I

LA GLOIRE DE FRÉDÉRIC-AUGUSTE WOLF
Sic transit gloria Wolfii…
Salomon Reinach, Revue archéologique, 1911, I, p. 333.

Le XXe siècle assiste à la résurrection d’Homère et, de l’autre côté de l’Océan, les hellénistes du Nouveau-Monde regardent « le pendule homérique » revenir, depuis une vingtaine d’années, vers le point où l’avaient vu les contemporains de Voltaire[1].

Dans la Classical Philology de Chicago[2], M. A. Shewan résumait en avril 1912 la récente littérature sur Homère et constatait, dès la première ligne, que « l’histoire de la question homérique, depuis la fin du xixe siècle, pouvait être définie d’un seul mot : réaction[3]. » Le sentiment général sur l’Iliade et l’Odyssée, disait-il, est désormais pour l’unité d’auteur : les homérisants sont persuadés aujourd’hui qu’il y eut, après tout, un Homère, quels que puissent être leurs désaccords sur la date de sa pleine activité, et sur sa part dans la construction finale des deux poèmes ; parmi les philologues surtout, la grande majorité partage désormais les désirs du plus illustre de leurs confrères de Hollande : « Il faut sortir au plus tôt, écrivait un jour M. van Leeuwen, de ce marais de doutes et de soupçons où se sont enlisées trop longtemps les études homériques[4]. »

M. A. Shewan, pour mesurer l’étendue de cette réaction, passait en revue trente ou quarante ouvrages de toutes langues. Il concluait : « On revient à la foi orthodoxe de jadis : il y a eu un poète, nommé Homère, qui a composé la majeure partie de l’Iliade et de l’Odyssée ; les additions postérieures sont de dimensions minimes »… C’est, presque mot pour mot, ce que disait dès 1893 celui qui fut le premier apôtre énergique de cette « réaction », M. Andrew Lang, en son livre Homer and the Epic[5].

Homère est ressuscité, Ὅμηρος ἀνέστη. Un des grands travaux du xixe siècle avait été le renversement de cette idole et sa réduction en poussière. C’est à cette tâche que nombre de philologues en Allemagne et de leurs disciples au dehors s’étaient consacrés. Vers les années 1880-1890, ils semblaient toucher au succès final : un esprit scientifique, un helléniste renseigné ne devait plus croire à l’existence ni, surtout, à l’œuvre d’un poète, qui eût composé soit la totalité, soit la majeure partie de l’Iliade et de l’Odyssée.

Car, durant deux millénaires et demi, depuis les Grecs d’Archiloque jusqu’aux Français de Voltaire, l’humanité blanche avait été victime d’une illusion : tour à tour, Grecs, Latins, Italiens, Français, Espagnols, Hollandais et Anglais, tous ceux qui, dans le monde occidental, avaient su lire et écrire et s’étaient entendus au métier de la prose et de la poésie, avaient cru que deux grands et beaux poèmes supposaient un grand poète au moins, sinon deux. Temps d’ignorance et de superstition ! Fénelon, qui se servait de l’existence d’Homère pour démontrer l’existence de Dieu, était alors l’interprète du bon sens universel : « Qui s’imaginera que l’Iliade, ce poème si parfait, n’ait jamais été composé par un effort du génie d’un grand poète ?… Qu’on raisonne et qu’on subtilise tant qu’on voudra ! jamais on ne persuadera à un homme sensé que l’Iliade n’ait point d’autre auteur que le hasard[6] ! »

À la fin du XVIIIe siècle, l’érudition allemande avait changé tout cela. Elle avait en 1795 produit Frédéric-Auguste Wolf (1759-1824), le libérateur, le réformateur, l’Arminius, le Luther homériques, le prophète envoyé par le dieu des philologues pour détromper enfin l’univers. Homère, s’il avait jamais vécu, était mort, et pour toujours, en cette année de grâce 1795, au poteau des Prolégomènes où Wolf l’avait attaché et scalpé : « Nous voilà donc enfin délivrés de son nom ! » s’était écrié tout joyeux, en son prologue d’Hermann et Dorothée[7], Goethe qui, d’ordinaire, comprimait mieux en lui les instincts de la race et qui regretta presque aussitôt ce cri du Vandale.

Tout au long du XIXe siècle, la philologie à la mode germanique, travaillant pour assurer cette réforme et cette délivrance, avait enseigné aux nations que le travail d’un artiste n’était pour rien ou presque rien dans les deux chefs-d’œuvre de l’art épique : c’était la poussée anonyme et la merveilleuse explosion de la « conscience nationale » qui avait dégagé, puis dégrossi les premiers matériaux de cette épopée grecque, comme de toutes les autres épopées primitives à travers le monde ; c’étaient d’anonymes arrangeurs qui avaient classé et retaillé ces matériaux, puis les avaient dressés suivant l’esthétique irrationnelle, mais infaillible du « génie populaire » ; enfin une sorte de contrôleur-général des bâtiments homériques, anonyme lui aussi, — à moins qu’il ne se nommât Lycurgue, Solon, Pisistrate, Zénodote ou même Aristarque, — était tardivement intervenu pour en raboter les joints et en unifier la façade.

Depuis le milieu du xixe siècle, voilà ce que l’on appelait communément, en France et dans le monde entier, « théories de Wolf » : Fr.-Aug. Wolf était présenté aux générations nouvelles soit comme l’Érostrate qui avait saccagé le plus vénérable des sanctuaires d’Ionie, soit comme le Prométhée qui avait apporté au monde des hellénisants la lumière et le feu, mais toujours comme un grand homme et comme l’un des génies, bons ou mauvais, de l’humanité. Répandue en Allemagne dès l’apparition des Prolégomènes (1795), la réputation de Wolf s’était établie chez nous vers 1828, grâce à un article que le savant et consciencieux Louis-Épagomène Viguier lui avait consacré dans la Biographie Michaud[8] : Wolf venait de mourir à Marseille (1824), où ses proches et disciples avaient inscrit sur sa tombe l’épitaphe, qui subsiste encore, « à la mémoire du Prince des philologues ». Puis la gloire de Wolf avait été trompettée à notre peuple par l’Histoire des Poésies homériques (1831) du fougueux Dugas-Montbel. Mais rien ne l’avait autant servie qu’une autre étude, publiée par C. Galuski dans la Revue des Deux Mondes, quelque vingt ans après l’étude de Viguier : on n’écrit jamais l’histoire des Prolégomènes sans renvoyer à cet article du Ier mars 1848[9].

C’est de là que le nom de Wolf était passé dans nos manuels scolaires, dans la conversation des gens du monde et de tout le monde. Par le consentement des savants et des ignorants, Wolf était devenu pour nous l’Hercule qui, perçant de part en part les ténèbres de la montagne homérique, avait frayé la route, ouvert le tunnel, si l’on peut dire, aux convois d’innombrables philologues qui, de notre Europe du xixe siècle, étaient partis reconquérir à la science le vaporeux pays des chanteurs ioniens. Aujourd’hui encore, nos érudits rivalisent avec l’Allemagne en leur admiration pour ce demi-dieu.

Le Manuel de Philologie de M. Salomon Reinach a été le livre de chevet, durant deux et trois générations déjà, de nos maîtres et de nos étudiants. On ne saurait accuser l’auteur d’un excès de révérence à l’égard des idées reçues. M. Salomon Reinach proclame néanmoins la gloire de Wolf et la grandeur des Prolégomènes : « C’est le manifeste de l’athéisme homérique », disait-il à la page 13 de son Manuel. Ainsi passe la gloire de Wolf, sic transit gloria Wolfii ! » s’écriait-il ailleurs, en annonçant l’un des récents travaux de la « réaction » homérique.

À l’autre aile de nos homérisants, le plus traditionnaliste de tous, le défenseur le plus convaincu de l’existence et des mérites d’Homère est M. l’abbé Victor Terret, qui mettait en épigraphe à son Homère, Étude critique et historique (1899), cette citation de Boissonade : « L’existence du dieu de la poésie est défendue contre les plus subtils arguments par la conviction des lecteurs d’Homère… »

Tout le livre était dirigé contre les athées homériques. L’auteur avait, « durant de longues années, analysé et compulsé les ouvrages les plus remarquables de l’Europe savante » dont, en 75 pages, il dressait l’inventaire…, en commençant à Wolf et aux Prolégomènes. Car auparavant, il ne connaissait rien qui valût la peine d’être nommé ; il n’avait pas donné un regard aux innombrables et admirables travaux des éruditions italienne, française, hollandaise et anglaise durant les xvie, xviie et xviiie siècles. Pour lui, Wolf était au commencement des choses, in principio erat Wolfius, et, continuant l’évangile selon saint Jean, M. l’abbé Terret eût proclamé pour un peu que Wolf, menant sans doute le chœur des mauvais anges, était auprès du dieu de la poésie quand furent créées l’Iliade et l’Odyssée, et Wolfius erat apud deum.

En Angleterre[10], l’opinion des savants et des ignorants ne diffère en rien de la nôtre : adversaires ou partisans des « théories de Wolf », tous commencent par un salut à la mémoire du grand homme ; on n’arrive à Homère qu’en passant par lui. Pour mesurer la place que le culte de Wolf tient dans les universités d’outre-Manche, il suffirait d’ouvrir deux livres seulement : le plaidoyer pour Homère de M. Andrew Lang, Homer and the Epic (1893), et le manuel de M. Henry Browne, Handbook of homeric Study (1908).

Toutes différences gardées touchant la sûreté de la méthode et l’ampleur de l’érudition, M. Andrew Lang est du même côté de la barricade que M. l’abbé Terret : en son premier chapitre, Homer’s Place in Litterature, il ressuscite Homère et lui rend sa place dans la littérature universelle. Mais les quatre chapitres suivants, Introduction to Wolf, Wolf’s Theory, Criticism of Wolf (III et IV), il les consacre à Wolf, source et début de toute critique homérique... Le manuel de M. Henry Browne, d’autre part, peut, toutes proportions gardées, être mis à côté du manuel de M. S. Reinach, autant du moins qu’une harmonieuse colline des Muses peut l’être auprès d’un écrasant Himalaya : quand, en son troisième chapitre, Historical Outlines of the homeric Controversy, M. H. Browne résume la question homérique, Wolf en est à ses yeux le premier héros et le plus audacieux ; ce « grand Allemand » est « le père de la critique homérique ».

On ne vantera jamais trop haut les services que le professeur Fr.-Aug. Wolf rendit à l’enseignement des antiquités en Allemagne, durant les quarante années qu’il professa à Halle d’abord (1783-1806), à Berlin ensuite (1808-1824). Louis-Épagomène Viguier avait été son élève : il nous a donné le portrait de ce « grand maître » qui, « à une érudition toujours vraie, sobre et forte, ennemie de la routine et du pédantisme, joignait la plus haute intelligence, le sentiment le plus vif du génie de l’antiquité classique, dont il semblait animé lui-même et dont il voulait donner la noble empreinte à la vie intellectuelle et morale des hautes écoles[11]. » Wolf fut un vigoureux et fécond pédagogue : « On trouvait sans cesse dans ses leçons et dans son commerce privé quelque chose de fier et de généreux qu’annonçaient aussi les avantages extérieurs de sa personne, en même temps qu’un abandon plein de bonté… Pendant ses vingt-trois ans d’exercice à Halle, il offrit la preuve d’une activité peut-être sans exemple parmi les professeurs si laborieux de l’Allemagne, en faisant plus de cinquante cours différents sur des auteurs ou des matières diverses, sans compter les soins qu’il donnait au séminaire philologique. »

Wolf fut un grand entrepreneur d’éditions scolaires et un lettré de goût sûr. Les Allemands le tiennent pour le Claude Bernard ou le Pasteur de la philologie contemporaine[12]. Chaque peuple a ses Claude Bernard et ses Pasteur à sa taille. Mais il n’est pas un ouvrage de Wolf qui n’ait mérité l’attention des érudits, et le XLVIIe Congrès des Philologues et Professeurs allemands, tenu à Halle en 1903, eut raison d’applaudir le panégyrique prononcé par M. Siegfried Reiter, puisque la louange un peu outrée et les formules grandiloquentes sont l’une des règles et nécessités de cet exercice oratoire[13].

