Un mot sur l’air confiné


Victor Bertuot (p. 1-22).
ÉCOLE IMPÉRIALE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE

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UN MOT


SUR L’AIR CONFINÉ


PAR


A. ACHILLE BAUDRAN


De Saint-Martin-de-Loudes (Hérault).





(THÈSE POUR LE DIPLÔME DE MÉDECIN VÉTÉRINAIRE)

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MONTAUBAN

TYPOGRAPHIE de VICTOR BERTUOT

9, place impériale, 9

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1868.


JURY D’EXAMEN
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MM. BOULEY. (O. ❄) Inspecteur-général
LAVOCAT. ❄, Directeur.
LAFOSSE, ❄ Professeurs.
LARROQUE,
GOURDON,
SERRES,
Bonnaud, Chefs de Service.
Mauri,
Bidaud,


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PROGRAMME D’EXAMEN



Instruction ministérielle
du 22 août 1866.

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THÉORIE Épreuves
écrites
1o Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
2o Dissertation sur une question complexe d’Anatomie et de Physiologie.
Épreuves
orales
1o Pathologie médicale spéciale ;
2o Pathologie chirurgicale ;
3o Manuel opératoire et Maréchalerie ;
4o Thérapeutique générale, Posologie et Toxicologie ;
5o Police sanitaire et Jurisprudence ;
6o Hygiène, Zootechnie, Extérieur.
PRATIQUE Épreuves
pratiques
1o Opérations chirurgicales et Ferrure ;
2o Examen clinique d’un animal malade ;
3o Examen extérieur de l’animal en vente ;
4o Analyses des sels ;
5o Pharmacie pratique ;
6o Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.




À MON PÈRE, À MA MÈRE

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À MA SŒUR

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À MES PARENTS


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À MES PROFESSEURS


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À MES AMIS




AVANT-PROPOS.


La composition de l’air exerçant une très-grande influence sur l’état sanitaire des animaux, j’ai cru, dans un intérêt général, devoir faire connaître dans cette courte dissertation, les conséquences fâcheuses auxquelles s’exposent un peu trop souvent les propriétaires, qui, par un calcul d’économie mal entendu, ou pour tout autre motif, entassent leurs animaux dans des habitations trop peu spacieuses et mal aérées.

Ma plume très jeune encore, compte beaucoup sur l’indulgence de ses lecteurs, si, malgré ses efforts, elle ne remplit pas entièrement la tâche qu’elle s’est imposée.

Avant d’aborder la question, il nous paraît indispensable de dire quelques mots sur l’air, sa composition, ses caractères et le rôle qu’il joue dans l’acte de la respiration.

DÉFINITION – COMPOSITION DE L’AIR. – CARACTÈRES
PHYSIQUES.

Définition. Les Anciens donnaient le nom d’air à l’atmosphère et le considéraient comme un élément. Vers le milieu du dix-septième siècle, on commença à soupçonner que c’était un corps composé, et malgré les efforts de plusieurs chimistes remarquables, la gloire d’en déterminer la véritable composition en était réservée à Lavoisier.

Composition. — Notre chimiste célèbre trouva que l’air était ainsi composé : Azote 20,80. Oxygène 79,20 sous le rapport du volume, et sous le rapport du poids de 23,01 d’oxygène et de 76,99 d’azote. À cela s’ajoute de 3 à 6 dix-millièmes d’acide carbonique, des quantités variables de vapeur d’eau, et quelque principe hydrogéné. On y trouve aussi quelques traces d’acide nitrique, de nitrates, de chlorures, d’ammoniaque, d’iode, de Brome, et enfin des corpuscules solides provenant de la surface de la terre.

Caractères physiques de l’air. — L’air est un fluide gazeux, inodore, insipide et incolore ; il forme à la surface de la terre une couche épaisse de 50 à 60 kilomètres où il est retenu par l’action de la pesanteur. Les anciens soupçonnaient le poids de l’air et ce ne fut que vers le milieu du XVIIe siècle qu’il fut connu. Sous la pression de 0,76 un litre d’air sec pèse 1 gr. 2991, ce qui correspond environ à 1/770 du poids de l’eau.

