E. Sansot & Cie (p. 37-62).

ACTE II

(À droite, un moulin à fenêtre praticable, à gauche, rochers, au fond on découvre la mer.)

Scène PREMIÈRE

L’Armée Polonaise entre, précédée du général LASCY.
Chanson de route
Air : Marche des Polonais, Cl. Terrasse.

Ma tunique a deux, trois, quat’boutons,
Cinq boutons !
Six, sept, huit boutons,
Neuf boutons !
Dix, onz’, douz’boutons,
Treiz’boutons !

Ma tunique a quatorz’, quinz’boutons,
Seiz’boutons !
Dix-huit, vingt boutons,
Vingt boutons
Vingt-et-un boutons,
Trent’boutons !

Ma tunique a trent’, quarant’boutons,
…rant’boutons !
Quarant’-cinq boutons,
Cinq boutons !

Soixant’-dix boutons,
Dix boutons !

Ma tunique a cinquant’mill’boutons,
Mill’boutons…

Le Général Lascy

Division, halte ! À gauche, front ! À droite… alignement ! Fixe Repos. Soldats, je suis content de vous. N’oubliez pas que vous êtes militaires, et que les militaires font les meilleurs soldats. Pour marcher dans le sentier de l’honneur et de la victoire, vous portez d’abord le poids du corps sur la jambe droite, et partez vivement du pied gauche… Garde à vous ! Pour défiler : par le flanc droit… droite ! Division, en avant ! guide à droite, marche ! Une, deux, une, deux…

Les Soldats, avec Lascy sur le flanc, sortent, en criant :

Les Soldats

Vive la Pologne ! Vive le Père Ubu !

Père Ubu, entrant, avec casque et cuirasse.

Ah ! Mère Ubu, me voici armé de ma cuirasse et de mon petit bout de bois. Je suis prêt à partir en guerre contre le czar, mais je vais être bientôt tellement chargé que je ne saurais marcher si j’étais poursuivi.

Mère Ubu

Fi, le lâche.

Père Ubu

Ah ! toute cette ferraille m’embarrasse. Je n’en finirai jamais, et les Russes avancent et vont me tuer.

Mère Ubu

Comme il est beau avec son casque et sa cuirasse, on dirait une citrouille armée.

Père Ubu

Ah ! maintenant je vais monter à cheval. Amenez, messieurs, le Cheval à phynances.

Mère Ubu

Père Ubu, ton cheval ne saurait plus te porter, il n’a rien mangé depuis cinq jours et est presque mort.

Père Ubu

Elle est bonne celle-là ! On me fait payer 12 sous par jour pour cette rosse et elle ne me peut por ter. Vous vous fichez, corne d’Ubu, ou bien si vous me volez ? Alors, que l’on m’apporte une autre bête, mais je n’irai pas à pied, cornegidouille !

Le Palotin Giron, figuré par un nègre, amène un énorme cheval.
Père Ubu

Merci, fidèle Palotin Giron. — (Il caresse le cheval.) Ho, ho… Je vais monter dessus. Oh ! je vais tomber (Le cheval part.) Ah ! arrêtez ma bête. Grand Dieu, je vais tomber et être mort !!! (Il disparaît dans la coulisse.)

Mère Ubu

Il est vraiment imbécile (Elle rit.) Ah ! le voilà relevé, mais il est tombé par terre.

Père Ubu, (rentrant à cheval.)

Cornegidouille, je suis à moitié mort ! Mais c’est égal, je pars en guerre et je tuerai tout le monde. Gare à qui ne marchera pas droit. Ji lon mets dans ma poche avec torsion du nez et des dents et extraction de la langue.

Mère Ubu

Bonne chance, monsieur Ubu.

Père Ubu

J’oubliais de te dire que je te confie la régence. Mais j’ai sur moi le livre des phynances, tant pis pour toi si tu me voles. Je te laisse pour t’aider le fidèle Giron. Adieu, Mère Ubu. Sois sage, prends garde à ta vertu.

Mère Ubu

Adieu, Père Ubu. Tue bien le czar.

Père Ubu

Pour sûr. Torsion du nez et des dents, extraction de Ja langue et enfoncement du petit bout de bois dans les oreilles. (Il s’éloigne au bruit des fanfares.)