Si l’on voulait présenter le vrai Wolf au public d’aujourd’hui et, du même coup, rendre service aux études grecques, il faudrait remettre au point et réimprimer telle de ses éditions savantes, le Discours de Démosthène contre Leptine, par exemple, avec ses Prolégomènes, ses Notes et son Commentaire. Car il y a, de Wolf, des Prolegomena in Leptiniam, antérieurs de six ans (1789) aux Prolegomena ad Homerum (1795). Nous aurions là, je crois, son ouvrage le plus typique. Au temps de LouisÉpagomène Viguier, on lisait encore ce chef-d’œuvre : « Depuis les plus hautes considérations sur l’éloquence grecque jusqu’aux moindres nuances de la diction et aux détails des mœurs et des localités, il répond à tous les besoins de la critique avec une telle supériorité que l’on ne saurait trouver aucun travail du même genre exécuté avec autant de perfection ; la simplicité et la pureté du style des grandes époques antiques ont été caractérisées dans les plus beaux passages de ces Prolégomènes, avec une latinité digne du sujet. » Mais qui sait aujourd’hui que Fr.-Aug. Wolf a écrit des Prolégomènes à la Leptinienne et que ceux-là sont les bons ? J’ai sur ma table le seul exemplaire qu’en possède la bibliothèque de la Sorbonne, où, d’ailleurs, il n’est entré qu’en 1873. Je n’ai pas eu à en couper les pages : il est habillé de la plus fine des anciennes reliures. Mais, j’ai dû les décoller une à une : elles étaient encore soudées par la dorure des tranches... Dans l’estime de nos érudits, soit en Allemagne, soit ailleurs, Wolf n’était plus que l’auteur des Prolégomènes à Homère : Wolf et Homère, deux noms désormais accouplés comme Napoléon et Austerlitz, Homère n’étant plus que le nom d’une grande victoire critique, remportée par Fr.-Aug. Wolf.

Quand on relit aujourd’hui ces fameux Prolegomena ad Homerum avec la seule intention de les connaître, on demeure étonné du renom mondial qu’ils ont valu à leur auteur, et l’on se demande si la plupart de ceux qui les ont tant vantés et les vantent encore les ont jamais ouverts. Le dernier éditeur français d’Homère, Alexis Pierron, qui les avait lus et relus, en donne une analyse détaillée et d’assez longues citations, comme appendice au second volume de son Iliade : beaucoup d’admirateurs français de Wolf semblent n’avoir jamais lu même cette analyse[14].

« Les Prolégomènes de Wolf, écrivait A. Pierron en 1869, sont un livre célèbre, mais non pas un livre connu ; presque tous ceux qui le citent copient des citations… ; rien n’est plus pénible que de se rendre un compte exact de l’ensemble du livre ; on est même réduit à se faire proprio marte une formule nette du système, car Wolf insinue plus qu’il n’affirme, et il n’a jamais écrit nulle part cette phrase qu’on lui prête et qui résume en effet les Prolégomènes : « Il n’y a point eu d’Homère » ; il faut avoir lu les Prolégomènes au moins trois fois d’un bout à l’autre pour y voir clair, pour se convaincre que Wolf a un plan, pour dire qu’on connaît ce plan et qu’on suit bien le fil de la pensée mère. »

J’ai relu cinq et dix fois les Prolégomènes et, la dixième, je me suis senti plus incertain que la première d’avoir trouvé cette pensée mère et son fil. En ouvrant le livre une première fois, il suffit de regarder le titre, semble-t-il, pour avoir une idée claire et complète de l’ensemble ; la seule édition, parue du vivant de Wolf (1795), porte en effet :


Prolegomena ad Homerum
Sive de Operum Homericorum
Prisca et genuina Forma,
Variisque Mutationibus
Et probabili Ratione Emendandi
Volumen I.

Halis Saxonum, e Libraria Orphanotrophei,
Clɔlɔcclxxxxv

ce qui doit signifier :


Introduction à Homère
ou
Étude sur la Forme ancienne et originale
des Poèmes homériques,
sur leurs diverses transformations
et la Méthode probable d’en corriger le texte
Premier Volume

Halle, Librairie de l’Orphelinat, 1795

Ce titre semble annoncer un ouvrage en deux volumes, au moins, et en trois parties :

1o Origine et Forme première des Poèmes homériques ;

2o Transformations de ces Poèmes à travers les siècles ;

3o Moyens d’en corriger le Texte [ou la Disposition présente], — pour les ramener, sans doute, à leur forme originale.

Deux ou trois volumes, annonce le titre… Seul, le premier volume des Prolégomènes a paru à Halle, en 1795, et n’a jamais été réimprimé du vivant de l’auteur : c’est dans la seconde moitié du xixe siècle seulement que l’Allemagne érudite éprouva le besoin d’en faire quatre ou cinq éditions nouvelles[15]. Quant au second volume, il n’a jamais vu le jour, bien que Wolf ait encore vécu une trentaine d’années, de 1795 à 1824. Rien n’indique que, ni en 1795, ni durant les trente années qui suivirent, Wolf ait jamais écrit ni même préparé ce second volume pour en faire la suite continue du premier. Il en parlait encore en mai 1795. Mais dès 1796, ses amis considéraient qu’il avait oublié ce grand projet[16].

Dans ses papiers, on en a retrouvé quelques pages esquissées plutôt que rédigées, et les éditeurs récents des Prolégomènes donnent parfois ces pages posthumes à la suite du texte primitif. Mais, entre elles et la dernière phrase de ce texte, se creuse un trou que rien dans les études de Wolf n’a comblé, que rien ne pourrait combler aujourd’hui encore ; même après un long siècle de grands travaux historiques et philologiques, je doute que le plus averti de nos homérisants pût traiter le sujet ; il faudrait y mettre toute l’histoire d’Homère durant les temps romains, byzantins et médiévaux ; c’est encore, à l’heure où j’écris, terra fere incognita.

Mais, ce trou franchi, il semble que nous ayons la fin des Prolégomènes dans la Préface que Wolf mit, dix ans plus tard, à son édition de 1804. Car, à trois reprises et de dix ans en dix ans, Wolf a édité tout ou partie des poèmes homériques :

1° Édition scolaire et, comme il dit lui-même, « bon marché », de Halle en 1784-1785 : quatre volumes, comprenant l’Iliade et l’Odyssée ;

2° Édition savante ou Recension de Halle en 1794- 1795 : trois volumes, comprenant les Prolégomènes et la seule Iliade ;

3° Édition « de luxe » ou, comme on dit encore, Novissima Recensio de Leipzig en 1804-1807, souvent réimprimée de 1804 à 1817 : quatre volumes, comprenant l’Iliade et l’Odyssée.

C’est dans l’édition savante de 1794-1795 que parurent les Prolégomènes tronqués. C’est dans l’édition de luxe de 1804-1807 que parut la Préface qui en est la fin. Wolf traite en cette Préface de la méthode critique et des règles de correction qui permettront de rétablir le texte d’Homère : voilà bien le troisième sujet que nous annonçait le titre des Prolégomènes. Or, quand on lit bout à bout les Prolégomènes de 1795 et la Préface de 1804, on a le sentiment très net, — une fois sauté le trou, le grand trou qui les sépare, — que la seconde est du même ton, du même tissu que les premiers : divisions et transitions sont les mêmes ; mêmes phrases parfois et, surtout, même façon de beaucoup annoncer et de toujours renvoyer au lendemain la tenue des promesses. « Je reviens, dit la Préface, au tracé des bornes et lois de la critique homérique... » Et Wolf commence de donner les règles et quelques exemples d’une saine correction ; esquissant même une philosophie de la connaissance des textes et de leur recension, il traite du faux, du vrai et du vraisemblable, avec une netteté de logique et une fermeté de mots, dont ses autres chapitres ne donnent pas toujours le modèle. Il nous prévient, d’ailleurs, que depuis longtemps il observait lui-même ces règles critiques, sans les avoir énoncées, quae jam olim tacite observavi. S’il les énonce aujourd’hui, c’est en les empruntant en grande partie à l’illustre maître de la critique sacrée, Jean-Jacques Griesbach[17].

Retenons l’aveu : Wolf assurément connaissait et pratiquait depuis toujours les règles d’une saine critique ; mais, pour les esquisser dans la troisième partie de ses Prolégomènes, de Ratione probabili Emendandi, il avait recours au texte d’un autre et le résumait : « Ces théories de critique, ajoute-t-il tout aussitôt en sa Préface, sont matière trop subtile pour être traitées ailleurs que dans les notes au bas des pages ou dans un volume de commentaires » ; de même pour les variantes du texte homérique, il y a tant et tant à dire que « l’on ne saurait se borner aux étroites limites d’une préface »... Nous retrouverons dans les Prolégomènes ces promesses toujours renouvelées, jamais tenues.

Il est trop naturel, vu l’absence du second volume, que toutes les promesses du titre n’aient pas été remplies. Mais, des trois parties annoncées par Wolf, n’est-on pas en droit d’espérer que du moins la première et peut-être aussi la seconde ont trouvé place dans les li chapitres et les 280 pages du premier volume ?... Quand la seule Étude sur la Forme ancienne et originale des Poèmes homériques, de Operum homericorum prisca et genuina Forma, s’y trouverait, quel est l’acheteur qui regretterait son argent ?

Or, voici la surprise. On ouvre ce premier volume ; après les sept pages d’un préambule élégamment balancé (chapitres I et II), Wolf déclare tout à coup : « Vouloir chercher l’aède primitif en sa pureté, ne pas vouloir nous contenter, nous autres, modernes, du texte qui satisfit Plutarque, Longin ou Proclus, serait désirer le vide ou nous jeter en une débauche de divination effrénée ; abandonnons l’espoir que nous puissions jamais, autrement qu’en esprit et dans leurs contours les plus sommaires, nous figurer quelle fut primitivement la forme des poèmes homériques ; voyons seulement où peuvent nous conduire les traces de la docte antiquité vers la correction de ces reliques éternelles et uniques du génie grec[18]. »

Que deviennent alors les promesses du titre sur la forme ancienne et originale de ces poèmes ? Wolf ne parlera plus que des moyens de corriger et d’établir le texte homérique. Nous attendions, nous étions en droit d’attendre une grande étude sur l’une des questions capitales de l’histoire littéraire ; le titre nous avait promis une hypothèse scientifique sur l’origine et l’ordonnance de ce monde admirable, mais mystérieux que sont les poèmes homériques... Nous n’aurons qu’un peu d’érudition, quelques recettes philologiques, tout au plus le manuel théorique et pratique de la cuisine des textes, par celui qui se dit le meilleur des techniciens présents, passés et futurs.

Pour que le lecteur n’en puisse ignorer, Wolf insiste sur ses intentions : en 1795, toute son ambition est d’exposer les règles de la saine correction de textes, de la recensio, et d’en donner une application exemplaire aux poèmes homériques ; de l’avis commun des érudits, Homère n’a pas encore trouvé son éditeur ; non seulement depuis l’invention de l’imprimerie et depuis Démétrius Chalcondyle, mais depuis Aristarque, Zénodote et les tentatives des Alexandrins, et même, depuis la recension athénienne de Solon ou de Pisistrate, jamais Homère n’a été scientifiquement traité. Heureusement, Wolf, par dix ans, douze ans, quinze ans de travaux préliminaires, s’est préparé à cette tâche, en recherchant tous les secours que peuvent fournir grammairiens, scholiastes et autres auteurs de l’antiquité.

« Car je n’ai guère eu qu’un dessein, répète Wolf au début du chapitre vii : ce fut avant tout de corriger le texte d’Homère, suivant la règle de l’érudition antique, et de donner, mots, ponctuation et accents, un Homère restitué sur les recensions les plus estimées jadis, un Homère digne de plaire, — s’il est permis de concevoir pareille espérance, — soit à quelque Longin, soit à tel autre des critiques anciens dont l’habileté aurait su user avec mesure des ressources alexandrines[19]… ; mais pour dégager les principes qui doivent présider à une pareille recension, il faut commencer par une enquête soigneuse sur les transformations qu’à travers les âges, a subies le texte qui nous a été transmis. » C’est par l’histoire du texte homérique que Wolf pense atteindre et nous mener aux principes fondamentaux de la correction ; contrairement aux promesses du titre, son ouvrage ne comportera donc plus que deux parties : l’une, historique, exposera les transformations du texte depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à nous ; l’autre, technique, dégagera les lois de la recension et justifiera la manière dont Wolf se propose de les appliquer[20].

