Troisième discours sur la loi Agraire (trad. Nisard)


Troisième discours sur la loi Agraire (trad. Nisard), Texte établi par NisardGarnier2 (p. 537-543).


TROISIÈME DISCOURS.
SUR LA LOI AGRAIRE,
CONTRE RULLUS, DEVANT LE PEUPLE.

DISCOURS DIX-SEPTIÈME.


ARGUMENT.

Rullus n’avait point osé se présenter dans l'assemblée où Cicéron avait attaqué sa loi ; mais, profitant du moment où le consul était absent du forum, il l’attaqua comme étant de ceux qui soutenaient le parti de Sylla et les détenteurs des biens des proscrits. Cicéron lui répond dans ce troisième discours ; il fait voir que c’est au contraire Rullus qui protège les possesseurs des biens des proscrits, et surtout Valgius son beau-père. Il prouve l’intention du tribun, en expliquant le quarantième article de la loi dont il n’avait point parlé d’abord, dans la crainte, disait-il, de réveiller les anciennes divisions.

Cicéron, après avoir placé à la tête de ses œuvres consulaires, les deux discours précédents (Epist. ad. Att.. II, 1 ), parle de deux autres petite discours, appendices de la loi agraire. Il est donc, probable que Rullus calomnia de nouveau l’orateur dans l’esprit du peuple, et que Cicéron répliqua une dernière fois. Ce quatrième discours est perdu.


I. Les tribuns qui ont profité de mon absence pour m’accuser devant vous, Romains, eussent mieux fait d’attendre que je fusse présent ; par là, ils eussent témoigné de leur respect pour l’équité que vous montrez dans ce débat, pour les anciennes coutumes et pour les droits même de leur magistrature. Mais puisque jusqu’ici ils ont déserté le combat face à face, qu’ils paraissent maintenant, s’ils le veulent, dans cette assemblée où je parle, et acceptent du moins les défis que je leur porte encore et qu’ils ont une première fois refusés. J’en vois parmi vous, Romains, quelques-uns dont les murmures trahissent je ne sais quel mécontentement, et dont les visages ont perdu cet air de satisfaction qui m’avait accueilli dans l’assemblée précédente. Je vous prie donc, vous qui n’avez point cru mes ennemis, de me conserver toujours les mêmes sentiments ; et vous aussi qui me paraissez légèrement changés à mon égard, je vous prie de me rendre pour un moment votre bonne opinion, et d’y persister si je prouve la vérité de ce que je vais dire ; sinon, de l’abandonner aujourd’hui et d’y renoncer pour toujours. On a lassé votre attention, Romains, et assourdi vos oreilles, à force de vous répéter que je ne m’opposais à la loi agraire et à vos intérêts qu’afin de flatter les sept tyrans et les riches possesseurs des terres données par Sylla. Ceux d’entre vous qui l’ont cru, ont dû croire avant tout que la loi agraire dont on sollicite l’adoption, enlève à leurs possesseurs actuels, pour vous les distribuer, les terres données par Sylla, ou qu’enfin elle prive des particuliers d’une partie de leurs possessions, pour vous y établir. Si je montre que, loin d’ôter à personne une parcelle de terrain donné par Sylla, un article de la loi assure et confirme impudemment l’intégrité des propriétés de cette nature ; si je prouve, que Rullus, par sa loi, a si bien ménagé ces possessions odieuses, qu’il est facile de reconnaître dans l’auteur de cette loi, non le défenseur de vos intérêts, mais le gendre de Valgius ; douterez-vous, Romains, que Rullus, en me calomniant près de vous pendant mon absence, se soit moqué de votre vigilance et de la mienne, de ma pénétration et de la vôtre ?

