Traité de radioactivité/Tome 2/09
CHAPITRE IX.
NATURE DES RADIATIONS.
99. Procédés d’étude du rayonnement. — Pour étudier le rayonnement émis par les substances radioactives, on peut se servir de l’une quelconque des propriétés de ce rayonnement. On peut donc utiliser la méthode radiographique, la méthode électrique et la méthode fluoroscopique (voir § 23). Les deux premières ont été employées dès le début pour l’étude des rayons uraniques ; la méthode fluoroscopique ne peut s’appliquer qu’aux substances nouvelles, fortement radioactives, car les substances faiblement radioactives, telles que l’uranium et le thorium, ne produisent pas de fluorescence appréciable. La méthode électrique est la seule qui comporte des mesures d’intensité précises ; les deux autres sont surtout propres à donner à ce point de vue des résultats qualitatifs et ne peuvent fournir que des mesures d’intensité grossières. Les résultats obtenus avec les trois méthodes considérées ne sont jamais que très grossièrement comparables entre eux et peuvent ne pas être comparables du tout. La plaque sensible, le gaz qui s’ionise, l’écran fluorescent sont autant de récepteurs auxquels on demande d’absorber l’énergie du rayonnement et de la transformer en un autre mode d’énergie : énergie chimique, énergie ionique ou énergie lumineuse. Chaque récepteur absorbe une fraction du rayonnement qui dépend essentiellement de sa nature et de celle des rayons utilisés.
Enfin, il n’est ni évident, ni même probable, que l’énergie absorbée soit entièrement transformée par le récepteur en la forme que nous désirons observer ; une partie de cette énergie peut se trouver transformée en chaleur, en émission de rayonnements secondaires qui, suivant le cas, seront ou ne seront pas utilisés pour la production du phénomène observé, en action chimique différente de celle que l’on observe, etc., et, là encore, l’effet utile du récepteur, pour le but que nous nous proposons, dépend essentiellement de la nature de ce récepteur et de celle des rayons. C’est ainsi que les rayons sont les plus actifs au point de vue ionisant, tandis que l’effet radiographique de l’uranium et du radium dans les conditions expérimentales ordinaires est dû aux rayons .
Comparons deux échantillons radioactifs dont l’un contient du radium et l’autre du polonium, et qui sont également actifs dans l’appareil à plateaux (fig. 37). Si l’on recouvre chacun d’eux d’une feuille mince d’aluminium, le second paraîtra considérablement moins actif que le premier, et il en sera de même si on les place sous le même écran fluorescent, quand ce dernier est assez épais, ou qu’il est placé à une certaine distance des deux substances radioactives.
100. Énergie du rayonnement. — Quelle que soit la méthode de recherches employée, on trouve toujours que l’énergie du rayonnement des substances radioactives nouvelles est considérablement plus grande que celle de l’uranium et du thorium. C’est ainsi que, à petite distance, une plaque photographique est impressionnée, pour ainsi dire, instantanément, par une très petite quantité de radium, alors qu’une pose de 24 heures est nécessaire quand on opère avec l’uranium et le thorium. Un écran fluorescent est vivement illuminé au contact de très peu de radium, de polonium ou d’actinium, alors qu’aucune trace de luminosité ne se voit avec l’uranium et le thorium. Enfin, l’action ionisante sur l’air est aussi considérablement plus intense, dans le rapport de 106 environ. Mais il n’est pas toujours possible d’évaluer l’intensité totale du rayonnement, comme pour l’uranium, par la méthode électrique décrite au début (fig. 32). En effet, dans le cas de l’uranium, par exemple, le rayonnement est très approximativement absorbé dans la couche d’air qui sépare les plateaux, et le courant limite est atteint pour une tension de 100 volts. Mais il n’en est plus de même pour les substances fortement radioactives. Une partie du rayonnement du radium est constituée par des rayons très pénétrants qui traversent le condensateur et les plateaux métalliques, et ne sont nullement utilisés à ioniser l’air entre les plateaux. De plus, le courant limite ne peut pas toujours être obtenu pour les tensions dont on dispose ; c’est ainsi que, pour le polonium très actif, le courant est encore proportionnel à la tension entre 100 et 500 volts. Le plus souvent les nombres obtenus ne peuvent pas être considérés comme donnant la mesure du rayonnement total et ne constituent, à ce point de vue, qu’une approximation grossière. Il est cependant possible de réaliser, dans certains cas, des conditions expérimentales simples, qui permettent d’évaluer l’intensité totale d’un rayonnement déterminé.
101. Nature complexe du rayonnement. — La nature d’un rayonnement ne peut être précisée par cette considération que ce rayonnement est susceptible de produire des effets photographiques, d’ioniser les gaz et de provoquer la fluorescence. Nous connaissons en effet des radiations diverses qui jouissent des propriétés qui viennent d’être énumérées ; ces propriétés sont communes aux rayons cathodiques, aux rayons positifs des tubes de Crookes, aux rayons Röntgen et aux rayons ultraviolets de très courte longueur d’onde.
Pour établir une distinction entre ces radiations, on peut examiner : leur absorption par la matière, l’action qu’elles subissent dans un champ électrique ou dans un champ magnétique, le transport de charge électrique par la radiation, la valeur du rapport de la charge à la masse pour les radiations de nature corpusculaire transportant des charges électriques, la vitesse de propagation de la radiation. Les procédés d’étude qui ont été utilisés à ces divers points de vue pour les rayons des corps radioactifs ont été, en général, empruntés à la technique établie antérieurement pour l’étude des rayons cathodiques et des rayons Röntgen. Les travaux effectués par divers physiciens : H. Becquerel, MM. Meyer et v. Schweidler, M. Giesel, P. Curie et Mme Curie, M. Villard, M. Rutherford ont montré que le rayonnement des corps radioactifs est très complexe.
Un examen approché suffit d’ailleurs pour révéler de grandes différences dans la nature des radiations émises. Ainsi les rayons du thorium sont, dans leur ensemble, plus pénétrants que ceux de l’uranium. Les rayons du polonium ne se propagent dans l’air qu’à la distance d’environ 4cm, tandis que certains rayons du radium peuvent être étudiés dans l’air à plusieurs mètres de distance de la source. Les rayons du polonium ne peuvent pas traverser une épaisseur d’aluminium égale à 0mm,1, tandis que certains rayons du radium traversent encore une épaisseur de plomb de 20cm.
Des recherches plus approfondies ont mis en évidence ce fait fondamental que le rayonnement des corps radioactifs comprend trois types de rayons qui semblent être les mêmes que ceux qui se produisent dans les tubes de Crookes. Nous distinguerons, suivant la notation de M. Rutherford, les rayons les rayons et les rayons
1o Les rayons sont des rayons très peu pénétrants qui semblent représenter la plus grosse partie de l’énergie du rayonnement. Ces rayons sont caractérisés par les lois suivant lesquelles ils sont absorbés par la matière. Le champ magnétique agit très faiblement sur ces rayons, et on les a considérés tout d’abord comme insensibles à l’action de ce champ. Cependant, dans un champ magnétique intense, les rayons sont légèrement déviés ; la déviation se produit de la même manière que dans le cas des rayons cathodiques, mais le sens de la déviation est renversé ; il est le même que pour les rayons positifs des tubes de Crookes.
2o Les rayons sont des rayons moins absorbables dans leur ensemble que les précédents. Ils sont déviés dans un champ magnétique de la même manière et dans le même sens que les rayons cathodiques.
3o Les rayons sont des rayons pénétrants insensibles à l’action du champ magnétique et comparables aux rayons de Röntgen.
Les rayons d’un même groupe peuvent avoir un pouvoir de pénétration qui varie dans des limites très étendues, comme cela a été prouvé pour les rayons
Imaginons l’expérience suivante : le radium R est placé au fond d’une petite cavité profonde creusée dans un bloc de plomb P (fig. 91). Un faisceau de rayons rectiligne et peu épanoui s’échappe de la cuve. Supposons que, dans la région qui entoure la cuve, on établisse un champ magnétique uniforme, très intense, normal au plan de la figure et dirigé vers l’arrière de ce plan. Les trois groupes de rayons se trouveront séparés. Les rayons peu intenses continuent leur trajet rectiligne sans trace de déviation. Les rayons sont déviés à la façon de rayons cathodiques, et décrivent dans le plan de la figure
des trajectoires circulaires dont le rayon
varie dans des limites étendues. Si la cuve est placée sur une
plaque photographique AC, la portion BC de la plaque qui reçoit
les rayons est impressionnée. Enfin, les rayons forment un
faisceau très intense qui est dévié légèrement et qui est assez rapidement
absorbé par l’air. Ces rayons décrivent, dans le plan de la
figure, une trajectoire dont le rayon de courbure est très grand, le
sens de la déviation étant l’inverse de celui qui a lieu pour les
rayons
Si l’on recouvre la cuve d’un écran d’aluminium d’épaisseur égale à 0mm,1, les rayons seront supprimés, les rayons ne le seront qu’en partie, et les rayons ne sembleront pas absorbés notablement.
L’expérience indiquée n’a pas été réalisée sous cette forme, et l’on verra dans la suite quelles sont les expériences qui montrent l’action du champ magnétique sur les divers groupes de rayons.
Les rayons sont ceux qui produisent au voisinage d’une substance radioactive la plus grande partie de l’effet ionisant. L’effet photographique de l’uranium, du thorium et du radium est dû, au contraire, principalement aux rayons L’action des rayons actuellement connus ne s’étend d’ailleurs, en aucun cas, à une distance supérieure à 9cm à partir de la substance active. Les effets des rayons sont relativement faibles ; ces rayons persistent seuls dans un faisceau qui a traversé une épaisseur de plomb supérieure à quelques millimètres.
102. Propagation rectiligne des rayons, réflexion, polarisation, réfraction, émission. — Les corps radioactifs émettent des rayons qui se propagent dans l’air et dans le vide. La propagation est rectiligne ; ce fait est prouvé par la netteté et la forme des ombres fournies par l’interposition de corps, opaques au rayonnement, entre la source et la plaque sensible ou l’écran fluorescent qui sert de récepteur, la source ayant des dimensions petites par rapport à sa distance au récepteur. Diverses expériences qui prouvent la propagation rectiligne des rayons émis par l’uranium, le radium et le polonium ont été faites par H. Becquerel[1].
Le dispositif comprend une source linéaire étroite, un écran placé en face de la source et percé d’une fente rectangulaire étroite, parallèle à la source, une plaque photographique parallèle à l’écran (fig. 92). L’impression obtenue dans ces conditions présente une région centrale d’intensité maximum et deux régions latérales d’intensité décroissante. Le phénomène est analogue à celui que l’on aurait obtenu en prenant comme source une fente éclairée de même largeur. Quand on opère avec le polonium la distance de la source à la plaque ne doit pas atteindre 4cm dans l’air à la pression atmosphérique, mais peut être plus grande si la pression est réduite. Quand on opère avec le radium, il faut avoir soin d’exclure le contact direct de l’émanation avec la plaque, afin d’éviter la production d’un voile général ; pour cela il faut placer le radium dans une boîte étanche et le faire agir au travers d’une fenêtre très mince en aluminium ou en mica. De toute façon il faut aussi exclure l’action des rayons lumineux qui
peuvent être émis par la substance.
La propagation rectiligne des rayons du polonium a été mise en évidence par H. Becquerel dans l’expérience suivante. Le polonium émettant les rayons était placé dans une cavité linéaire très étroite, creusée dans une feuille de carton. On avait ainsi une source linéaire de rayons. Un fil de cuivre de 1mm,5 de diamètre était placé parallèlement en face de la source à une distance de 4mm,9. Une plaque photographique était placée parallèlement à une distance de 8mm,65 au delà. Après une pose de 10 minutes l’ombre géométrique du fil était reproduite d’une façon parfaite, avec les dimensions prévues et une pénombre très étroite de chaque côté correspondant bien à la largeur de la source. La même expérience réussit également bien en plaçant contre le fil une double feuille d’aluminium battu que les rayons sont obligés de traverser. Il s’agit donc bien de rayons capables de donner des ombres géométriques parfaites. L’expérience avec l’aluminium montre que ces rayons ne sont pas diffusés en traversant la lame, et que cette lame n’émet pas, tout au moins en quantité importante, des rayons secondaires analogues aux rayons secondaires des rayons de Röntgen.
M. Rutherford a fait l’étude de l’influence du champ magnétique sur la propagation des rayons (voir § 129). La propagation rectiligne des rayons dans le vide en l’absence du champ se trouve très nettement établie par ces expériences. Elles confirment aussi l’absence de diffusion notable d’un faisceau lors du passage au travers d’un écran mince.
Les rayons du radium peuvent être observés même dans l’air à plusieurs mètres de distance de la source. Dans certaines mesures effectuées par P. Curie et Mme Curie l’action de la source sur l’air du condensateur s’exerçait à une distance comprise entre 2m et 3m : des effets de fluorescence et des impressions radiographiques étaient obtenus à des distances du même ordre de grandeur. Ces expériences ne peuvent être faites facilement qu’avec des sources radioactives très intenses, parce que, indépendamment de l’absorption exercée par l’air, l’action sur un récepteur donné doit varier en raison inverse du carré de la distance à une source de petites dimensions, si le rayonnement se propage en ligne droite dans toutes les directions. Le rayonnement observé à grande distance du radium comprend des rayons et des rayons mais les premiers dominent de beaucoup.
Voici quelques résultats obtenus avec du radium enfermé dans une petite ampoule de verre[2]. Les rayons qui sortaient de cette ampoule franchissaient un certain espace d’air et étaient reçus dans un condensateur, qui servait à mesurer leur pouvoir ionisant par la méthode électrique ordinaire. On faisait varier la distance de la source au condensateur, et l’on mesurait le courant de saturation obtenu dans le condensateur. Voici les résultats d’une des séries de mesures :
d cm. | i. | ||||
10 | 127 | 13 | |||
20 | 38 | 15 | |||
30 | 17,4 | 16 | |||
40 | 10,5 | 17 | |||
50 | 6,9 | 17 | |||
60 | 4,7 | 17 | |||
70 | 3,8 | 18,5 | |||
100 | 1,65 | 17 |
À partir d’une certaine distance, l’intensité du rayonnement
varie sensiblement en raison inverse du carré de la distance au
condensateur.
Diverses expériences, dues principalement à H. Becquerel, montrent que la propagation des rayons bien que rectiligne, est accompagnée dans l’air à la pression atmosphérique d’une certaine diffusion du faisceau. Dans le vide la propagation rectiligne est réalisée plus parfaitement. On trouvera plus loin des détails relatifs à la reproduction radiographique du trajet des rayons
Les expériences de M. Rutherford et celles faites ensuite par H. Becquerel ont montré que les rayons de l’uranium n’éprouvent ni réflexion régulière, ni réfraction régulière, ni polarisation (§ 34). Des expériences du même genre, faites avec les autres substances radioactives, ont confirmé ces résultats. Les rayons éprouvent, par contre, dans certains cas, une réflexion diffuse sur la face d’entrée et une diffusion à la face de sortie d’une lame qu’ils traversent. Ces phénomènes sont accompagnés de l’émission de rayons secondaires et seront discutés plus loin.
L’émission de rayons par une substance radioactive varie avec la direction, suivant une loi qui dépend de l’épaisseur de la couche active. Quand la couche a une épaisseur appréciable, le rayonnement est plus important pour une direction d’émission normale à la surface active, que pour une direction oblique par rapport à cette surface. Mais la matière active peut aussi être présente sous forme d’un enduit infiniment mince recouvrant une matière inactive ; tel est le cas d’un dépôt de radioactivité induite sur une lame métallique. En ce cas l’émission est la même dans toutes les directions, ainsi que l’on pouvait s’y attendre. Des expériences à ce sujet ont été décrites par M. Rutherford[3]. Un fil activé, disposé normalement au plan du tableau (fig. 93), produit au travers d’une fente qui lui est parallèle, une impression sur une plaque photographique P ; la zone impressionnée présente un minimum d’effet dans la région centrale, et l’effet va en augmentant vers les bords. Ce fait s’explique en remarquant que les régions des bords reçoivent par unité de surface des rayons provenant d’une plus grande partie de la surface du fil que celle utilisée par la région centrale.
Quand un barreau de section carrée est placé parallèlement à un écran fluorescent, ainsi que l’indique la figure 93, on observe de même que l’effet lumineux est plus intense aux points M et N qu’en O. Les régions M et N peuvent, en effet, recevoir les rayons qui proviennent de deux faces du barreau, tandis que la région intermédiaire O reçoit seulement les rayons de l’une des faces.
De même un prisme triangulaire droit qui a été activé et dont
la base est posée sur une plaque photographique, produit sur
celle-ci une impression qui est plus intense en face des arêtes
que dans les régions situées devant les faces (Pl. III, fig. 1).
Les expériences relatives à l’émission de rayons par la matière radioactive sous forte épaisseur donnent des résultats différents. Elles peuvent s’expliquer en admettant que l’émission par un élément de surface suivant une direction donnée, varie comme le cosinus de l’angle que fait cette direction avec la normale à l’élément de surface[4]. Une loi d’émission analogue a été trouvée pour les rayons renvoyés par une plaque qui reçoit un faisceau de rayons du radium normal à sa surface[5], et pour les rayons émis dans les mêmes conditions par la face opposée de la plaque (rayons transmis)[6].
103. Action du champ magnétique sur le rayonnement des corps radioactifs. — On a vu que les rayons émis par les substances radioactives ont un certain nombre de propriétés communes aux rayons cathodiques et aux rayons Röntgen. Aussi bien les rayons cathodiques que les rayons Röntgen ionisent l’air, agissent sur les plaques photographiques, excitent la fluorescence, n’éprouvent par de réflexion régulière. Mais les rayons cathodiques diffèrent des rayons Röntgen en ce qu’ils sont déviés de leur trajet rectiligne par l’action du champ magnétique et en ce qu’ils transportent des charges d’électricité négative.
Le fait que le champ magnétique agit sur les rayons émis par les substances radioactives a été découvert presque simultanément par MM. Giesel, Meyer et von Schweidler et Becquerel[7]. Ces physiciens ont reconnu que les rayons des substances radioactives sont déviés dans un champ magnétique de la même façon et dans le même sens que les rayons cathodiques ; leurs observations se rapportaient aux rayons
P. Curie a montré que le rayonnement du radium comporte deux groupes de rayons bien distincts, dont l’un est facilement dévié par l’action du champ magnétique (rayons ), alors que l’autre semble insensible à l’action de ce champ (rayons et dont l’ensemble était désigné par le nom de rayons non déviables)[8]. Il a montré de plus que le rayonnement facilement dévié est en moyenne beaucoup plus pénétrant que l’ensemble des rayons non déviés dans les mêmes conditions.
C’est sur un échantillon de polonium, préparé par lui, que M. Giesel a observé pour la première fois l’effet du champ magnétique. De tous les échantillons de polonium préparés par moi, aucun n’a jamais donné lieu à une émission de rayons genre cathodique doués de pouvoir ionisant. Il semble certain actuellement que dans le polonium de M. Giesel l’émission de rayons était due à la présence d’une impureté radioactive étrangère au polonium.
H. Becquerel a montré ensuite qu’une partie des rayons de l’uranium est déviée dans un champ magnétique[9]. MM. Rutherford et Grier ont constaté la présence de rayons sensibles à l’action du champ magnétique dans le rayonnement du thorium[10]. M. Debierne a constaté le même fait avec le rayonnement de l’actinium[11].
Voici quels sont les procédés qui permettent d’observer la décomposition du rayonnement en rayons facilement déviés et rayons peu sensibles ou insensibles à l’action du champ :
1o On peut employer la méthode radiographique avec un dispositif dont s’est servi couramment H. Becquerel. La source radiante est constituée par du radium placé au fond d’une petite cuve cylindrique profonde dont s’échappe un faisceau de faible ouverture, comme dans la figure 91. La plaque photographique est orientée de manière à ce que son plan fasse un petit angle avec la direction du faisceau ; le plan de cette plaque se confond sensiblement avec le plan du tableau. Le champ magnétique est normal au plan du tableau et dirigé vers l’arrière de ce plan. Le trajet des rayons est indiqué sur la plaque par la forme des impressions produites. Le rayonnement se trouve partagé en deux faisceaux : un faisceau de rayons dévié pour un champ d’intensité modérée, et un faisceau non dévié dans les mêmes conditions ; ce dernier comprend une partie très absorbable (rayons ), et un faisceau très pénétrant (rayons ). Une épreuve obtenue dans ces conditions est représentée dans la planche III, figure 2. Si l’on recouvre la cuve d’un écran, les rayons sont absorbés par une faible épaisseur de matière, tandis que les rayons persistent en même temps que le faible faisceau de rayons ; quand l’épaisseur de l’écran augmente, les rayons sont absorbés à leur tour et le faisceau reste seul ; ce faisceau constitue donc le résidu du rayonnement après forte absorption, ainsi que l’a montré M. Villard, à qui est due la découverte des rayons [12].
2o On peut aussi mettre en évidence l’action d’un champ magnétique d’intensité modérée au moyen d’une méthode de mesures électriques. Ce procédé a été employé par P. Curie[13] qui établit ainsi, avant l’emploi de la méthode précédemment décrite, que le rayonnement du radium se compose de deux groupes susceptibles d’être séparés par l’action du champ. Voici quel était le dispositif expérimental employé :
Le corps radioactif A (fig. 94) envoie des radiations suivant la direction AD entre les plateaux P et P’. Le plateau P est maintenu au potentiel de 500 volts, le plateau P est relié à un électromètre et à un quartz piézoélectrique. On mesure l’intensité du courant qui passe dans l’air sous l’influence des
radiations. On peut à volonté
établir le champ magnétique d’un électro-aimant normalement
au plan de la figure dans toute la région EEEE. Si
les rayons sont déviés, même faiblement, ils ne pénètrent plus entre
les plateaux, et le courant est supprimé. La région où passent les
rayons est entourée par les masses de plomb B, B’, B″ et par les
armatures de l’électro-aimant ; quand les rayons sont déviés, ils
sont absorbés par les masses de plomb B et B’.
Les résultats obtenus dépendent essentiellement de la distance AD du corps radiant à l’entrée du condensateur en D. Si la distance AD est assez grande (supérieure à 7cm), la plus grande partie (90 pour 100) des rayons du radium qui arrivent au condensateur est déviée et supprimée pour un champ de 2500 unités ; ces rayons sont des rayons Si la distance AD est plus faible que 65mm, une partie moins importante des rayons est déviée par l’action du champ ; cette partie est d’ailleurs déjà complètement déviée par un champ de 2500 unités, et la proportion de rayons supprimés n’augmente pas quand on fait croître le champ de 2500 à 7000 unités.
La proportion des rayons non supprimés par le champ est d’autant plus grande que la distance AD entre le corps radiant et le condensateur est plus petite. Pour les distances faibles, les rayons qui peuvent être déviés facilement ne constituent plus qu’une très faible fraction du rayonnement total. Les rayons pénétrants sont donc, en majeure partie, des rayons déviables genre cathodique (rayons ).
Avec le dispositif expérimental qui vient d’être décrit, l’action du champ magnétique sur les rayons ne pouvait guère être observée pour les champs employés. Le rayonnement très important, en apparence non déviable, observé à petite distance de la source radiante, était constitué par les rayons le rayonnement non déviable observé à grande distance était constitué par les rayons
Voici les résultats numériques obtenus dans ces expériences. On désigne par la distance de la source radiante au condensateur. En supposant égal à 100 le courant obtenu sans champ magnétique pour chaque distance, les nombres de la deuxième ligne indiquent le courant qui subsiste, quand le champ agit. Ces nombres peuvent être considérés comme donnant la proportion de l’ensemble des rayons et et principalement celle des rayons Aux grandes distances on n’a plus de rayons et le rayonnement non dévié est alors du genre seulement.
Expériences faites à petite distance :
en centimètres |
3,4 | 5,1 | 6,0 | 6,5 |
Proportion de rayons non déviés |
74 | 56 | 33 | 11 |
Expériences faites aux grandes distances, avec un produit considérablement plus actif que celui qui avait servi pour la série précédente :
en centimètres |
14 | 30 | 53 | 80 | 98 | 124 | 157 |
Proportion de rayons non déviés |
12 | 14 | 17 | 14 | 16 | 14 | 11 |
On voit qu’à partir d’une certaine distance, la proportion des rayons non déviés dans le rayonnement ne varie guère. Ces rayons appartiennent probablement tous à l’espèce
Lorsqu’on tamise le faisceau au travers d’une lame absorbante (aluminium ou papier), les rayons qui passent sont presque tous déviés par le champ, de telle sorte qu’à l’aide de l’écran et du champ magnétique presque tout le rayonnement est supprimé dans le condensateur, l’effet qui subsiste n’étant alors dû qu’aux rayons dont la proportion est faible. Quant aux rayons ils sont absorbés par l’écran. Une lame d’aluminium de de millimètre d’épaisseur suffit pour supprimer presque tous les rayons difficilement déviables, quand la substance est assez loin du condensateur ; pour des distances plus petites (34mm et 51mm), deux feuilles d’aluminium de cette même épaisseur sont nécessaires pour obtenir ce résultat.
Voici une autre expérience qui montre qu’une lame d’aluminium mince (épaisseur 0mm,01) absorbe principalement les rayons . Le produit étant placé à 5cm du condensateur, on trouve, en faisant agir le champ magnétique, que la proportion des rayons autres que est de 71 pour 100. Le même produit étant recouvert de la lame d’aluminium, et la distance restant la même, on trouve que le rayonnement transmis est presque totalement dévié par l’action du champ, les rayons ayant été absorbés par la lame.
Des mesures semblables ont été faites sur quatre substances radifères (chlorures ou carbonates) d’activités très différentes ; les résultats obtenus ont été très analogues.
On peut remarquer que, pour tous les échantillons, les rayons pénétrants déviables à l’aimant (rayons ) ne sont qu’une faible partie du rayonnement total ; ils n’interviennent que pour une faible part dans les mesures où l’on utilise le rayonnement intégral pour produire la conductibilité de l’air. La plus grosse partie du rayonnement du radium est formée par des rayons qui proviennent surtout de la couche superficielle de la matière radiante.
Quand on fait varier l’épaisseur de la couche de la matière radiante, l’intensité du courant augmente avec cette épaisseur ; l’augmentation n’est pas proportionnelle à l’accroissement d’épaisseur pour la totalité du rayonnement ; elle est d’ailleurs plus notable pour les rayons que pour les rayons de sorte que la proportion de rayons va en croissant avec l’épaisseur de la couche active. En voici un exemple : la source radiante étant placée à une distance de 5cm du condensateur, on trouve que, pour une épaisseur égale à 0mm,4 de la couche active, le rayonnement total est donné par le nombre 28, et la proportion de rayons est de 29 pour 100. En donnant à la couche active l’épaisseur de 2mm soit 5 fois plus grande, on obtient un rayonnement total égal à 102 et une proportion de rayons déviables égale à 45 pour 100. Le rayonnement total qui subsiste à cette distance a donc été augmenté dans le rapport 3,6 et le rayonnement déviable est devenu environ 5 fois plus intense.
On peut étudier la radiation émise par le polonium par la même méthode. Quand on fait varier la distance AD du polonium au condensateur, on n’observe d’abord aucun courant tant que la distance est assez grande ; quand on rapproche le polonium, on observe que, pour une distance d’environ 4cm, le rayonnement se fait très brusquement sentir avec une assez grande intensité ; le courant augmente ensuite régulièrement si l’on continue à rapprocher le polonium, mais le champ magnétique ne produit pas d’effet appréciable dans ces conditions. Il semble que le rayonnement du polonium soit limité dans l’espace et dépasse à peine dans l’air une sorte de gaine entourant la substance sur l’épaisseur de quelques centimètres. Les rayons du polonium sont des rayons du genre Ces rayons ne sont pas insensibles à l’action du champ magnétique, toutefois le dispositif qui vient d’être décrit était tel, qu’une faible déviation passait inaperçue.
Un dispositif analogue a été employé par M. Rutherford pour déceler les rayons déviables de l’uranium et du thorium ; cependant une sensibilité plus grande était nécessaire, parce que l’intensité des rayons est très faible, surtout avec le thorium.
3o On peut enfin constater l’effet du champ magnétique sur le rayonnement par la méthode fluoroscopique, ainsi que l’ont fait MM. Meyer et v. Schweidler dans leurs premières expériences à ce sujet. Voici un dispositif qui convient pour une expérience de ce genre. Le radium est placé au fond d’un petit tube de plomb, posé sur un écran fluorescent qui se trouve placé entre les pôles d’un électro-aimant ; le champ magnétique est perpendiculaire à la direction des rayons. Les rayons qui sortent du tube ne frappent pas l’écran en l’absence du champ. Quand le champ est établi, les rayons sont recourbés et rabattus sur l’écran, et l’on aperçoit sur celui-ci une zone lumineuse qui commence à une certaine distance du tube et s’étend sur une certaine largeur en se dégradant. Lors du renversement du champ, la luminosité apparaît de l’autre côté de la source.
104. Pouvoir pénétrant du rayonnement des corps radioactifs. — Dès le début des recherches sur les corps radioactifs, on s’est préoccupé de l’absorption produite par divers écrans sur les rayons émis par ces substances. Ces études ont contribué à établir la nature complexe du rayonnement, indépendamment de la méthode basée sur l’emploi du champ magnétique. C’est ainsi que, dans mon premier travail sur les rayons du thorium, j’ai déjà indiqué la pénétration relative des rayons uraniques et des rayons thoriques[14]. M. Rutherford a étudié plus spécialement la radiation uranique[15] et a prouvé qu’elle est hétérogène et se compose de deux types de rayons. M. Owens a conclu de même pour les rayons thoriques[16]. Quand vint ensuite la découverte des substances fortement radioactives, le pouvoir pénétrant de leurs rayons fut aussitôt étudié par divers physiciens (Becquerel, Meyer et von Schweidler, Curie, Rutherford). Les premières observations mirent en évidence l’hétérogénéité du rayonnement qui semblait être un phénomène général et commun aux substances radioactives[17] ; on se trouvait là en présence de sources qui émettent un ensemble de radiations, dont chacune a un pouvoir pénétrant qui lui est propre. La question se complique encore par ce fait, qu’il y a lieu de rechercher en quelle mesure la nature de la radiation peut se trouver modifiée par le passage au travers de la matière.
Le pouvoir pénétrant de chaque groupe de rayons sera examiné séparément dans la suite de ce Chapitre. On peut cependant indiquer quelques résultats approchés qui donnent une idée de l’absorption relative de l’ensemble des rayons pour différentes substances radioactives. Ces résultats n’ont pas de signification simple, mais ils peuvent avoir une utilité pratique.
Si l’on considère l’absorption des radiations par les écrans solides, on constate une différence fondamentale entre le radium et le polonium. Le radium émet des rayons capables de traverser une grande épaisseur de matière solide, par exemple 20 centimètres de plomb ou de verre. Les rayons qui ont traversé une grande épaisseur d’un corps solide sont extrêmement pénétrants, et, pratiquement, on n’arrive plus, pour ainsi dire, à les faire absorber intégralement par quoi que ce soit. Mais ces rayons ne constituent qu’une faible fraction du rayonnement total, dont la grosse masse est, au contraire, absorbée par une faible épaisseur de matière solide.
Le polonium émet des rayons extrêmement absorbables qui ne peuvent traverser que des écrans solides très minces.
Voici, à titre d’exemple, quelques nombres relatifs à l’absorption produite par une lame d’aluminium d’épaisseur égale à 0mm,01. Cette lame était placée au-dessus et presque au contact de la substance. Le rayonnement direct et celui transmis par la lame étaient mesurés par la méthode électrique (fig. 32) ; le courant de saturation était sensiblement atteint dans tous les cas. On a désigné par l’activité de la substance radiante, celle de l’uranium étant prise comme unité.
Fraction du rayonnement transmise par la lame. | |||
Chlorure de baryum radifère 57 |
0,32 | ||
Bromure » 43 |
0,30 | ||
Chlorure » 1200 |
0,30 | ||
Sulfate » 5000 |
0,29 | ||
Sulfate » 10000 |
0,32 | ||
Bismuth à polonium métallique |
0,22 | ||
Composés d’urane |
0,20 | ||
Composés de thorium en couche mince |
0,38 |
On voit que des composés radifères de nature et d’activité différentes donnent des résultats très analogues, ainsi que je l’ai indiqué déjà pour les composés d’urane et de thorium (Chap. III). On voit aussi que, si l’on considère toute la masse du rayonnement, et pour la lame absorbante considérée, les diverses substances radiantes viennent se ranger dans l’ordre suivant de pénétration décroissante de leurs rayons : thorium, radium, polonium, uranium.
Ces résultats sont analogues à ceux qui ont été publiés par M. Rutherford dans un Mémoire relatif à cette question[18]. M. Rutherford a remarqué, d’ailleurs, que l’ordre est le même quand la substance absorbante est constituée par l’air. Mais il est probable que cet ordre n’a rien d’absolu et ne se maintiendrait pas indépendamment de la nature et de l’épaisseur de l’écran considéré. L’expérience montre, en effet, que la loi d’absorption est très différente pour le polonium et le radium, et que, pour ce dernier, il y a lieu de considérer séparément l’absorption des rayons de chacun des trois groupes.
Les expériences relatives à l’absorption des trois groupes principaux de rayons : rayons rayons et rayons par la matière traversée, montrent qu’il existe des différences caractéristiques dans la manière dont chaque groupe se comporte à ce point de vue. Ces différences sont suffisantes pour qu’un rayonnement puisse dans bien des cas être caractérisé comme étant de l’espèce ou , sur la base d’expériences d’absorption uniquement.
105. Définition du rayonnement . — Il résultait des expériences décrites précédemment que le rayonnement des corps radioactifs est en partie dévié dans un champ magnétique, et que la déviation se fait comme pour les rayons cathodiques. Dans le rayonnement du radium, les rayons facilement déviés constituent la partie la plus importante des rayons pénétrants, l’intensité étant évaluée par le pouvoir ionisant des rayons. D’autre part, en examinant la radiation uranique, M. Rutherford avait trouvé que celle-ci se composait de deux groupes de rayons de pouvoirs pénétrants très différents, et il avait donné le nom de rayons aux rayons absorbables, celui de rayons aux rayons pénétrants ; des expériences ultérieures ont montré que ces derniers comprenaient principalement des rayons facilement déviés par l’action d’un champ magnétique. La notation rayons a été dès lors généralisée et appliquée aux rayons facilement déviés émis par les substances radioactives ; l’analogie complète de ces rayons avec les rayons cathodiques a été démontrée par l’ensemble des expériences faites à ce sujet et dont la description va suivre.
106. Complexité du rayonnement — Action du champ magnétique. — H. Becquerel a étudié l’action du champ magnétique sur les rayons du radium par la méthode radiographique[19]. Le dispositif expérimental employé était celui de la figure 91. Le radium était placé dans la cuve en plomb P, et cette cuve était posée sur la face sensible d’une plaque photographique AC enveloppée de papier noir ; le tout était placé entre les pôles d’un électro-aimant, le champ magnétique étant normal au plan de la figure. Si le champ est dirigé vers l’arrière de ce plan, la partie BC de la plaque se trouve impressionnée par des rayons qui, ayant décrit des trajectoires curvilignes, sont rabattus sur la plaque et viennent la couper. Ces rayons sont de l’espèce ils se comportent dans un champ magnétique comme des rayons cathodiques.
Si la cuve est placée au bord d’une plaque dont la couche
sensible est tournée vers le bas, les rayons peuvent décrire une
trajectoire presque fermée et venir impressionner la plaque au-dessous
de la source (fig. 95).
L’analogie ainsi révélée entre les rayons cathodiques et les rayons conduit à considérer ces derniers comme des particules chargées négativement et projetées par la substance radioactive avec une très grande vitesse. Quand une telle particule est émise normalement à la direction d’un champ magnétique uniforme, elle doit décrire, dans un plan normal au champ et passant par sa vitesse initiale, une trajectoire circulaire de rayon tel qu’on ait la relation
étant la masse de la particule, sa charge électrique, sa vitesse
initiale et la valeur du champ (voir § 15). Si l’on ne considère
que les rayons normaux à la plaque, ces rayons doivent donc
décrire dans le plan de la figure des cercles qui coupent la plaque
à angle droit.
H. Becquerel a montré que l’impression est constituée par une large bande diffuse, véritable spectre continu, montrant que le faisceau de rayons déviables émis par la source se compose de radiations inégalement déviables. Si l’on recouvre la gélatine de la plaque de divers écrans absorbants (papier, verre, métaux), une portion du spectre se trouve supprimée, et l’on constate que les rayons les plus déviés par le champ magnétique, autrement dit, ceux qui donnent la plus petite valeur du rayon de la trajectoire circulaire, sont le plus fortement absorbés. Pour chaque écran l’impression sur la plaque ne commence qu’à une certaine distance de la source radiante, cette distance étant d’autant plus grande que l’écran est plus absorbant. La figure 3 (PL III) représente une photographie obtenue avec des écrans de papier, d’aluminium et de platine posés sur la plaque. On obtient des résultats analogues en recouvrant la cuve d’écrans d’épaisseur variable. Ces expériences montrent clairement que les rayons les plus pénétrants sont ceux qui sont le moins déviés par le champ, et dont la trajectoire a le plus grand rayon de courbure. Ces rayons, d’après la théorie, sont ceux dont la vitesse est la plus grande.
On peut déterminer approximativement, pour un écran donné, la limite de l’impression du côté de la source. Cette limite correspond aux rayons les plus absorbables parmi tous ceux qui peuvent traverser l’écran considéré. La distance de la limite de l’impression à la source représente pour ces rayons le double du rayon de courbure. Voici les nombres obtenus par H. Becquerel pour le rayonnement du radium et pour divers écrans :
en millimètres. |
Valeur limite inférieure du produit pour les rayons transmis. | |||
Papier noir |
0,065 | 780 | ||
Aluminium |
0,010 | 430 | ||
» |
0,100 | 1190 | ||
» |
0,200 | 1750 | ||
Mica |
0,025 | 640 | ||
Verre |
0,155 | 1330 | ||
Platine |
0,030 | 1540 | ||
Cuivre |
0,085 | 2055 | ||
Plomb |
0,130 | 3080 |
Les nombres ainsi déterminés ne sont qu’approchés, car il n’est guère possible, avec le dispositif employé, d’éviter la présence de rayons obliques. Cependant on peut constater que le faisceau de rayons émis par le radium comprend des rayons pour lesquels le produit varie dans de larges limites.
Si l’on tient compte des rayons obliques, on peut démontrer que tous les rayons qui sont émis dans diverses directions, dans un même plan passant par le champ, viennent couper la plaque suivant un arc d’ellipse qui admet la direction du champ comme grand axe et la source comme centre. La plus extérieure de ces ellipses est celle qui correspond aux rayons émis dans un plan normal à la plaque et passant par le champ ; elle a pour demi-axes suivant la direction du champ, et suivant la direction perpendiculaire. Le demi-axe de l’ellipse extérieure normal au champ peut donc en ce cas donner une valeur approchée du rayon de courbure de la trajectoire des rayons émis normalement à la direction du champ.
Pour séparer les différents rayons du radium, H. Becquerel employait le dispositif suivant[20] : la matière active est placée dans une rainure étroite et profonde creusée dans un petit bloc de plomb (fig. 96) ; on obtient ainsi une source linéaire de quelques millimètres de longueur, que l’on place horizontalement et parallèlement au champ. Une plaque photographique verticale et normale au champ est placée au-dessus de la source. Contre la plaque photographique on dispose, en contact avec celle-ci, un premier écran formé par la surface latérale d’un cylindre circulaire droit. Cet écran est percé d’une série de fentes parallèles aux
génératrices du cylindre, et dont l’une est en face de la source. Un deuxième
écran, formé de la même manière mais de rayon plus petit, est disposé
intérieurement au premier et également appliqué sur la plaque.
La source S et deux fentes A et B définissent une surface cylindrique
sur laquelle s’enroulent toutes les trajectoires des rayons,
qui passent par les fentes et viennent atteindre la plaque sur le
contour de la circonférence de base de cette surface. La source
et les fentes étant de petite longueur, les rayons de courbure
des trajectoires considérées diffèrent très peu du rayon de la circonférence
de base, qui serait la trajectoire d’un rayon passant par
les fentes dans un plan normal au champ. Tout se passe donc
comme si la trajectoire d’un tel rayon se trouvait reproduite
sur la plaque. Par ce procédé, des rayons simples se trouvent
isolés au delà du deuxième écran ; ces rayons ont des trajectoires de courbure différente, correspondant à diverses combinaisons
des fentes deux à deux.
Ce dispositif a été utilisé pour étudier le passage des rayons au travers de la matière. On peut, par exemple, entourer d’une lame métallique l’écran extérieur. L’appareil est représenté dans la planche IV, figure 1.
La figure 2 (Pl. IV) représente une photographie obtenue par ce procédé. On y constate une forte impression générale produite sur la plaque en dedans du premier écran par les rayons émis dans toutes les directions ; au delà du premier écran on aperçoit des faisceaux sortant par la première série d’ouvertures et comparables à des spectres ; au delà du second écran apparaissent les rayons simples qui sortent par la deuxième série d’ouvertures, et dont les trajectoires circulaires peuvent facilement être prolongées de manière à passer par l’une des fentes de la première série et par la source. La trace du faisceau direct est due aux rayons
107. Charge des rayons du radium. — Les rayons cathodiques sont, comme l’a montré M. Perrin, chargés d’électricité négative[21]. De plus ils peuvent, d’après les expériences de M. Perrin et de M. Lenard[22], transporter leurs charges au travers d’enveloppes métalliques réunies à la terre, et au travers de lames isolantes. En tout point où les rayons cathodiques sont absorbés, se fait un dégagement continu d’électricité négative. Nous avons constaté, P. Curie et moi, qu’il en est de même pour les rayons du radium. Les rayons du radium sont chargés d’électricité négative[23].
Étalons la substance radioactive sur l’un des plateaux d’un condensateur, ce plateau étant relié métalliquement à la terre ; le second plateau est relié à un électromètre, il reçoit et absorbe les rayons émis par la substance. Si les rayons sont chargés, on doit observer une arrivée continue d’électricité à l’électromètre. Cette expérience, réalisée dans l’air, n’a pas permis de déceler une charge des rayons, mais l’expérience ainsi faite n’est pas sensible. L’air entre les plateaux étant rendu conducteur par les rayons, l’électromètre n’est plus isolé et ne peut accuser que des charges assez fortes.
Pour que les rayons ne puissent apporter de trouble dans l’expérience, on peut les supprimer en recouvrant la source radiante d’un écran métallique mince ; le résultat de l’expérience n’est pas modifié[24].
Nous avons sans plus de succès répété cette expérience dans l’air en faisant pénétrer les rayons dans l’intérieur d’un cylindre de Faraday en relation avec l’électromètre[25].
On pouvait déjà se rendre compte, d’après les expériences qui précèdent, que la charge des rayons du produit radiant employé était faible par rapport aux charges libérées dans le gaz par l’action ionisante des rayons.
Pour constater un faible dégagement d’électricité sur le conducteur qui absorbe les rayons, il faut que ce conducteur soit bien isolé électriquement ; pour obtenir ce résultat, il est nécessaire de le mettre à l’abri de l’air, soit en le
plaçant dans un tube avec un
vide très parfait, soit en l’entourant d’un bon diélectrique solide.
C’est ce dernier dispositif qui a été employé.
Un disque conducteur MM (fig. 97) est relié par la tige métallique à l’électromètre ; disque et tige sont complètement entourés de matière isolante iiii ; le tout est recouvert d’une enveloppe métallique EEEE qui est en communication électrique avec la terre. Sur l’une des faces du disque, l’isolant pp et l’enveloppe métallique sont très minces ; c’est cette face qui est exposée au rayonnement du sel de baryum radifère R, placé à l’extérieur dans une auge en plomb. L’enveloppe isolante doit être parfaitement continue. Toute fissure remplie d’air, allant du conducteur intérieur jusqu’à l’enveloppe métallique, est une cause de courant dû aux forces électromotrices de contact utilisant la conductibilité de l’air sous l’action du radium. Les rayons émis par le radium traversent l’enveloppe métallique et la lame isolante pp, et sont absorbés par le disque métallique MM. Celui-ci est alors le siège d’un dégagement continu et constant d’électricité négative que l’on constate à l’électromètre et que l’on mesure à l’aide du quartz piézoélectrique.
Le courant ainsi créé est très faible. Avec du chlorure de baryum radifère très actif formant une couche de 2cm2,5 de surface et de 0cm,2 d’épaisseur, on obtient un courant de l’ordre de grandeur de 10-11 ampère, les rayons utilisés ayant traversé, avant d’être absorbés par le disque MM, une épaisseur d’aluminium de 0mm,01 et une épaisseur d’ébonite de 0mm,3.
On utilisait successivement du plomb, du cuivre et du zinc pour le disque MM, de l’ébonite et de la paraffine pour l’isolant ; les résultats obtenus ont été les mêmes.
Le courant diminue quand on éloigne la source radiante R, ou quand on emploie un produit moins actif.
On obtient des résultats analogues en remplaçant le disque MM par un cylindre de Faraday rempli d’air, mais enveloppé extérieurement par une matière isolante. L’ouverture du cylindre, fermée par la plaque isolante mince pp, se trouve alors en face de la source radiante.
Enfin, on peut faire l’expérience inverse, qui consiste à placer l’auge de plomb avec le radium au milieu de la matière isolante et en relation avec l’électromètre (fig. 98), le tout étant enveloppé par l’enceinte métallique reliée à la terre. Dans ces conditions, on observe à l’électromètre que le radium prend une charge positive et égale en grandeur à la charge négative de la première expérience. Les rayons du radium traversent la plaque diélectrique mince pp et quittent le conducteur intérieur en emportant de l’électricité négative.
Les rayons du radium n’interviennent pas dans ces expériences, étant absorbés presque totalement par une épaisseur très faible de matière.
