Chants révolutionnaires
Dentu (p. 53-54).

TUER L’ENNUI !


À Émile ZOLA.


 La fabrique est sale et morose,
  L’air infect et la vitre en deuil ;
  J’y fais toujours la même chose,
  J’y tourne comme l’écureuil.
  Aussi j’ai du plomb dans la veine,
  Je me rouille dans mon étui.
  La ribotte a bu ma quinzaine.
Que voulez-vous ? Il faut tuer l’ennui !

  Oh ! vivre sous le ciel d’Afrique,
  Arabe ou lion, librement !...
  Je ne sais rien en politique,
  Mais j’ai besoin de mouvement !
  La rue éclate en fusillades,
  Le peuple va droit devant lui ;
  Allons faire des barricades !...
Que voulez-vous ? il faut tuer l’ennui !


  Feu ! toujours feu ! je suis la foudre,
  Mon âme bout dans mon fusil ;
  On met la gloire dans la poudre,
  On ne la met pas dans l’outil.
  Mais je tombe comme un homme ivre,
  Une balle au flanc ― bonne nuit ! ―
  Mourir ainsi, du moins c’est vivre.
Que voulez-vous ? il faut tuer l’ennui !


Paris, juin 1848.