J. Hetzel et Cie (p. 277-290).

XXII

tout est bien qui finit bien.

Enfin, pour comble d’étonnement, les six orangs-outangs, les uhlans des sauvages, dont la vue avait tant inquiété nos amis, rangés tous les six de front et portant chacun leur long bâton blanc sur leurs épaules, comme les Parisiens portent leurs fusils, précédaient de quinze pas l’infanterie.

Un seul guerrier marchait en tête de toute la colonne, formidable par sa prestance. C’était un géant qui pouvait bien avoir huit pieds. Il était vêtu d’un manteau de pourpre asiatique, et son pantalon collant, qui faisait valoir les belles proportions de sa taille, était tout galonné de soutaches.

« C’est le général, dit Charlot.

— C’est le tambour-major, » dit Mimile avec plus de raison.

Qu’était devenue l’armée, la horde assiégeante ?

Ce n’est pas moi qui vous le dirai. Tout ce que je sais, c’est qu’au premier son qui lui avait révélé l’arrivée de l’armée des Francs-Cœurs, elle avait disparu, disparu comme les feuilles mortes disparaissent sous le souffle de l’aquilon.

Ce qu’il y avait de plus singulier encore, c’est que les sept Vilains-Museaux qui tout à l’heure encore semblaient attendre si tranquillement la mort sur le plateau, avaient, eux aussi, disparu. Comment et par où ? Je l’ignore, mais ils n’étaient plus là. Giboulot, Mimile et Charlot, occupés uniquement du spectacle inouï qu’ils avaient sous les yeux et dont toute l’attention était fixée sur le défilé que je viens d’avoir l’honneur de décrire, n’avaient plus pensé à eux et n’en savaient pas plus que vous et moi sur ce sujet. Le feu lui-même, étonné sans doute comme vous l’êtes, je le suppose, et comme l’étaient encore plus nos amis, avait oublié de brûler et s’était éteint subitement. Bref, l’armée des Francs-Cœurs, dont les sapeurs, — j’avais oublié de vous faire remarquer qu’elle avait une compagnie de sapeurs, — dont les sa peurs, dis-je, avaient en un clin d’œil fait une large route qui réunissait le carrefour au rocher, l’armée des Francs-Cœurs se rangea dans un ordre admirable, en face même du rocher, moitié à droite, moitié à gauche de la route neuve, pour laisser l’espace libre au char qui portait le chef des Francs-Cœurs assisté des deux messieurs de Paris.

Comment le chef des Francs-Cœurs savait-il que, sur ce rocher qu’aucun pied humain n’avait foulé jusque-là, étaient trois infortunés que les premières notes du corps de musique de son armée avaient arrachés à une mort certaine ? Je n’en sais rien. Toujours est-il qu’il le savait — et bien d’autres choses encore.

Ayant fait signe au tambour-major de faire taire sa musique, il interpella, ainsi que vous allez le voir, nos trois amis, qui du haut de leurs parapets, les bras tendus vers lui, attendaient ses premières paroles dans des sentiments où l’angoisse se mêlait encore à une sorte d’espérance.

« Messieurs Mimile et Charlot, êtes-vous prêts à répondre avec une entière sincérité aux questions que je vais vous adresser ?

— Oui, général, dit Mimile.

— Oui, sire, dit Charlot.

— Vous avez quitté votre collège, vos études, vos parents, vos amis, votre patrie, pour courir les aventures. Que pensez-vous d’une telle conduite ?

— Nous pensons… dit Mimile.

— Nous pensons… dit Charlot.

— Que nous avons été… dit Mimile.

— Que nous avons été… dit Charlot.

— Des imbéciles, dit Mimile.

— Des bêtes, dit Charlot.

— Des ingrats, dit Mimile.

— De bien méchants enfants, dit Charlot.

— Bien coupables, dit Mimile

— Ah ! pourvu que maman me pardonne ! dit Charlot.

— Nos papas doivent être bien fâchés ? dit Mimile. Mais nous ferons à l’avenir tout ce que nos papas voudront.

— Tout, dit Charlot.

— J’irai à Chaptal.

— À Chaptal, dit Charlot.