La méthode qui vient d’être décrite ne convient
pas non plus pour l’étude de la charge des rayons du polonium,
ces rayons étant également très peu pénétrants. L’expérience
faite avec le polonium n’a permis d’observer aucun indice de
charge ; mais, pour la raison qui précède, on ne pouvait tirer de
cette expérience aucune conclusion.
Ainsi, dans le cas des rayons déviables du radium, comme dans le cas des rayons cathodiques, les rayons transportent de l’électricité. On est donc amené à se servir, dans l’étude de l’émission des rayons déviables du radium, de la même théorie que celle actuellement en usage pour l’étude des rayons cathodiques, et concevoir que le radium envoie dans l’espace des particules chargées négativement.
Un échantillon de radium, enfermé dans une enveloppe solide, mince, ne laissant pas passer les rayons et parfaitement isolante, doit se charger spontanément à un potentiel très élevé, jusqu’à ce que la différence de potentiel avec les conducteurs environnants devienne suffisante pour empêcher l’éloignement des particules électrisées émises et amener leur retour à la source radiante. Mais la décharge disruptive pourra se produire auparavant. De plus, l’isolement n’étant jamais parfait, l’équilibre s’établit quand la vitesse de décharge arrive à compenser la vitesse de charge.
P. Curie a réalisé par hasard l’expérience suivante : un échantillon de radium très actif était enfermé depuis longtemps dans une ampoule de verre. Pour ouvrir l’ampoule, P. Curie a fait un trait sur le verre. À ce moment il entendit nettement le bruit d’une étincelle et, en observant ensuite l’ampoule à la loupe, il aperçut que le verre avait été perforé par une étincelle à l’endroit où il s’était trouvé aminci par le trait. Le phénomène qui s’est produit là est exactement comparable à la rupture du verre d’une bouteille de Leyde trop chargée[26]. Le même phénomène s’est reproduit avec une autre ampoule. De plus, au moment où l’étincelle a éclaté, P. Curie, qui tenait l’ampoule, ressentit dans les doigts la secousse électrique due à la décharge. Des observations analogues ont été publiées ensuite par d’autres observateurs [27].
Certains verres ont de bonnes propriétés isolantes. Si l’on enferme le radium dans une ampoule de verre scellée et bien isolante, on peut s’attendre à ce que cette ampoule à un moment donné se perce spontanément.
Nous voyons dans le radium le premier exemple d’un corps qui se charge spontanément d’électricité quand il est placé dans des conditions déterminées.
Le dispositif suivant dû à M. Strutt[28] permet de constater l’émission d’électricité par le radium au moyen de rayons pénétrants. L’appareil est une ampoule de verre (fig. 99, I) dans laquelle est soudée une tige isolante en quartz qui porte une ampoule de verre mince contenant le radium. Une paire de feuilles d’or, formant électroscope, est fixée à l’ampoule et communique avec le radium. Un très bon vide est fait dans l’ampoule. Par suite de l’émission de rayons celle-ci se charge positivement, et l’isolement étant bon, la charge est accusée par l’électroscope dont la feuille dévie et vient se décharger sur un bouton relié au sol. L’apport de charge étant continu, la feuille exécute un mouvement de va-et-vient continu. On peut aussi réaliser cette expérience en donnant à l’appareil la forme II. Le radium est introduit dans un tube soudé dans l’ampoule ; les rayons traversent le tube, pénètrent dans l’ampoule et viennent charger le cylindre isolé par lequel ils sont absorbés. Quand on veut arrêter l’expérience, on retire le radium et l’on évite ainsi la rupture prématurée de la feuille mobile ; par contre l’appareil est moins sensible, parce que les rayons sont en partie absorbés par le verre de l’ampoule. Dans tous les cas, il est bon de munir l’ampoule sur
sa surface intérieure d’une toile métallique reliée au sol, destinée à
assurer la protection électrostatique et à neutraliser l’effet de la
charge des rayons absorbée par le verre.
On a pu ainsi mettre en évidence la charge acquise par 0g,5 de sel de baryum radifère d’activité 100 fois seulement plus grande que celle de l’uranium. La divergence complète des feuilles était atteinte en 20 heures. Avec 0g,1 de sel de radium pur, l’écart maximum peut être obtenu en une fraction de minute.
Abstraction faite de la solidité de la feuille, cette expérience constituerait le premier exemple de mouvement perpétuel, si la radioactivité du radium était considérée comme constante. Mais, comme le radium éprouve selon toute probabilité une destruction très lente, le mouvement doit en réalité devenir de plus en plus lent et s’éteindre progressivement.
Dans tout ce qui précède il a été question de la charge acquise par le radium par suite de l’émission de rayons seulement. Nous verrons que ce n’est pas là le seul mode d’émission d’électricité par le radium. En plus de la charge négative émise avec les rayons le radium donne lieu à une émission d’électricité positive par les rayons et à une émission de charges négatives incapables de traverser une enveloppe solide, même très mince. La charge totale que le radium pourrait acquérir en un temps donné s’il n’était entouré par aucune enveloppe solide et s’il était parfaitement isolé, dépend de l’importance relative des charges positive et négative émises dans des conditions déterminées.
Un premier essai de détermination en valeur absolue de la charge transportée en un temps donné par les rayons du radium a été fait par M. Wien[29] avec 4mg de bromure de radium. Ce sel était placé dans un creuset de platine fermé, suspendu par un fil isolant à l’intérieur d’une ampoule de verre, dans laquelle on avait fait un très bon vide. Le creuset de platine pouvait être mis en communication avec une électrode scellée dans le verre et réunie à un électromètre. Dans un bon vide le creuset atteignait un potentiel de 100 volts, et le courant de charge négative qui s’en échappait correspondait à 2,9.10-12 ampère. En admettant que chaque particule transporte la charge élémentaire (10-20 unité électromagnétique environ), ce courant correspond à une émission de 1010 particules environ par gramme de radium et par seconde. Mais on n’avait ainsi qu’une limite inférieure pour ce nombre, parce qu’une partie des particules était absorbée par le platine et par le sel de radium lui-même.
M. Rutherford a effectué l’expérience de la manière suivante[30] : une tige de plomb de 4cm de longueur et de 4mm de diamètre était fortement activée par l’émanation du radium, le temps d’activation étant suffisant pour que le régime de la radioactivité induite fût atteint. Quand l’exposition était finie, l’activité de la tige était immédiatement comparée à celle d’une petite ampoule de verre, contenant une quantité connue de bromure de radium pur en équilibre radioactif ; la comparaison des deux sources était faite avec l’emploi d’un même écran absorbant, et seuls les rayons pénétrants étaient utilisés pour la mesure. Ces rayons dans le rayonnement du radium ne proviennent que de la radioactivité induite en équilibre avec le sel ; on peut donc se rendre compte à quelle quantité de radium pur correspond à l’état d’équilibre la radioactivité induite présente sur la tige. La tige est alors enveloppée d’une feuille d’aluminium ayant une épaisseur de 0mm,053 juste suffisante pour arrêter les rayons du radium ; puis elle est installée comme électrode intérieure dans un vase cylindrique dans lequel on fait rapidement un très bon vide. L’électrode étant réunie à l’électromètre, on mesure à intervalles de temps déterminés le courant qui est obtenu quand un champ électrique est établi entre le vase et l’électrode dans les deux sens alternativement. Soient le courant dû à l’ionisation du gaz qui reste dans l’appareil, le nombre des particules émises par l’électrode en une seconde et la charge d’une particule. Soient le courant observé quand le champ est dirigé vers l’électrode ; le courant observé quand le champ a le sens contraire. On aura
d’où
L’activité de la tige décroît pendant l’expérience. La loi de cette décroissance étant connue, il est facile d’en tenir compte et de rapporter la valeur de la charge à l’activité initiale. On doit aussi remarquer que la charge totale émise par l’électrode est parce que la moitié des rayons est émise vers la tige et absorbée par elle. En adoptant pour la valeur 4,7.10-10 unité E. S., on déduit de la valeur de la charge que le nombre des particules émises par seconde par le dépôt actif qui est en équilibre avec un gramme de radium est égal à 5,3.1010.
L’expérience est sujette à certaines causes d’erreur. En effet les rayons et qui s’échappent de l’électrode peuvent produire des rayons secondaires en frappant la tige de plomb qui porte le dépôt actif. Parmi ces rayons secondaires il y en a qui portent une charge négative ; l’émission de charges négatives par l’électrode se trouve donc ainsi augmentée. Des rayons secondaires sont aussi émis par la surface interne du vase, mais comme peu d’entre eux peuvent atteindre l’électrode dont la surface est petite, leur effet n’est pas important. Enfin il faut tenir compte de ce fait qu’un certain nombre de particules sont absorbées par la feuille d’aluminium mince qui enveloppe la tige.
Pour diminuer la cause d’erreur due aux rayons secondaires, M. Makower[31] a disposé l’expérience ainsi qu’il suit. La source de rayons est un tube de verre mince qui contient de l’émanation du radium et qui est enveloppé d’une feuille très mince d’aluminium. Ce tube sert d’électrode, il est réuni à une batterie de 20 éléments et placé suivant l’axe d’un cylindre en laiton, isolé et relié à l’électromètre ; le tout est enfermé dans un vase de verre argenté intérieurement dont la surface conductrice est reliée au sol et dont la fermeture est étanche. L’activité du tube à émanation est comparée à celle d’une ampoule fermée contenant du radium, au moyen de l’émission de rayons pénétrants. Si le radium dans l’ampoule est en équilibre avec l’émanation et le dépôt actif, et si l’émanation dans le tube est en équilibre avec le dépôt actif, le rayonnement pénétrant mesuré dans les deux cas, dans les mêmes conditions, est proportionnel à la quantité d’émanation et correspond par suite à une quantité de radium en équilibre avec cette même quantité d’émanation. Le nombre des particules obtenues par gramme de radium et par seconde a été 3,68.1010 et 3,41.1010 dans deux expériences consécutives avec un tube de verre dont la paroi avait 0mm,078 d’épaisseur, et en admettant pour la charge élémentaire le nombre 4,7.10-10 unité électrostatique. Dans ces expériences l’émission de rayons secondaires est considérée comme n’ayant pas d’influence appréciable sur le résultat, parce que le tube de verre est trop mince pour en émettre notablement, et parce que, parmi ceux qui sont émis par le cylindre de laiton, une petite fraction seulement peut se trouver absorbée par le tube servant d’électrode. Mais une correction importante est nécessitée par ce fait que les particules sont en partie absorbées par le verre du tube ; on sait, en effet, que le rayonnement du dépôt actif comprend des rayons très absorbables, qui sont arrêtés par une faible épaisseur de matière. En se basant sur des expériences d’absorption, M. Makower a évalué à environ 1011 le nombre des particules émises en une seconde par le dépôt actif en équilibre avec 1g de radium.
Ce nombre n’est relatif qu’aux rayons proprement dits, c’est-à-dire aux particules chargées négativement, et ayant une vitesse suffisante pour ioniser le gaz. Nous verrons que les corps radioactifs, et en particulier le radium, donnent aussi lieu à une émission de charges négatives, portées par des particules dont la vitesse est insuffisante pour qu’elles puissent se comporter comme des rayons ionisants. Ces particules, nommées quelquefois rayons n’interviennent pas dans les expériences dont il vient d’être question, parce qu’elles ne peuvent traverser ni le verre ni l’aluminium, même sous très faible épaisseur. Cependant la charge émise sous cette forme par unité de temps est très importante (voir § 184).
108. Action du champ électrique sur les rayons — L’action du champ électrique sur les rayons pouvait être prévue d’après les expériences précédemment décrites. Les rayons déviables du radium, étant assimilés à des rayons cathodiques, doivent être déviés par l’action d’un champ électrique de la même façon que ces derniers, c’est-à-dire comme le serait une particule matérielle chargée négativement et lancée dans l’espace avec une grande vitesse. L’existence de cette déviation a été montrée, d’une part, par M. Dorn[32], d’autre part, par H. Becquerel[33].
L’expérience réalisée par H. Becquerel est en principe celle qui a été décrite dans le § 15. Deux plateaux rectangulaires verticaux, de 3cm,45 de hauteur, étaient placés parallèlement à une distance de 1cm l’un de l’autre ; l’un des plateaux était réuni au sol et l’autre était chargé au moyen d’une machine électrique (fig. 100). La matière active se trouvait dans une cuve linéaire parallèle aux plateaux et placée dessous eux, de telle manière que la partie moyenne du faisceau coïncidât avec
un plan parallèle
aux plateaux et situé à égale distance de ceux-ci. Une plaque photographique
horizontale enveloppée de papier noir était fixée en
dehors du champ à 1cm,2 au-dessus des plateaux. Le faisceau
large et diffus des rayons émis éprouvait dans le champ électrique
une déviation difficile à mesurer. On a disposé alors, exactement
au-dessus de la source linéaire, un écran plat très mince en mica,
très bien isolé. Cet écran qui dépassait les limites du champ et
s’approchait très près de la plaque photographique, à laquelle il
était normal, donnait sur celle-ci une ombre rectiligne très étroite
quand le faisceau n’était pas dévié. Au contraire, quand le champ
était établi, une partie du faisceau était arrêtée par l’écran, et
celui-ci projetait sur la plaque une ombre dont la direction indiquait
le sens de la déviation ; la limite de cette ombre correspondait
à la déviation de ceux des rayons les moins déviés par le
champ électrique qui donnent encore une impression au travers
du papier noir. Soit cette déviation, la longueur du champ, son
intensité, la charge d’une particule, sa masse, sa vitesse et
la distance de la plaque à la source ; on a la relation (§ 15) :
Cette relation n’est pas ici réalisée très exactement, parce que la direction initiale du rayon est mal définie, et que le champ n’est pas très uniforme. Elle permet toutefois d’obtenir une valeur approchée de et par suite du produit les dimensions de l’appareil et l’intensité du champ électrique étant connues.
109. Rapport de la charge à la masse pour une particule chargée négativement émise par le radium. — L’étude de l’action d’un champ magnétique uniforme sur les rayons peut fournir la valeur du rayon de courbure de la trajectoire d’un rayon émis normalement au champ, et par suite la valeur du produit relatif à ces rayons. L’étude de l’action du champ électrique sur les mêmes rayons peut, ainsi que nous venons de le voir, fournir la valeur du produit Connaissant et nous pouvons calculer les valeurs de et de ainsi qu’on l’avait fait auparavant pour les rayons cathodiques.
Les mesures de H. Becquerel ont permis d’obtenir une première valeur approchée du rapport et de la vitesse pour les rayons du radium. La difficulté principale provenait de l’hétérogénéité du faisceau et de l’incertitude relative à la correspondance de la déviation magnétique et de la déviation électrique. Becquerel estima que pour les rayons dont il avait mesuré la déviation électrique, le produit devait avoir la valeur 1600 environ. On trouve en ce cas
Ce résultat complète la série des expériences qui ont établi l’analogie des rayons avec les rayons cathodiques, et nous pouvons d’après cela considérer définitivement les rayons comme des électrons libres en mouvement. Les rayons sont cependant des rayons genre cathodique d’une vitesse particulièrement grande. On sait, en effet, que les rayons cathodiques des tubes de Crookes ont des vitesses comprises entre 109 et 1010 La vitesse des rayons du radium est plus élevée, et nous verrons que pour certains rayons elle se rapproche beaucoup de la vitesse de la lumière. Le pouvoir pénétrant de rayons genre cathodique croît d’ailleurs très rapidement avec la vitesse, et c’est ainsi que s’explique le grand pouvoir pénétrant des rayons comparé à celui très faible des rayons cathodiques. On peut se demander par quel procédé un électron contenu dans la matière peut acquérir une vitesse aussi grande, et il semble probable que la vitesse n’est pas acquise au moment de l’expulsion, mais que les électrons faisant partie des atomes possèdent un mouvement de rotation ou d’oscillation très rapide, et qu’ils conservent leur vitesse quand ils se trouvent accidentellement expulsés de l’atome.
M. Kaufmann a effectué des expériences précises en vue de mesurer le rapport pour les rayons du radium[34]. Ce travail avait pour but de contrôler les prévisions des théories modernes du mouvement d’une particule électrisée ; d’après ces théories la masse d’une telle particule n’est pas une constante, mais une fonction croissante de la vitesse (voir § 21). On pouvait espérer vérifier cette conclusion en étudiant les rayons dont la vitesse est très grande. M. Kaufmann a soumis un faisceau très étroit de rayons du radium à l’action simultanée d’un champ électrique et d’un champ magnétique, les deux champs étant uniformes et ayant une même direction, normale à la direction primitive du faisceau. L’impression produite sur une plaque normale au faisceau primitif et placée au delà des limites du champ par rapport à la source, prend la forme d’une courbe dont chaque point correspond à l’un des rayons du faisceau primitif hétérogène. Les rayons les plus pénétrants et les moins déviables sont d’ailleurs ceux dont la vitesse est la plus grande.
Il résulte de ces expériences que, pour les rayons du radium dont la vitesse est notablement supérieure à celle des rayons cathodiques, le rapport va en diminuant quand la vitesse augmente.
Voici comment était disposée l’expérience. La source radiante est un très petit grain de sel de radium placé en C au fond d’un vase de laiton (fig. 101). Les rayons émis passent entre deux plateaux parallèles, très rapprochés, formant condensateur (distance des plateaux 1mm,2) et placés verticalement au-dessus de la source. À la sortie du condensateur les rayons passent par un trou de 0mm,2 de diamètre pratiqué dans le diaphragme D, et poursuivent leur chemin jusqu’à la plaque photographique E enveloppée d’une feuille d’aluminium mince.
Un champ électrique constant est établi entre les plateaux du condensateur. Le vase est placé entre les pôles d’un aimant qui produit dans toute la région
occupée par le vase un champ uniforme
et parallèle au champ électrique. On fait un très bon vide
dans le vase pour pouvoir établir un champ électrique intense, et
pour éviter la diffusion des rayons par l’air. Le sel doit être sec pour
éviter autant que possible le dégagement d’émanation. Les distances
entre la source et le diaphragme, d’une part, le diaphragme
et la plaque d’autre part, n’étaient que de 2cm environ, et la différence
de potentiel entre les plateaux était 2000 à 5000 volts.
En l’absence de champ magnétique et de champ électrique, la source ponctuelle O et l’ouverture O’ déterminent un faisceau rectiligne étroit qui marque sa trace au point P de la plaque (fig. 102). Quand les champs sont établis suivant Oy, chacun des rayons du faisceau hétérogène suit une trajectoire différente. En vertu de l’action du champ magnétique seul, un rayon tend à être dévié suivant la direction Oz dans le plan Oxz ; en vertu de l’action du champ électrique seul, un rayon serait dévié suivant la direction Oy dans le
plan Oxy. Par l’action simultanée des
deux champs, le rayon décrit une courbe plus complexe et vient
frapper la plaque en un point M dont les coordonnées z et y
dans le plan de la plaque, par rapport à l’origine P et à des axes
parallèles à Oz et Oy, se nomment déviation magnétique et déviation électrique du rayon. L’ensemble des points obtenus pour les
divers rayons forme une courbe continue, et par renversement
du champ électrique on obtient la courbe symétrique de la
précédente par rapport à la direction Oz.
Il est facile de calculer la valeur de z et de y quand les déviations sont faibles ; on peut, en effet, admettre, en ce cas, qu’elles sont indépendantes l’une de l’autre. Admettons de plus que chacun des champs soit uniforme. En vertu de l’action du champ magnétique seul, la trajectoire du rayon serait un arc de cercle passant par les points O et O’ et ayant un rayon tel que l’on ait étant la valeur du champ (fig. 103, I). On a, de plus, en désignant les distances OP et OO’ par
et la relation géométrique approchée
d’où
Si le champ n’est pas absolument uniforme sur toute la longueur du parcours, on peut faire un calcul plus complet qui conduit à la relation
étant une quantité qui peut être calculée, quand on connaît les
dimensions de l’appareil et la valeur du champ magnétique en
chaque point de la trajectoire.
La déviation électrique étant très petite, peut être calculée en supposant que la vitesse reste normale au champ et que, par suite, le déplacement que subit dans la direction du champ la particule, est donné pour un temps par l’expression
du mouvement. Si l’on désigne par la longueur du champ, on obtient
Dans la région KL occupée par le champ (fig. 103, II), la trajectoire est un arc de parabole ayant comme axe la perpendiculaire élevée au milieu de KL qui coïncide avec le milieu de OO’. En dehors de cette région la trajectoire est constituée par les deux portions rectilignes des tangentes aux deux extrémités de cet arc de parabole ; la première de ces tangentes passe par le point O, la deuxième passe par le point O’ et forme le trajet final du rayon jusqu’à la plaque photographique. La relation géométrique
conduit à la formule
Si l’on tient compte de ce que le champ électrique ne passe pas brusquement de la valeur 0 à la valeur aux limites du condensateur, on obtient une formule de la forme
étant une quantité qui peut être calculée quand on connaît la
loi de variation du champ le long de la distance OO’.
Les valeurs de et de obtenues par ce procédé sont encore susceptibles d’une correction résultant de ce que les actions des deux champs ne sont pas indépendantes, mais simultanées, et de ce que la déviation magnétique n’est pas assez petite pour que le calcul approché, indiqué plus haut, soit applicable avec une exactitude suffisante. En désignant par et les valeurs corrigées de et de on aura les relations
d’où
d’un rayon à celle de la lumière.
La courbe obtenue par l’expérience est représentée dans la figure 3, planche IV.
Cette courbe correspond à une certaine relation entre et c’est-à-dire entre et Si la vitesse de tous les rayons était la même, chaque branche serait une droite ; cette condition n’est pas réalisée ainsi qu’on le savait précédemment. Si le rapport était le même pour tous les rayons, chaque branche de courbe serait un arc de parabole admettant le point P comme sommet et la ligne Pz comme tangente au sommet. Cette condition non plus n’est pas réalisée ; le rapport au lieu de tendre vers 0 avec tend vers une valeur différente de 0. Il est ainsi prouvé que le rapport va en diminuant avec la déviation du rayon et tend vers 0 en même temps que celle-ci.
Voici les valeurs de et de qui se correspondent d’après les mesures de M. Kaufmann.
unités | |||
électro-magnétiques. | |||
0,94 | 0,63 | .107||
0,91 | 0,77 | »||
0,86 | 0,975 | »||
0,83 | 1,17 | »||
0,79 | 1,31 | »||
0,72 | 1,49 | »||
0,59 | 1,68 | »
Le nombre obtenu avec les rayons cathodiques est
et plus récemment
On peut d’ailleurs remarquer que, dans des mesures faites sur les rayons cathodiques de grande vitesse (jusqu’à ), on a pu observer une diminution du rapport [35]. Sur les clichés de M. Kaufmann on peut encore observer des rayons qui correspondent à Il ne semble donc pas exister de discontinuité de vitesse entre les rayons cathodiques et les rayons La vitesse pour laquelle correspond, pour les rayons cathodiques, à un voltage de production très élevé (voisin de 100 000 volts). Les expériences de M. Kaufmann nous apprennent qu’il existe des rayons dont la vitesse est très voisine de celle de la lumière
Si nous admettons que chaque électron porte la même charge qui est la charge élémentaire, nous pouvons conclure que la masse d’un électron est une fonction croissante de sa vitesse. Ce résultat avait été prévu par la théorie du mouvement d’une particule électrisée (voir § 21). La forme de la fonction dépend de certaines hypothèses faites sur l’électron, mais dans tous les cas la masse est considérée comme ayant une origine uniquement électromagnétique ; dans tous les cas aussi la masse a une valeur limite pour les vitesses faibles et tend vers l’infini quand la vitesse tend vers la vitesse de la lumière. Rappelons les formules les plus importantes qui donnent la valeur de la masse transversale, c’est-à-dire relative à une accélération dirigée à angle droit du mouvement.
On a
D’après la formule de M. Abraham relative à un électron sphérique rigide portant une charge superficielle uniforme et ayant un rayon
D’après la formule de M. Lorentz relative à un électron déformable qui éprouve une contraction dans le sens du mouvement,
et la valeur de est la même.
M. Kaufmann a constaté en premier lieu un accord général très bon de ses expériences avec la formule de M. Abraham, ce qui entraînait la conclusion que la masse est d’origine purement électromagnétique ; l’importance de cette manière de voir au point de vue de la mécanique a déjà été signalée. Il a de plus étudié l’interprétation de ses expériences au point de vue d’un choix entre les formules de M. Abraham et de M. Lorentz. Les courbes qui correspondent aux deux formules ne peuvent être distinguées que dans les régions qui correspondent aux vitesses les plus faibles. M. Kaufmann considérait que seule la formule de M. Abraham est compatible avec ses expériences, et que celle de M. Lorentz ne l’est pas.
La solution de cette question présente d’ailleurs une grande importance. On sait, en effet, que la formule de M. Lorentz est aussi celle à laquelle on aboutit quand on adopte la théorie dite de relativité.
Dans un travail plus récent M. Bucherer[36] est arrivé à des résultats expérimentaux, lesquels, à l’encontre de ceux de M. Kaufmann, sont favorables à la théorie de M. Lorentz. Un grain de sel de radium est placé en O au centre d’un condensateur plan formé par deux disques de 8cm de diamètre, distants de 0mm,25 seulement (fig. 104). Le champ magnétique est parallèle aux plateaux du condensateur. Seuls peuvent sortir du condensateur les rayons qui conservent une direction parallèle aux plateaux ; ces rayons sont ceux qui ont été émis parallèlement aux plateaux, et pour lesquels l’action du champ magnétique compense exactement celle du champ électrique ; la condition nécessaire pour la compensation est donnée par l’égalité
étant la valeur du champ magnétique, celle du champ électrique,
la charge de la particule, sa vitesse, et l’angle de la
vitesse initiale avec le champ magnétique.
Les rayons sortis du condensateur subissent encore en dehors de celui-ci une déviation par le champ magnétique seul, et viennent impressionner une pellicule photographique P qui forme la surface latérale d’un cylindre circulaire droit, ayant son centre au centre O du condensateur, son axe normal aux plateaux, et un diamètre de 16cm. Les rayons d’une certaine vitesse ne peuvent sortir du condensateur que suivant une direction déterminée, et
l’impression radiographique
permet de calculer les valeurs de qui correspondent
aux valeurs de On calcule ensuite les valeurs de qui se déduisent
des valeurs de par l’emploi des formules théoriques. On constate
que le rapport fourni par la formule de M. Lorentz offre une constance
très remarquable quand varie entre 0,32 et 0,69 environ ;
ce rapport reste compris entre 1,695 et 1,706. Quand on emploie
la formule de M. Abraham, la concordance est moins bonne.
La valeur déduite de ces expériences pour est 1,73.107 unités E. M. après correction relative à l’effet des bords du condensateur. Cette valeur n’est pas très éloignée de celle 1,773.107 obtenue récemment par M. Classen[37].
Une nouvelle confirmation de la formule de M. Lorentz a été apportée par des expériences faites sur les rayons cathodiques de grande vitesse, produits dans le vide parfait au moyen d’une cathode éclairée par la lumière ultraviolette, et accélérés par l’action d’un champ électrique intense[38].
Considérons un électron, en repos ou en mouvement lent, constitué par une sphère de rayon portant une charge superficielle à distribution uniforme. On aura pour cet électron
On trouve pour une valeur de l’ordre de 1cm,4.10-13 centimètre et l’on a ainsi une confirmation de l’hypothèse que le diamètre d’un électron est extrêmement petit par rapport à celui d’un atome.
110. Distribution des rayons du radium entre différentes vitesses. — La composition du rayonnement a été étudiée par M. Paschen[39] au moyen du dispositif suivant (fig. 105). Un tube de verre mince petit et étroit contenant
15mg de bromure de
radium était placé suivant l’axe d’un système d’ailettes de plomb
rectangulaires, disposées comme les sections par l’axe d’un cylindre
circulaire droit de 2cm de diamètre et de 2cm,2 de longueur. Les
rayons qui sortent du tube passent entre les ailettes et sont absorbés par un cylindre de plomb, extérieur au système d’ailettes et
ayant même axe ; le diamètre du cylindre A est égal à 3cm,7 et
l’épaisseur de sa paroi est de 5mm,5 ; ce cylindre est très bien isolé
et muni d’un électroscope, tandis que les ailettes et le tube à
radium sont reliés au sol. L’appareil entier est placé dans un
récipient en verre, dans lequel on fait un très bon vide. Un champ
magnétique uniforme, parallèle à l’axe du tube, peut être établi
dans toute la région occupée par le cylindre extérieur.
En l’absence du champ magnétique le cylindre A reçoit par unité de temps une charge que l’on peut mesurer en observant le mouvement de l’électroscope quand celui-ci est chargé alternativement à un potentiel positif ou négatif ; ce procédé de mesures permet d’éliminer l’effet de l’ionisation résiduelle du gaz. Quand le champ magnétique est établi, les rayons s’incurvent et certains d’entre eux sont absorbés par les ailettes. On peut construire la courbe (fig. 106, I) qui représente la charge des rayons reçus par le cylindre en
fonction du champ on peut aussi construire
la courbe (fig. 106, II) qui représente la valeur de c’est-à-dire
la proportion de rayons supprimés pour une augmentation de
champ donnée ; la vitesse de ces rayons peut être calculée quand
on connaît les dimensions de l’appareil et l’intensité du champ.
On a ainsi la proportion de rayons d’une vitesse donnée. Il faut
cependant remarquer que les rayons les plus absorbables étaient
arrêtés par le verre du tube à radium dont l’épaisseur était égale à 0mm,5. D’après M. Paschen les rayons observés par M. Kaufmann
et dont les vitesses sont comprises entre 2,12.1010 et 2,90.1010
se trouvent complètement déviés pour les champs compris entre
1875 et 4931 unités.
L’effet du champ étant encore parfaitement appréciable pour unités, le radium doit émettre des rayons encore plus rapides que ceux signalés par M. Kaufmann. Le groupe de rayons déviés pour correspond à des rayons dont la vitesse est comparable à celle des rayons cathodiques. Ces rayons, s’ils étaient émis par le radium, pourraient produire une ionisation relativement intense dans le voisinage immédiat de la substance active, car on sait que le pouvoir ionisant des rayons cathodiques est considérable, et que le pouvoir ionisant des électrons plus rapides que les rayons cathodiques décroît quand la vitesse augmente. Toutefois les rayons lents observés par M. Paschen ne peuvent provenir directement du radium, parce qu’ils n’auraient pas pu traverser 0mm,5 de verre ; ce ne peuvent être que des rayons secondaires émis sur la face de sortie du verre ou sur les ailettes par l’action des rayons et du radium, ou encore des rayons du radium qui auraient éprouvé une grande diminution de vitesse en traversant le verre.
La charge qui est encore reçue par le cylindre pour les valeurs les plus fortes du champ, a été attribuée par M. Paschen aux rayons Cette charge est très faible, et son origine ne peut être établie facilement. Cependant il semble plus probable qu’elle est due à des rayons secondaires produits par les rayons et non aux rayons eux-mêmes (voir § 140).
Le rayonnement du radium se présente comme ayant une composition compliquée, et il n’est pas exclu que ce rayonnement ne puisse être composé de certains groupes de rayons émis de préférence avec des vitesses déterminées.
111. Action du champ magnétique sur les rayons des autres substances radioactives. — L’action du champ magnétique sur les rayons n’a encore été étudiée pour aucune substance aussi complètement que pour le radium. Les dispositifs expérimentaux employés sont les mêmes que ceux qui ont été décrits pour les rayons du radium.
La présence de rayons facilement déviés par le champ dans le rayonnement de l’actinium a été observée par M. Debierne qui a trouvé en même temps que le rayonnement est très sensiblement homogène[40]. Sur les épreuves qui mettent en évidence la déviation d’un faisceau de rayons étroits dans un champ magnétique, on n’aperçoit pas de dispersion notable du faisceau.
H. Becquerel a fait des expériences avec l’uranium par la méthode radiographique, et après un temps dépose très long (40 jours) il a pu obtenir la trace du faisceau dévié[41]. Une épreuve de ce genre est représentée dans la figure 4, planche IV. Le faisceau dévié est seul visible sur le cliché, le faisceau de rayons peu sensibles à l’action du champ n’ayant jamais donné d’impression sur la plaque dans le cas de l’uranium. Le faisceau dévié semble homogène et ne présente pas de dispersion appréciable. La région du maximum d’impression est assez nette et permet une mesure de la déviabilité des rayons. Becquerel trouva pour le produit la valeur 1800, d’où il résulte que les rayons de l’uranium ont une vitesse comparable à celle des rayons pénétrants du radium pour lesquels
Becquerel a obtenu de même sur un cliché les faisceaux de rayons et du thorium séparés par l’action du champ magnétique. L’impression est très faible et n’a pu être étudiée en détail. L’action du champ magnétique sur le rayonnement du thorium avait été antérieurement observée par MM. Rutherford et Grier par la méthode électrique.
Une détermination de la déviation magnétique des rayons de l’uranium a été faite par M. Schmidt par une méthode électrique[42]. La source radiante était constituée par de l’uranium X ; les rayons étaient assujettis à passer par un diaphragme constitué par trois plaques de laiton percées de fentes (fig. 107) égales entre elles. Les plaques étaient assemblées de telle manière que les fentes se trouvaient parallèles, et que leurs centres étaient sur une circonférence de rayon 2cm,2 située dans un plan normal à leur direction et orienté verticalement. Sur la plaque supérieure horizontale la substance active était placée en S en face de la fente ; le champ magnétique était parallèle à la direction des fentes. Pour une intensité convenable du champ, les rayons issus de la source verticalement vers le bas décrivaient une trajectoire circulaire de rayon 2cm,2, passaient par les deux
fentes inférieures et sortaient par la plaque verticale. L’intensité du rayonnement émergent
était mesurée au moyen d’un électroscope qui recueillait les rayons
à leur sortie. On cherchait la valeur que devait avoir le champ
magnétique pour que l’effet sur l’électroscope fût maximum.
L’expérience était délicate parce que l’intensité du rayonnement
était faible. La valeur de qui correspond au maximum a été
trouvée égale à 1870. En se servant de la relation de M. Lorentz
et de la valeur unités électromagnétiques, pour
les rayons de l’uranium
unités électromagnétiques. |
La valeur de ainsi obtenue est notablement supérieure à celle indiquée par Becquerel.
La même méthode a été appliquée par M. Schmidt à l’étude de la déviation magnétique des rayons du radioplomb[43]. Les résultats obtenus ont été les suivants :
E. M. |
MM. Hahn et Bayer[44] ont examiné l’action du champ magnétique sur les rayons émis par les substances dérivées du thorium. Le dispositif expérimental utilisé était analogue à celui qui avait servi antérieurement pour l’étude des rayons et qui est représenté dans la figure 117. On donnait à la source active une forme linéaire ; au-dessus de la source et à 2cm de celle-ci se trouvait un écran percé d’une fente étroite parallèle à la source ; à 2cm,5 de la fente on plaçait une plaque photographique normale au plan passant par la source et la fente. L’expérience était faite dans le vide. Un champ magnétique de direction parallèle à la source se trouvait établi dans toute la région traversée par les rayons. En l’absence du champ l’impression obtenue est une bande étroite. En présence d’un champ magnétique faible (environ 100 gauss), on peut obtenir une bande non déviée due à l’action des rayons et des bandes moins nettes mais parfaitement séparées formant un spectre magnétique discontinu, attribuable aux rayons . On constate ainsi l’émission de trois groupes de rayons appartenant respectivement au thorium X et aux deux constituants du dépôt actif, thorium A et thorium D (voir Chapitre XIV). Le rayonnement du mésothorium donne lieu à un spectre complexe, formé de plusieurs groupes. Ces résultats sont en accord avec les conclusions qui avaient été déduites antérieurement de l’étude de l’absorption du rayonnement (§ 114).
On doit à Becquerel quelques expériences faites par la méthode radiographique dans le but de s’assurer si la trajectoire d’un faisceau de rayons dans un champ magnétique peut dépendre de la pression du gaz dans lequel a lieu la propagation du faisceau. Les expériences n’ont pas montré de différence entre les clichés obtenus dans l’air à la pression atmosphérique et ceux obtenus dans un vide aussi bon que possible. Les rayons utilisés étaient des rayons de grande vitesse. Il est néanmoins utile d’opérer dans le vide pour éviter la dispersion des rayons.
112. Passage des rayons au travers de la matière. — Les rayons sont capables de traverser toute espèce de matière, mais en la traversant ils éprouvent une absorption qui dépend de l’épaisseur et de la nature de l’écran absorbant.
La particule étant considérée comme un électron en mouvement, on peut se demander comment cette particule se comporte en traversant la matière composée d’atomes, lesquels sont considérés eux-mêmes comme des assemblages de particules chargées dont certaines sont des électrons. On peut imaginer qu’une particule pourra pénétrer dans un atome et s’y trouver arrêtée, ce serait là une véritable absorption ; ou bien elle sera déviée de son trajet primitif par l’action des forces de nature électromagnétique exercées sur elle par un atome qu’elle traverse ou à côté duquel elle passe ; elle pourra aussi traverser l’atome sans absorption et sans déviation appréciable ; en traversant un atome ou en passant dans son voisinage immédiat, elle pourra déterminer dans l’atome une perturbation qui aura pour effet de détacher un électron de l’atome ; il y aura en ce cas formation d’ions, et si un électron est émis avec une grande vitesse, il constituera un rayon secondaire. On voit que le passage des rayons au travers de la matière se présente comme un phénomène dont la nature est a priori très compliquée. L’expérience a montré que ce phénomène n’est effectivement pas simple, et que tous les effets prévus précédemment sont probablement de nature à pouvoir se produire.
Considérons un faisceau étroit de rayons constitué primitivement par des rayons parallèles ; quand ce faisceau traverse un écran, certains des rayons qui le composent peuvent être déviés plus ou moins de leur trajet ; on dit en ce cas qu’il y a dispersion ou diffusion du faisceau. Plus cette dispersion est importante, plus le trajet effectué par les rayons déviés à l’intérieur de la matière peut se trouver allongé, et en même temps augmente la probabilité pour qu’une particule déviée reste absorbée dans l’écran. La dispersion a donc pour effet de favoriser l’absorption.
Une question qui se présente encore est celle d’un changement possible de la vitesse des rayons lors du passage dans la matière. Les rayons peuvent éprouver pendant ce passage une perte d’énergie. Si, par exemple, les rayons traversent un gaz, leur énergie est en partie utilisée pour produire l’ionisation des molécules rencontrées ; de même une perte d’énergie peut être entraînée par des phénomènes analogues, résultant de la rencontre des rayons avec les molécules d’un corps solide ou liquide. La perte d’énergie pourra se traduire soit par l’arrêt complet, soit seulement par une diminution de vitesse des rayons.
Les rayons sont analogues aux rayons cathodiques, mais en raison de leur vitesse plus grande ils sont beaucoup plus pénétrants que ces derniers. Les rayons cathodiques des tubes de Crookes ne peuvent traverser que des écrans très minces (écrans d’aluminium jusqu’à 0mm,01 d’épaisseur). Un faisceau de rayons qui arrive normalement sur l’écran est diffusé dans tous les sens, mais la diffusion est d’autant moins importante que l’écran est plus mince, et pour des écrans très minces il existe un faisceau sortant qui est sensiblement le prolongement du faisceau incident[45]. Les rayons cathodiques éprouvent un changement de vitesse par suite du passage des écrans ; quand un faisceau étroit de rayons homogènes est soumis à l’action d’un champ magnétique après avoir traversé un écran d’aluminium, on constate dans le faisceau la présence d’un ensemble de rayons inégalement déviés, dont les vitesses ont pour limite supérieure la vitesse du faisceau primitif homogène[46].
Les rayons ayant une vitesse plus grande que celle des rayons cathodiques, traversent la matière plus facilement que ces derniers. Dans les expériences de P. Curie ils étaient observés dans l’air à la pression atmosphérique à une distance de 1m,57 de la source, tandis que les rayons cathodiques sont absorbés par quelques millimètres d’air. Le rayonnement du radium transmis par une lame mince de plomb contient encore une forte proportion de rayons [47].
Le mode de propagation d’un faisceau de rayons du radium au travers de la matière a été mis en évidence par H. Becquerel dans des expériences très intéressantes faites par la méthode radiographique[48]. Le dispositif expérimental permettait d’isoler des rayons simples (voir § 106). Des écrans de nature et d’épaisseur variable pouvaient être posés sur la série d’ouvertures qui laissaient passer les rayons simples de vitesse différente. On constate que le faisceau transmis est d’autant plus pur et conserve d’autant mieux sa trajectoire, que la vitesse du rayon est plus grande et que l’épaisseur de l’écran est plus faible. Un faisceau primitivement étroit qui a été fortement diffusé par un écran, présente à la sortie l’aspect d’une houppe diffuse qui ne se prolonge guère au delà de l’écran. Pour un faisceau qui n’a pas éprouvé de diffusion appréciable, on constate, au contraire, très clairement la conservation de la courbure de la trajectoire.
D’après les expériences de H. Becquerel les rayons très fortement déviables du radium (ceux dont la vitesse est relativement faible) sont fortement diffusés par un écran d’aluminium de 0mm,1 d’épaisseur ; mais les rayons pénétrants et peu déviables (rayons de grande vitesse ; ) traversent ce même écran sans diffusion sensible, et sans que le faisceau qu’ils constituent soit déformé, et cela quelle que soit l’inclinaison de l’écran par rapport au faisceau. Plus l’écran est épais et plus sa matière est absorbante, plus le faisceau déviable primitif est altéré, parce que, à mesure que l’épaisseur de l’écran croît, la diffusion commence à se faire sentir sur de nouveaux groupes de rayons de plus en plus pénétrants. Dans certaines expériences de H. Becquerel, les rayons qui sortaient des ouvertures du cylindre extérieur, pénétraient dans une couche de paraffine recouvrant ce cylindre et s’étendant au contact de la plaque photographique ; le trajet des rayons se trouvait alors photographié dans la paraffine. Quand la couche de paraffine avait 2mm d’épaisseur, les rayons les plus rapides traversaient cette couche avec un affaiblissement considérable, mais en conservant la courbure de leur trajectoire, tandis que les rayons moins rapides étaient absorbés. Quand la couche de paraffine avait 8mm d’épaisseur, les rayons rapides ne la traversaient plus et s’arrêtaient à une profondeur de 2mm environ ; les rayons moins rapides pénétraient d’autant plus loin que leur vitesse était plus grande et s’arrêtaient brusquement ; le point d’arrêt est marqué par un maximum d’impression. Les clichés qui représentent ces expériences sont reproduits dans les planches IV et V. La figure 1, planche V est relative à l’absorption par l’aluminium (épaisseur 0mm,1) et la figure 5, planche IV, à l’absorption par la paraffine sous une épaisseur de 2mm.
L’air produit sur les rayons du radium une diffusion qui est très sensible pour les rayons fortement déviables, mais qui est cependant bien moins importante que celle qui est due à des épaisseurs égales de matières solides traversées. C’est pourquoi les rayons du radium se propagent dans l’air à de grandes distances.
Des expériences quantitatives sur la diffusion des rayons seront décrites dans la suite de ce Chapitre.
113. Mesure du pouvoir pénétrant des rayons Loi exponentielle. — L’absorption des rayons par la matière peut être évaluée de deux manières différentes. La première méthode consiste à mesurer l’ionisation produite dans un condensateur quand la matière active est recouverte par des écrans de nature et d’épaisseur variable. L’ionisation obtenue dépend non seulement du nombre des particules qui entrent dans la chambre d’ionisation, mais aussi du nombre d’ions qu’une particule peut produire par unité de longueur de son trajet, et de la longueur du trajet. Le pouvoir ionisant d’une particule est d’ailleurs une fonction très peu connue de sa vitesse et décroît quand celle-ci augmente. L’interprétation des expériences de ce genre ne peut donc se présenter d’une manière simple. En revanche la méthode est très sensible et peut s’appliquer à l’étude de rayonnements très faibles.
La deuxième méthode consiste à mesurer la charge des rayons et permet, par conséquent, de déterminer le nombre de ces particules ; elle nous fournit des conclusions très simples, mais elle ne peut s’appliquer qu’aux sources radioactives relativement intenses.
Quand on étudie l’absorption par la matière d’une radiation homogène telle que la lumière simple, on suppose généralement qu’un faisceau de rayons parallèles rencontre normalement une lame à faces parallèles. La diminution de l’intensité du faisceau sur une épaisseur de matière traversée est considérée comme proportionnelle à à l’intensité, et à un coefficient caractérisant la matière et nommé coefficient d’absorption. On a, par suite,
étant l’intensité initiale.
D’après cette loi l’intensité diminue en progression géométrique, quand l’épaisseur traversée croît en progression arithmétique. En particulier l’intensité diminue de moitié sur une épaisseur telle que
où est la base des logarithmes naturels et le logarithme vulgaire.
Si un rayonnement est composé d’un certain nombre de radiations homogènes de même nature qui sont toutes absorbées suivant une loi analogue, on aura pour l’intensité de ce rayonnement
étant les intensités initiales des divers groupes de rayons,
les coefficients d’absorption des rayons des divers
groupes.
Ainsi pour une radiation homogène on obtient une loi exponentielle simple ; pour un ensemble de radiations on obtient une loi plus complexe qui tend vers une exponentielle simple, celle qui correspond à la valeur minimum de quand croît l’épaisseur de matière traversée.
