Trois Contes (Flaubert)/Index
Chacun connaît la source où Flaubert a recueilli les développements de ce conte : deux courts passages des Évangiles de Marc et de Mathieu. La pieuse tradition lui a fourni les protagonistes et les péripéties du drame et jusqu’à certaines indications en quelque sorte scéniques : le banquet, les hésitations du tétrarque, l’intervention d’Hérodias, la danse de Salomé, le serment d’Hérode Antipas. Quant au personnage du Baptiste, Flaubert en connaissait, à la vérité, fort peu de chose, et nous n’en savons guère plus que lui.
Il était contemporain de Jésus. Il mourut quelques années avant lui, sous le règne de Tibère, par ordre du tétrarque Antipas.
C’était un homme extraordinaire. Sa jeunesse était entourée de légendes, et l’on disait que des miracles avaient favorisé sa naissance. Comme les Esséniens ses frères, il vivait, dans la solitude, sur les bords de la mer Morte, parmi les sables et les rochers de Judée, la vie délicieuse et rude des anachorètes. Insensibles aux douceurs du monde, n’ayant pour tout vêtement qu’un grossier manteau en poil de chameau, ils se nourrissaient de sauterelles et de miel sauvage et chaque matin purifiaient leur corps dans l’eau des fontaines. C’est pourquoi on les appela les baptistes ; et ils se nommaient aussi thérapeutes ou guérisseurs des âmes.
Mais Jean les surpassait tous par sa sainteté : elle était merveilleuse et terrible. Parfois, il sortait de sa retraite pour appeler les foules au baptême ; alors, avec des paroles enflammées, il dénonçait les impuretés, flétrissait l’avidité des riches et vouait leurs crimes à l’exécration des fidèles. Son invective était affreuse et magnifique. Jamais, depuis Élie, le peuple n’en avait entendu de plus éloquente. Animé par l’esprit des prophètes, la bouche pleine de catastrophes, il semblait porter en lui le génie d’un Dieu irrité. On disait qu’il était Élie, ressuscité d’entre les morts pour annoncer le jugement dernier. Son influence grandissait tous les jours ; il eût pu, s’il l’avait voulu, provoquer des émeutes.
Et parce que son zèle à poursuivre le vice ne connaissait aucune borne, il osa s’attaquer au tétrarque Antipas. Fils de cet Hérode, roi des Juifs, qui par l’atrocité de ses crimes autant que par ses talents a mérité d’être appelé le Grand, Antipas régnait sur ces territoires ou Jean avait entrepris d’étonner les hommes par la candeur de son âme et la violence de son langage. L’impureté de ce prince le désignait aux imprécations du Baptiste : en épousant Hérodias il avait scandalisé les docteurs, violé la loi religieuse et assis l’adultère et l’inceste[1] sur le trône. Car Hérodias était sa belle-sœur et sa nièce. Le jour où il la rencontra, ils étaient déjà mariés l’un et l’autre, lui avec une princesse arabe, elle avec un frère d’Antipas. Elle vivait avec cet Hérode en Italie, tristement, loin du pouvoir et le cœur dévoré d’ambition, lorsque Antipas lui apparut : il se rendait à Rome et venait demander à son frère l’hospitalité. Séduit par la beauté d’Hérodias, il oublia dans ses bras leur parenté, leur condition, les lois divines et humaines. Et l’ayant prise à son frère il l’épousa, après avoir chassé sa première femme sous les tentes paternelles.
Jean-Baptiste n’hésita pas à dénoncer le crime d’Antipas. C’est pourquoi il fut arrêté, chargé de liens et jeté au fond d’une fosse, dans la citadelle de Machœrous. Cela se passait entre la vingt-sixième et la trentième année de notre ère.
« Or Hérode, ayant envoyé saisir Jean, l’avait fait lier et mettre en prison, à cause d’Hérodias, femme de Philippe[2] son frère, qu’il avait épousée ;
« Parce que Jean disait à Hérode : il ne vous est pas permis d’avoir la femme de votre frère. »
« Hérode aurait voulu le faire mourir, mais il craignait le peuple, parce qu’on regardait Jean comme un prophète.