RÔLE DE L’AIR DANS LA RESPIRATION.

Ce rôle a été longtemps méconnu des anciens médecins et chimistes. On savait bien que dans cet acte une partie d’air était absorbé, mais on ne savait pas comment ; ce ne fut que plus tard, lorsque la composition de ce fluide fut connue, que les recherches de Lavoisier, de Priestley et de Laplace, donnèrent des notions précises en analysant l’air, qui avait servi à la respiration.

Dès que la composition de l’air expiré fut connue, diverses théories furent émises sur le rôle qu’il jouait dans cet acte physiologique.

THÉORIE DE LAVOISIER.

Ce grand chimiste dit que l’hématose n’est tout simplement qu’une combustion pulmonaire. Il admet que dans le poumon cette combustion s’effectue au moyen de l’oxygène qu’apporte l’air inspiré, et du carbone contenu dans le sang noir, de là, formation d’acide carbonique.

Plusieurs objections ont été émises au sujet de cette théorie, nous nous bornerons à une seule qui est celle-ci : Si, comme l’a dit Lavoisier, une combustion s’effectuait au sein du poumon, cet acte n’aurait d’autre conséquence que la brûlure de cet organe. Ce simple énoncé suffit pour faire rejeter cette théorie.

THÉORIE DE LIEBIG.

D’après lui, la respiration est une combustion générale qui a lieu sur toute la surface respiratoire, et qui résulte de l’action de l’oxygène de l’air charrié par le sang, sur le carbone et l’hydrogène que renferme ce même fluide. Ce chimiste célèbre dit, que l’acide carbonique n’est jamais libre dans le sang, qu’il s’y trouve à l’état de proto-carbonate de fer, mais que passant dans le poumon, l’acide carbonique est chassé, et il reste du protoxyde de fer qui passe lui-même à l’état de peroxyde par l’addition de l’oxygène absorbé. Ce peroxyde se fixe sur les globules sanguins que Liebig appelle porte-oxygène, et il est charrié par le sang dans toutes les parties de l’organisme. Dans tout ce trajet, et principalement dans les capillaires, l’oxygène du protoxyde de fer se porte sur le carbone et l’hydrogène fournis en grande partie par les tissus organiques, l’acide carbonique qui se forme se porte sur le protoxyde de fer qu’il transforme de nouveau en proto-carbonate, lequel revient encore au poumon pour subir au contact de l’oxygène de l’air, la transformation dont nous venons de parler.

THÉORIE DE M M. DUMAS ET PAYEN.

Ces chimistes disent que, sous l’influence de l’air, les matières féculentes et amylacées qui ont été absorbées comme matières nutritives sont transformées en alcool, lequel est changé à son tour en un acide qui revêt tous les caractères de l’acide lactique ; cet acide se porte sur tous les alcalins contenus dans le sang, tels que le carbonate de soude, de fer, etc. Ces sels sont décomposés, l’acide carbonique est chassé, et il reste du lactate de soude et de fer qui donnent au sang, le premier sa fluidité normale, et le second ses parties globulaires.

THÉORIE DE MAGNUS.

Plus tard, ce chimiste allemand établit sur la respiration une théorie nouvelle appelée, Théorie de la substitution des Gaz Il dit que l’acide carbonique étant apporté par le sang, celui-ci au contact de l’air lui abandonne cet acide pour s’emparer de son oxigène. Cette substitution des gaz a lieu en vertu de ce principe : Que tout gaz en solution dans un liquide peut être remplacé par un autre pour lequel ce liquide aura plus d’affinité ; or, le sang ayant plus d’affinité pour l’oxygène que pour l’acide carbonique, il en résulte que dans le poumon celui-ci est expulsé, tandis que l’autre est absorbé, et ce sang, de noir qu’il était et par conséquent impropre à la nutrition des tissus, se change tout à coup en sang rouge ou artériel, qui se distribue immédiatement dans toutes les parties de l’économie, et y apporte la vitalité. D’après ce que nous venons d’exposer, il est facile de se convaincre du rôle important que joue l’air dans la respiration, et combien est utile dans l’accomplissement de cet acte, la présence d’un air pur et débarrassé de tout principe plus ou moins délétère.