On peut imaginer qu’un faisceau de rayons parallèles de nature corpusculaire se trouve absorbé par un écran normal à sa direction suivant une loi exponentielle simple, caractérisée par le coefficient chaque corpuscule conservant une direction du mouvement invariable et subissant un arrêt complet après un parcours qui peut varier d’un corpuscule à l’autre. On pourra définir, en ce cas, un parcours moyen des corpuscules étudiés ; un raisonnement semblable à celui qui a été utilisé pour établir la relation entre la constante radioactive et la vie moyenne (§ 91) montre que ce parcours moyen est égal à
En ce qui concerne l’étude du pouvoir pénétrant des rayons il ne faut pas perdre de vue que l’on n’aura pas en général un faisceau de rayons normaux à l’écran. Même si un tel faisceau a été réalisé, au moyen de diaphragmes convenables, il ne conserve pas sa forme primitive, et subit une diffusion en traversant les écrans absorbants. Les rayons qui pénètrent dans l’appareil de mesure sont ceux qui n’ont été ni arrêtés dans la matière ni complètement détournés de leur trajet. Dans ces conditions l’application du calcul précédent ne résulte d’aucune interprétation simple des phénomènes.
Quand on veut mesurer l’intensité des rayons il faut prendre soin d’exclure l’effet des rayons qui peuvent être également émis par la source. Dans ce but on recouvre la source d’un écran d’aluminium d’épaisseur convenable (environ 0mm,05), mais on supprime ainsi en même temps certains rayons très absorbables. Une petite proportion de rayons accompagne généralement les rayons leur effet est relativement faible, et l’on peut en tenir compte.
Voici des exemples de divers dispositifs de mesures employés pour l’étude de l’absorption par le moyen de l’ionisation produite dans le gaz traversé par le rayonnement. La chambre d’ionisation peut être un condensateur à plateaux horizontaux ; le plateau inférieur porte la matière active sur laquelle on pose les écrans. On peut aussi employer un condensateur à plateaux verticaux sous lequel on place la substance. Le plateau qui porte la matière peut aussi être fixé sur un électroscope et entouré d’un vase formant chambre d’ionisation. Enfin la matière peut agir de l’extérieur sur la cage d’un électroscope ou sur une chambre d’ionisation, dont le fond est constitué par une feuille d’aluminium mince.
Quand on mesure la charge des rayons on les laisse pénétrer au travers de l’écran absorbant dans un vase vide d’air, où ils sont absorbés par une électrode métallique réunie à un électromètre.
Dans tous les cas on doit prendre en considération la cause d’erreur qui consiste en une production possible de rayons secondaires.
114. Loi d’absorption des rayons . — Bien que l’application d’une loi exponentielle à l’absorption d’un rayonnement par la matière ne semble pas susceptible d’une interprétation simple, une telle loi a néanmoins pu être mise en évidence, avec une assez grande approximation, pour l’absorption des rayons qui se comportent comme homogènes dans un champ magnétique. Les premières expériences à ce point de vue ont été faites par M. Rutherford sur le rayonnement de l’uranium[49].
Ces expériences ont montré que le rayonnement de l’uranium se compose de deux groupes de rayons ; quand le premier groupe très absorbable a été supprimé par un écran d’épaisseur convenable, le rayonnement bien plus pénétrant qui subsiste décroît en fonction de l’épaisseur de la matière traversée suivant une loi exponentielle simple. Si l’on porte en abscisses l’épaisseur de l’écran, et en ordonnées le logarithme de l’intensité du rayonnement, on obtient une ligne très sensiblement droite dont l’inclinaison permet de calculer le coefficient d’absorption On trouve ainsi pour l’aluminium et pour le plomb. Le pouvoir absorbant d’une matière semble dépendre surtout de sa densité et croît avec celle-ci.
Ces résultats ont été confirmés par différents expérimentateurs. Les lois d’absorption pour différentes matières sont des lois exponentielles simples ; toutefois, pour les métaux lourds, on remarque au début une diminution d’intensité plus rapide que celle qui convient à la loi exponentielle établie ensuite[50]. Cette chute initiale peut s’expliquer par la production de rayons secondaires sur la face de l’écran frappée par les rayons primaires ; ces rayons seraient plus absorbables que les rayons primaires et pourraient traverser les écrans minces seulement. Le même effet serait obtenu par la réflexion diffuse des rayons sur la face d’entrée de l’écran ; la perte de rayonnement transmis qui en résulte est relativement plus importante quand l’épaisseur de l’écran est faible.
Enfin on sait actuellement qu’en dehors du groupe de rayons pénétrants, l’uranium émet aussi un rayonnement très absorbable distinct du rayonnement absorbable principal observé en premier lieu[51],[52]. Ce rayonnement peut être étudié indépendamment du rayonnement principal, parce qu’il appartient non à l’uranium lui-même, mais à l’uranium X avec lequel il peut être séparé. La nature de ce rayonnement a été discutée ; il avait été primitivement considéré comme un rayonnement Mais l’étude de son absorption et de l’action qu’il subit dans un champ magnétique a prouvé qu’il s’agit de rayons [53],[54].
La loi d’absorption du rayonnement total a été étudiée par M. Schmidt pour l’aluminium. La courbe qui représente le logarithme de l’intensité du rayonnement en fonction du temps indique d’abord une baisse rapide, suivie d’une loi de décroissance plus lente et linéaire. Quand l’épaisseur d’aluminium traversée dépasse 0mm,1, le rayonnement pénétrant subsiste seul, caractérisé par une loi d’absorption exponentielle ; de cette loi on peut déduire les valeurs de ce rayonnement pour des épaisseurs d’aluminium inférieures à 0mm,1. Si l’on retranche l’intensité du rayonnement pénétrant, ainsi extrapolée, de l’intensité totale, la différence représente un rayonnement qui est absorbé suivant une loi exponentielle simple avec un coefficient Le rayonnement de l’uranium semble donc composé de deux groupes homogènes, et l’ionisation produite après le passage d’une épaisseur de matière est représentée par une somme de deux exponentielles. L’ionisation relative, due à chaque espèce de rayons, dépend d’ailleurs de la manière dont ces rayons sont utilisés dans la chambre d’ionisation. On avait avec le dispositif expérimental utilisé :
D’après les expériences de M. Debierne, les rayons émis par l’actinium se comportent dans un champ magnétique comme des rayons homogènes. Le passage de ces rayons au travers de la matière a été l’objet d’une étude de M. Godlewski[55], qui a trouvé que la loi d’absorption est dans tous les cas une loi exponentielle simple qui se maintient quand le rayonnement varie dans le rapport de 100 à 1. Les rayons de l’actinium sont plus absorbables que ceux de l’uranium ; leur coefficient d’absorption pour l’aluminium est égal à 33.
M. Hahn et Mlle L. Meitner ont montré l’existence de deux autres groupes de rayons très absorbables dans le rayonnement de l’actinium[56].
L’étude des rayons du radioplomb a été faite par M. Schmidt qui a trouvé que ces rayons se présentent comme sensiblement homogènes[57]. La loi d’absorption obtenue n’était cependant pas strictement exponentielle ; le coefficient d’absorption pour l’aluminium, égal à 40, augmentait avec l’épaisseur de matière traversée ; toutefois après forte absorption on observe un résidu de rayons beaucoup plus pénétrants. La forme de la courbe représentative de la loi d’absorption varie un peu avec la nature de la matière absorbante, et même avec le dispositif expérimental employé, par exemple avec la distance des écrans à la source.
Cette même observation a été faite par M. Hahn et Mlle L. Meitner[56], qui ont émis l’opinion qu’une substance radioactive simple n’émet qu’une espèce de rayons caractérisée par une loi d’absorption exponentielle simple. Les écarts de cette loi dépendent d’après ces auteurs de la dispersion du faisceau, et sont d’autant plus grands que les rayons sont plus lents. Les courbes d’absorption pour lesquelles le coefficient d’absorption augmente avec l’épaisseur de matière traversée, peuvent être ramenées à la forme exponentielle pure par un choix convenable des conditions expérimentales, par exemple en éliminant les rayons obliques, en modifiant la distance de la source à la chambre, etc. C’est ainsi qu’en modifiant convenablement le dispositif expérimental, on obtient pour les rayons du radioplomb une loi d’absorption exponentielle. Les courbes qui manifestent une décroissance du coefficient d’absorption, quand augmente l’épaisseur de matière, doivent être considérées, au contraire, d’après les mêmes auteurs, comme correspondant réellement à des rayons hétérogènes, ainsi que cela était admis antérieurement ; et, en ce cas, il y a lieu de chercher à séparer le rayonnement en groupes homogènes, chaque groupe correspondant à une matière radioactive distincte.
Les rayons du thorium sont très faibles et se comportent comme un rayonnement hétérogène. Ces rayons peuvent être considérés comme formant quelques groupes distincts, dont chacun peut être attribué à l’une des substances radioactives de la série des produits de désintégration du thorium. Deux de ces groupes se montrent homogènes ; ils appartiennent à deux constituants distincts du dépôt actif du thorium : thorium A et thorium D (voir Chapitre XIV). Le troisième groupe appartient au mésothorium 2 et semble complexe.
Exactement de la même manière, les trois groupes de rayons de l’actinium sont attribuables à trois produits de désintégration différents ; deux groupes appartiennent à deux constituants du dépôt actif : actinium A et actinium C ; le troisième groupe appartient au radioactinium (voir Chapitre XV). Le groupe principal est celui qui est attribué à l’actinium C.
L’absorption des rayons du radium est celle qui se présente avec les apparences les plus complexes. L’étude des rayons du radium au point de vue de leur pouvoir pénétrant a conduit à envisager le rayonnement comme hétérogène. Les expériences de divers physiciens, notamment de MM. Meyer et von Schweidler[58], montrent clairement que, si l’on considère l’ensemble du rayonnement du radium, le pouvoir pénétrant de ce rayonnement augmente avec l’épaisseur de matière traversée, comme cela a lieu pour les rayons de Röntgen. Dans ces expériences, les rayons interviennent à peine, parce que ces rayons sont pratiquement supprimés par des écrans absorbants très minces. Ce qui traverse, ce sont, d’une part, les rayons plus ou moins diffusés, d’autre part, les rayons qui semblent analogues aux rayons de Röntgen.
Voici les résultats de quelques expériences à ce sujet[59].
Le radium est enfermé dans une ampoule de verre. Les rayons qui sortent de l’ampoule traversent 30cm d’air et sont reçus sur une série de plaques de verre d’épaisseur de 1mm,3 chacune ; la première plaque transmet 49 pour 100 du rayonnement qu’elle reçoit, la deuxième transmet 82 pour 100 du rayonnement qu’elle reçoit, la troisième transmet 85 pour 100 du rayonnement qu’elle reçoit.
Dans une autre série d’expériences, le radium était enfermé dans une ampoule de verre placée à 10cm du condensateur qui recevait les rayons. On plaçait sur l’ampoule une série d’écrans de plomb identiques dont chacun avait une épaisseur de 0mm,115. Le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu est donné pour chacune des lames successives par la série des nombres suivants :
Pour une série de 3 écrans en plomb dont chacun avait 1mm,5 d’épaisseur, le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu était donné pour les lames successives par les nombres suivants :
De ces expériences il résulte que, quand l’épaisseur de plomb traversée croît de 0mm,1 à 4,5 mm, le pouvoir pénétrant du rayonnement va en augmentant. Dans les conditions expérimentales indiquées, un écran de plomb de 1cm,8 d’épaisseur transmet 2 pour 100 du rayonnement qu’il reçoit ; un écran de plomb de 5cm,3 d’épaisseur transmet encore 0,4 pour 100 du rayonnement qu’il reçoit.
Une série d’expériences relatives à l’absorption des rayons du radium a été publiée par M. Strutt[60] qui a étudié surtout l’absorption des rayons rapides en relation avec la densité de la matière absorbante. Le coefficient d’absorption moyen de ces rayons pénétrants pour l’aluminium est
L’étude de la loi d’absorption des rayons du radium a été faite aussi par la mesure de la charge transportée[61]. Le dispositif employé était le suivant : le radium était placé à l’extérieur d’un vase de verre contenant une électrode isolée en laiton P (fig. 108) qui pouvait être réunie à un électromètre. Les rayons du radium traversaient des fenêtres percées dans une plaque de laiton A et fermées par de la feuille d’aluminium de 0mm,01 d’épaisseur ; ils étaient ensuite absorbés par l’électrode. Un vide parfait était fait dans le vase, et la charge reçue par l’électrode était mesurée par l’électromètre. Des écrans pouvaient être placés sur la cuve qui contenait le radium et qui était recouverte d’une lamelle de mica très mince. La distance du
radium à la feuille d’aluminium était de 0cm,7. Le Tableau suivant donne pour une
épaisseur d’étain croissante, obtenue par la superposition de
feuilles successives, le coefficient d’absorption moyen calculé
pour chaque épaisseur par l’application de la formule exponentielle
où est l’épaisseur de matière traversée.
en millimètres. | |||
0,00834 | 175 | ||
0,0166 | 132,5 | ||
0,0421 | 101,5 | ||
0,0818 | 93,5 | ||
0,124 | 82,5 | ||
0,166 | 74,9 | ||
0,205 | 71,5 | ||
0,270 | 65,4 | ||
0,518 | 53 | ||
0,789 | 44 | ||
1,585 | 32 | ||
2,16 | 25 |
On voit que les résultats obtenus par cette méthode viennent confirmer ceux fournis par la méthode d’ionisation ; le coefficient d’absorption diminue quand croît l’épaisseur de la matière traversée. Quand un écran de plomb de 3mm d’épaisseur est placé sur le radium, une faible charge est encore observée, elle correspond à 0,29 pour 100 de la valeur maximum. Les mesures obtenues sont d’ailleurs soumises à des causes d’erreur ; les rayons doivent être en partie diffusés par l’électrode au lieu d’être tous absorbés, et des rayons secondaires chargés négativement doivent être émis par l’électrode sous l’action des rayons et du radium.
La composition du rayonnement du radium a fait l’objet d’un travail très complet publié par M. H.-W. Schmidt[62]. On sait que les rayons du radium sont presque entièrement émis par le dépôt actif. Ce dépôt est d’ailleurs de nature complexe et se compose de trois substances distinctes : le radium A, le radium B et le radium C. Les rayons sont émis par le constituant RaC et aussi par RaB. Des opérations chimiques permettent d’isoler RaC, tandis que le mélange de
RaB et RaC se trouve sur une lame
activée, après un temps court, suffisant pour la destruction du
radium A. On peut donc étudier, d’une part, la loi d’absorption
des rayons de RaC, d’autre part, celle de l’absorption des
rayons d’un mélange de RaB et de RaC. L’interprétation de ces
expériences est difficile, car il est nécessaire de tenir compte de la
loi de décroissance des matières actives avec le temps ; de plus,
pour les épaisseurs faibles de matière traversée il faut tenir compte de l’effet des rayons du radium C. Les résultats obtenus
conduisaient à admettre que ni les rayons de RaC ni ceux
de RaB ne sont homogènes, ainsi que l’indique la forme des
courbes d’absorption (fig. 109). Les intensités correspondantes
étaient représentées avec une certaine approximation par la superposition
de groupes de rayons homogènes ; les formules utilisées
étaient les suivantes :
pour les rayons de RaB, et
pour les rayons de RaC. Les coefficients qui mesurent les intensités
relatives pour ont été choisis de telle manière que le pouvoir
ionisant des rayons de RaC se trouverait être égal à 10 000. On
voit que le groupe des rayons les plus pénétrants serait le même
pour RaC et RaB. Cependant, d’après M. Hahn et Mlle Meitner[63],
les rayons du radium B seraient plutôt homogènes et caractérisés
par un coefficient d’absorption de 77 environ.
On ne peut guère affirmer que la décomposition des rayons du radium en groupes homogènes corresponde à une réalité et non à un mode de calcul. D’après les expériences de déviation magnétique il ne paraît pas y avoir de discontinuité dans la variation de vitesse du faisceau de rayons hétérogènes. Cependant les groupes doivent exister nécessairement si, conformément à une hypothèse énoncée plus haut, une substance radioactive simple ne peut émettre que des rayons homogènes. En ce cas il y a lieu de chercher si RaB et RaC sont des substances complexes ; les recherches faites à ce sujet rendent probable qu’il en est ainsi au moins pour RaC.
Quand le radium a été privé d’émanation et de dépôt actif, il donne encore lieu à une émission de rayons très absorbables. Ce rayonnement ne constitue qu’une faible fraction du rayonnement total pour le radium en équilibre avec l’émanation et le dépôt actif[64].
Au cours de recherches relatives à la mesure de la charge des rayons du radium, M. Makower a déterminé avec le même dispositif l’absorption de ces rayons par le verre, la proportion des rayons étant évaluée par la charge acquise par le cylindre extérieur, quand le tube contenant l’émanation était entouré de tubes de verre coaxiaux formant écran (voir § 107). La courbe d’absorption ainsi trouvée s’est montrée identique à une autre courbe d’absorption obtenue par le même auteur avec le même tube actif, par la mesure de l’ionisation que le tube produisait dans un électroscope. Cette concordance entre les deux méthodes de mesures est très remarquable, et prouve que les particules sont bien effectivement retenues dans les écrans absorbants.
Le Tableau suivant indique les valeurs du pouvoir pénétrant relatif des rayons émis par différentes substances radioactives. On a désigné par le coefficient d’absorption pour l’aluminium, par l’épaisseur d’aluminium que doit traverser le rayonnement pour que son intensité soit réduite de moitié.
Substance primaire. |
|||||||||||||
Uranium | Uranium X |
|
14 | 0,5 | Rutherford. | ||||||||
510 | H.-W. Schmidt | ||||||||||||
Actinium |
|
Radioactinium | 172 | 0,04 | O. Hahn et L. Meitner. | ||||||||
Actinium A | Rayons très absorbables | ||||||||||||
Actinium C | 32,7 | 0,21 | Godlewski. | ||||||||||
Radioplomb. | Radium E | 40 | 0,17 | Schmidt. | |||||||||
Thorium |
|
Mésothorium 2 | 20 à 40 |
|
O. Hahn et L. Meitner. | ||||||||
Thorium X | Rayons très absorbables | ||||||||||||
Thorium A | 140 | 0,05 | |||||||||||
Thorium D | 15,7 | 0,44 | |||||||||||
Radium |
|
Radium | Rayons très absorbables | O. Hahn et L. Meitner. | |||||||||
Radium B (rayons hétérogènes) |
|
890 ? |
|
Schmidt. | |||||||||
80 | |||||||||||||
13,1 ? | |||||||||||||
Radium C (rayons hétérogènes ?) |
|
53 | |||||||||||
13,1 |
Les valeurs de obtenues par divers observateurs sont un peu variables. Les variations semblent dépendre du dispositif expérimental et du degré de dispersion du faisceau. La figure 110 représente les courbes d’absorption des rayons obtenues avec quelques substances radioactives. On voit que les rayons de l’uranium et de l’actinium sont absorbés suivant une loi exponentielle, tandis que le pouvoir pénétrant des rayons du radium augmente avec l’épaisseur de matière traversée.
Il est important de se rendre compte de l’épaisseur de matière que peut traverser un rayon ou électron en mouvement rapide. Cette épaisseur croît avec la vitesse de l’électron, et l’expérience a montré que les rayons du radium traversent des lames solides dont l’épaisseur est supérieure à 1mm.
Pour les rayons de l’uranium, (groupe principal), dont le coefficient d’absorption par l’aluminium est environ 14, l’épaisseur d’aluminium nécessaire
pour réduire de moitié l’intensité du rayonnement est environ 0mm,5. Par suite l’intensité se trouve réduite à
moins de 1 pour 100 de sa valeur sur une épaisseur de 3mm,5. Des
essais de détermination plus précise de l’épaisseur limite de matière,
traversée par les rayons rapides du radium, ont été faits
par la méthode suivante : un faisceau de rayons émis par le
radium dans une direction horizontale passe au-dessus d’un cylindre
creux en plomb dont l’axe est vertical, et qui sert de chambre
d’ionisation. La base supérieure de ce cylindre est couverte d’un
écran dont on fait varier la nature et l’épaisseur. On établit un champ magnétique de direction horizontale et normale à celle du
faisceau, de manière à incurver les trajectoires des rayons vers le
bas, et à leur permettre de pénétrer dans la chambre ; celle-ci
reçoit des rayons dont la vitesse est d’autant plus grande que le
champ est plus intense. On cherche pour quelle épaisseur de l’écran
on n’obtient plus aucune augmentation de l’ionisation dans la
chambre, quelle que soit la valeur du champ magnétique[65]. Les
valeurs obtenues sont les suivantes :
115. Forme générale des courbes d’absorption. Changement de vitesse au passage des écrans dans le cas des rayons . — Nous venons de voir que dans un grand nombre de cas la courbe d’absorption pour les rayons correspond à une loi d’absorption exponentielle dans des limites de variation d’intensité très étendues. En portant en abscisses l’épaisseur de matière traversée et en ordonnées le logarithme de l’intensité du rayonnement on obtient en ce cas une ligne droite, et cela souvent avec une grande exactitude (fig. 110). Les rayons qui donnent ce résultat sont considérés comme homogènes[66].
Il faut cependant remarquer que les valeurs du coefficient d’absorption obtenues pour le même groupe de rayons dépendent dans une certaine mesure des conditions de l’expérience. De plus les courbes qui représentent en fonction de peuvent s’écarter un peu de la forme rectiligne. Avec des groupes de rayons considérés comme homogènes, divers expérimentateurs ont obtenu des courbes qui présentaient au début une inclinaison plus forte que l’inclinaison caractéristique (fig. 111, I). Dans d’autres cas l’inclinaison pour une certaine région va constamment en augmentant (fig. 111, II), et la forme de la courbe dépend en ce cas de la nature de la matière absorbante et du dispositif expérimental employé ; la fin de la même
courbe indique la présence
d’un faible rayonnement pénétrant. Un écart du premier genre
peut s’expliquer par la présence d’un groupe de rayons beaucoup
plus absorbables que ceux qu’on observe, et qui peuvent être
soit des rayons primaires, soit des rayons secondaires produits sur
l’écran ; le même effet peut être obtenu par la réflexion diffuse des
rayons primaires sur la face d’entrée de l’écran. Les écarts du
deuxième genre sont surtout visibles après grande réduction de
l’intensité du rayonnement et peuvent s’expliquer par une diminution
de vitesse des rayons sans que la question puisse cependant
être considérée comme complètement résolue.
Un faisceau de rayons est, en général, fortement dispersé dans toutes les directions après avoir traversé une épaisseur de matière relativement faible. Le trajet d’une particule dans la matière absorbante est manifestement très complexe. Cependant dans les limites où s’applique la loi d’absorption trouvée par l’expérience, l’effet absorbant produit par une lame déterminée est indépendant de l’épaisseur de matière préalablement traversée par les rayons ; il semble légitime d’en tirer la conclusion que le rayonnement n’a pas été notablement modifié en traversant la matière. La seule différence entre des rayons de groupes différents consiste d’ailleurs en leur vitesse ; celle-ci ne doit donc pas être modifiée sensiblement, au moins dans les limites où l’on peut appliquer la loi d’absorption exponentielle. Cette opinion a été soutenue par M. Schmidt qui l’a soumise au contrôle de l’expérience[67].
Le dispositif expérimental était le même que celui utilisé par le même auteur pour la détermination de la vitesse des rayons du radioplomb (voir § 111, fig. 107). Après avoir déterminé la valeur du champ magnétique, pour laquelle les rayons issus de la source suivent la trajectoire circulaire qui leur est offerte, on interposait entre la source et le diaphragme un écran d’aluminium, et l’on déterminait à nouveau la valeur du champ pour laquelle l’intensité des rayons à la sortie du diaphragme est maximum. On constatait que la valeur du champ était la même en l’absence de tout écran ou avec un écran d’environ 0mm,5 d’épaisseur qui, placé sur la substance active, ne laisse passer que 12 pour 100 du rayonnement Bien que la valeur du champ qu’on cherche à réaliser ne puisse être déterminée avec une grande précision, cette expérience est favorable à l’opinion, que le passage des rayons au travers de l’écran n’a entraîné aucun changement important dans la valeur de la vitesse[68]. Ce résultat est en accord avec l’expérience qualitative antérieure de H. Becquerel, qui, faisant passer des rayons simples, incurvés dans un champ magnétique, au travers de l’aluminium ou de la paraffine, n’observait aucun changement de courbure important de leur trajectoire circulaire (voir § 112).
On a vu, d’autre part, que pour les rayons cathodiques la diminution de vitesse par suite du passage des écrans a été constatée par quelques observateurs. D’après M. des Coudres, des rayons cathodiques d’une vitesse égale à 1,4.1010 perdent 10 pour 100 de leur vitesse en traversant 0mm,01 d’aluminium[69]. Pour une épaisseur d’aluminium égale à 0mm,03, la perte de vitesse peut atteindre 50 pour 100. On peut penser d’après cela que la perte de vitesse au passage de la matière est surtout sensible pour les électrons dont la vitesse est relativement faible.
En étudiant l’absorption de rayons émis par des couches radiantes de faible épaisseur (uranium X ou radioplomb), M. Schmidt[70] a réussi à mettre en évidence un écart régulier à partir de la loi d’absorption exponentielle ; cet écart qui correspond à une diminution graduelle du pouvoir pénétrant, doit être attribué à une diminution progressive de la vitesse des rayons, lors de leur passage dans la matière. Pour des écrans très minces le coefficient éprouve d’abord une baisse rapide, ainsi qu’il a déjà été indiqué (§ 114) ; mais quand l’épaisseur de matière traversée continue à croître, ce coefficient passe par un minimum et augmente ensuite lentement suivant une loi qui est linéaire en première approximation. On peut concevoir que si le rayonnement primitif n’est pas entièrement homogène, la diminution du pouvoir pénétrant, par suite de la diminution de vitesse, peut, dans certains cas, se trouver compensée en partie par un accroissement du pouvoir pénétrant moyen, résultant de l’absorption proportionnellement plus grande de rayons moins pénétrants.
Il semble, en tout cas, légitime de conclure que les particules de grande vitesse qui rencontrent un écran peuvent, d’une part, traverser cet obstacle en proportion déterminée, sans altération importante de leur vitesse, et, d’autre part, être complètement absorbées par l’obstacle, sans qu’on ait pu, d’ailleurs, observer dans le faisceau émergent la présence des particules de toutes les vitesses intermédiaires.
Dans l’air sous la pression atmosphérique la trajectoire d’un rayon émis normalement à un champ magnétique uniforme, conserve un rayon de courbure constant et prend une forme très parfaitement circulaire, ce qui prouve que la vitesse du rayon n’éprouve pas de modification sensible le long du parcours.
116. Relation entre la vitesse des rayons et leur pouvoir pénétrant. — Les expériences de H. Becquerel ont montré que le pouvoir pénétrant des rayons du radium dépend du rayon de courbure de leur trajectoire circulaire dans un champ magnétique et croît avec celui-ci. On peut admettre que pour les rayons ne dépend que de la vitesse et que, par suite, le pouvoir pénétrant est une fonction croissante de la vitesse. De plus, les rayons qui se montrent homogènes dans un champ magnétique, ont un coefficient d’absorption constant, ainsi que cela a été prouvé pour le groupe principal des rayons de l’actinium. Mais on a encore très peu de renseignements quantitatifs sur la relation qui existe entre la vitesse des rayons et leur coefficient d’absorption pour une matière déterminée.
Les expériences de M. Lenard ont prouvé que le pouvoir pénétrant des rayons cathodiques croît très rapidement avec leur vitesse[71]. Ce même fait résulte de l’étude des rayons
D’après M. Lenard le coefficient d’absorption des rayons cathodiques dans l’air passerait de 2130 à 3,4 quand la vitesse passe de 1,8.109 (voltage d’émission 1000 volts) à environ 1010 (voltage d’émission correspondant à une étincelle équivalente de 2cm,8). Pour ces derniers rayons le coefficient d’absorption dans l’aluminium est 7150. Voici quelques valeurs du coefficient d’absorption dans l’aluminium pour des rayons de vitesse connue :
Rayons cathodiques |
1010 | 7150 | |||
Rayons (radium E) |
2,31. | 1010 | 40 | ||
» (uranium X) |
2,76. | 1010 | 14,4 |
La variation du pouvoir pénétrant des rayons est très sensible pour une variation de vitesse relativement peu importante. Inversement il paraît probable que si le coefficient d’absorption reste constant, la vitesse des rayons ne peut varier notablement.
117. Relation entre l’absorption et la nature de la matière absorbante. — Les expériences de M. Lenard sur l’absorption des rayons cathodiques par la matière, ont montré que le coefficient d’absorption est approximativement proportionnel à la densité de la matière absorbante, et indépendant de sa nature. En particulier, pour des rayons cathodiques dont la vitesse est égale à un tiers environ de la vitesse de la lumière, le rapport reste compris entre 2070 et 5610 quand la densité varie entre 3,6.10-7 (gaz sous faible pression) et 19,3 (or)[72]. Pour des rayons cathodiques très lents, la relation précédente ne constitue même plus une approximation grossière ; le rapport dépend alors beaucoup de la nature du milieu absorbant.
M. Strutt a montré que pour les rayons du radium le rapport varie peu avec la densité[73] ; les valeurs de se rapportent à des rayons hétérogènes et doivent être considérées comme des moyennes. D’après les expériences de M. Rutherford faites avec les rayons de l’uranium qui sont homogènes[74], la constance du rapport approximativement vérifiée pour certaines matières, ne l’est guère pour certaines autres, et l’on remarque que le rapport croît, en général, pour les métaux avec leur poids atomique. On obtient un résultat analogue en comparant le pouvoir absorbant de différentes substances par la mesure de la charge des rayons transmis[75].
M. Crowther a effectué une série de déterminations avec les rayons de l’uranium[76]. Il a trouvé que le rapport est une fonction périodique du poids atomique de l’élément absorbant, les périodes correspondant aux groupes de la classification périodique des éléments. La courbe se compose de parties distinctes, et pour chaque groupe le rapport augmente avec L’état allotropique d’une matière n’intervient pas pour modifier le pouvoir absorbant. L’absorption par une molécule est la somme des absorptions dues aux atomes qui la composent.
Le coefficient d’absorption étant et le nombre des atomes dans l’unité de volume d’une matière absorbante simple étant où est le vrai poids d’un atome, l’absorption par atome a la valeur Si donc le rapport était constant, l’absorption par atome serait proportionnelle au poids atomique ; et si tous les atomes étaient constitués par des groupements semblables, elle serait proportionnelle au nombre de ces groupements. L’expérience donne une indication favorable à cette manière de voir, puisqu’au moins pour les particules de grande vitesse, qui restent peu de temps dans le voisinage d’un atome rencontré, le rapport varie entre des limites assez rapprochées pour des densités d’ordre de grandeur très différent. Cependant l’influence individuelle de l’atome se fait sentir, et cela d’autant plus que les rayons sont plus mous, c’est-à-dire que leur vitesse est moindre.
Si l’absorption est une propriété additive des atomes qui composent une molécule, le coefficient d’absorption d’une matière doit se calculer par la formule
où désigne le poids moléculaire, la densité de la matière, le
coefficient d’absorption qui correspond à l’un des éléments constituants,
la densité de cet élément constituant à l’état où son
pouvoir absorbant a été mesuré, le poids atomique, le nombre
des atomes de l’élément considéré qui entrent dans la composition
de la molécule.
Cette formule s’est montrée conforme à l’expérience dans le cas d’un certain nombre d’oxydes, sulfures et iodures examinés. Elle permet de calculer le coefficient d’absorption d’un élément, quand on connaît celui d’un composé et des autres éléments qui y sont contenus. Les résultats relatifs aux composés étudiés sont réunis dans le Tableau suivant[77] :
Substances. | calculé. | observé. | |
5,6 | 5,5 | ||
5,8 | 5,9 | ||
6,4 | 6,4 | ||
6,8 | 7,3 | ||
6,8 | 7,1 | ||
6,7 | 6,9 | ||
7,7 | 7,5 | ||
6,7 | 6,5 | ||
6,8 | 6,8 | ||
7,5 | 7,5 | ||
8,9 | 8,9 | ||
8,6 | 8,5 | ||
9,4 | 9,1 | ||
10,8 | 10,8 |
L’étude de l’absorption des rayons par les liquides a conduit à des résultats analogues[78]. L’absorption pour un composé s’est montrée égale à la somme des absorptions pour les masses des éléments composants, l’effet produit par la couche liquide absorbante étant évalué par l’épaisseur de la lame d’aluminium dont l’interposition entre la source et la chambre d’ionisation détermine la même réduction d’intensité que l’interposition de la couche liquide étudiée. L’état moléculaire de la matière est sans influence sur le pouvoir absorbant. C’est ainsi que l’absorption exercée par deux couches liquides superposées, formées par des solutions de chlorure de baryum et de sulfate d’argent, séparées par une cloison mince, est la même que l’absorption qui est exercée par le système quand la cloison a été retirée et que, le mélange ayant été effectué, des dépôts de sulfate de baryum et de chlorure d’argent se sont formés dans le liquide.
Les Tableaux I, II, III, représentent les résultats obtenus par différents expérimentateurs pour les valeurs de et de relatives à différentes substances absorbantes. On peut constater que les valeurs obtenues de divers côtés présentent des divergences assez notables, qui dépendent probablement du dispositif expérimental employé.
Uranium Rutherford. |
Radium Strutt. |
Actinium Godlewski. |
Radium Seitz[79]. | ||||
Verre |
14 | 5,7 | |||||
Mica |
14,2 | 5,1 | 10,8 | 3,9 | 33,0 | 12,0 | |
Ébonite |
6,5 | 5,7 | |||||
Bois |
2,16 | 5,4 | |||||
Carton |
3,7 | 5,3 | |||||
Fer |
44 | 5,6 | 7,75 | ||||
Aluminium |
14,0 | 5,4 | 11,6 | 4,3 | 32,7 | 12,9 | 6,4 |
Cuivre |
60 | 7,0 | 49,2 | 5,5 | 139 | 15,9 | |
Argent |
73 | 7,1 | 10,0 | ||||
Plomb |
122 | 10,8 | 62,5 | 5,78 | 163 | 14,1 | 13,4 |
Étain |
96 | 13,2 | 51,2 | 7,01 | 154 | 15,7 | 10,0 |
Laiton |
108 | 13,1 | |||||
Carbone |
5,38 | ||||||
Soufre |
7,47 | ||||||
Or |
12,0 | ||||||
Platine |
11,9 |
Poids atomique. |
Poids atomique. |
||||||
Bore |
11,0 | 4,65 | Arsenic |
75,0 | 8,2 | ||
Charbon |
12,0 | 4,4 | Sélénium |
79,2 | 8,65 | ||
Sodium |
23,05 | 4,95 | Strontium |
87,6 | (8,5) | ||
Magnésium |
24,36 | 5,1 | Zirconium |
90,6 | 8,3 | ||
Aluminium |
27,1 | 5,26 | Palladium |
106,5 | 8,0 | ||
Phosphore |
31,0 | 6,1 | Argent |
107,93 | 8,3 | ||
Silicium |
28,4 | 5,5 | Étain |
119,0 | 9,46 |
Poids atomique. |
Poids atomique. |
||||||
Soufre |
32,06 | 6,6 | Antimoine |
120,2 | 9,8 | ||
Potassium |
39,15 | 6,53 | Tellure |
127,6 | 10,8 | ||
Calcium |
40,1 | 6,47 | Iode |
126,97 | 10,8 | ||
Titane |
48,1 | 6,2 | Baryum |
137,4 | (8,8) | ||
Chrome |
52,1 | 6,25 | Platine |
194,8 | 9,4 | ||
Fer |
55,9 | 6,4 | Or |
197,2 | 9,5 | ||
Cobalt |
59,0 | 6,48 | Plomb |
206,9 | 10,8 | ||
Cuivre |
63,6 | 6,8 | Uranium |
238,5 | (10,1) | ||
Zinc |
65,4 | 6,95 |
Dans le Tableau II les nombres entre parenthèses n’ont pas été déterminés directement, mais calculés d’après le pouvoir absorbant de combinaisons des éléments considérés, en admettant la loi de l’addition des pouvoirs absorbants des atomes dans une molécule.
Rayons de l’uranium. |
Rayons de l’actinium. | |||
Mg |
10,5 | 6,03 | 22,0 | 12,6 |
Al |
15,0 | 5,66 | 30,6 | 11,5 |
Fe |
57 | 7,32 | 98,5 | 12,6 |
Ni |
66 | 7,42 | 114 | 12,8 |
Co |
61 | 7,17 | 105 | 12,4 |
Cu |
66 | 7,39 | 112 | 12,5 |
Zn |
52,5 | 7,31 | 94,5 | 13,1 |
Pd |
103 | 8,66 | 168 | 14,1 |
Ag |
90 | 8,56 | 150 | 13,9 |
Sn |
58 | 7,95 | 106 | 14,5 |
Pt |
200 | 9,30 | 316 | 14,7 |
Au |
187 | 9,70 | 298 | 15,1 |
Pb |
103 | 9,12 | 172 | 15,1 |
Bi |
92,5 | 9,45 | 156 | 15,9 |
118. Augmentation de l’intensité des rayons avec l’épaisseur de la couche active. — La profondeur de matière qui est efficace pour l’émission des rayons dépend du pouvoir absorbant de la substance pour les rayons qu’elle émet. Si la loi d’absorption est une loi exponentielle simple, le rayonnement qui émerge d’une couche d’épaisseur située à une profondeur est de la forme
étant le rayonnement émis par unité d’épaisseur.
Le rayonnement total sera donné par la relation
étant l’épaisseur de la couche active ; pour une couche suffisamment épaisse on aura sensiblement
d’où
Cette relation a été vérifiée pour l’émission de rayons par l’oxyde d’urane ; on trouve que si la matière active est distribuée en raison de 0g,11 par centimètre carré, l’intensité du rayonnement est la moitié de celle qu’on obtient avec une couche très épaisse. On en déduit pour la matière active une valeur de égale à 6,3, ce qui prouve que l’oxyde d’uranium absorbe les rayons qu’il émet, à peu près comme le ferait une substance quelconque de même densité[81].
119. Dispersion des rayons Production de rayons secondaires par les rayons . — Quand les rayons traversent une lame de matière absorbante, on constate, en général, que le faisceau primitif est accompagné sur les faces d’entrée et de sortie de l’écran d’un rayonnement diffus ; ce dernier est quelquefois assez important pour qu’on ne puisse plus distinguer la forme primitive du faisceau direct. Le phénomène est susceptible de deux interprétations distinctes :
1o Les rayons qui émanent des faces de l’écran peuvent être considérés comme des rayons primaires dispersés ;
2o Ils peuvent aussi être considérés comme des rayons secondaires, c’est-à-dire comme des rayons émis par la matière sous l’influence des rayons qui viennent la frapper.
Enfin on peut admettre que les deux hypothèses sont exactes en même temps, et qu’il y a à la fois dispersion des rayons primaires et production de rayons secondaires.
Il n’est, en général, possible d’affirmer la production d’un rayonnement secondaire par l’effet d’un rayonnement primaire que s’il y a une réelle différence de nature entre les deux rayonnements. Si, en particulier, des rayons peu différents des rayons du faisceau primaire sont émis par les faces de l’écran, il sera, en général, difficile de conclure si ces rayons représentent des rayons primaires qui ont éprouvé un changement de direction et un changement de vitesse, ou bien si ce sont des électrons expulsés par les atomes de la matière de l’écran, sous l’influence de la perturbation électromagnétique amenée par le passage du faisceau primaire. Il semble que la question se pose précisément ainsi pour les rayons Le problème expérimental est d’ailleurs très complexe, et malgré le grand nombre de travaux effectués, on manque encore de données quantitatives précises ayant une signification sûre et simple. L’expression rayons secondaires sera employée ici pour désigner l’émission diffuse des écrans dans son ensemble, quelle que soit la nature de cette émission.
Par suite de l’analogie qui existe entre les rayons et les rayons cathodiques, on est conduit à se demander comment ces derniers se comportent au point de vue de l’émission secondaire. Nous savons, tout d’abord, que les rayons cathodiques, en frappant un écran, donnent lieu à la production de rayons Röntgen qui constituent une véritable émission secondaire, entièrement différente du rayonnement primaire par sa nature et ses propriétés. De nombreuses recherches ont montré[82] qu’une plaque de métal, frappée par un faisceau étroit de rayons cathodiques, émet non seulement des rayons Röntgen, mais aussi des rayons cathodiques ; l’émission de ces derniers a lieu dans toutes les directions, et leur vitesse est peu différente de celle des rayons primaires, de sorte que ces rayons peuvent être considérés comme des rayons primaires renvoyés. Quand le réflecteur reçoit le faisceau primaire sous incidence normale, la charge négative qu’il renvoie ainsi par réflexion diffuse est inférieure à celle du faisceau primitif. Toutefois, pour une incidence oblique, on peut constater ce fait important que le réflecteur émet plus d’électricité négative qu’il n’en reçoit ; on est donc conduit à admettre qu’en plus de la réflexion diffuse il se produit une réelle émission secondaire de rayons chargés négativement, et que l’importance de cette émission croît avec l’incidence. L’expérience conduit de plus à attribuer à ces rayons secondaires genre cathodique une vitesse relativement faible, égale environ à 3.108 des rayons cathodiques de cette vitesse ne jouissent pas du pouvoir d’ioniser les gaz, et pour établir une distinction avec les rayons rapides, on les nomme quelquefois électrons lents ou rayons L’émission de ces rayons secondaires augmente avec la densité du métal du réflecteur ; elle est d’autant moins importante que la vitesse des rayons primaires est plus grande.
Quand un faisceau fin de rayons cathodiques traverse un écran mince, on observe de même sur la face de sortie un rayonnement diffus, composé de rayons cathodiques dont la vitesse est un peu différente de celle des rayons primaires.
Quand on emploie des rayons cathodiques d’une vitesse déterminée, les rayons renvoyés ou transmis n’ont pas tous la même vitesse. Ainsi, avec des rayons cathodiques de vitesse 5,5.109 les rayons renvoyés par une lame de cuivre ont des vitesses comprises entre 5,6 et 3,7.109 et les rayons transmis au travers d’une lame d’aluminium de 0mm,002 d’épaisseur ont des vitesses comprises entre des limites analogues. La vitesse des rayons renvoyés ou transmis est, en moyenne, inférieure à celle des rayons primaires, et ne peut la dépasser.
On peut s’attendre, par analogie, à retrouver avec les rayons les phénomènes qui viennent d’être décrits. C’est, en effet, ce qu’indique l’expérience en ce qui concerne la dispersion des rayons au voisinage des faces de l’écran. L’émission d’électrons lents qui pourraient constituer les rayons secondaires des rayons du radium a été observée par M. Duane dans des expériences qui seront décrites plus loin. Quant à une émission de rayons secondaires analogues aux rayons Röntgen, elle n’a pas été constatée avec une netteté absolue. On rencontre d’ailleurs une difficulté expérimentale dans ce fait que les rayons des substances radioactives sont accompagnés de rayons et que les rayons donnent aussi lieu à un rayonnement secondaire, lequel, ainsi qu’on le verra dans la suite, contient des rayons genre et aussi des rayons genre La séparation des effets dus aux rayons et aux rayons est d’après cela assez délicate, et ne saurait être réalisée rigoureusement qu’à l’aide de dispositifs assez compliqués, comportant l’emploi d’un champ magnétique. La plupart des travaux se rapportent à l’action des rayons et pris dans leur ensemble ; les résultats de ces travaux conduisent à penser que quand on utilise comme rayons primaires l’ensemble des rayons et l’effet secondaire dû aux rayons est beaucoup plus important que celui dû aux rayons l’intensité des rayons secondaires étant évaluée par leur pouvoir ionisant ; il semble probable que les rayons secondaires des rayons du radium, par exemple, ne sont dus que dans une proportion de quelques pour 100 aux rayons primaires genre le reste étant dû aux rayons On verra, d’ailleurs, que les rayons ne donnent pas lieu à la production de rayons secondaires doués de pouvoir ionisant.
Passons maintenant à la description des expériences relatives aux rayons secondaires des rayons Les premières expériences faites à ce sujet par la méthode radiographique, et déjà anciennes, sont dues à H. Becquerel[83] ; elles sont relatives à des rayons du radium déviés dans un champ magnétique, de telle sorte que la nature des rayons actifs ne saurait être contestée. Au voisinage des ouvertures pratiquées dans les écrans métalliques pour le passage des rayons, on observait en général une impression diffuse due aux rayons secondaires ; cet effet était beaucoup plus important avec les rayons absorbables qu’avec les rayons plus pénétrants. Cet effet secondaire qui se produit aussi sur les bords des écrans, entraîne un manque de netteté des radiographies obtenues avec les rayons du radium. Si, par exemple, on pose sur la plaque photographique un écran métallique percé d’un trou, l’impression produite présente un aspect diffus et ne reproduit pas l’image du trou avec une netteté comparable à celle qu’on observe avec l’emploi des rayons Röntgen. En supprimant les rayons par l’emploi d’un champ magnétique, et en utilisant les rayons seuls, on obtient des impressions bien plus nettes, ce qui indique que l’effet secondaire en ce cas est proportionnellement plus faible.
Le dispositif expérimental suivant, dû à Becquerel, permet d’obtenir l’image de l’effet secondaire (fig. 112). La source est constituée par un peu de radium contenu dans une petite cuve linéaire et horizontale dont la profondeur est
grande par rapport à la largeur,
et qui limite une nappe de rayons étroite. Une plaque photographique
est placée sur la cuve normalement à la direction de sa
longueur. Une plaque métallique inclinée A et un écran vertical E
sont appliqués sur la plaque, ayant leurs plans normaux au plan de
celle-ci. Des faisceaux de rayons secondaires sortent par des fentes
horizontales percées dans l’écran, et la trace de leur passage s’imprime
sur la plaque. Les directions des faisceaux secondaires convergent
vers le point P où la plaque A est frappée par le faisceau
primaire. Dans cette expérience le rayonnement primaire n’est pas exempt de rayons La figure 2 planche V, reproduit une épreuve obtenue de cette manière.
H. Becquerel a montré que les rayons secondaires des rayons du radium sont déviés dans un champ magnétique, et qu’ils sont moins pénétrants que les rayons primaires. Il a aussi mis en évidence l’émission d’un rayonnement tertiaire par les surfaces qui reçoivent un faisceau secondaire.
