Trois petits poèmes érotiques/La Foutriade/06

Trois petits poèmes érotiquesImprimé exclusivement pour les membres de la Société des bibliophiles, les amis des lettres et des arts galants (p. 27-37).

CHANT SIXIÈME


SOMMAIRE
Vastecon et Viferme divisent leurs troupes en trois corps. — Nomination des chefs de ces corps. — Description du champ de bataille. — Aspect qu’offrent les deux armées. — Elles sont en présence. — Invocation à la muse des combats. — Ardeur belliqueuse de Foussicoup. — Combat général. — Foussicoup est tué par Vitenmain, qui, elle-même, meurt frappée par Vicourt. — Mort de Vicourt. — Fierfouteur est châtré par Conouvert. — Fuite de sa troupe. — Viferme la rallie. — Percecu la commande. — Exploits de Percecu. — Il est tué par Conouvert. — Exploits de cette putain. — Viferme lui fend la tête. — Combat singulier de Viferme et de Vastecon. — Viferme est vaincu. — Rage de ses sujets. — Vibandant assomme Vastecon. — Ses exploits. — Roidengin est châtré par la terrible Consale. — Combat de Vibandant et de Consale. — Un orage affreux survient. — La mer soulève ses flots. — L’île est inondée, et tous les combattants… noyés.


L’étoile du matin de ses clartés douteuses
A peine illuminait les crêtes montagneuses,
Que déjà Vastecon sur la rive des flots

Avait formé sa troupe en trois corps inégaux.
Le premier obéit aux ordres de Consale.
Consale avec ardeur brandit l’arme fatale.
Elle voudrait déjà s’élancer aux combats
Pour prouver qu’en effet la peur ne l’atteint pas.
Vingt putains à ses lois jurent de se soumettre.
Au front du second corps, c’est toi qu’on voit paraître,
Toi, fier Conouvert, dont l’œil étincelant
Regarde avec fureur un rasoir scintillant.
Ta forte main le presse, et ta superbe audace
Éclate sur les traits de ta citrine face.
Quinze gueuses, sous toi, dignes de ta valeur,
Marcheront sans trembler vers les champs de l’honneur.
Formant le dernier corps, dix-huit autres femelles
Que guide Poilépais châtreront les rebelles.
Vastecon est partout ; ses gestes, ses accents
Embrasent les putains de ses transports bouillants.
Si l’une d’elles tremble : aussitôt son langage
Lui rend avec l’espoir la force et le courage.
Ainsi cette vapeur qui dans nos ateliers
Succède maintenant à des moteurs grossiers,
Remet en mouvement la machine arrêtée
Dès qu’elle fait sentir sa chaleur limitée.

Cependant Vastecon au pas accéléré
Fait marcher les putains vers le peuple poivré.

Viferme en cet instant contre la gent femelle
Enflammait ses soldats d’une rage nouvelle.
Il parle, il les échauffe ; et sa vaillante ardeur
Vole de rang en rang et chasse au loin la peur.

Ainsi que Vastecon en trois corps il divise
La phalange fidèle à ses ordres soumise.
Fierfouteur, Roidengin, le pâle Vibandant
De ces corps séparés ont le commandement.

Déjà, les ennemis se trouvent en présence.
Ou s’excite, on frémit, on s’arrête, on s’avance.

Triste et hideux spectacle !… Un verdoyant tapis
Est foulé sous les pas des peuples ennemis.
Des arbres sourcilleux de leurs ombres épaisses
Enveloppent au loin les hommes, les bougresses.
Les combattants sont nus. D’un côté, les putains
Présentent aux regards leurs mollasses tétins,
Leur gorge descendant sur leurs noires poitrines,
Leur dégoûtante peau, leurs pendantes babines.
Et de l’autre côté, les hommes, plus affreux,
Aux regards effrayés offrent leurs corps hideux,
Leurs corps tout décharnés, couverts d’un pus fétide,
Leurs engins raccourcis, leur teint blême et livide…
Ces hommes sont armés de parements noueux
Dont ils ont dépouillé les érables ombreux,
Les chênes dont les fronts dominent les montagnes,
Et les hêtres rameux ombrageant les campagnes.
Mais ces bâtons, mortels ! pourront-ils résister
A des rasoirs tranchants… Vous osez en douter !
Oui, dès que vous voyez dans les mains des donzelles
L’acier jeter au loin ses vives étincelles,
Fouteurs ! vous frémissez… Viferme vous a vus :
Il vous fixe, et la peur ne vous maîtrise plus.
Tel autrefois Henri, ce roi cher à la France,

Que fit assassiner une exécrable engeance,
Tel d’un simple regard aux plaines de l’honneur ;
Du timide soldat il rappelait l’ardeur.

