La Sirène (p. 18-19).


III



COMMENT vous appelez-vous ?

Surprise à ma voix, la jeune femme se retourne, hausse les épaules et disparaît dans le carbet.

Les rayons du soleil s’étalent, obliques, en éventail, sur le plateau du camp. Ils sont chargés de feu, barres d’or sortant d’un brasier.

— Vous ai-je offensée ? Je suis un homme maladroit… Pourquoi ne venez-vous plus aux repas ? Tout le monde vous regrette, et personne n’ose vous le dire…

Elle porte un affreux pyjama qui la déshonore. Il y a dans la chambre des fleurs qui ressemblent à des lys sans parfum. Les volets clos font une pénombre que raient de longs fils de lumière. Le soleil jaillit en faisceaux pressés entre les planches qui sont les murs de la maison.

— Je suis ici l’agent de la Compagnie… Je n’ai qu’un travail d’écritures. C’est pour cela que les hommes me méprisent. Ils ne sont pas méchants… La brousse les a formés à son image. Ils vivent une vie intense qui est en eux-mêmes, et que les autres hommes ne comprennent pas.

— Je les connais bien… Ils sont grossiers, généreux et bons. Qu’importe… je m’ennuie…

— Venez visiter le camp.

Mais rien ne l’intéresse, et mon verbiage l’ennuie.

Elle s’empresse dans la case où l’éclat du jour pénètre en longues lames d’or étiré, parallèles.

Elle a des yeux qui sont verts et gris, bleus et violets et qui changent à chaque heure du jour, et dont l’éclat suit l’intensité de la lumière ou de la nuit.

Elle est blonde, grande et robuste. Sous la peau, que le soleil a brunie, de jeunes muscles bandent sous l’effort et témoignent qu’elle a longtemps pagayé.

Je sais maintenant qu’elle s’appelle Marthe.

Un visage d’enfant, des cheveux en boucles, un léger embonpoint de jeune animal sain ; et ce vêtement d’indienne et de tussor souple comme une gaze, et qui la laisse presque nue…

— Je crois avoir entendu les tigres, cette nuit, dit-elle.