Dans une étude faite par la méthode électrique, M. Eve[84] a employé un dispositif expérimental qui depuis a été fréquemment utilisé par d’autres observateurs (fig. 113). Une plaque épaisse en plomb P est placée entre la source S et l’électroscope E. Une plaque Q, servant de radiateur, reçoit les rayons primaires de la source et envoie des rayons secondaires dans l’électroscope. En l’absence du radiateur l’électroscope ne reçoit que les rayons directs, ainsi que les rayons secondaires qu’ils produisent, sur la plaque P.
L’accroissement de l’ionisation en présence du radiateur
est attribué aux rayons secondaires émis par celui-ci. On peut
mesurer le pouvoir pénétrant de ces derniers en mettant des écrans
sur la face d’entrée de l’électroscope, qui est constituée par une
feuille d’aluminium mince. En supprimant les rayons primaires
par un écran de plomb épais placé entre la source et le radiateur,
on constatait que l’effet secondaire était réduit à 20 pour 100 de sa
valeur primitive ; ce résidu était considéré comme effet secondaire
des rayons dans d’autres expériences l’effet secondaire attribué
aux rayons constituait 7 pour 100 seulement de l’effet secondaire obtenu avec la totalité du rayonnement qui émane du radium
contenu dans un tube de verre mince[85]. L’intensité de l’effet
secondaire croît avec l’épaisseur du radiateur jusqu’à une épaisseur
qui peut atteindre quelques millimètres (radiateurs en verre ou
aluminium) ; l’effet secondaire doit donc être considéré comme
se produisant dans le volume de la substance, et non comme un
effet superficiel. Le pouvoir pénétrant des rayons secondaires
s’est montré peu variable avec la nature du radiateur, tandis que
l’intensité de l’effet secondaire augmentait avec la densité de
celui-ci. Les rayons secondaires se sont montrés en moyenne plus
absorbables que les rayons primaires, sans que la différence puisse
être considérée comme très importante.
Il est nécessaire de remarquer que les rayons qui sortent d’un écran de plomb, sont toujours accompagnés de rayons qui constituent leur effet secondaire sur l’écran traversé. Pour cette raison on ne peut distinguer dans les expériences qui viennent d’être décrites si l’effet secondaire attribué aux rayons seuls ne provient pas en partie de rayons
La distribution du rayonnement secondaire dans les différentes directions a été étudiée au moyen du dispositif suivant[86].
La source des rayons primaires, (radium), est en S (fig. 114) ;
un diaphragme en plomb définit le faisceau primaire les chambres
d’ionisation E1 et E2 reçoivent les rayons émis par le radiateur
Q suivant une direction déterminée. On trouve que si le
faisceau primaire est reçu sous une incidence normale, l’intensité du
rayonnement réfléchi varie approximativement comme le cosinus de l’angle d’émission ; quand l’incidence du faisceau primaire est
oblique, l’effet secondaire maximum pour les rayons renvoyés a lieu
dans une direction déterminée, située dans le plan d’incidence de
l’autre côté de la normale que le rayon primaire. La distribution
dépend d’ailleurs de la nature du radiateur R. L’intensité du rayonnement
renvoyé croît d’abord rapidement avec l’épaisseur du
radiateur, et tend ensuite asymptotiquement vers une limite déterminée.
Les expériences faites avec les rayons qui partent de la face
du radiateur opposée à la source, ont montré que la distribution de
ces rayons n’est pas la même que celle des rayons primaires, l’altération
étant d’autant plus importante que le radiateur est plus
épais. Des expériences analogues ont été faites avec les rayons
homogènes de l’uranium et de l’actinium[87].
Quand un faisceau de rayons est reçu par une plaque photographique, on remarque souvent que l’impression produite sur la plaque par ces rayons se trouve renforcée si l’on interpose sur leur trajet une lame métallique en contact avec la plaque[88] ; des effets de ce genre peuvent être interprétés en admettant que les rayons qui sortent de l’écran ne sont pas exactement de même nature que les rayons primaires, et que certains d’entre eux, au moins, sont plus actifs que les rayons primaires, au point de vue radiographique, étant, par exemple, plus facilement absorbés par la plaque ; ces rayons seraient donc soit des rayons primaires ayant éprouvé un changement de vitesse, soit des rayons secondaires dans le vrai sens de ce mot. Cependant, d’après M. Schmidt[89] l’augmentation de l’impression photographique pourrait s’expliquer aussi par des réflexions multiples des rayons primaires transmis entre la plaque et l’écran. L’étude de ce phénomène de renforcement pour des rayons simples isolés, a montré que l’épaisseur de l’écran qu’il faut employer, pour que l’effet secondaire compense la réduction de l’intensité des rayons primaires, augmente avec la vitesse des rayons primaires ; l’impression produite par ces rayons au travers d’un écran ainsi choisi a la même intensité qu’en l’absence de l’écran[90].
Une étude de l’action du champ magnétique sur les rayons primaires du radium et sur leurs rayons secondaires a été faite par M. Allen[91]. Le faisceau limité par des écrans était reçu dans une chambre d’ionisation au travers d’une ouverture. Quand le faisceau était dévié, il ne pénétrait plus dans la chambre. En prenant comme source un radiateur qui émet les rayons secondaires, on constatait que la vitesse de ceux-ci était comprise entre 2,35 et 2,58. 1010 et que les rayons de très grande vitesse étaient absents ; le rayonnement secondaire ne contient donc ni rayons primaires de grande vitesse diffusés, ni rayons de grande vitesse produits aux dépens des rayons primaires. Les rayons secondaires les plus rapides sont obtenus en employant comme radiateurs les métaux de grande densité.
Conformément aux résultats précédents on observe que le pouvoir pénétrant des rayons secondaires augmente avec l’épaisseur du radiateur et avec sa densité, mais qu’il est en moyenne notablement plus faible que celui des rayons primaires[92]. Le pouvoir pénétrant relativement grand des rayons secondaires obtenus avec des radiateurs épais, s’explique par ce fait que le rayonnement peut contenir en ce cas une plus forte proportion de rayons venant d’une certaine profondeur.
En déterminant l’épaisseur de l’écran qui est nécessaire pour que l’intensité du rayonnement renvoyé par la face d’incidence devienne maximum, on peut aussi comparer le pouvoir pénétrant des rayons secondaires renvoyés à celui des rayons primaires. On trouve ainsi que les rayons secondaires produits par les rayons du radium traversent au maximum des épaisseurs de plomb, d’étain et d’aluminium égales respectivement à 0mm,16, 0mm,24 et 0mm,4 ; tandis que pour les rayons primaires les épaisseurs maximum traversées sont plus grandes et respectivement égales à 0mm,9, 2mm,5 et 7mm[93].
L’altération d’un faisceau de rayons par le passage au travers d’un écran a été étudiée quantitativement par M. Crowther[94] dans les expériences suivantes. La source radiante était constituée par de l’uranium X qui fournit des rayons homogènes. Les rayons étaient canalisés en faisceaux de faible ouverture en traversant un système de tubes de laiton soudés ensemble ayant 3cm de longueur et 0cm,5 de diamètre (fig. 115). Un système de tubes
semblable au premier est placé au-dessus de celui-ci, de manière que
les axes des tubes coïncident respectivement ; les deux diaphragmes
sont à 0cm,5 de distance. Les rayons qui émanent de la source
traversent les diaphragmes et pénètrent dans une chambre d’ionisation,
où ils déterminent une ionisation égale à Quand un
écran mince est interposé entre les deux diaphragmes, les rayons
diffusés sont absorbés par les parois des tubes, et l’ionisation
observée se trouve réduite.
La diminution d’intensité ainsi observée est due à la superposition de deux phénomènes : l’absorption dans la lame et la diffusion du faisceau. Quand on fait croître l’épaisseur de l’écran, on constate que le rapport diminue d’abord très vite, puis plus lentement, et la loi de variation tend à devenir la loi d’absorption exponentielle ordinaire caractéristique pour les rayons de l’uranium. Il semble donc que la diffusion a lieu dans une couche de matière bien plus faible que celle qui peut produire une absorption importante. Les expériences indiquent que la dispersion du faisceau est complète après passage au travers d’une épaisseur de matière qui est égale à 0mm,1 pour l’aluminium. Elles conduisent aussi à admettre qu’avec un appareil de mesure n’utilisant que des rayons rigoureusement parallèles, la loi de décroissance de l’intensité du rayonnement en fonction de l’épaisseur de matière traversée prendrait la forme
étant le coefficient d’absorption ordinaire et le coefficient de dispersion. On aurait, par exemple :
Pour l’aluminium |
270 | 21 | |||
Pour l’or |
5100 | 460 |
Pour toutes les substances étudiées le rapport était voisin de 13 ; les coefficients sont plus élevés que ceux donnés par les autres observateurs. La décroissance finale suivant la loi d’absorption ordinaire résulte de ce fait que les rayons utilisés ont des directions comprises dans un cône d’une certaine ouverture. D’après M. Crowther il n’est pas nécessaire d’admettre une production de rayons secondaires absorbables sur la face d’entrée des écrans et les rayons secondaires des rayons sont plutôt des rayons primaires diffusés. Il faut cependant remarquer que dans les expériences de Becquerel citées plus haut (§ 112), la dispersion des rayons ne semble pas en général aussi importante que l’indique M. Crowther, et que pour certains rayons du radium le faisceau reste bien défini quand les rayons ont traversé une épaisseur d’aluminium égale à 0mm,1
Voici encore un phénomène qui pourrait s’expliquer par une transformation des rayons au passage des écrans. H. Becquerel a trouvé que l’action absorbante d’un écran solide sur ces rayons augmente avec la distance de l’écran à la source, de sorte que, si les rayons sont soumis à l’action d’un champ magnétique comme dans la figure 1 (Pl. III), un écran placé contre la source radiante laisse subsister une portion plus grande du spectre magnétique que le même écran placé sur la plaque photographique. Cette variation de l’effet absorbant de l’écran avec la distance de cet écran à la source est analogue à ce qui a lieu pour les rayons elle a été vérifiée par MM. Meyer et von Schweidler, qui opéraient par la méthode fluoroscopique ; P. Curie et moi nous avons observé le même fait en nous servant de la méthode électrique. Les conditions de production de ce phénomène n’ont pas encore été étudiées. Cependant quand le radium est enfermé dans un tube de verre et placé à assez grande distance d’un condensateur, qui est lui-même enfermé dans une boîte d’aluminium mince, il est indifférent de placer l’écran contre la source ou contre le condensateur ; le courant obtenu est alors le même dans les deux cas.
L’expérience de H. Becquerel peut s’expliquer en admettant que le passage au travers de l’écran a pour effet de transformer certains rayons de grande vitesse en rayons moins rapides incapables de traverser ce même écran.
120. Théorie du passage des rayons au travers de la matière. — Nous venons de voir combien les phénomènes qui accompagnent le passage des rayons au travers de la matière sont complexes. Les expériences faites jusqu’ici ne permettent pas encore de déterminer exactement l’importance relative de la dispersion des rayons primaires, de leur transformation en rayons plus lents, et d’une émission de rayons secondaires. Cependant quelques essais ont été tentés pour traiter par le calcul ce problème compliqué, en adoptant comme base certaines hypothèses simples.
M. Mc. Clelland[95] a admis que dans chaque élément de volume d’une matière absorbante il y a production d’un rayonnement secondaire, dont l’intensité est proportionnelle à la radiation absorbée et qui, se comportant en tout point comme le rayonnement primaire, vient s’ajouter à celui-ci. Si l’on envisage la propagation d’un faisceau de rayons parallèles entre eux au travers d’un écran d’épaisseur normal à la direction Ox du faisceau, et si l’on fait abstraction de la dispersion des rayons, on obtient pour la radiation de retour et pour la radiation directe qui traversent une section située à la distance de la face d’entrée, les équations différentielles suivantes :
où désigne le coefficient d’absorption de la radiation au vrai sens
de ce mot, et un coefficient qui indique le rapport dans lequel
le rayonnement absorbé est transformé en rayonnement secondaire,
émis par moitiés dans la direction du faisceau primitif et
dans la direction opposée. Les conditions aux limites sont telles
que pour on a et pour étant
l’intensité de la radiation incidente qu’on peut prendre égale
à 1. L’intégration de ces équations conduit aux résultats suivants
pour la valeur de la radiation qui traverse la surface de
sortie, d’un écran d’épaisseur et pour la valeur de la
radiation qui traverse en sens inverse la surface d’entrée,
du même écran :
où
M. Schmidt[96] arrive à la solution du même problème de la manière suivante : le rayonnement d’intensité éprouve dans une couche de matière d’épaisseur une absorption réelle, l’intensité absorbée étant égale à où est le coefficient d’absorption vrai de la substance ; la portion du rayonnement est réfléchie en arrière dans la même couche, et le rayonnement renvoyé se comporte comme le rayonnement direct ; est le coefficient de réflexion. On fait abstraction de la dispersion des rayons. Les équations différentielles obtenues directement pour l’intensité qui traverse dans le sens du rayonnement incident un écran d’épaisseur et pour l’intensité qui émerge en sens inverse par la face d’entrée, sont les suivantes :
étant l’intensité du faisceau primaire.
Pour une quantité de radiation réfléchie dans la couche située à la distance de l’entrée de l’écran, une proportion sera transmise de manière à accroître l’intensité du rayonnement de retour , et une proportion viendra s’ajouter au rayonnement direct . En tenant compte, de plus, de ce que pour l’intensité doit être réduite à zéro, et doit prendre la valeur on obtient les solutions suivantes :
et étant deux constantes reliées à et par les relations :
Les formules obtenues correspondent exactement à celles de M. Mc. Clelland, si l’on tient compte des notations adoptées pour les coefficients. Les constantes et sont susceptibles d’une détermination expérimentale. Pour un écran très épais, on a
Par conséquent représente la fraction de l’intensité incidente qui est renvoyée par un écran assez épais pour que l’effet limite soit atteint. D’autre part, comme on peut, pour les valeurs de qui ne sont pas trop petites, employer la formule approchée
Cette formule fournit la loi d’absorption exponentielle bien connue ; cependant n’est pas le vrai coefficient d’absorption, mais un coefficient complexe, qui dépend du coefficient d’absorption vrai , et du coefficient de réflexion et qui se confond avec le coefficient antérieurement défini (§ 113).
M. Schmidt a tenté de comparer les résultats du calcul aux résultats expérimentaux et a trouvé que la théorie indiquée est susceptible de rendre compte des expériences. Les coefficients et augmentent avec la densité du métal. Pour les métaux denses et pour des écrans de faible épaisseur, on peut prévoir que la loi de décroissance de l’intensité transmise est plus rapide que celle qui correspond à la loi d’absorption exponentielle pour des écrans plus épais ; ainsi l’importance relative de la réflexion dans les premières couches de matière rencontrées se prête à expliquer la baisse initiale relativement rapide du rayonnement transmis par des écrans minces de grande densité.
La valeur du rayonnement secondaire maximum renvoyé par un écran épais a été déterminée par divers observateurs[97]. Les résultats numériques obtenus de différents côtés présentent de grands écarts qui dépendent probablement du dispositif expérimental employé. La quantité est une fonction croissante du poids atomique et manifeste de plus une allure périodique. D’après M. Schmidt les coefficients et déterminés par lui présentent aussi des relations avec la densité et le poids atomique ; les expressions
conservent des valeurs approximativement constantes de sorte que
les quantités et (coefficient d’absorption vrai et coefficient de
réflexion par unité de masse) sont des fonctions du poids atomique
seulement. Connaissant les constantes et on peut calculer
les valeurs de et pour toute matière simple. Si l’on admet que
les valeurs des coefficients et pour une molécule se déduisent
par voie d’addition des valeurs de ces mêmes coefficients pour les
atomes composants, on peut de plus calculer la valeur de pour une substance composée. M. Schmidt a trouvé un bon accord entre
les valeurs de (ou de ) ainsi calculées et celles que fournit
l’expérience[98]. On peut remarquer, que dans ces conditions,
l’absorption définie par le coefficient ne serait pas une propriété
additive des atomes, contrairement aux résultats indiqués par
d’autres observateurs (voir § 117).
Le Tableau suivant donne, d’après M. Schmidt, la valeur pour 100 du rayonnement secondaire maximum obtenu sur la face d’entrée d’un écran très épais, avec l’emploi des rayons homogènes de l’uranium et de l’actinium.
Rayon | |||
de l’uranium. |
de l’actinium. | ||
Mg |
25,5 | 20,4 | |
Al |
27,0 | 21,8 | |
Fe |
40,8 | 33,4 | |
Ni |
43,4 | 34,3 | |
Co |
41,0 | 34,2 | |
Cu |
42,5 | 35,2 | |
Zn |
43,2 | 36,6 | |
Pd |
55,0 | 45,8 | |
Ag |
55,3 | 46,9 | |
Sn |
57,3 | 47,0 | |
Pt |
66,0 | 57,6 | |
Au |
68,4 | 58,3 | |
Pb |
68,4 | 58,3 | |
Bi |
70,0 | 60,0 |
Les théories indiquées ne tiennent pas compte de la distribution du rayonnement dans les différentes directions, et d’une transformation possible des rayons primaires. Les expériences montrent cependant que dans bien des cas le pouvoir pénétrant des rayons secondaires est en moyenne inférieur à celui des rayons primaires. Entre les résultats prévus par la théorie et les résultats expérimentaux on constate des divergences, ainsi qu’il était facile de le prévoir. Les courbes obtenues par l’expérience dépendent dans une large mesure du dispositif expérimental employé, et cette circonstance rend difficile leur représentation par des formules simples.
121. Nature des rayons Déviation magnétique et électrique. — Les rayons constituent la partie la plus importante du rayonnement des corps radioactifs, en ce qui concerne le pouvoir ionisant et l’énergie du rayonnement. La nature de ces rayons a été reconnue plus tard que celle des rayons étant beaucoup moins sensibles que ces derniers à l’action d’un champ magnétique, ils ont été considérés d’abord comme non déviables.
La production de rayons n’est pas liée à celle de rayons et C’est ainsi que le polonium émet seulement des rayons genre et des électrons lents, mais n’émet pas de rayons de vitesse comparable ou supérieure à celle des rayons cathodiques. Quand une substance radioactive émet à la fois des rayons et des rayons il arrive que les deux groupes de rayons peuvent être temporairement séparés d’une manière totale ou partielle. Les groupes et de rayons de l’uranium peuvent éprouver une séparation complète temporaire, l’un d’eux étant attaché à l’uranium (groupe ), et l’autre appartenant à l’uranium X. Dans le rayonnement du radium, le groupe de rayons qui appartient au radium lui-même peut être temporairement séparé du rayonnement total qui comprend d’autres groupes de rayons en même temps que des rayons et
Les premières connaissances acquises sur les rayons étaient basées surtout sur l’étude de leur pouvoir pénétrant ; les rayons à ce point de vue ne se comportent pas comme les rayons Une étude que j’ai faite à ce sujet en 1900 m’a amenée à assimiler les rayons à des projectiles doués d’une grande vitesse, qui éprouvent une perte de force vive en traversant des obstacles[99]. Plusieurs savants ont émis l’opinion que les rayons pouvaient être des particules chargées positivement et animées d’un mouvement rapide[100],[101]. Cette manière de voir a été définitivement établie par les expériences de M. Rutherford[102] qui a découvert l’action du champ magnétique sur les rayons
Voici quel était le dispositif expérimental primitivement employé. Les rayons émis par une couche mince de sel radifère très actif passaient au travers d’une série de fentes étroites parallèles (fig. 116), et ensuite au travers d’une feuille d’aluminium n’ayant que 0cm,00034 d’épaisseur ; les rayons pénétraient ensuite dans une chambre d’ionisation et produisaient un courant qui pouvait être
mesuré. Les fentes étaient obtenues en
plaçant une série de plaques parallèles dans des rainures equi-distantes
pratiquées dans deux plaques verticales parallèles entre
elles. La largeur des fentes variait entre 0cm,042 et 0cm,1. Le
champ magnétique étant normal au plan du tableau et parallèle
au plan des fentes, les rayons étaient déviés dans le plan du
tableau et absorbés par les parois des fentes. Un courant de gaz
hydrogène circulant dans l’appareil du haut vers le bas empêchait
l’émanation de pénétrer dans la chambre d’ionisation. On
mesurait le courant obtenu en l’absence du champ, puis on recommençait
la mesure en absorbant les rayons complètement
par une lame de mica mince ; la différence des courants obtenus
dans ces deux expériences représentait l’effet des rayons seuls.
Quand le champ magnétique était suffisamment intense, tous les
rayons étaient déviés. Pour déterminer le sens de la déviation,
on employait des fentes de 1mm de largeur, recouvertes sur la
moitié de leur largeur par une bande de laiton ; la diminution de
l’effet ionisant lors de l’application du champ magnétique dépend en ce cas du sens du champ. Cette expérience a permis d’établir
que la déviation se fait dans le sens opposé à celui qu’on obtient
avec les rayons cathodiques, et que, par suite, il y a lieu d’admettre
que les rayons sont chargés positivement.
La déviation des rayons dans un champ magnétique est faible. Des expériences ultérieures ont montré que le rayon de courbure de la trajectoire est égal à environ 40cm dans un champ pour lequel on aurait obtenu un rayon de courbure de 0cm,01 avec les rayons cathodiques.
Les résultats de M. Rutherford ont été confirmés par H. Becquerel [103] qui obtint la déviation des rayons du radium et du polonium par la méthode radiographique. Cette méthode se prête très bien à cet usage et a rendu dans la suite de grands services dans l’étude des rayons La substance radiante était placée dans une cuve linéaire (fig. 117) ; au-dessus de la source, à une distance de 1cm environ, se trouvait un écran métallique D. percé d’une fente parallèle à la cuve et placé au-dessus de celle-ci. Une plaque photographique P normale à la
direction primitive
du faisceau recevait l’impression. Le champ magnétique était
normal au plan du tableau. Par renversement du champ on
obtenait deux impressions linéaires d’une grande netteté, correspondant
aux rayons seuls, les rayons étant complètement
rejetés de côté pour un champ aussi intense que celui qu’il fallait
employer. Si la plaque photographique, au lieu d’être normale
au faisceau, était presque parallèle à sa direction, la trajectoire du faisceau dévié se trouvait reproduite. Une épreuve de ce genre
est représentée dans la figure 1, Planche VI. Dans tous les cas
l’impression s’est montrée nette, ne présentant pas de diffusion
ni de dispersion appréciable, et indiquant que le faisceau ne
pouvait être composé de rayons très hétérogènes.
La déviation électrique des rayons a été obtenue par M. Rutherford[104] au moyen d’un dispositif analogue à celui qui avait servi pour mettre en évidence la déviation magnétique ; les plateaux qui formaient les fentes étaient en ce cas fixés dans des plaques d’ébonite ; le champ électrique était établi entre deux plateaux voisins au moyen d’une batterie de petits accumulateurs. Quand les fentes n’avaient qu’une largeur de 0cm,01, et que le champ atteignait la valeur de 10 000 volts par centimètre, la diminution d’intensité du rayonnement produite par le champ était de 45 pour 100.
La nature des rayons se trouvait donc déterminée par l’ensemble des expériences qui viennent d’être décrites. Les expériences quantitatives ayant pour but la détermination de la vitesse des rayons et du rapport de la charge à la masse, seront décrites dans la suite de ce Chapitre.
122. Étude des rayons par la méthode des scintillations. — Les rayons produisent la luminosité des substances phosphorescentes, et le sulfure de zinc est particulièrement sensible à ce point de vue. La luminosité du sulfure de zinc, blende de Sidot, par l’action des rayons n’est pas continue, mais présente le phénomène très curieux de scintillations qui a été découvert par M. Crookes[105]. L’appareil de M. Crookes pour l’observation des scintillations se nomme spinthariscope. Cet appareil se compose essentiellement d’un grain de sel de radium maintenu à l’extrémité d’un fil métallique en face d’un écran au sulfure de zinc phosphorescent. Le grain de radium est à une très petite distance de l’écran (0mm,5, par exemple), et l’on regarde au moyen d’une loupe la face de l’écran tournée vers le radium. Dans ces conditions l’œil aperçoit sur l’écran une véritable pluie de points lumineux qui apparaissent et disparaissent continuellement. L’écran présente l’aspect d’un ciel étoilé. Les points brillants sont plus rapprochés dans les régions de l’écran voisines du radium, et dans le voisinage immédiat de celui-ci la lueur paraît continue. Le phénomène ne semble pas altéré par les courants d’air ; il se produit dans le vide, mais il est supprimé par un écran d’assez faible épaisseur, (0mm,1 d’aluminium), placé entre le radium et l’écran phosphorescent ; on pouvait donc conclure que le phénomène est dû à l’action des rayons les plus absorbables du radium.
On pouvait imaginer que l’apparition d’un des points lumineux sur l’écran phosphorescent est provoquée par le choc d’un projectile isolé. Dans cette manière de voir, on avait affaire, pour la première fois, à un phénomène permettant de distinguer l’action individuelle d’une particule dont les dimensions sont du même ordre de grandeur que celles d’un atome.
L’aspect des points lumineux est le même que celui des étoiles ou des objets ultra-microscopiques fortement éclairés, qui ne produisent pas sur la rétine des images nettes, mais des taches de diffraction ; et ceci est bien en accord avec la conception que chaque point lumineux extrêmement petit est produit par le choc d’un seul atome. Cette conception a été vérifiée par des travaux récents, dans lesquels le nombre des particules reçues par un écran et le nombre des scintillations étaient déterminés indépendamment ; il a été prouvé qu’on peut compter les particules par le nombre des scintillations qu’elles produisent.
Les scintillations peuvent être obtenues avec le radium, l’actinium, le polonium, les radioactivités induites ; l’émanation de l’actinium donne des effets particulièrement brillants. Elles ont pu être observées avec des substances faiblement actives telles que l’uranium, le thorium, la pechblende[106]. Pour cela on dispose sur la substance active un écran de matière transparente, recouvert sur la face inférieure d’une couche mince de sulfure de zinc ; les scintillations sont observées avec une loupe, après un séjour d’une certaine durée dans l’obscurité complète.
La production des scintillations est donc une propriété générale des rayons
Pour observer les scintillations on peut remplacer le sulfure de zinc par la willemite, le diamant, le platinocyanure de potassium. Avec le platinocyanure de baryum l’observation est difficile, probablement à cause d’une persistance trop grande de l’effet lumineux.
On peut remarquer que le sulfure de zinc est très sensible aux chocs, qui peuvent produire facilement des effets lumineux accompagnant, d’après Becquerel, le clivage des cristaux.
On peut se servir du phénomène des scintillations pour observer avec une certaine précision la distance à laquelle s’étend l’action des rayons Le phénomène des scintillations est particulièrement caractéristique pour les rayons toutefois il a pu être observé à un faible degré avec les rayons
123. Absorption des rayons . — Les premières expériences, faites sur l’absorption des rayons par la matière, ont mis en évidence que ces rayons ont, à ce point de vue, des propriétés très différentes de celles des rayons
Le polonium se prête particulièrement à l’étude des rayons puisqu’il n’émet point d’autres rayons. J’ai étudié l’absorption des rayons du polonium par une méthode électrique[107]. J’ai trouvé que les rayons du polonium sont d’autant plus absorbables, que l’épaisseur de matière qu’ils ont déjà traversée est plus grande[107]. Cette loi d’absorption singulière est contraire à celle qu’on connaît pour les autres rayonnements.
L’expérience était disposée de la manière suivante : les deux plateaux d’un condensateur PP et P’P’ (fig. 118) sont horizontaux et abrités dans une boîte métallique BBBB en relation avec le sol. Le corps actif A, situé dans une boîte métallique épaisse CCCC faisant corps avec le plateau P’P’, agit sur l’air du condensateur au travers d’une toile métallique T ; les rayons qui traversent la toile sont seuls utilisés pour la production du courant, le champ électrique s’arrêtant à la toile. On peut faire varier la distance AT du corps actif à la toile. Le champ entre les plateaux est établi au moyen d’une pile ; la mesure du courant se fait au moyen d’un électromètre et d’un quartz piézoélectrique. En plaçant en A sur le corps actif divers écrans et en modifiant la distance AT, on peut mesurer l’absorption des rayons qui font dans l’air des chemins plus ou moins grands.
Voici les résultats obtenus avec le polonium :
Pour une certaine valeur de la distance AT (4cm et au-dessus), aucun courant ne passe : les rayons ne pénètrent pas dans le condensateur. Quand on
diminue la distance AT, l’apparition
des rayons dans le condensateur se fait d’une manière assez
brusque, de telle sorte que, pour une petite diminution de la distance,
on passe d’un courant très faible à un courant très notable ;
ensuite le courant s’accroît régulièrement quand on continue à
rapprocher le corps radiant de la toile T.
Quand on recouvre la substance radiante d’une lame d’aluminium laminé de de millimètre d’épaisseur, l’absorption produite par la lame est d’autant plus forte que la distance AT est plus grande. Si l’on place sur la première lame d’aluminium une deuxième lame pareille, chaque lame absorbe une fraction du rayonnement qu’elle reçoit, et cette fraction est plus grande pour la deuxième lame que pour la première, de telle façon que c’est la deuxième lame qui semble plus absorbante.
Dans le Tableau qui suit, on a fait figurer : dans la première ligne, les distances en centimètres entre le polonium et la toile T ; dans la deuxième ligne, la proportion de rayons pour 100 transmise par une lame d’aluminium ; dans la troisième ligne, la proportion de rayons pour 100 transmise par deux lames du même aluminium.
Distance AT |
3,5 | 2,5 | 1,9 | 1,45 | 0,5 |
Proportion de rayons transmis par une lame |
0 | 0 | 5 | 10 | 25 |
Proportion de rayons transmis par deux lames |
0 | 0 | 0 | 0 | 0,7 |
Dans une autre expérience on a obtenu les nombres suivants :
Distance AT en centimètres |
0 | 1,5 | 2,6 |
Proportion de rayons transmis par l’écran |
76 | 66 | 39 |
Dans ces expériences, la distance des plateaux P et P’ était de 3cm. On voit que l’interposition de la lame d’aluminium diminue l’intensité du rayonnement en plus forte proportion dans les régions éloignées que dans les régions rapprochées.
L’effet est encore plus marqué quand la distance des plateaux n’est que de 0cm,5 ; la fraction du rayonnement transmise par la lame d’aluminium est en ce cas de 47 pour 100, et, à travers deux lames, elle est de 5 pour 100 du rayonnement primitif.
Ainsi, pour les rayons du polonium la fraction du rayonnement absorbée par un écran donné croît avec l’épaisseur de matière qui a déjà été traversée par le rayonnement, mais cela a lieu surtout à partir d’une certaine valeur de la distance AT. Quand cette distance est nulle (le polonium étant tout contre la toile, en dehors ou en dedans du condensateur), il arrive que, de plusieurs écrans identiques très minces superposés, chacun absorbe la même fraction du rayonnement qu’il reçoit ; autrement dit, l’intensité du rayonnement diminue alors suivant une loi exponentielle en fonction de l’épaisseur de matière traversée, comme cela aurait lieu pour un rayonnement homogène et transmis par la lame sans changement de nature. Toutefois les résultats obtenus peuvent dépendre dans une certaine mesure du dispositif expérimental employé.
Voici quelques résultats numériques relatifs à ces expériences :
Pour une distance AT égale à 1cm,5, un écran en aluminium. mince transmet la fraction 0,51 du rayonnement qu’il reçoit quand il agit seul, et la fraction 0,34 seulement du rayonnement qu’il reçoit quand il est précédé par un autre écran pareil à lui. Au contraire, pour une distance AT égale à 0, ce même écran transmet dans les deux cas considérés la même fraction du rayonnement qu’il reçoit et cette fraction est égale à 0,71 ; elle est donc plus grande que dans le cas précédent.
Voici, pour une distance AT égale à 0, et pour une succession d’écrans très minces superposés, des nombres qui indiquent pour chaque écran le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu :
Série de 9 feuilles de cuivre très minces. |
Série de 7 feuilles d’aluminium très minces. | |
0,72 | 0,69 | |
0,78 | 0,94 | |
0,75 | 0,95 | |
0,77 | 0,91 | |
0,70 | 0,92 | |
0,77 | 0,93 | |
0,69 | 0,91 | |
0,79 | ||
0,68 |
Les nombres de chaque colonne peuvent être considérés comme constants ; seul, le premier nombre de la colonne relative à l’aluminium indique une absorption plus forte que celle indiquée par les nombres suivants.
Les rayons du radium se comportent comme les rayons du polonium. On peut étudier ces rayons à peu près seuls en renvoyant les rayons bien plus déviables de côté, par l’emploi d’un champ magnétique ; les rayons semblent, en effet, peu importants par rapport aux rayons Toutefois, on ne peut opérer ainsi qu’à partir d’une certaine distance de la source radiante. Voici les résultats d’une expérience de ce genre. On mesurait la fraction du rayonnement transmise par une lame d’aluminium de 0mm,01 d’épaisseur ; cette lame était placée toujours au même endroit, au-dessus et à petite distance de la source radiante. On observait, au moyen de l’appareil de la figure 94, le courant produit dans le condensateur pour diverses valeurs de la distance AD, en présence et en absence de la lame.
Distance AD |
6,0 | 5,4 | 3,4 | ||
Proportion de rayons transmis par l’aluminium |
3 | 7 | 24 | ||
Ce sont encore les rayons qui allaient le plus loin dans l’air qui sont le plus absorbés par l’aluminium. Il y a donc une grande analogie entre la partie absorbable du rayonnement du radium et les rayons du polonium.
L’arrêt des rayons du radium dans l’air se produit à une distance de la source qui est égale à environ 7cm.
Le mode d’absorption des rayons les différencie nettement des rayons il évoque l’idée de projectiles qui épuisent leur vitesse en traversant la matière. Ces projectiles constituent cependant des rayons capables de traverser les écrans sans diffusion sensible et en donnant des ombres géométriques parfaites.
Des expériences de même nature ont été décrites par M. Rutherford et Miss Brooks[108] ; la substance active était placée dans un condensateur à plateaux et des écrans en aluminium mince étaient posés directement sur la substance ; on employait le polonium ou le radium au minimum d’activité, c’est-à-dire le radium privé temporairement de rayons autres que les rayons La loi d’absorption obtenue avec le radium ne s’écarte pas beaucoup de la forme exponentielle, cependant le pouvoir pénétrant diminue quand l’épaisseur de matière traversée croît. Pour le polonium ce dernier effet est beaucoup plus marqué, et la décroissance du rayonnement est plus rapide que ne l’indiquerait une loi exponentielle.
La forme des courbes d’absorption obtenues pour les rayons dépend du dispositif expérimental employé, en particulier de l’épaisseur de la couche active et des limites dans lesquelles varie l’obliquité des rayons utilisés. Les rayons des différentes substances pénètrent dans l’air à des distances différentes (7cm pour le radium et 4cm pour le polonium).
Les courbes d’absorption obtenues par M. Rutherford et Miss Brooks pour les rayons de l’uranium, du thorium, du radium, du polonium, des dépôts actifs du thorium et du radium, ont une allure exponentielle ; la matière absorbante était l’aluminium, et l’épaisseur maximum employée a été de 0m,017. Les émanations étaient entraînées par un courant d’air pour éviter l’activation des appareils de mesures. Le pouvoir pénétrant des rayons des différentes substances décroît dans l’ordre suivant :
Cet ordre est le même que celui indiqué dans le paragraphe 104.
L’absorption des rayons par les gaz a été étudiée par M. Rutherford[109]. Les rayons émanant de la substance active (fig. 119) traversaient une feuille
d’aluminium mince et étaient reçus dans un
condensateur à plateaux, dont la distance à la substance active
pouvait être modifiée à volonté. L’ensemble de l’appareil était
enfermé dans une boîte étanche dans laquelle on introduisait le
gaz étudié. La surface active étant de grande étendue était
considérée comme indéfinie. Si le rayonnement reçu dans le condensateur diminue suivant une loi exponentielle en fonction de
la distance, ce rayonnement a une valeur proportionnelle à
à l’entrée du condensateur, et une valeur proportionnelle à
à la face opposée, en désignant par le coefficient d’absorption
et par la distance des plateaux. Par suite, le rayonnement
utilisé est proportionnel à et décroît aussi
suivant une loi exponentielle quand on fait varier la distance
du condensateur à la matière active.
La loi d’absorption obtenue se rapproche en effet d’une loi exponentielle. Voici les nombres qui mesurent dans différents gaz la distance à laquelle le rayonnement de l’oxyde d’uranium est réduit de moitié :
mm | ||
Gaz CO2 |
3 | |
» Air |
4,3 | |
» CO |
7,5 | |
» H2 |
16 |
Les nombres qui mesurent dans l’air la distance à laquelle le rayonnement des différentes substances actives est réduit de moitié sont les suivants :
mm | ||
Uranium |
4,3 | |
Radium |
7,5 | |
Thorium |
10 | |
Radioactivité induite du thorium et du radium |
16,5 |
Ces nombres ne peuvent être utilisés qu’à titre d’indication, car ils peuvent varier avec le dispositif expérimental employé.
124. Méthode de MM. Bragg et Kleemann pour l’étude des rayons — Les expériences qui ont été décrites dans le paragraphe 123, ont montré que le rayonnement du polonium est franchement limité dans l’air à une distance très approximativement égale à 4cm, et que le rayonnement du radium forme de même autour de la substance une gaîne qui s’étend à une distance de 7cm. Ces expériences ont prouvé que le pouvoir ionisant des rayons est épuisé à une distance de quelques centimètres de la source, ce qui indique que les rayons ont pu éprouver une perte d’énergie cinétique le long de leur parcours, la perte pouvant être attribuée à la dépense d’énergie nécessaire pour produire l’ionisation du gaz. On verra, d’ailleurs, que le nombre d’ions produit par une particule le long de son parcours dans le gaz est très élevé et de l’ordre de 200 000 ; le travail d’ionisation peut donc représenter une perte d’énergie importante,
MM. Bragg et Kleemann[110] ont fait l’hypothèse que les rayons émis par une substance radioactive simple possèdent tous la même vitesse initiale, et qu’ils sont, par suite, capables de produire l’ionisation de l’air sur une même distance déterminée qui se nomme leur parcours. Seuls les rayons émis par la surface de la matière active peuvent réaliser le parcours les rayons provenant d’une profondeur éprouvent une perte d’énergie en traversant la matière ; on admet que cette perte d’énergie se traduit par une diminution du parcours restant dans l’air, et que cette diminution proportionnelle à peut être désignée par étant un coefficient qu’on nomme coefficient d’abaissement ; dans la théorie primitive on considérait que représente le rapport entre la densité de la matière traversée et la densité de l’air. On suppose encore, conformément aux indications de l’expérience, qu’un faisceau de rayons traverse la matière sans éprouver une dispersion appréciable et que, par suite, le trajet des rayons dans l’air est rectiligne.
Considérons un faisceau de rayons parallèles émis par une couche de matière d’épaisseur suffisamment faible pour que les rayons émanant du fond de la couche puissent encore pénétrer dans l’air, c’est-à-dire pour qu’on ait et examinons comment varie l’ionisation dans l’air à une distance de la surface de la couche active. Pour mesurer cette ionisation on laisse pénétrer les rayons dans un condensateur à plateaux très rapprochés, et dont le plateau A est constitué par une toile métallique (fig. 120) ; nous désignerons par la distance variable du plateau A à la matière active et par la distance des plateaux (profondeur de la chambre d’ionisation). Aucun courant ne sera observé dans le condensateur quand on aura Supposons que le pouvoir ionisant d’un rayon reste constant sur toute la longueur du parcours. Si l’on considère les distances inférieures à le nombre de rayons qui traversent chaque plan parallèle à la surface active reste constant, et l’ionisation dans la chambre conserve une valeur constante OM. Quand dépasse la distance les rayons venant des couches les plus profondes commencent à ne plus traverser la chambre ; un déplacement égal à a pour effet de supprimer l’action des rayons qui proviennent d’une épaisseur de la couche active ; la diminution d’ionisation qui en résulte est donc proportionnelle à si l’on désigne par le nombre de rayons émis par la couche active par unité
d’épaisseur, et par le nombre d’ions produits par
chaque rayon par unité de longueur du trajet.
Tant que les rayons extrêmes atteignent le plateau supérieur, l’ionisation entre les plans qui correspondent aux ordonnées et est mesurée par l’expression
L’ionisation décroît donc en fonction de la distance suivant une loi linéaire, l’inclinaison de la droite représentative étant proportionnelle à
Quand les rayons extrêmes n’atteignent plus le plateau supérieur, l’ionisation est donnée par la formule
La variation de en fonction de est alors représentée par un arc de parabole ; toutefois quand on emploie une chambre d’ionisation très étroite, cette portion de courbe est relativement peu importante.
Supposons que la matière active donne lieu à une émission de plusieurs groupes de rayons chaque groupe étant homogène et se comportant suivant la théorie qui vient d’être exposée ; supposons de plus que les parcours des rayons des différents groupes ne sont pas très voisins entre eux et que a la même valeur pour tous les groupes. On pourra alors choisir l’épaisseur de la couche active de telle manière que, pour chaque faisceau, le trajet restant des rayons venant de la surface, soit plus court que le trajet restant des rayons venant du fond pour le faisceau qui vient ensuite dans l’ordre des vitesses d’émission croissantes. L’ionisation varie en ce cas en fonction de suivant une courbe représentative comprenant des portions rectilignes d’intensité constante, séparées par des portions rectilignes de décroissance linéaire. Si l’on admet que chaque groupe comprend le même nombre de rayons, et que le pouvoir ionisant des rayons des divers groupes est le même, les segments de droites inclinées auront tous les mêmes inclinaisons correspondant à la valeur commune de et les mêmes longueurs correspondant aux valeurs, égales entre elles, des différences des trajets effectués dans l’air par les rayons venant du fond et de la surface de la couche active pour chaque faisceau.
La figure 121 a été construite en admettant que la substance active émet
quatre groupes de rayons pour lesquels les suppositions
précédentes se trouvent vérifiées. Les ordonnées des points M1, M2, M3, M4, (fig. 121, I), mesurent les parcours des
rayons des différents groupes dans l’ordre des vitesses d’émission
croissantes. Ce cas est approximativement réalisé pour l’émission
du radium en équilibre avec l’émanation et la radioactivité induite.
Voici quel était le dispositif expérimental qui a servi à vérifier les prévisions de la théorie. Il était nécessaire d’employer des rayons normaux à la surface active S. Pour cela le rayonnement émis par la source était limité au moyen d’un diaphragme convenable. Le diaphragme primitivement employé est représenté dans la figure 122, I ; ensuite on a considéré comme préférable de constituer le diaphragme par un grand nombre de petits tubes juxtaposés ayant, par exemple, 1cm de longueur et 2mm de diamètre (fig. 122, II). L’emploi du diaphragme empêche évidemment de poursuivre les mesures jusqu’à la surface active. Pour mesurer l’ionisation on réunit le plateau B à l’électromètre et la toile A à la batterie. Il est utile de disposer au voisinage de A du côté de la source une toile métallique reliée au sol, destinée à absorber les ions qui étant produits entre la source et la toile A,
pourraient pénétrer par diffusion dans la chambre AB. La profondeur de la
chambre est de 1mm à 2mm. La nécessité d’isoler des rayons normaux
réduit dans une très forte proportion l’intensité du rayonnement,
et il est nécessaire d’employer une source très active ou
un dispositif de mesures sensible.
L’application de cette méthode de recherche à l’étude du rayonnement du radium a permis à MM. Bragg et Kleemann de vérifier dans les lignes principales l’exactitude des prévisions théoriques et à mettre en évidence ce fait important, que le radium émet quatre groupes de rayons qui se distinguent entre eux par la vitesse d’émission. De plus l’expérience a montré que ces groupes sont susceptibles d’être séparés, et que chacun d’eux appartient à une substance radioactive distincte au sens de la théorie de désintégration des éléments radioactifs. Certaines suppositions faites dans la théorie primitive ont dû toutefois être modifiées.
La figure 123, I représente la courbe obtenue avec le radium en équilibre radioactif. Cette courbe indique l’existence de quatre groupes de rayons qui font successivement leur apparition à mesure qu’on se rapproche de la substance active. Les parcours des rayons des divers groupes sont 3cm,5, 4cm,23, 4cm,83 et 7cm,06. Ce dernier nombre concorde avec l’évaluation
antérieurement faite de la distance à laquelle s’arrêtent dans l’air les rayons du radium.
L’ionisation qui persiste à une distance supérieure à 7cm est
faible ; elle est attribuable aux rayons et du radium.
Le groupe de rayons dont le parcours est le plus faible provient du radium lui-même. En effet, si l’on prend soin de chasser l’émanation du radium par une chauffe très forte et très prolongée (plus de 3 heures), de manière à laisser s’éteindre la radioactivité induite, ce groupe de rayons subsiste seul, et l’on obtient alors la courbe II (fig. 123). Cette courbe affecte l’allure générale prévue dans la figure 120 pour un groupe de rayons homogènes. Cependant la portion rectiligne verticale est remplacée par une portion inclinée PQ. Si l’on admet qu’il y a cependant correspondance entre ces deux portions et que le nombre des rayons reste constant dans la région PQ, alors les abscisses dans cette région représentent le pouvoir ionisant moyen du faisceau à une distance de la surface active. On ne peut donc plus considérer que ce pouvoir ionisant est le même sur toute la longueur du parcours, mais on est conduit à admettre qu’il augmente avec la distance déjà franchie et qu’il est maximum vers la fin du parcours. Le même effet peut être constaté pour tous les groupes de rayons du radium ainsi qu’on le voit dans la figure 123, I. Abstraction faite des écarts pouvant provenir de cette cause, on doit s’attendre à ce que les ionisations produites par les divers faisceaux soient égales, si le nombre des particules est le même dans chaque faisceau. Cette prévision se trouve vérifiée approximativement, les abscisses qui correspondent aux maximums de étant sensiblement dans le rapport 1 : 2 : 3 : 4.
