre :


Frapesle, le 28 juillet 1835.

Honoré,

C’est mon protégé, c’est M. Émile Chevalet [6] qui vous remettra cette lettre lui-même, entendez-vous ! Je sais, monseigneur, que vous êtes inabordable ; mais j’ai l’orgueil de me croire exceptée de cette règle d’exclusion, et je mets M. Chevalet à mes droits, car il est mon protégé, et vous savez, cher, que je ne fais rien faiblement. Recevez-le donc et le jugez avec indulgence, car il ne sait pas se faire valoir. Mais je me porte sa caution et vous m’acceptez, n’est-ce pas ? Voici donc ce que je vous prie de faire : d’abord, tachez de lui assurer une position. Vous savez tout ce qu’a d’amer pour l’homme d’intelligence cette lutte continuelle nécessitée par la vie matérielle chez celui qui n’a rien, et combien elle nuit au développement du talent. Le pauvre jeune homme n’est pas ambitieux : il ne désire que vivre sans avoir à s’en occuper, et avoir quelques heures pour écrire chaque jour ; puis mettez-le en relief auprès de quelques libraires ; il suffit pour cela que vous l’accueilliez. Puis enfin, s’il pouvait faire accepter quelques articles à un petit journal, il se ferait connaître ; il arriverait ainsi, et promptement, à une certaine indépendance, qui l’affranchirait de la peine de devoir son talent à tout autre qu’à lui-même. Ne suis-je pas trop exigeante, Honoré ? C’est que, voyez-vous, quand je rencontrai cette existence faussée, brisée, presque prête à s’anéantir, je me sentis toute bouleversée ; j’aurais voulu la rétablir tout de suite. J’ai pensé à vous, parce que, pour moi, vous êtes bien plus qu’un homme célèbre placé sur un haut piédestal, vous êtes l’homme bon, et j’ai dit que votre sympathie et votre concours ne me manqueraient pas. Une seule de ces choses, si toutes les trois sont trop difficiles, une seule, et je vous bénirai, pour vous être un instant détourné de votre route en ma faveur.

Je ne compte presque plus sur vous v la gloire vous a envahi. Puisse-t-elle vous rendre heureux ! Mais vous ne parlez plus mariage, y auriez-vous donc renoncé ? Ou l’auteur de la Physiologie attendrait-il la quarantaine pour associer à sa vie quelque sylphide ?

Adieu, cher, adieu ; à vous les parfums de l’amitié, qui, je l’espère, vous arriveront distincts de ceux de la flatterie, et plus suaves. Je me confie en vous pour ce qui regarde mon protégé, dont le sort me touche aussi vivement que chose au monde.

ZULMA.


Balzac tient enfin sa promesse. À la fin de juillet, il quitte Paris pour Frapesle où il est si impatiemment attendu. Mais son séjour fut de courte durée, huit jours environ, et le dimanche 9 août au malin, il traversait Bourges, garnison de son ami Périolas [7], et retournait à son labeur. Mme Carraud, prolongeant son séjour en cette ville, auprès de sa sœur malade, de Lapparent [8], écrivait à Balzac quelques jours après :


Bourges, 13 août 1835.

J’ai reçu la réponse de mon jeune homme aux questions que je lui ai faites, et je m’engage pour lui, âme pour âme. Si je me trompe, je ne croirai plus à rien, pas même à moi. Je crois donc que vous pouvez vous confier à lui en toute assurance ; il est peu communicatif, et cela doit vous convenir. Aura-t-il le talent que vous cherchez ? Voilà la seule question à laquelle je ne puis pas donner une solution satisfaisante. Seulement, je sais qu’il écrit mieux une lettre que qui que ce soit que j’aie encore lu. Il m’a confié son premier ouvrage, fait à dix-sept ans, et qui me fait beaucoup espérer de son avenir. Essayez-en. Tant peu que vous le gardiez, vous me rendrez un grand service ; et si vous désespérez au bout de quelque temps d’en faire ce que vous prétendiez, séparez-vous-en sans brisure et conservez-lui votre intérêt. C’est une existence perdue que j’ai pris à tâche de refaire, et comme par moi-même je ne puis rien, j’appelle l’intervention de mes amis. Je crois faire une bonne œuvre et je compte sur votre concours. Ayez donc la bonté de lui écrire de vous venir voir, et tâchez de vous arranger. Vous savez qu’il n’a rien, absolument, et qu’il faut qu’il vive, si médiocrement que ce soit. Il faut que chaque mois apporte son petit salaire, car qui n’a rien ne peut attendre.

Je suis encore à Bourges. Chaque matin M. Périolas me promène jusqu’au déjeuner. Cher, il faut que vous veniez à Bourges pour la voir en détail ; elle en vaut la peine. Vous qui avez tant écrit sur Loïs le Onzième, n’avez pas seulement eu la curiosité de visiter la maison où il est né [9] ! Elle est occupée par une école de charité ; il s’y trouve une cheminée monumentale qui serait bien enviée des amateurs du moyen âge, si elle était connue. Il faut voir Bourges absolument ; nous y reviendrons ensemble ; vous me colorerez tout cela de votre prestigieuse imagination et je m’échaufferai à votre feu, moi qui ne suis plus rien.

Dieu sait pour combien de temps nous sommes séparés, car vous vous appartenez si peu que l’on ne peut compter sur rien. Il doit être beau d’être fêté ainsi ; si cela ne nuit en rien au bonheur ou au calme des vieux jours, vous êtes un élu sur terre. Votre visite m’a fait du bien, Honoré ; j’ai eu un moment d’épanchement, et avec vous cela n’est pas douloureux. Jetez-moi un souvenir, si vous en avez le temps, et faites des vœux pour mon courage. Cher, je n’irai jamais à Paris ; le poids s’alourdit et, au lieu de voir mes forces s’augmenter avec le temps, je me sens plus faible et partant, moins faite pour calculer et tirer parti de tout, en supportant avec adresse. J’ai le cœur trop droit, c’est presque un malheur pour moi. Heureusement, cela tournera au profit de mes fils.

Adieu, pauvre tourmenté ; quand viendra le jour de la tranquillité pour vous ? Je n’ai que la nuit pour écrire ici, et je suis fatiguée. Aimez-moi, quand vous en trouverez l’heure. Faites quelque chose pour mon pauvre protégé, vous m’obligerez personnellement ; je vous répète que j’attache la plus grande importance à le voir placé. Je tousse toujours ; je retourne à Frapesle le 14 au matin ; ma sœur me fait reconduire. Courage et santé. Le Lys est fini sans doute ?...


Malgré toute son affection pour Mme Carraud, Balzac ne peut pas encourager les débuts du jeune protégé de son amie ; il lui eu indique les raisons :


Avant que votre protégé puisse gagner quinze cents francs par an, il a pour dix ans de travaux. Il ignore la langue, la composition, tout. Il y a quelque chose de triste à voir des gens qui ne savent pas faire une phrase, qui n’ont pas une idée, se jeter à corps perdu dans la littérature, en prenant un désir pour une vocation. Cela m’a profondément affligé. Ce jeune homme ne sait rien. Comment peindra-t-il ce qu’il n’a jamais vu ? Que va-t-il devenir ? Qui le nourrira pendant dix ans ?

J’ai lu un manuscrit de lui. Il n’y a ni une phrase, ni une idée. Il n’y a que le courage d’avoir écrit un certain nombre de feuillets. Le talent d’écrire ne se communique pas comme une contagion ; il s’apprend lentement. Je ne peux ni lui apprendre ce qui est un don du ciel, ni prendre sur moi la responsabilité de le tromper. S’il n’a pas de quoi vivre, il ne vivra pas de sa plume avant dix ans. Voilà le fait. S’il veut persister, il doit prendre un parti qui lui donne du pain, pendant qu’il étudiera. Puis, il ne sait rien en histoire, il ne sait rien du monde, il ne sait rien de sa langue, il ne sait rien des passions. Que voulez-vous qu’il écrive, quand il ne sait rien non plus des combinaisons dramatiques ?

Ce jeune homme est toute notre époque. Quand on ne peut rien faire, on se fait homme de plume, homme de talent. On se donne le plus beau thème d’existence, parce qu’on ne peut pas prendre le plus vulgaire. Il est ce que j’étais à son âge, cet enfant [10] ; mais je savais quelque chose. Je ne saurais condamner entièrement un jeune homme, dont l’œuvre ressemble à celle que j’aurais faite à son âge. Mais qui voudrait des dix ans par lesquels j’ai passé ? Est-il placé comme je l’étais pour être protégé ? Rencontrera-t-il des femmes qui lui élargiront le crâne, entre doux caresses, en lui relevant le rideau qui cacha la scène du monde ? Aura-t-il le temps d’aller dans les salons ? A-t-il le génie observateur ? En rapportera-t-il des idées qui écloront à quinze ans de là ? L’on ne sait pas quel phénomène est un écrivain.