— Je m’y trouverai très-bien, dit Mimile.

— Tout à fait bien, dit Charlot en pleurant.

Je ferai tous mes devoirs, s’écria Mimile.

— Et même des pensums, dit Charlot.

— J’essayerai d’être le premier dans ma classe.

— Je ne ferai plus jamais de fautes d’orthographe, s’écria Charlot. J’apprendrai sans qu’on me le dise ma grammaire et même mon arithmétique.

— Nous écouterons les leçons d’anglais et d’allemand et le professeur de comptabilité. Nous serons de très-bons élèves, de très-bons camarades, de très-bons fils et de très-bons frères, général.

— Oui, oui, dit Charlot. Tout cela pourvu qu’on me descende d’ici, et qu’on nous remmène bien vite chez papa et maman à Paris, monsieur le général.

— Ainsi, reprit le général des Francs-Cœurs d’une voix ferme, vous ne voulez pas continuer votre voyage en Amérique ? Je mettrais pourtant à votre disposition mes éléphants, mes lions et même mes tigres.

— J’aime mieux, oh ! bien mieux les bêtes de chez moi, sanglota Charlot.

xxii
je ne veux plus voyager.

— La tribu des Francs-Cœurs pourrait, dans vos voyages de découvertes, vous assister d’une cinquantaine de ses plus valeureux guerriers. Vous pourriez, avec une telle escorte, tenir tête aux tribus les plus indomptées, voyager comme le prince de Galles.

— Je ne veux tenir tête à rien du tout, s’écria Charlot. Je ne veux plus voyager du tout, ni comme le prince de Galles ni autrement. »

On me permettra d’interrompre ce touchant dialogue pour dire ici, entre parenthèses, que cet animal de Giboulot se tenait les côtes après chacune des réponses de Charlot, et que M. Émile lui-même avait une si grande envie de rire qu’il lui était impossible à la fin de continuer à faire sa partie dans cet interrogatoire.

Quant à Charlot, tout entier à la situation, il parlait d’abondance.

« Monsieur le général, dit-il, nous avons beaucoup d’argent ; si vous pouviez écrire à papa par le télégraphe sous-marin que si nous avons été bien méchants nous avons été aussi bien malheureux, que nous avons été morts plus de dix fois, que nous voudrions bien qu’il nous pardonne et que je serais bien content s’il voulait m’envoyer chercher, ici comme autrefois à l’école, par ma bonne Rosalie, ah ! vous me feriez trop de plaisir !

« Dites-lui, monsieur le général, que je sais à présent, que, pour voyager, il faut avoir la permission de ses parents et être grand, parce que sans cela on ne peut jamais faire que des bêtises partout, et partout attraper des malheurs. Dites-lui que je ne veux plus aller, nulle part qu’où il me dira, que Mimile et moi nous aimerions mieux mourir que de recommencer à faire du chagrin à nos parents, et à nos amis, car nous en avons bien eu, allez ! du chagrin, et moi j’en ai encore. »

Charlot était à la lettre noyé dans ses propres larmes. Mimile le prit dans ses bras, il lui essuya les yeux avec son mouchoir, il le moucha même et très-doucement, il l’embrassa aussi beaucoup, comme un bon petit papa eût pu le faire.

En vérité, c’était un bon garçon que ce Mimile, bien qu’il fût un peu moqueur. Mais vous avez bien vu que, dans les moments où il faut du cœur, il ne pensait jamais à se moquer.

Le général n’avait pas encore adressé la parole à Giboulot.

« Monsieur Giboulot, lui dit-il, qu’avez-vous à nous dire, vous ? Étant plus grand, vous êtes plus coupable.

— Moi, général, lui répondit Giboulot, je n’ai quitté ni père, ni mère, pour courir après les aventures ; je n’ai quitté que mes oies et je ne puis avoir les regrets de ces jeunes messieurs pour ce que j’ai perdu. Je me bornerai donc à vous demander si vous ne pourriez pas me faire une place dans votre régiment ?

— Il est très-brave ! s’écria le bon Charlot. Prenez-le, monsieur le général.