Cependant sur un rang chaque troupe se place.
Le roi sous qui fléchit la masculine race
Au centre de l’armée a placé Fierfouteur.
C’est Conouvert qui doit mesurer sa valeur.
Roidengin à la gauche attaquera Consale.
A l’aile droite enfin Vibandant au teint pâle,
Mais au stoïque cœur, mais au courage ardent,
Fera sur Poilépais tomber son parement.

Tout à coup dans les airs un cri confus s’échappe,
Chacun lève son arme ; on court ; on vole ; on frappe.
Tels ces oiseaux cruels dévorateurs de chair,
A l’aspect d’un troupeau fendent les champs de l’air,
Et jetant mille cris fondent… Ivre de joie
De leurs ongles sanglants ils déchirent leur proie.

O muse des combats viens inspirer mes chants !
Redis-moi les exploits de nos fiers combattants !
Dis-moi quel est celui qui courant au carnage
Le premier sous ses coups ensanglanta la plage !

Aveugle Foussicoup, c’est toi !… Tu n’attends pas
Qu’on donne le signal pour voler aux combats.
Tu veux la mort : tu cours : tu ne vois rien : n’importe.
Tu tombes tout à coup sur l’infâme cohorte,
Et de ton dur bâton atteignant Vitenmain,
Tu fais jaillir le sang… on t’entoure… soudain.

Tes amis les fouteurs se jettent sur les gueuses
Qui toutes à ce choc s’élancent furieuses.
C’est alors que commence un combat destructeur
Qui saisit à la fois d’épouvante et d’horreur.

Vraiment Foussicoup rappelant son audace
Tape encore le dos de la pauvre bagasse.
Il recule ; il fléchit. Il sent couler son sang.
Le fer de Vitenmain s’est plongé dans son flanc.
C’est en vain qu’il s’irrite. Il chancelle ; il succombe,
Et deux coups de rasoir le jettent dans la tombe.
C’en est fait. Vitenmain arrachant ses couillons
Les lance avec fureur au nez des bataillons.
Vicourt, c’est à ton front que ce boulet se colle.
Ton visage est couvert du jus de la vérole.
Tu t’indignes. Ton bois va punir la putain !
Tu voles, et ton arme a blessé Vitenmain.
Tu redoubles d’ardeur. Tu la blesses encore,
Et deux fois de son sang le gazon se colore.
Elle veut se venger ; mais son rasoir trompé
Ne s’est point dans ton sang jusques alors trempé.
La colère l’emporte. Elle fond sur ta panse,
Elle l’atteint… Ton bras en tirera vengeance !
Comme ce sanglier que la balle a meurtri,
Tombe sur le chasseur en poussant un long cri,
Tu fonds sur la pendarde ; et tout pâle de rage,
Tu dépêches son âme au sinistre rivage.
Foussicoup est vengé. Pour venger Vitenmain
Blancon et Malfoutue osent lever la main.
Aux regards de Vicourt luit leur terrible lame.
Toutes deux l’ont frappé. Son courage s’enflamme.

Il lève sa massue, et bouillant de fureur
Il la lance avec force… ô surprise ! ô douleur !
Le coup a frappé l’air. Vicourt chancelle, tombe,
Les putains sur son corps que la vérole plombe
Se jettent, et bientôt sous un rasoir cruel
Transforment en eunuque un malheureux mortel.
Dieux ! quels maux il éprouve !… Exauçant ses prières,
La mort enfin, la mort lui ferme les paupières.

Eh quoi ! qui fuit ainsi ?… Fierfouteur tout blessé
Aux pieds de Conouvert vient d’être renversé.
La garce l’a châtré. Sa phalange timide,
Ayant perdu son chef, fuyait d’un pas rapide ;
Mais Viferme l’arrête, et ses mâles accents
Rendent à leur devoir ces lâches combattants.
Fier Percecu c’est toi maintenant qui les guides !
C’est toi qui rends l’audace à ces hommes timides !
C’est sous toi qu’on les voit revoler aux combats,
Aux cris : vaincre ou mourrir !… honorables soldats !
Oui, vous cherchez enfin la mort ou la victoire ;
Enfin, vous vous couvrez des palmes de la gloire.