Tel est, en résumé, le chapitre vii où Wolf nous donne le plan véritable des Prolégomènes. Au chapitre viii, il entre en son sujet : jusqu’au chapitre li inclusivement, il va nous dérouler l’histoire du texte homérique à travers les âges. Cette histoire, nous dit-il, comprend six périodes :

I. Des Origines (vers 950 av. J.-C.) à Pisistrate ;

II. De Pisistrate à Zénodote (vie-iiie siècles) ;

III. De Zénodote à Apion (Ier siècle ap. J.-C.) ;

IV. D’Apion à Porphyre (IIIe ap. J.-C.) ;

V. De Porphyre à la première édition imprimée de Démétrius Chalcondyle (1458) ;

V. De Chalcondyle à nos jours.

Voilà un beau programme : il est complet ; c’est bien toute l’histoire du texte homérique, telle que les érudits du XIXe siècle ont essayé de la rétablir. Mais cent vingt ans d’efforts ne nous ont pas encore conduits, en 1916, aux résultats que Wolf en 1795 promettait si allègrement de donner à ses lecteurs. Il est une partie de cette histoire homérique que nous pouvons aujourd’hui nous flatter de connaître : Homère durant les Temps modernes, de Dante à Goethe, Homer in der Neuzeit, von Dante bis Goethe, est le titre d’un livre qui semble définitif, mais qui parut en 1912 seulement, à Leipzig et Berlin, chez Teubner. L’auteur, M. Georg Finsler, nous dit, en sa Préface, à quels travaux préliminaires ses nombreux devanciers au cours du XIXe siècle avaient dû se livrer, pour lui permettre, à lui, de dresser ce tableau d’ensemble. Mais Homère durant le moyen âge, ou Homère à Byzance, à Rome et à Alexandrie, ou Homère aux temps helléniques et, surtout, aux premiers siècles ioniens, qui donc oserait, même aujourd’hui, en entreprendre l’histoire, même après les travaux des Lehrs, des Ritschl, des Nauck, des Duentzer, des Dindorf, des Ludwich, des Cauer, des Roemer, pour ne nommer encore que les spécialistes de cette question parmi les centaines de philologues qui, depuis un siècle, ont consacré leur vie à l’étude d’Homère ?…

Wolf se disait en 1794-95 armé et muni pour aborder l’ensemble du problème et le traiter d’un jet, dans les six parties d’un seul in-octavo. Mais Wolf le croyait-il en vérité ? ou le disait-il seulement pour marquer sa prise du sujet et se réserver l’avenir ? ou Wolf n’a-t-il jamais eu l’intention de remplir ce programme ?... Contentons-nous de ce qu’il nous offre.

Du chapitre viii au chapitre xxxvi et de la page 24 à la page 160, en cent trente-six pages sur les 280 qui composent le volume, il traite de la première période, des temps antérieurs à Pisistrate. Il en traite en détail, avec ampleur, grâce aux nombreux secours que pouvaient ici lui fournir ses devanciers. Nous allons voir comment à leur égard il entendait et le droit d’emprunt et le devoir de reconnaissance.

Du chapitre xxxvi au chapitre lvi et de la page 160 à la page 185, la seconde période, qui va de Pisistrate à Zénodote, est étudiée rapidement, sommairement : nous aurons à nous demander pourquoi.

Du chapitre xli à la fin du chapitre li, en quatre-vingt-quinze pages, le seul début de la troisième période est longuement exposé... Puis, soudain, l’auteur met le point final, sans aller jusqu’à cet Apion, dont il faisait l’un des ordonnateurs du cortège homérique à travers les siècles.... Et c’est tout : finis voluminis primi !

Dressons l’inventaire de l’ouvrage. Le titre nous promettait trois études : Origine, Transformations et Critique des Poèmes homériques. Dès les premiers chapitres, l’auteur supprime la première et c’est dans la Préface de 1804 qu’il faut aller chercher la troisième. Abordant ici la seconde, Wolf en traite le premier tiers, entame le second et, brusquement, abandonne la charrue sans même aller jusqu’au bout d’un sillon... Quelle étrange publication que ces Prolégomènes ! et quel étrange phénomène que la gloire dont elle fut, durant un siècle, payée ! Car enfin la gloire de Wolf, c’est d’avoir, nous dit-on, retrouvé la forme originale et première des poèmes homériques, en renversant les légendes de l’antiquité, en nous montrant dans l’Odyssée et l’Iliade, non plus deux poèmes « réguliers », unitaires, à la façon de l’Énéide ou de la Henriade, mais deux séries de chants héroïques, deux collections d’épopées indépendantes ! Or, cette question des origines, c’est précisément ce que l’auteur des Prolégomènes se refuse à traiter, par crainte du « vide » ou de la « débauche divinatoire ». Jamais les « théories de Wolf » n’ont trouvé place ni dans les Prolégomènes de Wolf ni dans aucun autre de ses ouvrages, ailleurs que sur un titre[21].

Alexis Pierron, qui combattait les « théories de Wolf », mais ne se croyait que tenu davantage à lui rendre justice, expliquait ainsi l’étrange composition des Prolégomènes : « Les Allemands regardent les Prolégomènes comme un chef-d’œuvre littéraire et c’en est un, en effet, si on les compare aux livres de la plupart des philologues d’Outre-Rhin. Mais rien n’est plus faux que le terme par lequel s’est exprimée quelquefois cette admiration enthousiaste : on disait le Torse par comparaison à un des plus parfaits monuments de l’art antique. Mais la figure dont le Torse est le reste a été jadis entière, et c’est par la beauté de l’ensemble plus que par le fini des détails que le Torse est un chef-d’œuvre... Les chiffres romains que porte la pagination de 1795 prouvent manifestement que Wolf n’avait aucune intention d’écrire trois ou quatre volumes de Prolegomena ad Homerum. Ils prouvent plus manifestement encore que Wolf imprimait les Prolégomènes à mesure qu’il les composait. S’il eût donné d’un seul coup la copie, on n’eût point paginé [ce long] ouvrage comme une préface. C’est cette composition au jour le jour qui explique les défectuosités de l’ensemble[22]. »

Cette hypothèse d’A. Pierron nous expliquerait certaines particularités et du titre et du texte.

Pour le titre d’abord, est-il bien sûr que, dans l’esprit de Wolf, la première version de cet ouvrage ait dû s’appeler Prolégomènes ?... Ce ne devait être, je crois, qu’une Préface familière, non pas une introduction savante : c’est le mot de Préface, Praefatio, qu’à deux reprises, au chapitre vii, Wolf emploie pour désigner son écrit ; c’est de « cette Préface » qu’il nous donne le plan général et la division en deux parties, haec prior pars hujus Praefationis. Il nous apparaîtra dans la suite que Wolf ne s’était mis en route que pour une causerie avec le lecteur, auquel, d’ordinaire, en tête de ses ouvrages, il donnait un salut amical, Lectori salutem dicit Fred. Augustus Wolf[23].

Wolf nous dit lui-même qu’ayant longtemps médité, il avait hésité un mois, deux mois, avant d’écrire, puis s’était lancé à fond de train, « comme dit le héros d’Apulée après sa métamorphose, en invoquant le dieu du joyeux succès[24]. » Le ton de l’ouvrage, sa structure et son allure montrent qu’en effet, la plume de Wolf galopait comme l’âne d’Apulée : « Le latin des Prolégomènes, dit Alexis Pierron, est vif et spirituel ; les phrases sont presque courtes et ne manquent pas d’élégance. » Elegantia est un mot qui revient souvent sous la plume de Wolf et l’on peut dire qu’en ses écrits, la chose surabonde : tels de ses chapitres ressemblent moins à une dissertation qu’à une harangue académique, avec ses développements un peu prolixes et ses balancements un peu trop prévus. « Les Prolégomènes, ajoute A. Pierron, pourraient se définir : cinquante et une lettres critiques à propos du texte d’Homère. Les paragraphes ne sont pas très bien enchaînés les uns aux autres. Chacun d’eux forme un petit tout, presque indépendant et de ce qui précède et de ce qui suit. La pensée va, revient, s’écarte, se répète, se commente, quelquefois même se contredit. Rien n’est plus agréable, en fait de lectures philologiques, que de déguster par-ci par-là, comme font les amateurs, un paragraphe ou deux des Prolégomènes. Rien n’est plus pénible que de se rendre un compte exact de l’ensemble du livre... »

Faute, sans doute, d’être un assez bon amateur de lectures philologiques, j’avoue n’avoir jamais donné dans l’agrément de déguster par-ci par-là un paragraphe ou deux des Prolégomènes. Mais en les lisant et les relisant, j’ai mieux senti chaque fois le ton d’improvisation épistolaire, et l’élégance toute verbale, la clarté tout apparente, la solidité toute superficielle de ce style de conversation. Il est maint passage dont le plus expert de nos latinistes nous donnerait difficilement une traduction certaine et unique : ici, « la vanité du désir » pourrait aussi bien être un « désir de vanité » ; là, c’est le sautillant défilé des énigmatiques qui pote qui, utpote quam ; à parcourir seulement les deux premiers chapitres, on est édifié. Les Allemands ont pu être éblouis par cette élégance et cette prestesse rhétoriciennes[25], dont ni leurs philologues ni même leurs littérateurs ne les avaient encore régalés. Un Français est plus difficile. Il retrouve — et il s’étonne un peu de retrouver — en un si docte ouvrage les habitudes de nos improvisateurs, orateurs ou épistoliers, leurs grâces un peu faciles et leurs méchancetés sournoises. Il en arrive à se persuader que, dans la pensée primitive de l’auteur, il ne pouvait pas être question d’un exposé de doctrine et de méthode : simple Préface courtoise où Wolf, d’abord, ne tenait qu’à déployer ses galanteries, mais n’avait jamais songé à étaler tout le savoir homérique de son temps, les Prolégomènes grandirent et, comme le héros d’Apulée, se métamorphosèrent en un monstre d’érudition aux appendices énormes. Entraîné par son désir de briller ou contraint par les réclamations de son éditeur, Wolf dut y faire entrer tout ce qu’il put rassembler de ses propres idées et de celles d’autrui ; hâtivement il y versa toutes ses notes, — s’il en avait, — et des pages d’autres livres qui n’étaient pas siennes... Et cette conviction est encore assurée par les renseignements que nous ont laissés les contemporains ou que Wolf lui-même nous donne sur la composition et l’histoire des Prolégomènes.

On ne peut avoir des Prolégomènes qu’une idée fausse, si on les lit comme un ouvrage séparé, mais incomplet, dont il manquerait seulement le second volume. Même en deux, même en trois volumes, les Prolégomènes achevés ne seraient encore que l’une des trois ailes d’un grand palais homérique, dont Wolf[26] faisait l’annonce au public de 1794-95, après en avoir fait la promesse à différents éditeurs, plusieurs années durant. Ce grand palais était une édition savante et critique, une recension complète de tous les poèmes dits homériques, c’est-à-dire, suivant le titre même de Wolf, de toutes les « Œuvres et Reliques d’Homère et des Homérides ». Cette recension eût comporté six volumes pour le moins, répartis en trois groupes :

I. Prolégomènes, 2 volumes ;

II. Iliade, 2 volumes ;

III. Odyssée, Hymnes, Batrachomyomachie, etc., 2 volumes.

Ce n’est pas tout : à ce grand palais homérique, Wolf rêvait et promettait d’ajouter de vastes communs, — plusieurs volumes de notes, observations et variantes, tout un commentaire semblable à celui qu’il avait ajouté à son texte de la Leptinienne. Car ce qu’il avait fait en petit et en un seul volume, pour ce seul discours de Démosthène, il annonçait l’intention de le faire en grand pour toutes les poésies dites homériques. Son volume sur la Leptinienne a trois parties :

1° Épître à Reiz et Prolégomènes, pages i-clii ;

2° Textes de Démosthène et d’Aristide, pages 1-201 et des Homérides ;

3° Commentaire et Index, pages 203-404.

