Traité de documentation/Le Livre et le Document/Espèces. Classes. Familles d’ouvrages

Editiones Mundaneum (p. 124-247).

24 ESPÈCES, CLASSES, FAMILLES D’OUVRAGES

240 Généralités.

240.1 Notion.

Les documents forment des espèces (types, formes, catégories) qui combinent de manière différente, d’une part les éléments composants dont il a été traité au n° 22, d’autre part les parties structurées dont il a été traité ou n° 23.

Les espèces de livres et de documents peuvent se classer en quatre grands groupes.

a) Les documents proprement bibliographiques (traités ici sous n° 24).

b) Les documents graphiques, autres que les publications imprimées et les manuscrits d’ordre littéraire et scientifique (n° 242).

c) Les documents qui, sans être bibliographiques ni graphiques, sont cependant des équivalents ou des substituts du livre (n° 243).

d) Les documents qui sont le résultat de l’enregistrement, sous toutes formes de données relatives à l’administration publique et privée, aux « affaires » (correspondance, notes, rapport, comptes, registres, état, listes et répertoires, etc.).

Depuis l’invention de l’écriture, celle surtout de l’imprimerie, les livres se sont tellement multipliés, qu’ils forment presque autant de classes, de genres, de familles et d’espèces que les productions naturelles les plus connues. La Bibliologie est devenue une science presque aussi vaste que la Botanique et la Minéralogie.

La nature, avec des éléments relativement peu nombreux, produit des complexes morphologiques très variés. La théorie mathématique des combinaisons entre en action. Il en est de même des livres et les travaux faits pour classer en séries les éléments chimiques, les végétaux, les animaux, doivent suggérer des travaux analogues pour le livre.

Il faut étudier, signaler et collectionner les livres comme on étudie les plantes et les animaux, pour leurs types et non seulement pour leurs individus.

À cette fin, on possède les diverses espèces de catalogues de livres qui déjà ont largement avancé le travail.

En leur ensemble les livres forment comme l’immense orchestration des voix humaines. On y trouve des grandes familles d’instruments et dans chaque famille des espèces bien caractéristiques qui tous ont leur raison d’être. Le Livre proprement dit, la Revue et le Journal sont trois de ces grandes familles. Le Journal à fort tirage offre quatre ou cinq types, la Revue une douzaine de types, le Livre au moins une vingtaine. C’est là ce qu’en terme technique on peut appeler les « formes » du livre et leur étude se confond avec celle des espèces. Elles sont déjà au 2e degré, les complexes de formes bibliologiques plus élémentaires au 1er degré. Il faudrait pouvoir décomposer tous les documente en ces formes élémentaires, systématiser celles-ci et voir ensuite comment elles se combinent entre elles pour donner lieu aux diverses familles des formes de livre.

240.2 Classification.

La classification des espèces de livres peut se faire à plusieurs points de vue.

I. — D’après le contenu ou sujet traité.
A. — D’après les matières traitées.

Les livres dans leur ensemble tendent à enregistrer toutes les connaissances acquises et à former ainsi le corps bibliographique de la science. Les connaissances ou sciences sont ordonnées selon un ordre hiérarchique, et une classification : Philosophie, sciences sociales, philologie, etc. Il en sera question plus loin. Les spécialisations dérivant de la division du travail conduisent à consacrer ordinairement un livre ou un document à une science, à une question, à un point particulier.

B. — D’après les lieux.

On distingue aussi les ouvrages selon le pays ou lieu auquel se rapportent les matières traitées : ex. : Angleterre, France.

C. — D’après le temps.

On distingue les ouvrages selon le temps ou moment auquel les matières sont considérées. Ex. : XVe siècle.

II. — D’après le contenant.

On considère la forme à cinq points de vue différents : formes matérielles, formes scripturales, formes linguistiques, formes documentaires, formes intellectuelles, formes de destination.

A. — Formes matérielles.

1° Le Livre, ou ouvrage séparé, qui paraît sans suite et en un tout complet et indépendant. 2° La Brochure ou plaquette (pamphlet), livre de peu d’étendue. 3° Les Feuilles volantes, placards et publications paraissant en livraisons successives. 4° La Revue ou Périodique, publication qui parait à des dates régulières, avec suites, et dont les numéros successifs des années antérieures forment des collections. La revue est principalement destinée à tenir les lecteurs au courant de tout ce qui se passe dans un certain domaine, dans une certaine science. C’est une sorte de journal publiant les nouvelles de chaque spécialité. 5° Le Journal qui présente les faits au jour le jour.

B. — Formes scripturales.

On distingue suivant qu’il s’agit : a) de manuscrit (ancien ou contemporain, autographe) ; b) d’ouvrage composé sortant des presses ; c) de reproduction dactylographique ou polygraphiée par des procédés autres que l’imprimerie.

C. — Formes linguistiques.

Les livres sont écrits en toutes langues, ils donnent lieu à des groupes distincts d’après ces langues, qui, elles-mêmes, se rattachent à de grandes familles (latine, germanique, slave), et qui ont leur patois. Il y a une classification des langues. — Dans l’organisation des bibliothèques, on distingue les ouvrages en langue nationale. (En Belgique : français, flamand, allemand) et en langues étrangères.

