Traité de la nature humaine, I, I, VI : Des modes et des substances

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Texte établi par Selby-Bigge, Oxford University Press (p. 15-17).
SECTION IV
Des modes et des substances


Je demanderais volontiers à ces philosophes qui fondent tant de leurs raisonnements sur la distinction de la substance et de l'accident, et qui imaginent que nous avons des idées claires de l'une et de l'autre, si l'idée de la substance est tirée des impressions de la sensation ou de la réflexion. Si elle nous est transmise par nos sens, je demande par lequel d'entre eux ; et de quelle façon ? Si elle est perçue par les yeux, ce doit être une couleur ; si c'est par les oreilles, un son ; si c'est par le palais, un goût ; et ainsi des autres sens. Mais je crois qu'aucun n'affirmera que la substance est une couleur, un son ou un goût. L'idée de la substance doit donc être tirée d'une impression de réflexion, si elle existent vraiment. Mais les impressions de la réflexion se résolvent en nos passions et émotions : aucune ne peut représenter une substance. Nous n'avons donc aucune idée de substance, distincte de celle d'une collection de qualités particulières, et nous n'avons aucune autre signification quand nous parlons ou raisonnons à son sujet.

L'idée d'une substance, aussi bien que celle d'un mode, n'est rien qu'une collection d'idées simples, qui sont liées par l'imagination, et ont un nom particulier qui les désigne, nom par lequel nous pouvons rappeler cette collection, pour nous-mêmes ou pour les autres. Mais la différence entre ces idées consiste en ce que les qualités particulières qui forment une substance sont généralement reférées à un quelque chose d'inconnu, dans lequelle elles sont censées exister ; ou elles sont du moins censées, en accordant que cette fiction devrait être rejetée, être liées étroitement et inséparablement par les relations de contiguïté et de causalité. L'effet de cela, c'est que, quelque soit la nouvelle qualité simple que nous découvrons avoir la même connexion avec les autres, nous la comprennons immédiatement parmi elles, quand bien même elle n'entre pas dans la première conception de la substance. Ainsi notre idée de l'or peut tout d'abord être une couleur jaune, un poids, la malléabilité, la fusibilité ; mais, en découvrant sa solubilité dans l'eau régale, nous joignons cette idée aux autres qualités, et nous supposons qu'elle appartient à la substance, tout comme si son idée avait dès le commencement fait partie de l'idée composée. Le principe de l'union étant considérée comme la partie importante de l'idée complexe, il donne accès à n'importe quelle qualité qui se présente par la suite, et cette qualité est englobée par l'idée complexe tout comme le sont les autres qui se sont présentées en premier lieu.

Que cela ne peut avoir lieu pour les modes, est évident par la considération de leur nature. Les idées simples dont les modes sont formés, ou bien représentent des qualités qui ne sont pas unies par contiguïté et causalité, mais sont dispersées dans différents sujets ; ou, si elles sont toutes unies ensemble, le principe d'union n'est pas considéré comme le fondement de l'idée complexe. L'idée d'une danse est un exemple du premier genre de mode ; celle de la beauté un exemple du second. La raison pourlaquelle de telles idées complexes ne peuvent recevoir de nouvelle idée sans changer de nom qui distingue le mode est évidente.


SECTION VII.

Of abstract ideas.

A VERY material question has been started concerning abstract or general ideas, whether they be general or particular in the mincts conception of them. A ^ great philosopher has disputed the receiv’d opinion in this particular, and has asserted, that all general ideas are nothing but particular ones, annexed to a certain term, which gives them a more extensive signification, and makes them recall upon occasion other individuals, which are similar to them. As I look upon this to be one of the greatest and most valuable discoveries that has been made of late years in the republic of letters, I shall here endeavour to confirm it by some arguments, which I hope will put it beyond all doubt and controversy.

  • Tis evident, that in forming most of our general ideas, if

not all of them, we abstract from every particular degree of quantity and quality, and that an object ceases not to be of any particular species on account of every small alteration in its extension, duration and other properties. It may therefore be thought, that here is a plain dilemma, that decides concernmg the nature of those abstract ideas, which have

> Dr. Berkeley.