La séparation des faisceaux est d’autant plus nette que la couche de matière radiante est plus mince ; quand elle ne l’est pas suffisamment, on ne peut distinguer les faisceaux de parcours voisins 4cm,23 et 4cm,83. Pour obtenir une couche mince on évapore une solution étendue de sel radifère sur une plaque de métal. Toutefois, en examinant la surface active au microscope, on constate toujours que le sel est ramassé en petits cristaux, et il ne semble pas possible d’obtenir ainsi une couche uniforme de très faible épaisseur.
Quand la couche de matière radifère est plus épaisse, la diminution de l’ionisation commence à se produire dès qu’on s’éloigne de la substance active. La courbe prévue par la théorie approchée, est alors celle de la figure 121, II, les ordonnées des points M1, M2, M3, M4, correspondant au parcours des faisceaux, et les inclinaisons des quatre segments de droites étant dans le rapport 1 : 2 : 3 : 4. En effet, le segment M1M3 correspond à la disparition d’un seul faisceau, et son inclinaison est caractérisée par le coefficient le segment M3M2 correspond à la disparition de deux faisceaux et à l’inclinaison etc. Des courbes qui rappellent la ligne polygonale théorique ont été obtenues par MM. Bragg et Kleemann.
Le faisceau de rayons dont le parcours est le plus grand (7cm,06) est dû au dépôt actif du radium, car il persiste après une chauffe très forte mais d’assez courte durée, qui a pour effet de chasser l’émanation sans que la destruction du dépôt actif ait été achevée ; ce faisceau disparaît en ce cas rapidement pendant la première demi-heure qui suit la chauffe ; il est dû au composant radium C du dépôt actif, composant susceptible d’être isolé.
Les deux autres groupes de rayons peuvent être attribués à l’émanation du radium et au premier composant du dépôt actif, le radium A ; le radium A est la matière radioactive à laquelle est attribuée la décroissance initiale très rapide du rayonnement total obtenu par la radioactivité induite, tandis que le radium C est la matière dont le rayonnement peut être observé pour des temps supérieurs à une demi-heure à partir du début de la désactivation.
La méthode employée par MM. Bragg et Kleemann pour l’analyse du rayonnement du radium a été appliquée ensuite par de nombreux observateurs à l’étude des rayons émis par les autres corps radioactifs. On a obtenu ainsi les résultats suivants :
Le polonium émet un seul groupe de rayons dont le parcours dans l’air est égala 3cm,86[111].
L’actinium émet quatre (ou cinq) groupes de rayons qui peuvent être attribués aux différents produits de sa désintégration (voir Chap. XV).
Le thorium émet cinq ou six groupes de rayons dont un lui appartient vraisemblablement, les cinq autres appartenant aux produits de sa désintégration (voir Chap. XIV).
L’expérience est favorable à la manière de voir d’après laquelle l’émission d’un seul groupe de rayons caractérise une substance radioactive simple, l’émission de plus d’un groupe étant l’indice d’une composition complexe de la substance active. Cette opinion résulte des séparations qu’on a pu réaliser entre les différents groupes de rayons émis par les substances primaires, et qui ont, en général, conduit à attribuer chaque groupe à une substance chimiquement distincte.
La longueur du parcours dans l’air, à la pression et à la température normales, est une donnée caractéristique pour un groupe de rayons Dans ce qui précède, le parcours a été défini par la distance à laquelle s’étend dans l’air l’action ionisante des rayons ; toutefois l’expérience a montré que toute autre propriété des rayons peut aussi être observée seulement jusqu’à une certaine limite qui est approximativement la même dans tous les cas (voir § 129, 132). Il semble donc qu’il existe une liaison étroite entre les diverses propriétés de la particule en vertu de cette liaison les procédés d’étude qui consistent à déceler la présence des particules par la production d’ions, la production de scintillations, l’effet radiographique ou le transport de charge électrique paraissent équivalents, au moins en première approximation.
126. Courbe d’ionisation des rayons . — La courbe qui donne, suivant la méthode Bragg et Kleemann, la valeur de l’ionisation en fonction de la distance à la surface active, sera nommée, pour abréger, courbe d’ionisation des rayons
Les ordonnées de cette courbe représentent les distances à la surface de la couche active, supposée plane et très mince ; les abscisses représentent, pour des rayons approximativement normaux à la surface active, le nombre d’ions produits entre deux plans parallèles à cette surface, ayant entre eux une distance fixe et ayant comme ordonnées et On peut donc considérer que est l’ionisation moyenne par unité de longueur ; tant que le nombre des particules reste invariable, c’est aussi la valeur moyenne du pouvoir ionisant dans la région comprise entre les deux plans qui limitent la chambre d’ionisation. Il peut paraître préférable de porter en abscisses et en ordonnées.
L’étude de la courbe d’ionisation offre un grand intérêt. Nous avons vu que l’ionisation augmente avec et passe par un maximum pour une certaine valeur de cette distance ; le maximum est suivi d’une décroissance très rapide. Un examen attentif des courbes expérimentales montre que l’interprétation théorique de leur forme offre encore quelque incertitude. Pour s’en rendre compte, il est utile de discuter de quelle manière la forme de la courbe dépend des conditions de l’expérience.
On peut remarquer tout d’abord que les rayons ne peuvent être rigoureusement normaux à la surface active. La valeur mesurée de correspond en réalité à des rayons dont l’inclinaison sur la normale varie entre certaines limites. Cependant l’effet de l’obliquité devient très faible dès qu’on réalise une canalisation assez parfaite du faisceau. Ainsi pour un rayon émis normalement et pour un rayon émis dans une direction qui fait avec la normale un angle égal à 0,1 ou 5°,7, les distances limites qui peuvent être atteintes ne diffèrent que de la fraction 0,005 du parcours supposé le même dans les deux cas ; il en résulte que pour ces rayons les portions égales de leurs trajets qui correspondent à une même distance moyenne peuvent être, en général, considérées comme se correspondant avec une approximation suffisante.
Considérons maintenant l’influence de la profondeur de la chambre d’ionisation. En raison de la variation du pouvoir ionisant avec il n’est pas facile de traiter ce cas par la théorie, mais on peut le discuter sur la base de données expérimentales. La valeur de qu’on aurait avec une chambre de profondeur 2mm et pour est évidemment la somme des valeurs de obtenues avec une chambre de profondeur mm pour 0mm,5 et 0mm,5. Si l’on a obtenu la courbe d’ionisation expérimentale relative à une certaine substance en se servant d’une chambre pour laquelle mm, on pourra donc construire les courbes d’ionisation qu’on aurait obtenues avec des chambres pour lesquelles 2mm, 3mm, etc. Portons en abscisses la valeur de et en ordonnées la valeur de qui correspond à une même distance les points obtenus viennent se placer sur une courbe, qui permet de déduire par extrapolation la valeur de qu’on aurait obtenue avec une chambre infiniment étroite En recommençant cette construction pour différentes distances on peut construire la courbe d’ionisation limite qui correspond à une profondeur négligeable de la chambre, le dispositif expérimental restant le même par ailleurs. L’exemple d’une telle opération est donné dans la figure 124 ; les courbes déduites d’une même courbe expérimentale et correspondant à différentes valeurs de inscrites sur la figure, ont été construites chacune à une échelle différente pour de manière à rendre égales les valeurs maximum de On voit que la diminution de a pour effet d’augmenter la distance qui correspond au maximum et de réduire la distance
sur laquelle décroît depuis sa valeur
maximum jusqu’à la valeur 0. On voit aussi que sur la courbe
qui correspond à la distance est d’environ 5mm.
La substance active était le polonium déposé sur une lame
métallique en couche extrêmement mince[112].
On peut enfin examiner l’influence de l’épaisseur de la couche active. Quand cette épaisseur augmente, la région du maximum de se rapproche de la substance active. Si le nombre des particules restait le même et si le pouvoir ionisant d’une particule isolée était constant ou bien régulièrement croissant le long du parcours jusqu’à la fin de celui-ci, la valeur de pour une couche de matière d’épaisseur négligeable devrait tomber brusquement de la valeur maximum à la valeur 0 sur une distance négligeable (voir fig. 121). Pourtant sur les courbes expérimentales cette distance est toujours très appréciable, même quand la couche de matière active paraît extrêmement mince. C’est ainsi que pour le polonium déposé sur une lame métallique en couche invisible ou à peine visible on trouve 5mm, après correction relative à l’influence de la profondeur de la chambre (fig. 124), des valeurs de de 5mm à 6mm, sont obtenues avec une chambre d’ionisation de 2mm de profondeur, la substance active étant soit le polonium déposé en couche très mince, soit le dépôt de radioactivité induite du radium (radium C) ; dans ce dernier cas le dépôt est absolument invisible, et pourtant la courbe obtenue peut être superposée dans la région terminale à la courbe d’ionisation des rayons du polonium obtenue avec le même dispositif expérimental (voir § 131, fig. 131).
Pour interpréter la forme de la courbe d’ionisation vers la fin du parcours, on peut faire deux suppositions qui, d’ailleurs, pourraient être vérifiées simultanément : 1o on peut admettre que le pouvoir ionisant d’une particule, après avoir passé par un maximum, décroît ensuite rapidement vers la fin du parcours ; 2o on peut supposer que le nombre des particules qui, ayant été émises par une couche active infiniment mince dans une direction normale à celle-ci, peuvent traverser un plan situé à la distance de la surface active, n’est pas constant pour toutes les valeurs de inférieures à la longueur du parcours, mais que ce nombre diminue, tout au moins vers la fin du parcours, de sorte que la distance n’est atteinte que pour un nombre de particules relativement restreint,
La deuxième manière de voir doit, en tout cas, être adoptée, ainsi qu’il résulte des expériences de M. Geiger[113] qui a observé les scintillations produites sur un écran au sulfure de zinc par un faisceau de rayons issu d’une source de petites dimensions (polonium ou radium C) et convenablement limité de manière à ne contenir que des rayons de directions peu différentes. Le nombre des scintillations observées dans l’air à la pression atmosphérique commençait à diminuer quand la distance à la source était inférieure de 6mm environ à la longueur du parcours, et la diminution se poursuivait ensuite régulièrement jusqu’à la disparition complète. Le même effet a été constaté pour les rayons de l’actinium B[114].
Ainsi toutes les particules ne parviennent pas à la même distance de leur point d’émission. Ce fait s’expliquerait facilement si la vitesse d’émission des diverses particules n’était pas rigoureusement la même, mais se trouvait comprise entre certaines limites assez rapprochées ; cette hypothèse pourrait être en relation avec l’hypothèse plus générale, d’après laquelle les atomes d’une même substance radioactive ne sont pas exactement semblables en tout point (voir § 98). Cependant l’expérience ne semble pas favorable à cette supposition (voir § 129). On sait, d’autre part, qu’en se déplaçant dans l’air (ou dans tout autre milieu matériel), les particules éprouvent une réduction progressive de leur vitesse (§ 129), et l’on pourrait admettre avec M. Geiger que des particules qui ont été émises primitivement avec la même vitesse et qui ont accompli le même trajet dans l’air, peuvent cependant avoir une vitesse variable entre certaines limites, les conditions de leurs chocs contre les molécules rencontrées n’ayant pas été les mêmes. Il en résulterait que le parcours que peut effectuer une particule avant d’avoir subi l’absorption pourrait aussi varier dans certaines limites. Étant donné le très grand nombre des molécules que rencontre une particule (environ molécules sur la longueur de 1cm), il semble cependant difficile d’expliquer dans cette manière de voir qu’un écart moyen de quelques millimètres sur la longueur mesurable du parcours puisse prendre naissance par le simple effet du hasard des rencontres. Une autre interprétation paraît plus probable. L’expérience a montré que l’hypothèse primitive, d’après laquelle le trajet des rayons dans l’air est rectiligne, ne s’applique plus vers la fin du parcours, les conditions du mouvement étant alors plus complexes. Avant d’avoir été définitivement absorbées dans l’air, les particules paraissent éprouver une dispersion importante, de sorte qu’un faisceau de rayons primitivement parallèles subit un épanouissement vers la fin du parcours. On a vu que pour les rayons la diffusion est un phénomène important. La diffusion des rayons dans l’air, même avant la fin de leur parcours, bien qu’extrêmement faible, a pu cependant être observée, et cette diffusion paraît devoir jouer un rôle prépondérant vers la fin du trajet (voir § 136). Dans cette manière de voir le parcours d’une particule, c’est-à-dire le chemin que la particule peut franchir dans l’air en conservant ses propriétés caractéristiques, pourrait être le même pour toutes les particules ; mais la forme du trajet final étant différente, la distance atteinte en ligne droite à partir de la source pourrait varier entre certaines limites.
126. Passage des rayons au travers des écrans métalliques minces. Pouvoir d’arrêt. — MM. Bragg et Kleemann[115] ont montré que si l’on étudie au moyen de leur dispositif expérimental la courbe d’ionisation des
rayons l’interposition d’un écran
métallique mince entre la source et le diaphragme a pour effet de
déplacer la courbe parallèlement à elle-même dans la direction Ox,
sans que d’ailleurs la courbe soit déformée, au moins en première approximation. Si au premier écran on superpose un deuxième
écran semblable, l’abaissement de la courbe est doublé. L’effet de
l’écran consiste donc à produire un abaissement de la courbe d’ionisation,
et cet abaissement est proportionnel à l’épaisseur de
l’écran (fig. 125). Ces expériences rendent légitime la supposition
analogue qui a été faite relativement à la diminution du trajet des
rayons par suite de leur passage dans la matière qui les émet.
Ce fait est en faveur de l’hypothèse d’après laquelle toutes les particules traversent effectivement l’écran, pourvu qu’elles aient la même vitesse initiale et la même direction normale à l’écran, et pourvu que l’écran ait une épaisseur inférieure à une certaine valeur limite. Des expériences intéressantes ont été faites à ce sujet par M. Regener[116] qui, observant les particules par les scintillations qu’elles produisent sur un écran au sulfure de zinc, a constaté que le nombre des scintillations pour des rayons normaux n’est pas modifié par l’interposition d’un écran mince entre la source (polonium) et l’écran.
L’abaissement de la courbe d’ionisation par suite du passage des rayons au travers d’un écran d’épaisseur constitue l’épaisseur d’air équivalente à cet écran. Si l’abaissement était proportionnel à la densité de la matière par rapport à l’air, on aurait la relation Cette relation n’est pas conforme à l’expérience, et l’on trouve, en général, que le rapport pour les métaux est supérieur à l’unité, surtout pour les métaux denses. Ce rapport présente, par contre, avec le poids atomique de la substance absorbante, une relation plus étroite ; il varie approximativement en raison inverse de la racine carrée du poids atomique, ainsi que l’indique le Tableau suivant :
Or |
3,05 | 4,65 | |
Pt |
3,29 | 4,25 | |
Sn |
2,41 | 4,50 | |
Ag |
2,41 | 4,30 | |
Cu |
1,78 | 4,45 | |
Al |
1,23 | 4,25 | |
Air |
1,0 | 3,79 |
L’abaissement par atome est où est la densité de la substance absorbante ; cet abaissement se trouve, par conséquent, proportionnel à . On peut de plus admettre que l’abaissement dû à une molécule est la somme des abaissements dus aux atomes qui la composent. En considérant l’air comme composé d’oxygène et d’azote dans le rapport de 1 à 5, on trouve que l’abaissement produit en moyenne par molécule d’air est proportionnel à Un gaz homogène diatomique de poids atomique produirait un effet équivalent, si l’on avait la relation
On peut considérer comme le poids atomique d’un atome d’air fictif, et l’on trouve pour ce gaz tandis que C’est ainsi qu’a été obtenu le nombre placé dans la dernière ligne du Tableau précédent.
On nomme pouvoir d’arrêt d’une matière le rapport qui existe entre l’abaissement par atome de cette matière et l’abaissement par atome d’air. On a donc par définition
Quand les rayons se propagent dans un gaz, on nomme de même pouvoir d’arrêt du gaz le rapport entre l’abaissement par molécule du gaz et l’abaissement par molécule d’air.
Désignons par le parcours des rayons dans l’air et par le parcours dans un autre gaz. L’abaissement relatif à des épaisseurs et traversées respectivement dans l’air et dans le gaz, est évidemment le même et égal à . Si les gaz ont la même concentration moléculaire, il résulte de ce qui précède que le pouvoir d’arrêt du gaz est représenté par le rapport On constate que le pouvoir d’arrêt d’un gaz, déterminé expérimentalement par le rapport des parcours, est en bonne concordance avec celui qu’on calcule par l’addition des pouvoirs d’arrêt des atomes. Par exemple, pour le bromure d’éthyle CH3Br, le calcul indique
et l’expérience faite en mesurant directement le parcours des
rayons d’une même substance active dans le bromure d’éthyle
et dans l’air donne le résultat
Quand on fait varier la pression et la température d’un gaz, le parcours varie en raison inverse de la pression et proportionnellement à la température absolue ; le pouvoir d’arrêt d’une molécule est donc indépendant de la pression et de la température.
En étudiant le passage des rayons du polonium au travers d’écrans minces, MM. Kucera et Masek[117] ont confirmé les résultats obtenus par MM, Bragg et Kleemann.
La théorie du passage des rayons au travers de la matière, sous la forme qui vient d’être exposée, n’est pas absolument exacte dans ses détails. Des expériences plus précises ont mis en évidence que le pouvoir d’arrêt d’un écran dépend de sa distance à la source radiante ; de plus, le pouvoir d’arrêt d’un tel écran est plus grand pour le groupe le plus pénétrant des rayons du radium que pour le groupe le moins pénétrant[118],[119],[120]. L’épaisseur d’air équivalente à un écran donné varie avec la distance de l’écran à la source. En voici un exemple :
Distance à la source. cm |
Épaisseur équivalente. cm |
|||||||||||
Écran en or |
|
1,2 | 1,03 |
|
Meyer. | |||||||
2,2 | 0,82 | |||||||||||
Écran en aluminium |
|
1,22 | 0,470 | |||||||||
2,4 | 0,406 | |||||||||||
Aluminium |
|
0 | 0,71 |
|
Kucera et Masek. | |||||||
1,9 | 0,64 | |||||||||||
Platine |
|
0 | 0,963 | |||||||||
1,9 | 0,84 |
La distance 0 correspond aux expériences dans lesquelles l’écran était interposé entre la source et le diaphragme.
On constate aussi que le rapport des parcours pour les divers groupes de rayons du radium n’est pas le même dans deux gaz différents[121]. La comparaison a été faite pour l’air et le méthane, et les conditions expérimentales étaient choisies de telle manière que les parcours pour les groupes les moins pénétrants étaient les mêmes dans les deux gaz. Le rapport des parcours étant égal à 1 pour ce groupe, on a trouvé qu’il était égal à 0,86 pour le groupe le plus pénétrant et à 0,88 pour le groupe suivant.
Les courbes d’ionisation construites pour les rayons du polonium avec interposition d’un écran en argent ou d’un écran en or ne peuvent être exactement superposées par glissement ni entre elles ni avec la courbe obtenue sans écran ; toutefois l’écart n’est pas très important[122].
On peut admettre que le pouvoir d’arrêt varie avec la distance à la source principalement pour les atomes lourds et beaucoup moins pour les atomes légers.
127. Absorption par des écrans pour un rayonnement émis dans toutes les directions. — La théorie des rayons qui vient d’être exposée se présente d’une manière très simple, et malgré les écarts entre la théorie et l’expérience, le passage des rayons au travers de la matière ne semble pas donner lieu à des phénomènes aussi complexes que ceux qu’on observe avec les rayons sauf peut-être vers la fin du parcours. Une simplification importante est apportée par le fait de la stabilité de la direction du mouvement des rayons qui traversent les écrans sans changement de direction appréciable. De plus, ainsi qu’on le verra plus loin, les rayons ne donnent pas lieu à une production de rayons secondaires doués de pouvoir ionisant.
On peut essayer, par conséquent, de calculer l’intensité du rayonnement transmis par un écran d’une épaisseur déterminée. La seule difficulté qui se présente, c’est la variation du pouvoir ionisant des rayons le long de leur parcours ; ainsi que nous l’avons vu, le pouvoir ionisant augmente avec le trajet déjà accompli, et la loi de cette variation n’est pas très exactement connue. Pour simplifier le problème, nous admettrons que le pouvoir ionisant conserve une valeur constante ; les résultats ainsi obtenus ne doivent pas différer qualitativement de la réalité. On peut considérer séparément : 1o le cas où l’émission est due à une couche très mince de matière active ; 2o le cas où cette couche est épaisse.
1o Couche active d’épaisseur négligeable. — Soient l’épaisseur de l’écran supposé indéfini, ainsi que la couche active, le parcours des rayons, l’abaissement du parcours par unité d’épaisseur de matière traversée, le
nombre d’ions produit par un rayon
sur l’unité de longueur de son trajet dans l’air, et le nombre de
rayons émis par unité de temps et de surface uniformément dans
toutes les directions de l’espace. Un élément de la surface active
(fig. 126, I) émet un rayonnement dans toutes les directions ;
l’épaisseur de matière qui peut être traversée par les rayons est
égale au maximum à Pour les rayons qui font un angle
avec la normale à la surface, l’épaisseur d’air équivalente à l’épaisseur
de matière traversée est et le trajet restant dans l’air
est où Ces rayons donnent lieu à une production
d’ions laquelle évaluée par unité de surface et de temps
peut être calculée par la formule
Pour on trouve
d’où
et
D’après la formule précédente on trouve que pour
pour
Le coefficient d’absorption défini par la relation est donc infiniment grand pour sa vraie valeur pour est également infinie. La courbe doit donc présenter un point d’inflexion, ainsi que l’indique la figure 127, I. On a porté en ordonnées la valeur de et en abscisses la valeur de c’est-à-dire l’épaisseur de la matière traversée, évaluée en fraction de l’épaisseur équivalente au parcours dans l’air.
Des courbes qui représentent l’absorption des rayons émis par une couche infiniment mince de matière radiante ont été obtenues par voie expérimentale[123]. La source radiante était constituée par le polonium, les dépôts actifs du radium, du thorium et de l’actinium, et par l’uranium en couche très mince ; on tenait compte de la variation de l’activité avec le temps et de la correction relative à l’effet des rayons et L’absorption des rayons dans l’air de la chambre d’ionisation était toujours complète.
Dans les courbes obtenues la région initiale n’est pas semblable à celle que prévoit le calcul précédent ; le coefficient a une valeur finie pour et croît ensuite constamment avec l’épaisseur de matière traversée en tendant vers l’infini quand le rayonnement transmis tend vers 0. Si toutefois on suppose que dans la courbe théorique le point d’inflexion se produit pour des valeurs de très faibles, on conçoit que la région qui précède ce point n’ait pu être observée. Une courbe d’absorption obtenue avec les rayons du radium C est représentée dans la figure 127, III.
Dans le Tableau suivant on a indiqué le coefficient d’absorption initial pour des écrans d’aluminium très minces et le parcours des rayons dans l’aluminium, c’est-à-dire l’épaisseur d’aluminium nécessaire pour l’absorption totale.
Uranium. | Polonium. | Actinium dépôt actif (actinium B). |
Thorium dépôt actif Thorium (B+C). |
Radium dépôt actif (radium C). | |
.................... | 3100 | 1050 | 900 | 500 | 400 |
en centimètres... |
10.10-4 |
28.10-4 |
32.10-4 |
40.10-4 |
45.10-4 |
2o Couche active épaisse. — Quand la couche active a une épaisseur appréciable, il faut tenir compte de l’absorption des rayons par la matière active elle-même. Soient, comme précédemment, l’épaisseur de l’écran et l’abaissement de la courbe d’ionisation par unité d’épaisseur de cet écran ; soit l’abaissement de la même courbe par unité de longueur de trajet dans la matière active. Une couche infiniment mince de matière active, située à une profondeur (fig. 126 ; II) et ayant l’épaisseur donne lieu dans l’air à une production d’ions
et la production étant rapportée à l’unité de temps et à l’unité de surface de la couche active.
Pour obtenir l’ionisation totale produite par une couche épaisse, il suffit
d’intégrer cette expression entre les limites
d’où, en effectuant le calcul,
Pour on trouve
On a, de plus,
On trouve ensuite les relations suivantes :
Pour
Pour
Donc pour le coefficient prend une valeur finie, pour on trouve que sa vraie valeur est infinie.
La courbe prend la forme indiquée dans la figure 127, II. Cette forme paraît se prêter à la représentation des expériences ; elle indique un coefficient constamment croissant avec l’épaisseur de matière traversée.
Le calcul précédent a été indiqué par M. Bragg[124] qui en a fait l’application suivante. En posant on peut écrire la valeur de sous la forme
Le rapport est donc une fonction de dont on peut construire la courbe représentative. Ayant mesuré pour un écran déterminé, et connaissant la valeur de pour cet écran, on pourra calculer
Si l’on admet que pour les différents groupes de rayons la valeur de est la même, on peut calculer ainsi le parcours d’un certain groupe de rayons pour lequel la courbe d’ionisation n’a pu être construite directement. M. Bragg a constaté qu’on trouve une bonne concordance en comparant entre elles les valeurs mesurées et les valeurs calculées des parcours des rayons du radium au minimum d’activité et du radium C ; il a ensuite déterminé par cette méthode le parcours des rayons de l’uranium, en opérant avec une couche d’oxyde d’uranium ; le nombre trouvé est 3cm,26. Le parcours de ces rayons n’a encore pu être déterminé avec précision par la méthode directe.
Remarquons de plus que si et sont les ionisations totales produites par des couches épaisses de deux matières radioactives simples, on a la relation
D’autre part, en désignant par et les pouvoirs d’arrêt des matières considérées, par , et leurs poids atomiques, par et leurs densités, par et les nombres de particules émises dans l’unité de temps par atome de la substance, on trouve les relations
et, par suite,
d’où
Si la substance radioactive n’est pas un élément, mais un composé, les valeurs de et de doivent être rapportées à la molécule, et le pouvoir d’arrêt de celle-ci se déduit des pouvoirs d’arrêt des atomes constituants. La formule précédente permet de prévoir le rapport entre les nombres de particules émises dans l’unité de temps par atome de la substance radioactive. Si nous admettons que l’émission de chaque particule correspond à la destruction d’un atome, on peut en tirer des conclusions sur la vitesse de désintégration relative des éléments considérés. M. Bragg a trouvé, par exemple, que le thorium privé de thorium X, d’émanation et de radioactivité induite émet par atome 20 pour 100 du nombre des particules émises par un atome d’uranium dans le même temps. Mais comme on sait actuellement que le thorium du commerce contient toujours du radiothorium en proportion qui ne correspond pas à un équilibre radioactif, ce résultat numérique n’a probablement pas de signification simple.
128. Relation entre l’absorption et la densité. — Bien que le coefficient d’absorption ne représente pour les rayons aucune notion expérimentale précise, on peut cependant constater que pour des écrans minces et pour une couche de matière épaisse le coefficient d’absorption ne varie pas très rapidement avec l’épaisseur de l’écran (voir fig. 127). On peut donc examiner, à titre d’indication pratique, si ce coefficient a une relation simple avec la densité de la matière absorbante. Voici un Tableau des valeurs de . pour des rayons de différentes espèces absorbés par des écrans en aluminium ou par l’air[125].
pour Al. | pour l’air. | |||
Radioactivité induite du thorium ou du radium |
830 |
0,42 |
320 |
350 |
Thorium |
1250 | 0,69 | 480 | 550 |
Radium |
1600 | 0,90 | 620 | 740 |
Uranium |
2750 | 1,6 | 1060 | 1300 |
Si donc on compare l’aluminium et l’air, les valeurs de ne sont pas très différentes ; toutefois les écarts deviennent importants quand on compare l’aluminium et l’étain.
L’absorption produite par un gaz est approximativement proportionnelle à sa pression, ainsi que cela a été constaté par M. Rutherford pour les rayons de l’uranium absorbés par l’air dans les limites de pression de d’atmosphère à une atmosphère, et par M. Owens[126] pour les rayons du thorium absorbés par l’air dont la pression variait entre 0,5 et 3 atmosphères.
L’air et le gaz carbonique produisent des absorptions sensiblement proportionnelles aux densités, mais l’absorption dans l’oxyde de carbone et dans l’hydrogène comparés à l’air ne vérifie pas la loi, bien que l’ordre des absorptions soit le même que celui des densités.
Ainsi pour les rayons comme pour les rayons l’absorption dépend en première approximation de la densité, mais un examen plus précis met en évidence l’influence de la structure de la matière.
129. Changement de vitesse des rayons au passage de la matière. — Les expériences sur l’absorption des rayons ont conduit à considérer ces derniers comme des projectiles qui épuisent leur force vive en traversant la matière. Il était important de soumettre cette supposition au contrôle de l’expérience.
Dans certains clichés obtenus par Becquerel[127] et reproduisant la trajectoire d’un faisceau étroit de rayons dans un champ magnétique, on observait que le rayon de courbure de cette trajectoire augmentait quand on s’éloignait de la source. Ce fait, en apparence contraire à l’hypothèse d’une réduction de vitesse le long du trajet, a été expliqué par la supposition que les rayons produisent le maximum d’impression photographique vers la fin de leur parcours[128]. Dans les expériences de Becquerel les rayons sortaient de la matière avec des vitesses différentes : ceux dont le trajet restant était plus court, correspondant par hypothèse à une vitesse plus faible et étant, par conséquent, plus fortement déviés par le champ magnétique. Le bord extérieur de la trace photographique obtenu par H. Becquerel constituait, dans cette manière de voir, le lieu des extrémités des parcours des rayons ; la forme de l’impression peut s’expliquer par les suppositions qui précèdent ; cependant cette explication ne semble pas en accord avec certains résultats expérimentaux, d’après lesquels l’effet radiographique des rayons serait le même en différentes portions du parcours (§ 152).
La perte de vitesse des rayons par suite du passage dans la matière a été mise en évidence par un travail de M. Rutherford[129], fait avec les rayons homogènes émis par le radium C, constituant du dépôt actif du radium. Un fil fortement activé par l’émanation du radium servait de source ; 15 minutes après la fin de l’exposition ce fil n’émet qu’un seul groupe de rayons qu’on attribue au radium C.
Le fil actif (fig. 117) était placé en S normalement au plan du tableau. Les rayons émis traversaient le diaphragme D, percé d’une fente parallèle au fil et située au-dessus de lui, et venaient rencontrer la plaque photographique P, normale au plan qui passe par le fil et la fente du diaphragme. L’ensemble de l’appareil se trouvait dans une boîte dans laquelle on pouvait faire le vide. Un champ magnétique uniforme parallèle au fil était établi dans toute la région occupée par l’appareil ; ce champ était normal au plan du tableau, et l’on opérait avec renversement du champ.
L’impression photographique se présente sous la forme de deux bandes étroites, dont la largeur est sensiblement égale à celle de la bande unique obtenue quand le champ est supprimé ; cette netteté des impressions prouve que les rayons sont homogènes. Quand une feuille d’aluminium mince était posée sur la source, les bandes restaient nettes et conservaient la même apparence ; le faisceau traverse donc une telle feuille sans diffusion notable et en restant homogène.
Un écran en mica dont le plan est normal au fil était placé au-dessus de celui-ci et vers son milieu ; cet écran partageait la région traversée par les rayons en deux parties ; une des moitiés du fil était nue, l’autre était recouverte d’un écran d’aluminium. L’écartement des deux bandes obtenues sur le cliché n’est pas le même dans les deux cas, et l’on a ainsi la preuve que les rayons ont éprouvé une modification en traversant l’écran. Une épreuve obtenue dans ces conditions est représentée dans la planche VI (fig. 2).
La trajectoire d’un rayon émis normalement au champ est une circonférence située dans un plan normal au fil. Cette circonférence passe par la source et par la fente (fig. 103, I), et son rayon est tel qu’on ait
étant la masse de la particule, sa charge, sa vitesse et l’intensité
du champ. La déviation étant petite, on a approximativement
de la fente à la plaque. La connaissance de permet de déterminer le rayon de courbure et par suite le rapport . On mesure la distance des deux bandes obtenues pour les deux sens du champ, et comme ces bandes sont très nettes, la mesure peut se faire avec une bonne précision. On obtient ainsi pour les rayons du radium C les résultats suivants :
pour les rayons qui n’ont pas traversé d’écran ; par conséquent,
pour ces rayons on trouve
Les distances et avaient les valeurs suivantes :
ou
La valeur de obtenue pour les rayons qui ont traversé un écran en aluminium est plus petite que celle qui correspond aux rayons n’ayant pas traversé d’écran. On verra d’ailleurs plus loin que le rapport n’est pas modifié par suite du passage des rayons au travers de l’écran, on doit donc admettre que la vitesse a été diminuée. Les expériences étaient faites en recouvrant le fil actif d’un nombre variable de feuilles d’aluminium très minces (épaisseur d’une feuille, 0cm,00031).
Les résultats obtenus sont résumés dans le Tableau suivant, dans lequel désigne la vitesse des rayons n’ayant pas traversé d’écran :
Nombre des feuilles d’aluminium. |
Distance des bandes. mm. |
|
---|---|---|
0 |
1,46 | |
5 |
1,71 | 0,85 |
8 |
1,91 | 0,76 |
10 |
2,01 | 0,73 |
12 |
2,29 | 0,64 |
13 |
Plus d’impression |
Ainsi quand une certaine épaisseur d’aluminium a été dépassée, l’effet radiographique des rayons ne peut plus être décelé. Cette épaisseur limite dans les premières expériences a été trouvée égale à 0cm,0039. En construisant la courbe d’ionisation des rayons du radium C par la méthode de M. Bragg, on a d’ailleurs trouvé que chacune des feuilles d’aluminium employées dans l’expérience précédente était équivalente à une épaisseur d’air de 0cm,54. Par conséquent l’épaisseur d’air équivalente à 12 feuilles était
Cette épaisseur était donc voisine du parcours des rayons dans
l’air, mesuré par la méthode d’ionisation.
Une concordance encore meilleure a été obtenue dans des expériences ultérieures, où l’impression photographique a pu encore être observée après le passage au travers de 14 feuilles d’aluminium, dont l’ensemble était équivalent à une épaisseur d’air de 7cm ; la vitesse correspondante était évaluée à 0,43 valeur voisine de la moitié de la vitesse primitive.
M. Rutherford a déterminé de plus l’épaisseur maximum d’aluminium qu’on peut utiliser quand on observe les rayons au moyen de la production d’effets de phosphorescence. Pour cela le fil actif était recouvert d’un nombre variable de feuilles d’aluminium, et l’on cherchait la distance maximum dans l’air à laquelle on pouvait encore observer l’effet de phosphorescence sur un écran en sulfure de zinc, en platinocyanure de baryum ou en willemite ; cette distance critique peut être observée avec une assez grande précision. En portant en abscisses le nombre des feuilles d’aluminium et en ordonnées la distance critique, on obtenait une ligne droite, dont l’examen permettait de conclure que l’absorption produite par 12,5 feuilles d’aluminium était équivalente, au point de vue de la production des effets de phosphorescence, à l’absorption produite par 6cm,8 d’air ; dans les deux cas, on se trouvait à la limite de l’observation de la phosphorescence, et l’on voit que le parcours des rayons évalué par ce procédé ne diffère pas sensiblement de celui qu’on mesure par la méthode d’ionisation.
Quand on opère avec des substances phosphorescentes très sensibles aux rayons pénétrants, comme le platinocyanure de baryum, on doit avoir soin de vérifier que les rayons actifs sont bien des rayons On peut, pour cela, introduire entre la source et l’écran un papier noir très mince et voir si la luminosité est notablement modifiée par la présence de cet écran.
On peut donc conclure que, pour une particule l’effet ionisant, l’effet radiographique et l’effet d’excitation de phosphorescence semblent solidaires et disparaissent simultanément quand la particule a éprouvé une réduction de vitesse suffisante, la disparition se produisant d’une manière assez brusque, après un parcours dans la matière qui semble déterminé avec une assez grande précision. On peut donc penser que, pour produire l’un quelconque des effets considérés, les particules émises par le radium C doivent posséder une vitesse supérieure à une certaine vitesse critique. On verra plus loin que la charge des rayons ne peut être observée au delà du parcours mesuré par le pouvoir ionisant ; il semble donc probable que les rayons perdent leur charge quand leur vitesse devient égale à la vitesse critique. Enfin il semble aussi probable que si la production d’ions dans les gaz, la production d’impressions radiographiques et la production de phosphorescence demandent la même vitesse minimum, et par suite la même énergie cinétique minimum des rayons, c’est que ces phénomènes ont entre eux quelque analogie et que les deux derniers pourraient être dus à la production d’ions dans la matière solide.
M. Rutherford a admis que les divers groupes de rayons ne se distinguent entre eux que par leur vitesse initiale ; cette hypothèse a été confirmée par les expériences faites par ce savant en vue de déterminer le rapport pour les rayons de différentes substances. La vitesse critique des rayons d’une substance quelconque peut donc être considérée comme égale à la vitesse critique des rayons du radium C. Toutefois, d’après des expériences récentes, la vitesse critique a une valeur très inférieure à celle qui a été primitivement indiquée.
En portant en abscisses l’épaisseur d’aluminium traversée, et en ordonnées la valeur de la vitesse des rayons d’après les expériences qui viennent d’être décrites, on obtient la courbe I (fig. 128) ; on a représenté sur la même figure en ordonnées les valeurs de correspondant aux valeurs de et mesurant l’énergie cinétique des rayons ; les points obtenus sont approximativement en ligne droite.
M. Rutherford a déduit de ces expériences la relation suivante entre la
vitesse des rayons et le trajet qu’ils sont capables de
faire dans l’air :
étant la vitesse initiale et le parcours dans l’air.
Cette relation n’est qu’approchée parce que, d’après des expériences plus précises, la loi de diminution de l’énergie cinétique en fonction de l’épaisseur de matière traversée n’est pas une loi linéaire ; la relation s’applique aux rayons du radium C, cependant on peut aussi l’étendre aux autres groupes de rayons si l’on admet que ceux-ci ne se distinguent entre eux que par la vitesse d’émission. En remplaçant par la valeur du parcours d’un de ces groupes, on obtiendra la vitesse en fonction de la vitesse initiale des rayons du radium C que nous avons désignée par
En vue de vérifier cette relation, M. Rutherford a déterminé la valeur de la déviation magnétique pour deux autres groupes de rayons du radium ; le dispositif expérimental était le même que celui qui avait servi pour les expériences sur les rayons du radium C, et la déviation obtenue était directement comparée à celle de ces derniers. On utilisait le radium au minimum d’activité, et le dépôt actif du radium obtenu après courte exposition et contenant encore le radium A. Pour le radium lui-même l’épaisseur du sel ne peut être infiniment petite, et les bandes obtenues avaient une certaine largeur ; on utilisait leurs bords qui correspondaient aux rayons les moins déviés. Pour obtenir une impression avec les rayons du radium A on activait fortement un fil au moyen d’une grande quantité d’émanation avec exposition de 3 minutes, on mettait le fil en place et l’on faisait le vide dans l’appareil très-rapidement (en une demi-minute) ; la déviation obtenue était à celle des rayons du radium C dans le rapport 1,14.
Le Tableau ci-dessous résume les résultats des expériences. La valeur de observée pour le polonium est déduite d’une détermination de la déviation magnétique des rayons du polonium faite par M. Mackenzie. Les nombres de la colonne sont relatifs à la valeur de la vitesse calculée.
Parcours en cm. |
calculé. |
observé. |
|||
Radium |
3,50 | 0,75 | 0,76 | E. M. | |
Émanation |
4,23 | 0,814 | » | » | |
Radium A |
4,83 | 0,858 | 0,88 | » | |
Radium C |
7,06 | 1,0 | 1,0 | » | |
Polonium |
3,86 | 0,787 | 0,81 | » |
Les considérations qui précèdent sont en faveur de la supposition que, si l’on considère les deux groupes de rayons du radium dont les parcours sont 4cm,23 et 4cm,83 c’est ce dernier parcours qui doit être attribué au radium A, puisque la vitesse ainsi calculée est en bon accord avec la vitesse observée ; le plus petit des deux parcours est attribuable aux rayons de l’émanation. Ce point ne pouvait être facilement établi par une expérience directe.
Les expériences de M. Rutherford conduisaient à attribuer à la vitesse critique une valeur très élevée (43 pour 100 de la vitesse initiale des rayons du radium C), et il paraissait surprenant qu’une discontinuité importante dans les propriétés des rayons pût se produire pour un changement de vitesse relativement peu important. De plus il semblait difficile d’expliquer que la valeur absolue de la vitesse critique, déduite de la connaissance de la vitesse initiale des rayons (voir § 130), fût très supérieure à la vitesse de rayons positifs produits dans les ampoules à vides, lesquels possèdent pourtant le pouvoir ionisant. Il résulte cependant des expériences de M, Geiger[130] qu’on peut observer des particules de vitesse beaucoup plus faible que celle qui a été indiquée. Le dispositif expérimental était analogue en principe à celui qui a été utilisé par M. Rutherford, mais la plaque photographique était remplacée par un écran au sulfure de zinc sur lequel le faisceau plan et étroit de rayons issu d’une source linéaire (radium C) et limité par une fente placée au-dessus de la source, produisait une bande de scintillations étroite dont la position était repérée au moyen d’un microscope. L’expérience était faite dans le vide, et la réduction de vitesse était obtenue au moyen d’écrans en mica d’épaisseur variable, pour lesquels on avait déterminé l’épaisseur d’air équivalente, et qui étaient posés sur la source. On mesurait le déplacement de la ligne des scintillations dans un champ magnétique uniforme de direction parallèle à la source. On pouvait en déduire la loi de variation de la vitesse en fonction de l’épaisseur de mica traversée, et, connaissant l’épaisseur d’air équivalente, on pouvait obtenir la relation entre la vitesse et le trajet accompli dans l’air. La vitesse minimum observée était pour . Pour cette vitesse les rayons ne produisent plus que des scintillations très faibles, le nombre des scintillations est diminué, et la bande qu’elles occupent est élargie par suite d’une diffusion appréciable des rayons. La courbe expérimentale, obtenue en portant en abscisses et en ordonnées, est bien représentée par l’équation
de sorte que la vitesse peut devenir relativement faible pour
c’est-à-dire pour une valeur de très voisine du parcours des
rayons du radium C. Il est probable, d’après cela, que la vitesse
critique n’a pas de valeur particulièrement élevée ; cependant
elle doit être notablement supérieure à la vitesse d’agitation thermique ;
la particule étant constituée par un atome d’hélium
chargé en mouvement (voir § 131), on peut penser que sa vitesse
critique est comparable à celle que doit acquérir un ion positif
produit dans le gaz hélium pour pouvoir se comporter comme projectile ionisant dans ses chocs contre les molécules (voir § 13).
On peut concevoir qu’un élément instable émette des particules avec une vitesse inférieure à la vitesse critique ; l’émission de telles particules ne pourrait être constatée par l’ionisation du gaz environnant.
Les expériences de M. Geiger ont montré que la vitesse d’émission des particules du radium C est très approximativement la même pour toutes les particules. Ce fait est prouvé par la mesure de la largeur de la bande des scintillations produites dans le vide, en absence et en présence du champ magnétique, par un faisceau étroit de rayons qui n’a traversé aucun écran. Pour une déviation magnétique atteignant 3cm,4 on n’observait aucun élargissement de cette bande dont la largeur était d’environ 0mm,5. D’après cela, il ne se produisait pas de dispersion appréciable des rayons, et la vitesse d’émission des particules semblait être la même à une précision évaluée à 0,5 pour 100. On a vu néanmoins, que les conditions du mouvement ne restent pas exactement les mêmes pour toutes les particules jusqu’à la fin du parcours (§ 125).
Nous venons de voir que, d’après M. Rutherford, la vitesse d’une particule est proportionnelle à où est le trajet que la particule est capable d’accomplir dans l’air à la pression atmosphérique. M. Bragg a trouvé, d’autre part, que l’ionisation par unité de longueur augmente le long du parcours, et que l’on peut admettre qu’elle varie approximativement en raison inverse de Les nombres 1,25 et 1,33 n’étant pas très différents, on voit que l’ionisation par unité de longueur varie approximativement en raison inverse de la vitesse.
M. Bragg a indiqué pour la loi de variation de l’ionisation avec le chemin parcouru la formule suivante
où est le parcours, et un coefficient constant.
On obtient une formule un peu différente en admettant avec M. Geiger que le nombre d’ions produits sur un certain trajet est proportionnel à la perte d’énergie sur le même trajet. En utilisant la relation entre et établie par le même auteur, on trouve dans cette hypothèse
D’après cette formule le pouvoir ionisant croît avec jusqu’à l’extrémité du parcours, où il prend une valeur infinie pour tomber à zéro dès que le parcours est terminé. Il semble cependant plus probable que le pouvoir ionisant doive passer par un maximum pour une vitesse très voisine de la vitesse critique et décroître ensuite progressivement jusqu’à la valeur zéro.
130. Mesure du rapport de la charge à la masse et de la vitesse pour les rayons . — Le rapport pour les rayons peut être déterminé comme pour les rayons par des expériences de déviation magnétique et de déviation électrique. Dans un champ magnétique uniforme d’intensité un rayon émis normalement au champ subit un déplacement latéral normal au plan qui passe par le champ et par la direction primitive du rayon. Si la longueur du champ dans la direction de la vitesse initiale est le déplacement latéral du rayon est donné par la formule
De même, si un rayon traverse sur une longueur un champ électrique d’intensité normal à sa direction, le déplacement latéral dans la direction du champ est donné par la formule
Si après la sortie du champ magnétique ou du champ électrique le rayon poursuit encore son trajet dans une région de champ nul, les déplacements et peuvent être facilement déduits, ainsi qu’on l’a vu dans le Chapitre I.