DE L’AIR CONFINÉ.




En étudiant l’alimentation nos auteurs sont parvenus à découvrir les résultats divers qu’on obtenait selon que les aliments étaient bons ou mauvais, abondants ou insuffisants : mais d’un autre côté, la pratique s’est peu exercée à étudier les effets de la respiration sur l’économie animale. En effet, bien que l’alimentation soit une des conditions les plus importantes à l’entretien de la vie, l’air qui est l’agent essentiel de la respiration n’exerce pas une action moins puissante sur l’existence des êtres organisés, aussi, avec l’alimentation, faut-il une quantité suffisante d’air respirable, sans laquelle aucun appareil d’organes ne pourrait fonctionner librement. En plaçant nos animaux dans des écuries, des bergeries ou des étables, le but de nos propriétaires est de les mettre à l’abri des intempéries de l’atmosphère, mais si cet abri ne remplit pas les conditions hygiéniques nécessaires, que l’air s’y vicie peu à peu, il arrivera un moment où le local protecteur sera transformé en un foyer d’infection, qui exercera sur les animaux des influences pernicieuses : on doit donc veiller attentivement à ce que l’air ne soit modifié, ni dans son volume, ni dans sa composition.

Causes. — Les causes modificatives de l’air sont très-nombreuses.

Nous placerons en première ligne l’acte de la respiration.

Cette fonction quoique indispensable à l’entretien de la vie est une des causes qui vicient le plus l’atmosphère. En effet, pendant que cet acte s’accomplit, la quantité d’oxygène diminue, tandis que celle de l’azote reste à peu près la même, mais à l’oxygène absorbée se substitue une plus forte proportion d’acide carbonique et de vapeur d’eau ; or à la dose de 3 ou 4 centièmes dans l’air, l’acide carbonique étant nuisible,[1] il est facile de comprendre les effets qu’il déterminera sur les animaux, si on les laisse longtemps exposés à cette grave influence. Il en est de même de la vapeur d’eau, qui, indispensable dans l’atmosphère avec ses proportions naturelles, finit par devenir nuisible lorsqu’elle est trop abondante dans l’air respiré. Cette cause agira avec d’autant plus d’énergie que le nombre d’animaux enfermés sera en raison inverse avec l’exiguïté du local.

Comme cause non moins puissante de l’air confiné, nous pouvons encore citer les miasmes.

Des Miasmes. Les miasmes sont des principes gazeux exhalés du corps des animaux et exerçant sur leur santé une influence qui varie selon leur quantité, et l’état des êtres dont ils proviennent.

Selon leur origine, ils ont reçu diverses dénominations. Ils prennent le nom de miasmes simples lorsqu’ils se dégagent du corps d’animaux sains. Miasmes morbides du corps d’animaux malades, et enfin miasmes putrides lorsqu’ils résultent de la fermentation putride de toutes les matières animales.

La matière des miasmes est très-peu connue ; ce sont des matières organiques en dissolution dans la vapeur d’eau. Leur formation est favorisée par la concentration et la production de vapeurs dans un milieu limité. L’humidité, l’air calme, la malpropreté, l’entassement de matières susceptibles de s’échauffer, de se décomposer, accélèrent toujours l’action de ces émanations miasmatiques.

La fermentation putride donne encore naissance à de l’acide carbonique, à de l’hydrogène carboné, à de l’acide sulfhydrique, à du carbonate et du sulfhydrate d’ammoniaque ; gaz, tous doués de propriétés méphitiques ou délétères. L’acide sulfhydrique surtout est nuisible au plus haut degré, car des expériences de Chaussier, il résulte que la présence dans l’air de 1/1, 500 de ce gaz suffit pour tuer un oiseau, 1/500 pour tuer un chien et 1/250 pour donner la mort à un cheval. On voit par là, à combien de dangers on s’expose lorsqu’on met des animaux en grand nombre dans des locaux peu spacieux, peu aérés, et où leurs excrétions s’accumulent, se putrifient, sans qu’aucun corps absorbant puisse s’emparer de ces fluides élastiques.