Les écrivains seuls savent de combien de phénomènes ils ont composés : bonheur, talent, énergie, persistance, santé, seconde vue, que sais-je !

Il ne peut pas plus être mon secrétaire, que ne peut l’être Méo [11].

Je ne sais donc que résoudre. L’éclairer, ce sera le désespérer ; je ne veux pas avoir à me reprocher son désespoir. Le laisser dans sa croyance est aussi dangereux. Je ne me chargerai plus de choses semblables. Il est d’ailleurs muet comme un poisson. S’il a des idées, il ne les exprime pas, et dit lui-même qu’il ne le peut pas, que ce qu’il sent ne se traduit pas.

Voilà ce que j’ai à vous dire sur votre protégé.

Il me reste peu de place maintenant pour vous dire combien j’ai été heureux de cette semaine dérobée à ce monstrueux Paris, où je suis comme dans une fournaise.

Ecrivez-moi donc, courrier par courrier, les deux hypothèses du commandant sur la destruction du globe, ou son renversement par les comètes. J’ai le plus urgent besoin de ces hypothèses [12]. ’

Mille tendres compliments. Baisez Ivan et Yorick au front pour moi, et mille amitiés aux deux commandants, si M. Périolas est encore avec vous.


La réponse de Balzac apporte une amère désillusion à Mme Carraud, qui répond le 24 août :


Je suis bien affligée pour mon pauvre jeune homme, que vous le reconnaissiez incapable. Votre jugement est un peu sévère, car, de ce qu’il est mauvais écrivain, il n’est pas conséquent qu’il ne soit propre à rien. Je sais de lui que si son père eût voulu lui apprendre les mathématiques, il eût été volontiers géomètre comme lui. Il a eu le malheur d’avoir un père trop jeune de conduite et de caractère, et sa destinée a été faussée. S’il a dix ans de misères à subir, il ne faut pas que la commisération lui manque pendant ce temps. Aussi je ne crains pas, mon cher Honoré, de vous prier de penser à lui pour quelque place qui donne le pain. Vous êtes si répandu qu’il vous sera peut-être facile de lui en procurer une. Il y a, attachée à l’accomplissement d’une belle action, une sensation qui paye de toute peine ; c’est un genre de bonheur qui ne doit pas vous rester étranger. Pensez donc à moi pour cela ; c plus le pauvre garçon est placé bas et plus je me crois obligée de m’intéresser à son sort. C’est à ceux qui sont bien placés en ce monde qu’il appartient de tendre la main à qui ne peut parvenir à se tenir debout. Honoré, je compte sur vous. Je me charge de dire à M. Chevalet que vous ne pouvez le prendre. Il n’est pas juste que vous ayez le dégoût de cette affaire. Je l’accepte, moi, parce que je dois vouloir les conséquences de mes actions, et le pauvre garçon n’a encore trouvé que moi qui aie compris la nature de sa souffrance et qui n’aie pas ri de sa prodigieuse timidité. Si vous vous rappelez mon vif désir de le sauver de la faim, et de plus peut-être, et que vous trouviez quelque petite chose pour lui, écrivez-le-moi et ne vous donnez pas le souci d’une communication directe : je serais désolée que le désir de m’obliger vous apportât quelque déplaisir.

Voici les hypothèses de Carraud :

En admettant (ce qui est contesté) que la comète soit un corps solide, si elle venait à rencontrer notre globe et à le toucher en sens inverse de son mouvement de rotation, les corps qui ne sont pas adhérents au sol seraient projetés dans l’espace, avec une vitesse d’environ deux lieues par seconde. On a vu des comètes dont la queue occupait quarante-cinq degrés de l’horizon, ce qui fait la moitié de l’espace entre le zénith et l’horizon. La comète de Halley, que nous attendons, passera, quand elle sera à son périhélie, à huit millions de lieues autour de nous. Si sa queue est un peu considérable, il se peut qu’elle amène notre destruction par plusieurs moyens. Si cette queue est composée d’hydrogène, il se mêlera à l’oxygène de notre atmosphère ; il y aura détonation, parce que tous les feux qui sont à la surface de la terre amèneraient cette combinaison, et nous n’aurions plus d’atmosphère. Ou, si cette queue contenait quelques gaz délétères, ils produiraient la mort instantanée, comme par exemple le cyanogène qui, aussitôt respiré, amènerait là coagulation du sang. Ou, enfin, ce qui semble probable, les comètes sont des mondes en fusion, leur queue est sans doute composée de métaux sublimés et réduits en vapeurs ; là encore serait la mort, sous mille formes diverses. La saveur cuivrée que les cholériques trouvent à l’air peut en donner une idée, car le choléra pourrait bien venir d’une semblable cause. Avez-vous quelquefois observé un verre d’eau dans lequel on a mis un morceau de sucre ? Il s’élève des filets huileux qui traversent l’eau sans la sucrer et qui, eux, sont le sucre même fondu. Ne se pourrait-il pas que la comète, étant la voisine de notre atmosphère, y laissât tomber de ces atomes de cuivre en vapeur, lesquels, reçus par ceux qui se trouvent dans leur direction, leur donneraient la mort, tandis que le voisin serait épargné [13] ?

Adieu, mon cher Honoré. J’ai fait du feu aujourd’hui : c’est vous dire que nous avons un triste temps. Adieu, que tous les plaisirs fassent bonne garde autour de vous et vous cachent les misères dont la vue pourrait vous affliger ! Je ne connais personne plus heureusement né que vous. Moi, j’ai beau m’abimer dans la contemplation d’une fleur, je ne puis rien oublier et je porte mes blessures partout, ce qui finit par faire un lourd fardeau, car chaque jour apporte avec lui sa peine en tribut. Voyez-vous Auguste ? Que fait-il ?

Carraud vous serre la main et vous pistonne à distance. Il a aujourd’hui cinquante-quatre ans et n’en est que plus gai.


Balzac a regret d’avoir contristé Mme Carraud, et le 28 août, il lui écrit de nouveau : « Quelque furibonde que fût ma lettre, cara, elle n’indiquait point que j’abandonnasse votre protégé. Si vous l’avez pensé, vous ne me connaissez pas encore. Je n’ai qu’une seule bonne qualité, c’est la persistante énergie des rats, qui rongeraient l’acier s’ils vivaient autant que les corbeaux. Ainsi je vais tâcher de le faire aller, mais ce n’est pas l’affaire d’un jour. Il faut qu’il apprenne. » Et il termine sa lettre en déclarant : « Les jours de Frapesle ont été d’un bien bon repos pour moi [14]. »

Au mois d’octobre, Mme de Lapparent, sœur de Mme Carraud, meurt à Bourges ; Balzac envoie aussitôt des condoléances à son amie et il ajoute :


J’ai diné hier avec Borget. J’ai cent fois, mille fois écrit le nom de Frapesle dans le Lys dans la vallée, l’œuvre qui, jusqu’à présent, me semble être une œuvre digne d’aller entre Séraphita, Louis Lambert et le Médecin de campagne. N’est-ce pas vous dire que j’ai souvent pensé à vous ?

Enfin, chère, je vois le bleu dans mon ciel. Encore cinq mois et je serai quitte. Ma plume pendant ces derniers mois a versé de l’or à flots. Il était temps. J’allais succomber. Mais je crois avoir encore pour cinq ou six mois de courage. L’année prochaine, ma plume me donnera soixante-dix mille francs. J’en dois trente-cinq ; j’en aurai donc trente-cinq à moi, moins ma dépense. Mais je devrai toujours à ma mère. Une pièce de théâtre la remboursera.

Puis je m’occuperai de sa fortune à refaire. La mienne ne vient qu’après.

Vous allez recevoir coup sur coup le fruit de mes efforts et vous serez saisie d’étonnement. Quelques jours à Frapesle me feraient du bien ; mais je ne puis y aller. Je suis tenu par mille obligations. L’argent à payer, à recevoir, est toute une industrie.

Vous me négligez comme si nous étions frère et sœur par nature. Allons, adieu. Je n’écris à personne. Depuis mon retour de Frapesle, je me suis toujours levé à minuit et couché à six heures, et j’ai constamment payé huit mille francs par mois.

Mille vœux d’affection bien sincère ; baisez vos enfants au front pour moi, et donnez une poignée de main au commandant Piston.

Tout à vous.

HONORÉ DE BALZAC.


Mme Carraud, après avoir fermé les yeux à sa sœur, est retournée à Frapesle. Le 26 octobre, elle répond à Balzac.


