Trois semaines d’herborisations en Corse/3

Citadelle de Calvi. — 14 mai.


Le plaisir que nous avions pris à herboriser sur le sol corse nous avait fait négliger jusque là la ville ; le reste de la matinée y fut consacré. Calvi, qui compte une population de 2,000 âmes à peine, a l’aspect d’un gros bourg tranquille. Dans une situation riante, au bord de son beau golfe, avec ses maisons hautes s’ouvrant par de larges porches où s’accrochent des tentes à l’italienne, avec ses rues où le soir des bandes d’enfants s’ébattent à grands cris, elle n’a rien qui évoque les belliqueux souvenirs attachés à son nom. Seule l’inscription gravée à l’entrée de la ville haute : « Civitas Calvi semper fidelis », rappelle l’époque où, dernier refuge des Génois repoussés de l’île, elle soutint de sanglantes luttes contre les patriotes corses armés par Sampiero. Aujourd’hui encore l’influence de Gênes n’y semble pas éteinte, et l’activité commerciale, l’instinct de sociabilité, le type même, surtout chez les femmes, revivent dans la Balagne comme sur les côtes de la Ligurie.

Vers l’église, dont les cloches emplissaient l’air d’un son joyeux, se pressait une foule endimanchée, dans laquelle nous ne vîmes pas trancher les couleurs éclatantes qui caractérisent le costume des populations méridionales. Les femmes portent en guise de coiffure le « mandillo » ou mouchoir noir, noué sous le menton, retombant en pointe entre les épaules, et accentuant encore par sa simplicité, la sévérité des traits commune à toutes les Corses. Pendant l’office, nous restâmes longtemps sous l’impression que nous produisit un chœur de jeunes filles exécutant des chants sacrés ; rien ne saurait exprimer le charme de ces voix pures comme le cristal et l’art infini de leur interprétation. Involontairement nous admirions combien de libéralités la nature a répandues dans ce pays privilégié, où le climat, les fleurs et l’art réunissent tout l’attrait, toute la richesse, toute la poésie qu’il soit possible de rêver.

Une courte excursion dans l’enceinte de la citadelle nous permit de remarquer encore avec quelle luxuriante vigueur la végétation se développe sous l’ardent soleil de Corse. Les chemins de ronde, les murailles, les pelouses des fortifications, tout était envahi ; c’étaient de vrais parterres de Pinardia coronaria Less. aux éclatants capitules jaunes, des Lavatera Cretica L. hauts de deux mètres, des jusquiames blanches, des Echium plantagineum L. mêlés aux Ecballium Elaterium Rich. et aux longues panicules blanches du Psamma australis Mab. ; puis, au pied des murs :

Urtica pilulifera L.
Beta maritima L.
Plantago Lagopus L.
Hyoscyamus albus L.
Medicago lappacea var. tricycla G. et G.

Et dans les lézardes :

Sisymbrium Irio var. xerophyllum R. et F.
Silene nocturna L.
Malva parviflora var. flexuosa Horn.
Reseda lutea L.
Erodium Botrys Bert.
Mercurialis ambigua L.
Chenopodium murale L.

Et un pied d’Asphodelus fistulosus L.