Comme complément de ce que nous venons de dire, nous ajouterons encore quelques mots sur le manque de soins qu’apportent plusieurs propriétaires à l’entretien des habitations de leurs animaux ; il en est, qui, au lieu d’enlever la litière tous les quatre ou cinq jours, la laissent sous prétexte d’avoir un meilleur fumier, pendant 15, 20 et même 30 jours, d’où il résulte que tous les produits d’excrétion se corrompent, et deviennent une nouvelle cause d’infection très-préjudiciable à leur organisme ; D’autres au contraire l’enlèvent assez fréquemment, mais ils ont la mauvaise habitude soi-disant qu’ils économisent leur temps et l’espace, d’entasser le fumier dans le local même, ce qui contribue encore à vicier le peu d’air pur qui reste, et qui est déjà insuffisant pour entretenir une bonne respiration.

EFFETS DE L’AIR CONFINÉ.

Les effets étant plus faciles à apprécier que les causes nous nous étendrons un peu plus longuement sur cette dernière question.

Sous ce qui a rapport à la respiration, nous avons vu que lorsque les habitations n’étaient pas suffisamment aérées, l’air se viciait par suite de la substitution de l’acide carbonique et de la vapeur d’eau aux gaz respirables, et apportait des perturbations dans toute l’économie.

On ne sait pas encore au juste, à quelle dose l’acide carbonique doit être mêlé à l’air pour déterminer des effets fâcheux.

Lavoisier avait dit que l’air des salles d’hôpitaux renfermait de 1½, à 3 % d’acide carbonique.

Des analyses plus récentes ont fait voir, que sur de l’air pris à la Salpêtrière, l’acide carbonique y entrait dans les proportions de 6 à 8/1.000, et à la Pitié 3/1.000. MM. Regnault et Reiset ont fait séjourner pendant plusieurs heures divers animaux dans des étables dont l’air contenait 7 % d’acide carbonique, sans que ces animaux aient éprouvé aucun effet appréciable. Cependant, si on plonge un chien dans un air contenant de 30 à 40 % d’acide carbonique, l’animal finit par succomber. De ce qui précède, nous voyons que ce gaz atteint rarement des proportions assez élevées pour déterminer de suite des effets nuisibles ; Il ne faudrait pourtant pas être trop exclusif, car les effets de l’acide carbonique deviennent funestes à la longue, lorsque la proportion de gaz est sensiblement supérieure dans l’air à 4/10, 000 par suite de la diminution de l’oxygène, et du ralentissement de l’hématose.

Les effets de ce gaz sont cependant assez intenses, pour que quelques auteurs l’aient classé parmi les poisons ; mais souvent on accuse l’acide carbonique comme étant le gaz asphyxiant, lorsque son action au contraire n’est due qu’à un peu d’oxyde de carbone qui lui est ajouté. En effet, nous savons que pour déterminer la mort, l’acide carbonique doit être mêlé à l’air dans les proportions de 30 à 40% et les animaux succombent lorsque à 4% d’acide carbonique, se trouve mélangé de l’oxyde de carbone dans les proportions de 0, 50 à 10 %.

Bien que mélangé à l’air, si l’acide carbonique est respiré à hautes doses, il finit par déterminer l’asphyxie, car l’acte respiratoire ne trouve pas assez d’oxygène pour s’accomplir librement ; il porte les animaux à l’assoupissement, au sommeil et la mort arrive sans qu’ils aient conscience de ce qu’ils éprouvent. Quand l’air au contraire ne renferme qu’une faible quantité d’acide carbonique, il exerce une action spéciale sur le cerveau et occasionne des maux de tête.