II. Il est un quarantième article de la loi, sur lequel je me suis tu d’abord à dessein, soit pour ne point rouvrir une plaie déjà cicatrisée, soit pour ne point rallumer le feu des discordes civiles, dans les circonstances les plus inopportunes. Et si j’en entame aujourd’hui la discussion, ce n’est pas que je ne sente la nécessité de maintenir avec fermeté l’état de choses actuel, moi surtout qui me suis déclaré pour cette année le défenseur de la tranquillité et de l’union ; mais c’est afin d’enseigner Rullus à garder désormais le silence au moins dans les choses où il doit désirer qu’on se taise sur lui et sur sa conduite. A mon avis, la plus injuste de toutes les lois, comme aussi la moins semblable à une loi, est celle qu’a portée L. Flaccus interroi, au sujet de Sylla, « POUR DÉCLARER LÉGAL TOUT CE QU’AVAIT FAIT CELUI-CI ». Dans les autres États, l’élévation d’un tyran est le signal de l’anéantissement complet des lois : Flaccus porte une loi pour donner un tyran à la république. Cette loi est odieuse, sans doute ; elle a cependant son excuse ; elle paraît être moins la loi du personnage que de la circonstance. Quoi ! si la loi de Rullus osait bien davantage ? Car la loi Valéria et les lois Cornélia ôtent en même temps qu’elles donnent ; elles joignent une injustice atroce à d’impudentes largesses ; mais elles laissent quelque espérance à celui qu’elles ont dépouillé, quelque inquiétude à celui qu’elles enrichissent. Mais voici une des précautions de la loi de Rullus : « DEPUIS, dit-elle, LE CONSULAT DE C. MARIUS ET DE CN. PAPIRIUS. » Comme il est habile à éloigner les soupçons, en nommant surtout les consuls qui furent les plus grands ennemis de Sylla ! S’il eût nommé le dictateur, il eût pensé dévoiler ses propres intrigues, et se rendre odieux. Mais qui de vous a-t-il jugé d’assez lourde mémoire pour avoir oublié que Sylla fut dictateur après ces consuls ? Que dit donc ce tribun, partisan de Marius, qui souffla contre nous la haine, comme si nous étions partisans de Sylla ? « TOUTES LES TERRES, TOUS LES ÉDIFICES, LES LACS, LES ÉTANGS, LES PLACES, LES POSSESSIONS » (il n’a laissé que le ciel et la mer, il a embrassé tout le reste), « QUI DEPUIS LE CONSULAT DE MARIUS ET DE CARBON, ONT ÉTÉ DONNÉS, ASSIGNÉS, VENDUS, CONCÉDÉS. » Par qui, Rullus ? qui est-ce qui a, depuis Marius et Carbon, assigné, donné, concédé, si ce n’est Sylla ? « QUE TOUT CELA SOIT POSSÉDÉ AU MÊME TITRE » À quel titre ? Il porte je ne sais quel désordre dans l’état actuel des choses ; ce tribun trop ardent, trop fougueux, annule les actes de Sylla. AU MÊME TITRE QUE LES BIENS PATRIMONIAUX LES PLUS LEGITIMES. Quoi ! plus légitimement peut-être que les biens de nos pères et de nos aïeux ? Oui, sans doute. Mais la loi Valéria ne le dit point ; les lois Cornélia ne renferment pas cette sanction ; Sylla lui-même ne le demande point. Si ces biens sont tant soi peu légitimes, s’ils ressemblent tant soit peu à une propriété réelle, si l’on peut en espérer une possession durable, le plus effronté de ceux qui en ont reçu s’estimera encore trop heureux. Mais vous, Rullus, que demandez-vous ? que les possesseurs de ces terres en restent possesseurs ? Qui l’empêche ? Qu’ils les possèdent comme les leurs propres ? Mais tels sont les termes de votre loi que, pour votre beau-père, le bien ou le territoire des Hirpins (car il le possède tout entier) vaut mieux que, pour moi, la terre d’Arpinum que j’ai reçue de mon père et de mes aïeux. Car c’est là que vous tendez. Les terres qui sont possédées avec le meilleur droit sont, sans contredit, celles dont la condition est la meilleure. Les terres libres sont possédées avec un meilleur droit que celles qui ne le sont pas : selon votre article, toutes les terres qui ont des servitudes n’en auront plus. Les terres qui n’ont pas de charges jouissent d’une meilleure condition que celles qui en ont : selon votre article, toutes les terres qui ont des charges en seront affranchies, pourvu qu’elles aient été données par Sylla. La condition des terres sans redevances est plus avantageuse que celles des terres qui en payent : je payerai une redevance dans ma terre de Tusculum, pour l’eau de Crabra qui l’arrose, parce que j’ai reçu la terre avec cette servitude ; si elle m’avait été donnée par Sylla, je ne payerais rien, en vertu de la loi de Rullus.