Les premières expériences de M. Rutherford sur la déviation magnétique et électrique des rayons du radium lui ont permis d’indiquer pour ces rayons les valeurs approchées :
M. des Coudres a entrepris la détermination de ces mêmes grandeurs par la méthode radiographique[131]. Les expériences étant faites dans un bon vide, on pouvait établir un champ électrique intense sans que la décharge disruptive se produisît. Les rayons passaient par deux fentes étroites, placées parallèlement entre elles à 4cm de distance ; la plaque photographique se trouvait à une distance de 4cm au delà de la deuxième fente. Les nombres trouvés sont les suivants :
M. Mackenzie[132] a utilisé pour recevoir les rayons un écran phosphorescent au sulfure de zinc dont les scintillations étaient photographiées. Il a obtenu pour le produit relatif aux rayons du radium en équilibre, une valeur moyenne 3.105 unités électromagnétiques, les valeurs extrêmes étant 2,5.105 et 3,7.105. Opérant ensuite avec le dépôt actif du radium, il a trouvé le nombre 3,92.105 pour les rayons du radium C et 2,55.105 pour les mêmes rayons à la fin de leur parcours. Les expériences de déviation électrostatique sur les rayons du radium en équilibre ont fourni pour le produit la valeur 4,11.1014 unités électromagnétiques. On en déduisait
Pour le polonium la déviation magnétique seule était mesurée, et le nombre trouvé pour est égal à 3,30.105 unités électromagnétiques.
En vue de déterminer exactement la valeur du rapport pour les différents groupes de rayons M. Rutherford[133] a entrepris une série de mesures de leur déviation électrique, la déviation magnétique étant connue d’après un travail précédent. Le dispositif expérimental était le suivant :
La source active (fig. 129) était un fil activé, placé en S normalement au plan du tableau ; le champ électrique était établi entre les plateaux A et B dont la distance était égale à 0mm,2 et la hauteur à environ 4cm. La source avait une largeur plus grande que la distance des plateaux. Une plaque
photographique P était placée à une distance du condensateur ; les hauteurs des plateaux
A et B sont désignées respectivement par et le déplacement
latéral d’un rayon par suite de son passage dans le champ
électrique est
Deux cas sont à considérer suivant que ou que
1o La largeur (fig. 130, I) de l’impression produite sur la plaque en l’absence du champ est donnée par la formule
Quand la déviation a lieu à gauche, le rayon le plus dévié de ceux qui atteignent la plaque est le rayon OC, dont l’angle avec la normale à la plaque est tel que Ce rayon atteindra la plaque en un point M tel que
On verrait de même que si la déviation a lieu à droite, le rayon extrême vient atteindre la plaque en un point tel que
La largeur de l’impression obtenue par application et renversement du
champ est donc donnée par la formule
et la différence des largeurs d’impression en présence du champ
et sans champ s’obtient par l’expression
d’où
étant la différence de potentiel entre les plateaux.
La mesure de permet de calculer
2o Les rayons extrêmes qui sortent du condensateur pour les deux sens opposés du champ sont tangents aux plateaux à la même hauteur en K et L et rencontrent la plaque en deux points M et N équidistants de F et G (fig. 130, <span title="Nombre 2 écrit en chiffres romains" style="text-transform:uppercase;">II). est la largeur de l’impression obtenue avec renversement du champ
On a, d’ailleurs, pour un de ces rayons les équations de mouvement suivantes par rapport aux axes et :
et où est le temps qui s’écoule entre le passage du rayon
en K et sa sortie du condensateur.
En écrivant que la déviation sur le trajet de longueur est égale à on a, de plus,
et
La mesure de permet, par conséquent, de déterminer Si aucun rayon ne sort du condensateur.
Connaissant approximativement la déviation des rayons, on pouvait prévoir que le calcul 1 s’appliquait jusqu’à volts environ. Pour volts on utilisait le calcul 2.
Les dimensions de l’appareil étaient les suivantes :
variait entre 3cm,94 et 10cm.
Le Tableau suivant contient les résultats obtenus avec les rayons du radium C pour différentes valeurs de et de
171 | 3,94 | 0,857 | 5,1. | 1014
255 | » | 0,995 | 4,9. | 1014
340 | » | 1,136 | 4,93.1014 |
497 | » | 1,346 | 4,79.1014 |
508,6 | 10,0 | 3,10 | 4,87.1014 |
La moyenne de ces nombres, en tenant compte de la valeur relative des expériences, est E. M. Dans ces expériences la vitesse des rayons était réduite au moyen d’un écran en mica équivalent à une épaisseur d’air de 3m,5. Cet écran réduisait la vitesse à la fraction 0,763 de la vitesse initiale le produit devait être choisi d’une manière correspondante. Les valeurs qui se correspondent d’après les expériences de M. Rutherford sont les suivantes :
E. M., | |
E. M., |
d’où
Une expérience a été faite pour vérifier si le rapport varie par suite du passage des rayons au travers d’un écran. En voici les résultats :
Sans écran |
4,06.104 | 9,4. | 10145,7. | 103||
Avec un écran en mica équivalent à 3cm,5 d’air |
3,10.105 | 4,87.1014 | 5,07.103 | ||
Avec un écran en mica et un écran en aluminium équivalents ensemble à 6cm,5 d’air |
2,11.105 |
2,11.1014 |
4,8. 103 |
On peut conclure de cette expérience que le rapport ne varie probablement pas par suite du passage d’un écran, car les nombres obtenus ne sont pas très différents, alors que la vitesse a diminué de moitié.
La même méthode a été appliquée à la mesure de la déviation électrique des rayons du radium A, du polonium, du dépôt actif de l’actinium et du dépôt actif du thorium[134]. Pour obtenir l’effet du radium A, il a fallu superposer l’action de 20 fils activés. Le polonium était employé en couche très mince préparée par le dépôt sur du bismuth. Le dépôt actif de l’actinium était recueilli sur une plaque qui restait exposée à l’action de l’émanation pendant tout le temps de l’expérience et qui agissait au travers d’un écran en mica ; l’exposition a duré 6 jours. Les rayons du dépôt actif du thorium forment deux groupes ; pour tous les deux on a mesuré la déviation magnétique, mais la déviation électrique n’a pu être mesurée que pour le groupe dont le parcours est le plus long.
Les résultats des expériences sont contenus dans le Tableau ci-dessous. La valeur de la vitesse initiale a été mesurée directement pour le radium C et pour le polonium ; dans les autres cas la source active agissait au travers d’un écran, et la vitesse était déduite de la vitesse observée, en tenant compte de la réduction de vitesse due à l’écran. La dernière colonne du Tableau contient les valeurs du parcours d’après les mesures qui ont été faites par différents observateurs et qui seront décrites dans la suite de cet Ouvrage.
en cm. | |||||
Dépôt actif du radium : radium C |
5,07.103 | 2,06 | 7,06 | ||
» » radium A |
5,6. | 1031,77 | 4,83 | ||
Polonium |
5,3. | 1031,73 | 3,86 | ||
Dépôt actif de l’actinium : actinium B |
4,7. | 1035,5 | |||
» du thorium : thorium C |
5,6. | 1032,27 | 8,6 |
L’expérience est donc favorable à l’hypothèse d’après laquelle les particules des divers groupes sont de même nature et ne diffèrent entre elles que par la vitesse d’émission. Ce résultat s’étend aux rayons émis par le radium au minimum d’activité et au groupe le moins pénétrant des rayons du dépôt actif du thorium, pour lesquels la déviation électrique n’a pas été mesurée ; si, en effet, on calcule le parcours des rayons de ces groupes d’après la valeur du produit déduit de la déviation magnétique et d’après la valeur du rapport qui a été déterminée pour les rayons du radium C, on trouve un résultat conforme à celui que donne la mesure directe du parcours par la méthode électrique.
L’identité de nature des particules émises par différentes substances a été soumise au contrôle de l’expérience par le procédé suivant : Si les particules ne diffèrent que par la vitesse d’émission, elles se trouvent toutes dans les mêmes conditions à la fin de leur parcours. Les courbes d’ionisation obtenues avec un même appareil de mesures doivent donc être superposables quand on attribue à l’ionisation maximum la même valeur et quand on fait coïncider les points qui correspondent au maximum. La comparaison a été faite pour les rayons du polonium, du radium C et de l’actinium B qui peuvent être utilisés en couche infiniment mince[135] ; les courbes d’ionisation du radium C (dépôt actif du radium après la baisse initiale) et de l’actinium B (dépôt actif de l’actinium) étaient obtenues par des mesures croisées, afin de tenir compte de la diminution de l’activité avec le temps. L’expérience montre que les courbes relatives au radium C et au polonium sont exactement superposables dans les limites de précision des expériences, et comme il s’agit de rayons ayant des parcours très différents (7cm,06 et 3cm,86) et provenant de matières différentes, ce fait confirme l’hypothèse de l’identité de nature de toutes les particules La courbe relative au dépôt actif de l’actinium ne se superpose pas aux précédentes, bien qu’elle corresponde en apparence à un seul faisceau de rayons. On peut penser que cette courbe est en réalité la superposition de deux courbes voisines, correspondant à deux faisceaux de rayons de parcours voisins, et que, par suite, le dépôt actif de l’actinium donne lieu à l’émission de deux groupes de rayons Cette supposition explique bien la forme de la courbe et se trouve aussi en accord avec d’autres faits expérimentaux relatifs à l’étude de la composition du dépôt actif de l’actinium (voir Chap. XV)
Les courbes obtenues avec le même appareil de mesures pour les
substances radioactives considérées sont représentées dans la
figure 131.
Si l’on examine la valeur de la vitesse d’émission des rayons on constate que celle-ci ne varie pas dans des limites très étendues ; elle reste comprise entre et c’est-à-dire entre les fractions 0,05 et 0,075 de la vitesse de la lumière.
L’énergie cinétique d’une particule est égale à elle peut être mise sous la forme
Voici un Tableau des valeurs du produit pour les rayons du radium en unités E. M. :
Radium au minimum d’activité |
1,56.109 | 4,78.1014 | |
Émanation du radium |
1,70 | 5,65.1014 | |
Radium A |
1,77 | 6,12.1014 | |
Radium C |
2,06.109 | 8,37.1014 |
La charge d’une particule est d’environ unité électromagnétique ; on trouve, pour l’énergie de la particule du radium C.
La chute de potentiel dont il faut disposer pour communiquer à une charge l’énergie est égale à d’où l’on déduit dans le cas actuel volts. Une différence de potentiel de cet ordre ne peut guère être obtenue avec les moyens dont nous disposons actuellement.
L’énergie initiale d’une particule est très supérieure à l’énergie d’un rayon cathodique ; pour un tel rayon émis sous une différence de potentiel de 10 000 volts, l’énergie est voisine de erg ; pour une particule l’énergie croît avec la vitesse et tend vers l’infini quand la vitesse se rapproche de celle de la lumière ; cependant même pour des rayons dont la vitesse est relativement grande (rayons de l’uranium, par exemple), l’énergie n’est qu’une petite fraction de celle que possède une particule pendant la plus grande partie de son parcours. La stabilité du mouvement de la particule est probablement déterminée par la valeur élevée de son énergie cinétique ; cette stabilité se maintient d’une manière bien plus parfaite que cela n’a lieu pour une particule de vitesse moyenne.
131. Nature des particules . — Considérons maintenant la valeur du rapport pour une particule et comparons-la aux valeurs obtenues avec d’autres rayons chargés. On voit de suite que le rapport pour une particule est environ 3500 fois plus petit que celui qui caractérise une particule de vitesse relativement faible ou un rayon cathodique d’une ampoule de Crookes ; ce rapport est du même ordre de grandeur que celui qui caractérise les rayons positifs des ampoules à vide, ce dernier rapport étant, comme on le sait, variable, et admettant comme limite supérieure la valeur 104 qui correspond aussi au transport d’électricité par l’hydrogène électrolytique. Nous sommes donc conduits à attribuer à la particule des dimensions atomiques, et ce fait confirme l’hypothèse d’après laquelle l’expulsion d’une particule par un atome ne peut se faire sans que celui-ci se trouve détruit,
La valeur E. M. environ ne correspond à aucun des rapports connus dans l’électrolyse. Des considérations basées sur la production d’hélium par les corps radioactifs ont conduit M. Rutherford à prévoir que les particules pourraient être des atomes d’hélium portant la charge élémentaire ; cette supposition conduisait à une valeur moitié moindre du rapport La valeur expérimentale conduit donc à considérer la particule comme un atome d’hélium portant le double de la charge élémentaire, ou comme un demi-atome d’hélium portant la charge élémentaire. La première de ces hypothèses semble actuellement établie.
MM. Rutherford et Royds[136] ont vérifié par une expérience directe qu’on trouve de l’hélium dans un vase qui n’en contenait pas primitivement, et dans lequel on a laissé pénétrer les particules émises par une source radiante contenue dans un tube de verre fermé à parois très minces. Le dispositif expérimental est représenté dans la figure 132. Une grande quantité d’émanation du radium était contenue dans le tube de verre A dont la paroi avait une épaisseur inférieure à 0mm,01 ; l’épaisseur d’air équivalente étant 2cm, on voit que la grande majorité des particules traversait le tube et pénétrait dans le vase extérieur T, dans lequel on avait fait un vide parfait au moyen de charbon contenu dans le vase F et refroidi dans l’air liquide. De temps en temps on laissait remonter le mercure de manière à refouler le gaz dans le capillaire V, et l’on examinait le spectre. Après 24 heures aucune trace d’hélium n’était visible, mais après 2 jours la ligne jaune apparaissait faiblement, après 4 jours les lignes dans le jaune et le vert étaient brillantes et après 6 jours toutes les lignes fortes pouvaient être observées.
Si le même tube A au lieu de contenir de l’émanation contient de l’hélium comprimé, aucune trace d’hélium ne pénètre dans le vase extérieur. On peut donc conclure que des particules qui ont pu traverser la paroi de verre en
vertu de leur grande vitesse
de projection, se retrouvent dans l’espace extérieur à l’état de
gaz hélium.
Dans ces expériences les particules ont dû pénétrer dans le verre du vase extérieur et ne s’en dégager que lentement dans l’espace vide ; c’est pour cette raison que le spectre de l’hélium n’a pu être observé qu’après un intervalle de 2 jours. Dans d’autres expériences les particules sortant du tube ont été reçues dans une feuille de plomb, et le spectre de l’hélium a été observé après 24 heures. Enfin il a été possible de découvrir la présence d’hélium occlus dans une feuille de plomb qui entourait le tube à émanation dans l’air à la pression atmosphérique ; cette feuille était introduite dans un appareil approprié à l’examen des gaz ; l’air était déplacé par un courant d’oxygène pur qui a été ensuite absorbé par le charbon à la température de l’air liquide ; puis la lame a été chauffée et le spectre du gaz dégagé a été soumis à l’examen. L’hélium était déjà visible avec une lame qui avait été exposée 4 heures seulement à l’action des rayons. La même expérience a été répétée avec une lame d’étain.
132. Charge des rayons . — La mesure de la charge des rayons constitue une expérience très délicate. On ne pouvait espérer observer cette charge que dans un vide très parfait, car les particules ont un pouvoir ionisant très grand, et il est nécessaire d’éviter pour l’électrode qui les absorbe la perte de charge résultant de l’ionisation du gaz résiduel.
Les premières expériences faites en vue de mettre en évidence la charge des rayons ont donné un résultat négatif. Voici quel était le dispositif expérimental employé par M. Rutherford[137] : Une couche très mince de bromure de radium était obtenue sur une plaque par évaporation d’une solution très étendue ; le sel était étudié quand son activité était minimum ; à cet état il n’émet sensiblement que des rayons La couche de matière étant très mince, les rayons n’étaient pas absorbés par la matière radiante d’une manière appréciable.
La plaque active A (fig. 133) était isolée dans un vase de métal et reliée à l’un des pôles d’une batterie dont l’autre pôle était relié au sol. L’électrode supérieure, isolée et reliée à un électromètre, était constituée par une boîte rectangulaire en cuivre, dont l’ouverture tournée vers le bas était fermée par une feuille d’aluminium très mince. Les rayons traversaient cette feuille, pénétraient dans la boîte et étaient absorbés par les parois de celle-ci. La boîte extérieure D était reliée au sol, et l’on y faisait un vide aussi bon que possible. Si les rayons sont chargés positivement, l’électrode doit recueillir de l’électricité positive et, en vertu de l’ionisation du gaz résiduel, le courant obtenu quand la plaque A est à un potentiel positif doit être supérieur à celui que l’on obtient quand cette plaque est à un potentiel négatif. Aucune différence certaine n’a cependant pu être constatée, et même l’effet obtenu était plutôt inverse de celui qui était prévu. De plus le courant diminue d’abord quand le vide devient meilleur, mais tend ensuite vers une limite indépendante de la pression.
M. Strutt[138], opérant avec du polonium en couche très mince et avec un dispositif analogue à celui dont il s’était servi pour la démonstration de la charge des rayons trouva de même que l’électroscope se déchargeait, qu’il fût chargé positivement ou négativement.
M. J.-J. Thomson[139] opérait également avec du polonium. Un disque de métal relié à l’électroscope se trouvait en face de la plaque recouverte de polonium, à 3mm de distance. Un très bon vide était obtenu au moyen de la méthode qui consiste à absorber le gaz résiduel par du charbon de noix de coco contenu dans un tube immergé dans l’air liquide. La décharge de l’électroscope était 100 fois plus rapide pour une charge positive que pour une charge négative ; on devait en conclure que le polonium émet beaucoup plus d’électricité négative que d’électricité positive. En plaçant l’appareil dans un champ magnétique intense, on constatait que la décharge de l’électroscope pour une charge positive se trouvait arrêtée, les particules chargées négativement émises par le polonium ayant été déviées de leur trajet par l’action du champ magnétique. Il était donc manifeste que ces particules étaient douées d’une vitesse d’émission relativement très faible et étaient, par suite, extrêmement sensibles à l’action d’un champ électrique et d’un champ magnétique. Ces particules sont des électrons lents qui ne possèdent pas de pouvoir ionisant. Elles sont émises en grande quantité par le polonium et, d’après les expériences précédemment décrites, il en est de même pour le radium. En rapprochant les plateaux de son appareil, M. J.-J. Thomson a pu mettre en évidence la charge positive transportée par les rayons du polonium.
M. Rutherford[140] ayant repris ses expériences avec l’emploi d’un champ magnétique parallèle au plan des plateaux, a observé que, dans ces conditions, l’électrode supérieure reçoit une charge positive, quel que soit le sens du champ électrique entre les plateaux. Quand on fait varier l’intensité du champ magnétique, l’effet produit sur le courant atteint une limite et ne varie plus pour des valeurs plus élevées du champ. Voici les résultats obtenus dans une expérience où la distance des plateaux était égale à 3mm, et où le plateau actif était recouvert d’une feuille mince d’aluminium semblable à celle qui fait partie de l’électrode supérieure.
Courant | |||||||
Potentiel du plateau actif. |
|||||||
volts | sans champ magnétique. | avec champ magnétique. | |||||
0 |
» | + 0,36 | |||||
+ | 2 |
+ 2,0 | + 0,46 | 0,39 | |||
- | 2 |
- | 2,5+ 0,33 | ||||
+ | 4 |
+ 2,8 | + 0,47 | 0,41 | |||
- | 4 |
- | 3,5+ 0,35 | ||||
+ | 8 |
+ 3,1 | + 0,56 | 0,43 | |||
- | 8 |
- | 4,0+ 0,31 | ||||
+ | 84 |
+ 3,5 | + 0,77 | 0,50 | |||
- | 84 |
- | 5,2+ 0,24 |
M. Rutherford a admis que la différence des courants mesurés en présence d’un champ magnétique pour les deux sens du champ électrique est due uniquement au courant déterminé par l’ionisation résiduelle du gaz, lequel prend des valeurs égales et de signe contraire en même temps que le potentiel de la plaque inférieure. Dans ces conditions la charge positive due aux rayons absorbés par l’électrode est mesurée par la moyenne des courants et qui correspondent aux valeurs et du potentiel du plateau A. On remarque d’ailleurs que pour les valeurs de qui ne dépassent pas 8 volts, les moyennes des deux courants, indiquées dans le Tableau, sont assez voisines.
Soient le nombre des particules reçues par seconde et la charge d’une particule. La charge est obtenue par la relation
et la charge émise par la substance radiante est double, puisque
la moitié des rayons seulement est émise vers le haut.
Avec 0mg,48 de bromure de radium sur une surface de 20cm² environ, le courant de charge mesuré était égal à 8,8.10-13 ampère, ce qui conduit à la valeur de 19 unités E. S. par gramme de radium au minimum d’activité.
Si l’on connaît la valeur de on peut déduire de la mesure du courant de charge le nombre des particules émises par seconde pour un gramme de radium au minimum d’activité.
En admettant E. M., on trouve Puisqu’il est probable que les mêmes nombres de particules sont émis par seconde dans chacun des groupes des rayons du radium en équilibre, le nombre des particules émises par un gramme de radium en équilibre radioactif avec son émanation serait environ 16.1010.
La charge des rayons a été étudiée par d’autres observateurs qui ont observé la charge des rayons du polonium dans un bon vide et avec emploi d’un champ magnétique[141],[142],[143].
La charge des rayons peut être mise en évidence par la même méthode que celle qui a servi dans les expériences de P. et M. Curie sur la charge des rayons [144]. Les rayons du polonium traversent une feuille très mince d’aluminium et une couche d’isolant solide d’épaisseur 0mm,03 ; ils sont ensuite absorbés par une électrode. On obtient sur celle-ci un courant de charge qui a été mis en évidence avec un dispositif de mesures sensible.
MM. Rutherford et Geiger ont entrepris la détermination de la charge émise par une quantité connue de radium C sous forme de rayons [145]. L’appareil utilisé est représenté dans la figure 134.
Un tube de verre de 4cm de diamètre à deux rodages contient la
source radiante R et l’appareil de mesures. Ce dernier se compose
d’une plaque B reliée à une batterie et percée d’une fenêtre de 1cm,92
de diamètre, fermée par une feuille en aluminium mince, et d’une boîte plate en laiton A dont le diamètre est de 2cm,5 et dont l’ouverture
tournée vers le bas est fermée par une feuille d’aluminium
semblable à la première ; la boîte A est reliée à l’électromètre.
La source se trouve à une distance de 3cm,5 de la chambre d’ionisation ;
c’est une petite coupelle de verre activée par l’émanation
du radium. Un champ magnétique est établi dans toute la région
occupée par l’appareil ; il est parallèle aux plateaux et a pour effet
de dévier les rayons du radium C et de ramener les électrons
lents émis par les surfaces d’aluminium à leur point de départ.
Le vide est aussi parfait que possible, malgré cela le courant est
toujours plus intense quand le potentiel de B est positif que quand
ce potentiel est négatif. La moyenne des courants et obtenus
avec des valeurs du potentiel égales et de signes contraires, mesure
le courant de charge dû aux rayons Les valeurs de et sont
indépendantes de l’intensité du champ électrique quand le potentiel
du plateau B varie entre 2 et 8 volts ; la moyenne est indépendante
de la valeur du champ magnétique, si celui-ci est assez
intense. Le rapport du nombre des rayons reçus dans l’appareil
de mesures au nombre de rayons émis est calculé d’après les
dimensions géométriques, en supposant l’émission de rayons
uniforme dans toutes les directions.
Si l’on a comparé le rayonnement pénétrant de la coupelle active à celui d’une ampoule contenant une quantité connue de radium en équilibre radioactif, on peut déduire de la mesure du courant la valeur de la charge émise par unité de temps sous forme de rayons par le radium C qui se trouve en équilibre radioactif avec un gramme de radium. Le nombre ainsi calculé est 31,6 unités E. S. D’après la théorie, la charge émise par unité de temps avec les rayons d’un gramme de radium au minimum d’activité aurait aussi la même valeur ; cette valeur est supérieure à celle précédemment trouvée.
Pour expliquer la perte du pouvoir ionisant pour une particule dont la vitesse est tombée au-dessous de la vitesse critique, M. J.-J. Thomson[146] a supposé qu’une particule qui a atteint cette vitesse se trouve déchargée par un électron qui s’y attache ; au contraire, tant que la vitesse est supérieure à une certaine vitesse minimum, l’énergie cinétique de la particule est suffisante pour que la particule et l’électron puissent échapper à leur attraction mutuelle. Dans cette manière de voir la charge des particules ne peut être observée au delà de leur parcours mesuré par la méthode d’ionisation.
M. Duane[147] a fait des expériences pour décider si la charge des rayons disparaît en même temps que le pouvoir ionisant. La source des rayons était constituée par du radium au minimum d’activité, en couche aussi mince que possible. L’appareil utilisé est une boîte cylindrique en laiton dont le fond est percé d’un trou circulaire de 1cm,8 de diamètre ; ce trou est fermé par une lame de mica très mince (2mg par centimètre carré de surface) soutenue par une grille de fil de cuivre. Un plateau placé en face de la lame de mica reçoit les rayons qui ont traversé celle-ci et sert d’électrode reliée à l’électromètre, tandis que la toile métallique peut être portée à un potentiel élevé. Pour construire la courbe d’ionisation on canalise les rayons du radium au moyen d’un diaphragme à tubes, de manière à n’utiliser que les rayons normaux, et l’on mesure le courant
de saturation entre la toile et l’électrode
pour diverses distances du radium à la lame de mica. La courbe I
(fig. 135) montre que la presque totalité de l’ionisation à l’intérieur
de la boîte cesse quand le radium est éloigné d’environ 2cm
de la fenêtre, le courant très faible observé à une distance plus grande étant dû à la présence d’un reste d’émanation et de radioactivité
induite.
Pour mesurer la charge des rayons on fait un bon vide dans la boîte et l’on établit un champ magnétique parallèle à l’électrode, afin de supprimer l’effet des électrons lents émis par la fenêtre et l’électrode. On mesure la charge apportée au plateau par les rayons sans canaliser ces derniers et en employant une quantité plus grande de radium. On vérifie qu’aucun courant d’ionisation appréciable n’existe dans la boîte en constatant que, le champ magnétique étant établi, on peut établir une différence de potentiel de quelques volts entre la fenêtre et l’électrode sans modifier l’intensité du courant. La courbe II (fig. 135) représente le courant de charge dû aux rayons. Ce courant est sensiblement supprimé quand le radium est à plus de 2cm de la fenêtre. La charge des particules et leur pouvoir ionisant s’arrêtent à peu près au même point. Le parcours mesuré par la charge est peut-être un peu plus court que celui mesuré par le pouvoir ionisant, mais la différence est, en tout cas, très faible.
Ainsi pour une particule qui a perdu son pouvoir ionisant, la charge ne peut pas être décelée. Nous avons vu d’ailleurs qu’une telle particule ne peut plus agir sur une plaque sensible ou sur un écran phosphorescent, et nous verrons qu’elle a perdu aussi son pouvoir de produire des rayons secondaires (voir § 136). Une particule qui a atteint la vitesse critique a donc perdu toutes les propriétés qui la distinguent des atomes gazeux ordinaires.
Il est facile de se rendre compte qu’un atome léger, un atome d’hélium par exemple, lancé dans l’air avec la vitesse initiale d’une particule et subissant des chocs contre les molécules d’air suivant les hypothèses admises d’ordinaire en théorie cinétique, se trouverait très rapidement arrêté dans son mouvement rectiligne, son énergie cinétique se trouvant réduite à celle qui correspond à l’agitation thermique. On peut prévoir que dans ces conditions le parcours du projectile ne serait qu’une petite fraction du parcours réellement observé pour une particule en effet, d’une part, le projectile serait fortement dévié de sa direction primitive dès les premiers chocs ; d’autre part, sa vitesse serait réduite à la vitesse moyenne d’agitation thermique après un très petit nombre de chocs.
Deux points de vue différents sont envisagées en théorie cinétique : 1o les molécules peuvent être assimilées à des sphères parfaitement élastiques ; 2o on suppose que les molécules exercent entre elles des forces centrales fonction de la distance ; Maxwell a particulièrement développé le cas où la force est une répulsion qui varie en raison inverse de la cinquième puissance de la distance.
Dans la première hypothèse on remarque d’abord que la masse d’une particule étant plus petite que celle d’une molécule d’air, une particule qui subit un choc central se trouve nécessairement rejetée en arrière. Si le choc n’est pas central, la déviation est moindre ; on peut calculer la déviation moyenne qui correspond aux différents chocs possibles. Si est la masse d’une particule et celle d’une molécule d’air, l’angle de déviation moyen est égal quand et à quand On voit que, pour une particule qui se déplace dans l’air ( environ, ), la première formule donne une déviation moyenne voisine de 90o, de sorte que, selon toute probabilité, la particule doit être rejetée de côté dès le premier choc, c’est-à-dire après un parcours de l’ordre de 10-5 cm. On peut s’assurer de même que chaque choc détermine une réduction de vitesse importante ; c’est ainsi que quatre chocs centraux contre des molécules d’air suffiraient pour réduire de moitié la vitesse d’une particule du radium C. Les résultats indiqués sont obtenus en considérant la vitesse des molécules d’air comme négligeable par rapport à celle des particules
La deuxième hypothèse a été examinée par M J.-J. Thomson[148] ; elle conduit à des conclusions analogues à celles qui découlent de l’hypothèse des chocs élastiques.
Il paraît donc nécessaire d’admettre que les chocs d’une particule contre les molécules d’un gaz ne sont pas de même nature que ceux que l’on considère en théorie cinétique. M. J.-J. Thomson indique que la différence pourrait être attribuable à ce fait que la particule est chargée. Cependant l’on ne conçoit pas facilement par quel mécanisme la présence de la charge pourrait favoriser la pénétration de la particule ; la charge semblerait plutôt devoir constituer un obstacle au mouvement, en raison de l’attraction électrostatique qui doit se produire entre la particule chargée et les molécules ; mais le calcul montre que la perturbation qui en résulte est très peu importante quand l’énergie cinétique de la particule est aussi grande. Il ne semble pas d’ailleurs indispensable d’admettre que l’arrêt résulte de la perte de charge, car on peut concevoir que si l’arrêt s’est produit pour une autre raison, la charge se trouvera aussitôt neutralisée grâce à la présence d’ions dans le gaz. On pourrait imaginer qu’une particule qui possède une vitesse suffisante traverse les molécules qu’elle rencontre, et qu’il existe une vitesse limite au-dessous de laquelle ce phénomène ne peut se produire. Dans cette hypothèse la grandeur de la vitesse serait la cause déterminante du désaccord qui se manifeste entre le mode de mouvement d’une particule et les prévisions de la théorie cinétique, de sorte qu’un atome d’hélium, lancé avec la même vitesse, pourrait se comporter de la même manière.
L’expérience montre que la stabilité du mouvement de la particule n’est assurée que tant que l’énergie reste suffisamment grande. Toute rencontre avec une molécule de gaz doit entraîner une perte d’énergie de la particule, surtout quand il y a production d’ions ; le nombre des ions produits par une particule est d’ailleurs très grand, et l’on a des raisons pour penser que les molécules qui subissent l’ionisation constituent la plus grande partie des molécules rencontrées (voir § 135).
133. Numération directe des particules . Mesure de la charge d’une particule . Valeur de la charge élémentaire. — La charge d’une particule et le nombre des particules émises par seconde par un gramme de radium sont des constantes d’une grande importance qu’il est utile de pouvoir déterminer indépendamment. On doit à MM. Rutherford et Geiger[149] un travail important sur la numération directe des particules
Le principe de la méthode est le suivant : une particule isolée produit le long de son parcours dans l’air sous la pression atmosphérique un nombre d’ions très grand mais insuffisant pour produire un effet appréciable sur l’électromètre. Si la particule se déplace dans l’air sous pression réduite dans une région où existe un champ électrique intense, chaque ion créé peut en produire d’autres, en vertu du phénomène d’ionisation par choc des ions, découvert et étudié par M. Townsend (voir § 13). L’effet de la particule ainsi multiplié devient accessible à l’observation.
L’appareil employé était un long cylindre de verre E (fig. 136) dans lequel on plaçait la source radiante en G. Ce tube pouvait être relié par un robinet à large voie F à l’appareil de mesures. Ce dernier était constitué par un
condensateur cylindrique dont les deux
bases étaient formées par des bouchons d’ébonite ; un fil B, placé
axialement, servait d’électrode. Dans l’une des bases C était mastiqué
un tube de verre portant une pièce métallique percée par une
fenêtre qui était fermée par une lamelle de mica. Un tube de caoutchouc
reliait le tube de verre au robinet du tube E. La source
radiante était portée par un cylindre de fer qui pouvait être
déplacé le long du tube au moyen d’un aimant. Quand le robinet
était ouvert, les rayons entraient par la fenêtre dans l’appareil de
mesures et y produisaient des ions. L’intensité du rayonnement
admis dans le condensateur était réglée de telle manière que
quelques particules seulement fussent reçues par minute. L’effet
de chaque particule se traduisait par une impulsion observée à
l’électromètre ; celui-ci était relié au sol par l’intermédiaire d’une
résistance à air ionisé par une matière radioactive et, après chaque
impulsion, il revenait vers le zéro. La chambre d’ionisation avait
20cm de longueur et 1cm,7 de diamètre ; la pression du gaz (air ou
gaz carbonique) variait entre 2cm et 5cm de mercure ; la différence
de potentiel entre l’électrode et la boîte extérieure était de 1200 volts.
Le tube E avait une longueur de 450cm, et la fenêtre de mica un
diamètre de 1mm,5.
Le radium C était employé comme source radiante. On activait fortement une petite plaque de métal ; on attendait que la chute rapide initiale de la radioactivité induite fût terminée (le radium A est alors détruit) ; on comparait le rayonnement pénétrant de la plaque à celui d’une ampoule contenant une quantité connue de radium, on mettait la source en place et l’on faisait le vide dans le tube E ; on commençait ensuite l’expérience, et de temps en temps on contrôlait la valeur de l’activité de la source en utilisant les rayons pénétrants émis à l’extérieur du tube. Il était nécessaire de tenir compte de la diminution de l’activité en fonction du temps.
Le nombre des impulsions est proportionnel à la surface de la fenêtre, à l’intensité de la source et varie en raison inverse du carré de la distance ; il est indépendant de la pression et de la nature du gaz dans la chambre d’ionisation, ainsi que de la différence de potentiel utilisée. L’émission des particules se fait uniformément dans toutes les directions. Tous ces points ont été directement vérifiés par l’expérience. Le nombre des particules émises par unité de temps varie notablement, indiquant ainsi que la loi du hasard intervient dans le phénomène d’émission du rayonnement. Connaissant la valeur moyenne du nombre de particules reçues par unité de temps et l’angle solide sous lequel la surface de la fenêtre est vue de la source, on en déduit facilement le nombre total des particules émises par la source. On a trouvé ainsi
pour le nombre des particules émises en une seconde par une
quantité de radium C qui est en équilibre avec un gramme de
radium. Ce nombre est supposé égal à celui des particules émises
par un gramme de radium au minimum d’activité. Il diffère notablement
du nombre indiqué précédemment (§ 132).
En remplaçant la chambre d’ionisation par un écran au sulfure de zinc placé contre la fenêtre, on a pu s’assurer que chaque particule produit une scintillation ; les scintillations étaient observées au moyen d’un microscope.
On a pu observer par la même méthode l’effet des particules de l’uranium, du thorium et de l’actinium, et il semblait possible de mettre en évidence l’action individuelle d’une particule
Si les particules des quatre faisceaux du radium sont en nombre égal, le nombre des particules émises par gramme de radium en équilibre radioactif et par seconde est 13,6.1010. Nous avons vu, d’autre part, que dans les mêmes conditions on obtient pour le nombre des particules de grande vitesse 5,3.1010 d’après M. Rutherford et 1011 d’après M. Makower. Les nombres des particules et émises par un gramme de radium en équilibre ne sont donc pas différents comme ordre de grandeur.
Connaissant le nombre des particules émises par seconde par le radium C qui est en équilibre avec un gramme de radium et connaissant de plus la charge qui accompagne ces particules (§ 132), on trouve pour la charge d’une particule la valeur moyenne
les valeurs obtenues dans plusieurs expériences étaient comprises
entre 8,7.10-10 et 10,1.10-10.
M. Rutherford a admis que cette valeur est le double de la charge élémentaire, et que la valeur de celle-ci est, par conséquent, plus forte que celle admise à la suite des expériences de M. J.-J. Thomson et de M. Wilson. Il a donc proposé d’adopter pour la charge élémentaire le nombre 4,65.10-10 Ce nombre est en accord avec celui qui a été déduit par M. Planck des lois du rayonnement et avec les résultats de certaines expériences récentes (§ 11).
La charge d’une particule du polonium a été mesurée par M. Regener[150]. L’expérience consistait à mesurer la charge positive émise par une lame portant un dépôt de polonium en couche mince, et à compter le nombre des particules émises dans le même temps par la même lame, en utilisant les scintillations produites par ces particules sur un écran phosphorescent. La méthode suppose donc que chaque particule donne lieu à la production d’un point lumineux.
En comparant le nombre des particules comptées par la méthode électrique à celui observé par la méthode des scintillations, quand la chambre d’ionisation est enlevée et remplacée par un écran phosphorescent transparent fixé à l’extrémité du tube E en D (fig. 136), MM. Rutherford et Geiger avaient trouvé que la méthode optique donne un résultat inférieur de 4 pour 100 environ à celui que fournit la méthode électrique. La concordance semblait donc bonne, et l’on pouvait espérer l’améliorer encore en perfectionnant les conditions de l’expérience. Pour cela l’écran au sulfure de zinc collé a été remplacé par des lames minces taillées dans la blende naturelle, dans du diamant ou de la willémite. Les scintillations étaient observées au moyen d’un microscope muni d’un objectif à immersion, et les observations n’étaient commencées qu’après un long séjour dans l’obscurité. La source radiante se trouvait dans un tube dans lequel on faisait un vide parfait, et l’angle solide comprenant les rayons utilisés était défini par un diaphragme, de telle manière que le nombre des points lumineux à compter fût en moyenne d’un pour deux secondes. La numération était faite par un procédé d’enregistrement et, pour éliminer l’effet des oscillations du nombre des particules rayonnées, on comptait dans chaque série d’expériences environ 5 000 points lumineux. Le dispositif expérimental est
représenté dans la figure 137.
En modifiant l’orientation de la plaque active P on peut étudier la répartition du rayonnement suivant des directions faisant un angle variable avec la normale à la plaque. On trouve que, quand cet angle varie de 0° à 87° (fig. 138), le nombre des scintillations reste constant ; c’est seulement pour un angle supérieur à 88° que se manifeste une décroissance rapide du nombre des particules reçues, et il est probable que cet effet est attribuable aux inégalités de la surface active. Il est légitime, d’après cela, d’admettre que l’émission ne varie pas avec la direction.
La charge émise par la plaque active sous forme de rayons était mesurée au moyen d’un dispositif analogue à celui de la figure 134, mais dont le récepteur C n’était pas fermé par une lame d’aluminium mince. Les électrons lents émis par le polonium et par le récepteur étaient ramenés aux surfaces d’émission par l’emploi d’un champ magnétique. On avait réalisé un vide aussi parfait que possible pour diminuer l’ionisation du gaz résiduel. Le courant d’ionisation n’était qu’une fraction de 3 pour 100 environ du courant de charge dû aux rayons
Les résultats de plusieurs séries d’expériences ont donné, pour la valeur moyenne du nombre des particules émises par seconde par la plaque active, le nombre 3,93.105 et pour la charge émise dans le même temps la valeur
0,000377 unité E. S. ; d’où, pour la
charge d’une particule
Ce nombre est en très bon accord avec les résultats de MM. Rutherford et Geiger.
Si la particule porte le double de la charge élémentaire, la valeur de cette dernière est probablement environ
Le nombre 4,7.10-10 étant adopté pour la charge élémentaire, conduirait à prendre 2,7.1019 pour le nombre des molécules d’un gaz contenues dans 1cm³ de volume dans les conditions normales de température et de pression ; la masse d’un atome d’hydrogène serait 1,6.10-24 gramme et le nombre des molécules dans une molécule-gramme serait environ 6,1.1023.
Il résulte de plus, de la valeur du rapport que la masse calculée pour une particule est très peu différente de celle d’un atome d’hélium, et que l’identité des particules avec les atomes d’hélium est ainsi confirmée.
Par l’ensemble des belles expériences de M. Rutherford et de ses collaborateurs, la nature de la particule semble définitivement établie.
134. Volume de l’émanation en équilibre avec un gramme de radium. Vitesse de production d’hélium par le radium. — En partant des données numériques qui résultent des expériences de M. Rutherford, on peut faire les considérations suivantes :
Si un atome de radium, en se détruisant, émet une seule particule et un seul atome d’émanation, alors le nombre des atomes d’émanation émis par seconde par un gramme de radium est égal à , et le nombre des atomes d’hélium formés par seconde est pour un gramme de radium en équilibre radioactif.
Le nombre des atomes d’émanation en équilibre radioactif avec un gramme de radium est donc égal à où est la vie moyenne de l’émanation, égale à secondes. Le volume occupé par ces atomes est représenté par la formule
Ce nombre est très voisin de celui qui résulte des déterminations expérimentales.
Le volume occupé par l’hélium produit en une seconde est égal a ce qui conduit à un volume de 0mm³,43 par jour et à un volume de 158mm³ par an et par gramme de radium ; ce nombre est en accord avec les résultats expérimentaux (voir Chap. X).
135. Nombre d’ions produit par une particule le long de son parcours. — Si l’on connaît le courant de saturation produit dans une chambre d’ionisation par l’émission dans l’unité de temps d’un nombre connu de particules qui sont complètement absorbées par le gaz, on peut en déduire le nombre d’ions créé par une seule particule. Quand l’expérience est faite avec un sel de radium, il faut que celui-ci soit utilisé en couche très mince, de manière que l’absorption des particules dans le sel puisse être considérée comme négligeable.
Soient la valeur du courant de saturation et charge d’un ion. On trouve
Une détermination approchée faite par M. Rutherford a indiqué que le nombre d’ions produit par une particule du radium au minimum d’activité (parcours 3cm,5) est environ 120 000.
Une étude plus précise a été faite à ce sujet par M. Geiger[151] qui a déterminé l’ionisation totale sous pression réduite pour diverses portions du parcours des rayons du radium C ; il était facile, en opérant ainsi, d’obtenir le courant de saturation, tandis qu’en utilisant les rayons à la pression atmosphérique, il est souvent difficile d’obtenir ce résultat. La quantité de radium C était évaluée par la mesure du rayonnement et l’on connaissait, par conséquent, le nombre de particules émises par unité de temps.
Un faisceau très étroit de rayons parallèles émis par la source R et limité par le diaphragme K (fig. 139) traversait une fenêtre en mica très mince et était admis dans la chambre d’ionisation formée par les plateaux B et C ; le plateau A servait de plateau de garde ; grâce à sa présence les ions produits entre B et C étaient seuls recueillis par le plateau B relié à l’électromètre. Pour faire une série d’expériences on faisait varier la pression du gaz dans l’appareil ; à une pression déterminée, on utilisait une portion du parcours des particules qui correspondait à une portion déterminée également et très petite du parcours dans l’air sous la pression atmosphérique. La position de cette dernière portion était calculée en admettant que le parcours varie en raison inverse de la pression. Pour étudier la portion initiale du parcours sur la longueur de 1cm, on plaçait la substance active au centre d’une chambre d’ionisation sphérique dans laquelle on faisait varier la pression ; on constate que, pour les basses pressions, l’ionisation
varie proportionnellement
à la pression, ce qui indique que dans cette région le pouvoir
ionisant de la particule reste constant.
Le pouvoir ionisant moyen d’un faisceau de rayons du radium C en différents points du parcours est indiqué dans le Tableau suivant, dont les nombres se rapportent à l’air à la température de 12° et à la pression atmosphérique :
Parcours en centimètres. | Ions par millimètre et par particule. |
1 | 2250 |
2 | 2300 |
3 | 2400 |
4 | 2800 |
5 | 3600 |
6 | 5500 |
6,5 | 7600 |
7 | 4000 |
Ces mêmes résultats sont représentés dans la figure 140. L’échelle choisie est telle que chaque centimètre carré représente 104 ions.
Le nombre d’ions rapporté à une particule du radium C est déterminé par l’aire comprise entre la courbe d’ionisation et les axes. Ce nombre est égal à 2,37.105 en admettant que la charge d’un ion a pour valeur 4,65.10-10 E. S.
Les nombres d’ions produits par des particules émises par d’autres substances ont été calculés en admettant que la courbe d’ionisation correspondante se superpose à celle obtenue pour les rayons du radium C à partir de la fin du parcours (§ 130).
Ces nombres sont indiqués dans le Tableau suivant[152] :
Parcours en centimètres. |
Nombre d’ions produits. |
||
Radium |
3,50 | 1,53.105 | 4,37.104 |
Émanation |
4,23 | 1,74.105 | 4,11.104 |
Radium A |
4,83 | 1,87.105 | 3,87.104 |
Radium C |
7,06 | 2,37.105 | 3,36.104 |
Radium F |
3,86 | 1,62.105 | 4,19.104 |
On voit que le rapport décroît à mesure que le parcours augmente.
D’après les résultats indiqués on peut calculer que le courant de saturation obtenu avec un gramme de radium au minimum d’activité distribué en couche très mince sur une lame, de telle manière que la moitié des particules émises soit absorbée dans le gaz, a pour valeur
Ce résultat peut servir pour le dosage de faibles quantités de radium.
Si l’on admet que les nombres des particules émises dans les différents faisceaux sont les mêmes, on peut calculer le rapport de l’ionisation totale, obtenue avec une certaine quantité de radium en équilibre radioactif, à l’ionisation obtenue avec la même quantité de radium au minimum d’activité ; ce rapport doit en effet être égal
Une détermination expérimentale du même rapport a été faite par M. Boltwood[153] de la manière suivante : on mesurait l’activité initiale d’un sel radifère en couche très mince (au minimum d’activité) ; on laissait ce sel en vase clos et desséché pendant un mois ; après ce temps le sel ne contenait que 70 pour 100 de la quantité d’émanation qu’il aurait contenue si l’émanation formée était restée entièrement occluse. On mesurait l’activité limite du sel et l’on faisait la correction relative à l’émanation qui s’était échappée. Le rapport ainsi trouvé entre l’activité limite et l’activité initiale était égal à 5,6.