L’azote, quoique nécessaire à la respiration, ne doit pas être dans l’air sous une dose trop forte, car l’atmosphère qui en contient plus de 81 à 82 centièmes est impropre à la respiration ; il n’exerce pas cependant une action spéciale sur les animaux mais se substituant à l’oxygène, il finit par déterminer l’asphyxie.

Quant à la vapeur d’eau, et à l’hydrogène, ils ont pour effet de gêner l’hématose et de déterminer comme l’acide carbonique l’altération du sang ; de plus, si l’air est saturé par la vapeur d’eau, celle-ci porte entrave aux fonctions de la peau, et les produits qui s’échappent par cette voie étant retenus confinés, amènent des désordres graves dans tout l’organisme.

Les produits qui prennent encore naissance dans la fermentation putride des résidus de la digestion, ou dans les matières semblables qui impreignent le sol à la longue, ne sont pas aussi sans effets. Accumulés dans l’air, ces produits ne restent pas inoffensifs, car jouissant des propriétés délétères, ils seront impropres à la respiration et détermineront des effets mortels.

Sous l’influence de tous ces agents, l’acte respiratoire se ralentit, il est pénible et languissant, car l’oxygène qui passe dans les poumons est en trop petite quantité ; le sang s’appauvrit, les sens deviennent obtus, les digestions sont incomplètes, et par suite, la nutrition est troublée ; de plus, la peau se décolore, et les muqueuses pâlissent. Cette influence devient de plus en plus appréciable ; elle donne naissance parfois à des maladies aiguës souvent mortelles, et plus fréquemment encore à des maladies chroniques, qui à la longue se terminent par la morve, le farcin, la cachexie aqueuse, la ladrerie ou bien encore par des engorgements chroniques qui résistent à toute médication. « L’air, dit Bourgelat, s’épaissit et se corrompt s’il est renfermé, à plus forte raison s’il peut, dans un lieu limité, se charger des exhalaisons excrémentitielles qui sortent et qui s’échappent constamment du corps des chevaux, et à bien plus forte raison encore s’il participe nécessairement de parties plus impures et plus fétides. C’est alors qu’il contient des semences vraiment morbifiques cachées et capables de causer à la machine des troubles plus ou moins considérables. Il l’embrasse, il l’entoure, il la comprend, il est poussé, aidé de son propre poids, et de son ressort, principalement dans la trachée-artère, dans les poumons, dans l’œsophage, l’estomac et les intestins ; il pénètre avec le chyle dans le sang, et se distribue dans toutes les liqueurs fournies par ce dernier fluide ; Or, sa corruption, conséquemment aux diverses parties hétérogènes qu’il peut charrier, doit inévitablement produire de sinistres effets. »

L’observation et les faits qui se produisent ne cessent d’appuyer l’opinion de Bourgelat ; M. Gayot cite le fait suivant : Il s’agit de chevaux d’un régiment de cavalerie caserné à Versailles. Pendant plusieurs mois ces animaux mal nourris d’ailleurs, avaient vécu au milieu d’une atmosphère chaude, humide, chargée de matières animales ; leur constitution en avait été profondément atteinte ; chez eux, ce n’était pas seulement le poumon, la plèvre, l’intestin qui étaient malades ; le sang aussi était altéré ; c’est qu’il n’avait trouvé ni dans les aliments, ni dans l’air, les matériaux nécessaires à sa réparation. Or, si le sang qui est l’agent de toutes les nutritions et de toutes les secrétions, si le sang, qui est l’élément de la vie, est appauvri, nécessairement tous les organes devront être débilités, et la machine animale, ainsi progressivement détériorée, perdra tous ses ressorts et ne pourra réagir contre toutes les causes de destruction qui viennent la frapper.