— La cause est entendue, dit le général. Il ne s’agit plus pour le moment que de vous tirer de votre observatoire. Nous aviserons après pour le surplus. »

Au grand étonnement de Mimile, de Charlot et même de Giboulot, le grand arbre avait été à peine touché par l’incendie ; ses feuilles étaient roussies, mais les grosses branches étaient encore en bon état, et il y avait lieu d’espérer qu’il pourrait en réchapper. C’était le moment de la sève, et cela l’avait empêché de prendre feu.

Aidés de Giboulot, Mimile et Charlot se mirent en devoir de descendre.

Charlot, cependant, montrait quelque inquiétude :

« Ce n’est pas de descendre, dit-il, que je suis inquiet, mais c’est de parler au général pendant qu’il est dans a voiture aux tigres.

Ce sont des tigres apprivoisés, lui disait Giboulot, tout en lui donnant quelques recommandations, comme : Mets ton pied sur cette branche, tiens-toi par la main droite à celle-ci, appuie-toi sur moi, etc.

— C’est égal, j’aimerais mieux pas de tigres, et que le général soit descendu de voiture, et que tous ces animaux-là soient tous restés dans l’écurie. »

Le vœu de Charlot fut exaucé.

Quand il fut descendu de son arbre et qu’il eut fait le tour du rocher pour retrouver la route et le carrefour où l’armée était en bataille, il fut bien étonné de ne plus rien du tout apercevoir sur la route, ni les éléphants, ni les singes, ni la voiture aux tigres, ni les zouaves, ni les cavaliers, excepté qu’on entendait encore un peu au loin la musique qui sans doute cette fois s’en allait.

Il n’y avait plus rien en vérité, ni sur la route, ni autour du rocher, ni dans le grand carrefour ; le temps de descendre, de contourner le rocher, tout s’était évanoui comme par enchantement.

Cependant la forêt, la route nouvelle pratiquée par les chasseurs, tout prouvait bien que nos amis n’avaient pas rêvé et qu’il ne pouvait pas là être question d’un songe. C’est égal, de ne plus rien voir après avoir tant vu, c’était bien étonnant, et Mimile, ainsi que Giboulot, admirait la promptitude d’une telle manœuvre.

« Le général, dit Émile, aura deviné que tu avais peur, et il a fait tout défiler au grand galop.

— Si le général a deviné ça, il a eu bien raison, dit Charlot. Un petit garçon comme moi est plus vrai quand il dit qu’il a peur d’un lion et d’un tigre que quand il dit qu’il voudrait en rencontrer et qu’il pourrait en tuer.

— Bravo ! dit Mimile, bravo, mon Charlot !

— Vous voyez, dit Giboulot à Émile, que les voyages, même les plus fantastiques, forment la jeunesse. Voilà M. Charlot redevenu raisonnable.

— Pourvu qu’il ne le soit pas plus que moi à présent, dit Mimile.

— C’est pourtant extraordinaire, dit Charlot, que nous soyons déjà tout seuls. J’ai peur, Mimile, que le général n’ait pas compris qu’il fallait attendre ma bonne. Qui sait si, avant de rentrer en France, nous ne ferons pas encore de mauvaises rencontres. Ainsi, Mimile, si tu veux, nous irons tout droit par le plus court tout à fait ; nous ne regarderons rien du tout en passant.

— Dis donc, Charlot, lui répondit Émile, si au lieu de mauvaises rencontres nous allions en faire de bonnes, mais, là, de très-bonnes ?

— De très-bonnes ? dit Charlot, de l’air de quelqu’un qui est bien revenu des choses de ce monde ; celles qui pourraient être très-bonnes, Mimile, ne seraient pas possibles avant bien du temps encore. Nos papas, nos mamans et nos sœurs sont à Paris, et ce seraient là les seules rencontres que je trouverais bonnes, moi, d’abord.

— Si je les voyais tout de suite nos papas, nos mamans et nos sœurs, dit Mimile, ça me ferait trop d’effet.

— À moi, dit Charlot, ça me ferait trop de plaisir, oh ! bien sûr, trop de plai… »

Charlot n’avait pas achevé sa phrase.

« Qu’est-ce qu’il y a, dit Mimile ? Qu’est-ce qui te prend, Charlot ? Comme tu es pâle !