Vous êtes bon de m’avoir écrit, Honoré. Auguste a dû vous dire combien j’ai souffert depuis quelque temps et combien peu j’ai eu d’instants libres. Ma famille, si compacte il y a trois mois, est déjà réduite aux deux tiers, et la santé de mon plus jeune frère [15] me donne de grandes inquiétudes. C’est un grave avertissement que toutes ces morts, et ce n’est pas sans trouble que je jette les yeux sur mes deux enfants, si jeunes, et qui auront besoin, longtemps encore, des soins de leur mère. Mes voyages à Bourges ont été bien tristes, et ils ne sont pas finis, car mon beau-frère est tombé dans un abattement qui m’effraye : il ne saura jamais supporter la solitude à laquelle il est condamné, et c’est bien de lui qu’il faut dire qu’il a perdu l’âme de sa vie. Son esprit est léger, son caractère fort gai ; il ne pourra se nourrir de sa tristesse et finir, comme les mélancoliques, par y trouver du charme. Si ses enfants ne savent pas se dévouer, j’ai peur qu’il ne survive pas à sa femme, encore qu’il paraisse se bien porter [16]. J’ai éprouvé tout ce que le spectacle d’une mort pressentie, prévue, acceptée avec courage, peut apporter d’émotions de tout genre. Puis est venue la lutte tout animale, lutte affreuse et dont l’âme n’a pu triompher, malgré ses efforts. Puis enfin cet instinctif éloignement de la nature vivante pour la nature morte, et pour toucher, vêtir et coucher cette pauvre femme, qui naguère respirait encore, et que j’aidais à franchir le moins péniblement le passage toujours difficile du temps à l’éternité, il m’a fallu plus de forces que je ne croyais possible d’en rassembler...

Quelque habilement qu’ait été pensé le Lys dans la vallée, mille femmes en le lisant diront : « Ce n’est pas encore cela [17]. » C’est que, quelque intimes qu’aient pu être les confidences que vous avez reçues, il en est qui ne vous seront jamais faites, parce qu’il y a honte à les faire ; parce qu’il y a mille choses qui ne se disent pas, qu’on nierait même à l’ami qui les surprendrait. On ne rougit point d’un malheur réel, d’une dissidence d’opinion, d’esprit, d’âme, d’un mauvais procédé reçu ; mais les supplices qui sont de toutes les heures, qui ne sauraient se définir, on n’en parle jamais, et c’est là pourtant où est la mort ! De là naissent l’abrutissement et la dessiccation de l’âme.

Vous voyez enfin l’azur de votre ciel, cher Honoré ! N’y jetez donc plus aucune vapeur qui, comme toutes les précédentes, se condenserait en nuages. Qu’est-ce qu’un nuage [18] ? Une agglomération de gouttes d’eau sous la forme la plus légère ; cet atome de brouillard ne parait rien, isolé, et pourtant il forme les orages ! Plus d’orages donc, car ils ne frappent pas que vous, et vous êtes sans pitié pour ces cœurs qui vous sont dévoués.

Trente-cinq mille francs, moins votre dépense, combien cela fera-t-il ? Je n’ose répondre à cette question. Je vous ai entendu vanter le cabinet de M. de Chateaubriand avec ses meubles de chêne ; si le propriétaire de ce cabinet n’eût pas été un homme sans ordre, pour ne pas dire plus, et qui avait un tel cabinet par orgueil, j’aurais dit : imitez ! Mais je vous aime mieux fou de chiffons et de femmes vaines que prêt à vous vendre pour cinq cents francs, comme le père de l’École Romantique [19].

Quand vous aurez payé votre mère, je crois que vous pourrez vous occuper de vous. Votre mère, à son âge, sera riche avec trente-cinq mille francs. Si elle n’a pas assez, c’est qu’elle mangera tout ce que vous ajouterez à cela. Faites-lui une pension si vous le pouvez. Mais, pour ce cher, permettez-moi de vous le dire, quels que soient vos revenus, ils ne vous suffiront jamais. A votre âge, on peut encore ajouter à ses habitudes de luxe et de mollesse ; maison est impuissant à y retrancher quoi que ce soit.

Quand Paris vous prendra trop fort à la gorge, venez ici, non pour y travailler, mais pour y réparer vos instruments de travail. Cette vie plate et décolorée vous est nécessaire de temps à autre.

Adieu, ménagez-vous un peu, car vos projets sont vastes, et il faut suffire à leur exécution. Je vous aime bien. Pourquoi avoir envoyé ce bon ? N’ai-je pas toujours mille choses à payer à Paris ? Puisque je n’avais pas eu le temps de vous répondre, il fallait attendre.


L’orage a brisé toutes mes fleurs en mon absence, et j’ai trouvé chez moi le deuil de la maison que je quittais. Aussi mon automne se passe tristement, car si l’on m’ôte mes fleurs, que me reste-t-il ?

Courage et modération.


L’affaire Chevalet n’est pas encore liquidée. Mme Carraud est persévérante dans ses entreprises ; le 31 octobre, elle écrit de nouveau à Balzac :


Cher, M. Chevalet m’avait écrit que vous lui aviez offert de le prendre auprès de vous, et il me demandait si je ne serais pas blessée qu’il quittât la place que je lui avais procurée. Moi qui n’avais eu cette place que par une sollicitation amie, j’ai fait au protecteur la même question. Sur ces entrefaites, M. Chevalet a été délivré de cette contrainte, et il me demande de nouveau s’il doit se présenter à vous. Vous reconnaîtrez là cette timidité que donne le malheur. Je lui donne ce mot pour passeport et vous prie de faire pour lui ce que vous étiez disposé à faire il y a un mois. Vous savez, Honoré, que mon cœur vous en tiendra compte. Auguste m’a dit que vous aviez eu un instant le désir de venir vous chauffer à mon bon feu. Pourquoi ce désir n’a-t-il pas eu d’exécution ? Adieu, que le ciel vous donne tout ce que vous désirez et vous épargne toute espèce de maux. Ici, nous vous aimons bien. J’attends vos merveilles et ai bien besoin de cela pour m’édulcorer l’esprit. Je finirais par m’abrutir. Dites à Laure qu’elle est plus mobile que la plus scintillante des étoiles.


Mme Carraud ne se doute vraiment pas des qualités qui manquent à M. Chevalet. Balzac va les lui énumérer :


Mais, cara, le courant de la vie va malgré nous. J’avais offert à votre considération une place de la dernière importance et de la dernière délicatesse, car qui sera mon secrétaire partagera les chances de ma fortune politique, et cela commence à se sentir si fort que j’ai communément dix demandes par mois, auxquelles je ne réponds même pas. J’ai des amis qui la veulent, mais qui y sont impropres, faute de moyens, d’énergie, de souplesse ou de connaissances. J’ai fait pour vous ce que je n’aurais fait ni pour ma sœur, ni pour qui que ce soit au monde, car un homme ainsi placé dans mon intérieur y voit tout ; il peut me faire poignarder dans la quinzaine, il peut me causer des maux irréparables, avec une facilité merveilleuse sur les trois points de la vie : la littérature, l’intimité, la politique.

Sur votre solidarité si complète avec le dit jeune homme, j’ai eu la foi aveugle que j’ai en votre affection. Il avait à choisir entre moi et une institution. Je n’ai pas voulu l’influencer. Il a pris l’institution. Sur ces entrefaites, j’ai rencontré un pauvre professeur de quarante-cinq ans [20], ayant femme et enfant, autrefois riche, maintenant correcteur d’imprimerie, auquel il faut reconnaître incontestablement les qualités qui manquent à M. Chevalet : science grammaticale, logique et typographique. Au lieu d’être chez moi, il reste chez lui. Mon libraire lui fait cinquante francs par mois, et moi cinquante également. Voilà tout d’un coup trois intérêts satisfaits. Puis-je, le jour où M. Chevalet me demande ce qui n’est plus disponible, le lui recréer ? Le bien est un et compact. Un homme juste se doit à toutes les infortunes. Je n’ai plus rien à lui faire faire près de moi. Et le voilà qui croit je ne sais quoi quand je lui explique convenablement cette position. Aujourd’hui j’ai tant réfléchi à ceci que, pour mettre quelqu’un près de moi, il faudrait que ce fut en homme ce que vous êtes pour moi, vous femme, et quasi sœur. Il faut un dévouement entier, une science certaine, une entente d’une vie mouvante. Enfin, j’en suis effrayé, Jules Sandeau, qui est certes bien plus avant que ne l’est Chevalet dans mes pensées, me demandait d’être cela pour moi ; mais s’il en a le cœur, il n’en a pas l’énergie ; il n’est point travailleur ; il a des idées politiques qui ne concordent pas avec les miennes ; Il est complet sur deux points ; il est incomplet sur le troisième. Et cependant, plus tard, peut-être sera-ce lui lorsqu’il aura bien mesuré la position, et qu’il aura acquis les connaissances qui lui manquent.