Il est donc probable que les particules des divers faisceaux sont en nombre égal. Les mesures doivent être faites en ayant soin que les rayons de tous les parcours soient complètement absorbés dans l’air.
Le nombre d’ions produit en moyenne dans l’air par particule dans la région du parcours qui correspond au maximum de l’ionisation, est égal à 76000 par centimètre, à la pression et à la température ordinaire. Dans ces conditions de température et de pression le chemin moyen d’une molécule d’air est environ 10-5 centimètre. Le chemin moyen d’une particule dans l’air doit être plus grand parce que la particule est probablement plus petite qu’une molécule d’air, et parce que sa vitesse est très grande par rapport à celle des molécules d’air ; pour cette dernière raison le chemin moyen doit être augmenté dans le rapport Si l’on admet que le chemin moyen est environ 1,4.10-5 centimètre, le nombre des molécules rencontrées sur la longueur de 1cm est environ 70000, et ce nombre est du même ordre de grandeur que celui indiqué par l’expérience pour le nombre des ions produits. Il est difficile d’apprécier exactement la valeur du chemin moyen ; il est cependant probable que le maximum du pouvoir ionisant correspond à l’ionisation de chaque molécule rencontrée.
L’énergie perdue par une particule du radium C le long de son parcours est environ 1,3.10-5 erg ; le nombre d’ions produit est environ 2,4.105 ; si l’énergie était entièrement utilisée pour la production d’ions, la dépense d’énergie par molécule ionisée serait environ 0,5.10-10 erg. Ce nombre constitue donc une limite supérieure de l’énergie nécessaire pour l’ionisation d’une molécule d’air.
136. Production de rayons secondaires par les rayons . Diffusion des rayons . — Quand les rayons traversent la matière, on n’observe pour ces rayons ni diffusion importante, ni production appréciable de rayons secondaires, ainsi qu’il résultait des premières expériences de H. Becquerel à ce sujet. Ces expériences étaient faites par la méthode radiographique, et l’on pouvait se demander si l’on ne pourrait observer une production de rayons secondaires en opérant d’une manière différente.
J’ai cherché à mettre en évidence une transformation des rayons du polonium, en employant la méthode de l’interversion des écrans[154] : deux écrans superposés E1 et E2 étant traversés par les rayons ; l’ordre dans lequel ils sont traversés doit être indifférent, si le passage au travers des écrans ne transforme pas les rayons ; si, au contraire, chaque écran modifie les rayons en les transmettant, l’ordre des écrans n’est pas indifférent. Si, par exemple, les rayons se transforment en rayons plus absorbables en traversant du plomb, et que l’aluminium ne produise pas un effet du même genre avec la même importance, alors le système plomb-aluminium paraîtra plus opaque que le système aluminium-plomb ; c’est ce qui a lieu pour les rayons Röntgen.
L’expérience indique que ce phénomène se produit avec les rayons du polonium. L’appareil employé était celui de la figure 119. Le polonium était placé dans la boîte CCCC et les écrans absorbants, nécessairement très minces, étaient placés sur la toile métallique T.
Écrans employés. | Épaisseur. | Courant observé. | ||||||||
mm | ||||||||||
|
Aluminium |
0,01 |
|
17,9 | ||||||
Laiton |
0,005 | |||||||||
Laiton |
0,005 |
|
6,7 | |||||||
Aluminium |
0,01 | |||||||||
|
Aluminium |
0,01 |
|
150 | ||||||
Étain |
0,005 | |||||||||
Étain |
0,005 |
|
125 | |||||||
Aluminium |
0,01 | |||||||||
|
Étain |
0,005 |
|
13,9 | ||||||
Laiton |
0,005 | |||||||||
Laiton |
0,005 |
|
4,4 | |||||||
Étain |
0,005 |
Les résultats obtenus prouvent que le rayonnement est modifié en traversant un écran solide et sont d’accord avec les expériences dans lesquelles, de deux lames métalliques identiques et superposées, la première se montre moins absorbante que la suivante. Il est probable, d’après cela, que l’action transformatrice d’un écran est d’autant plus grande que cet écran est plus loin de la source.
Il semblait possible d’expliquer ces expériences par la production sur les faces des écrans de rayons secondaires dont la nature et la quantité serait variable avec la nature des écrans. Toutefois, les recherches faites ultérieurement ont montré qu’on ne peut mettre en évidence la production de tels rayons, ni par l’effet ionisant, ni par l’effet radiographique. Ce fait résulte très clairement des expériences suivantes[155] : les rayons émis par la source active (fig. 123, II) constituée par le polonium en couche très mince, traversaient un diaphragme composé d’une série de tubes juxtaposés et étaient ensuite reçus dans une chambre d’ionisation étroite, formée par une toile métallique reliée à la pile et un plateau placé au-dessus de la toile et relié à l’électromètre. Le plateau pouvait être enlevé et remplacé par d’autres plateaux ayant exactement la même forme, mais faits avec des métaux différents : aluminium, cuivre, zinc, laiton ; l’appareil était construit avec une exactitude suffisante pour que la substitution d’un plateau à un autre ne pût amener aucune modification dans la forme de la chambre d’ionisation. On construisait la courbe d’ionisation des rayons du polonium pour chaque plateau ; les courbes obtenues sont exactement superposables, et aucune influence du métal frappé par les rayons n’est visible. Le même résultat est obtenu en remplaçant le plateau supérieur par une toile métallique tendue reliée à l’électromètre sur laquelle on pose des feuilles métalliques très minces de nature différente : aluminium, zinc, plomb. Si les rayons du polonium en frappant les écrans donnaient lieu à la production de rayons secondaires très absorbables dans l’air et doués de pouvoir ionisant, le dispositif qui vient d’être décrit devait être particulièrement bien adapté à faire valoir l’effet de ces rayons, puisque le pouvoir ionisant des rayons n’était utilisé que sur un faible trajet (profondeur de la chambre d’ionisation 0mm,5). On peut donc conclure qu’il n’existe aucun effet métal, accompagné d’ionisation, dû aux rayons
D’autres expériences ont été faites par la méthode radiographique. Une nappe verticale étroite de rayons du polonium, limitée par deux fentes semblables et parallèles placées l’une au-dessus de l’autre, venait rencontrer une plaque photographique inclinée dont le bord horizontal était perpendiculaire à la direction des fentes ; cette plaque venait s’appuyer sur une cloison horizontale, dont le bord extrême horizontal et perpendiculaire aux fentes se trouvait au-dessus du milieu de celles-ci. Ce bord aurait pu être le siège d’une émission secondaire, et en ce cas la partie supérieure de l’impression produite par les rayons directs aurait pu être entourée d’une houppe diffuse. Les expériences étaient faites soit à la pression atmosphérique, soit à une pression inférieure à celle de 1mm de mercure ; en aucun cas on n’a observé la moindre trace des apparences attendues.
Il semble donc bien établi que les rayons ne produisent pas de rayons secondaires doués de pouvoir ionisant et capables d’impressionner les plaques photographiques. En revanche certaines expériences sont favorables à l’existence d’un rayonnement secondaire lent du genre ce rayonnement ne peut être mis en évidence que par la charge qu’il transporte. M. Logeman a étudié la vitesse avec laquelle se charge un plateau métallique exposé aux rayons du polonium dans un champ magnétique[156] ; cette vitesse dépend de la nature du métal employé pour le plateau. Dans les expériences de M. Moulin[157], les rayons du polonium traversaient une toile métallique reliée au sol, et pénétraient ensuite dans un condensateur, formé par une toile reliée à une batterie et un plateau relié à l’électromètre. Le polonium étant porté à un potentiel positif élevé, pour empêcher l’émission d’électricité négative, le courant obtenu dans le condensateur dépend du sens du champ. Dans les deux cas l’électromètre recueille de l’électricité positive, mais la vitesse de charge est plus grande quand le plateau relié à l’électromètre est chargé négativement ; en ce cas, en effet, il y a émission secondaire d’électricité négative par le plateau sous l’action des rayons qui viennent le frapper, tandis qu’en cas contraire, ces rayons ne peuvent quitter le plateau si la différence de potentiel entre le plateau et la toile est suffisante. La différence de potentiel qui suffit pour arrêter l’émission secondaire est de 10 à 15 volts, d’où l’on peut conclure que les rayons secondaires ont une vitesse insuffisante pour pouvoir ioniser les gaz. Dans les mêmes expériences on a remarqué l’émission par le polonium de rayons dont la vitesse semble supérieure à 109 la proportion de ces rayons est probablement faible. Un champ magnétique faible suffit pour ramener les rayons secondaires sur le plateau qui les émet ; un champ magnétique plus intense est nécessaire pour ramener de même tous les rayons du polonium à la source ; pour un champ magnétique suffisant, la charge reçue par le plateau relié à l’électromètre est due aux rayons seulement.
Les expériences relatives à l’effet du renversement des écrans ne peuvent donc s’interpréter par une émission de rayons secondaires, et il s’agit, par conséquent, d’un effet sur les rayons primaires. On a proposé d’expliquer le phénomène, soit par la variation du pouvoir absorbant d’un écran avec la vitesse des rayons[158],[159], soit par la diffusion des rayons au passage des écrans[160].
Les effets d’interversion d’écrans obtenus par les divers observateurs qui utilisaient des rayons normaux aux écrans sont beaucoup plus faibles que les effets obtenus par M. Curie ; il est donc probable que le phénomène augmente beaucoup quand on utilise les rayons obliques. En ce cas une interversion de l’ordre des écrans peut amener un très grand changement dans l’intensité des rayons qui traversent, et cela aussi bien avec une couche radiante épaisse qu’avec une couche radiante très mince. Voici les résultats de quelques expériences faites avec utilisation de rayons de toutes les directions, et avec un double écran placé à une distance de 6mm de la substance active[161].
Polonium. | |||
Nature des écrans. | en couche épaisse. | en couche mince. | |
Étain-laiton |
95,6 | 21,2 | |
Laiton-étain |
38,5 | 9,3 | |
Aluminium-cuivre |
72,6 | 14,4 | |
Cuivre-aluminium |
59,2 | 12,5 | |
Aluminium-argent |
79,0 | 21,2 | |
Argent-aluminium |
56,9 | 18,0 | |
Aluminium-platine |
117 | 32,4 | |
Platine-aluminium |
94 | 27,6 |
La variation du pouvoir d’arrêt des écrans avec la nature et l’épaisseur de la matière déjà traversée est encore peu connue, et en tenant compte de cette variation il n’est pas facile de calculer l’effet d’une interversion de l’ordre des écrans pour des rayons émis dans toutes les directions. Il est cependant probable que c’est là la cause principale des différences observées ; la diffusion des rayons qui traversent normalement un écran mince est très faible, mais elle doit être beaucoup plus importante pour les rayons obliques à l’écran qui traversent une épaisseur de matière plus grande.
M. Rutherford a observé qu’une nappe étroite de rayons traversant un écran en mica mince donne une impression photographique moins bien définie qu’en l’absence de l’écran, et que la déviation des rayons par diffusion peut atteindre 2 degrés. Pour obtenir la même déviation par application d’un champ électrique normal au rayon, le long d’un trajet de même longueur, il faudrait employer une intensité de champ égale à 100 millions de volts par centimètre[162], et l’on peut ainsi se faire une idée de la grandeur des champs électriques produits par les atomes.
Les expériences suivantes indiquent également une diffusion des rayons L’ionisation produite par les rayons est mesurée après passage de ceux-ci au travers de deux grillages superposés[163] ; ces grillages sont semblables à ceux qui servent de diaphragmes pour la construction de la courbe d’ionisation. On observe le rapport des courants obtenus avec un seul diaphragme ou avec deux diaphragmes superposés, soit en recouvrant le premier diaphragme d’un écran, soit en enlevant cet‹ écran. Le rapport n’est pas le même dans les deux cas, et l’on constate ainsi un effet de diffusion qui augmente avec le poids atomique du métal employé pour l’écran.
Une étude plus précise de la diffusion des rayons a été faite par M. Geiger[164]. Un faisceau étroit de rayons issu d’une source de petites dimensions et limité par un diaphragme circulaire, était reçu sur un écran au sulfure de zinc sur lequel il produisait une tache de scintillations bien limitée, l’expérience étant faite dans le vide. En recouvrant le diaphragme d’un écran métallique mince, on constatait que les scintillations se trouvaient distribuées sur une surface plus grande. La densité des scintillations était décroissante depuis le centre vers le bord ; on la déterminait en comptant au moyen d’un microscope le nombre des scintillations par unité de temps et de surface, à différentes distances du centre. Le nombre des particules qui ont subi une déviation angulaire égale à où est la distance de l’écran phosphorescent au diaphragme, est mesuré par la quantité cette quantité passe par un maximum pour une certaine valeur de l’angle de déviation correspondant était considéré comme l’angle de dispersion le plus probable pour les particules d’une vitesse déterminée traversant l’écran utilisé. On trouvait, par exemple, que pour les rayons du radium C traversant une feuille d’or d’épaisseur équivalente à 1cm d’air, cet angle était égal à 2o,1. L’expérience montre que l’angle croît rapidement quand la vitesse des rayons diminue ; il varie approximativement en raison inverse du cube de la vitesse. Il est à peu près proportionnel à l’épaisseur de l’écran, sauf pour les très faibles épaisseurs, pour lesquelles l’accroissement est moins rapide. En admettant que le diamètre d’un atome est environ 2.10-8, M. Geiger a déduit de ses mesures que la valeur de l’angle pour un atome d’or est environ 0o,005.
La valeur de pour une lame métallique, pour laquelle l’épaisseur d’air équivalente est 1cm, a été nommée coefficient de dispersion. Ce coefficient augmente avec le poids atomique du métal.
La reflexion diffuse des rayons a été constatée par MM. Geiger et Marsden[165] qui observaient les rayons par les scintillations produites sur un écran au sulfure de zinc ; le dispositif expérimental, analogue à celui qui a été utilisé pour l’étude des rayons secondaires des rayons est représenté dans la
figure 141. La source radiante était constituée par le dépôt actif de radium porté par un
petit plateau A ; le radiateur R renvoie quelques-unes des particules
reçues sur l’écran phosphorescent S qu’on observe au microscope. Les particules réfléchies sont renvoyées indifféremment
dans toutes les directions, et le rapport du nombre des particules
renvoyées au nombre des particules reçues a été trouvé égal
à pour un réflecteur en platine. On a constaté que le phénomène
de réflexion diffuse prend une importance plus grande quand
l’incidence est rasante.
La réflexion par diffusion est un effet de volume. Le nombre des particules renvoyées croît avec l’épaisseur du radiateur jusqu’à une certaine limite qui est atteinte pour une épaisseur très faible. Ce nombre dépend de la nature du radiateur et augmente avec le poids atomique de celui-ci ; toutefois le rapport diminue quand le poids atomique augmente. On a pu constater, en l’absence de tout réflecteur, un effet de dispersion des particules par l’air atmosphérique.
M. Duane[166] a montré que la production de rayons secondaires (électrons lents) par les rayons cesse à la fin de leur parcours. Les mesures étaient faites avec le dispositif qui avait servi pour la mesure du parcours par la charge transportée (§ 132). En l’absence de champ magnétique l’électrode recueille un courant
où est le courant de charge positive des rayons le courant dû
à l’émission d’électricité négative par l’électrode ; le courant dû à
l’émission d’électricité négative par la fenêtre. On peut séparer
les courants et par l’action d’un champ électrique et d’un
champ magnétique ; ce dernier supprime et tandis que le premier,
suivant son sens, supprime ou L’ionisation du gaz résiduel
était considérée comme négligeable. En faisant varier la distance
de la source radiante (radium au minimum d’activité), à la fenêtre,
on constate que la production de rayons secondaires est supprimée
en même temps que la charge des rayons. S’il y a une différence,
le parcours est plus court pour la charge que pour le pouvoir de
produire des rayons secondaires, mais, en tout cas, la différence est
très petite.
137. Découverte des rayons . Pouvoir pénétrant. — La découverte des rayons est due à M. Villard[167] qui fut le premier à observer que le radium émet des rayons très pénétrants non déviés dans un champ magnétique. Dans les expériences de M. Villard, un faisceau de rayons du radium soumis à l’action d’un champ magnétique était reçu très obliquement sur une pile de plaques photographiques. Le faisceau non déviable et pénétrant traversait toutes les plaques sans diffusion et marquait sa trace sur chacune d’elles. Le faisceau dévié produisait une impression sur la première plaque seulement ; ce faisceau paraissait donc ne point contenir de rayons de grande pénétration.
La découverte de M. Villard a été confirmée par Becquerel[168]. P. Curie a observé dans ses expériences que le faisceau des rayons pénétrants du radium étudié à grande distance de la source contient environ 10 pour 100 de rayons non déviés par l’action du champ magnétique. La présence de 90 pour 100 de rayons déviés par le champ semblait en contradiction avec les résultats de M. Villard. Toutefois ce désaccord s’explique par les propriétés des rayons Dans les expériences de M. Villard, les rayons déviables et pénétrants n’impressionnent pas les plaques photographiques placées au delà de la première, parce qu’ils sont en grande partie diffusés dans tous les sens par le premier obstacle solide rencontré et cessent de former un faisceau. Dans les expériences de P. Curie, les rayons émis par le radium et transmis par le verre de l’ampoule étaient probablement aussi diffusés par le verre, mais l’ampoule étant très petite, fonctionnait alors elle-même comme une source de rayons déviables partant de sa surface, et l’on a pu observer ces derniers jusqu’à une grande distance de l’ampoule.
Les rayons du radium sont extrêmement pénétrants ; avec une source suffisamment intense on peut observer l’effet ionisant de ces rayons au travers d’épaisseurs de métal de 20cm ou 30cm. L’action des rayons sur un écran au platinocyanure de baryum peut facilement être observée au travers du corps humain. Les rayons transmis par une épaisseur de plomb égale à 1cm peuvent être considérés comme étant entièrement de l’espèce Ils peuvent être observés par la méthode électrique de la manière suivante : un électroscope est placé sur une plaque de plomb de grandes dimensions et de quelques millimètres d’épaisseur ; la matière active est placée au-dessous de l’électroscope. On mesure d’abord la vitesse de décharge de celui-ci quand la matière active est absente ; ensuite on mesure cette même vitesse en présence de la matière active et avec interposition d’écrans d’épaisseur variable entre la matière active et l’électroscope. On a également utilisé pour des recherches de ce genre une chambre d’ionisation à plateaux parallèles verticaux ; les écrans étaient placés horizontalement au-dessus de la chambre, entre celle-ci et la matière active. Avec un dispositif sensible on peut observer les rayons produits par l’uranium et le thorium.
La courbe représentée dans la figure 142 indique la variation de l’absorption avec l’épaisseur, la matière absorbante étant le plomb[169]. L’absorption est relativement forte pour les épaisseurs de plomb inférieures à 4mm ; ensuite la baisse du rayonnement devient beaucoup plus lente, et l’on admet qu’elle caractérise alors les rayons
Le pouvoir pénétrant des rayons a fait l’objet de diverses recherches. On a trouvé, le plus souvent, que le coefficient d’absorption diminue quand croît l’épaisseur de matière traversée. De plus, le coefficient est très approximativement proportionnel à la densité de la matière absorbante. Le pouvoir pénétrant des rayons varie avec la nature de la matière qui les émet. L’augmentation du pouvoir pénétrant avec l’épaisseur de matière traversée est un fait connu pour les rayons Röntgen.
Dans les Tableaux suivants les coefficients d’absorption indiqués sont les coefficients moyens pour une augmentation donnée de l’épaisseur de l’écran ; ils sont calculés par l’application de la formule
Le Tableau I contient les valeurs des coefficients d’absorption pour les rayons du radium et pour différentes matières absorbantes. Les écrans utilisés étaient précédés par une lame de plomb de 8mm d’épaisseur, destinée à absorber complètement les rayons
Tableau I ; [ Mc Clelland[170] ]. | |||||
= 2mm,5. | = 5mm. | = 10mm. | =15mm. | ||
Platine |
1,167 | ||||
Mercure |
0,726 | 0,661 | 0,538 | 0,493 | |
Plomb |
0,641 | 0,563 | 0,480 | 0,440 | |
Zinc |
0,282 | 0,266 | 0,248 | 0,266 | |
Aluminium |
0,104 | 0,104 | 0,104 | 0,104 | |
Verre |
0,087 | 0,087 | 0,087 | 0,087 | |
Eau |
0,034 | 0,034 | 0,034 | 0,034 |
Dans ces expériences, l’absorption dans l’aluminium, dans le verre et dans l’eau était trop faible pour qu’on ait pu déterminer avec précision la variation de avec l’épaisseur traversée.
Dans le Tableau II se trouvent réunies les valeurs du rapport entre les coefficients d’absorption contenus dans le Tableau I et la densité de la matière absorbante. On constate que pour les substances absorbantes de faible densité le rapport est constant ; pour les substances plus denses le rapport est plus grand, mais tend vers la même valeur constante pour des écrans très épais.
Tableau II ; | |||||
= 2mm,5. | = 5mm. | = 10 mm. | =15mm. | ||
Platine |
0,054 | » | » | » | |
Mercure |
0,053 | 0,048 | 0,039 | 0,036 | |
Plomb |
0,056 | 0,049 | 0,042 | 0,037 | |
Zinc |
0,039 | 0,037 | 0,034 | 0,033 | |
Aluminium |
0,038 | 0,038 | 0,038 | 0,038 | |
Verre |
0,034 | 0,034 | 0,034 | 0,034 | |
Eau |
0,034 | 0,034 | 0,034 | 0,034 |
Voici un Tableau comparatif des résultats obtenus par différents expérimentateurs pour l’absorption des rayons du radium par le plomb.
Tableau III. | |
Mc Clelland[171] | Eve[172] |
Épaisseur. | Épaisseur. |
cmcm | cmcm |
Entre 0,8 et 1,05………… 0,64 | Entre 0,64 et 1,21………… 0,57 |
» 0,8 1,3 ………… 0,56 | » 1,21 1,79………… 0,56 |
» 0,8 1,8 ………… 0,48 | » 1,79 2,36………… 0,46 |
» 0,8 2,3 ………… 0,44 | » 2,4 3,0 ………… 0,46 |
Tuomikoski[173] | Wigger[174] |
Épaisseur. | Épaisseur. |
cmcm | cmcm |
Entre | 0,4 et 1,0 ……… 0,70Entre 1,6 | et 5 ………… 0,25
» 1,0 2,2 ……… 0,58 | |
» 2,2 5,4 ……… 0,52 | Soddy et Russell[175] |
» 5,4 12,0 ……… 0,50 | Épaisseur. |
» 12,0 15,8 ……… 0,39 | cmcm |
» 15,8 18,0 ……… 0,25 | Entre 1,6 | et 8,9 ………… 0,495
Les valeurs de relatives, d’après différents auteurs, à des rayons ayant traversé la même épaisseur de plomb, offrent d’assez grandes divergences ; les résultats obtenus semblent dépendre du dispositif expérimental employé. Le coefficient d’absorption le plus faible de ceux qui ont été indiqués, correspond à une diminution de moitié de l’intensité du rayonnement sur une épaisseur de 2cm,8 environ. Les observations peuvent être troublées par des effets secondaires produits sur les écrans. C’est ainsi que l’introduction d’une lame d’aluminium entre l’écran de plomb et la chambre d’ionisation peut avoir pour effet d’accroître l’ionisation si l’épaisseur de la lame n’est pas trop grande.
La valeur du rapport qui est égale à 0,035 environ pour les écrans épais d’après le Tableau II est égale à 0,02 d’après M. Wigger et à 0,04 d’après MM. Soddy et Russell.
Les pouvoirs pénétrants des rayons du radium, du thorium et de la pechblende ont été comparés par M. Eve qui a trouvé dans tous les cas le même coefficient d’absorption moyen.
Les rayons de l’uranium sont plus absorbables que ceux du radium et du thorium. Ces rayons semblent homogènes. Le coefficient d’absorption moyen pour une épaisseur de plomb de 0cm,64 est d’après M. Eve MM. Soddy et Russell[176] ont étudié ces rayons avec de l’uranium X extrait de 50kg de nitrate d’urane et ayant une activité relativement très grande ; le coefficient d’absorption qu’ils indiquent pour le plomb entre les épaisseurs 1cm et 5cm est soit très inférieur au nombre précédent.
Les valeurs des coefficients d’absorption pour les rayons de l’uranium X et du radium, d’après MM. Soddy et Russell, sont réunies dans le Tableau IV ; ces coefficients sont relatifs à des rayons qui, en plus d’une épaisseur de plomb de 1cm, ont à traverser des écrans dont l’épaisseur est indiquée. Les mêmes résultats ont été représentés par des courbes dans la figure 143, le logarithme de l’intensité du rayonnement étant porté en ordonnées et l’épaisseur de la matière absorbante en abscisses. On voit que l’absorption suit très approximativement une loi exponentielle simple. D’après MM. Soddy et Russell, les rayons du radium seraient homogènes, et leur coefficient d’absorption par le plomb serait constant et égal à 0, 498 pour des épaisseurs de plomb comprises entre 2cm et 22cm[177].
MATIÈRE. |
ÉPAISSEUR en centimètres. |
RAYONS du radium. |
RAYONS de l’uranium X. | ||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Mercure |
|
(Ra) | 0,34 à | 3,32 | 0,642 | 4,72 | 0,832 | 6,12 | |||||
(Ur) | 0,343 | 3,535 | |||||||||||
Plomb |
|
(Ra) | 0 | 7,91 | 0,495 | 4,34 | 0,725 | 6,36 | |||||
(Ur) | 0 | 4,5 | |||||||||||
Cuivre |
0 | 7,60 | 0,351 | 3,98 | 0,416 | 4,72 | |||||||
Laiton |
0 | 5,86 | 0,325 | 3,89 | 0,392 | 4,70 | |||||||
Fer |
0 | 7,57 | 0,304 | 3,99 | 0,360 | 4,72 | |||||||
Étain |
0 | 5,51 | 0,281 | 3,88 | 0,341 | 4,70 | |||||||
Zinc |
0 | 6,00 | 0,278 | 3,93 | 0,329 | 4,65 | |||||||
Ardoise |
0 | 9,44 | 0,118 | 4,14 | 0,134 | 4,69 | |||||||
Aluminium |
0 | 11,19 | 0,111 | 4,01 | 0,130 | 4,69 | |||||||
Verre |
0 | 11,26 | 0,105 | 4,16 | 0,122 | 4,84 | |||||||
Brique de magnésie |
0 | 11,86 | 0,076 | 3,96 | 0,0917 | 4,78 | |||||||
Soufre |
0 | 11,59 | 0,0782 | 4,38 | 0,0921 | 5,16 | |||||||
Parafine |
0 | 11,39 | 0,040 | 4,64 | 0,0433 | 5,02 | |||||||
Bois de pin |
0 | 12,51 | 0,02926 | 7,58 |
pour les rayons | du radium, | valeur moyenne…… | 0,0399 |
» » | de l’uranium X, | » …… | 0,0470 |
Rapport | » …… | 1,18 |
L’intensité des rayons du nitrate d’uranium est relativement faible ; elle serait, d’après M. Eve, dix fois plus petite que l’intensité des rayons du nitrate de thorium à poids égal ; d’après MM. Soddy et Russell, le rapport de l’intensité des rayons à celle des rayons serait environ 50 fois plus petit pour l’uranium que pour le radium C.
Les rayons de l’actinium sont encore plus absorbables que ceux de l’uranium[178]. Quand la substance est recouverte d’un écran de zinc de 1cm,45, le coefficient d’absorption moyen du rayonnement pour un écran de plomb jusqu’à 0mm,45 d’épaisseur est égal à 10,5 ; il s’agit probablement en ce cas de rayons pour des épaisseurs de plomb comprises entre 0mm,45 et 2mm,85 le
coefficient d’absorption
est égal à 4,1 ; ensuite il éprouve une variation assez brusque
et, pour des épaisseurs de plomb comprises entre 2mm,85 et 6mm, il
est égal à 2. D’après cela l’actinium donnerait lieu à l’émission
de deux groupes de rayons
La comparaison du pouvoir pénétrant des rayons du radium ( = 0,1 environ pour l’aluminium) et des rayons émis par la même substance ( = 12 environ pour l’aluminium et pour le groupe des rayons les plus pénétrants) indique que les rayons sont plus de 100 fois plus pénétrants que les rayons de grande vitesse.
138. Dosage des substances radioactives par les rayons qu’elles émettent. — Le dosage des substances radioactives au moyen des rayons est d’usage courant dans les laboratoires. Ce dosage présente le grand avantage d’être d’une grande facilité au point de vue expérimental ; il consiste à utiliser seulement les rayons très pénétrants, en supprimant le rayonnement plus absorbable au moyen d’un écran convenable. Il en résulte que pour des substances enfermées dans des ampoules de verre ou autres enveloppes minces, l’absorption produite par ces enveloppes pourra être assez faible pour qu’on ait le droit de la négliger. La comparaison peut se faire avec précision pour des échantillons d’une même substance radioactive, si les rayons émis de chaque point de la source sont dans tous les cas utilisés de la même manière, c’est-à-dire reçus sous le même angle solide dans l’appareil de mesures et absorbés dans la même proportion par l’ensemble des écrans intermédiaires.
D’après M. Eve on peut doser par cette méthode l’ensemble du radium et du thorium dans les minéraux radioactifs, les rayons du thorium ayant le même pouvoir pénétrant que ceux du radium.
On peut employer pour le dosage au moyen des rayons pénétrants une chambre d’ionisation du type représenté dans la figure 39, Chapitre II ; cet appareil sert pour les sources de très petites dimensions. Pour les sources plus volumineuses, on peut utiliser un grand condensateur à plateaux (diamètre des plateaux 40cm, distance des plateaux 5cm), dont le plateau supérieur est recouvert par un écran en plomb, sur lequel on pose la source, vers le milieu. Voici le résultat d’une comparaison entre deux ampoules contenant du radium et ayant toutes les deux de petites dimensions. La première ampoule contient 0g,09 d’un mélange de chlorures de baryum et de radium, dans lequel le poids atomique du métal déterminé par l’expérience est égal à 216 ; cette ampoule contient donc 0g,064 de radium. La deuxième ampoule contient 0g,0265 de chlorure de radium pur (poids atomique du métal, 226), soit 0g,0202 de radium. Les courants obtenus avec les deux ampoules au moyen du grand condensateur sont respectivement 564 et 175. Le rapport de ces courants est 3,22 tandis que le rapport des teneurs en radium est 3,17. La précision des comparaisons de ce genre peut, d’ailleurs, être supérieure à celle qui a été obtenue dans l’expérience précédente, que j’indique surtout parce qu’elle se rapporte à des teneurs en radium déterminées par des méthodes chimiques.
Il est utile de remarquer que pour avoir de bonnes comparaisons il faut que les conditions expérimentales soient aussi identiques que possible pour les échantillons à comparer. Ainsi l’on constate qu’en éloignant l’une des petites ampoules du plateau sur lequel elle est posée, de 2cm seulement, on diminue de 5 pour 100 le courant mesuré ; une diminution de même importance est obtenue en enveloppant l’ampoule d’une feuille de platine de 0mm,16 d’épaisseur, bien que l’écran de plomb que traversent les rayons ait une épaisseur de 1cm.
139. Nature des rayons . — Les rayons n’étant pas influencés par l’action d’un champ magnétique, il semblait naturel de les assimiler aux rayons Röntgen des ampoules à vide.
On sait qu’il existe des rayons dont la vitesse est si grande que ces rayons sont peu sensibles à l’action d’un champ magnétique. Toutefois entre les rayons et il existe à ce point de vue une discontinuité qui a été mise en évidence dans les expériences de P. Curie et de M. Villard. Cette discontinuité se voit très clairement dans l’expérience suivante de M. Paschen[179]. Le radium est placé au fond d’un tube de plomb de 1mm de diamètre et de 6cm de profondeur. Un faisceau étroit de rayons s’échappe de la cuve et produit une impression sur une plaque photographique placée à 6cm de distance de la cuve. Dans la région comprise entre le tube et la plaque on établit un champ magnétique normal au faisceau. Quand l’intensité du champ est égale à 1000 unités, on obtient la séparation complète de la tache, correspondant au faisceau non dévié, et de la bande, correspondant au faisceau dévié des rayons de vitesses différentes ; la distance entre les deux impressions est de 3cm. Pour 3000 les rayons n’atteignent plus la plaque, tandis que l’impression due aux rayons n’est pas modifiée.
La séparation des rayons et est visible dans la figure 3, planche VI. Cette figure représente une épreuve obtenue avec un faisceau de rayons émis par une source linéaire et limité par une fente parallèle à la source. Un champ magnétique parallèle à la direction de la fente était établi dans la région traversée par les rayons ; le trajet des deux faisceaux séparés était reproduit sur une plaque photographique, normale au plan déterminé par la source et la fente, mais inclinée sur la direction moyenne des rayons. Le faisceau non dévié de rayons reste fin, tandis que le faisceau dévié de rayons subit un épanouissement notable.
D’après les expériences de M. Paschen, si les rayons sont déviés par un champ magnétique, le rayon de courbure de leur trajectoire dans un champ de 30000 unités est supérieur à 10m, et en ce cas, même en leur attribuant une vitesse voisine de celle de la lumière, on obtiendrait au plus un rapport de l’ordre de 1000 unités électromagnétiques. Les rayons représenteraient en ce cas des particules possédant une très grande énergie, ce qui ne semble pas conforme aux expériences ; on sait, en effet, que les rayons ne contribuent que pour une faible part au dégagement de chaleur produit par le radium. Il est donc probable que ces rayons ne sont pas chargés.
P. Curie et M. Sagnac[180] ont cherché à mettre en évidence la charge des rayons Röntgen en recevant un faisceau de ces rayons dans un cylindre de Faraday en plomb à parois épaisses ; les rayons entraient dans ce cylindre par une ouverture pratiquée dans la paroi de plomb et fermée par une feuille d’aluminium. L’enceinte fermée ainsi obtenue était entièrement recouverte d’une couche mince de paraffine, qui était elle-même entourée d’une mince enveloppe en aluminium reliée au sol. Une tige de communication protégée de la même manière reliait la paroi du cylindre à un électromètre. Les rayons traversaient l’enveloppe extérieure, la paraffine et la fenêtre et étaient absorbés dans la paroi de plomb. Aucune charge de celle-ci n’a pu être constatée à l’électromètre.
Quand on veut s’assurer de la même manière si les rayons transportent une charge électrique, on rencontre de grandes difficultés. Ces rayons sont, en effet, très pénétrants et traversent tout récepteur destiné à les recevoir, en n’étant absorbés que partiellement ; en même temps ils donnent naissance à des rayons secondaires qui sont, au moins en partie, des rayons et qui, émanant des surfaces du récepteur ou des objets environnants, donnent lieu à des effets de charge. C’est ainsi qu’une enceinte en plomb à parois épaisses, complètement fermée et contenant une petite quantité de radium, doit acquérir une charge positive. Dans les expériences de M. Paschen sur la charge émise par le radium (§ 110), la charge négative que l’on observait encore avec un champ magnétique très intense pouvait provenir des rayons secondaires émis par les ailettes qui absorbaient les rayons déviés et les rayons de direction oblique.
Si l’on admet que les rayons ne sont pas chargés, il reste à examiner si ces rayons sont de nature corpusculaire ou bien s’ils représentent une perturbation électromagnétique de l’éther. Un problème analogue s’est déjà présenté relativement à la nature des rayons Röntgen. Les propriétés de ces derniers : absence de charge, propagation parfaitement rectiligne, absence de réfraction, de réflexion et de diffraction, reçoivent une interprétation très cohérente, en considérant les rayons X non comme des trains d’ondes, mais comme des pulsations de l’éther ou perturbations isolées de très courte durée se propageant dans l’espace avec la vitesse d’une onde électromagnétique. Il est, d’ailleurs, naturel de penser qu’une perturbation de cette nature doit avoir lieu quand l’électron en mouvement rapide, qui constitue un rayon cathodique, éprouve un arrêt brusque en rencontrant un obstacle solide. Il est également naturel de concevoir qu’une pulsation de l’éther qui constitue des rayons X et qui représente une zone de champ électromagnétique se propageant dans l’espace peut, en traversant la matière, agir sur les électrons qui y sont contenus, et provoquer l’expulsion de certains d’entre eux qui forment des rayons secondaires analogues aux rayons D’autres rayons secondaires de la même nature que les rayons primaires doivent également être émis par la matière que traversent ces derniers, parce que les variations de l’accélération des électrons sur lesquels passe la pulsation primaire doivent donner lieu à des pulsations secondaires.
La théorie des pulsations de l’éther est, en général, considérée comme donnant l’explication la plus probable de la nature des rayons X, bien qu’aucune preuve décisive n’ait encore pu être apportée en faveur de cette théorie. Les expériences sur la polarisation des rayons X secondaires et primaires viennent cependant à l’appui de cette manière de voir[181]. En considérant que le passage d’une perturbation électromagnétique sur un électron en repos a pour effet initial d’imprimer à celui-ci une accélération dans la direction du champ électrique, et que le champ électrique dans une onde électromagnétique est normal à la direction de propagation, on peut prévoir que l’intensité de la radiation X secondaire émise par un radiateur métallique ne doit pas être la même dans toutes les directions, mais que pour une direction déterminée elle dépend de l’orientation de cette direction par rapport à celle du faisceau primaire. Cette prévision a été confirmée par les expériences de M. Barkla à ce sujet.
Les rayons semblent analogues aux rayons X, et les conditions de leur production semblent présenter également une analogie correspondante. Les rayons sont, en effet, dans tous les cas connus, inséparables des rayons et ont une intensité proportionnelle à celle de ces derniers. On peut donc penser que leur émission dépend de celle des rayons comme l’émission des rayons X dépend de celle des rayons cathodiques. Toutefois on n’a pas encore constaté avec certitude l’émission de rayons par des radiateurs recevant des rayons exempts de rayons M. Eve a signalé l’émission de rayons secondaires genre sous l’influence des rayons pénétrants du radium, mais la production de rayons à partir de rayons n’a pas été absolument prouvée.
Une différence importante avait été constatée entre les rayons et les rayons X au point de vue du pouvoir ionisant de ces rayons pour différents gaz. M. Strutt[182] a montré que tandis que pour les rayons du radium l’ionisation du gaz est approximativement proportionnelle à sa densité, il n’en est pas de même pour les rayons X qui produisent une ionisation beaucoup plus grande dans l’hydrogène sulfuré et dans l’acide chlorhydrique que dans l’air, bien que la densité de ces gaz ne soit pas très différente de celle de l’air. Toutefois il ne faut pas oublier que les rayons ont un pouvoir pénétrant considérablement plus grand que celui des rayons X et peuvent pour cette raison avoir des propriétés différentes. Il résulte des recherches de M. Eve[183] que l’écart dont il est question ici est bien moindre pour les rayons X provenant d’un tube très dur ; ces rayons étaient cependant encore 40 fois moins pénétrants que les rayons puisque leur coefficient d’absorption pour le plomb était égal à 22, celui des rayons du radium étant environ 0,5.
Voici les résultats des expériences de M. Strutt et de M. Eve à ce sujet :
Conductibilité relative du gaz. | |||||||
Rayons X : | |||||||
Gaz. |
Densité relative. |
mous. |
durs. |
Rayons . | |||
Hydrogène |
0,07 | 0,11 | 0,42 | 0,19 | |||
Air |
1 | 1 | 1 | 1 | |||
Hydrogène sulfuré |
1,2 | 6 | 0,9 | 1,23 | |||
Chloroforme |
4,3 | 32 | 4,6 | 4,8 | |||
lodure de méthyle |
5,0 | 72 | 13,5 | 5,6 | |||
Tétrachlorure de carbone |
5,3 | 45 | 4,9 | 5,2 |
Pour chaque gaz l’ionisation était déterminée pour une pression convenable ; les résultats ont été ensuite rapportés à la même pression, l’ionisation étant proportionnelle à la pression pour les rayons pénétrants.
M. Eve a d’ailleurs constaté que la conductibilité du gaz est due en grande partie aux rayons secondaires. Les expériences étaient faites avec deux électroscopes contenus dans une boîte qu’on remplissait du gaz étudié ; les rayons agissaient par des fenêtres pratiquées dans la paroi de la boîte. Quand un des électroscopes était intérieurement recouvert de feuilles d’aluminium, l’ionisation était fortement diminuée ; dans le cas des rayons X la proportion de l’ionisation due aux rayons secondaires pouvait atteindre 70 pour 100 ; dans le cas de rayons cette proportion était très inférieure.
Il semble, d’après ce qui précède, que le mode d’action des rayons et des rayons X sur les gaz ne puisse pas suffire pour établir entre ces rayons une différence de nature et que, par suite, l’hypothèse faite sur la nature des rayons Röntgen soit aussi applicable aux rayons
Dans des publications diverses, M. Bragg[184] a émis l’opinion que les rayons et les rayons X sont de nature corpusculaire, et qu’ils sont constitués par un couple de particules chargées, l’une positivement, l’autre négativement, avec la charge élémentaire, l’ensemble des deux particules formant un couple neutre. Quand un tel couple rencontre un obstacle matériel, les deux particules peuvent être séparées, et la particule chargée négativement constitue un rayon secondaire du genre M. Bragg pense que cette théorie permet d’expliquer toutes les propriétés des rayons et qu’elle rend compte en particulier de ce fait, que les rayons secondaires sont émis principalement autour d’une direction privilégiée qui est celle du faisceau des rayons primaires ; de plus, dans le cas du radium, ces rayons secondaires ont une vitesse sensiblement égale à celle des rayons du radium lui-même ; la vitesse ne dépend pas de la nature de la matière dans laquelle les rayons secondaires sont formés.
On peut remarquer que la théorie des pulsations prévoit aussi pour l’émission des rayons secondaires une direction privilégiée qui est celle du faisceau primaire. Si, en effet, une onde électromagnétique plane de direction Oz passe sur un électron placé au point O, les directions du champ électrique et du champ magnétique se trouvent dans un plan normal en O à la direction Oz avec une orientation relative telle que la direction puisse être amenée sur la direction par une rotation de 90° autour de Oz dans le sens inverse du sens de rotation des aiguilles d’une montre. L’électron déplacé d’abord en sens inverse de en vertu de l’action du champ électrique sur sa charge négative, est équivalent à un courant circulant dans le sens et subit de la part du champ magnétique une force dont la direction est Oz. L’impulsion électromagnétique aura donc pour effet de communiquer aux électrons des vitesses dont la composante parallèle à l’axe Oz est dirigée dans le sens de la propagation ; ces vitesses peuvent se superposer aux vitesses propres des électrons, et si celles-ci sont distribuées uniformément, les vitesses résultantes qui font un angle aigu avec la direction de propagation de l’onde, qui est en même temps la direction du faisceau primaire, seront plus fréquentes que les vitesses qui font un angle obtus avec la même direction. Il faut toutefois supposer que la vitesse communiquée à l’électron par la pulsation est de même ordre que la vitesse des rayons secondaires ; cette dernière, dans le cas des rayons X, est du même ordre que la vitesse des rayons cathodiques, et dans le cas des rayons elle est du même ordre que celle des rayons de la même substance. Il est donc évident qu’une pulsation qui résulte de l’arrêt brusque d’un rayon cathodique et dont l’énergie totale est au plus égale à celle de ce rayon, ne peut, en se propageant dans l’espace et en passant sur un électron contenu dans la matière, fournir à celui-ci l’énergie nécessaire pour acquérir la vitesse perdue par le rayon cathodique primaire. On pourrait, d’autre part, penser que l’énergie des rayons secondaires ne dérive pas de celle de la pulsation, mais plutôt de l’énergie interne de l’atome, les rayons primaires n’agissant que comme cause déterminante de l’explosion de l’atome. La prédominance de l’émission secondaire dans la direction des rayons primaires est, en ce cas, plus difficile à expliquer, et c’est là l’argument principal de M. Bragg en faveur de sa théorie. Peut-être aussi pourrait-on éviter la difficulté dont il vient d’être question, en admettant qu’une seule pulsation est insuffisante pour produire l’émission d’un rayon secondaire ; une série composée d’un grand nombre de pulsations successives serait nécessaire à cet effet, chacune de ces pulsations venant renforcer l’effet de la précédente ; on peut aussi remarquer qu’un électron qui au moment du passage d’une pulsation possède dans l’atome une vitesse de même direction que celle de la pulsation, sera soumis plus longtemps à l’action de la pulsation et, pour cette raison, plus fortement influencé qu’un électron dont la vitesse a le sens opposé ; l’expulsion pourrait résulter d’une accumulation d’effets de ce genre.
Quant aux résultats expérimentaux d’après lesquels la vitesse des rayons secondaires provenant de rayons est indépendante de la nature de l’atome dans lequel ils se forment et égale dans le cas du radium à celle des rayons primaires, on peut penser qu’étant donnée la nature complexe des émissions primaire et secondaire, il est difficile d’établir les conclusions considérées avec certitude et précision.
La théorie de M. Bragg conduit soit à admettre l’existence d’électrons positifs, soit à admettre que l’émission de rayons X, de rayons et de leurs rayons secondaires de même espèce comporte la destruction des atomes par suite d’émission de particules chargées positivement et ayant des dimensions atomiques.
Dans la théorie des pulsations la vitesse des rayons X et des rayons est égale à celle de la lumière ; dans la théorie corpusculaire elle peut en différer. La vitesse des rayons n’a pas été mesurée. En ce qui concerne la vitesse des rayons X, des mesures ont été faites par M, Blondlot[185] et par M. Marx[186] qui ont conclu tous les deux en attribuant aux rayons X la vitesse de la lumière ; toutefois la question ne semble pas définitivement résolue[187].