Cependant beaucoup d’animaux habitant des locaux insalubres échappent parfois à l’action de tous ces agents délétères, car certaines personnes prennent le soin de renouveler l’air en venant de temps à autre ouvrir les portes et fenêtres, de sorte qu’un air nouveau venant habiter ces locaux infectés, chasse en masse l’air vicié, et exerce sur les animaux une action salutaire. Mais bien que l’on obtienne ainsi un bon résultat, il ne peut pas en conclure que ce soit une bonne pratique, car ce résultat n’est que momentané, en quelque sorte factice, et les animaux soumis à une pareille hygiène, s’ils ne succombent pas aux suites de l’asphyxie ou du méphitisme ; vivent dans un état de langueur et de consomption, sont de peu de valeur, ne donnent que de faibles produits, et se montrent très-impressionnables aux effets des variations atmosphériques.

L’air confiné peut encore régner au sein des locaux bien que ceux-ci ne soient pas habités, à la condition cependant d’être hermétiquement clos ; car en effet, des matières putrescibles qui sont mélangées au sol et qui fermentent, se dégagent des gaz nuisibles qui vont se répandre sur les parois de l’habitation, y adhèrent à la faveur de l’humidité, et y conservent pendant un temps assez long leur propriété délétère ; aussi, si avant d’y placer les animaux on n’a pas le soin de procéder à la désinfection, la vie de ces derniers en est gravement compromise. Tous les animaux il faut le dire ne se montrent pas également impressionnables à l’action de l’air confiné, car l’habitude de vivre dans un lieu plus ou moins infecté finit par préserver l’économie des résultats des agents délétères dont une mort plus ou moins prompte serait la conséquence ; ainsi, là où des animaux vigoureux, énergiques succombent bientôt à des maladies aiguës, d’autres au contraire moins robustes et plus chétifs, résistent beaucoup plus longtemps. Cependant, ceci n’est que relatif, car l’action de ces agents morbifiques finit toujours par dévorer leur constitution. Ainsi comme exemple, nous pouvons citer les vaches laitières qu’on entretenait autrefois dans la Capitale et qui étaient retenues dans des étables basses et mal aérées ; ces bêtes après une existence relativement assez courte et malheureuse, étaient toutes frappées de phthisie pulmonaire, et ne donnaient à la boucherie qu’une viande de très-mauvaise qualité. Mais que voulaient ces propriétaires ? Du lait. Or, en plaçant leurs vaches dans ces conditions, tout le carbone de l’organisme était économisé, et venait augmenter la sécrétion laiteuse.

Les habitations les plus pernicieuses sont encore celles qui renferment des animaux malades ; tels sont par exemple ces vastes lazarets où sont accumulés bon nombre d’animaux atteints de maladies contagieuses, et qui peuvent encore devenir de vastes foyers d’infection pour les habitations voisines, en laissant dégager leurs miasmes morbides.

Dupuytren constata, que dans les salles d’hôpital de la Salpêtrière, l’infection se manifestait aussitôt que les individus rassemblés dans ces locaux s’élevaient au-dessus d’un certain nombre.

En 1837 ou 1838, la salle d’amputation d’un des hôpitaux de Toulouse, était tellement infectée qu’aucun des patients ne pouvait survivre à l’opération. Cela se remarque aussi pour les écuries. Autrefois à l’École vétérinaire de Toulouse, les cas d’infection étaient très-communs dans les écuries qui renfermaient 10 chevaux. Sur la demande de notre digne professeur M. Lafosse, les stalles y furent réduites à 8, et l’infection quoique plus rare se manifestait de temps en temps ; elle disparut complètement lorsque le nombre fut réduit à 6.

MALADIES DÉTERMINÉES PAR L’ACTION DE L’AIR CONFINÉ.

Ces maladies sont très-nombreuses ; pendant les chaleurs de l’été, les animaux succombent quelquefois à la suite du coup de sang ou Anhematosie lorsque après des travaux assez pénibles ils rentrent dans des habitations mal disposées. Les animaux à l’engrais ou trop nourris sont aussi frappés de cette maladie, lorsque leurs locaux ne sont pas suffisamment aérés. L’air confiné peut aussi être la cause de l’avortement, de la fièvre vitulaire, du muguet, de l’ophtalmie, de la gourme maligne, de la morve, du farcin, des inflammations gangréneuses du poumon et de la pituitaire, et enfin du typhus. Les habitations où l’air est confiné entrent encore pour beaucoup dans la production des scrophules, du rachitisme, de la phthysie et des dépérissements lents.