Sur ce modèle, c’est dix ou douze volumes pour le moins qu’eût demandés la recension d’Homère et des Homérides, si Wolf l’eût jamais achevée. Mais en 1794-95, il ne donnait au public que trois volumes, reliés en trois tomes indépendants, parfois en deux.

Grâce à l’obligeance de mon maître et collègue, M. Émile Chatelain, j’ai sous les yeux le seul exemplaire que j’en aie pu trouver à Paris, en dehors de la Bibliothèque nationale, qui, elle-même, n’en a qu’un exemplaire bellement relié. Aucune de nos autres grandes bibliothèques ne possède cette édition wolfienne de 1794-95 : la France, à cette date, était occupée de son épopée révolutionnaire ; elle négligeait un peu l’Iliade de Wolf. Depuis un siècle qu’il y a en France tant de disciples et d’admirateurs de Wolf, je ne doute pas que d’autres parmi nos hellénistes aient possédé cette Iliade de 1794-95 qui est la recension wolfienne par excellence. Mais aujourd’hui, je n’ai pu trouver à Paris que l’exemplaire de François Thurot, annoté par lui et légué par Ch. Thurot à M. Émile Chatelain : il a été relié en deux tomes.

En première page, un titre : Homeri Opera omnia. En troisième page, un titre : Homeri et Homeridarum Opera et Reliquiae... Pars I : Ilias, Halis Saxonum 1794. En cinquième page, un second titre : Prolegomena ad Homerum... Volumen I, Halis Saxonum 1795. En septième page, dédicace à David Ruhnken. En neuvième page, une [Salutation au Lecteur] non titrée, qui se poursuit durant 24 pages non titrées, mais numérotées en romains, de v à xxviii, avec la date finale, Scribebam Halis, mense Martio, 1795... De nouveau, un faux titre : Prolegomena ad Homerum, puis lesdits Prolégomènes paginés de iii à cclxxx... De nouveau, un faux titre, en grec celui-là : Ὁμήρου Ἰλιάς, puis un titre en latin : Homeri Ilias,... Volumen I, Rhapsodiae I-XI, Halis, 1794. Les XI premiers chants de l’Iliade achèvent ce premier tome ; les XIII autres emplissent le second.

Donc, un seul volume de Prolégomènes et deux volunes de l’Iliade : voilà tout ce que Wolf nous donne en cette recension complète d’Homère et des Homérides ; l’Odyssée, sans parler des Hymnes et autres poésies homériques en est exclue ; d’où vient cette différence de traitement entre les deux poèmes ?

Dans son édition scolaire de 1784-85, Wolf avait donné l’Odyssée et l’Iliade : c’est même par l’Odyssée qu’il avait commencé. Mais les préoccupations savantes n’avaient tenu que peu de place en cette simple entreprise de librairie, dont Wolf n’avait pas eu l’idée, nous dit-il en l’un de ses Saluts au Lecteur : il n’en avait accepté la charge que pour des raisons toutes philanthropiques et nationales. Donner aux étudiants et aux élèves, à toute la jeunesse de la pauvre Allemagne un livre scolaire de format commode, de lecture aisée et, surtout, de prix abordable à toutes les bourses, pretio quam fieri posset minimo vendibilis, répondre ainsi aux besoins de la pauvreté germanique, quales paupertas germanica adhibere possit : telle avait été en 1784-85 la pensée directrice de Wolf[27].

Aussi économe de sa propre peine que des deniers du public, il avait emprunté le texte de l’Odyssée, comme celui de l’Iliade, à cette « magnifique édition » de Glasgow[28], dont la richesse britannique venait de faire (1756-1758) un chef-d’œuvre de correction philologique et typographique[29]. Wolf en 1784 ne tarissait pas d’éloges sur cette édition transmarine, qu’il était en train de copier[30] : c’est une mode que les Allemands de nos jours conservaient à l’égard de l’Angleterre ; Guillaume II, de 1890 à 1895, allait chaque année vanter aux sujets de la bonne reine Victoria l’admirable flotte anglaise.

Sur son germanique papier à chandelle, Wolf avait en 1784-85 réimprimé le texte écossais, sans faire les frais de la moindre note ni du plus petit commentaire, le « texte nu ». Pourtant, il était convenu avec son éditeur d’une dépense qu’ils avaient jugée inévitable : même scolaire, cette édition de 1784-1785 ne pouvait pas, croyaient-ils, se passer de Prolégomènes. L’éditeur donc avait « fait le sacrifice » et fixé le nombre de pages qui leur seraient attribuées. Wolf avait décidé du sujet à traiter : c’était (notons bien que ce plan se trouve dans le Salut au Lecteur de 1785 et précède de dix années nos Prolégomènes actuels), c’était l’histoire du texte homérique, ses variations durant l’antiquité et ses diverses recensions par les anciens critiques, de textu homerico, ejusque varia apud antiquos forma et criticorum diversis recensionibus. Ne croirait-on pas lire le titre même de nos Prolégomènes de 1795 ?

Dès 1785, Wolf pensait qu’il avait bien à dire des choses que ses prédécesseurs avaient ignorées. Mais…, juste à temps, il prévit que jamais le sujet ne pourrait tenir en quelques pages[31]. Il renonça donc à ce premier projet, pour un autre qui ne pouvait être que plus avantageux à la bourse et à l’instruction de son public. Il connaissait une excellente dissertation du xviie siècle, l’Historia critica Homeri, publiée à Francfort-sur-l’Oder, en 1696, par Ludolphe Küster. Il avait souvent formé le vœu que ce livre fût entre les mains de tous les débutants[32] : étant devenue des plus rares, cette publication était devenue des plus chères ; pourquoi ne pas lui consacrer les pages que l’éditeur de 1785 avait « sacrifiées » à des Prolégomènes ? Cette idée vint à Wolf quelques jours à peine avant la mise en vente, mercatu jam urgente. Elle était facile à réaliser. L’ouvrage de L. Küster n’était pas sans de graves défauts ni sans des parties surannées. Néanmoins, se contentant de rectifier les citations d’auteurs anciens, Wolf ne voulut rien changer au reste : c’est qu’il avait dès cette époque la ferme intention, nous dit-il, de reprendre et de traiter plus amplement le sujet et beaucoup d’autres sujets qui aplanissent l’entrée d’Homère ; mais il les réservait pour une autre fois ; en 1785, deux mots dictaient toute sa conduite : pauvreté et économie, nunc paupertatis et parsimoniae in omnibus ratio erat habenda.

Et voilà comment à la date du premier octobre 1785, Wolf donnait la recette pour faire rapidement et à bon marché des Prolégomènes, qui pouvaient contenter tout le monde : il suffisait de reproduire l’ouvrage d’un prédécesseur. En lisant désormais les œuvres de Wolf, nous saurons comment il procède : nous l’avons vu tout à l’heure « résumer » en une autre préface les règles de Griesbach ; ici, il faut noter la concordance intime du plan général entre les Prolégomènes de 1795 et cette Historia critica de L. Küster qui servait de Prolégomènes à l’édition de 1795 ; le seul énoncé des chapitres de l’Historia critica serait presque une analyse du futur livre de Wolf :

Ire PARTIE. IIe PARTIE.
I. Patrie et Âge d’Homère. I-II. Écrits d’Homère.
II-IV. Gloire et Renommée d’Homère. III-IV. Sort de ces Écrits.
V. Apothéose d’Homère. IV-V. Rhapsodes et Critiques.
VI. Défauts d’Homère. VI-VII. Traducteurs et Éditeurs.

L. Küster traitait chacun de ces sujets avec toutes les ressources de l’érudition présente et passée. Il vivait en un temps (1670-1717) où la France et la Hollande érudites étaient les maîtresses de la pauvre Allemagne : lui-même devait, par la suite, venir en France pour y travailler d’abord, puis pour s’y installer ; il y devait mourir, converti au catholicisme et « associé surnuméraire » de notre Académie des Inscriptions, de par la volonté expresse de Louis XIV (1713). Dès 1696, — date de son Historia critica, — L. Küster citait les travaux des Français sur Homère ; Wolf put connaître par lui, — dès 1784, au plus tard, – notre Querelle des Anciens et des Modernes, et les discussions qu’avaient échangées Boileau et Perrault, Perraltus et Bolaeus, sur le dos du pauvre abbé d’Aubignac : fallitur Perraltus in suis Parallelis..., disait L. Küster à la page 82 de la réimpression de Wolf ; confutavit Bolaeus in suis Reflexionibus in Longinum...

Les Prolégomènes de 1795 sont précédés d’une [Salutation au Lecteur] dans laquelle Wolf nous donne une histoire de son nouvel ouvrage, fort abrégée malheureusement et sans dates précises. Cette histoire, la voici.

L’édition scolaire de l’Iliade, donnée par Wolf en 1785, était épuisée : pour la remplacer, l’éditeur exigeait la recension savante que Wolf lui avait promise depuis longtemps. Mais occupé à revoir et vérifier des notes anciennes, Wolf n’eut pas d’abord l’esprit à bien embrasser l’ensemble de l’œuvre. Il établit son texte grec, son « texte nu », qui fut composé par l’imprimeur, et il n’eut, pendant tout un an, de pensée et de soins que pour la correction matérielle des épreuves. L’Iliade s’acheva. Il fallait donner les Prolégomènes que, cette fois encore, Wolf avait promis à son éditeur ; mais cette fois, Wolf lui-même les jugeait indispensables, s’il ne voulait pas devenir la risée des connaisseurs en publiant à nouveau un Homère « tout nu ».

Un mois, deux mois..., Wolf hésite ou paresse ; peut-être, malgré sa promesse et malgré la risée des connaisseurs, eût-il volontiers recommencé ce qu’il avait fait en 1785 et, pour s’en tirer aux moindres frais, substitué à ces Prolégomènes qu’il lui fallait écrire, soit quelque ouvrage d’autrui, soit une courte et leste préface. Mais il semble que l’éditeur, cette fois, ait tenu bon. L’excuse de 1785 ne pouvait plus être invoquée : rien ne limitait Wolf ni dans le choix des sujets à traiter, ni dans le nombre des pages à remplir ; l’éditeur accordait tout.

L’Iliade était là, toute prête, n’attendant pour paraître à la prochaine foire de Leipzig que la compagnie ou la direction de ces Prolégomènes qui n’étaient toujours pas faits... Enfin, au bout du compte, tandem denique, – et, comme en 1785, à la veille de la foire, mercatu urgente, – Wolf part au galop, « en invoquant le dieu du joyeux succès ; tel le héros d’Apulée », le voilà lancé à fond de train, ne regardant que le terme de la course, ne voyant même pas le papier lui filer sous les doigts. Il écrit, il écrit, tant et tant que cette « préface » devient un livre qui, par le nombre des pages, va égaler l’Iliade. Des raisons de librairie, que Wolf ne nous dit pas, interviennent alors pour l’arrêter brusquement, en pleine argumentation.

La bâtisse, continue Wolf[33], est donc interrompue, mais solidement fondée : on pourra monter un nouvel étage le jour où des juges intelligents réclameront cette édition modèle que l’auteur méditait. Ce jour-là, Wolf reprendra tout le sujet, et depuis les plus lointaines origines : il rendra leur forme originelle, nativam formam, à ces monuments de la poésie grecque ; il racontera leurs changements à travers les âges et les fortunes diverses de leur rédaction, de leur correction et de leur interprétation ; de siècle en siècle, il poursuivra cette histoire d’Homère jusqu’à nous, horum monumentorum nativam formam et ascitam modificationem variamque fortunam scripturae, emendationis et interpretationis eorum ad nostra usque tempora deducam.

