Regrets

(D’APRÈS LE COMTE ALEXIS TOLSTOÏ)
















REGRETS



C’est l’hiver et la nuit. Tout est sombre. La terre
S’enveloppe d’un noir et douloureux mystère ;

Plus de verdure au bois, plus de fleurs dans la plaine :
La bise a tout flétri de sa mortelle haleine ;

Aux nids plus de chansons, plus d’oiseaux dans l’espace.
Un faible son, parfois, dans l’air attristé passe ;

C’est le mourant écho de la cloche qui tinte,
Rythmant comme un sanglot sa monotone plainte…

Et moi, dans le désert de ma froide demeure,
Je me souviens des jours envolés et je pleure.

Ô mon amour, de toi maintenant séparée,
Mon âme de cuisants regrets est déchirée !

Je songe — et ce tourment obsède ma pensée —
Que peut-être je t’ai d’un reproche offensée ;

Je songe — et ce remords sans trêve me désole —
Que je t’ai dit peut-être une dure parole ;

Je songe — mais trop tard, et c’est là mon martyre —
Aux mots cléments et doux que j’aurais dû te dire.

Je songe que j’avais tant d’amoureuses choses
Au cœur, et que pourtant mes lèvres restaient closes !

C’est fini ! Mes serments d’amour fidèle et tendre,
Hélas ! hélas ! tu n’es plus là pour les entendre !


C’est fini, c’est fini !… Les ivresses perdues,
Hélas ! hélas ! jamais ne me seront rendues !

C’est l’hiver et la nuit… et mon cœur solitaire
S’enveloppe d’un noir et douloureux mystère !