Percecu furieux court, et sous son bâton
Terrasse en même temps Conlarge et Vieuxtignon.
Conusé se présente : Il lui porte à la nuque
Un coup qui fait jaillir le sang sur sa perruque.
Elle veut se défendre ; hélas ! un coup plus fort
L’étend sur le gazon et termine son sort.
Les putains ont tremblé. Conouvert s’en irrite.
La fière Conouvert sur lui se précipite ;
Conouvert qui, déjà, de sa lame a châtré

Vimollet, Couillemorte, ainsi que Virentré.
Percecu la devance. Il l’atteint, il la tape.
Mais du tranchant rasoir la donzelle le frappe.
Son sang a ruisselé : son visage a pâli :
A cet aspect nouveau son cœur a tressailli.
Conouvert voit son trouble : aussitôt la femelle,
En évitant les coups, le presse, le harcèle,
Le fatigue, et parvient à couper ses couillons
De ce fer qui nous sert à blanchir nos mentons.
Malheureux Percecu ! ta débile paupière
Sous ce sabre châtreur se ferme à la lumière.
Tes généreux amis jurent de te venger.
Ils ne calculent plus la mort ni le danger,
Ils fondent sur la gueuse ; et la gueuse intrépide
En s’élançant vers eux, grands dieux les intimide.
Couilleaucu, le premier, tu tombes sous son fer :
Mincengin meurt bientôt, châtré par Conouvert :
Bandalaise n’est plus : enfin cette salope
De couilles et de sang et de morts s’enveloppe.
Viferme en frémissant voit ses tristes exploits.
Il accourt, et s’armant de son glaive de bois,
Il a frappé le front de la gouine étourdie.
Deux fois il la refrappe, et tout à sa furie,
Il ne s’aperçoit pas qu’au premier coup donné
Son glaive a désarmé le bras efféminé.
La donzelle veut fuir. Mais Viferme l’arrête,
En pourfendant trop bien sa dégoûtante tête.
Elle expire. Ce roi tout ruisselant de sang,
Tel qu’un loup au milieu d’un escadron bêlant,
Attaque les putains, les renverse, les tue.
Sous ses rapides coups, Petitcon est vaincue :

Vulvenoire s’envole aux bords de l’Achéron ;
Sansvertu qui la suit va foutre avec Caron :
Conasse sans combattre a mordu la poussière :
Vitengueule a fermé ses yeux à la lumière :
Il allait immoler l’altière Creuxvagin,
Alors que Vastecon arrête son gourdin.
Il l’a vue… ô bonheur !

Il l’a vue… ô bonheur !« Je puis donc, ô traîtresse !
» Inonder de ton sang cette main vengeresse.
» Tu m’as fui jusqu’alors. Mais enfin il est temps
» De venger sur ton corps les maux que je ressens.
» Ces maux que m’as donné ton con gâté, coquine !
» Ces maux qui, je le sens, causeront ma ruine.
» Mais avant de mourir, viens. Qu’il me soit permis
» D’immoler à ma rage un objet de mépris. »
« — De mépris !… maquereau !… Oui, meurs ! que cette lame
» Se rougisse du sang que ma haine réclame. »

A ces mots, Vastecon le bras haut, l’œil ardent,
Fond sur notre fouteur et l’atteint vainement.
Seul, le dos du rasoir effleure une poitrine.
Viferme, plus heureux, applatit une échine,
D’autres coups sont portés, et parés, et rendus.
Des bouillons d’un sang noir bientôt sont répandus.
En voyant ce combat, les hommes et les filles
S’arrêtent tout à coup étonnés, immobiles.
Viferme, tout blessé, rouait de coups affreux
Vastecon qui pliait sous son bras vigoureux.
Le bâton a noirci la peau de la coquine ;
Son sang à gros flocons jaillit de sa narine ;