Nous voilà revenus aux promesses du titre : si Wolf ne les tient pas aujourd’hui, c’est qu’il les tiendra demain... Mais que deviennent ces « désirs du vide » et cette « débauche de divination », dont il menaçait tout à l’heure les imprudents qui pensent à retrouver « la forme ancienne et originale des poèmes homériques » ?...

Telle est, d’après Wolf, l’histoire un peu romanesque des Prolégomènes. Nous pourrions la contrôler si nous connaissions mieux la vie et les occupations de Wolf durant les années 1793, 1794 et 1795. Il existe à Berlin et à Leipzig une correspondance entre Wolf et Böttiger : 34 lettres de Wolf, 42 de Böttiger, dont M. W. Peters, dans son Programme, Zur Geschichte der Wolfschen Prolegomena, a publié en 1890 une analyse et quelques citations. En temps ordinaire, j’aurais fait le voyage de Berlin. Pour l’heure, acceptons le récit de Wolf ; essayons seulement d’en préciser certaines dates.

Nous ne pouvons pas savoir à quelle date précise de l’année 1794 ou 1795, Wolf se mit à écrire ces Prolégomènes dont il parlait depuis dix ou onze ans. Nous voyons seulement que les Prolégomènes étaient terminés quand fut écrite la [Salutation au Lecteur] du 1er mars 1795 ; mais ils n’étaient pas commencés peut-être en février 1794 : dans l’Allgemeine Litteratur-Zeitung du 22 de ce mois, Wolf annonçait la prochaine apparition de son Iliade, sans parler de Prolégomènes. Au chapitre xii (note 8) de ceux-ci, il nous dit que tel ouvrage, publié en 1793, a paru « l’an passé, praeterito anno ». Ce serait donc au cours et, probablement, dans les six derniers mois de 1794, peut-être même au début de 1795, que Wolf aurait pris le galop et abattu d’une traite ses 280 pages.

En son chapitre xxvii (note 84), il nous assure que depuis treize, quatorze ou quinze ans, depuis 1781 ou 1780 (il dira même dans une lettre à Heyne : depuis 1779), il s’armait pour traiter ce sujet redoutable... Après quinze ans d’études, quelle étrange manière de le traiter ! jeter sur le papier, au petit bonheur de l’improvisation, des raisonnements rigoureux auxquels on attache tant de prix ! bâcler un ouvrage d’érudition, un traité de critique, qui doit servir de garant à cette recension d’Homère dont l’humanité n’a jamais eu l’équivalent, qu’elle demanda vainement à Pisistrate, à Aristote, à Zénodote, à Aristarque, et dont le seul Wolf pouvait être le providentiel artisan !... C’est, pour reprendre un mot de Wolf lui-même, une méthode de travail qui n’est pas courante chez les érudits, id nondum contigisse inter eruditos constat.

Les biographes allemands de Wolf nous disent que c’était là sa manière habituelle, sa méthode de travail : « Je ne suis pas un écrivain, disait-il à Humboldt en 1816 : je suis un professeur » Il disait déjà dans sa dédicace à Ruhnken (1794) : « J’ai bien plus de joie à enseigner qu’à écrire[34]. »

En 1779, Frédéric II et son ministre von Zedlitz avaient recommandé aux professeurs du royaume de Prusse de donner le plus tôt possible et en aussi grand nombre que possible des éditions et des traductions correctes de tous les auteurs de l’antiquité, afin d’affranchir les universités et les écoles prussiennes du tribut qu’elles payaient annuellement aux auteurs et aux libraires de France, d’Angleterre et de Hollande. Wolf s’était mis à l’œuvre avec un zèle d’autant plus hâtif qu’il voulait obtenir du ministre une chaire d’université, d’abord, et un traitement, ensuite : quand en janvier 1783, von Zedlitz lui offrait la chaire de Halle, il lui garantissait « la pleine liberté de penser », mais un salaire de 300 thalers seulement ; Wolf allait donner tous ses soins à obtenir le supplément que le ministre lui faisait espérer[35].

Dès 1782, il avait publié le Banquet de Platon. « Durant les dix années dernières, disait-il en sa Préface[36], l’étude des littératures anciennes a fait chez nous tant de progrès que nous possédons aujourd’hui des éditions qui peuvent être ou comparées ou même préférées aux meilleures productions de l’étranger ; mais ce sont les poètes de l’antiquité qui, surtout, ont eu ce bonheur ; que de souhaits il reste encore à faire pour les philosophes de la Grèce ! »

Néanmoins, dans un temps « où un philosophe occupait le trône de Prusse et où son ministre éclairé montrait le chemin vers la sagesse platonicienne », nombre de professeurs répondaient à leur appel : le Phédon, le Ménon, le Ménéxène, d’autres dialogues encore de Platon avaient trouvé leur éditeur ; Fischer avait publié le Banquet et le Philèbe en 1776. C’est de cette recension savante que Wolf se hâtait de tirer une édition scolaire, en utilisant les derniers ouvrages français, tant la traduction de Racine (publiée dans les Œuvres de Jean Racine avec des Commentaires, par M. Luneau de Boisgermain, Paris, 1768), que la continuation de la Bibliothèque des anciens Philosophes (Paris, 1771), en utilisant aussi les dernières productions anglaises, surtout la traduction de F. Sydenham (London, 1773), que lui avait prêtée « son maître, protecteur et bienfaiteur, le conseiller aulique Heyne »...

En 1783, c’est la Théogonie d’Hésiode que Wolf éditait, « sans avoir jamais préparé ce travail que les circonstances l’amenaient à faire » ; car il n’avait rien en ses notes (je ne fais que traduire ici le latin de sa Préface) qui pût servir soit à l’établissement et à l’explication du texte soit à l’histoire et au commentaire de l’ouvrage[37] ; mais Hésiode avait trouvé son éditeur dans l’Anglais Robinson (Oxford, 1737), qu’avaient copié les Allemands I. T. Krebs (Leipzig, 1746 et 1778) et C. F. Loesner (Leipzig, 1778) ; et Hésiode avait trouvé des commentateurs dans Ruhnken et Heyne. « N’ayant ni le moyen ni le temps, ni le désir de donner une édition originale », Wolf avait emprunté le texte et les notes à ces prédécesseurs. Il avait même simplement copié par endroits les phrases de Heyne ou de Ruhnken, jugeant inutile de refaire un travail si bien fait : les lecteurs lui seraient reconnaissants, croyait-il, de donner les remarques de deux savants illustres dont ils n’auraient plus à acheter les livres coûteux[38].
Même façon de procéder en 1784-85 pour l’édition scolaire de l’Odyssée et de l’Iliade : c’est l’édition de Glasgow — nous l’avons vu — que Wolf reproduisait, afin de satisfaire aux besoins de la pauvreté germanique, et c’est l’Historia critica de L. Küster qu’il y mettait en guise de Prolégomènes, pour satisfaire à son propre désir d’économiser temps et peines.

En 1787, pour composer sa Tetralogia Dramatum graecorum, Wolf[39] prenait à l’édition de Schütz l’Agamemnon d’Eschyle[40], à celles de Brunck l’OEdipe-Roi de Sophocle, les Phéniciennes d’Euripide[41] et l’Assemblée des Femmes d’Aristophane[42].

En 1789, son grand ouvrage sur la Leptinienne lui-même n’était, avec tous ses mérites, qu’une improvisation faite d’emprunts, pour une part. La cause première en avait été une imitation allemande d’une œuvre française. La France venait alors de produire et de mettre à la mode les caractères Didot. Un imprimeur allemand, qui les avait « habilement » imités[43], avait demandé à Wolf d’entreprendre une collection de ceux des auteurs grecs dont il n’existait pas encore d’édition scolaire en Prusse. Wolf avait promis de se mettre à l’ouvrage ; il annonçait, dans son Épître à Reiz, la prochaine apparition d’un Diodore, d’un Hésiode, d’un Isocrate, d’un Arrien, d’un Lucien, d’un Apollonius Dyscole et de quelques livres de Galien[44] : « Les titres annonceront toujours ma collaboration ; mais je ne donnerai pas à tous ces ouvrages le même soin, et deux de mes amis m’ont promis leur aide ; plût au ciel que tu voulusses bien être le troisième ! »

Pour commencer, l’imprimeur demandait un livre où il pût faire l’essai de tous ses caractères nouveaux, caractères grecs et caractères latins de différents types ; justement Wolf avait en main Démosthène ; il résolut d’en prendre un discours, que l’on imprimerait en grands caractères grecs, d’y joindre les scholies, que l’on imprimerait en petits caractères grecs, d’y ajouter une lettre-préface, des Prolégomènes et des Notes, qui fourniraient un ample terrain d’essai pour les caractères latins de toutes grandeurs[45]. Parmi les discours de Démosthène, si Wolf choisissait la Leptinienne, ce n’est pas qu’un nouvel éditeur y trouvât plus à faire que dans les autres ; tout au contraire, c’est que les prédécesseurs de Wolf et en particulier Taylor[46] en avaient donné la plus soigneuse des éditions ; Taylor avait même édité la Leptinienne en tête des autres harangues, afin de donner, lui aussi, un échantillon de son travail[47]. L’ouvrage de Taylor avait été revu, corrigé et complété par l’édition de Reiske (Leipzig, 1770), où Wolf trouvait réunis tous les commentaires de ses prédécesseurs[48]...

A la Leptinienne de Démosthène, Wolf joignait cette déclamation du rhéteur Aelius Aristides sur le même sujet, que Jacob Morelli venait de retrouver et d’éditer à Venise en 1785[49]. C’était « une œuvre rare, mais inutile et vile », pour laquelle Wolf ne pouvait avoir que du mépris ; il avait pensé néanmoins faire plaisir à quelques lecteurs en leur fournissant ce texte à corriger et à comparer avec les autres ouvrages du même sophiste. Mais il s’était bien gardé de perdre son temps à pareille besogne : il avait copié le texte de Morelli[50], sans y rien changer, sans y ajouter un mot de notes ou de commentaire : il espérait que « son bon génie » lui épargnerait toujours l’envie de corriger ou de considérer seulement le troupeau des imitateurs, tant qu’il resterait à éditer et à commenter tant de chefs-d’œuvre des grands siècles.

En 1791, Wolf donnait au public des étudiants quelques Dialogues de Lucien. Il n’avait eu, disait-il, ni le temps, ni le dessein, ni les moyens de faire œuvre nouvelle, nam ut novum ipsi exemplum conderemus nec instituti ratio ferebat nec dati temporis spatium neque ei rei adjumenta satis erant. Il avait donc suivi le texte de la grande édition d’Amsterdam, où il trouvait réunis les commentaires des éditeurs précédents, en particulier ceux de Moïse du Soul et de Gesner[51] ; il avait corrigé seulement les trop grosses fautes qu’avaient laissées ou introduites dans le texte les successeurs trop négligents du premier auteur de cette édition, T. Hemsterhuis. Il aurait pu ajouter les variantes que J.-N. Belin de Ballu venait de tirer des manuscrits de Paris, et de joindre à son élégante traduction (6 vol., 1786-1789) ; mais, un érudit lui ayant promis une collation des manuscrits de Vienne, il avait préféré attendre et ne publier... que plus tard toutes ces variantes réunies, en même temps que ses notes personnelles et un Index de l’ouvrage[52]... « Plus tard, » ici encore, ce fut « jamais ».