« Mais le jour de la naissance d’Hérode, il fit un festin aux grands de sa cour, aux premiers officiers de ses troupes et aux principaux de la Galilée.
« Et la fille d’Hérodias, étant entrée, et ayant dansé devant Hérode, lui plut tellement, et à ceux qui étaient à table avec lui, qu’il lui dit : « Demande-moi ce que tu voudras et je te le donnerai. »
« Et il dit avec serment : « Je te donnerai tout ce que tu me demanderas, quand ce serait la moitié de mon royaume. »
« Et elle, étant sortie, dit à sa mère : « Que demanderai-je ? » Sa mère lui répondit : « La tête de Jean le Baptiste. »
Et étant rentrée tout aussitôt où était Hérode, elle lui dit :
« Je veux tout présentement, dans un plateau, la tête de Jean le Baptiste. »
« Hérode en fut attristé. Néanmoins, à cause du serment qu’il avait fait, et de ceux qui étaient à table avec lui, il ne voulut pas lui refuser.
« Aussi, ayant envoyé un de ses gardes, il commanda qu’on apportât la tête de Jean dans un plateau. Et le garde lui coupa la tête dans sa prison.
« Et il apporta la tête dans un plateau, la donna à la fille et la fille la donna à la mère.
« Ce que des disciples de Jean ayant appris, ils vinrent enlever son corps et le mirent dans un tombeau. »
Ainsi s’expriment Marc et Mathieu, évangélistes. Ne cherchons pas à savoir si leur pieuse relation doit être crue tout entière ; ne nous demandons pas s’ils ont fidèlement rapporté les circonstances de la mort du Baptiste, et si la vérité ne serait pas plutôt dans ce récit de l’historien Josèphe (Ant. Jud., xviii) qui, sans faire intervenir Hérodias, ni Salomé, fait périr saint Jean pour la crainte politique que son influence inspirait à Hérode Antipas. Il est vain de chercher ici la vérité historique. En une semblable matière, c’est le récit le plus fécond en pathétique, en beauté, qui est le plus vrai. Des deux versions, celle de Flavius Josèphe et celle des évangélistes, la première est peut-être plus fidèle, mais elle est demeurée stérile. La seconde seule fut féconde ; elle le fut infiniment. Et, pour avoir suscité le conte admirable de Flaubert, elle mérite d’être tenue pour l’expression d’une vérité supérieure.
Agrippa, frère d’Hérodias ; il était né, comme elle, du mariage de Bérénice et d’Aristobule, un des fils d’Hérode le Grand. Il remplit quelque temps à Tibérias la charge de surveillant des marchés : mais l’autorité du tétrarque Antipas, dont il relevait, pesait à son âme ambitieuse. Il démissionna, se rendit en Syrie, puis à Rome, où il avait été élevé comme la plupart de ses frères, et parvint à se faire admettre dans l’entourage intime de Caïus (Caligula), l’héritier présomptif de l’Empire. Son zèle pour Caïus faillit lui coûter la vie : il souhaitait la mort de Tibère avec si peu de discrétion, que l’empereur lui-même en fut informé. Il le fit jeter en prison.
C’est à cette incarcération qu’Hérodias fait allusion par deux fois, page 143 et page 154 : elle en offre la nouvelle d’abord à Antipas, puis à Vitellius. Malheureusement, le désir, manifeste chez Flaubert, de concentrer dans son récit le plus de faits historiques possible, lui a fait commettre là une erreur chronologique assez grave : lorsque Agrippa fut emprisonné, non seulement Iaokanann était mort depuis longtemps, mais il y avait plusieurs années que Jésus lui-même avait été crucifié. L’incarcération d’Agrippa a précédé de six mois, d’un an au plus, la mort de Tibère : elle est donc de la fin de l’année 36 ap. Jésus-Christ ; or Jean le Baptiste a été décapité entre 26 et 30. Dans le scénario du conte (voir ci-après p. 206) l’erreur de chronologie était encore plus accentuée : Flaubert y annonçait non plus l’incarcération d’Agrippa, mais sa mort, survenue longtemps après. En vérifiant ses notes, Flaubert a atténué ce lapsus, mais ne l’a pas fait entièrement disparaître du conte.