Certaines théories récentes de la Physique admettent une structure discontinue pour la radiation électromagnétique ou lumineuse (§ 22). Dans cette manière de voir, l’énergie de la radiation ne se propage pas en ondes continues, mais se trouve émise à l’état de faisceaux d’énergie limités ou bien à l’état d’atomes d’énergie. La théorie des pulsations ainsi modifiée et appliquée à l’interprétation des propriétés des rayons Röntgen et des rayons pourrait offrir une certaine analogie avec la théorie matérielle de M. Bragg, sauf en ce qui concerne la vitesse de propagation des rayons.
Il semble possible de se rendre compte de la distribution, dans l’espace, d’un des phénomènes élémentaires qui constituent les rayons en utilisant une source radiante de petites dimensions et en observant de quelle manière l’écart moyen, à partir de la valeur moyenne de l’ionisation produite dans une chambre de forme convenable, varie avec l’angle solide dans lequel le rayonnement est utilisé[188].
140. Rayons secondaires des rayons . — La production de rayons secondaires par les rayons est probablement un phénomène analogue à la production de rayons secondaires par les rayons Röntgen.
Un métal frappé par les rayons X émet des rayons qui sont d’autant plus différents des rayons primaires et d’autant plus absorbables que le métal du radiateur est plus dense[189]. Ces rayons secondaires des rayons X contiennent des rayons chargés négativement et par conséquent complètement différents par leur nature des rayons primaires[190] ; les rayons secondaires chargés peuvent être déviés par un champ magnétique, et leur vitesse est de l’ordre [191].
Les métaux de faible densité ont surtout pour effet de disperser et de renvoyer les rayons X primaires, mais les métaux denses et, en général, les éléments à poids atomique élevé, donnent aussi lieu d’une part à la production de rayons cathodiques, d’autre part à la production de rayons X secondaires plus absorbables que les rayons primaires. Ces rayons X secondaires sont homogènes ; leur pouvoir pénétrant ne dépend que de la nature de la substance simple utilisée comme radiateur et constitue une propriété atomique de cette substance ; les rayons X homogènes, caractéristiques d’un élément donné, ne peuvent être produits que par des rayons primaires, dont le pouvoir pénétrant est plus élevé que le leur[192]. Pour les rayons secondaires genre cathodique, le rapport est voisin de 1,7.107 unités électromagnétiques, et la vitesse est comprise entre les fractions 0,19 et 0,25 de celle de la lumière[193]. Il résulte de là que ces rayons sont entièrement comparables aux rayons cathodiques produits à haut voltage. Leur vitesse croît avec le pouvoir pénétrant des rayons primaires, mais ne semble dépendre ni de l’intensité de ceux-ci, ni de la nature du radiateur[194].
La production de rayons secondaires par les rayons très pénétrants (rayons ) du radium a été observée par H. Becquerel[195], qui a décrit plusieurs expériences faites à ce sujet. Dans ces expériences faites par la méthode radiographique, l’effet des rayons se trouve renforcé après le passage d’un écran très opaque, constitué, par exemple, par le fond d’une cuve de plomb ayant 1cm d’épaisseur. On peut révéler ainsi en quelques minutes l’action des rayons sur une plaque photographique, tandis qu’en utilisant l’effet direct de ces rayons sur la plaque, une pose bien plus longue est nécessaire. Parmi les rayons secondaires produits par les rayons il y en a qui sont eux-mêmes très pénétrants ; tels sont en particulier les rayons secondaires émis par le plomb.
Voici les nombres indiqués par M. Eve[196] pour l’intensité relative des rayons secondaires émis par différentes substances sous l’action de l’ensemble des rayons et du radium ou des rayons seulement ; on a ajouté, à titre de comparaison, l’intensité des rayons secondaires dus aux rayons Röntgen d’après les expériences de M. Townsend :
Rayons et | Rayons | Rayons X. | ||
Plomb |
100 | 100 | 100 | |
Cuivre |
57 | 61 | 291 | |
Laiton |
58 | 59 | 263 | |
Zinc |
57 | 282 | ||
Aluminium |
30 | 30 | 25 | |
Verre |
31 | 35 | 31 | |
Paraffine |
12 | 20 | 125 |
Ainsi les proportions de radiation secondaire provenant des rayons et des rayons ne sont pas très différentes, mais, en ce qui concerne les rayons X, les substances employées comme radiateurs peuvent se comporter tout autrement, et l’ordre des intensités peut être interverti.
Un faisceau de rayons obtenu par filtration des rayons du radium au travers d’un écran en plomb épais contient toujours aussi des rayons chargés négativement. La charge négative ainsi observée était attribuée par M. Paschen aux rayons M. Eve a montré toutefois qu’elle est, selon toute probabilité, entièrement attribuable aux rayons secondaires des rayons Voici comment était disposée l’expérience : le radium se trouvait au fond d’une cuve cylindrique en plomb à parois très épaisses (fig. 144) ; recouverte par une plate-forme en plomb de 1cm,2 d’épaisseur. Un petit électroscope était posé sur la plate-forme de plomb, dans une position latérale par rapport au faisceau des rayons ainsi que l’indique la figure. En appliquant un champ magnétique de direction normale au plan du tableau, de manière à dévier les rayons sortants, genre vers l’électroscope, on augmentait la vitesse de décharge de celui-ci ; pour le sens opposé du champ on la diminuait. Les rayons n’étant pas sensibles à l’action du champ magnétique, on doit en conclure qu’aux rayons primaires
traversant le plomb sont venus se joindre à la surface de sortie des
rayons secondaires, constitués au moins en partie par des électrons
négatifs en mouvement rapide, ou rayons La vitesse de ces
derniers était approximativement évaluée par leur pouvoir pénétrant ;
elle est de l’ordre de la moitié de la vitesse de la lumière.
M. Eve[197] a fait une série d’expériences avec du radium enfermé dans un bloc de métal épais. Les rayons émanant de ce bloc venaient frapper un radiateur ; les rayons secondaires étaient reçus dans un électroscope dont la face d’entrée était constituée par deux feuilles d’aluminium très mince superposées. Le pouvoir pénétrant des rayons secondaires pouvait être évalué par l’emploi d’écrans absorbants placés devant l’électroscope. D’après ces expériences l’effet secondaire dû aux rayons seuls ne constitue que 7 pour 100 de l’effet secondaire obtenu avec l’ensemble des rayons du radium enfermé dans une ampoule de verre mince. Les rayons secondaires, dus aux rayons seuls, sont composés, d’après M. Eve, principalement de rayons genre qui sont complètement absorbés par une épaisseur d’aluminium ou de plomb au-dessous de 2mm ; les courbes d’absorption obtenues indiquent la présence d’un rayonnement résiduel pénétrant qui doit être considéré comme de l’espèce parce qu’il n’est pas modifié par l’action d’un champ magnétique intense ; le coefficient d’absorption du plomb pour ces rayons serait environ 4, c’est-à-dire sensiblement le même que celui des rayons de l’actinium. Ces rayons viennent d’une grande profondeur du radiateur ; pour les obtenir avec l’intensité maximum, il faut employer des radiateurs très épais ; leur intensité n’est pas en relation avec le poids atomique du radiateur, tandis que l’intensité des rayons secondaires de l’espèce varie suivant l’ordre des poids atomiques des radiateurs.
Les Tableaux suivants indiquent les proportions relatives des rayons secondaires et des rayons secondaires pour différentes substances :
Radiateur. |
Épaisseur en centimètres. |
Rayons secondaires des rayons |
Radiateur. |
Rayons secondaires des rayons | |
Livres |
11 | 2,5 | Plomb |
100 | |
Paraffine |
4 | 2,0 | Cuivre |
51 | |
» | 6,5 | 2,7 | Laiton |
59 | |
Brique |
6 | 3,0 | Aluminium |
30 | |
» | 14 | 3,6 | Verre |
35 | |
Ardoise |
6 | 3,0 | Paraffine |
20 | |
Bois |
11 | 1,7 | |||
Ciment |
21 | 3,8 | |||
Plomb |
5 | 1,0 | |||
Fer |
5 | 3.3 |
La proportion de rayons dans le rayonnement secondaire des rayons serait égale à 6 pour 100 pour le plomb, à 25 pour 100 pour le fer et à 28 pour 100 pour la brique,
M. Eve a constaté de plus que les rayons secondaires produits par l’action des rayons primaires sont plus lents que ces derniers, mais plus rapides que ceux qui proviennent des rayons ; cependant les vitesses de tous ces rayons sont du même ordre et sont supérieures à celles des rayons cathodiques secondaires émis sous l’action des rayons X. Ce résultat est conforme à celui obtenu par d’autres expérimentateurs, mais diffère des conceptions de M. Schmidt et de M. Bragg d’après lesquelles les rayons secondaires et primaires seraient de même vitesse.
L’étude des rayons secondaires des rayons a aussi été faite par M. Kleemann[198] qui a trouvé que l’intensité des rayons secondaires genre est une fonction périodique du poids atomique du radiateur. Quant aux rayons secondaires genre la comparaison de l’absorption par un même écran des rayons émis par des radiateurs de nature différente a conduit à ce résultat que ces rayons forment au moins trois groupes différents. Ainsi les rayons secondaires du plomb et du mercure auraient la même intensité relative quel que soit l’écran interposé sur leur passage ; la même relation existerait entre les rayons secondaires du zinc, du cuivre, du fer, du soufre et de l’aluminium, tandis que les rayons secondaires du carbone seraient différents de ceux des deux groupes précédents. Les substances d’un groupe déterminé absorbent moins les rayons secondaires émis par les substances du même groupe que les rayons secondaires émis par les substances d’un autre groupe. M. Kleemann a admis que les rayons primaires sont composés eux-mêmes de trois groupes différents de pouvoir pénétrant beaucoup plus grand que celui des groupes secondaires. Chaque groupe primaire donnerait naissance à un groupe secondaire plus absorbable que lui-même, et susceptible d’être absorbé relativement par différentes substances de la même manière que le groupe primaire.
141. Comparaison des propriétés des rayons et . Pouvoir ionisant des radiations. — Nous avons vu que les rayons et sont de nature corpusculaire et se distinguent par le signe de leur charge, tandis que les rayons sont probablement un phénomène purement électromagnétique dans l’éther. Les différences entre les rayons et proviennent des dimensions relatives des particules et de l’énergie relative ; la particule est un système plus complexe que la particule son énergie est, en général, plus grande et son mouvement plus stable jusqu’au moment où, ayant atteint la vitesse critique, elle perd selon toute probabilité sa charge et se trouve arrêtée par les molécules du gaz. Ses dimensions étant très grandes par rapport à celles d’une particule son pouvoir de pénétration est bien moindre que celui des particules de vitesse moyenne dont l’énergie est pourtant très inférieure à celle des particules
Le pouvoir ionisant d’une particule augmente quand sa vitesse diminue et tombe ensuite brusquement à zéro quand la vitesse s’approche de la vitesse critique. Pour les particules la relation entre le pouvoir ionisant et la vitesse est encore peu connue. D’après M. Townsend la vitesse minimum pour laquelle un électron acquiert le pouvoir ionisant est égal à 3.108 environ, et l’énergie minimum correspondante est 2,5.10-11 erg. Le pouvoir ionisant d’un électron augmente ensuite avec sa vitesse et atteint un maximum dont la valeur est telle que 15 ions sont produits par centimètre de parcours dans l’air sous la pression de 1mm de mercure. Mais pour des vitesses plus grandes encore, le pouvoir ionisant est moindre ; M. Durack[199] a trouvé en effet qu’un rayon cathodique de vitesse 5.109 n’ionise qu’une molécule sur 5cm de parcours dans l’air sous la pression de 1mm de mercure. En étudiant les rayons du radium dont la vitesse est supérieure à 1,5.1010 , M. Durack a trouvé qu’il n’y a qu’une molécule d’air ionisée par un rayon sur 10cm de parcours. On voit donc que le pouvoir ionisant de l’électron en mouvement, après avoir passé par un maximum, décroît ensuite de plus en plus à mesure que la vitesse augmente, la valeur maximum étant inférieure à celle du pouvoir ionisant moyen d’une particule
Au voisinage d’une matière radiante l’ionisation par les rayons domine. L’énergie de ces rayons est utilisée dans une région étroite entourant la matière. Le rapport de l’ionisation due aux rayons pénétrants et à celle due aux rayons est d’autant plus grand que la couche de matière active est plus épaisse et la chambre d’ionisation plus profonde, à condition toutefois que le courant de saturation soit obtenu. L’ionisation due aux rayons est, en général, faible par rapport à celle due aux rayons c’est ainsi que, dans les expériences de P. Curie, la dixième partie seulement de l’ionisation observée dans l’air à grande distance du radium était attribuable aux rayons
En employant des couches de matière très minces (0g,1 de substance sur une surface de 80 cm²) et en utilisant une épaisseur d’air de 5cm,7 au-dessus de la substance active, M. Rutherford a trouvé pour le rapport de l’ionisation due aux rayons pénétrants à l’ionisation due aux rayons les valeurs : 0,0074 avec l’oxyde d’uranium, 0,002 avec l’oxyde de thorium et 0,0033 avec le chlorure de baryum radifère ; les rayons étaient absorbés par une épaisseur d’aluminium égale à 0mm,09 et il en résulte que les rayons très lents devaient être absorbés également.
M. Rutherford[200] a cherché à évaluer le rapport des énergies rayonnées sous forme de rayons et sous forme de rayons Le calcul n’est qu’approximatif et ne tient pas compte de l’énergie des rayons lents qui sont absorbés par l’écran en même temps que les rayons toutefois cette énergie ne peut pas avoir une valeur élevée parce qu’il s’agit de rayons dont la vitesse n’est pas grande. En désignant par et les ionisations totales obtenues avec les rayons et les rayons de l’oxyde d’uranium en couche épaisse, par et les ionisations qu’on aurait obtenues par unité d’épaisseur de la couche active si les rayons n’avaient pas été absorbés par la substance radiante, par et les coefficients d’absorption des rayons et des rayons de l’uranium par l’oxyde d’uranium, l’absorption étant supposée conforme à une loi exponentielle, on trouve
or, une couche épaisse d’oxyde d’urane utilisée dans un condensateur
à plateaux pour lequel la distance des plateaux est égale
à 6cm,1 donne une ionisation par rayons dont le rapport à l’ionisation
par rayons est égale à 12,7. Les rayons sont entièrement
utilisés, mais les rayons ne le sont pas ; il faut donc ramener l’ionisation due aux rayons à ce qu’elle aurait été si les rayons
avaient été complètement absorbés par l’air. Le coefficient
d’absorption des rayons de l’uranium par l’air n’a pas été
mesuré, mais on peut en déduire une valeur approchée en admettant
la proportionnalité du coefficient d’absorption à la densité
de la matière absorbante ; la valeur relative à l’aluminium étant 14,
celle relative à l’air sera 0,0065. L’ionisation par les rayons au
voisinage de la substance active étant mesurée sur une longueur
de 6cm,1 on obtiendra l’ionisation totale en divisant la valeur
expérimentale par 6,1 × 0,0065. On aura donc pour le rapport
On ne connaît pas et mais si l’on admet que le rapport de ces coefficients est le même que celui des coefficients d’absorption par l’aluminium, on trouve
Donc le nombre total d’ions qui peuvent être produits par les rayons est beaucoup plus grand que celui qu’on pourrait obtenir avec les rayons de la même quantité de matière. Ce résultat est en accord avec celui qu’on peut prévoir si l’on admet que le nombre des particules rapides n’est pas très différent du nombre des particules émises dans le même temps, et que l’énergie moyenne d’une particule est beaucoup plus petite que celle d’une particule
142. Pouvoir pénétrant comparé. — Voici un Tableau qui indique d’une manière approchée les pouvoirs pénétrants des radiations. On a indiqué, pour les rayons de diverses espèces, la valeur du coefficient d’absorption pour une substance déterminée et la valeur de la distance que les rayons doivent franchir dans l’air pour que leur intensité se trouve réduite de moitié.
L cm | |||||
pour l’air. |
pour l’air. |
pour l’aluminium. |
pour le plomb. | ||
Rayons cathodiques, vitesse 2.109 |
2280 | ||||
Rayons cathodiques, vitesse 1010 |
3,4 | 0,2 | 7150 | ||
Rayons de l’uranium |
0,43 | 2740 | |||
Rayons de l’uranium |
107 | 14 | 122 | ||
Rayons Röntgen durs |
500 | 22 | |||
Rayons du radium |
15000 | 0,1 | 0,5 |
143. Ionisation et absorption. — Le nombre d’ions créé dans le gaz situé au voisinage d’une substance radioactive est évidemment fini, et le plus souvent l’intensité de l’ionisation décroît rapidement quand on s’éloigne de la substance active ; de sorte que le nombre des ions que peut créer le rayonnement à partir d’une distance de la source est inférieur au nombre des ions qu’il peut produire au total, la différence étant évidemment égale au nombre d’ions produits dans la couche de gaz d’épaisseur qui entoure la substance. Or, c’est cette différence qui mesure dans la méthode électrique l’intensité absorbée ; il est donc évident que celle-ci est proportionnelle, par définition, à l’ionisation de la couche de gaz absorbante. Quand le rayonnement est très pénétrant, il n’est pas possible de mesurer l’ionisation totale, et comme l’ionisation par unité de longueur varie en ce cas avec conformément à la loi de l’inverse du carré de la distance à une source de petites dimensions, il ne semble pas y avoir d’absorption ; il est évident cependant que ce cas ne diffère pas en réalité du précédent, et que l’ionisation totale ne pouvant être infinie, l’ionisation par unité de longueur représente aussi en ce cas l’intensité absorbée.
L’ionisation d’un gaz par des rayons Röntgen est proportionnelle à la pression du gaz, ainsi qu’il résulte des expériences de M. Perrin[201] ; à densité constante du gaz elle ne dépend pas de la température, ainsi que le prouvent les expériences de M. Mc Clung[202] faites entre 20° et 270° et celles de M. Gallarotti[203] faites entre la température ordinaire et celle de l’air liquide. L’absorption mesurée par l’ionisation varie évidemment de la même manière, c’est-à-dire proportionnellement à la densité du gaz. Les mêmes lois ont pu être observées avec les rayons pénétrants des substances radioactives. Cependant dans certains cas l’ionisation croît moins rapidement que la densité du gaz ; il en est ainsi quand l’ionisation est due en partie à des rayons absorbables primaires ou secondaires.
L’absorption peut aussi être définie indépendamment de l’ionisation. Ainsi dans les expériences de M. Lenard sur les rayons cathodiques, on comparait les intensités absorbées en faisant agir les rayons sur un écran fluorescent, et en admettant qu’à un même éclairement correspond une même intensité. Les coefficients d’absorption ainsi déterminés sont aussi pour un même gaz proportionnels à sa densité, et il est probable que l’absorption de l’énergie des rayons par le gaz affecte d’une manière analogue leur pouvoir ionisant et leur pouvoir de produire la phosphorescence.
Quand l’énergie disponible pour l’ionisation est épuisée, un nombre déterminé d’ions a été créé. Si l’énergie nécessaire pour ioniser une molécule est indépendante de la densité du gaz, l’ionisation totale est indépendante de la pression. Si, de plus, cette énergie était la même pour différentes molécules gazeuses, l’ionisation totale serait indépendante de la nature du gaz.
On constate par l’expérience que l’ionisation par unité de longueur, due à un rayonnement pénétrant, n’est pas la même pour différents gaz à la même concentration moléculaire ; on peut donc admettre que l’absorption des rayons par le gaz est inégale. Si, par exemple, l’absorption varie suivant la loi des densités, il en sera de même de l’ionisation par unité de longueur ; toutefois l’ionisation totale pourrait conserver une valeur constante.
La conductibilité des gaz sous l’action des rayons et du radium a été étudiée par M. Strutt[204]. Les expériences ont été faites pour chaque espèce de rayons à une pression suffisamment réduite pour que l’ionisation dans l’appareil de mesures fût uniforme et proportionnelle à la pression du gaz ; les nombres obtenus étaient ensuite ramenés à une pression commune. L’ionisation en l’absence d’écrans était attribuée aux rayons l’ionisation au travers d’un écran de plomb de 1cm d’épaisseur était attribuée aux rayons celle relative aux rayons était obtenue avec l’emploi d’un écran d’aluminium très mince. Les résultats sont contenus dans le Tableau suivant :
Ionisation relative. | |||||||
Gaz. | Densité relative. |
Rayons | Rayons | Rayons | Rayons X. | ||
Air |
1 | 1 | 1 | 1 | 1 | ||
H2 |
0,069 | 0,226 | 0,157 | 0,169 | 0,114 | ||
O2 |
1,11 | 1,16 | 1,21 | 1,17 | 1,39 | ||
CO2 |
1,53 | 1,54 | 1,57 | 1,53 | 1,60 | ||
CAz |
1,86 | 1,94 | 1,86 | 1,71 | 1,05 | ||
SO2 |
2,19 | 2,04 | 2,31 | 2,13 | 7,97 | ||
CHCl3 |
4,32 | 4,44 | 4,89 | 4,88 | 37,9 | ||
CH3I |
5,05 | 3,51 | 5,18 | 4,80 | 72,0 | ||
CCl4 |
5,31 | 5,34 | 5,83 | 5,67 | 45,3 |
On voit ainsi que l’accord de l’ionisation relative ou de l’absorption relative avec la densité relative a lieu approximativement pour les rayons et mais que des écarts considérables se présentent pour les rayons Röntgen. On a vu que ces écarts deviennent moins importants quand on emploie des rayons X très durs (§ 139).
144. Ionisation totale. — L’ionisation totale ne peut être évaluée facilement que pour les rayons M. Rutherford[205] a fait quelques expériences à ce sujet en employant les rayons de l’uranium ; ces rayons étaient totalement absorbés par le gaz. L’ionisation totale s’est montrée sensiblement la même dans les gaz examinés.
M. Laby[206] a fait des expériences analogues avec l’oxyde d’uranium, en apportant un grand soin à ce que le courant de saturation fût obtenu dans chaque cas, cette condition n’étant pas réalisée avec la même facilité pour différents gaz. Ainsi le courant de saturation était obtenu avec un champ de 130 volts dans l’air sous pression atmosphérique, alors qu’il n’était pas encore obtenu pour un champ de 600 dans le gaz sulfureux sous la même pression.
Enfin M. Bragg[207] a effectué une série d’expériences sur l’ionisation produite par les rayons du radium dans différents gaz. L’appareil de mesures employé était le même que celui qui avait servi pour les mesures de parcours, mais la chambre d’ionisation se trouvait dans une boîte étanche qui pouvait être remplie de gaz et introduite dans un four électrique, les expériences n’ayant pu être faites pour certains gaz à la température ordinaire. M. Bragg a admis que la courbe d’ionisation A pour un gaz quelconque peut être obtenue à partir de la courbe B relative à l’air de même concentration moléculaire ; pour cela on multiplie toutes les ordonnées de la courbe B par le rapport étant le pouvoir d’arrêt du gaz, et toutes les abscisses par le rapport des ionisations relatives par unité de longueur, c’est-à-dire par molécule. Si l’on désigne par et les ionisations totales obtenues dans le gaz étudié et dans l’air, il est manifeste qu’on aura
et, par suite,
Si, en particulier, on opère dans un même gaz avec des rayons de groupes différents, les courbes d’ionisation obtenues doivent être toutes superposables dans la partie finale du parcours et ne différer que par la hauteur totale. Un rayonnement serait en ce cas entièrement caractérisé par son parcours dans l’air de densité connue et par le nombre des projectiles. La valeur de pour différents gaz pourrait se déduire, d’après ce qui précède, de la connaissance des abscisses et des ordonnées de deux points qui se correspondent dans les courbes d’ionisation. Le point choisi était le point P dont l’ordonnée représente le parcours du troisième groupe des rayons du radium par ordre de pénétration croissante. En mesurant les ionisations, il est nécessaire de s’assurer que la saturation est obtenue, surtout quand il s’agit de gaz à molécule complexe.
Le principe de cette méthode, n’est pas tout à fait exact, parce que l’analogie admise entre les courbes d’ionisation ne se vérifie pas rigoureusement. Si, en particulier, on compare l’air et l’hydrogène sous des pressions telles que le parcours des rayons du polonium soit le même, les valeurs de l’ionisation par unité de longueur aux points correspondants du parcours, ne sont pas proportionnelles[208], l’accroissement de le long du parcours étant relativement plus grand dans l’hydrogène, que dans l’air.
Voici un Tableau qui donne les résultats obtenus par les différents expérimentateurs :
Rutherford. | Laby. | Bragg. | |||||||
Gaz. | Rayons de l’uranium. |
Rayons du radium C. | |||||||
Air |
100 | 100 | |||||||
Hydrogène |
95 | ||||||||
Oxygène |
106 | 109 | |||||||
Gaz carbonique |
96 | 103 | 108 | ||||||
Acide chlorhydrique |
102 | ||||||||
Gaz ammoniac |
101 | 90 | |||||||
Protoxyde d’azote |
99 | 105 | |||||||
Acétylène |
127 | 126 | |||||||
Pentane |
134,5 | 135 | |||||||
Acétaldéhyde |
105 | ||||||||
Éther éthylique |
129 | 131 | |||||||
Bromure de méthyle |
102 | ||||||||
Chlorure d’éthyle |
118 | 130 | |||||||
Gaz sulfureux |
94 | ||||||||
Sulfure de carbone |
137 | ||||||||
Chloroforme |
129 | ||||||||
Tétrachlorure de carbone |
131 | ||||||||
lodure d’éthyle |
128 | ||||||||
Alcool |
123 | ||||||||
Alcool méthylique |
122 | ||||||||
lodure de méthyle |
133 | ||||||||
Benzène |
129 | ||||||||
Éthylène |
128 | ||||||||
Azote |
96 |
On peut constater que pour les gaz complexes l’ionisation totale est supérieure à celle qui peut être obtenue dans l’air, et que, par conséquent, l’ionisation n’est pas proportionnelle à l’énergie absorbée. Il n’existe non plus aucune relation simple entre l’ionisation totale et la constitution du gaz. L’ionisation par molécule Ks semble liée, d’après M. Bragg, avec les constantes moléculaires ; ainsi son rapport au volume moléculaire conserve une valeur sensiblement constante.
Les ionisations par molécule sont entre elles comme les ionisations totales et comme les pouvoirs d’arrêt. Avec des ionisations totales égales et des pouvoirs d’arrêt proportionnels aux densités relatives des gaz on retrouverait la loi de proportionnalité de l’ionisation par molécule à la densité suivant M. Strutt ; les conditions indiquées n’étant pas remplies, cette loi ne peut être vérifiée exactement, et les écarts doivent être surtout importants pour les gaz complexes. Pour l’air, le gaz carbonique et l’hydrogène, les conductibilités sont entre elles, d’après M. Strutt, comme les nombres 1, 1,53 et 0,27, tandis que les pouvoirs absorbants sont entre eux comme 1, 1,43 et 0,27. Donc dans ces trois gaz la production d’un ion demande à peu près la même énergie, tandis qu’il n’en est pas de même dans les autres cas.
Des conclusions analogues ont été formulées par M. Kleemann[209] à la suite d’une étude de l’ionisation de différents gaz par les rayons et Pour les rayons l’ionisation était comparée dans les portions correspondantes du parcours ; le rapport des ionisations par molécule en deux points correspondants du parcours dans deux gaz est égal, d’après M. Bragg, au rapport des ionisations totales, multiplié par le rapport des pouvoirs d’arrêt. L’ionisation par molécule était considérée comme une propriété additive des atomes qui composent la molécule et pouvait être calculée d’après la formule
étant le pouvoir d’arrêt de la molécule ; étant les pouvoirs
d’arrêt des atomes constituants ; étant les nombres de ces
atomes dans la molécule ; étant les ionisations totales pour des gaz composés de molécules ne contenant que des atomes des
espèces 1, 2, etc. Les produits tels que représentent les
ionisations par atome.
La formule précédente a été vérifiée par l’expérience pour un grand nombre de gaz ; certains gaz cependant présentent des écarts qui indiquent que la nature de la liaison chimique peut intervenir dans le phénomène ; tels sont l’hydrogène, le gaz sulfureux et le gaz ammoniac.
Les ionisations par molécule dans le cas des rayons et sont également des propriétés additives des atomes, et leurs valeurs relatives pour un même gaz sont très approximativement les mêmes. Si l’on construit les courbes représentant l’ionisation par atome en fonction du poids atomique, on trouve que les trois courbes relatives aux rayons et ont une allure analogue qui indique que l’ionisation par atome est une fonction périodique du poids atomique. On peut donc penser que la probabilité d’ionisation par l’une quelconque des trois espèces de rayons dépend des mêmes conditions.
Voici un Tableau qui résume les résultats précédents :
Ionisation par molécule. | |||||||||
Gaz. | Rayons | Rayons | Rayons | ||||||
Air |
1,00 | 1,00 | 1,00 | ||||||
O2 |
1,15 | 1,17 | 1,16 | ||||||
CO2 |
1,59 | 1,60 | 1,58 | ||||||
CH4O |
1,74 | 1,69 | 1,75 | ||||||
C4H10O |
4,40 | 4,39 | 4,29 | ||||||
C6H6 |
3,30 | 3,95 | 3,94 | ||||||
C5H12 |
4,85 | 4,55 | 4,53 | ||||||
C2H4O |
2,14 | 2,12 | 2,17 | ||||||
Az2O |
1,53 | 1,55 | 1,55 | ||||||
C2Az2 |
1,94 | 1,86 | 1,71 | ||||||
CH3I |
3,43 | 5,11 | 5,37 | ||||||
C2H5I |
4,00 | 5,90 | 6,47 | ||||||
CH3Cl |
4,08 | 4,94 | 4,93 | ||||||
C2H6Cl |
3,12 | 3,24 | 3,19 | ||||||
CCl4 |
5,28 | 6,28 | 6,33 | ||||||
CS2 |
2,99 | 3,62 | 3,66 | ||||||
CH3Br |
2,75 | 3,73 | 3,81 | ||||||
C2H5Br |
4,41 | 4,58 | |||||||
SO2 |
2,01 | 2,25 | 2,27 | ||||||
AzH3 |
0,99 | 0,89 | 0,90 | ||||||
H2 |
0,24 | 0,165 | 0,16 |
Ionisation par atome. | |||||||||
Gaz. | Rayons | Rayons | Rayons | ||||||
H |
0,175 | 0,18 | 0,18 | ||||||
C |
0,51 | 0,46 | 0,46 | ||||||
Az |
0,47 | 0,475 | 0,45 | ||||||
O |
0,55 | 0,58 | 0,58 | ||||||
S |
1,24 | 1,60 | 1,60 | ||||||
Cl |
1,16 | 1,44 | 1,44 | ||||||
Br |
1,72 | 2,67 | 2,81 | ||||||
I |
2,26 | 4,10 | 4,50 |
145. Courant de saturation dans le gaz ionisé par les rayons , et . — Au courant de leurs recherches sur l’ionisation totale des gaz, MM. Bragg et Kleemann[210] ont remarqué qu’il est, en général, beaucoup plus difficile d’obtenir le courant de saturation dans un gaz ionisé par les rayons que ne permet de le prévoir la théorie d’ionisation des gaz quand on suppose la distribution des ions uniforme, et qu’on adopte pour le coefficient de recombinaison la même valeur que celle qui convient aux ions créés par les rayons X. Ainsi, par exemple, en employant l’oxyde d’uranium dans un condensateur à plateaux distants de 0cm,5, on obtient, pour une différence de potentiel de 8 volts entre les plateaux, 78 pour 100 du courant de saturation obtenu pour 1200 volts, et pour 20 volts le courant n’est encore que 87 pour 100 du courant de saturation, alors que la théorie simple prévoit une perte d’ions par recombinaison de l’ordre de seulement.
Tout se passe donc comme si le coefficient de recombinaison des ions se trouvait augmenté. Cet effet, d’après MM. Bragg et Kleemann, est d’autant plus fort que la profondeur de la chambre d’ionisation est plus petite et que l’ionisation est plus faible. Pour interpréter ces résultats, ces deux physiciens ont admis qu’en plus de la recombinaison générale des ions, il se produit dans le gaz une recombinaison initiale, c’est-à-dire que deux ions de signes contraires qui viennent de se former à partir d’une molécule neutre se trouvent dans des conditions très favorables à la recombinaison, étant très rapprochés. La recombinaison initiale ne semblait se produire que dans le cas de l’ionisation par les rayons et n’avait pas lieu quand l’ionisation était due aux rayons X primaires ou secondaires ou aux rayons et d’où l’on concluait que les ions produits par les particules ont une vitesse d’émission plus petite que ceux produits par les autres rayons.
L’effet de recombinaison initiale, d’après MM. Bragg et Kleemann, serait indépendant de la profondeur de la chambre, proportionnel au nombre d’ions créés et dépendrait de la pression et de la nature du gaz ionisé ; il serait particulièrement caractérisé dans les gaz complexes tels que le chlorure d’éthyle, le tétrachlorure de carbone, etc.
On peut remarquer que les calculs qui servent pour prévoir le nombre des ions recombinés ne peuvent en réalité s’appliquer au cas d’une ionisation aussi peu uniforme que celle qui se produit au voisinage d’une substance radioactive émettant des rayons On peut donc chercher à rendre compte des phénomènes observés sans invoquer l’hypothèse de la recombinaison initiale. Un simple effet de diffusion des ions vers la substance active ne paraît pas suffisant pour l’explication des faits observés, parce que l’importance de la recombinaison initiale est indépendante de la profondeur de la chambre d’ionisation. M. Langevin a proposé l’interprétation suivante : une particule produit sur son parcours un grand nombre d’ions qui ne sont pas répartis uniformément dans le gaz, mais qui, au moins au début, se trouvent distribués en colonnes le long des trajectoires des particules la recombinaison ordinaire qui a lieu entre les ions d’une même colonne doit dépasser de beaucoup celle qu’on obtiendrait pour un même nombre d’ions répartis uniformément, et il doit en résulter une difficulté de saturation. On prévoit, dans cette hypothèse, que la saturation sera plus facile à obtenir quand les directions du champ électrique et des trajectoires des particules sont à angle droit que quand ces directions sont parallèles, parce que dans le premier cas la distribution en colonnes tend à disparaître, et dans le second cas elle tend à être conservée. Des expériences faites par M. Moulin[211] ont prouvé qu’il en est bien effectivement ainsi. L’expérience était faite avec des rayons du polonium rendus parallèles au moyen d’un diaphragme ; ces rayons étaient envoyés dans une chambre d’ionisation à plateaux parallèles, distants de 3mm, soit parallèlement aux plateaux, soit normalement ; dans ce dernier cas le plateau inférieur était formé par une toile métallique qui laissait passer les rayons. En utilisant les rayons normaux aux plateaux, on a trouvé que, conformément aux résultats de MM. Bragg et Kleemann, la recombinaison est plus importante quand on utilise la fin du parcours de la particule que quand on utilise une portion de ce parcours où le pouvoir ionisant est moindre, mais on a trouvé de plus que la recombinaison conserve la même importance relative quand on réduit le nombre des particules utilisées en interposant, par exemple, une toile métallique entre la source et la chambre ; par conséquent, l’effet de recombinaison ne dépend pas du nombre d’ions créés en tout, mais bien de la densité linéaire des ions dans les colonnes, le nombre des colonnes n’ayant pas d’importance. Dans les expériences de M. Moulin la saturation dans l’air à la pression atmosphérique était obtenue pour un champ de 1300 à 1500 Quand la pression est réduite, la saturation est beaucoup plus facile à obtenir ; ainsi pour une pression de 10cm de mercure, la saturation était obtenue pour un champ de 12 Quand les rayons utilisés étaient parallèles aux plateaux, la saturation à la pression atmosphérique était obtenue pour une valeur du champ de 200 c’est-à-dire bien plus facilement que dans le cas de rayons parallèles à la direction du champ. On a constaté aussi que, pour des rayons parallèles au champ électrique, la proportion du nombre des ions recombinés au nombre des ions produits est sensiblement proportionnelle au pouvoir ionisant de la particule sur la portion utilisée de son trajet, ce pouvoir ionisant étant déduit de la courbe d’ionisation. Le rapport de ces deux grandeurs a été désigné par dans le Tableau qui suit.
Distance du polonium à la chambre d’ionisation. |
Courant | Manque de saturation pour 100. |
|||||
Pour 1200 | Pour 25 | ||||||
cm | |||||||
0,7 | 489 | 395 | 19,2 | 3,95 | |||
1,0 | 518 | 408 | 21,2 | 4,1 | |||
1,3 | 558 | 425 | 23,8 | 4,25 | |||
1,6 | 592 | 442 | 25,3 | 4,25 | |||
1,9 | 635 | 469 | 26,1 | 4,1 | |||
2,2 | 692 | 494 | 28,6 | 4,15 | |||
2,4 | 737 | 520 | 29,4 | 4 | |||
2,6 | 787 | 552 | 29,9 | 3,8 | |||
2,8 | 863 | 571 | 33,8 | 3,9 | |||
3,0 | 903 | 592 | 34,4 | 3,8 |
Les courbes de la figure 145 représentent en fonction du champ le rapport du courant observé au courant de saturation avec l’emploi de rayons pénétrants (courbe I), de rayons perpendiculaires au champ (courbe II) et de rayons parallèles au champ (courbe III). Ces courbes ont été obtenues dans
le gaz carbonique
à la pression de 75cm de mercure et à la température de 16o. Le
courant de saturation était le même dans tous les cas ; il était obtenu
pour un champ de 200 dans l’expérience I, pour un champ de 500 dans l’expérience II, et pour un champ de 1500
seulement dans l’expérience III.
146. Rayons ou électrons de faible vitesse. — Nous avons vu plus haut qu’en dehors des rayons capables d’ioniser les gaz, les substances radioactives émettent des charges négatives portées par des électrons dont la vitesse relativement faible est insuffisante pour la production de l’effet ionisant. L’émission de ces électrons lents a été constatée par M. J.-J. Thomson[212] pour le polonium, le radium et l’uranium, et par Miss Slater[213] pour les émanations du radium et du thorium. Ces corpuscules étant arrêtés par une chute de potentiel de l’ordre de quelques volts, ont des vitesses de l’ordre de 108 Ils sont émis en très grande quantité, ainsi qu’il résulte des expériences de M. Duane sur le dépôt actif du radium.
147. Action de la température sur le rayonnement des corps radioactifs. — L’émission de rayons par les corps radioactifs s’est montrée indépendante de la température dans les limites des observations faites jusqu’à présent à ce sujet.
Les premières expériences relatives à cette question ont été faites par H. Becquerel avec les rayons de l’uranium entre la température ordinaire et la température de 70° (§ 35). Dans ces expériences le rayonnement de l’uranium était intégralement utilisé dans la chambre d’ionisation.
L’émission du rayonnement subsiste aux températures les plus basses que nous puissions réaliser ; la première observation à ce sujet est due à P. Curie qui a placé dans l’air liquide un tube de verre contenant du chlorure de baryum radifère[214]. La luminosité du produit radiant persiste dans ces conditions. Au moment où l’on retire le tube de l’enceinte froide, il paraît même plus lumineux qu’à la température ambiante. À la température de l’air liquide, le radium continue à exciter la fluorescence du sulfate d’uranyle et de potassium. P. Curie a vérifié par des mesures électriques que le rayonnement, mesuré à une certaine distance de la source radiante, possède la même intensité quand le radium est à la température ambiante, ou quand il est dans une enceinte à la température de l’air liquide. Dans ces expériences, le radium était placé au fond d’un tube fermé à un bout. Les rayons sortaient du tube par le bout ouvert, traversaient un certain espace d’air et étaient recueillis dans un condensateur. On mesurait l’action des rayons sur l’air du condensateur, soit en laissant le tube dans l’air, soit en l’entourant d’air liquide jusqu’à une certaine hauteur. Le résultat obtenu était le même dans les deux cas. Des expériences analogues ont été faites par Becquerel avec les rayons pénétrants de l’uranium[215].
M. Dewar, en observant la décharge d’un électroscope par les rayons pénétrants du radium, a constaté que la vitesse de décharge était la même quand le radium était à la température de 15°, quand il était à la température de l’air liquide (-185°), et quand il était à la température de l’hydrogène liquide (-255°).
Des observations du même genre ne peuvent être faites facilement pour les rayons absorbables parce que l’absorption de ces derniers par les gaz varie beaucoup avec la densité du gaz et, par suite, avec sa température ; il est toutefois probable que l’émission de tels rayons se comporte à des températures variables comme l’émission de rayons pénétrants.
Quand on porte le radium à une température élevée, sa radioactivité subsiste. Le chlorure de baryum radifère qui vient d’être fondu (vers 800°) est radioactif et lumineux. Toutefois, une chauffe prolongée à une température élevée a pour effet d’abaisser temporairement la radioactivité du produit. La baisse est très importante, elle peut constituer 75 pour 100 du rayonnement total ; la baisse proportionnelle est moins grande sur les rayons absorbables que sur les rayons pénétrants qui sont sensiblement supprimés par la chauffe. Mais avec le temps, le rayonnement du produit reprend l’intensité et la composition qu’il avait avant la chauffe ; ce résultat est atteint au bout d’un mois environ à partir de la chauffe.
Ainsi l’émission de radiations par les corps radioactifs se présente avec les caractères d’un phénomène totalement indépendant de la température. Ce fait s’explique bien pour une propriété atomique de la matière, les propriétés des atomes n’étant pas affectées par les variations de la température dans les limites dont nous disposons.
- ↑ Becquerel, Comptes rendus, t. CXXX, p. 979 et 1154.
- ↑ Mme Curie, Thèse de doctorat.
- ↑ Rutherford, Phil. Mag., 1906.
- ↑ Greinacher, Phys. Zeit., 1908.
- ↑ Mc Clelland, Dublin Trans., 1906.
- ↑ H. Schmidt, Phys. Zeit., 1908.
- ↑ Giesel, Wied. Ann., novembre 1899. — Meyer et von Schweidler, Acad. Anzeiger Wien, novembre 1899. — Becquerel, Comptes rendus, décembre 1899.
- ↑ P. Curie, Comptes rendus, 8 janvier 1900.
- ↑ Becquerel, Comptes rendus, 1902.
- ↑ Rutherford et Grier, Phil. Mag., 1902.
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- ↑ P. Curie, Comptes rendus, 8 janvier 1900.
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- ↑ Becquerel, Comptes rendus, 1900.
- ↑ Becquerel, Comptes rendus, 1901.
- ↑ Comptes rendus, t. CXXI, p. 1130. — Annales de Chimie et de Physique, t. II, 1897.
- ↑ Lenard, Wied. Ann., t. LXIV, p. 279.
- ↑ M. et Mme P. Curie, Comptes rendus, 1900.
- ↑ À vrai dire, dans ces expériences, on observe presque toujours une déviation à l’électromètre, mais il est facile de se rendre compte que ce déplacement est un effet de la force électromotrice de contact qui existe entre le plateau relié à l’électromètre et les conducteurs voisins ; cette force électromotrice fait dévier l’électromètre, grâce à la conductibilité de l’air soumis au rayonnement du radium.
- ↑ Le dispositif du cylindre de Faraday pourrait présenter quelques avantages dans le cas où il se produirait une forte diffusion des rayons par les parois frappées. On pourrait espérer ainsi recueillir et utiliser ces rayons diffusés.
- ↑ M. Curie, Thèse de doctorat. Paris, 1903.
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- ↑ L’existence d’une loi d’absorption exponentielle pour un faisceau de rayons réellement homogène a été récemment contestée par M. Wilson à la suite d’expériences effectuées sur des rayons qui avaient suivi, dans un champ magnétique uniforme, une trajectoire circulaire de rayon déterminé (voir fig. 107). D’après M. Wilson, l’intensité d’un tel faisceau diminuerait suivant une loi simplement linéaire en fonction de l’épaisseur de matière traversée ; l’épaisseur de matière a, qui correspond à l’absorption totale, serait une fonction déterminée de la vitesse des rayons et augmenterait avec celle-ci. On trouve de plus que, dans cette manière de voir, un faisceau de rayons, qui contient des particules de toutes les vitesses, peut subir l’absorption suivant une loi exponentielle, à condition que la loi de distribution des particules entre les différentes vitesses soit convenablement choisie ; un faisceau qui se trouve dans ces conditions doit subir dans un champ magnétique une dispersion importante. Les résultats de M. Wilson ne semblent donc pas en accord avec les résultats précédemment exposés.
- ↑ Schmidt, Phys. Zeit., 1902.
- ↑ En utilisant le même dispositif expérimental, M. Wilson a obtenu des résultats qui l’ont conduit à admettre que les rayons éprouvent au passage de l’écran un changement de vitesse appréciable (Proc. Roy. Soc. 1909).
- ↑ Des Coudres, Phys. Zeit., 1902.
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- ↑ Crowther, loc. cit.
- ↑ Borodowsky, Phil. Mag., 1910.
- ↑ Dans le travail de M. Seitz, le pouvoir absorbant de diverses substances est rapporté à celui de l’étain. Les nombres cités ici ont été calculés par M. Schmidt, en adoptant pour l’étain la valeur (Schmidt, Jahrbuch d. Rad., 1908.)
- ↑ Jahrbuch d. Rad., 1908.
- ↑ Rutherford, Radioactivity.
- ↑ Austin et Starke, Lenard, Becker, Gehrcke, Laub, Füchtbauer, etc.
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- ↑ Les courbes de figure 124 ont été obtenues par M. Moulin, Thèses de doctorat. Paris, 1910.
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- ↑ Geiger, Le Radium, 1909.
- ↑ L’exactitude de ces nombres peut se trouver affectée par suite de l’emploi de l’hydrogène au lieu de l’air dans la chambre d’ionisation. La forme de la courbe d’ionisation dans l’hydrogène est, en effet, un peu différente de la forme de cette même courbe dans l’air (§ 144).
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