Elle mire, se baisse, et d’une vive main
Mutile du guerrier le suppurant engin.
Viferme en a pâli. Ce coup accroît sa rage.
Il chasse la douleur, rappelle son courage,
Et brandissant sa masse, après six rudes coups
La casse sur le dos de la gueuse en courroux,
De Vastecon qui saute à sa pâle figure,
Qui sous des ongles longs, ô ciel ! le défigure,
Alors un fer tranchant n’armait plus la putain.
Les poings des combattants se sont fermés. Soudain
D’une grêle de coups l’un et l’autre s’assiége.
Des dents tombent ; un nez a branlé sur son siége ;
Une oreille est en sang ; un œil est tout poché ;
Un visage tout noir, un chignon arraché.
Mais de leurs bras nerveux les deux boxeurs s’enlacent.
Ils se sont séparés. Bientôt ils se rembrassent,
Et fortement pressés, dans les flots de leur sang
Tous deux sans se lâcher tombent en rugissant.
Viferme s’affaiblit. Vastecon, au contraire,
Semble avec plus d’ardeur serrer son adversaire…
Ô douleur ! Un cri part. C’en est fait. La putain
Étouffe dans ses bras le blême souverain.
Il n’est plus. Ses sujets, tout écumant de rage,
Rappellent à ce coup leur terrible courage.
Ils fondent à la fois sur la garce, et leurs bras
Allaient couvrir son front des ombres du trépas,
Quand Vibandant trempé du sang de Laréglée,
Du sang de Poilépais et de Mottepelée.
S’élance sur la gouine, et de son dur bâton
Pour venger son monarque assomme Vastecon.
Creuxvagin irritée a voulu le combattre.

D’un coup bien appliqué ce brave a su l’abattre,
Qu’aperçoit-il ? Consec a châtré Vipaillard,
Consec a fait couler le sang de Rudedard.
Il s’en indigne ; il court ; il frappe la bagasse ;
Il casse sa caboche ; il l’étend sur la place,
Et suivi de sa troupe il poursuit ses exploits
Tandis que Roidengin, sous dix infâmes doigts,
Perd avec ses couillons et son sang et sa vie,
En maudissant un sexe où gît la perfidie.
Consale en souriant le regarde expirer.
Alors qu’encor vivant sa main l’ose châtrer.
À cet affreux spectacle en vain on fond sur elle.
Vainement Onzepouce attaque la donzelle.
Elle est inébranlable. Onzepouce irrité
Plus ferme s’est sur elle encor précipité.
C’est alors qu’il lui flanque à l’épine dorsale,
Un coup tel que sur l’herbe il culbute Consale.
Consale se relève, et pâle de fureur
Atteint de son rasoir les fesses du fouteur.
Le sang coule… Onzepouce ! un second coup plus rude
Te dépêches au séjour de la béatitude.
Pissegoutte, frappé par la même putain,
S’envole vers le Styx sans couilles, sans engin.
Consale abat Longvit, et charge Donnedousse
D’aller foutre à Mercure une amoureuse dousse.
Sous son bras furieux Brisemotte et Vigros
Vont habiter les lieux où préside Minos.
Enfin de ce côté, cette femme terrible
De l’autre, Vibandant ce guerrier invincible,
jonchent les prés de sang, de morts et de mourants,
De couilles et de vits et de membres sanglants.

Le carnage est affreux. Sur les champs de la gloire
À peine vingt guerriers disputent la victoire.
Leurs amis ne sont plus… Vibandant voit soudain
Consale terrasser le pauvre Molengin.
Il se jette sur elle ; il l’attaque ; et la gueuse
Riposte à tous les coups de sa main valeureuse.
Des coups, des coups affreux par tous deux sont portés.
Et le fer et le bois en sont ensanglantés.

Mais, quel bruit ! ô terreur ! C’est la foudre qui tonne.
Les éclairs ont brillé. La mer au loin bouillonne.
Les vents sont déchaînés ; ils grondent sur les flots.
La nue en longs torrents précipite ses eaux.
Tout tremble sous le ciel, et saisis d’épouvante
Nos combattants ont fui leur arène sanglante.
Mais les mers tout à coup ont brisé leurs remparts.
Elles inondent l’île, atteignent les fuyards,
Et sous leurs flots grondants dans leurs profonds abîmes,
Au bruissement des vents, aux cris vains des victimes,
Au bruit sourd de la foudre éclatant dans les airs,
À la vive lueur des rapides éclairs,
Ces mers avec fracas bientôt ensevelissent
Ceux qu’a frappés la mort comme ceux qui gémissent.

L’orage cependant s’éclipse, et sous les cieux,
L’astre vivifiant reparaît radieux.
Mais il n’éclaire plus ces beaux champs où naguère,
Un peuple d’enculeurs branlait le petit frère :
De ce peuple, ces champs, du mal vénérien,
Des putains, des combats, il n’existe… plus rien.


FIN