(Voyez Eutychès).
Alexandre, dont le supplice est relaté par Flaubert page 188, était un des fils d’Hérode le Grand et de la belle Mariamne. Comme son frère Aristobule, il fut étranglé à Sébaste (Samarie), l’an 6 av. J.-C., par ordre de son père, pour avoir conspiré contre sa vie. Cette accusation, qui avait été portée contre Alexandre et Aristobule par l’exécrable Antipater, leur demi-frère, ne paraît avoir eu de fondement que dans les odieuses imaginations de ce dernier.
Antigone (p. 183), roi des Juifs, prédécesseur d’Hérode le Grand. C’est sur lui qu’Hérode conquit le royaume de Judée, après de sanglantes batailles et malgré les secours que les Parthes apportaient à Antigone. Hérode ne triompha que grâce à l’appui des troupes romaines, dont un général, Sosius, finit par s’emparer d’Antigone dans Jérusalem. Marc-Antoine fit trancher la tête au prisonnier.
Antipas était le septième de quatorze enfants que le Grand Hérode avait eus de ses huit femmes (Doris ; Mariamne l’Asmonéenne, si belle qu’après l’avoir fait mettre à mort sur un soupçon d’adultère, Hérode fut pris d’un remords affreux et fit conserver dans du miel, pendant sept ans, le corps de cette princesse ; Mariamne II, fille de Simon le grand-prêtre ; Malthace la Samaritaine, mère d’Hérode Antipas ; Cléopâtre de Jérusalem ; Pallas ; Phèdre et Elpis ; sans compter deux autres femmes, dont le nom n’a pas été conservé).
Ceux des autres fils d’Hérode que Flaubert a mentionnés sont : Philippe, futur mari de Salomé ; Alexandre, Antipater, tués sur l’ordre de leur père ; enfin le premier mari d’Hérodias, Hérode, déshérité par son père et qui vivait en Italie. Antipas, auquel le testament d’Hérode le Grand attribuait la tétrarchie de Galilée et de Pérée, fut maintenu dans ses fonctions par Auguste. Il les conserva jusqu’à ce que Caligula les lui eût retirées et l’eût envoyé en exil.
Antipater (IV), dont l’exécution est rappelée page 188, était fils d’Hérode le Grand et de Doris, sa première femme.
Après avoir dénoncé à Hérode d’imaginaires complots, qui lui permirent de compromettre et de faire exécuter deux de ses frères (Alexandre et Aristobule), Antipater finit par conspirer lui-même contre la vie de son père, à la faveur de la maladie qui terrassait ce dernier. Hérode découvrit le complot, et, tout moribond qu’il était, fit exécuter Antipater (4. av. J.-C.).
Antonia (Tour), forteresse élevée en l’honneur de Marc-Antoine à Jérusalem par Hérode le Grand.
Aristobule, dont Flaubert rappelle le meurtre page 188, n’est pas celui dont il a été question ci-dessus (v° Antipater) : c’est son oncle, le frère de Mariamne. Hérode l’éleva à dix-sept ans à la dignité de Grand sacrificateur ; mais un an ne s’était pas écoulé que, jaloux de sa prodigieuse beauté et inquiet de son influence, il le fit noyer (33 av. J.-C.).
Aulus (Vittelius), fils de L. Vitellius, le proconsul. Proclamé Empereur par les légions de Germanie (68 ap. J.-C.) il fut tué à Rome avant d’avoir pu jouir du pouvoir, par les partisans de Vespasien, qui, de son côté, s’était fait proclamer Empereur par les légions de Judée et de Syrie.
