Traité des sensations/Avis important au lecteur

De Bure l’aîné (p. iii-vi).

A V I S
I M P O R T A N T
A U   L E C T E U R.

Jai oublié de prévenir ſur une choſe que j’aurois dû dire, & peut-être répeter dans pluſieurs endroits de cet Ouvrage ; mais je compte que l’aveu de cet oubli vaudra des répétitions, ſans en avoir l’inconvénient. J’avertis donc qu’il eſt très-important de ſe mettre exactement à la place de la Statue que nous allons obſerver. Il faut commencer d’exiſter avec elle, n’avoir qu’un ſeul ſens, quand elle n’en a qu’un ; n’acquérir que les idées qu’elle acquiert, ne contracter que les habitudes qu’elle contracte : en un mot, il faut n’être que ce qu’elle eſt. Elle ne jugera des choſes comme nous, que quand elle aura tous nos ſens & toute notre expérience ; & nous ne jugerons comme elle, que quand nous nous ſuppoſerons privés de tout ce qui lui manque. Je crois que les Lecteurs, qui ſe mettront exactement à ſa place, n’auront pas de peine à entendre cet Ouvrage ; les autres m’oppoſeront des difficultés ſans nombre.

On ne comprend point encore ce que c’eſt que la Statue que je me propoſe d’obſerver ; & cet avertiſſement paroîtra ſans doute déplacé : mais ce ſera une raiſon de plus pour le remarquer, & pour s’en ſouvenir.

Si je n’ai rien dit de la diviſion de ce Traité, c’eſt parce que cette précaution m’a paru ſuperflue. Un coup d’œil ſur la Table, qui eſt à la fin du Tome II, fera connoître le plan que j’ai ſuivi.