Scène II

MÈRE UBU, LE PALOTIN GIRON
Mère Ubu

Maintenant, que ce gros pantin est parti, courons nous emparer de tous les trésors de la Pologne. Ici, Giron, viens m’aider.

Le Palotin Giron

À quoi, maîtresse ?

Mère Ubu

À tout ! Mon cher époux veut que tu le remplaces en tout pendant qu’il est à la guerre. Ainsi ce soir…

Le Palotin Giron

Oh ! maîtresse !

Mère Ubu

Ne rougis pas, mon chéri : d’abord, sur ta figure ça ne se voit pas ! Et en attendant donne-moi un coup de main pour déménager les trésors.

(Très vite, parlé en déménageant.)

Mère Ubu

D’abord à mes yeux étonnés
Au bon vieux temps d’August’ l’Ivrogne.S’offre un pot, un pot… polonais !

Le Palotin Giron

Un’ descent’ de lit en peau d’renne,
Au bon vieux temps d’August’ l’Ivrogne.D’la rein’ qu’est mort’, la pauvre reine !

Mère Ubu

La ressemblance, trait pour trait,
Au bon vieux temps d’August’ l’Ivrogne.D’monsieur mon époux adoré.

Le Palotin Giron

Des fiol’s qui soûlèr’nt la Pologne,
Au bon vieux temps d’August’ l’Ivrogne.

Mère Ubu, portant un clysopompe.

Le narghilé qu’on fabriqua,
Au bon vieux temps d’August’ l’Ivrogne.Pour la rein’ Mari’ Leczinska.

Le Palotin Giron

Les documents, dans une malle,
Au bon vieux temps d’August’ l’Ivrogne.De la défens’ nationale.

Mère Ubu, portant un petit balai.

Et le plumeau qui a servi
Au bon vieux temps d’August’ l’Ivrogne.À mettre l’ordre à Varsovi’.

Mère Ubu

Aïe ! J’entends du bruit ! Le Père Ubu qui revient ! Déjà ! sauvons-nous !

(Ils s’enfuient en laissant tomber les trésors.)


Scène III

L’Armée traverse la scène, puis le Père Ubu entre traînant une longue bride.
Père Ubu

Cornebleu, jambedieu, tête de vache ! nous allons périr : ha ! nous mourons de soif et sommes fatigué, car, par crainte de démolir notre monture, nous avons fait tout le chemin à pied, traînant (Apparaît seulement alors le cheval.) notre cheval par la bride. Mais quand nous serons de retour en Pologne, nous imaginerons, au moyen de notre science en pataphysique et aidé des lumières de nos conseillers, un automobile pour traîner notre cheval et une voiture à vent pour transporter toute l’armée. Mais voilà Nicolas Rensky qui se précipite. Eh ! Qu’a-t-il, ce garçon ?

Rensky

Tout est perdu, Sire, les Polonais sont révoltés, Giron a disparu et la mère Ubu est en fuite emportant tous les trésors et les finances de l’État.

Père Ubu

Déjà !!! — Oiseau de nuit, bête de malheur, hibou à guêtres ! Où as-tu pêché ces sornettes ? En voilà d’une autre ! Et qui a fait ça ? les Cosaques, je parie. D’où viens-tu ?

Rensky

De Varsovie, noble seigneur.

Père Ubu

Garçon de ma merdre, si je t’en croyais je ferais rebrousser chemin à toute l’armée. Mais, seigneur garçon, il y a sur tes épaules plus de plumes que de cervelle et tu as rêvé des sottises. Va aux avant-postes, mon garçon, les Russes ne sont pas loin et nous aurons bientôt à estocader de nos armes.

Le Général Lascy

Père Ubu, ne voyez-vous pas dans la plaine les Russes ?

Père Ubu

C’est vrai, les Russes ! Me voilà joli. Si encore il y avait moyen de s’en aller, mais pas du tout, nous sommes sur une hauteur et nous serons en butte à tous les coups.

L’Armée

Les Russes ! L’ennemi !