Aulus a-t-il assisté à l’exécution de Jean le Baptiste ? C’est peu probable. En tout cas, il était fort jeune lorsque cet événement se produisit. La décollation de Jean se place entre 26 et 30 après Jésus-Christ. Aulus, qui était né le 14 septembre de l’an 15, avait donc, à ce moment, entre onze et quinze ans.
(Voyez : Vitellius).
Azima. — « On a coutume de citer que les Samaritains ont rendu, sur Garizim, les honneurs divins à une colombe, sous le nom d’Achima. C’est une inculpation juive, qui n’est provenue sans doute que d’une fausse interprétation faite à dessein ». (Strauss, Vie de Jésus, t. l, sect. II, chap. II, § L).
Baaras, plante du Liban, à laquelle on attribuait des propriétés merveilleuses : lumineuse la nuit, invisible le jour, elle conjurait l’effet des maléfices et changeait en or les métaux.
Caïus, Empereur (37-41), sous le nom de Caligula ; il était héritier présomptif au moment de la mort de Jean le Baptiste.
Clites, peuples de la Cilicie que Vitellius contraignit à payer l’impôt impérial.
Engaddi, ville de Palestine, près de la mer Morte. Ses environs sont fertiles en vignes ; ils produisirent, d’après la tradition, la fameuse grappe de raisin que les explorateurs envoyés par Moïse rapportèrent sur un bâton.
C’est aussi dans le voisinage de cette ville que les anachorètes esséniens, au temps d’Hérode Antipas, vivaient leur existence singulière.
Esséniens, sectaires juifs, qui dépassaient les Pharisiens eux-mêmes par leur austérité, leur piété et la sévérité de leurs principes. Préoccupés d’éviter tout contact impur, de se laver de toute souillure, même inconsciente, d’atteindre par la prière et la pratique d’une vie édifiante une sorte d’extase prophétique, ils menaient une existence exemplaire dont les traits caractéristiques étaient la recherche de la solitude ascétique et le bain quotidien purificateur. Iaokanann était des leurs.
Eutychès. — Hérodias, annonçant au tétrarque que son frère Agrippa vient d’être jeté en prison par Tibère pour avoir souhaité l’Empire à Caïus, s’attribue le mérite de cette incarcération : « Elle étala son entreprise ; les clients achetés, les lettres découvertes,… et comment elle était parvenue à séduire Eutychès le dénonciateur », etc. (p. 143).
Que le propos d’Agrippa sur la mort de Tibère, trop lente à son gré, ait été rapporté à l’Empereur par un certain Eutychus ou Eutychès, c’est ce que l’historien Flavius Josèphe déclare en effet (xviii, 8). Mais il ne semble pas qu’Hérodias ait été pour rien dans sa dénonciation, ni qu’on ait eu besoin de si savantes machinations pour compromettre Agrippa : il était homme à se compromettre tout seul, comme Eutychus à le trahir. « Un jour qu’Agrippa était dans son char avec Caïus, ils en vinrent à parler de Tibère. Agrippa exprima le vœu qu’il fit bientôt place à Caïus. Eutychès, son affranchi, qui conduisait le char, entendit ce propos ; et quelque temps après, Agrippa l’ayant accusé de l’avoir volé, ce qui était exact, au lieu de se défendre contre cette accusation, il se déclara en mesure de révéler à Tibère un secret qui importait à sa sûreté. C’est ainsi que l’Empereur apprit les paroles d’Agrippa. »
Tel est le récit de Josèphe. Il n’accordait pas assez aux intrigues d’Hérodias pour que Flaubert l’accueillît sans l’orner.
Galbanum, résine d’une ombellifère de Syrie.
Garizim, montagne de Palestine dans la tribu d’Ephraïm, sur laquelle les Samaritains élevèrent un temple.
Gingras, petites flûtes usitées en Phénicie.
