Traitté de la canicule et des jours caniculaires/02
l’Aſtronomie pour exercer
la Medecine.
’Eſt un ſentiment receu
des Theologiens, des
Philoſophes & des Medecins,
que les corps ſuperieurs agiſſent
ſur les inferieurs par leur
lumiere, leur mouvement &
leurs influences ; C’eſt pourquoy
nous liſons dans la Geneſe,
[1] que Dieu créa au commencement du monde deux lumieres dans le firmament, le Soleil, la Lune & les Eſtoilles, pour diviſer les
jours & les nuits, les mois et
les années, & pour ſignifier
ce qui doit arriver aux hommes
durant le cours de leur
vie ; car il eſt certain que
leurs changemens font les
differences des ſaiſons, du
Printemps, de l’Eſté, de l’Automne
& de l’Hyver ; & que
par le lever & le coucher de
ces meſmes Eſtoilles, on peut
predire la ſerenité, la tempeſte,
les gelées, les pluyes
& les vents, & meſme les maladies qui arrivent non ſeulement aux hommes, mais à
tous les autres animaux. Le
genie de la nature Ariſtote,
nous aſſure que cette vertu
animale que nous reſpirons,
& qui eſt répanduë par toute
la terre, prend ſon origine
des Cieux ; & S. Auguſtin[2],
le plus ſçavant & le plus
éclairé de tous les Peres, rapporte
que les corps inferieurs
& plus groſſiers ſont gouvernez
avec ſubordination par
les ſuperieurs & plus ſubtils ;
ainſi le Soleil, Pere de la Nature,
chaud & ſec, ſelon Ptolomée,
ou ſelon d’autres, tres-chaud
& tres-humide par la
ſubſtance, moderemēt chaud & un peu ſec par ſa qualité,
eſt la cauſe de toutes les generations,
par ſon arrivée &
ſa preſence, comme il eſt
cauſe de toutes les corruptions
par ſon abſence & ſon
éloignement : C’eſt ce bel
aſtre qui fait la joye de tout
le monde, à ſon arrivée toutes
les choſes d’icy bas prennent
une nouvelle vigueur,
l’humide radical eſt augmenté, & les hommes ſemblent
comme renaiſtre ; il domine,
ſur le ſang & ſur les eſprits
vitaux, ſur les yeux, ſur le
cerveau, & ſur le cœur ; &
entre les maladies, il cauſe
les rhumes qui dependent de
chaleur, les rougeurs du viſage,
les fiévres ſynoches,
ſimples & putrides, c’eſt à dire
celles qui proviennent de l’abondance du ſang ou ſimplement
enflammé, ou corrompu
dans les grands vaiſſeaux ;
la palpitation du cœur,
& la douleur de teſte provenante, ou de la plenitude du
ſang, ou pour avoir eſté trop
long-temps expoſé à ſes
rayons ; ainſi la Lune froide
& humide de ſa nature, comme
elle preſide aux mois, elle
reveil en certain temps,
regle les menſtruës des femmes ;
elle domine ſur la pituite,
ſur les ſueurs, ſur l’eſtomach,
ſur le ventre, ſur le
cerveau, le poulmon, les mammelles &
les yeux ; elle excite
l’epilepſie ou mal caduc, les
gouttes ſciatiques, les catarrhes,
les tremblemens de
membres, les aſſoupiſſemens,
les flux de ventre, les vomiſſemens, les fiſtules, les vers
& toutes les maladies qui
naiſſent de la froideur & de
l’humidité ; elle donne l’accroiſſement
aux plantes &
aux fruits ; elle engraiſſe les
animaux ; & ſelon qu’elle eſt
proche ou eſloignée du Soleil, elle cauſe divers changemens
dans l’air & dans les
maladies aiguës ; ainſi Saturne
froid & ſec, parce qu’il
eſt grandement éloigné de
la chaleur du Soleil & de l’humidité
de la terre, eſt mal faiſant ; on croit pourtant
qu’il preſide aux plantes, en
ce que par la froideur il empeſche
la generation des vers
& la pourriture de la ſemence ;
on croit auſſi qu’il domine
la teſte, la veſcie, l’eſtomach,
les nerfs, les os & la mélancholie ; & par conſequent
qu’il engendre la lépre,
les chancres, les fiévres quartes,
les oppilations, l’hydropiſie,
le flux de ventre, la colique,
la deſcente, les gouttes
noüées, la ſciatique, la mélancholie,
la difficulté de reſpirer,
les vontoſitez, & toutes
les maladies qui dependent
des humeurs groſſieres
& terreſtres. Jupiter moderemẽt