Il ne faut jamais être illogique en amitié. Tout est bon dans la sphère des sentiments. J’irais au Pérou, pour vous, mais voudriez-vous me faire asseoir à gauche dans la chambre, quand je dois m’y asseoir à droite ? Vous savez à [21]

………………

et je dois vous l’avouer, M. Chevalet serait entré chez moi, que je doute qu’il y serait resté, parce qu’il y avait impossibilité à ce que je perdisse trois heures de mon temps à lui faire son éducation. Je puis donner mon argent, mais non mon temps. J’ai des créanciers auxquels j’appartiens. Ma mère et mon frère sont dans une situation horrible. Il faut que j’aie des ailes pour arriver au but. Or, former une intelligence, la débrouiller, mais c’est l’affaire de cinq ans. Vous jugez, par le sentiment, des affaires qui sont de bronze et de marbre. Je vous en conjure, pour vous comme pour lui, cherchez à caser M. Chevalet autrement. En voici assez là-dessus.

Oui, si j’ai quelques jours, j’irai certes à Frapesle, mais le moyen ? J’ai payé onze mille cinq cents francs en octobre ; j’en ai autant à payer en novembre, et douze mille en décembre. Il faut rester sur le champ de bataille, avaler les boulets, les fusillades ! Je ne puis plus vous aller voir que victorieux. J’ai trop à travailler. Je commence même à souffrir physiquement. J’ai au côté droit une douleur qui me force à consulter. Mille tendres choses. Soyez sûre que rien n’est doux à l’âme comme d’avoir des affections sur lesquelles on se repose sans crainte, où l’on se plonge pour se renouveler, où le cœur se restaure. Voilà les plus sûres richesses, et si je ne vais pas à Frapesle, c’est qu’il y a impossibilité.

Adieu. Une poignée de main au commandant Piston.


Mme Carraud, fort occupée par les soins de sa famille et de son ménage, reste près d’un mois sans écrire, puis, le 25 novembre, elle reprend la plume :

Soyez indulgent, mon cher Honoré ; depuis longtemps j’aurais dû vous écrire, mais l’ai-je pu ? Ai-je vécu même depuis quelque temps ? Ma vie se complique chaque jour et j’ai beau faire pour abolir l’être physique, j’ai bien peur que sa faiblesse ne me trahisse et ne me rende totalement incapable. Vous savez que mon dada, c’est l’éducation. J’ai approfondi cette question autant que femme le peut, et je me suis persuadée que le temps où cette éducation est le plus importante, c’est dans les premières années de l’existence. Ma probité m’impose l’application directe de mes principes et, parlant, j’ai horreur des bonnes d’enfants. Trop incomplète pour avoir pu nourrir mes enfants, je les prends au sortir des bras de leur nourrice, et alors ils m’appartiennent. Yorick est sevré et ne marche pas encore ; c’est vous dire que je n’ai plus un instant de liberté, si ce n’est de neuf à dix heures du soir. Mais je ne suis pas bonne à grand chose à cette heure de liberté. Je mets tout en question alors, même la vie, et mes solutions ne sont pas couleur de rose. Ce soir, le petit coquin s’est réveillé et je l’ai pris sur mes genoux, où il a été longtemps à se rendormir ; j’ai pensé à vous, à votre bonne lettre si longue, à vos deux livres que je ne puis lire que par dix pages, et j’ai mieux aimé vous faire une lettre toute fiévreuse, pleine des petits événements de ma vie obscure, que de rester si longtemps sans vous dire que je vous aime bien. Qui sait si demain je pourrais le faire ? Je ne puis plus répondre de l’heure qui suit. J’espère pourtant que j’aurai ce bénéfice que la nature accorde à tout être surchargé : l’accroissement de mes forces en raison directe de mes besoins. Comme mon petit rabelaisien ne crie jamais, j’ai l’audace de continuer à vous engager à venir, quand vous le pourrez, au milieu de ces embarras si bourgeois et si éloignés de vos goûts. Mais Frapesle est assez vaste pour que nous y puissions vivre, dussé-je vous parler par la fenêtre, afin de ne pas trop vous asphyxier de mon atmosphère maternelle.

Je vous remercie infiniment de ce que vous avez offert à M. Chevalet en ma considération. Je suis la cause indirecte de sa non acceptation immédiate, parce qu’il a craint de me blesser en la personne que j’avais employée à lui trouver une place. C’est un malheur pour lui et pour moi qui, sans le vouloir, lui ai fait perdre des relations précieuses. Enfin, c’est un fait accompli auquel il est inutile de songer ; il ne restera de tout cela que ma reconnaissance pour vous. Il n’y a pas eu irréflexion dans la solidarité que je vous ai offerte ; je n’ai point prétendu faire l’aumône à ce jeune homme. Il lui faut du pain, c’est vrai, mais il lui faut autre chose encore, et il fallait du courage pour lui restituer cette chose. Moi je l’ai, ce courage ; je connais ses antécédents, et je me suis offerte pour sa caution, sans crainte de l’avenir, parce que j’étudie assez la nature humaine dans ma petite sphère et l’analyse assez minutieusement pour savoir ce qu’elle recèle en certains cas donnés. Cette caution, je ne la donnerais pas à tout le monde, même à des braves gens sans énergie, sans caractère. Quant à donner une direction à M. Chevalet, Dieu m’en garde ; je ne me suis jamais mêlée aussi directement de l’avenir de personne. Il est parti de sa profession pour me demander assistance et, comme il ne m’est pas prouvé qu’il puisse en prendre une autre, comme aussi je ne me permets pas de décider qu’il ne saurait réussir, j’ai fait selon son désir. La charité, mon cher Honoré, appliquée à l’aumône est une si petite chose qu’elle ne mérite pas qu’on y fasse attention ; je la comprends plus noble et plus grande, et si une âme blessée ; fût-ce celle d’un Vautrin, me demandait de la régénérer, aucune peine ne me coulerait pour cela, car je la croirais plus près de sa guérison que ne le serait celle de Rastignac. Jugez donc ce que je me suis sentie portée à faire pour un pauvre jeune homme dont la plus grande faute est d’avoir un père léger et plus jeune que son âge, qui n’a rien du reste à donner à son fils. Assez sur ce sujet : je n’ai pas le droit de vous imposer mes protégés. Je vous ai fait une demande, vous y avez répondu avec votre chaleureuse amitié, et je vous en remercie.

Je mettrai bien longtemps à vous lire, mais aussi je vous savourerai. Aimeriez-vous une existence sans lecture, sans conversation ? C’est une année d’épreuve ; autrefois Carraud me tenait un peu au courant, mais, à présent, le temps que maître Yorick ne dévore pas appartient à Ivan. Je n’ai pas même à moi le temps de ma toilette : c’est alors que je fais réciter Ivan, et que je fais faire l’analyse. Que diraient vos grandes dames, si elles savaient qu’une femme, jalouse tout comme elles d’être admise dans votre catégorie privilégiée, en est réduite là ? Et pourtant, je ne sens pas que mon âme perde rien à cette matérialisation apparente. J’ai une idée profonde vers laquelle convergent toutes les autres, une idée mère ; n’est-ce pas assez pour éviter la trop grande vulgarité ?

Adieu, cher, que l’argent et les faveurs des dames pleuvent sur vous, puisque vous en avez si grand besoin ! Si l’un ou les autres venaient à vous défaillir, sachez qu’il y a aussi du bonheur dans le repos et dans la médiocrité. Voyez-vous Auguste quelquefois ? Mille bonnes amitiés du commandant ; de moi, mille pensées fortifiantes pour vos jours de dégoût.

Votre amie,

Z.


De novembre 1835 à mai 1836, la correspondance se ralentit. Elle reprend le 14 mai par cette lettre de Mme Carraud :


Vous vous plaignez de moi, carissimo ? Je vous ai écrit il y a bien longtemps, et, bien que vous ne m’ayez pas répondu, j’aurais pu vous écrire encore ; mais, à la hauteur où vous êtes, au point où vous envisagez le sort du monde, vous ne pouvez peut-être plus jeter un regard à d’anciennes familiarités. J’ai eu peur enfin, peur d’être déplacée, peur qu’une émanation du cœur ne pût se faire jour au milieu de votre fermentation cérébrale, si active qu’elle détruit toute autre chose. J’ai reçu vos livres, et une reconnaissance vulgaire eût cru devoir vous en accuser réception avec la dose d’encre voulue. Moi, j’ai autrement fait ; je les ai lus, lus, et puis j’ai médité longtemps. Fleur des pois [22], œuvre de talent, m’a serré le cœur ; j’y ai cherché quelque chose de vous que je n’y ai pas trouvé. Mon vieil ami, vous avez maintenant trop d’esprit pour moi, la vibration harmonique, de vous à moi, est interrompue : la Fleur des pois, qui a dû vous valoir d’immenses éloges, m’a fait mal. Oh ! ma Grenadière ! Vous aviez moins d’esprit alors... Séraphita me fait encore rêver sur vous ; je ne puis résoudre la question de votre foi en cette œuvre. Il faudrait que je vous l’entendisse lire, alors mes doutes seraient levés. Une bénédiction pour cette fraîche et pure création de Mina ! C’est un des anges blancs de Louis Lambert ; c’est une réminiscence d’un autre monde ; c’est l’amour pur, tel que toute jeune fille le doit sentir. Séraphitus est jaloux avec férocité, comme tous les hommes ; Séraphita est froidement coquette, comme toutes les femmes. Il y a dans ce livre des rêves du ciel, des scènes ravissantes ; mais il sera incompris en ce qu’il a de bon, et l’on n’appuiera que sur les absurdités et sur la religion de Swedenborg. Moi, je la condamne, parce que je n’admets pas la perfection sans les œuvres ; le ciel se gagnerait trop facilement.