Hébron. La plus ancienne ville de Palestine, à 35 kilomètres de Jérusalem. C’est la terre rouge d’Hébron qui, d’après la tradition, aurait servi à former le premier homme, et c’est à Hébron qu’Adam, fondateur de la ville, serait mort. Abraham, Sarah, Isaac, Rébecca, Jacob et Lia y ont été également ensevelis. On croit que Iaokanann était originaire d’Hébron.
Hérodias ou Hérodiade, fille d’Aristobule (un des fils d’Hérode le Grand) et de Bérénice. Hérodias épousa d’abord un de ses oncles nommé Hérode., (Voyez la Notice.)
[La version de Marc (Évangile, vi, 17) et de Mathieu (Évangile, xiv, 3) qui donnent à Hérodias pour premier mari Philippe, est erronée. Philippe, qui était également un des oncles d’Hérodias, épousa non pas Hérodias, mais sa fille Salomé.]
Puis, ayant séduit le tétrarque Antipas, frère de son mari, et, par conséquent, lui aussi son oncle, elle se fit épouser par lui.
Lorsque Caligula retira à Antipas sa tétrarchie et l’exila dans les Gaules, à Lyon, Hérodias refusa de subir un sort meilleur : elle le suivit dans son exil. D’un passage de Flavius Josèphe (De bell. Jud., xvi) il semble résulter que, de Lyon, ils allèrent en Espagne.
Hyrcan (Hyrcanus II). — Ce grand-prêtre et roi de Jérusalem, l’un des plus cléments et des plus faibles qui aient régné sur la Judée (19-40 av. J.-C.), subit les fortunes les plus diverses et connut tour à tour la douceur et l’amertume du pouvoir. Renversé par son jeune Frère Aristobule, il fut rétabli par Jules César avec le titre d’ethnarque (47 av. J.-C.). Son triomphe fut de courte durée : le fils d’Aristobule, Antigone, le détrôna de nouveau et, non content de l’avoir exilé à Babylone, lui coupa les oreilles, ce qui le rendait impropre à exercer les fonctions de grand-prêtre. Mais c’est encore Hérode qui devait infliger à ce malheureux le dernier supplice : il l’attira à Jérusalem, le combla de présents et lui fit trancher la tête sous prétexte qu’il complotait contre lui avec le roi des Arabes (33 av. J.-C.).
Iaokanann (Jean le Baptiste). — Voyez la notice en tête de l’Index, et, en outre : Renan, Vie de Jésus, passim. ; Strauss, Nouv. Vie de Jésus, liv. I, xxx ; Grætz, Hist. des Juifs, II, Sectes ; Jewish Encycl., s. vo John the Baptist, etc.
Jézabel, femme d’Achab ; reine impie qui persécuta les prophètes, menaça de mort Élie, etc. (Rois, xvi, 31 ; xviii, 5, 13 ; xix, 2 ; etc.)
Joseph (p. 188 : « il avait décapité Joseph »).
Ce Joseph était l’oncle d’Hérode le Grand ; il était également son beau-frère, ayant épousé Salomé, sœur d’Hérode. Lorsque Hérode dut se rendre à Laodicée, pour se justifier devant l’Empereur du meurtre d’Aristobule (voir ci-dessus), il confia à Joseph sa femme Mariamne l’Asmonéenne, avec ordre de la mettre à mort s’il ne revenait pas. Il revint ; mais ce fut pour apprendre que Joseph avait employé pour consoler la belle Mariamne des moyens qu’Hérode entendait se réserver. Joseph avait-il été vraiment adultère ? Cette accusation n’était-elle pas plutôt une calomnie de sa femme, la ténébreuse Salomé ? Hérode, sans approfondir le problème, trouva plus simple de le résoudre en supprimant son objet : Joseph fut exécuté sans jugement l’an 33 avant Jésus-Christ.
La même mésaventure devait arriver, trois ans plus tard, à l’un des familiers d’Hérode, Sohémus (voir Sosime).
Laticlave, robe bordée d’une bande de pourpre, portée par les sénateurs romains.
