Traité de l’équilibre des liqueurs/Chapitre IV

Traités de l’équilibre des liqueurs et de la pesanteur de la masse de l’air
Texte établi par Léon Brunschvicg et Pierre BoutrouxHachette (p. 175-177).
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Traité de l’équilibre des liqueurs


Chapitre IV.De l’equilibre d’une Liqueur avec un corps solide.


Nous allons maintenant donner des exemples de l’Equilibre de l’eau avec des corps massifs, comme avec un Cilindre de cuivre massif ; car on le fera nager dans l’eau en cette sorte.

Figure XI. — Il faut avoir un tuyau fort long, comme de vingt pieds, qui s’élargisse par le bout d’en bas, comme ce qu’on appelle un entonnoir : si ce bout d’en bas est rond, et qu’on y mette un Cilindre de cuivre fait au tour avec tant de justesse, qu’il puisse entrer et sortir dans l’ouverture de cet entonnoir, et y couler sans que l’eau puisse du tout couler entre deux, et qu’il serve ainsi de Piston, ce qui est aisé à faire, on verra qu’en mettant le Cilindre et cet entonnoir ensemble dans une riviere, en sorte toutefois que le bout du tuyau soit hors de l’eau, si l’on tient le tuyau avec la main, et qu’on abandonne le Cilindre de cuivre à ce qui devra arriver, ce Cilindre massif ne tombera point, mais demeurera suspendu, parce que l’eau le touche par dessous et non par dessus (car elle ne peut entrer dans le tuyau) ; et ainsi l’eau le pousse en haut de la mesme sorte qu’elle poussoit le vif argent dans l’exemple precedent, et avec autant de force que le poids de cuivre en a pour tomber en bas ; et ainsi ces efforts contraires se contrebalancent. Il est vray qu’il faut pour cet effet qu’il soit assez avant dans l’eau, pour faire qu’elle ait la hauteur necessaire pour contrepeser le cuivre ; de sorte que si ce Cilindre a un pied de haut, il faut que depuis le haut de l’eau jusques au bas du Cilindre, il y ait neuf pieds, à cause que le cuivre pese de luy mesme neuf fois autant que l’eau ; aussi si l’eau n’a pas assez de hauteur, comme si on retire le tuyau plus vers le haut de l’eau, son poids l’emporte, et il tombe ; mais si on l’enfonce encore plus avant qu’il ne faut, comme à vingt pieds, tant s’en faut qu’il puisse tomber par son poids, qu’au contraire il faudroit employer une grande force pour le separer et l’arracher d’avec l’entonnoir, car le poids de l’eau le pousse en haut avec la force de vingt pieds de haut. Mais si on perce le tuyau et que l’eau y entre, et pese aussi bien sur le Cilindre comme par dessous, lors le Cilindre tombera par son poids, comme le vif argent dans l’autre exemple, parce qu’il n’a plus le contrepois qu’il faut pour le soutenir.

Figure XII. — Si ce tuyau, tel que nous le venons de figurer, est recourbé et qu’on y mette un Cilindre de bois, et le tout dans l’eau, en sorte neanmoins que le bout d’en haut sorte de l’eau, le bois ne remontera pas, quoyque l’eau l’environne ; mais, au contraire, il s’enfoncera dans le tuyau, à cause qu’elle le touche par dessus, et non pas par dessous ; car elle ne peut entrer dans le tuyau, et ainsi elle le pousse en bas par tout son poids, et point du tout en haut ; car elle ne le touche pas par dessous.

Figure XIII. — Que se Cilindre estoit à fleur d’eau, c’est à dire qu’il fût enfoncé seulement en sorte que l’eau ne fût pas au dessus de luy, mais aussi qu’il n’eût rien hors de l’eau ; lors il ne seroit poussé ny en haut, ny en bas, par le poids de l’eau ; car elle ne le touche ny par dessus, ny par dessous, puis qu’elle ne peut entrer dans le tuyau ; et elle le touche seulement par tous ses costez : ainsi il ne remonteroit pas, car rien ne l’éleve, et il tomberoit au contraire, mais par son propre poids seulement.

Que si le bout d’en bas du tuyau estoit tourné de costé, comme une crosse, et qu’on y mît un Cilindre, et le tout dans l’eau, en sorte toûjours que le bout d’en haut sorte hors de l’eau, le poids de l’eau le poussera de costé au dedans du tuyau, parce qu’elle ne le touche pas du costé qui luy est opposé, et elle agira de cette sorte avec d’autant plus de force, qu’elle aura plus de hauteur.