Une école normale israélite à Münster, d’après les Rheinische Blätter

Une école normale israélite à Münster, d’après les Rheinische Blätter
Revue pédagogiquenouvelle série, tome VI (p. 460-461).

Une école normale israélite. — Les Rheinische Blätter donnent quelques renseignements intéressants sur la fondation de l’école normale israélite qui va occuper les beaux bâtiments construits à Münster à cet effet, et qui portent le nom de Fondation Mark-Haindorf.

Il y a soixante ans environ, en Allemagne, en Prusse, les israélites ne possédaient même pas d’écoles primaires ; ils ne pouvaient pas avoir d’instituteurs ; on ne les recevait pas dans les écoles normales, du moins à titre d’élèves réguliers ; ils ne pouvaient qu’y rester quelques jours en passant. Du reste, sauf le commerce, presque toutes les branches de l’activité humaine leur étaient interdites.

En 1825, un médecin, le Dr Heilbronn, fonda à Minden une association ayant pour but de répandre la connaissance des métiers parmi les juifs ; il s’agissait de procurer à quelques enfants abandonnés des moyens d’apprentissage.

La même année, cette même idée fut reprise et étendue par le professeur Haindorf, qui constitua à Münster une association destinée non seulement à placer de jeunes apprentis, mais encore à fonder une école où les plus intelligents des enfants israélites orphelins ou abandonnés recevaient l’instruction nécessaire pour les préparer à devenir instituteurs.

Cette association réussit pleinement, et son influence dépassa bientôt les limites des provinces de Westphalie et du Rhin pour lesquelles elle avait été primitivement fondée.

Le Dr Haindorf, professeur de médecine et de chirurgie à la Faculté. de Munster, devenu riche par un mariage avec la fille d’un opulent habitant de Hamm, Mlle Mark, se consacra à son école normale avec un admirable et infatigable dévouement. Il réussit à écarter les difficultés, à vaincre les mauvais vouloirs, à réunir les fonds nécessaires, à gagner pour son œuvre la sympathie et le concours de gens de toute religion. Il joignit à l’école normale une école annexe qui finit paf acquérir une grande extension et une certaine renommée. Dans la classe supérieure, on enseignait le latin, le français et l’anglais : des enfants des divers cultes recevaient les mêmes leçons ; des fils de riches négociants venaient partager certaines études des jeunes normaliens. Des professeurs distingués, des spécialistes connus tenaient à honneur de venir enseigner dans l’établissement ; plusieurs le faisaient sans rétribution.

La maison était une sorte de république, qui se gouvernait par les délibérations et l’entente des maîtres. Le Dr Haindorf animait tout de sa vie, de son entrain. Il s’était réservé de faire des cours d’histoire naturelle et de déclamation, tout en continuant ses cours à la faculté et sa pratique médicale en ville ; il venait fréquemment assister aux leçons des maîtres ; on le voyait souvent aux leçons de mathématiques, qui avaient lieu en été le matin de cinq heures à six, se glisser silencieusement dans la salle, s’asseoir derrière les élèves et écouter tranquillement. Il se rendait souvent aussi au milieu des élèves, causait avec eux, les conseillait, les dirigeait, les encourageait, et restait parfois avec eux fort avant dans la soirée.

La mort de Haindorf en 1862 fut une perte immense pour l’école, mais l’œuvre était fondée et ne périt pas. Un comité s’organisa, un directeur fut mis à la tête des maîtres, des fonds furent recueillis, des legs furent institués ; la belle-mère de Haindorf avait déjà fait une donation de près de cent mille francs qui ne fit que s’accroître par d’autres dons et par des souscriptions annuelles. Le comité se vit enfin assez riche pour construire une école neuve dont la première pierre fut posée le 2 mai de l’année dernière, centenaire de la naissance du Dr Haindorf. L’avenir et la prospérité de cet établissement semblent désormais assurés.