Machœrus (Machœrus, Mulcaur ou Machero). — Cette citadelle, édifiée par Alexandre Jannée, roi des Juifs, élevait, aux confins de la Palestine et de l’Arabie, à l’Est de la mer Morte, ses murailles où les princes Asmonéens abritaient leurs trésors. Elle subit plus d’une fois les rigueurs de la guerre. Assiégée et conquise par Gabinius, général romain, qui en fit saper les fortifications et la rasa jusqu’au sol, puis reprise par le roi Aristobule, et de nouveau abandonnée, la citadelle fut restaurée par Hérode, qui, pour se protéger contre les attaques des Arabes, porta au plus haut degré la puissance de la forteresse : c’était, dit Pline, la place la plus forte de la Palestine, après Jérusalem.
La ville de Machœrus serait l’actuelle Mulsaur (Raumer, Palästina, p. 264.). Voir Jewish Encycl., s. vo Machœrus.
Mattathias (ben Margalot), docteur de la loi, brûlé vif sur l’ordre d’Hérode le Grand, avec quarante-deux habitants de Jérusalem, pour avoir voulu enlever les aigles romaines de la grille du Temple (p. 188).
Mithra ou Mithras, dieu des anciens Perses, dont le culte s’introduisit à Rome vers 67 avant Jésus-Christ et fut aboli au IVe siècle.
Néhémias ou Néhémie. — Juif qui raconte sa propre histoire dans le second livre d’Esdras (Ve siècle avant J.-C.). Captif en Perse, il obtint du roi Artaxercès Longue-Main, dont il était l’échanson et le favori, le droit d’aller relever Jérusalem. Il accomplit cette œuvre avec un génie admirable, rebâtissant les quartiers de la ville et ses murs, pacifiant le peuple, lui enseignant la foi dans ses destinées, remettant surtout la loi (thora) en vigueur. C’est sous son gouvernement que le dernier des prophètes, Malachie, prédit qu’un jour Élie ressusciterait d’entre les morts pour annoncer le Jugement dernier ; et c’est, sans doute, à cette prophétie que Flaubert fait allusion, page 146.
Pappus (p.188), général d’Antigone ; il dirigeait les troupes de ce dernier contre les trois Hérode (Hérode le Grand, Joseph et Phéroras, ses deux frères). Joseph ayant été défait et tué par Pappus, celui-ci fit trancher la tête de son cadavre, malgré les supplications de Phéroras qui offrait de racheter le corps de son frère pour cinquante talents. Mais Pappus, à son tour, fut battu et tué par les troupes d’Hérode. Hérode fit trancher la tête de son cadavre et envoya ce trophée à Joseph, pour le consoler du sort de Phéroras, leur frère commun.
Pharisiens. — Juifs orthodoxes, conservateurs, qui professaient l’observance rigoureuse de la loi et de la tradition.
Philippe (Hérode), oncle d’Hérodias et d’Agrippa, et frère du tétrarque Antipas. Philippe avait reçu d’Hérode le Grand, son père, la tétrarchie de Batanée, de Gaulanitide et de Trachonitide, avec la ville de Panéas, ou Césarée de Philippe. Il épousa Salomé, fille d’Hérodias.
Sadducéens, secte juive, qui recrutait principalement ses adeptes dans le clergé et l’aristocratie. Comme ils détenaient en général l’autorité politique, les Sadducéens étaient, par la force même des choses et par l’effet de leurs fonctions, obligés de compter avec le siècle. De là des principes religieux moins rigoureux et moins traditionalistes que ceux des Pharisiens, qui leur reprochaient de vouloir accommoder la Loi avec le temporel.
Salomé, fille d’Hérodias et de son premier mari Hérode. C’est elle qui, selon la tradition évangélique, aurait obtenu du tétrarque Antipas la tête de Iaokanann.
On ne doit pas la confondre avec les autres princesses de ce nom, notamment avec Salomé, sœur d’Hérode le Grand.
Sarepta ou Sarybtha. — Ville ou le prophète Élie fut nourri par une pauvre veuve, dont il ressuscita le fils (Rois, xvii, 9).
