Rossignol, doux charmeur…

(D’APRÈS POUCHKINE )
















ROSSIGNOL, DOUX CHARMEUR…



Rossignol, doux charmeur, tu sais trois chants d’amour
Qu’à l’écho de nos bois tu redis tour à tour…

Et moi, pauvre garçon, je porte en ma pensée
Trois chagrins dont mon âme est pour toujours blessée.

D’abord, loin du pays heureux où je suis né,
Je languis, à l’exil éternel condamné ;

Puis, mon cheval si fort, si vaillant à la peine,
Si fidèle et si bon, est mort, l’autre semaine ;


Enfin, de l’enfant blonde et douce que j’aimais
L’impitoyable sort me sépare à jamais.

Mon mal est sans espoir. Il faut que j’y succombe.
Creusez-moi dans ce pré, longue et large, une tombe.

Plantez-y, du côté du front, de verts buissons
D’aubépine, qu’Avril emplira de chansons,

Et, du côté des pieds, amenez, claire et pure,
L’eau des sources qui coule avec un frais murmure.

Et quand je dormirai, là, mon sommeil sans fin,
Chaque jour, aux clartés naissantes du matin,

Si, dans la profondeur de ma nuit solitaire,
Descendent jusqu’à moi les échos de la terre,

J’entendrai les éclats de rires enjôleurs
Des fillettes cueillant à pleines mains les fleurs

Ou la plainte des vieux qui, leur cruche remplie,
Près de l’eau, causeront avec mélancolie.