chaud & humide, quoy
que neantmoins la chaleur
excelle, eſt un aſtre bien faiſant,
qui a domination ſur le
ſang, ſur les eſprits vitaux,
ſur les poulmons, ſur le foye,
& ſur les arteres, & c’eſt ſous
luy que regnent les fiévres
journallieres, que les Grecs
appellent ephemeres, les eſquinancies,
les pleureſies, les convulſions, les apoplexies,
les phlegmons & toutes les
maladies qui ſont dans le
ſang : Mars toujours en colere
& nul faiſant, brûle &
deſſeche, il a puiſſance ſur
les humeurs bilieuſes, ſur les
reins, ſur le foye, les narrines,
le fiel, ſur les parties
genitales, & il eſt la ſource
des fiévres bilieuſes, tierces
& continuës des maladies épidemiques
& populaires, de
la peſte, de la migraine, du
charbon, du feu volage, des
puſtules, de la manie, de la
phreneſie, de la diſſenterie,
du vomiſſement de ſang. Venus
échauffe moderement,
mais elle humecte davantage,
parce qu’eſtant doüée d’une
grande lumiere, elle attire
les exhalaiſons humides de la terre ; C’eſt pourquoy elle eſt
agreable, feconde & bienfaiſante ;
elle reigne ſur les
reins, la ſemence, le ventre,
le nombril, le foye, & ſur
toutes les parties qui ſervent
à la generation ; elle cauſe les
foibleſſes de l’eſtomach, des
reins & des parties de la generation ;
la folie qui provient
d’excés d’amour, la maladie
Venerienne, & ſes dependances :
Mercure variable &
changeant deſſeche quelquefois à cauſe de la proximité
du Soleil, & quelquefois il
humecte à cauſe du voiſinage
de la Lune ; il domine ſur les
eſprits animaux, ſur les mains,
les pieds, les bras, les nerfs,
la bouche, la langue, les dents
& les maladies dont il eſt
cauſe, ſont le vertige ou tournoyement de teſte, la
folie le trouble d’imagination, l’empeſchement de la
langue, l’ulcere des poulmons, les eſcorcheures des
jambes, des pieds & des
mains ; Et quant aux autres
Eſtoilles, Hypocrate conſeille
à ceux qui exerçent la
Medecine, d’éviter les deux
ſolſtices & les deux équinoxes,
quand il s’agit d’ordonner
des remedes à cauſe de
l’intemperie & du changement
de l’air ; & enfin il veut
que l’on conſidere la Plevade, Larcturus & la Canicule,
puiſqu’en ces temps-là, il arrive
de grands changemens
en l’air, d’où naiſſent une infinité de maladies : On peut
donc tirer cette conſequence
de ce que je viens de dire, combien la connoiſſance de
l’Aſtronomie eſt neceſſaire &
importante aux Medecins,
pour connoiſtre par le mouvement
des Aſtres, leurs divers
aſpects, leurs concours
& leurs influences ſecrettes,
les changemens des ſaiſons
& de l’air ; & cette divine
ſcience ne doit pas eſtre employée
par vanité pour connoiſtre
les bonnes & les mauvaises
fortunes des hommes,
mais ſeulement, comme dit
Saint Auguſtin, pour obſerver
par le moyen des Aſtres,
ce qui peut eſtre utile à
l’homme pour ſa neceſſité &
pour ſes uſages, prévoir les
changemens de l’air qui doivent
arriver pendant l’Eſté,
l’Hyver, l’Automne & le
Printemps ; enſin pour bien connoiſtre les maladies qui
leur peuvent arriver, en predire
les évenemens, & ordonner bien à propos les remedes ; il ſuffit pour prouver la neceſſité de cette
ſcience, qu’elle eſt authoriſée
par Hypocrate : Le prince
des Medecins, appuyée de
l’authorité d’Ariſtote, ſoûtenue
de celle d’Avicenne, &
des plus illuſtres Medecins,
& ſondée ſur la raiſon naturelle
& ſur une infinité d’experiences.
Mon deſſein dans
ce petit Ouvage eſt de traiter
particulierement de la
Canicule, d’en expliquer la
nature & les qualitez, ſon
commencement & ſa duree,
les lieux où elle arrive, les
effets qu’elle produit, les maladies qu’elle cauſe, le regime de vivre que l’on doit
obſerver dans la ſanté & dans
la maladie, quel doit eſtre
l’usage de la ſaignée & de la
purgation, & quels remedes
on doit employer.