Nuits étoilées

(D’APRÈS POLONSKY)
















NUITS ÉTOILÉES



L’azur, que le printemps délivrait de ses voiles,
Sur nos têtes brillait. De toutes les étoiles
Nous tombaient des splendeurs.
Un souffle frais et doux, qui balançait à peine
Les feuillages, dans l’air éparpillait l’haleine
Embaumante des fleurs.


Des bruits d’ailes, des chants d’oiseaux, flottant murmure,
Enchantaient le repos de cette nuit si pure,
Plus belle qu’un beau jour ;
Et nous sentions en nous, dans une double ivresse,
Souriants et bénis, palpiter la jeunesse
Et s’éveiller l’amour.

Regardant l’avenir avec insouciance,
Nous marchions, le front haut, joyeux, sans méfiance,
Sans trouble dans le cœur ;
Nous formions des projets sans limite et sans nombre.
L’hiver, que nous savions vaguement triste et sombre,
Ne nous faisait point peur !

Et maintenant, où donc, où donc s’en sont allées
Les limpides clartés de ces nuits constellées
Et leurs molles senteurs ?
Où s’est enfui l’essaim volage de nos rêves ?
Et quel vent a soufflé sur les chimères brèves
De nos espoirs menteurs ?


Le temps impitoyable a des astres eux-mêmes
Éteint la pureté dans les ténèbres blêmes ;
Leurs rayons sont ternis.
Les branches, déjà plus qu’à demi dépouillées,
Ne sont plus, au lever de l’aurore, égayées
Par la chanson des nids.

Puisque telle est la loi, venez, saisons moroses ;
Écrasez sous vos pas toutes les fleurs écloses
Quand nous avions vingt ans !
Qu’importe ? si malgré l’hiver, notre âme en elle
Garde, pour la bénir, la mémoire éternelle
Des radieux printemps !