En 1791 aussi, Wolf commençait la publication des Variae Lectiones de M. A. Muret ; mais il n’en donnait que le premier volume ; le second ne devait être publié qu’après sa mort, en 1828, et par le travail d’un autre, J.-H. Faesi : « Je ne sais pourquoi, disait Faesi en sa Préface, Fr.-Aug. Wolf, ayant commencé cette publication en 1791 et en ayant promis la suite pour la foire de 1792, ne l’a jamais achevée : il a même résisté à toutes les instances du libraire qui lui demandait de tenir sa promesse ; en 1808 pourtant, il avait fini par donner à la composition le début de ce second volume ; mais à la sixième feuille, il s’arrêta et ne se remit plus jamais à ce travail. »

En sa propre préface de ce premier volume, Wolf nous raconte l’histoire que voici[53]. Sur les instances de son libraire, il était depuis longtemps décidé à donner aux étudiants, non pas une édition complète de Muret, mais un recueil de morceaux choisis, qui serait le début d’une collection où pourraient prendre place soit des traités soit des extraits de tous les grands philologues modernes : il pensait que Vinc. Contarini avait montré le bon chemin, en réimprimant les Variae Lectiones de B. Martin et les Observationes de G. Cuper. Wolf s’était donc mis à l’œuvre, sans savoir que l’illustre Ruhnken préparait une édition complète des œuvres de Muret. L’édition de Ruhnken (4 vol., Leyde, 1789) parut deux années avant celle de Wolf qui continua néanmoins de préparer la sienne ; s’il se décidait deux ans plus tard à en donner le premier volume, c’est que les quatre tomes de Ruhnken étant d’un prix trop élevé ne pouvaient pas convenir à la pauvreté de la jeunesse studieuse... Nous allons retrouver dans la carrière de Wolf plus d’une histoire de cette sorte : souvent, par une mauvaise chance qui toujours le poursuit, il décide ou il entreprend des publications que d’autres étaient justement en train d’achever ; le travail d’autrui paru, comment ne pas publier le sien quand même ?

Pour les Lectiones de Muret, la publication de Ruhnken lui facilita grandement la besogne. Mais il mit tous ses soins à corriger le latin de Muret, qui ne lui semblait pas d’une sûreté ni d’une régularité parfaites, et, surtout, à donner l’exacte référence de toutes les citations et renvois. C’est à cette deuxième tâche qu’il s’était appliqué : quam rem necessariam et eruditis commodam fore videbam, eam feci accuratius... Son continuateur Paesi s’astreignit aux mêmes soins ; mais il dut reprendre la chose du début, car la lecture du premier volume, — disait-il en sa Préface, — lui avait bien vite prouvé que Wolf n’avait pas toujours été très méticuleux, quum in priori volumine perlustrando animadverteremus non ubique locorum sedes accuratissime indicatas esse...

En cette même année 1791, Wolf republiait le traité de F. V. Reiz, de Prosodiae graecae Accentus Inclinatione. F. V. Reiz (1733-1790), professeur à Leipzig, éditeur d’Aristote, d’Hérodote, de Plaute et de Perse, était mort le 2 février 1790. Villoison écrivait à Wolf le 22 juillet 1790 : « Je suis très fâché de la mort de M. Reitzius : c’était un savant d’un grand mérite et fort honnête que je regretterai toute ma vie. Je désirerais fort que le second volume de son Hérodote parût... Vous rendriez un grand service aux lettres en faisant réimprimer conjointement tout ce qu’il a fait sur les accents[54]. » Wolf dédia cette publication à l’illustre et très célèbre B. C. D’Ansse de Villoison.

En 1792, Wolf se décidait à donner les Histoires d’Hérodien qu’il avait promises au public onze ans auparavant, dans les annonces de la foire de Leipzig[55]. Cette promesse de 1781 était venue deux ans après la collation du manuscrit de Vienne, que Stroth avait publiée dans la Bibliotheca Philolog. de Leipzig (1779, p. 160-197). Si, onze ans après, cette promesse était tenue, c’est, disait Wolf en sa Préface, que le libraire n’avait plus en magasin un seul exemplaire d’une autre édition parue trente ans auparavant. Wolf aurait voulu publier une recension savante avec notes, commentaires, appareil critique, etc. Mais le libraire ne lui en avait donné ni le temps ni les feuilles ; rédaction, impression, correction, il avait fallu abattre toute la besogne en trois mois et publier un « texte nu », sur le modèle de l’édition précédente. Quelque jour..., plus tard..., s’il plaisait au libraire, Wolf ferait paraître les corrections, explications et discussions critiques dont il avait le manuscrit[56]. — Ici encore, « plus tard », ce fut « jamais ». Pour le moment, Wolf n’avait fait entrer en « ce texte nu », que les lectures et variantes de l’homme qui avait si bien mérité d’Hérodien, de F. A. Stroth, ainsi que les divisions en chapitres de J. Boecler. Mais il disait n’avoir pas ou presque pas usé de l’édition d’Irmisch, commencée deux années auparavant et encore inachevée. Je crois que Wolf ne s’était mis à éditer Hérodien qu’à l’imitation d’Irmisch[57] : c’est dans Irmisch qu’il a trouvé réunies nombre des notes et corrections de Bergler, Kuhn, etc. qu’il se félicite d’avoir introduites dans le texte.

En 1792, Wolf publiait à Leipzig une édition des Tusculanes, auxquelles il donnait pour Prolégomènes « cette agréable et célèbre lettre d’Erasme que l’éditeur et traducteur français de Cicéron, l’abbé d’Olivet avait déjà cru digne d’être remise sous les yeux du lecteur[58] ». Wolf reproduisait aussi et les variantes et la disposition même de ces variantes qu’Ernesti avait introduites dans son édition classique, souvent réimprimée et dont un dernier tirage avait paru tout justement l’année précédente (1791)... Ce n’était, cette fois encore, qu’un premier échantillon de ce que Wolf comptait faire pour les œuvres philosophiques et les autres traités de Cicéron ; il en promettait une recension et un commentaire soigneux ; il avait commencé d’en acquérir et d’en comparer les vieilles éditions ; s’il ne disait pas aujourd’hui de quels secours il s’était aidé pour les Tusculanes, c’est qu’il destinait cet exposé à sa grande édition ; il ne donnait — une fois encore — que le « texte nu » ; mais il l’avait établi, comme s’il se fût agi d’un auteur édité pour la première fois ; il reconnaissait ses emprunts aux Victorius, aux Manuce, aux Lambin, aux Gebhard, aux Daves, aux Boher et aux Lallemant[59] ; il négligeait de dire que les œuvres complètes de Cicéron venaient de paraître, en trois éditions savantes et soignées, à Deux-Ponts (1781), à Oxford (1783) et enfin à Mannheim (1783-1787), durant ces dernières années où lui-même avait résolu, disait-il, d’établir le texte des Tusculanes, des Académiques et autres traités de Cicéron.

On voit suffisamment, je pense, avec quelles habitudes de travail Wolf avait abordé en 1794 sa recension d’Homère. Ce zélé professeur pensait que le service des études et le souci de la pauvreté germanique lui faisaient un droit et un devoir de prendre son bien partout où il le trouvait et de reproduire ou d’imiter tous les ouvrages d’autrui dont ses étudiants pouvaient tirer quelque secours. Et ce zélé fonctionnaire cherchait toutes les occasions de témoigner son obéissance aux ordres et conseils de l’autorité supérieure, en entreprenant ou du moins en promettant toutes les tâches de librairie, toutes les collections latines et grecques, toutes les éditions complètes ou fragmentaires, savantes ou scolaires, annotées ou « nues » : œuvres philosophiques de Cicéron, œuvres complètes de Platon, de Diodore, d’Hésiode, de Lucien, d’Isocrate, de Galien, d’Arrien, etc., etc. ; trois vies d’homme n’auraient pas suffi à la moitié seulement de la besogne, si ces trois vies tout entières y eussent encore été consacrées. Or son cours public et son séminaire prenaient à Wolf les trois quarts de son année. Aussi ne put-il jamais tenir le centième des promesses qu’il dispersait à tous les vents ; les engagements les plus formels n’étaient respectés par lui que le marché sur la gorge, si l’on peut dire, à la dernière minute, quand la foire prochaine ne lui laissait plus que quelques mois, quelques semaines ; en chacune de ses Préfaces, on retrouve ces « raisons de date et de hâte », ces « manques de temps et de loisir », cette menace de la foire qui vient et qui force l’auteur à donner, vaille que vaille, l’ouvrage terminé ou incomplet ; la foire de Pâques ! la foire de Leipzig ! il fallait arriver à jour fixe !... Pour ne pas manquer la foire, Wolf prenait tous les moyens de parvenir ; il empruntait de droite et de gauche, et il oubliait trop souvent de spécifier ses emprunts, et il se hasardait parfois à les nier ou, du moins, à les pallier de son mieux.

L’Allemagne est un pays de professeurs[60] ; la France est un pays d’écrivains. Tenu à ne jamais enseigner que le dernier mot de la science, le professeur d’université n’a pas à faire dans son enseignement le rigoureux partage de ses propres idées et de celles des autres ; pour lui, il n’y a pas de propriété littéraire ou scientifique ; en chaire, il est libre de reproduire tout ce qu’il juge utile à ses élèves. Mais du jour qu’il écrit et, plus encore, du jour qu’il imprime, il devrait ne pas oublier peut-être qu’il est tenu par la règle commune à tous les écrivains ; or, quand un écrivain, quel qu’il soit, donne pour siennes les idées ou les phrases d’autrui, cela s’appelle, en français du moins, un larcin. Et l’on s’expose à de pareils larcins quand on ne met ni plus de temps ni plus de précautions à écrire noir sur blanc qu’à enseigner de vive voix.

Dira-t-on que l’on ne saurait garder rigueur à Wolf de ses habitudes de métier ? être l’homme de son métier est aujourd’hui chose si rare ! Qu’importent donc le style, le ton, l’allure et même la structure des Prolégomènes, et les promesses du titre non tenues, et les changements de plan ou de sujets, et l’entreprise inachevée, si l’ouvrage, quel qu’il soit, contient des vérités certaines ou des hypothèses fécondes que personne, avant Wolf, n’avait formulées et dont la philologie universelle a fait, après Wolf, son profit et son bien ?...

C. Galuski écrivait le 1er mars 1848: « Wolf a rompu avec toutes les opinions prises à crédit, comme dit Montaigne : il est parti du doute pour faire appel à cette critique indépendante qui est la raison appliquée aux faits du passé. » — « Wolf, renchérissait Dugas-Montbel, est le fondateur et le véritable chef de l’école historique. » — « C’est cet ouvrage qui a posé pour le monde savant les questions homériques », répétait encore en 1910 M. Maurice Croiset, dans la troisième édition de cette Histoire de la Littérature grecque, qui restera comme l’un des monuments de l’érudition à la française...

« En vérité, les Prolégomènes n’apportaient pas une seule idée originale, in Wahrheit enthalten die Prolegomena nicht einen einzigen originalen Gedanken ; le père de la critique homérique chez les Modernes, der Vater der modernen Homerkritik, ce n’est pas Wolf, [ce n’est pas un Allemand du xviiie siècle finissant ; c’est un Français du plein xviie siècle], c’est François Hédelin, abbé d’Aubignac. » Ainsi parle en allemand, dans des livres publiés en Allemagne et signalés par toute la presse germanique comme les chefs-d’œuvre de la science homérique d’aujourd’hui, un savant de langue allemande, mais de nationalité et d’honnêteté suisses, M. Georg Finsler.