Père Ubu

Allons, messieurs, prenons nos dispositions pour la bataille. Nous allons rester sur la colline et ne commettrons point la sottise de descendre en bas. Je me tiendrai au milieu comme une citadelle vivante et vous autres graviterez autour de moi. J’ai à vous recommander de mettre dans les fusils autant de balles qu’ils en pourront tenir, car 8 balles peuvent tuer 8 Russes et c’est autant que je n’aurai pas sur le dos. Nous mettrons les fantassins à pied au bas de la colline pour recevoir les Russes et les tuer un peu, les cavaliers derrière pour se jeter dans la confusion, et notre artillerie autour du moulin à vent ici présent pour tirer dans le tas. Quant à nous, nous nous tiendrons dans le moulin à vent et tirerons avec notre pistolet à phynances par la fenêtre, en travers de la porte nous placerons le bâton, et si quelqu’un essaye d’entrer, gare à lui !

L’Armée

Vos ordres, Sire Ubu, seront exécutés.

Père Ubu

Eh ! cela va bien, nous serons vainqueurs. Quelle heure est-il ?

(On entend : Coucou ! trois fois.)

Le Général Lascy

Onze heures du matin.

Père Ubu

Alors nous allons dîner, car les Russes n’attaqueront pas avant midi. Dites aux soldats, seigneur général, de faire leurs besoins et d’entonner la chanson polonaise.

Lascy

Attention ! À droite et à gauche, formez le cercle. Deux pas en arrière, rompez ! (L’Armée sort, grande ritournelle, le père Ubu commence à chanter, l’Armée rentre pour la fin du premier couplet.)

Chanson Polonaise
Père Ubu

Quand je déguste
Faut qu’on soit soûl,
Disait Auguste
Dans un gouglou !
Chœur : Glou glou glou, glou glou glou.

Père Ubu

La soif nous traque
Et nous flapit ;

Buvons d’attaque
Et sans répit.
Chœur : Glou glou glou, glou glou glou.Chœur : Pi pi pi, pi pi pi !

Père Ubu

Par ma moustache !
Nul ne s’ moqua
Du blanc panache
De mon tchapska.
Chœur : Glou glou glou, glou glou glou.Chœur : Ka ka ka, ka ka ka.

Père Ubu

On a bonn’ trogne
Quand on a bu :
Viv’ la Pologne
Et l’ Père Ubu !
Chœur : Glou glou glou, glou glou glou.Chœur : Bu bu bu, bu bu bu !

Père Ubu

Ô les braves gens, je les adore ! Et maintenant, à table !

Les Soldats

Attaquons !

Père Ubu

Dites à monsieur notre intendant militaire de nous apporter les vivres mis en réserve pour toute l’armée.

Lascy

Mais, Père Ubu, il n’y a pas de vivres, il n’y a rien à manger.

Père Ubu

Comment, sagouin ! Il n’y a rien à manger ? À quoi pense alors notre intendance militaire ?

Lascy

Vous ne vous rappelez plus que vous l’avez précipitée dans la trappe !

Père Ubu

Ah ! je respire. Je savais bien que cette excellente administration ne pouvait se tromper. Personne n’ignore qu’elle aime à gaver le troupier de troupions, pardon ! croupions de dinde, poulets rôtis, pâtés de chiens, choux-fleurs à la merdre et autres volailles. Enfin, je vais aller chercher moi-même s’il reste quelque chose pour garnir notre panse. (Il sort.)

Lascy, criant.

Qu’avez-vous trouvé de bon à manger, Père Ubu ?

Père Ubu, rentrant avec le balai.

Je n’ai trouvé que ceci : goûtez un peu.

Lascy et l’Armée

Pouah ! Pouah ! Pouah ! Je suis mort ! Misérable père Ubu, traître et gueux voyou ! (Ils sortent dans des convulsions. La canonnade commence dans le lointain).

Père Ubu, seul.

Mais, j’ai faim, moi. Que vais-je mettre dans ma gidouille ? (1er boulet dans le ventre.)

Lascy, rentrant.

Sire Ubu, les Russent attaquent.

Père Ubu

Eh bien après ? Que veux-tu que J’y fasse ? ce n’est pas moi qui le leur ai dit. Cependant, messieurs des Finances, préparons-nous au combat. (2e boulet, le Père Ubu est renversé, le boulet lui rebondit à plusieurs reprises décroissantes sur la gidouille.)

