Trois petits poèmes érotiques/La Foutromanie/08

Trois petits poèmes érotiquesImprimé exclusivement pour les membres de la Société des bibliophiles, les amis des lettres et des arts galants (p. 133-).

CHANT SIXIÈME


Vive à jamais l’art sublime et divin
Qui des mortels prolonge le destin,
Leur fait couler des jours purs et tranquilles,
Qui du bonheur rend les sources fertiles,
Prodigue à l’homme, à force de travaux,
Des biens nombreux et dissipe ses maux !
Divinité, que l’univers implore,
A qui jadis les Grecs, dans Épidaure,
A deux genoux demandant la santé,
Offraient sans cesse un culte mérité ;
Eclaire-moi des feux de ton génie,
Donne à mes vers cette douce harmonie
Qui des lecteurs décide le bon goût,
Qui sait charmer et triompher de tout ;
Découvre-nous ta sage théorie,
De tes trésors l’immensité chérie,
De tes secours les merveilleux effets
Et tout le prix de tes puissants bienfaits !
Vous, dont le temps consacre la mémoire,
Qui jouissez de la flatteuse gloire
De soulager la faible humanité,
Par les efforts d’un savoir respecté,
Doctes humains, recevez mon hommage.

Puissent mes vers avoir votre suffrage,
Et conserver aux races à venir
De vos talents le brillant souvenir !
Agirony, praticien magnanime,
Dont l’élixir, découverte sublime,
Lave le sang, divise les humeurs,
Hâte le cours de la lymphe épaissie,
Répare à neuf l’urètre et la vessie,
Aux nerfs usés rend la force et la vie,
Soyez couvert de lauriers immortels !
Tous les fouteurs vous doivent des autels !
Jamais Kesser, à force de dragées,
N’a du virus pu chasser le levain ;
Le mal survit, les humeurs enflammées
Dans tout le sang voiturent le venin ;
En vain Danran, farfouillant un engin,
Vient follement y fourrer ses bougies !
Le feu s’accroît, les fibres affaiblies
Trompent l’effet d’un remède incertain.
Du corps humain altérant la structure,
Le sublimé, le dangereux mercure,
Sont des poisons autant que des secours,
Rendant les vits ineptes aux amours,
Et des fouteurs abrègent les beaux jours.
Les minéraux corrompent la nature,
Forçant le jeu des glandes salivaires,
S’insinuant par d’étranges sueurs,
Ils font bientôt de jeunes poitrinaires,
Des estomacs sont les sûrs destructeurs,
En peu d’instants dérangent l’existence,
Dès la jeunesse enfantent l’impuissance.

Lorsque l’amour dans vos brûlants canaux
Aura filtré le plus cuisant des maux,
Dans votre sang glissé ses eaux profanes,
Fuyez surtout, prévoyants foutromanes,
Des frictions l’emploi pernicieux,
Vous pourriez perdre, ou les dents, ou les yeux,
Dans les douleurs traîner des jours affreux,
Et, par les fruits d’une vérole atroce,
Périr, sans soins, dans un trépas précoce.
Maudit Colomb, tes voyages cruels,
Tes grands exploits dans la sale Amérique,
Pour tous présents, aux malheureux mortels,
Ont procuré la cause vérolique,
Leur en laissant des gages éternels !
Fatal écueil pour un vit intrépide !
Croyant entrer dans un con propre ou sain,
Il se fourvoie en un vagin putride,
Qui le salit et lui pourrit l’engin.
L’urètre cuit, le priape se dresse,
Pisse sans fin, éjacule sans cesse,
Chancres, porreaux naissent en un moment,
Et le prépuce, astreint autour du gland,
Ne permet plus que le vit décalotte.
Fût-on alors savant comme Hérodote,
Ou de Fréron eût-on le court esprit,
On est bien sot quand on souffre du vit,
Lorsque, forcé de répandre des larmes,
Des cons pourris on déteste les charmes !
De ce vieillard les muscles ralentis,
A force d’art, réparés, rajeunis,
En fourbissant la divine Montrose,