III. Je vois, Romains, que vous êtes également frappés, comme vous devez l’être, et de l’impudence de la loi de Rullus, et de l’impudence de ses discours : de sa loi, parce qu’elle fonde un droit de possession meilleur pour les terres données par Sylla, que pour les propriétés héréditaires ; de ses discours, lorsqu’il ose accuser qui que ce soit de défendre avec trop de chaleur les actes de Sylla. Si Rullus sanctionnait seulement les générosités de Sylla, je me tairais, pourvu qu’il s’en avouât le partisan ; mais il ne se borne pas à les sanctionner, il introduit encore dans sa loi une autre espèce de donations ; et celui qui me fait un crime de défendre les largesses de Sylla, ne se contente pas de les ratifier, il en prépare de nouvelles ; un autre Sylla s’élève parmi nous. Voyez quelles vastes concessions de terres ce censeur rigide prétend faire d’un seul mot. TOUT CE QUI A ÉTÉ DONNÉ, CONFÉRÉ, ACCORDÉ, VENDU. Patience ; je vous entends. Quoi ensuite ? TOUT CE QUI A ÉTÉ POSSÉDÉ. Ainsi, un tribun du peuple a osé dire que toute possession acquise depuis le consulat de Marius et de Carbon est aussi légitime que la propriété privée la plus légitime ? Comment ! même si cette possession est le fruit de la violence, de la fraude, ou si elle n’est que précaire ? Cette loi détruira donc le droit civil, les titres de possession, les ordonnances de préteur ? Ce simple mot de Rullus ne cache pas un projet de peu d’importance ni une fraude innocente. Il est en effet beaucoup de terres confisquées par la loi Cornélia, qui n’ont été ni réparties, ni vendues, et dont quelques individus sont effrontément les maîtres. Ce sont elles que Rullus garantit, qu’il défend, qu’il constitue en propriétés privées ; ces terres que Sylla n’a données à personne, Rullus ne veut pas vous les rendre ; il les assure à jamais à ceux qui les possèdent. Je vous demande pourquoi vous souffririez que l’on vendît les domaines conquis par vos ancêtres en Italie, en Sicile, dans les deux Espagnes, en Macédoine et en Asie, lorsque vous voyez ces biens, qui sont les vôtres, abandonnés par la même loi à ceux qui les ont usurpés ? Déjà vous comprenez que la loi tout entière est faite pour créer un pouvoir despotique en faveur de quelques hommes, et pour confirmer les donations de Sylla. Quant au beau-père de Rullus, c’est un fort honnête homme ; aussi n’est-il pas question maintenant de sa probité, mais de l’impudence de son gendre. En effet, le beau-père eut conserver ce qu’il possède, et il ne fait pas mystère d’être partisan de Sylla.

IV. Mais le gendre, pour avoir ce qu’il n’a pas, veut vous faire sanctionner des possessions douteuses ; et lorsqu’il va encore plus loin que Sylla, lorsque je combats ses prétentions, il m’accuse de défendre les largesses de Sylla. Mon beau-père, dit Rullus, a quelques terres éloignées et désertes ; d’après ma loi, il les vendra autant qu’il le voudra ; il en a d’autres dont la possession est douteuse et sans titre légal, il en jouira au meilleur titre possible ; il en a qui sont de propriété publique, j’en ferai sa propriété privée. Enfin, ces domaines du territoire de Casinum, si riches et si fertiles, qu’il a agrandis au moyen des proscriptions des propriétaires voisins, jusqu’à former de cette multitude de petits héritages un vaste territoire qui s’étend aussi loin que ses regards, il les possède maintenant avec quelque crainte ; il les possédera désormais sans inquiétude.