  1. Pour la biographie de Wolf, voir l’Allgemeine deutsche Biographie, vol. 40 (1898), p. 737-748. Frédéric-Auguste Wolf, né en 1759 à Haynrode, près de Nordhausen (Saxe prussienne), est mort à Marseille en 1824 ; étudiant à Göttingue (1776-1779), régent à Ilfeld, puis recteur à Osterode (1779-1783), il fut ensuite, durant quarante ans, la gloire des Universités de Halle (1783-1806), puis de Berlin. De ses nombreux ouvrages, aucun ne lui valut autant de célébrité que les Prolégomènes à Homère (προλεγόμενα = introduction). Pour la bibliographie de Frédéric-Auguste Wolf, voir Gœdeke-Goetze, Grundriss zur Geschichte, etc., édition de 1900, vol. VII, p. 807-811. Les deux livres importants sont l’étude quasi-hagiographique, publiée en 1833 par le gendre de Wolf, Wilhelm Körte, Leben und Studien Fr.-Auq. Wolfs, et le livre un peu plus critique de R. Volkmann, Geschichte und Kritik der Wolfschen Prolegomena (Leipzig, 1874), complété par deux Nachträge, que le même auteur publia en 1878 et 1887 sous forme de Programm Iauer. On trouvera des renseignements bien plus utiles dans un autre Programm de Francfort-sur-le-Mein (1890) : W. Peters, Zur Geschichte der Wolfschen Prolegomena. Cf. aussi trois articles, l’un de Fr. Blass dans la Deutsche Revue de septembre 1903, pages 357 et suivantes ; l’autre de S. Reiter dans les Neue Jahrbücher für die klassische Alterthumswissenschaft de 1904 (II), p. 89-111 ; le troisième de Michel Bréal dans la Revue de Paris de février 1903. Les petits traités et préfaces de Wolf ont été réunis par G. Bernhardy (Halle, 1869) en deux volumes : Kleine Schriften von Fr.-Aug. Wolf ; le premier contient les Scripta Latina ; le second les Deutsche Aufsätze. On trouvera dans le premier tous les textes qui nous importent, surtout les Praefationes homericae de 1784-5, 1794-5 et 1804. On trouvera aussi un bon résumé dans les Essays de M. Pattison, I, p. 359 et suivantes.
  2. Classical Philology, University Press, Chicago, vol. II, no 2. Voir les mêmes conclusions dans le Bericht über die Litteratur zu Homer (1902-1911) de D. Mülder, Bursians Jahresbericht, 1912-1913, p. 170-325. Le choix de D. Mülder, pour succéder à P. Cauer dans cette bibliographie homérique, est significatif : D. Mülder a publié, en 1910, Die Ilias und ihre Quellen (Berlin, Weideman), dont la pensée dominante est que l’Iliade est l’œuvre une d’un seul poète. Cf. encore A. van Gennep et A. J. Reinach, la Question d’Homère, Paris, 1909 ; les lecteurs français y trouveront la plus commode des Bibliographies critiques, dressée par A. J. Reinach.
  3. C’est le même mot qu’emploie L. Laurant à la page 6 de son Manuel des Études grecques et latines, II, Paris, Picard, 1914 : « Avec le xxe siècle, commence dans le monde savant une réaction, d’abord timide, qui aboutit à une véritable offensive des partisans de l’unité » ; on trouvera en ce dernier manuel les indications principales. Cf. du même auteur, Progrès et Recul de la Critique, Paris, Klincksieck, 1913.
  4. Van Leeuwen, Mnemosyne, XXXVIII, p. 341 : quam primum emergendum est e dubitationum et suspicionum illa palude, in qua nimis diu haeserunt studia homerica. Voir du même auteur, Commentationes homericae, Leyde, 1911.
  5. A. Lang, Homer and the Epic, London, 1893 ; Homer and his Age, London, 1906.
  6. Fénelon, Traité de l’Existence de Dieu, I, chap. 1.
  7. « À la santé de l’homme, dont la hardiesse nous délivra enfin du nom d’Homère et nous ouvrit, à nous aussi, toute grande, la carrière ! Qui donc eût osé lutter avec les dieux, avec l’unique ? Mais être un Homéride, et fût-ce le dernier, peut encore être beau ! »
  8. Dès 1797, C[aillard] avait donné des Prolégomènes de Wolf une analyse très exacte et louangeuse dans le Magasin Encyclopédique de Millin (IIIe année, 1797, t. III, p. 202-222) ; il s’était attiré une vive réplique de Sainte-Croix dans le même périodique (t. V, p. 66-79 et 191-209), sous le titre de Réfutation d’un Paradoxe sur Homère ; de 1797 à 1828, on peut dire que ce mot de « paradoxe » était resté attaché au nom de Wolf et à son œuvre. Cf. E. Egger, Mémoires de Littérature ancienne (1862), p. 80.
  9. Cf. Dugas-Montbel, Histoire des Poèmes homériques, 1831, p. 5 et 143 : « Wolf, fondateur et véritable chef de l’école historique,… auteur d’une véritable révolution philologique en Allemagne » ; C. Galuski, Revue des Deux Mondes, 1848, I, p. 877 : « Wolf a rompu avec toutes les opinions prises à crédit, comme dit Montaigne ; [tel] Descartes, il est parti du doute, pour faire appel à cette critique indépendante qui est la raison appliquée aux faits du passé ».
  10. Cf. J. Sandys, A History of classical Scholarship, III, p. 51-60 : a new era begins with the name of F.-A. Wolf…, etc.
  11. Biographie Michaud, art. Wolf.
  12. Cf. A. Gudeman, Grundriss der Gesch. der klass. Phil., p. 193 : mit Wolf beginnt eine neue Aera in der klassischen Studien ; diese Epoche knüpft direkt an die weltberühmten Prolegomena an.
  13. Neue Jahrbücher für die klass. Alterthumsw., 1904, II, p. 89.
  14. Alexis Pierron, L’Iliade d’Homère, Hachette, Paris, 2e édition corrigée, 1884 : vol. II, appendice IV, p. 539-563.
  15. Deux de ces éditions sont utiles à consulter : celle de Calvary à Berlin (1876) donne les notes d’Emmanuel Bekker et les fragments de la suite des Prolégomènes retrouvés dans les papiers de Wolf après sa mort ; celle de Poppmüller à Halle (1884) donne les Lettres de Wolf à Heyne. Il existe une traduction des Prolégomènes en allemand par H. Muchau.
  16. Cf. W. Peters, Zur Geschichte, p. 17, note 27 : dem ersten Theile der Prolegomena sollte bekanntlich noch ein zweiter folgen, an den Wolf aber wohl nie ernstlich gedacht hat. Im N. T. Merkur 1796, III, S. 406, wird aus Halle am 11 Nov. 1796 geschrieben : « An die Fortsetzung seiner Prolegomena, will er jetzt nicht erinnert sein. »
  17. Kleine Schriften, I, p. 252 : quod quoniam necesse est spectari in omni correctione scriptorum quae fidem historicam spectatur, breviter exponam ea quae jam olim tacite observavi, magnam partem ex iis, quae praeclarus auctor Criticae sacrae Griesbachius instituit, ad has uberiores litteras translata. Le traité de J. J. Griesbach, paru à Halle en 1768, avait pour titre : De Fide historica ex ipsa Rerum quae narrantur Natura judicanda.
  18. Prolegomena, p. 8 : abjecta ergo spe fore unquam ut, Carminum homericorum quae primitus fuerit forma, alibi quam in mente nostra et id quidem in rudibus lineis fingi queat....
  19. Prolegomena, p. 21 : etenim illud mihi unum propositum fuit praecipue ut textum Homeri ad normam eruditae antiquitatis emendarem atque eum verbis, interpunctione, accentibus, prope talem exhiberem qualis ex recensionibus olim probatissimis refectus, si tantum sperare fas est, Longino alicui seu alii veteri critico, qui copiis Alexandrinorum perite moderateque uti sciret, satis placiturus fuisse videretur.
  20. Kleine Schriften, I, 200 : interim juvat me ad majores aliquot quaestiones viam munivisse in Prolegomenis, quorum bipartita ratio est : nam prior pars est historica, posterior technica… ; in priore parte primas lineas duxi commentarii illius de historia homericorum Carminum, imprimisque disputavi de initiis scribendi apud Graecos.
  21. Fr.-Aug. Wolf, Praefatio ad Iliadem (1785), Kleine Schriften, I, p. 177 : quid ego ni faciam quod tam multi faciunt impune, ut librorum, quos emittunt, conditio et argumentum nihil fere conjunctum habeant cum inscriptionis praefatione ?
  22. A. Pierron, Iliade, I, p. xcii et suivantes.
  23. Cf. Kleine Schriften, I, p. 169 : si quod primum quidem destinatum erat, nulla omnino huic libello praefatio accederet, ainsi débute le Salut au Lecteur de 1784.
  24. Kleine Schriften, I ,p. 200 : ita lente festinanti atque interdum cessanti mensis unus et alter abiit ; interea jacebat Ilias et Prolegomena seu ducem seu comitem exspectabat ; tandem denique, ut transformatus Apuleius ait, invocato hilaro ac prospero Eventu cursu me concito proripui.
  25. Cf. Goethe, Annalen. 1820-1821, Werke, Jubilaeumsausgabe, t. XXX, p. 344 et 357.
  26. Kleine Schriften. I, p. 198-199 : nam illud mihi inde ab adolescentia in votis fuerat ut Homerum accurate religioseque emendarem ad criticas leges eique deinde commentarios adderem qui et tralaticii textus obscuram historiam et mutati sive emendati causas persequerentur... ; primum jam gradum feci absoluta recensione Iliados ; brevi subsequetur Odyssea cum Batrachomyomachia, Hymnis ceterisque reliquiis Homeridarum, quas nonnulli veterum ex vulgari fama Homero tribuunt ; haec quattuor erunt volumina, commoda assidenti neque inambulanti molesta ; quae simul perfecero, statim notationes grammaticorum et variantes lectiones cum observationibus meis digeram in singularia aliquot volumina, ejusdem quidem moduli, sed quae disjuncta a descriptione textus emptores sibi suos seorsum quaerant ; plurimis tamen et gravissimis quaestionibus satisfieri non poterit, nisi copiosius scribatur historia homericorum Carminum ; qua in re sic versari in anima habeo ut alte omnia et a capite repetam, id est a primordiis Graecae poeseos et, quoad vel certa fide rerum vel probabili conjectura progredi licebit, horum monumentorum nativam formam et ascitam modificationem particulatim illustrem variamque fortunam scripturae, emendationis et interpretationis eorum ad nostra usque tempora deducam.
  27. Cf. Kleine Schriften, I, p. 169 et suivantes.
  28. Les volumes de Wolf portent comme titre : Homeri Odyssea cum Batrachomyomachia, Hymnis, etc., ad exemplar Glasguense expressa, Halae Saxonum 1784 ; Homeri Ilias ad exemplar maxime Glasguense expressa, Halae Saxonum 1785.
  29. Τῆς τοῦ Ὁμήρου Ἰλιάδος ὁ τομὸς πρότερος καὶ δεύτερος, Glasguae, in aedibus academicis, excudebant Rodbertus et Andreas Foulis, academiae typographi, 1756, fol. Τῆς τοῦ Ὁμήρου Ὀδυσσείας ὁ τομὸς πρότερος καὶ δεύτερος, cui subjuncta sunt reliqua quae vulgo attributa sunt Homero, Glasguae, 1758, fol. : volum. IV. G. Harles-Fabricius dans la Bibliotheca graeca, I, p. 420, en donne la description suivante : editio haec est ex editione Clarkiana an. 1729 expressa, at cum nitida, tum inprimis correcta ; singulas enim plagulas correctores sexies et quident ter antequam praelam reliquerat plagula, Jacob Moor, litt. graec. professor, ac Georg Muirhead, litt. lat. professor, ab operarum peccatis mendisque purgaverunt.
  30. Kleine Schriften, I, p. 173 : eminet haec editio inter omnes, quotquot extant, ut chartarum typorumque magnifico splendore, ita summa et insigni diligentia quam duo viri docti ad id publice delecti in textu ab omnibus mendis typographi liberando feliciter posuerunt. On remarquera la concordance verbale de cette phrase de Wolf avec celle de Harles-Fabricius que j’ai citée plus haut.
  31. Kleine Schriften, I, p. 196 : hinc digredi constitueram in disquisitionem de textu Homerico, ejusque varia apud antiquos forma et criticorum diversis recensionibus, de quibus nonnihil ab aliis nondum occupatum proferre posse mihi videbar ; sed quoniam providebam tempori prolixiorem eum sermonem fore quam ut aliquot plagulis capi posset, mox abjeci istud consilium atque inde celeriter, mercatu jam urgente, aliud jam enatum est quo etiam melius consultum iis videri poterit qui hanc editionem tractabunt ; nempe folia, quae illi disputationi librarius semel damnaverat, concessi Kusteri Historiae criticae Homeri recudendae.