Croyaient cueillir une charmante rose,
Et savourer les biens du paradis…
Pour fruits fâcheux de son apothéose,
Son vit gonflé pâtit d’une exostose,
Et va tomber sous d’affreux bistouris.
Nouvel Eson, abhorrant l’impuissance,
Cherchant partout la source de Jouvence,
Du Styx infect il ne trouve que l’eau,
Et tous les cons le hâtent au tombeau.
L’adolescent, de breuvages perfides
Faisant usage, épuise sa vigueur,
Ne bande plus que par les cantharides,
Et dès vingt ans éprouve la langueur.
Jetez les yeux sur ces beautés flétries,
Qui, du plaisir victimes avilies,
De leur visage, à force de carmin,
De bleu, de vert, ont abîmé le teint
Pour réparer des débauches l’injure.
L’art le sert mal, il rend mal la nature.
Peut-on chérir de factices attraits,
Sentir du goût pour des appas défaits,
S’amouracher d’une triste peinture,
Qui pour charmer emprunte de faux traits ?
Les yeux cernés, la figure livide,
Il convient peu d’être paillarde, avide,
Lorsque l’on n’a que des charmes ternis,
D’oser prétendre à de robustes vits.
A son souper une femme m’invite,
Me semble jeune, abondante en tétons :
Je crois tenir le phénix des tendrons.
Jusques au lit l’art soutient son mérite,

Mais en foutant je reconnais l’erreur ;
D’entre ses bras je sors avec fureur,
Et, foudroyant sa face décrépite,
Je ne la vois que comme objet d’horreur.
Tristes exploits, où les femmes brutales,
En agréments, en jeunesse inégales,
Des vits bandants surprennent la faveur,
Et des ribauds escroquent la vigueur !
Le fait est doux, quand l’amour réciproque
Dans le coït lève toute équivoque ;
Lorsqu’un fouteur, dispos, nerveux, ardent,
Attaque un con, alerte, intéressant,
Un con nouveau, sous gentille figure,
En appétit, écumant de luxure.
Dans cet assaut, les coups portent d’aplomb.
Le vit chatouille et les bords et le fond.
Du clitoris les deux brûlants ovaires
Sont irrités par cent doux frottements ;
Et des pubis les combats débonnaires
A la décharge excitent tous les sens.
Le con, pressé par son ardeur natale,
Prête collet aux muscles érecteurs,
Pompe les sucs, la liqueur séminale,
Et fait au vit verser de tendres pleurs.
N’avez-vous pas, au milieu des campagnes,
Vu, par hasard, quelque simple margot,
Jeune, bien faite, aimant quelque pierrot,
Fuir prudemment ses jalouses compagnes,
Se retirer à l’ombre d’un ormeau ;
A son galant prêter un brillant groupe,
Et, le portant sur le ventre, la croupe,

En recevoir plus d’un robuste assaut ?
Comme ils y vont de l’avant, de l’arrière !
Quel doux liant dans leur souple charnière !
Rien qu’à les voir, on bande de plaisir ;
Vit en arrêt, on sent même désir ;
Et, ne pouvant ravir au rustre habile
Son frais gibier, sa paysanne agile,
Le corps en rut, pour calmer son esprit,
En leur honneur on se branle le vit.
Combien de fois, en voyant une ânesse
De son baudet essuyer la caresse,
Mouvoir le cul, seconder son sauteur,
Ai-je en mon coin secoué mon docteur !
Quand je vois foutre, il faut que mon vit dresse ;
Pour un ribaud l’exemple est tentateur.
Comme j’aimais, dans ma verte jeunesse !
Pas un seul con ne m’était défendu :
Quoique étranger, j’étais bientôt connu :
Toute beauté chatouillait ma tendresse,
Je lui contais mon amour éperdu,
Avec ardeur la titrant de maîtresse,
Je lui prouvais mes feux à coups de cu.
On me croyait, ou l’on faisait tout comme,
J’étais tenu pour un fort aimable homme,
Et plus d’un con de haute qualité
Brigua l’honneur d’affaiblir ma santé.
On y parvint ; à force d’être utile,
Mon vit baissa, je cessai d’être agile,
Et de dix coups que je foutais par nuit,
A deux ou trois mon priape est réduit.
Encor faut-il que ma facile amante,