Je n’ose vous dire : venez donc ! Que peut être Frapesle pour vous maintenant ? Sans rien savoir de vous, si ce n’est que vous avez fait boire du Vouvray à Auguste, je sens que nous ne sommes plus du même ciel : qu’est-ce qu’un cerveau comme le vôtre aurait à gagner auprès du commandant, qui sommeille, et de moi, absorbée par mes deux marmots ? Cher, les forces humaines sont unes. Si on les applique toutes à une seule chose, le reste languit et, — faut-il vous le dire ? je crois que vos facultés psychiques doivent rester dans un engourdissement complet. Mais, comme on ne dissipe pas, quoi qu’on fasse, des richesses comme les vôtres, j’attends le jour où le besoin de repos se fera sentir et où vous demanderez mieux à la vie que l’excitation de votre machine à penser. Frapesle brillera alors dans un coin, et vous voudrez savoir s’il s’y trouve toujours de fraîches fleurs et des cœurs ouverts. Cette fournaise dans laquelle vous vous êtes jeté et dont vous attisez soigneusement le feu, comme si vos créanciers et vos envieux étaient insuffisants à le faire, cette ardente fournaise ne vous donne-t-elle donc pas soif d’une existence calme et reposée ? N’aurez-vous jamais le désir de vous rendre compte, chaque soir, des événements, des phénomènes, internes et externes, de votre vie de chaque jour ? Vous peignez bien des jouissances, bien des situations, mais celle-là, vous n’en parlez que d’après vos rêves, et vous la décorez comme vous faites toujours ; elle mérite mieux, on peut la peindre sans ornements. J’ai remis un pied dans le monde depuis que j’ai perdu ma sœur. Sa fille est venue à Bourges et m’y a souvent attirée ; depuis le carême, elle recevait chaque jour, et je me suis retrouvée au milieu de ce parlage de salon que j’avais presque oublié ; j’ai revu les petites passions, mues par de petites choses, et dépensant une activité incroyable pour arriver à des résultats microscopiques. Chaque fois que je revenais dans ma chaumière, je jetais au ciel, à la terre, à mes gazons et à mes fleurs des regards reconnaissants. Je vais retourner encore à la préfecture du Cher, pour la dernière fois sans doute ; ma santé ne me permet plus de déplacements ; je vais faire une courte apparition à Tours et je dirai adieu ensuite aux véhicules de toute espèce. Si vous saviez avec quelle volupté je pense que rien ne pourra me sortir de mon petit enclos, d’ici à une dizaine d’années !... Si vous saviez comme la pensée s’agrandit de cet éloignement de toute relation ! C’est qu’aussi j’ai besoin de mes forces et de ma tête. Quand Ivan aura fini, Yorick commencera ; c’est une rude perspective, pour qui était plutôt née pour penser que pour agir ! Ces deux bonheurs à fonder demandent une immolation quotidienne. Yorick est un goguenard ; le petit coquin fera du drôlatique ; il a un œil qui projette au loin son intelligence. Ivan est nerveux et grave, il me donne beaucoup plus de peine que le gros ne m’en donnera. Nous sommes tellement identiques que, s’il présente l’angle, c’est aussi un angle qui lui répond ; il ne faudrait pas cela. Mais je ne puis calmer ce besoin immense de perfection, d’une perfection qu’il me semble fait pour atteindre. Puis ne dois-je pas être vraie avant tout ? N’est-ce pas la moralité de mon éducation, qui péchera partant d’autres choses ? Mais de quoi vais-je vous entretenir, vous que le présent absorbe ? Quel intérêt peut-il vous rester pour les détails de ménage ?

Adieu, dearest, adieu ! que le monde vous accueille toujours dans ses palais de rubis et de saphirs ; que les femmes aient toutes des yeux célestes et des cheveux soyeux pour vous, afin que vous recueilliez là autant que vous y placez ! Nous qui n’avons qu’un soleil, nous lui demanderions seulement d’être un peu plus bénin ; il fait un froid si constant que je m’émerveille chaque jour du brillant coloris de mes anémones. Si une bénédiction d’amie peut jeter quelques parfums doux dans votre vie, recevez la mienne. Le jour où Frapesle vous recevra, nous tuerons le veau gras.

ZULMA.


Je vous dénonce Carraud pour avoir souri quand il a su que vous aviez fait huit jours de prison [23]. (Il est commandant de la garde nationale du lieu).


De janvier à juin 1836 le labeur de Balzac a redoublé : il a fondé la Chronique de Paris, où il a publié la Messe de l’Athée, l’Interdiction, le Cabinet des Antiques, Facino Canet Ecce homo, les Martyrs ignorés. En juin, il est à bout de forces et, pour comble de disgrâce, à tous ces maux viennent s’ajouter les soucis d’un procès avec Buloz à propos de la publication du Lys dans la vallée. Le docteur Nacquart lui enjoint de prendre quelque repos et Balzac s’en va chercher la paix à Saché, auprès de M. de Margonne. Paix relative, car il continue à travailler seize heures par jour pour se délivrer des deux derniers volumes promis à l’un de ses éditeurs, Mme veuve Béchet. Mais pour composer Illusions perdues [24] Balzac a besoin d’avoir courrier par courrier réponse à diverses questions sur la topographie d’Angoulême [25]. Mme Carraud lui répond aussitôt :


Le 28 juin 1836, à 5 heures du soir.

Carraud m’apporte votre lettre et, pour ne pas perdre un jour, je vous réponds en deux mots.

Le cher homme n’est pas sûr de vous faire un plan exact. Cependant il s’essaye pendant que j’écris. La porte par laquelle nous entrions à Angoulême, et qui fait presque face à la cathédrale, est la porte Saint-Pierre ; la rue qui débouche de ce côté sur la place du Mûrier est la rue de Beaulieu, qui, de l’autre côté, arrive à la belle promenade qui porte ce nom. La rue qui débouche près de la cathédrale et dans laquelle est ce vieux prieuré, grande maison crénelée à la moderne et pour signe seulement de suzeraineté, est la rue du Minage, et mène au Minage. La rue de l’ancienne maison de M. Bergès est la rue Chandos ; mais elle ne commence à porter ce nom que précisément à cette maison-là ; avant, c’est la place Marengo, On descend directement à l’Houmeau par deux portes et par la grande place où se trouve la caserne ; l’une est la porte Chandos [26], que nous prenions toujours, et qui fait suite à la rue du même nom ; l’autre, la porte du Palet, qui passe sous le rempart et est moins fréquentée. Au-dessus de cette porte est une petite place triangulaire et plantée. — Vous me faites peur avec votre travail ! Si vous pouvez passer par Frapesle, ne fût-ce qu’un jour, venez. J’aurai peut-être encore à cette époque une jeune personne que j’attends, artiste jusque dans les cheveux, et qui fera vibrer la plus paresseuse de vos libres. Auguste n’est plus de cette terre quand il l’entend. Il n’est pas encore ici, mais il reviendra dans quelques jours pour se trouver avec l’enchanteresse, qui peint aussi.

Adieu, il faut que je fasse courir en ville pour porter cette lettre. Bon courage et bonne santé. Il faudra, une fois vos deux volumes faits, vous plonger dans un bain de fleurs. Mille bonnes pensées, que le ciel vous délivre de l’obsession qui pèse sur vous !

Votre bien dévouée de cœur.

ZULMA.


Sur ces entrefaites, Mme Carraud tombe malade et Balzac voyage en Italie, séjourne à Turin, pour les affaires de son ami le comte Émile Guidoboni-Visconti. La correspondance s’interrompt pour reprendre le 9 octobre 1836.


Mon cher Honoré,

Vous avez su que peu s’en est fallu que vous eussiez une fleur de plus à jeter à une amie perdue. J’ai été bien malade, et quoique ce ne soit plus qu’un souvenir, pourtant il m’en est resté un redoublement de susceptibilité, une délicatesse appliquée à toute chose qui me constitue dans une souffrance presque permanente et que je n’ai pas toujours l’art de dissimuler. C’est un tort qui ne peut trouver son excuse que dans la préoccupation que me donne l’état maladif de mon petit Yorick. Le pauvre enfant est accablé d’une fièvre intermittente, qui jusqu’ici résiste à toute action. S’il peut se remettre, je tâcherai de faire tête à cette nouvelle faiblesse, qui prend une allure stable, faite pour effrayer ; et où serait donc le bénéfice de l’âge, si l’ossification n’arrivait pas en son temps, si les mille répugnances de la jeunesse subsistaient toujours ?