Et puisque j’ai montré pour quels motifs et pour quelles gens Rullus a proposé sa loi, qu’il vous dise maintenant si, lorsque je la combats, je défends quelque possesseur particulier. Vous vendez, Rullus, la forêt Scantia : elle est la propriété du peuple romain, je m’y oppose. Vous partagez le territoire de Campanie : Romains, ce territoire est à vous ; je ne le souffrirai pas. Je vois ensuite que, par la loi, on proscrit et l’on met en vente les possessions d’Italie, de Sicile, et d’autres provinces. Ce sont encore là, Romains, vos domaines, c’est votre propriété. Je m’y opposerai donc et je l’empêcherai. Je ne souffrirai pas que, sous mon consulat, le peuple romain soit dépossédé de son bien par qui que ce soit, surtout lorsqu’on ne cherche en rien votre intérêt : car, il ne faut pas vous laisser plus longtemps dans l’erreur. Est-il parmi vous un homme, un seul disposé, à la violence, au crime, à l’assassinat ? Non. Eh bien, c’est pour des hommes de cette espèce, croyez-moi, qu’on réserve le territoire de Campanie et l’opulente Capoue : c’est contre vous, contre votre liberté, contre Pompée, qu’on lève une armée : à Rome, on oppose Capoue ; à vous, une troupe d’audacieux aventuriers ; à Pompée, dix généraux. Que les tribuns se présentent, et, puisque sur vos instances, ils m’ont appelé à cette assemblée, qu’ils répondent.


NOTES
SUR LA LOI AGRAIRE.

I. Post eosdem consules. Lucius Cotta et Lucius Torquatus.

Regis Alexandri. Lee savants ne s’accordent pas sur le roi Ptolémée Alexandre dont il s’agit ici ; Justin, liv. XXXIX, parle d’un Ptolémée en ces termes : herede populo romano instituta, decedit. C’est celui-là sans doute dont veut parler Cicéron.

Silva Scantia. Dans la Campanie.

In censorum pascuis invenisti… C’étaient les censeurs qui affermaient les domaines de l’État. Ici le latin dit les pâturages, desquels seuls anciennement l’État tirait un revenu.

II. Attalie, ville de Pamphylie, fondée par le roi Attale ; Olympe, ville de Lycie : ces villes avaient été prises par Publius Servilius.

Flaminimis. Il est nommé par d’autres Flaminius ; il vainquit Philippe, roi de Macédoine ; Paul Émile, vainqueur de Persée, son fils ; Lucius Mummius, qui termina la guerre de Corinthe par la destruction de cette ville.

Carthaginem novam. Dans l’Espagne Bétique ; elle fut fondée par le Carthaginois Adsdrubal, et prise par les deux frères Cneïus et Publius Scipion, qui les premiers firent la guerre en Espagne, et y périrent tous deux ensemble. L’ancienne Carthage fut prise et détruite par le second Africain.

Ad oblatam aliquam religionem. Cicéron ne dit pas quelle était la nature de ce vœu.

Hasta prœconis. Lorsqu’on faisait une vente publique, on plantait une pique, le signe et l’annonce de la vente.

III. Ejus auctionis…. locum. Les places destinées aux enchères publiques étaient dans le forum, et par conséquent plus connues et plus fréquentées que les rues et les carrefours de la ville.

Sulla et Pompeio consulibus. L. Cornélius Sylla et Quintus Pompéius Rufus, consuls, l’an de Rome 665.

Legationes. Le sénat donnait quelquefois une légation libre, legatio libera, à des sénateurs qui se rendaient dans les provinces, soit pour recueillir un héritage, soit pour recouvrer des créances ; mais ils n’avaient aucune autorité à exercer.

IV. Recentore. En Sicile. Ce territoire était du domaine public.

Hiempsal. Roi de Mauritanie ; il avait reçu des Romains des terres en Afrique.

Ex manubiis. On appelait proprement manubiæ, l’argent qui provenait de la partie du butin vendue par le questeur. (Aulu-Gelle, XIII, 23.)

Ex auro coronario. Les habitants des provinces étaient obligés de donner des couronnes d’or aux généraux qui se distinguaient dans leurs fonctions. On leur permit ensuite de donner de l’argent au lieu de couronne. C’est ce que signifie auro coronario.

Faustus. Faustus Sylla, fils du dictateur, accusé déjà devant le préteur Orchinius, de pecuniis residuis.

Quam causam. Cicéron, dans le plaidoyer pour Cluentius, ch. 34, dit que, Faustus Sylla étant accusé par un tribun du peuple, pour l’argent du trésor qu’il avait entre les mains, les juges refusèrent de juger la cause, parce que, disaient-ils, la partie n’était pas égale.

In illa lege. Le tribun Caïus Papirius avait porté une loi qui chassait de Rome tous les étrangers, Gaulois, Espagnols et Grecs ; Glaucippe seul était excepté : on ne sait pas quel était ce Glaucippe, ni la raison de cette exception. Quæ Pompeius adjunxerit. Il faut se rappeler que Pompée faisait encore la guerre dans le Pont.