— Oh ! dit Charlot. Oh ! oh ! oh ! oh ! »

Les yeux de Charlot semblaient sortir de leur orbite. Sa bouche était toute grande ouverte, ses lèvres essayaient de parler, mais n’y parvenaient pas ; sa main frémissante, étendue, faisait le geste de montrer quelque chose à Mimile…

« Regarde, dit-il enfin à Mimile, regarde… est-ce que c’est vrai ?… est-ce que cela peut être ?… nos deux papas qui viennent là-bas, ces deux messieurs, les deux du général… »

Mimile lui prit la tête dans les deux mains, et approchant sa bouche de son oreille :

« Oui, mon Charlot, oui, lui dit-il en l’embrassant, ce sont nos papas. »

Le pauvre petit ouvrit les bras et tomba à genoux…

Ah ! s’écria-t-il, pourvu qu’ils ne soient pas trop en colère. »

Mais déjà Charlot était dans les bras de son père, qui, inquiet de son émotion, lui disait en l’embrassant.

« Mon pauvre enfant, mon pauvre petit, mon gros Charlot, calme-toi, tout est oublié !  !  ! Viens, donne-moi la main, et tu vas être tout à l’heure encore plus content.

— Plus content ? dit Charlot, plus content ! Alors c’est que maman aussi et ma sœur…

— Oui, lui dit son père en lui faisant tourner une allée, oui ; ne vois-tu rien, là-bas ? »

Mais Charlot ne s’était pas contenté de regarder, il avait couru, il s’était élancé vers un banc où deux dames étaient assises, et devant lequel, debout, dans l’attitude de l’attente, se trouvaient deux petites filles qu’il avait été bien difficile d’empêcher de courir au-devant de leurs deux frères.

Ai-je besoin de le dire ?

On s’embrassa beaucoup ce jour-là dans ce petit coin de l’Amérique. Ce fut même une scène si touchante que de douces larmes coulaient des yeux de tous les acteurs. Dès que l’émotion fut un peu apaisée, on vit venir, au trot de deux bons chevaux, une jolie voiture américaine qui s’arrêta à quelques pas du banc où les deux heureuses familles étaient réunies.

Chose étrange, ces chevaux-là allaient si vite, qu’après avoir traversé toute la forêt et puis des champs, et même un village, et tout cela en moins d’une heure, Charlot s’aperçut qu’on était déjà rentré en France. On était dans une ville, et son papa lui apprit que cette ville s’appelait Fontainebleau.

La voiture s’arrêta devant une jolie porte cochère, très-bien sculptée, et entra dans une belle cour.

Là, on descendit, et Charlot fut reçu par Rosalie qu’il embrassa de tout son cœur. Les enfants apprirent alors que leurs pères avaient acheté cette jolie maison de campagne, et que c’était là, à côté de la fameuse forêt de Fontainebleau, qu’on passerait les vacances. Mais on n’y était pas encore aux vacances. Il s’en manquait encore de trois mois.

Toutefois, ils surent tout de suite qu’ils allaient y passer toute la semaine, et c’était déjà une bien bonne chose.

On fit un bon dîner en famille, après quoi les enfants ravis couchèrent chacun dans un très-bon lit, où ils dormirent comme des bienheureux.

« C’est égal, dit Charlot à Mimile en se réveillant, notre voyage en Amérique est tout de même un voyage bien étonnant.

— Plus étonnant que tu ne le crois, Charlot, lui répondit le sage Mimile, et si étonnant même qu’il faut que tu me promettes, mon gros Charlot, de ne le raconter à personne au collège, avant que tu saches bien jusqu’à quel point il l’a été en effet.

— Pourquoi donc ça ? dit Charlot, et qu’est-ce que pensera Harrisson si je ne lui donne pas des nouvelles de son pays ?

— Il dira, dit son père qui venait d’entrer, que tu es un voyageur discret et réservé, ce qui est la plus grande qualité pour messieurs les voyageurs.

— Et puis tu sais, lui dit Mimile, les camarades ne sont pas tous comme tu as été avec Harrisson, ils ne veulent pas tout croire.

— Par exemple dit Charlot.