Votre dernière lettre, restée en la possession d’Auguste, qui me promit d’y répondre, m’a vivement affectée [27]. J’ai vu une large plaie dans votre cœur, et j’ai pleuré avec vous cet être angélique dont vous avez ignoré les plus grandes souffrances. Honoré, n’y a-t-il pas eu réaction en vous, chez vous ? Je n’ai aucun des titres qu’elle avait pour vous parler, mais aussi je ne suis arrêtée par aucune des pudeurs qui la firent se taire si souvent. Malgré votre prière de ne pas évoquer un tel sujet, je vous demanderai si, le jour où un coup si fatal vous fut porté, vous ne comprîtes pas qu’il y avait autre chose dans la vie qu’un canif de huit cents francs et une canne qui n’a d’autre mérite que d’attirer les regards sur vous ? Quelle célébrité pour l’auteur d’Eugénie Grandet !...

Je suis bien laide [28], cher, mais il est des éloges que j’ai toujours tenus pour offensants, parce que je sentais que je méritais mieux. Dans quelle aberration vous ont jeté ces nuages d’encens que l’on a amoncelés autour de vous pour vous aveugler et vous perdre ! N’ont-ils pas réussi, et votre vie n’est-elle pas un enfer ? Est-ce écrire que le faire le couteau sous la gorge, tet pouvez-vous parfaire une œuvre que vous avez à peine le temps d’écrire ? Vous êtes ruiné, dites-vous, mais, cher Honoré, à votre début dans la carrière, qu’aviez-vous ? Des dettes. Aujourd’hui, des dettes aussi ; mais combien le chiffre en est différent ! Et pourtant, que n’avez-vous pas gagné depuis ces huit ans, et croyez-vous qu’il fallut de semblables sommes à un homme de pensée pour vivre ? Ses jouissances devaient-elles être si matérielles ? Honoré, quelle vie vous avez faussée, et quel talent vous avez arrêté dans son essor !

Je risque peut-être beaucoup à vous parler ainsi ; mais c’est que je souffre avec vous des maux que vous ressentez, et, seule, pour vous, de ceux qui ne vous arrivent pas encore, quoique existants. Je ne compte plus vous voir, parce que je ne saurais me dissimuler que le contact de gens simples comme nous est sans charme pour vous maintenant. Mais comme je vous aime d’une bonne et sainte amitié et que, bien que vous ne soyez plus l’Honoré d’autrefois, je n’ai pas changé de sentiments, je vous dis ce que personne ne vous dira, les uns ayant à vous exploiter, les autres n’ayant pas la conscience assez pure à votre endroit pour oser parler ainsi. J’ai peur de votre avenir ; je vous en trouve trop peu soucieux. Ce qui m’a apporté cette sensation, c’est l’horrible mort de Mme de Mortsauf ; vous avez gâté là une belle œuvre, une belle pensée !

Auguste est retourné vers vous. Je m’inquiète pour lui : je trouve qu’il met trop peu de soin à étendre ses idées ; il me semble qu’il ne saurait acquérir un talent, s’il ne meuble pas mieux sa tête. C’est une chose que je n’ose lui dire moi-même pour mille raisons, mais qu’il doit bien accueillir, venant de vous. Il ne saurait peindre pendant quinze heures par jour ; que le temps qu’il ne peut passer à son chevalet soit donc employé au profit de la profession qu’il a embrassée. Le musicien peut bien ne rien connaître en dehors de son art, mais la peintura se rattache à tout. C’est comme si, pour écrire, vous n’aviez lu que des romans : qu’auriez-vous pu faire avec de tels moyens ? Il a une insouciance pour tout qui m’a désolée ; il ne se donne plus la peine de parler, ni de marcher. Il aurait besoin de voir le monde, et souvent ; il est une foule de choses qu’il n’apprendra que là.

Adieu, dearest. Mon petit enfant revient de faire une promenade en voiture ; je l’entends et vais le prendre. Si je vous ai blessé, excusez-moi, car je vous aime bien ; j’ai dû être vraie avec vous, parce que je vous estime. Votre amie.

ZULMA.


Dites à Auguste de me renvoyer votre lettre qu’il a gardée.


Trois mois de silence ! Balzac n’a guère le temps d’écrire à ses amis : sa revue (La Chronique de Paris), ses livres, ses affaires lui prennent tout son temps. Il veut en finir au plus tôt avec cette dette, ces créanciers qui, depuis tant d’années, contrarient son travail. D’octobre à décembre, il fait paraître la Perle brisée (2e partie de l’Enfant maudit), la Vieille Fille, un article Sur les questions de la propriété littéraire et de la contrefaçon, la Confidence des Ruggieri [Sur Catherine de Médicis). Il chante victoire et, le 22 décembre 1836, Mme Carraud lui écrit :


Noël, Noël ! mon cher Honoré ! vous voilà donc délivré de ce démon tourmentant qui dévorait votre bon temps et communiquait à vos œuvres quelque chose de hâté qui ne permettait pas à votre talent de se développer dans tout son éclat. Je ne puis vous dire la joie que j’en ai ressentie ; vous ferez le Privilège, cette œuvre pour laquelle je me suis passionnée sur vos dires. Je vous attends donc ; vous frapesliserez bien à l’aise dans cette saison, si ce n’est avec agrément. Je n’ai que le temps de vous dire deux mots, car j’ai de nombreux hôtes, et en hiver, c’est plus occupant qu’en été, car le local est exigu, et les ombrages ne sauraient servir de décharge. Tout cela va disparaître dans trois jours, et alors commencera la solitude absolue, que vous seul serez tenté peut-être d’interrompre.

Dans ce peu de mots, qu’il y en ait un pour vous dire que vous êtes au moins étrange de me reprocher mon silence. Je ne connais pas votre adresse et je serais fort embarrassée de vous faire parvenir une lettre. Je charge une de vos connaissances de vous porter celle-ci. J’espère qu’il saura vous dépister. Vous pourriez lui remettre la somme que vous devez à Auguste ; celui-ci m’a chargée de la recouvrer, parce que Carraud a soldé les mémoires qu’il a laissés à payer en quittant la France. Il est parti le cœur bien dilaté par la joie. Dieu veuille qu’aucun mécompte ne vienne jeter sa goutte d’eau froide sur cette joie si extrême ! Il n’aborde pas dans le pays de l’enthousiasme ; mais peut-être les choses lui tiendront-elles lieu de ce qu’il trouvera en moins dans les hommes.

Adieu, donnez votre adresse à M., Bourgongne, qui vous remettra ces lignes ; je vous écrirai directement une bonne lettre.

Travaillez comme un homme que ses créanciers ne talonnent plus et dont l’esprit peut s’étendre à l’aise, sans être tiraillé par la nécessité.

Addio, carissimo.

Z.


Hélas ! Balzac a trop tôt chanté victoire, sa pauvre Chronique de Paris, si bien partie, va s’arrêter faute de fonds : « Il me faut encore six mois, écrit-il à Mme Carraud, pour libérer ma plume comme j’ai libéré ma bourse [29]. »

Le voyage de Borget, qui doit aller visiter le Pérou et la Chine, n’enchante pas Balzac : « J’ai été plus loin que vous, déclare-t-il à Mme Carraud, j’ai dit à Auguste de ne pas faire le voyage en question. Il perd du temps. Il ne veut pas voir que dans les arts il y a un mécanisme à saisir. En littérature, en peinture, en musique, en sculpture, il faut dix ans de travaux avant de comprendre la synthèse de l’art en même temps que son analyse matérielle. On n’est pas grand peintre parce qu’on a vu des pays, des hommes, etc. ; on peut copier un arbre et faire un immense chef-d’œuvre. Il lui valait mieux se battre deux ans avec la couleur et la lumière dans un coin, comme Rembrandt, qui n’est pas sorti de chez lui, que de courir en Amérique [30]... » Quant à Ivan, l’aîné des fils de Mme Carraud, « il faut, pour en faire un homme, lui faire sentir les hommes ; il faut qu’il connaisse quelque chose qui ne soit pas les délices de la maison paternelle. »

Et Balzac termine sa lettre en annonçant qu’il espère pouvoir bientôt « travailler en paix une quinzaine à Frapesle ; et n’est-ce pas quelque chose de curieux que j’aille y faire l’ouvrage que j’y commençai la première fois que j’y suis venu, César Birotteau [31]. » Enfin répondant à la question de son domicile : « Mon adresse, écrit-il, n’a jamais varié : toujours Mme veuve Durand, 13, rue des Batailles. » C’est là que Mme Carraud lui adresse sa réponse le 18 janvier 1837 :