La phlébite, la lymphangite, l’infection purulente, la gangrène des setons, etc… sont aussi des conséquences de l’air confiné. Ces maladies se font surtout remarquer, dans des locaux où sont rassemblés des animaux malades à la suite des opérations chirurgicales, des solutions de continuité accidentelle, etc.

Nous pouvons maintenant citer des cas de mortalité déterminés par l’air confiné. Sur 200 moutons qui avaient été renfermés dans une étable peu aérée, Delafond en a vu mourir 60 dans une nuit. Percy rapporte que pendant que les Anglais faisaient la guerre dans l’Indoustan, sur 146 personnes qui avaient été enfermées dans une chambre de 20 pieds carrés et percée seulement de deux petites fenêtres, il en mourut 96 au bout de 6 heures.

De Gasparin cite un fait où des moutons qui avaient été renfermés dans les cales des navires, périrent tous pendant la traversée d’Europe en Amérique.

Avant de terminer nous citerons un dernier exemple relativement à l’air confiné, recueilli dans un ouvrage de Pillet ancien maréchal de camp français, et prisonnier de guerre en Angleterre. Pendant son séjour sur le Brunswik, ponton à bord duquel il était détenu, il a pu se convaincre et rapporter les terribles effets qui résultent de l’altération de l’air. Il nous paraît utile dans cet exposé de donner quelques détails très-succincts relatifs à la disposition de ces cachots. La hauteur du faux-pont ne présentait que 4 pieds 10 pouces, et n’avait pour ouvertures que 14 petites fenêtres de chaque côté, de 17 pouces carrés et sans vitres. Ces ouvertures étaient croisées par des grilles en fer fondu, épaisses de 2 ou 3 pouces et étaient fermées tous les soirs par un mantelet en madrier. En hiver, ces ouvertures étaient hermétiquement fermées 16 heures par jour, de sorte que la plupart de ces malheureux tombaient faibles, suffoqués et parfois asphyxiés. Si alors, on obtenait la grâce de faire ouvrir une fenêtre pour faire respirer les mourants, il en résultait que les individus voisins de l’ouverture se trouvaient saisis par le froid au milieu d’une transpiration abondante, et si d’un côté, ils étaient soulagés par l’arrivée d’un air nouveau, ils étaient bientôt attaqués de quelque maladie inflammatoire souvent mortelle.

L’espace accordé à ces pauvres prisonniers étaient tellement restreint que, pour pouvoir se placer, chaque homme du 2e rang était obligé de mettre sa tête entre les jambes des deux hommes du premier rang, et ses pieds entre deux têtes des hommes du 2e rang. La gêne de ces pauvres malheureux ne s’arrêtait pas toujours là, car si de nouveaux prisonniers étaient amenés, on les jetait dans cet infâme supplice sans se préoccuper de la place qu’ils pouvaient y trouver. D’un tel état de lieu, il résultait qu’en peu de temps, l’air était tellement vicié, tellement chargé de vapeurs humides et délétères qu’à un moment, les chandelles en étaient sursaturées et cessaient de brûler. Cet air aspiré et expiré tour à tour par des poumons déjà malades, ne tardait pas à exercer sur des organismes faibles et débiles, des ravages promptement mortels. Sur environ cent vingt mille prisonniers de guerre qui avaient été soumis à une pareille hygiène, la moitié environ succomba aux terribles effets de l’air confiné.

Il est facile de voir, d’après ce que nous venons de dire, combien il est important dans l’intérêt des propriétaires, de soumettre leurs animaux à une bonne hygiène.

CONCLUSION.



De tout ce qui précède, nous pouvons donc conclure que, trois points sont importants à considérer pour soustraire les animaux aux conséquences de la viciation de l’air.

1o Une aération suffisante des locaux.

2o Un espace assez grand, relativement au nombre d’animaux qu’on voudra y loger.

3o Entretenir une propreté convenable.

A. BAUDRAN.

  1. Gayot.