V. Socer tuus. Il s’appelait Valgius, et il en est beaucoup parlé dans les deux discours suivants. Il s’était enrichi au milieu des proscriptions de Sylla, et avait reçu de nombreuses concessions de la part du dictateur. Tous ceux que Sylla avait ainsi dotés, craignaient à chaque instant qu’on annulât les donations, et ils étaient fort disposés à les aliéner à bas prix. (Clément.)

In Janiculo. Montagne très-voisine de Rome, et qui dominait la ville.

VII. Hannibalem ipsum. On sait assez qu’après la bataille de Cannes, Annibal retira ses troupes à Capoue, et que les délices de cette ville furent pour les Carthaginois ce que la défaite de Cannes avait été pour les Romains.

Stellatem campum. Les terres de Stellate étaient voisines de celles de la Campanie.

Gracchorum largitioni. On connaît les excessives prodigalités des Gracques, pour obtenir la faveur du peuple.

VIII. Quæ a tribuno plebis impediri possit. Quoique les provinces consulaires, en vertu de la loi Sempronia, fussent décernées par le sénat, les tribuns du peuple, malgré la loi, interposaient souvent leur autorité pour faire décerner ou pour empêcher qu’on ne décernât à un consul une province avantageuse.


LIVRE SECOND.

I. Imagines. La dictature, la censure, le consulat, la préture, l’édilité même, donnaient le droit d’images, jus imaginis, le droit d’exposer dans sa maison les portraits de ses aïeux. Les hommes nouveaux, à qui le peuple n’accordait point de dignités, ne pouvaient avoir que leur propre image. Ceux qu’on appelait ignobiles n’avaient pas même ce privilège. (Clément.)

Hominem novum. Le dernier homme nouveau qui avait été fait consul, était C. Célius Caldus ; il y avait de cela trente ans.

II. Aliqua occasione. Tout ce passage est une allusion à Marius, qui avait obtenu son premier consulat à l’occasion de la guerre de Jugurtha, sept ans après sa préture, bien après sa quarante-troisième année, âge requis pour être nomme consul.

Non tabellam. Le peuple inscrivait sur des tablettes de bois le nom du candidat, et les déposait ensuite dans une urne.

V. Tib. et C. Gracchos. Les Gracques avaient devancé Rullus dans les projets de distributions de terres. On sait assez le résultat de leur entreprise, et leur fin malheureuse.

Barbaque majore. Les Romains ne commencèrent à couper leur barbe que depuis Scipion, l’an 454. Rullus, en laissant croître la sienne, affectait la sévérité antique.

VII. Ut populus romanus suffragiis privaretur. Le peuple entier formait trente-cinq tribus, et Rullus n’en demandait que dix-sept, de sorte que la majorité, pour être décemvir, n’eût été que de neuf tribus. Les Gracques proposaient dans leur loi qu’on créât des triumvirs, mais que les trente-cinq tribus prissent part à l’élection.

Pontificis maximi. Le souverain pontife était nommé anciennement par le collège des pontifes ; plus tard, il fut élu par dix-sept tribus, et agréé ensuite par le collège.

Se nobilem esse diceret. Cicéron, dans sa cinquième Philippique, semble reconnaître la noblesse de Rullus. Rullus était noble en effet ; il était de la famille Servilia.

VIII. Licinia est lex, atque altera Aebutia. La loi Licinia ou de Licinius défendait d’avoir égard à l’auteur de la loi ; celle d’Ébutius le défendait à ses collègues, à ses parents, à ses alliés. Licinius et Ébutius étaient tribuns du peuple.

IX. Nullo custode sortitus. Les custodes étaient des surveillants chargés de voir s’il ne se commettait aucune fraude dans le dépouillement des suffrages.

X. Commotos. Le peuple, à ce qu’il paraît, fit entendre quelques applaudissements au nom de Pompée.

Primum lege curiata. Sur tout le reste de ce chapitre, consultez la Constitution de la République romaine, par l’abbé Auger. Des explications sur cette matière exigeraient ici de trop longs développements.

XI. Ceteris patriciis magistratibus. La censure, la préture, le consulat et l’édilité avaient été d’abord des magistratures patriciennes ; mais au temps de Cicéron, les plébéiens pouvaient aussi les obtenir. (Clément.)