Quoi ! mon pauvre Honoré, les cinquante mille francs se sont fondus, comme cette neige qui couvrait naguère le gazon sous ma fenêtre ? Vous n’êtes pas plus tranquille qu’auparavant. Que je vous plains, non de devoir encore, vous devrez toujours, mais de ne pas trouver en vous la force de résister au premier caprice que vous apporte le moindre relâche dans vos travaux ! L’indépendance n’est donc rien à vos yeux que vous ne craignez pas de la sacrifier à la moindre bagatelle, à un canif, à la petite gloriole de voyager en poste ? Vous m’avez rendue bien indulgente pour les fautes qui ternissent la vie de tant de pauvres femmes, puisque vous, homme d’intelligence et qui concevez la vie, vous êtes plus faible qu’elles, en ce que l’attrait auquel vous cédez n’est pas aussi puissant que celui qui les entraîne. Pourtant, caro, puisque vous sentez l’importunité de la dette, ne laissez pas ce supplice au pauvre Auguste, qui, aujourd’hui encore, m’écrit de tacher d’acquitter celle qu’il a laissée. Je le sais trop délicat pour vous parler lui-même de tout cela ; mais moi qui n’ai pas d’argent, et qui pourtant n’en mange pas pour ma satisfaction personnelle, loin de là, je ne puis lui ôter ce tourment de la conscience qu’en faisant un appel à votre justice envers lui. Tâchez donc de verser mille francs, d’ici le 1er février, afin que tout cela ne revienne pas à sa famille, ce qui, je le sais, lui serait souverainement désagréable. Si je pouvais me procurer mille francs, je ne vous dirais rien de cette affaire, mais comme, moralement, vous seriez la première personne que je prierais de lui faire cette avance, faites donc, par justice, ce que vous feriez par générosité, si vous n’étiez son débiteur, et que votre pauvre ami, dans les savanes lointaines, ne traîne pas un remords, un souci après lui.

J’ai peur, comme vous, qu’il ne rapporte nombre de désenchantements de ce nouveau monde ; tout lui est un sujet d’étonnement ; les mœurs si nouvelles, si positives, si libres, le blessent outre mesure. Il est déjà fort répandu, plus qu’il ne le voudrait, ainsi que son patron, sous le rapport de son art. Il se pourrait bien, comme vous le dites, que ce voyage ne portât pas tous les fruits qu’il en attend ; mais on conçoit facilement tout l’attrait qu’a dû lui offrir une semblable course, faite sans grands frais. C’était une occasion qui ne se représente pas deux fois dans la vie, et quoique je sois fâchée de le voir si loin de nous, je ne saurais le désapprouver.

Quand donc, dearest, vous verrai-je travailler pour travailler, en prendre à votre aise et ne pas être au volume ? Vous feriez de si belles, de si bonnes choses alors ! Je ne sais si Frapesle vous inspirera ; je le désire. Vous vous y trouverez bien bourgeoisement. Il y a longtemps que vous n’y êtes venu : n’allez pas faire de l’imagination à propos de ce voyage, ce qui ne servirait qu’à ternir la réalité, déjà si pâle !

Certainement oui, il faudra sortir Ivan ; mais rien ne presse encore. Puis, où le mettre convenablement ? Ma fortune ne répond pas à mes idées, et en cela, je subis le sort de bien des gens en France. Je dois donc employer mon intelligence à trouver le moyen de m’approcher le plus possible de mon idéal. Je revendiquerai les bénéfices de l’éducation publique, mais seulement quand je commencerai à ne plus craindre ses contagions.

Adieu, caro, pensez au pauvre Auguste, qui est stupéfait des mœurs du peuple parmi lequel il vit maintenant. Heureusement, le commandant n’a pas la goutte aux mains, ce qui lui permet de presser les vôtres avec cordialité. Merci de vos caresses à mes enfants ; puissent-elles leur porter bonheur !


Balzac est derechef parti pour l’Italie, pour le compte de son ami Guidoboni-Visconti ; il s’arrête à Milan, à Venise, à Florence et ne rentre à Paris que le 3 mai. Il écrit aussitôt à Mme Carraud :


Cara,

J’arrive d’Italie, où je suis resté deux mois et demi pour des affaires sérieuses, à la conclusion desquelles il y avait de l’argent pour moi. Je n’avais plus d’autre moyen d’avoir ce qui m’était nécessaire. Ce serait trop long à vous expliquer. Mais en arrivant, j’ai pensé à Borget, et comme en ce moment j’ignore où et comment envoyer les mille francs que je lui dois, je prends le parti de vous les adresser. Vous saurez mieux que moi leur destination.

Je vous écrirai plus en détail. Pour le moment je n’ai que le temps de vous aviser de l’envoi, par les messageries de la rue Notre-Dame des Victoires, des mille francs au commandant, à la date d’aujourd’hui, 3 mai, jour de mon arrivée.

Mille tendresses à tout Frapesle, et à vous en particulier.

HONORÉ.


Carraud répond le 10 mai :


Je voulais vous remercier de vos deux livres, mon cher Honoré, mais je n’ai su où vous prendre ; vous avez été vous chauffer au soleil d’Italie, si tant est qu’il y ait eu soleil cette année. Vous avez bien voulu revenir : tant mieux ! Je ne sais si j’aurais cette vertu, moi qui ai borné ma vie à peu près à des rapports avec les choses, car les choses doivent mieux valoir de l’autre côté des Alpes, où le soleil est plus brillant. Mon mari a touché les mille francs et a payé tout de suite une des dettes de notre pauvre exilé. Si vous lui devez encore quelque chose, vous me direz quand vous serez en état de payer ; je vous désignerai à Paris une personne à qui il doit encore.

Non seulement le temps et l’espace sont entre nous, mais la maladie est venue aider à cette séparation, qui me semble bien dure. Je ne me suis jamais bien remise de ma crise de l’année dernière et, depuis quatre mois, je vais de rechute en rechute. Il n’y a pas huit jours que j’ai pu me remettre à écrire. J’ai essayé du changement de lieu et cela ne m’a pas réussi : à Bourges comme à Châteauroux, la fièvre m’a bien su retrouver. Il me faut donc vivre sur mon rocher, comme l’huître, et me condamner à une existence morale analogue. Il m’a fallu me séparer de mon petit Ivan : j’étais incapable de lui être utile en la moindre chose, et il fallait qu’il s’occupât. Je l’ai placé chez son maître, en ville, et je le vois deux fois par semaine, quand le temps permet la promenade. C’est préluder de bonne heure à l’isolement qui attend ma vieillesse. Je ne suis pas assez forte pour aller en ville, et, comme je ne puis m’occuper longtemps, la tristesse me gagne. Il me vient de ces mélancolies qui ont souvent bercé ma jeunesse, mais quelle différence ! Il y avait de la volupté dans les larmes que je versais autrefois : maintenant, c’est l’amertume qui domine, et pourtant, si mon corps s’affaisse, mon âme conserve sa vigueur et ses croyances ; seulement j’espère moins. Quarante et un ans ! Songez donc un peu, cher ! Il faut que je me le dise bien souvent pour y croire, car, bien que j’aie vécu au double, parce que mon imagination me rendait perceptible la moindre cause d’émotion, je me sens encore assez de chaleur au cœur pour lutter sans désavantage avec plus jeune que moi. Ni les déceptions, ni les mécomptes de tout genre n’ont pu altérer ma foi profonde en l’avenir de l’humanité.

Le mois de janvier et bien d’autres encore sont passés, et vous n’avez pas paru. Je n’ose insister sur cette visite qui me serait si bonne : notre intérieur est plus que triste pour un ami à qui l’on ne fera pas du charlatanisme ; les fleurs ne peuvent pas éclore, les feuilles languissent sans continuer leur développement, il semble que tout soit frappé de mort : jugez donc du reflet que peut en recevoir une pauvre créature dont toutes les forces sont employées à vivre seulement.

Adieu, cher Honoré, je suis toute surprise d’avoir mené à bien une si longue lettre. Quand vous aurez du temps, adressez-moi quelques mots, dites-moi ce qui se passe en ce monde, ce sera œuvre méritoire. Carraud vous serre cordialement la main ; je vous tends la mienne avec affection. Du courage et de la santé ! Il vous faut cela pour marcher fermement dans la voie ouverte devant vous.

ZULMA CARRAUD.


Marinette, qui m’écrit assez souvent, se rappelle à vous, ainsi que Mme Séguin, d’Angoulême.


Les affaires de Balzac ont empiré : son éditeur Werdet l’a entraîné dans sa faillite et les recors sont à ses trousses. Quelle belle occasion d’aller à Frapesle chercher paix et sécurité ! Balzac écrit à Mme Carraud le 10 mai 1837 :


Peut-être vais-je venir vous demander une semaine ou deux d’hospitalité. Ce ne serait toujours pas avant le 10 juin. Mais c’est le beau de Frapesle, m’avez-vous dit. Nous en dirons plus en une soirée que dans cent lettres. Ainsi, baisez au front vos deux enfants pour moi, mille amitiés au commandant et à vous les plus douces choses.