Pour mes lenteurs commode et complaisante,
Ne perde pas l’instant de mon ardeur.
Le temps varie ; à la flamme brûlante
Des jeunes ans, succède la froideur,
Et je bénis la nature prudente
D’éterniser le plaisir dans mon cœur,
De m’accorder un automne tranquille,
Bon appétit et paisible sommeil.
Au genre humain désormais inutile,
Pour le peupler, je lui dois le conseil.
Dans tous les cas de la foutromanie,
Je veux sans cesse exercer mon génie,
Aux débutants inculquant des leçons,
Et travailler à la gloire des cons.
Il faut à temps savoir faire retraite.
Se réformer sans tambour ni trompette,
Quitter les cons avant d’en être honni,
Et dans l’hiver faire un sort à son vit.
Aussi, choyant ma sage gouvernante,
Et lui donnant un pouvoir circonscrit,
Je l’ai choisie pour saine confidente.
Elle me sert du poignet, au besoin,
Même du con, sans exiger grand soin ;
Et, pardonnant à ma couille indiscrète,
Elle m’amène encor quelque fillette,
Qu’avec plaisir je fous, par indivis,
A tour de rôle, avec quelque commis,
Qui, prétendant en faire son épouse,
La guette à l’œil, et ne se doutant pas
Qu’au grand mépris de son humeur jalouse,
De sa future on flétrit les appas.

Aux cons de cour ces cons-là font la nique,
Foutent de bon, sans tons, sans politique,
Connaissent peu les compliments usés,
Et n’offrent pas des attraits épuisés.
Des cheveux noirs et point de contrebande,
Trente-deux dents, une bouche friande,
Un sein d’albâtre, admirable en contours,
Aimant vainqueur, le tombeau des amours.
Quel temple heureux pour porter son offrande !
En y pensant, en le traçant, je bande,
Tous mes désirs m’en font suivre les lois ;
Ami lecteur, j’y cours poser l’anchois…
Ciel ! d’où reviens-je ? En ma brûlante flamme,
Mes sens pâmés ont égaré mon âme !
Dieu ! que d’amour existe dans mon cœur !
De mes beaux ans que n’ai-je la vigueur !
Dans son pertuis passant des nuits entières,
J’y braverais les parques meurtrières,
Et sur son con faisant peu cas du sort,
J’y trouverais et la vie et la mort.
Faudra-t-il donc, pour inique protase,
Le vit mollet, expirer en viédase,
Près de son lit avoir un radoteur,
Et regretter d’avoir été fouteur ?
Parce qu’Adam, dévorant quelques pommes,
Du serpent fut la dupe et le dindon,
Fatal destin, tu prétends que les hommes,
En vieillissant, ne puissent plus du con
Faire à leur gré le légitime usage ?
Contes de vieille, insensé bavardage,
Qui des fouteurs instruits et du bon ton

Ne sauront pas ralentir le beau zèle !
Au créateur tout l’univers fidèle,
Croirait en vain le braver en foutant ;
C’est l’honorer ; tout mortel, en naissant,
Du premier cri rend hommage à son maître,
A l’Eternel, au Dieu qui le fit naître,
Qui le soutient, lui permet de lever
Son front vers lui, de foutre, d’adorer.
Moi, quand je fous, dans ma reconnaissance,
Je bénis fort la céleste puissance,
Qui, me forgeant tout exprès pour le con,
De cent beautés me créa l’étalon ;
En le servant, je suis ma destinée :
Et ces docteurs, dont la voix surannée
Fronde des vits les utiles exploits,
Sont cependant sujets aux mêmes lois.
Le doux plaisir les séduit et les touche.
Epris, friands de baisers sur la bouche,
Ils vont cueillant la rose des amours,
Et finement se tressent d’heureux jours.
Sans hésiter, sans scrupule, sans doute,
Il est de loi que chaque mortel foute,
Qu’il soit exact à peupler l’univers.
Pluton, Minos foutent dans les enfers,
Alternando se passent Proserpine,
Bravent de loin la colère Jupine,
Et, de la couille éprouvant les plaisirs,
Donnent l’essor aux lubriques désirs.
Le moine fout ; le paysan, l’augure,
Également satisfont la nature,
Aiment la chair, brûlent sous le harnois,

Courent aux cons, en chérissent les lois.
C’est très bien fait ; tout est bien sur la terre,
Le champ produit, la lymphe désaltère,
Le fruit me flatte et le pain me nourrit,
L’air me ranime, un con me divertit,
A tout mon être est un point nécessaire,
D’après cela, foutromanes agiles,
Vivez contents, robustes et tranquilles ;
Le ciel vient-il, dans vos heureux ébats,
A se dissoudre, à tomber par éclats,
Bravez la foudre en d’aimables asiles,
Dans les bordels foutez jusqu’au trépas !


FIN