Sommeille !

(D’APRÈS MEREJKOWSKY )
















SOMMEILLE !



Je voudrais m’endormir du grand sommeil, dans l’herbe,
Comme, enfant, j’y dormais ainsi qu’en un berceau !…
Quand se levait le jour bienfaisant et superbe,
Le soleil sur mon front rayonnait calme et beau…

Saluant la clarté de l’aurore vermeille,
L’alouette chantait, en traversant les cieux ;
J’entendais vaguement son trille audacieux
Qui me disait : « Sommeille en paix, enfant, sommeille ! »


Mille insectes, divers de forme et de couleurs,
De brillants papillons, de sveltes demoiselles,
Déployant tour à tour et refermant leurs ailes,
Semblaient des feux follets voltigeant sur les fleurs.

Des vieux arbres amis les mobiles ramures,
Se balançant au gré capricieux du vent,
Dans mes rêves faisaient flotter de longs murmures
Qui répétaient « Sommeille en paix, petit enfant ! »

Et, jusqu’à l’horizon, ma campagne natale
Étalait sa richesse à mes yeux assoupis,
Berçant, ainsi qu’un flot qu’agite la rafale,
L’indolente splendeur des flexibles épis.

Pour chanter le refrain d’amour à mon oreille,
Toute chose semblait avoir pris une voix
Les fleurs et les oiseaux, les plaines et les bois,


Tout me disait, avec une douceur pareille,
D’un ton mystérieux et distinct à la fois :
« Sommeille, — nous veillons sur ton repos, — sommeille ! »