XII. Non rem impeditura. Il faut se rappeler ici cet article de la loi : « Si la loi des curies n’est point portée, qu’alors les décemvirs aient les mêmes droits que s’ils avaient été créés suivant la loi la plus favorable ».

Triginta lictores. Les comices par curies ne se tenaient plus depuis longtemps que pour la forme, et dans la personne de trente licteurs.

Pullarios. On appelait pullaires ceux qui gardaient les poulets sacrés.

XIII. Sine provocatione. Pour échapper aux poursuites d’un magistrat, on en appelait au peuple, ou l’on faisait intervenir l’opposition d’un tribun.

XIV. M. Tullius Décula et Cn. Cornélius Dolabella étaient consuls l’an de Rome 672, dix-huit ans avant le consulat de Cicéron.

Post restitutam tribunitiam potestatem. Sylla étant dictateur, l’an 673, avait ôté aux tribuns le droit d’appel, le pouvoir de convoquer le peuple, et de proposer des lois ; il ne leur avait laissé que le droit d’opposition. Pompée, étant consul, rétablit les tribuns dans toutes leurs prérogatives.

Perfugia esse voluerunt. À Rome, cet asile était un bois voisin du mont Tarpéïen.

Hinc lucum ingentem, quem Romulus acer asilum
Rettulit….

Virg., Eneid., liv. 8, vers 342.

À Athènes, c’était le temple de la Pitié.

Mons Gaurus. Dans la Campanie ; il produisait d’excellents vins. — Minturnus, colonie romaine à l’embouchure du fleuve Liris, et Herculanum, aussi dans la Campanie.

XV. Recuperata sit, par suite de la défaite d’Aristonicus. (Voir chap. 43.)

Regnum Bithyniæ. Nicomède, roi de Bithynie, avait légué, par testament, son royaume au peuple romain.

XVI. Mitylène, ville de l’île de Lesbos, tint seule encore, après la défaite de Mithridate. Elle fut prise, et ses murs détruits. — Alexandrie. Il en est parlé dans le Discours premier. Dans les notes de ce discours, il est dit qu’on ne s’accordait pas sur cet Alexandre, roi d’Egypte. (Voir ces notes.)

Philippum, orateur distingué. Il fut consul avec Sextus Julius, l’an de Rome 662.

Qui regnum illud teneat. Quelques-uns pensent qu’il s’agit ici de Ptolémée Aulétès qui, chassé du trône par ses sujets, implora le secours des Romains, et fut rétabli par Gabinius.

XVII. Cotta et Torquatus, consuls deux ans avant Cicéron.

Legationes liberas. (Voir les notes du chap. III, Discours premier.)

XVIII. Biennio ante. Lorsqu’il prononça son discours pour la loi Manilia.

Recenti victoria. Par la victoire de Manius Aquillius, qui avait terminé la guerre des esclaves.

XIX. Phasélis, Olympe, villes de la Lycie.

Agrum Agerensem, etc. Noms de lieux qu’on ne trouve que dans Cicéron, et que les commentateurs supposent avoir été altérés par les copistes.

P. Servilii. Il fut surnommé Isauricus, parce qu’il avait triomphé des Isaures.

Attale, roi de Pergame, avait aidé les Romains dans la guerre contre le faux Philippe (ch. 33), et en avait reçu des terres dans la Chersonèse.

Apionis. Ptolémée Apion, fils naturel de Ptolémée Évergète II, avait reçu pour apanage la Cyrénaïque, qu’il légua aux Romaine en mourant, l’an de Rome 658.

Aliquid moliatur. Quoique forcé d’abandonner ses États, Mithridate rassemblait des troupes pour venir, à l’exemple d’Annibal, faire la guerre aux Romains jusqu’en Italie.

Quorum adhuc penes. Les généraux romains avaient un pouvoir fort étendu sur les pays de conquête. On leur donnait quelquefois dix députés pour régler l’administration. Il paraît que, du temps de Cicéron, ils disposaient seuls de tout, sans le concours de ces députés.

XXI. Propter hominum mullitudinem. Cicéron avait été questeur à Lilybée, en Sicile, et là, il avait acquis l’estime, l’amitié et la reconnaissance des habitants.