— Ils ne se gêneraient pas de te dire que tu leur racontes des choses incroyables.

— Ils me prendraient donc pour un menteur ?

— Oui, dit Mimile, et tu te fâcherais, et tu aurais des disputes, et cela ferait des batailles, et les batailles amèneraient des punitions, des retenues et le reste.

— C’est tout de même bien désagréable, dit Charlot, d’avoir eu tant de peine à faire notre grand voyage et de ne pas pouvoir le raconter ? M. Verne raconte bien tous les voyages qu’il a faits, lui !

— Il ne les raconte pas précisément, répondit Mimile ; il ne les dit pas aux personnes, il les écrit, et c’est M. Hetzel qui les livre au public. M. Verne n’en est peut-être pas si content.

— Écoute, dit Charlot, si tu veux, nous l’écrirons, notre voyage, et un éditeur en fera un livre ; moi, j’en serais très-content.

— C’est ça, dit Mimile, mais en attendant, taisons-nous ; car enfin, si nous apercevions un jour que nous nous sommes peut-être trompés de chemin, et que ce n’est pas en Amérique que nous avons été ?… »

Charlot, à ce mot, tomba dans de profondes réflexions.

À l’heure qu’il est, Charlot a vingt ans. Il sait à quoi s’en tenir sur son voyage en Amérique. Nos lecteurs l’ont vu, je l’espère, avant lui. Il me suffira de dire que les premiers doutes qui vinrent à Charlot eurent pour cause deux faits qui, pour n’avoir rien de bien merveilleux, lui causèrent une surprise extrême.

Dans une grande promenade qu’il fit en voiture dans la forêt de Fontainebleau, il crut reconnaître beaucoup d’endroits pareils, en tout, à ceux qu’il avait vus en Amérique ; mais on allait si vite qu’il n’eut pas le temps de bien comparer ni surtout de bien vérifier l’exactitude de ses souvenirs. Le second fait ébranla davantage sa conviction. C’était un jour la fête de Fontainebleau un superbe cirque était venu s’y établir, et le cirque était associé avec une très-grande ménagerie d’animaux féroces. On annonça une représentation tout à fait extraordinaire, c’est-à-dire grand spectacle. Les parents de Mimile et de Charlot les y conduisirent, et, là, en vérité, Charlot fut plus étonné qu’il ne l’avait été de sa vie, car tout ce qu’il avait vu en Amérique, les éléphants, les tigres, les lions, les orangs-outangs, et l’armée des Vilains-Museaux, et celle même des Nez-Rouges, y compris le grand chef, porteur d’une tête tout battant neuve pour remplacer celle que Mimile lui avait détériorée, il le retrouvait sous ses yeux. Le char brillant du général était là aussi, et le général lui-même, enfin tout. De plus, le général salua la famille de Charlot et de Mimile et fit un signe de tête amical aux deux enfants.

Ceux-ci se virent encore l’objet d’une attention toute particulièrement souriante de la part d’un jeune homme qui, en habit vert, culottes de daim, tricorne, bottes à l’écuyère, faisait, à la satisfaction générale, exécuter à un joli cheval noir des exercices variés de haute école. Il semblait bien à Charlot retrouver dans la figure de ce jeune écuyer certains traits de ressemblance avec celle de leur ex-compagnon Giboulot, ci-devant gardeur d’oies. Mais penser que ce fut le même individu, c’était bien fort.

Après cela, il y a de si étranges coïncidences dans le monde, il y arrive tant de choses qu’on aurait cru ne pouvoir pas arriver, que Charlot, dans l’impossibilité où il était de se rendre un compte bien exact des doutes qui remplissaient son esprit, aima mieux n’y plus penser. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que, bien qu’il eût acheté une masse de papier écolier pour écrire la relation de son voyage, il trouva plus sûr de l’employer à faire ses devoirs dessus, aussi longtemps qu’elle voulut durer.

Quant à Mimile, ce fut une autre affaire ! C’est sur les notes qu’il nous a données que nous avons-écrit ce récit d’un voyage que ni lui ni Charlot n’eurent jamais envie de recommencer, mais qui nous a paru pouvoir cependant intéresser la partie la plus naïve de nos lecteurs.