Lascy

Un second boulet, je ne reste. pas là. (Il fuit.)

Père Ubu

Ah ! je n’y tiens plus. Ici il pleut du plomb et du fer. Hé ! sires soldats russes, faites attention, ne tirez pas par ici, il y a du monde.

Voix au dehors

Hourra, place au Czar ! (Les Russes traversent.)

Père Ubu

En avant, je m’en vais attaquer avec ce petit bout de bois l’empereur moscovite.

Le Czar, paraissant.

Choknosof, catastrophe, merdazof !

Père Ubu

Tiens, toi ! (Le Czar lui arrache son bâton et riposte.) — Oh mais tout de même ! ah, monsieur, pardon, laissez-moi tranquille ! oh, mais, je n’ai pas fait exprès ! Aïe ! je suis mort, je suis roué ! (Il se sauve, le Czar le poursuit.)

Lascy, traversant.

Cette fois, c’est la débandade.

Père Ubu

Ah, voici l’occasion de se tirer des pieds. Or donc, messieurs les Polonais, en avant ! ou plutôt non, en arrière !

Polonais, traversant.

Sauve qui peut, sauve qui peut ! (Ils s’enfuient, poursuivis par les Russes.)


Scène IV

La scène reste vide, puis L’OURS passe.
Père Ubu, rentrant.

Il n’y a plus personne ? Quels tas de gens, quelle fuite ! Où me cacher, grand Dieu ? Ah, dans cette maison, j’y serai sans doute à l’abri.

Lascy, sortant du moulin.

Qui vive ?

Père Ubu

Au secours ! Ah ! c’est toi, Lascy, tu t’es caché là aussi, tu n’es donc pas encore tué ?

Lascy

Eh ! Monsieur Ubu, êtes-vous remis de votre terreur et de votre fuite ?

Père Ubu

Oui, je n’ai plus peur, mais j’ai encore la fuite.

Lascy

Quel pourceau.

L’Ours, dans la coulisse.

Hhron !

Lascy

Quel est ce rugissement ? Allez voir, Père Ubu.

Père Ubu

Ah non, par exemple ! encore des Russes, je parie, j’en ai assez ; et puis s’ils m’attaquent c’est bien simple, ji lon fous dans ma poche.


Scène V

LES MÊMES, entre L’OURS
Lascy

Oh, monsieur Ubu !

Père Ubu

Oh ! tiens, regarde donc le petit toutou. Il est gentil, ma foi.

Lascy

Prenez garde ! Ah ! quel énorme Ours.

Père Ubu

Un ours ! Ah ! l’atroce bête. Oh ! pauvre homme, me voilà mangé. Que Dieu me protège. Et il vient sur moi. Non, c’est Lascy qu’il attrape. Ah ! ça va mieux ! (L’Ours se jette sur Lascy, qui se défend. Le Père Ubu se réfugie dans le moulin.)

Lascy

À moi, à moi ! au secours, Monsieur Ubu !

Père Ubu, mettant la tête à la fenêtre du moulin.

Bernique ! Débrouille-toi, mon ami ; pour le moment, nous faisons notre Pater Noster. Chacun son tour d’être avalé.

Lascy

Il me tient, il me mord !

Père Ubu

Sanctificetur nomen tuum.

Lascy, saisi par l’ours, pousse un grand cri, l’ours traverse lentement en le balançant dans sa gueule et disparaît.
Père Ubu

Panem nostrum quotidianum da nobis hodie… Tiens ! le voilà mangé et me voilà tranquille. Sed libera nos a malo, Amen, Je puis descendre de ma fenêtre. Nous devons notre salut à notre courage et à notre présence d’esprit, n’ayant pas hésité à monter dans ce moulin fort élevé pour que nos prières eussent moins loin à arriver au ciel. Aussi je n’en puis plus et il me prend une étrange envie de dormir. Mais je ne coucherai pas dans cette maison, car même avec un bonnet de coton (il le met), quand on craint les courants d’air, il ne faut pas se réfugier dans un moulin à vent !

(Scène du lit, avec apparition de souris, araignées, etc., classique à Guignol.)