XXII. Jubæ regis filios. Ce fils de Juba était Hiempsal, qui régnait en Mauritanie. On voit ici par quelles infâmes complaisances les princes étrangers achetaient la protection des magistrats romains.

Neque in monumento consumptum. Après quelque grande victoire, les généraux romains, avec l’argent du butin, qu’on appelait manubiae, avaient coutume d’élever des monuments qui en rappelaient le souvenir.

XXIV. Luscinos, Calatinos… C. Fabricius Luscinus, qui fut trois fois consul, qui subjugua l’Épire, méprisa l’or de Pyrrhus, et ne s’appropria aucune des dépouilles faites sur les ennemis.

L. Allilius Calatinus, deux fois consul l’an de Rome 496 et l’an 500 ; puis dictateur l’an 505 ; puis encore consul, deux ans après. Il s’empara d’un grand nombre de villes en Sicile. Ce n’est pas lui qui fut surnommé Serranus, mais C. Attilius Regulus qui fut consul l’année suivante, et qui était occupé à ensemencer son champ, lorsque les députés du sénat vinrent lui annoncer son élection. Il ne faut pas confondre ce second Attilius avec le fameux M. Attilius Régulus qui fut consul l’an de Rome 498, et qui le premier porta la guerre en Afrique.

Manlius Acidinus, qui se signala par ses exploits dans l’Espagne citérieure, et entra triomphant dans Rome. — Philippus l’orateur, Caton le Censeur et Lélius, surnommé le Sage ; tous trois distingués par leur rare mérite et par leur vie simple.

XXV. Neratianæ auctionis. Ce Nératius est inconnu. C’était probablement un crieur public dont les affiches étaient rédigées d’une manière ridicule.

XXVI. Atque hoc carmen hic tribunus plebis non vobis, sed sibi intus canit. Métaphore tirée d’un joueur de luth, chez les Grecs, nommé Aspendius. Lorsqu’il touchait les cordes de la main gauche, c’était avec tant de légèreté, qu’il n’était entendu que de lui seul et de ses plus proches voisins. On disait alors de lui intus canit, il chante intérieurement et pour lui seul. Nous avons cru devoir traduire littéralement cette métaphore, qui est claire, et dont la familiarité est ironique.

XXVII. Siponte, ville de la Pouille, près du mont Gargan. — Salapia, ville du même pays, peu éloignée de Siponte : l’air y était fort mauvais.

XXVIII. Ne per Corneliam quidem licet. La loi Cornelia, portée par Sylla, défendait aux soldats envoyés dans des terres de vendre celles qui leur seraient échues. Le territoire de Frénésie fut un de ceux que Sylla fit distribuer à ses soldats. — Cumes et Pouzzoles étaient des villes sur les confins de la Campanie, aux environs desquelles les riches Romains avaient de très-belles maisons de campagne.

XXIX. Romilia tribu. Cette tribu était la première des trente et une tribus de la campagne. — A Suburrana, la première des quatre tribus de la ville, usque ad Arniensem, la dernière des trente et une tribus de la campagne.

Italico bello, ou guerre Sociale qui éclata dans les années 663, 664 et 665 de Rome.

XXX. Princeps senatus. On appelait ainsi celui que les censeurs inscrivaient le premier sur la liste des sénateurs.

XXXII. Corinthi vestigium vix relictum est. Cicéron, dans son traité de Officiis, n’approuve point la destruction de Corinthe. Il est plus réservé en parlant devant le peuple, qui ne pouvait qu’applaudir à cette destruction.

Duo maria. La mer Ionienne et la mer Egée. — L’isthme de Corinthe n’était que de six mille pas.

XXXIII. M. Bruti. M. Brutus porta une loi pour conduire une colonie à Capoue ; on pense que ce fut dans les temps de Marius et de Sylla. Ce Brutus était tribun du peuple, l’an de Rome 670, sous le consulat de Scipion et de Norbanus. Il fut tué dans les guerres civiles par Cn. Pompée. Il avait épousé Servilia, sœur de Caton, et fut le père de M. Junius Brutus, l’un des meurtriers de César.

Capua… capta est. Cicéron ne s’accorde pas ici avec Tite-Live. Ce dernier fait remonter la prise de Capoue à deux années plus haut, sous le consulat de Cn. Fulvius et P. Sulpicius Galba, l’an de Rome 542. (Voyez Tite-Live, liv. XXV, ch. 14.)