  32. Kleine Schriften, I, p. 196 : qui liber ut in manus tironum denuo veniret, saepe antehac optaveram ; est is hodie in rarissimis ut qui eodem pretio vix possit comparari quo totum hoc Iliadis volumen venit.
  33. Kleine Schriften, I, p. 199.
  34. Cf. Allgemeine deutsche Biographie, t. 43. p. 742 : was Wolf an Ruhnken 1794 (Vorrede zur Ilias) schrieb : docendo aliquanto plus quam scribendo delector, und noch 1816 an Humboldt (Analekten, I. Verr. VII) : « für Jemand, der, wie ich, niemals Schriftsteller, sondern nur Lehrer sein wollte », das war seine Redensart, sondern lag in seinem Wesen begründet ; alle seine Schriften sind rasch empfangene Kinder der Gelegenheit und eilig hingeworfene Erzeugnisse äusseren Anlasses, nie von langer Hand bearbeitet oder auf jahrelange gelehrte Sammlungen gegründet. Die gereinigten Textabdrücke mit Einleitungen, welche er gab, waren meist von Buchhändlern erbeten oder für seine Vorlesungen bestimmt.
  35. Cf. là-dessus, W. Körte, Leben und Studien F. A. Wolfs, I, p. 78, 100 et 103.
  36. Cf. Kleine Schriften, I, p. 131 et suivantes.
  37. Kleine Schriften, I, p. 157-168 : ad hanc Theogoniae Hesiodeae editionem parandam ne tempori magis cedentem quam voluntate proprio ductum adeoque minus praeparatum accessisse in limine statim libelli profiteor... : nihil in scriniis depositum reperi quod vel ad verba auctoris melius constituenda vel sententiarum totiusque argumenti vim et rationem copiosius declarandam magnopere valere posset, certe nihil quod me ad novam carminis editionem concinnandam invitaret ; accedit etiam quod, dum haec scribebam, ne potiores quidem Hesiodi editiones ad manum mihi erant.
  38. Kleine Schriften, I, p. 158-161 : lucri interea aliquantum fecit Hesiodus recreatus nuper a duumviris praestantissimis, quorum alter harum litterarum in Belgio, alter in Germania nostra stator et vindex est, Ruhnkenio et Heynio : ab illo, in Epistola critica ad Valckenarium data quam retractatam legimus ad calcem editionis legitimae Hymni homerici in Cererem ; ab hoc vero, in commentatione de Theogonia ab Hesiodo condita, quae inserta est Commentation. Soc. Reg. Goetting.. vol. II.... Quoniam ipse ut aliquid moverem a consilio meo, otio, ingenio etiam alienum erat, v. i. Heynii supra a me laudatam disquisitionem iterum in rem meam convertendam duxi indeque transcripsi quae interiorem rerum intelligentiam adjuvare viderentur, ita ut suo quaeque loco inter cetera reponerem, litterae nota ubique distincta... Vanum fuisset vel eadem meis verbis exponere vel paratis posthabitis nova mea ingerere velle lectoribus. Neque dubito fore plures quibus gratum hoc fecerim, quo pauciores sint qui ad legendam Theogoniam majori librorum copia uti vel velint vel propter rei familiaris tenuitatem etiam possint...
  39. Kleine Schriften, I, p. 287 : contextus ubique diligenter et accurate ex optimis, quae nunc habentur, editionibus descriptus est : Aeschyli quidem Agamemnonis e praeclara Schütziana, trium reliquarum ex Brunckii viri ill. recensionibus.
  40. Cf. Harles-Fabricius, Bibliotheca graeca, II, p. 190 : novam editionem atque recensionem curare sustinuit, et non solum criticis, sed etiam grammaticis atque exegeticis, in quibus et sensus tragœdiarum non minus quam verborum ac sententiarum dilucide declaratur et de rebus fabulisque ipsis earumque indole, antiquitate usuque copiose disseritur, animadversionibus atque excursibus instruere cœpit cl. Schütz : Aeschyli Tragoediae, quae supersunt, ac deperditarum Fragmenta recensuit, varietate lectionis et commentario perpetuo illustravit, scholia graeca, adparatum historicum et Lexicon aeschyleum adjecit Chr. God. Schütz, eloq. et poes. P. P. O. in academia Ienensi, Halae Saxon., vol. i, continens Prometheum vinctum et Septem adv. Thebas, cum commentario separatim edito 1782, vol. II Persae et Agamemnon, ibid. 1784.
  41. Cf. Harles-Fabricius, ibid., p. 224 : optima critica editio est quam cel. Brunck., sagacissimus ille criticus et linguae graecae non minus quam metri tragici calentissimus, paravit : Sophoclis, quae supersunt omnia cum veterum Grammaticorum Scholiis ; superstites tragoedias VII ad optimorum exemplarium fidem recensuit versione et notis illustravit, deperditarum fragmenta collegit Rich.-Franz. Phil. Brunck, regiae Inscriptionum et humaniorum Litterarum Academiae Socius, Argentorati, 1786.
  42. Cf. Harles-Fabricius, ibid., p. 267: critica plenissimaque est editio Euripidis Tragoedia Phoenissae, interpretationem addidit H. Grotii, graeca castigavit e m.s.tis atque adnotationibus instruxit, Scholia partim nunc primum evulgata subjecit L. C. Valckenaer, Francquerae, 1755, 4 ; ex recensione Valckenarii edidit Phoenissas varietatemque lectionis et indicem vocabulor. copiosissimum adjecit C. G. Schütz., Halae Saxon. 1772, cum Hecuba Brunck, Argentorati, 1780. — Harles-Fabricius, ibid., p. 387 : critica, adcurata, ex multis codd. et de conjectura emendata editio novaque recensio est Aristophanis Comœdiae ex optimis exemplaribus emendatae studio R. F. P. Brunck, Argentorati, 1783, 8o, [cujus IX tomi] fabulas graecas... novam interpretationem Brunckii latinam, varias lectiones, nova e codd. sumta scholia ; notas et emendationes Brunckii [comprehendunt]. Quae quum ita sint, tres tantum editionum [Aristophanis] aetates constitui possunt : prima orta est ab Aldo, altera est Florentina cum scholiis ; tertia parentem habuit Brunckium.
  43. Kleine Schriften, I, p. 294 : tanto magis oculis blandiuntur tum majores formae graecae, tum latinae omnes, utpote artificiose ad Didotii modum factae.
  44. Kleine Schriften, I, p. 298 : illo modo adornatos, praeter Diodorum, mox a nobis exspecta Hesiodum, Isocratem, Arrianum, Lucianum, Apollonium Dyscolum, Galeni libros aliquot...
  45. Kleine Schriften, I, p. 298 : erat forte mihi tum, quum illud agebatur, Demosthenes in manibus... ; poscebat typographus duntaxat aliquid in quo operas certae omnium rerum legi assuefacere et diversi simul moduli formis uti posset, ergo quum nihil referret in quo potissimum libro rudimentum poneretur, particulam Demosthenis tradidi ; licebat in hac Scholia jungere, minoribus illa litteris describenda, et latinas quoque observationes, quo plura instrumenta officinae una opera exercerentur.
  46. Kleine Schriften, I, p. 298 : quod autem hanc Leptiniam orationem potiusquam aliam celebriorem sumpsi, tu facile intelliges non ideo factum quia novo editori in illa amplius quidquam alibi agendum restaret ; immo est haec ipsa oratio inter eas quibus praecipium quoddam studium dicarunt priores qui Oratorem ediderunt, praesertim Taylorus, quippe qui eam ante ceteras divulgavit idque loco speciminis.
  47. Harles-Fabricius, Bibliotheca graeca, II, p. 840 : novam Demosthenis atque Aeschinis editionem molitus est, sed morte absumtus non absolvit Io. Taylorus, Cantabrigiae, 1748 ; totum opus, omnino splendidum, quinque tomis constare debuerat Taylorus in antiquitate et jure attico versatissimus et subsidiis praestantissimis instructus, etc.
  48. Harles Fabricius, ibid., p. 840-841 : Reiskius, vir graece doctissimus et criticus subtilis, qui novam omnium oratorum graecorum, Isocrate excepto, recensionem voluminibus XII curavit, homo probus..., cujus infinita merita, singularem eruditionem, incredibilem antiquarum, praecipue graecae et arabicae linguarum scientiam atque ingenii acumen nulla aetas nullaque aliorum invidia criminaque obscurabant. On peut se demander si cette dernière phrase de Harles-Fabricius ne vise pas Wolf qui dit en sa Lettre à Reiz : nulla fere pagina est quae non semel aut saepius ab Reiskii recensione discrepit ; in quo ne ipse, qui Reiskium audaciae et temeritatis accuso, iisdem nominibus, tibi aliisque videar culpandus, etc.
  49. Prolegomena in Leptiniam, p. xxxiii, note i : eam orationem cum Libanii Declamatione pro Socrate et Aristoxeni rhytmicorum Elementorum Fragmentis, primus e bibl. d. Marci Veneta protulit notisque nonnullis et latine interpretatione instruxit Bibliothecae illius Custos, vir omni humanitate politissimus, Jacobus Morellius, Venetiis, 1785, 8.
  50. Kleine Schriften, I, p. 300 : illud opusculum Aristidis, quum rarum in his terris esset, quippe semel modo et in Italia editum, non dubitavi si hunc locum concedere : mihi autem perquam vile et contemnendum visum est... Nihil ego nisi minutis rebus a Veneto exemplo discessi ut confidere possint [lectores] textum sibi exhiberi ipsius codicis, nullis conjecturis mutatum, nisi quae sunt Morelli, principis editoris, quae perpaucae sunt.
  51. Cf. Harles-Fabricius, Bibliotheca graeca, V, p. 350 : haec et plura praestita deprehendes in locupletissima et hucusque (1796) optima editione cujus haec est inscriptio : Luciani Samosatensis Opera, cum nova versione I. Hemsterhusii et Io. Mattheae Gesneri, graecis scholiis, etc. Voir la suite pour l’histoire de cette édition et les deux abrégés que l’on en commença à Mitau (1776-1780) et à Deux-Ponts (1789-1793).
  52. Cf. Kleine Schriften, I, p. 303-305.
  53. Kleine Schriften, I, p. 305-10,
  54. Revue des Études grecques, 1906, p. 309 et suiv.
  55. Kleine Schriften, I, p. 333 : ante hos ipsos undecim annos in librario indice Lipsici mercatus Herodiano opera mea, et recensentis et annotatione illustrantis, promissa est.
  56. Kleine Schriften, I, p. 334 : temperandum fuit ad novi librarii rationes et ad quamdam prioris editionis imitationem, atque ut nunc quidem nudum textum darem, coegerunt etiam angustiae temporis ; quum, dudum deficiente copia exemplarium, intra trimestre spatium omnem meum simul et typographi laborem et inceptum et absolutum esse opporteret, etc.
  57. Cf. ce que dit Wolf en sa Préface et ce que dit Harles-Fabricius. Wolf, Kleine Schriften, I, p. 335 : rarius, hoc est sex aut octo locis, evolvi Irmiscianam, propter notitiam codicis Bavarici et Reiskii notas... Harles-Fabricius, Bibliotheca graeca, VI, p. 291 : Irmisch in subsidiis conquirendis, in explicando Herodiano, conscribendo commentario operoso et maximam partem grammatico laboreque profligando industriam molestamque et obscuram diligentiam praestitit, etc.
  58. Kleine Schriften. I. p. 352 : ceterum Oliveti exemplo praeposui celebrem et jucundam epistolam Erasmi, qua editionem Tusculanarum suam, Basileae emissam, Ulatteno dedicavit. Eam epistolam propter auctoritatem et generosum disertumque pectus, quod in ea loquitur, hodieque repetita dignam putavi.
  59. Kleine Schriften, I, p. 348-352 : constitui proximis annis et Tusculanas et Academicas Disputationes et fortasse deinceps alios quosdam ejusdem classis libros Ciceronis omni, qua potero, fide et studio recensitos atque illustratos edere... ; jamdudum hujus rei causa coepi veterum exemplarium, quantum satis putabam, accurate conquirere et inter se comparare... ; sed de omni apparatu subsidiorum, quem in Tusculanis recensendis usurpavi, et de rationibus ipsis, quas secutus sum, tum proprius erit locus dicendi quum majori editioni hujus libri praefabor.
  60. Pour Wolf professeur, cf. Hanhart, Erinnerungen an Fr. A. Wolf, Basel, 1825 ; O. Schulz, id., id., Berlin, 1830 ; J. Arnoldt, F. A. Wolf in seinem Verhältniss zum Schulwesen und Paedagogik, Braunschweig, 2 vol., 1861-1862.