Père Ubu

Je serai mieux à la belle étoile. (Bruit léger au dehors.) Est-ce l’ours encore ? Il va me dévorer ! Il n’y a pas moyen de dormir, mais avec ce petit bout de bois je saurai m’en débarrasser.

(Entre la Mère Ubu, qui reçoit le coup de bâton.)

Ah ! c’est la Mère Ubu ! Je savais bien que c’était un animal ! Comment, c’est toi, sotte chipie ? D’où viens-tu ?

Mère Ubu

De Varsovie, les Polonais m’ont chassée.

Père Ubu

Moi, ce sont les Russes qui m’ont chassé, les beaux esprits se rencontrent.

Mère Ubu

Dis plutôt qu’un bel esprit a rencontré une bourrique !

Père Ubu

Ah ! Mère Ubu, je vais vous arracher la cervelle et lacérer le postérieur ! (Il la secoue.)

Mère Ubu

Viens plutôt avec moi, Père Ubu, ce pays n’est pas tranquille. Quittons-le, profitons de ce que nous sommes au bord de la mer et embarquons-nous sur le premier navire en partance. Mais où aller ?

Père Ubu

Où allons-nous, Mère Ubu ? Quo vadimus ? C’est bien simple : en France ;

La France réunit pour nous tous les attraits :
Il y fait chaud l’été, l’hiver il y fait frais,
Les institutions sont mises sous vitrine :
Défense de toucher au clergé, la marine,
Au sceptre immaculé des gardiens de la paix,
Au dur labeur des bureaucrates occupés.
L’expérience de ma trique me décide
À croire qu’en effet tout ça n’est pas solide,
Et que l’on ne saurait trop mettre en du coton
La finance, l’armée et la magistrature,
Fragiles bibelots que fêle mon bâton.
L’âge d’or luit encor, plus doré que nature :
Un suffrage éclairé nomme des députés
Dont les programmes sont toujours exécutés ;
Et le char de l’État est du même système
Que si le Père Ubu l’avait construit lui-même.
La France est le pays des lettres et des arts :
Le nombre deceux-ci s’élève jusqu’à quartre :
Aussi la nomme-t-on le pays des 4-z-Arts,
Antique cabaret célèbre dans Montmartre !

C’est là que nous irons vivre désormais, mère Ubu.

Mère Ubu

Bravo, Père Ubu, allons en France.

Père Ubu

Je vois un navire qui s’approche, nous sommes sauvés.

Bougrelas, entrant.

Pas encore !

Père et Mère Ubu

Aïe ! c’est Bougrelas !

Bougrelas

Misérable Père Ubu, tu as tué mon père le roi Venceslas (Le Père Ubu gémit), tu as tué ma mère la reine Rosemonde (le Père Ubu gémit), tu as tué toute ma famille, tu as tué la noblesse, tu as tué la justice, tu as tué la finance, mais il y a une chose que tu n’as pas tuée, car elle est impérissable : la gendarmerie nationale !

(Entrent deux Gendarmes.)
Père Ubu, affolé.

Où me cacher, grand Dieu ? Que deviendra la mère Ubu ? Adieu, mère Ubu, tu es bien laide aujourd’hui, est-ce parce que nous avons du monde? (Entre le Palotin Giron.)

Mère Ubu

Notre fidèle Giron m'accompagnera en France.

Bougrelas

Et vous, gendarmes, accompagnez le Père Ubu. Conduisez-le à Paris, dans une prison ou plutôt dans un abattoir, où, en punition de tous ses crimes, il sera décervelé !

CHANSON FINALE
(Air connu)
Père Ubu, entre les Gendarmes, Mère Ubu, Bougrelas, le Palotin Giron.

« Vers les rives de France

Voguons

Voguez


en chantant,

Voguons

Voguez


doucement,

Pour

nous

vous

Les vents sont si doux. »


Embarquons-nous

Embarquez-vous


avec espérance,
Vers la douce France,

Viv’ le Père Ubu !

Confions-nous à la Providence,
Le ciel récompense,
Toujours la vertu,
Tutu, rlutu, pens’s-tu ?
Turlututu !

La vertu trouve sa récompense…

Le navire disparaît. — Rideau.
FIN