Sosime. — Ce personnage, dont Flaubert mentionne l’exécution p. 188, ne semble pas avoir été nommé par les historiens d’Hérode le Grand. Peut-être s’agit-il de ce Sobémus, qui, pour avoir été constitué gardien de la belle Mariamne, pendant un voyage d’Hérode (30 av. J.-C.), se vit, au retour du roi, accusé comme l’avait été Joseph (voir ci-dessus) et fut mis à mort comme lui.
Tétrarque. — Dans l’ancien droit public grec, lorsqu’une cité ou un état était divisé en quatre parties, le gouverneur de chacune d’elles portait le titre de tétrarque. Cette institution, tombée en désuétude à l’époque historique, puis rétablie en Macédoine par Philippe, fut empruntée aux Grecs par les Romains. Mais elle ne correspondait plus exactement à ce qu’elle était à l’origine. Les tétrarques romains étaient des sortes de rois-protégés.
Tibérias ou Tibériade. — Ville qu’Hérode Antipas fonda sur les bords du lac de Génézareth et qu’il appela de ce nom pour se concilier la faveur de Tibère.
Umbo, partie centrale du bouclier.
Vitellius (Lucius), proconsul, père d’Aulus Vitellius.
Sa présence à Machærous le jour du supplice de Jean le Baptiste n’est qu’une ingénieuse hypothèse artistique de Flaubert, qui s’autorise peut-être de ce passage de Saint-Marc (Évangile, vi, 21) : « Hérode fit un festin aux grands de sa cour, aux premiers officiers de ses troupes et aux principaux de la Galilée ».
En réalité, l’arrivée de Vitellius et des troupes romaines en Galilée est notablement postérieure à l’exécution du Baptiste. C’est du moins ce qui résulte formellement de Josèphe (Ant. Jud., xviii, 7). En effet, d’après ce texte, si Vitellius vint en Galilée, ce fut, comme l’a d’ailleurs noté Flaubert, pour répondre à l’appel d’Antipas, dont l’armée venait d’être taillée en pièces par l’émir de Pétra. « Or, le peuple avait vu dans cette défaite le châtiment de la mort du Baptiste. » Il faut donc admettre que la décollation de Jean et les hostilités contre l’émir ont précédé, et sans doute de plusieurs mois, l’arrivée de Vitellius.
Quant à la haine de Vitellius contre le tétrarque Antipas, elle avait une origine historique ; mais Flaubert, dans son désir d’«expliquer » le moins possible, l’a-t-il rendue suffisamment intelligible au lecteur ? « Vitellius, dit-il, avait tiré des otages du roi des Parthes, et l’Empereur n’y songeait plus ; car Antipas, présent à la conférence, pour se faire valoir, en avait tout de suite expédié la nouvelle. De là une haine profonde, et les retards à fournir des secours » (page 155.)
Ce passage, qui, par son extrême concision, est un des exemples les plus typiques du procédé d’exposition synthétique cher à Flaubert, demeurerait fort obscur si l’on ne se souvenait du récit suivant de Flavius Josèphe, dont il n’est que la condensation : « Tibère, désirant contracter alliance avec le roi des Parthes Artabane, ce prince et Vitellius se rencontrèrent sur un pont de l’Euphrate. Lorsqu’ils furent convenus des conditions du traité, Hérode le Tétrarque leur donna un superbe et somptueux festin ; peu après, Artabane envoya son propre fils en otage à Tibère, avec de nombreux présents… ; Hérode, voulant être le premier à donner à Tibère la nouvelle des otages qu’on avait obtenus d’Artabane, lui envoya en toute hâte un courrier et l’informa de toutes choses si minutieusement, que Vitellius ne pouvait plus rien lui mander qu’il ne sût déjà. Aussi, lorsque Tibère reçut le message de Vitellius, ne put-il rien lui répondre, si ce n’est que ce message ne lui apprenait rien. De là, chez Vitellius, une haine violente contre Hérode Antipas. » (Ant. Jud., xviii, 7).