Pseudo-Philippo. Le faux Philippe. C’était un aventurier de Mysie, nommé Andriscus, qui se donna pour fils naturel de Persée, et se fit appeler du nom de Philippe. Reconnu roi par les Macédoniens, il vainquit les Romains, mais il fut vaincu à son tour par Métellus le Macédonique, l’an de Rome 607.

Fregellanum, Marsicum. Frégelles, ville d’Italie, s’étant révoltée contre Rome, fut reprise par le préteur Lucius Opimius. — Les Marses, peuple d’Italie, commencèrent la guerre Sociale ; c’est ce qui la fit appeler aussi bellum Marsicum.

XXXIV. Omina illa Bruti. Il est probable que Sylla chassa la colonie établie par Brutus ; que Brutus et ses partisane périrent misérablement.

Cum bacillis. Les décemvirs, dans les colonies, faisaient porter devant eux, non des faisceaux armés de hache, mais simplement des baguettes.

Hostiæ majores. On appelait ainsi le taureau et la génisse.

Patres conscripti. C’est ainsi qu’on appelait à Rome les sénateurs. Les auteurs latins ne s’accordent pas sur la véritable origine de ce nom.

Magios, Blossios, Jubellios, noms des plus anciennes familles de Capoue.

Albana et Siplasia. Deux places publiques de Capoue, célèbres par leurs boutiques de parfumeurs.

Decuriones. Dans les colonies et les municipes, on donnait le nom de décurions aux magistrats qui remplissaient les fonctions de sénateurs.

Vaticanum. Célèbre colline de Rome, et qui a gardé jusqu’ici son nom. — Pupinia, campagne aux portes de la même ville, et qu’on croit être aujourd’hui les environs de la villa Pamphili ou de S. Paolo fuor le muri.

XXXVII. Ne mihi in carcere habitandum sit. Les tribuns avaient droit de faire conduire en prison, même un consul.

Non horrui in hunc locum progredi. Lorsqu’il prononça son discours en faveur de la loi Manilia.

Cum collega. Caius Antonius, son collègue au consulat.


LIVRE TROISIÈME

I. Septem tyrannis. Les sept hommes les plus riches des largesses de Sylla, et que Cicéron appelle tyrans pour les rendre odieux. Turnèbe pense que c’étaient les deux Lucullus, Crassus, Métellus, Hortensius, Philippus, Catulus.

Certo capite legis. Cet article de la loi est le quarantième ; il en va être parlé plus bas.

Valgii genero. Le gendre de Valgius est Rullus lui-même.

II. Valeria lege. Lorsque les consuls Cnéns Papirius Carbo et Caius Marius (le jeune Marius), furent tués, Lucius Valerius Flaccus, créé interroi, porta une loi appelée de son nom Valeria, qui nommait Sylla dictateur perpétuel, et qui ratifiait tous ses actes.

Post eos consules, Syllam dictatorem. Sylla fut dictateur en 673, un an après le consulat du jeune Marius et de Carbon. Rullus voulait donc faire donner une sanction légale aux largesses de Sylla, à ces biens dont la propriété était si précaire et si odieuse, puisque dans toutes les acquisitions qui avaient été faites depuis le consulat de Marius et de Carbon, se trouvaient comprises les donations de Sylla.

Pro aqua Crabra. Nous citerons sur cette fontaine l’intéressante note de M. J. V. Leclerc. « Aqua Crabra, suivant Ernesti, est un aqueduc qui, des environs de Tusculum, conduisait de l’eau dans la capitale ; suivant d’autres, c’est la petite rivière nommée aujourd’hui la Marrana ou la Marranella, qui, partie aussi des environs de Frascati, l’ancien Tusculum, se divise ensuite en deux bras, dont l’un se jette dans le Teverone, et l’autre dans le Tibre. La première opinion est la seule vraisemblable ; elle s’appuie du témoignage de Frontin, de Aqua duct., n. 9, de ce passage du troisième discours contre Rullus, et d’un mot d’une lettre à Tiron, Epist. famil., XXVI, 18 : De Crabra quid agatur, etsi nunc quidem etiam minimum est aquae, tamen velim scire. On voit ici que les propriétaires des maisons de Tusculum payaient une redevance pour que cet aqueduc leur fournit de l’eau toute l’année. »