HONORÉ.

S’il est possible, gardez-moi le plus profond secret sur mon séjour, car il s’agit d’éviter une poursuite judiciaire, mais purement commerciale, et je vous dirai le pourquoi. Werdet a fait faillite. J’ai donné des signatures de complaisance, et pour faire capituler les acceptants qui le savaient, il faut à mes gens d’affaires une absence de votre pauvre ami Honoré.


Mme Carraud est souffrante au moment où lui parvint la lettre de Balzac. Sitôt rétablie, le 14 juin, elle lui répond toute joyeuse :


J’étais encore atteinte d’une nouvelle crise quand votre lettre m’est parvenue, cher Honoré. Je me suis réjouie avec égoïsme de la nécessité qui vous ramenait à Frapesle. J’ai attendu le 10 avec impatience, et j’en oubliais les dégoûts de mon vin de quinquina et mes purgatifs. Mais le 10 est passé, et point d’Honoré. C’est mal à vous de nous leurrer d’un espoir que vous n’êtes pas bien résolu à réaliser. Les feuilles sont bien vertes à Frapesle pourtant, et les roses commencent à s’épanouir. Vous y seriez perdu comme au bout du monde. Nous ne voyons presque personne, et vous auriez le temps de rester dans votre chambre ; les soirées sont si belles dans ce temps-ci !

Et César Birotteau, qui devait naître à Frapesle ? En ajournez-vous donc indéfiniment la publication ? Ou bien lui avez-vous choisi une meilleure patrie ? Je n’aime pas, cher Honoré, à vous voir une idée à réaliser pendant un aussi long temps : il me semble qu’elle perd de son énergie dans cette longue conception, et que votre sujet éclôt bien plus pâle qu’il n’eût été s’il eût vu le jour plus tôt. Comme vous n’avez pas le temps de le méditer, et que vous et la vie courez à qui mieux mieux, vous jetez sur la route une partie des fleurs qui composaient la couronne dont vous aviez ceint le front de votre héros, au premier jour de son apparition dans votre tête. Je ne sais jusqu’à quel point je puis me permettre de semblables observations, moi qui ne vous ai pas vu depuis tantôt deux ans et qui ne suis plus en rapport magnétique avec vous. Je pourrais bien frapper à faux sans en avoir la conscience ; ce serait un vrai malheur pour moi.

Adieu, inspiration et santé !

Votre toujours dévouée,

ZULMA C.


Carraud se délectait dans l’attente de bonnes discussions, sorte de friandise dont il est privé ; il ne s’arrange pas de votre irrésolution.


Presque aussitôt, le 17 juin, Balzac répond :


Cara, je viendrai, mais forcé de donner la Femme supérieure, toute composée, à la Presse pour le 25, j’ai cru pouvoir la terminer en quelques semaines, et j’en ai pour jusqu’au 25 à mon grand désespoir. Le sujet s’est étendu et il faut que je sois en communication constante avec l’imprimerie. Il y a sept ou huit épreuves par jour. César Birotteau vient après, et j’irai sans doute en accoucher à Frapesle. Se m’en voulez pas, il y a force majeure.

J’ai trouvé un asile à Paris et il est assez sûr [32] ; mais croyez qu’aussitôt que je le pourrai, je viendrai faire une visite à mon doux Frapesle. Avant quelques mois je serai d’ailleurs fixé pour cinq à six années en Touraine, afin d’achever dans la retraite ce que j’ai entrepris ; car j’en ai bien pour sept années au moins de travaux constants.

Mille gracieusetés au commandant et une poignée de main : quant à vous, je n’ai qu’à vous baiser les pieds, et à me dire

Tout à vous.

HONORÉ.


Une fois de plus, Balzac ne tiendra pas sa promesse, il n’ira pas à Frapesle ; mais de juin à décembre 1837, dans sa mansarde de Chaillot, il composera Gambard, la Femme supérieure et César Birotteau.


MARCEL BOUTERON.

  1. Copyright by Marcel Bouteron, 1922.
  2. Voyez la Revue des 15 décembre 1922, 15 janvier, 1er février, 1er mars, 1er avril 1923.
  3. Rémi-Jacques-Georges Tourangin, né en 1784.
  4. Revue de Paris ; fin de Séraphita, Mémoires de deux jeunes mariées ; Revue des Deux Mondes : le Lys dans la Vallée ; Le Conservateur : projet d’une composition royaliste.
  5. Mme veuve Béchet, Scènes de la Vie parisienne, t. I ; Werdet, Études philosophiques.
  6. Émile Chevalet mourut fonctionnaire du Ministère de la guerre.
  7. Les Cahiers Balzaciens, I, 15-16.
  8. Marie-Clémence Tourangin, née en 1787, avait épousé en 1806 le comte Emmanuel de Lapparent.
  9. Marie d’Anjou accoucha du dauphin Louis, le 3 juillet 1423, vers trois heures de l’après-midi, dans une salle de l’ancien archevêché de Bourges, tendue de drap d’or de Chypre vermeil.
  10. G. Hanotaux et G. Vicaire, La Jeunesse de Balzac, 8e éd., Paris, Ferroud, 1921, in-8.
  11. Domestique des Tourangin.
  12. Pour la fin de Séraphita sans doute.
  13. Les hypothèses du commandant Carraud, nous affirme M. Nordmann que nous avons consulté à leur propos, sont dignes d’intérêt, si l’on considère l’époque à laquelle elles ont été émises, époque où la spectroscopie était encore inconnue, et l’astrophysique peu avancée ; mais, ajoute-t-il, leur pessimisme est exagéré. La rencontre de la terre et de la comète de Halley s’est produite, comme on sait, le 18 mai 1910 et l’humanité ne fut pas anéantie. On ne s’aperçut même de rien. C’est que la quantité de cyanogène délétère contenue dans une queue de comète est si faible qu’elle ne pourrait nous incommoder plus que la faible proportion d’acide cyanhydrique contenu dans un petit verre de kirsch. D’ailleurs, conclut M. Nordmann, les queues et même les têtes de comètes sont d’une telle ténuité que leur rencontre en devient parfaitement inoffensive.
  14. Correspondance, 1, 375-376.
  15. Silas Tourangin.
  16. Le comte Emmanuel de Lapparent, officier de la Légion d’honneur, mourut à Passy en 1870. Ancien polytechnicien, il servit dans l’artillerie, puis, quittant l’armée, devint tour à tour sous-préfet d’Issoudun, commissaire général A Livourne, préfet de l’Hérault et préfet du Cher. Marié deux fois, il avait épousé en premières noces Mlle Roques de Chabannes.
  17. Mme de Berny écrivait : « Le Lys est un sublime ouvrage sans tache, ni faute. Seulement la mort de Mme de Mortsauf n’a pas besoin de ses horribles regrets ; ils nuisent à la belle lettre qu’elle écrit. » Balzac effaça pieusement les cent lignes incriminées (Lettres à l’Etrangère, I, 376).
  18. Mme Z. Carraud écrivit, plus tard, un petit livre intitulé les Métamorphoses d’une goutte d’eau.
  19. Mme de Berny n’était pas plus tendre pour Chateaubriand, qu’elle méprisait souverainement (G. Hanotaux et G. Vicaire, La jeunesse de Balzac, 2* éd., p. 258.
  20. M. Charles Lemesle, que Balzac connaissait d’ailleurs depuis plus d’un an et appelait « son Boileau » (Lettres à l’Etrangère, I, 182]. C’était un ami de l’éditeur Werdet.
  21. Lacune de quatre pages.
  22. Aujourd’hui le Contrat de mariage.
  23. Balzac avait en effet payé en bloc, du 27 avril an 4 mai 1836. sa dette envers la garde nationale, soit 7 jours d’écrou, à l’Hôtel des Haricots. L’Hôtel des Haricots ou de Bazancourt, prison de la garde nationale, n’existe plus. Il était situé sur l’emplacement actuel de la Halle aux vins.
  24. Scènes de la vie de province, t. IV.
  25. Correspondance, I, 329-331.
  26. Ici s’intercalait le petit plan du commandant Carraud.
  27. Lettre perdue dans laquelle Balzac annonçait A Mme Carraud la mort de Mme de Berny survenue le 27 juillet 1836, à la Bouleaunière,
  28. Carraud est vraiment trop modeste, et son portrait, que nous avons plus d’une fois regardé, contredit nettement cette affirmation du modèle.
  29. Correspondance, I, 291 (lettre de fin décembre 1836, faussement datée de 1834).
  30. Même jugement sur Borget dans les Salons de Baudelaire (Curiosités esthétiques, éd. Calmann-Lévy, p. 59 et 180).
  31. César Birotteau ne parut qu’en décembre 1837.
  32. Chez les Guidoboni Visconti, sans doute.