D. — Formes documentaires.

On distingue : 1° Les œuvres dites bibliographiques, c’est a-dire les textes et les publications proprement dits. 2° Les Estampes, gravures, affiches, cartes postales illustrées et tout ce qui contient une illustration et est publié à part. 3° Les Photographies non publiées. 4° Les Cartes et Plans. 5° Les Partitions musicales.

E. — Formes intellectuelles.

On distingue des catégories d’œuvres d’après la disposition interne des matières, d’après certaines formes bibliologiques qui se sont constituées au cours de l’évolution du livre.

Parmi les livres proprement dits, on distingue les Monographies, ouvrages qui traitent d’une question particulière (ex. : Monographie de l’acier), les Manuels ou Traités, ouvrages qui exposent toute une science ou un ordre de connaissance, d’une matière, systématiquement et dans toutes leurs parties (ex. : Traité de Physique, Manuel de Chimie) ; les Encyclopédies ou Dictionnaires, consacrés, comme les traités, à toute une science, mais qui en diffèrent parce que les matières sont réparties en un certain nombre de mots ou rubriques, qui se succèdent dans l’ordre alphabétique (ex. : Encyclopédie de la Construction), les Thèses ou Dissertations académiques.

F. — Formes de destination.

À ces divers ordres de classement on pourrait en ajouter un sixième, celui qui prendrait comme base la manière dont l’œuvre est traitée, le caractère des auteurs et des lecteurs (Psychologie bibliologique). À ce point de vue, on peut distinguer :

Les livres pour le grand public instruit, pour les spécialistes, pour des catégories spéciales de lecteurs, pour l’enseignement aux divers degrés, pour le public en général. On peut distinguer encore :

Livres de faits (Exposé des sciences).

Livres de spéculation : Livres d’imagination, d’induction, d’investigation, d’invention.

Livres d’idées ou livres de philosophie : Étudient les faits au point de vue de leur relation de cause à effet.

Livres de sentiments : S’adressent aux facultés affectives, et particulièrement aux facultés sociales, esthétiques, émotives, morales (destinés à l’éducation littéraire).

Ces ordres de classement sont fondamentaux. On peut considérer que chacun d’eux occupe une des faces du cube ou bloc qui représenterait l’ensemble des ouvrages. Ce sont les mêmes ouvrages que l’on peut répartir chaque fois selon un ordre différent.

Ainsi un ouvrage sur la Philosophie (matière), en Angleterre (lieu), au XVIIe siècle (temps), qui serait un traité (forme), composé en français (langue).

La classification bibliographique fournit le moyen de classer les collections et leur catalogue en tenant compte de ces classes fondamentales.

Elle permet aussi de classer les répertoires bibliographiques, les dossiers, les fichiers de notes.

Une classification des œuvres peut aussi se faire à d’autres points de vue.[1]

a) Les livres et documents sont :

1° ceux d’ordre scientifique, objectif, utilitaire ;

2° ceux d’ordre littéraire, imaginatif, récréatif.

Ils se développent dans des conditions différentes, réalisant des types généraux dont il a été possible de déduire des principes, des normes et des règles différentes. Laissant largement de côté ici les œuvres littéraires, dont les traités de littérature ont fait leur matière, nous nous attacherons surtout aux œuvres scientifiques.

L’œuvre scientifique n’a pas pour but de plaire, ni de donner des recettes pratiques pour se conduire, ni d’émouvoir, mais simplement de savoir.

b) Au point de vue des bibliothèques publiques, on distingue les divisions suivantes :

Ouvrages de lecture courante et ouvrages d’études.

Ouvrages de références, d’informations, de renseignements, qu’on consulte, qu’on ne lit pas dans leur ensemble (dictionnaires, encyclopédies, atlas).

Ouvrages d’étude de tout genre.

c) À d’autres points de vue encore, les œuvres peuvent être distinguées de diverses manières, selon qu’elles sont : spécialisées ou constituant des ouvrages d’ensemble ; de petite ou de grande étendue ; d’un ou de plusieurs auteurs ; périodiques ou non ; simples dans leur contenu ou formées de diverses œuvres rassemblées ; livres pour être lus, ou consultés ou étudiés.

240.3 Histoire. Évolution. Génétique.

Les espèces d’ouvrages, à la manière de la plupart des œuvres humaines, ont été formés au cours du temps, tantôt par l’action collective, les ouvrages se transformant lentement et fragmentairement sous l’influence les uns des autres ; tantôt par l’action individuelle, un auteur créant une œuvre qui devient un type. À l’origine tout est complexe, vague, confus ; ensuite tout tend à se diversifier, s’individualiser, se préciser. Cette double action est déterminée tantôt par des besoins pratiques, tantôt par des considérations théoriques où intervient la Logique, l’Esthétique, les fins morales. L’évolution se poursuit sous nos yeux.

L’Humanité a débuté par la Poésie. La Prose est venue plus tord, (Quintilien : Rhétorique.) Le Journal est du XVIIe siècle : Abraham Verhoeven et Renaudot. La Revue naît au XIXe siècle, surtout sous le nom de mercure, correspondance, annales, magazine. Puis l’on voit naître les publications industrielles (Amérique, Angleterre). Aujourd’hui les publications d’art.

Au livre on a substitué la revue, puis les annuaires, puis la documentation sur fiches, puis la coordination internationale de l’information scientifique.

Tous les jours on voit naître des ouvrages d’un type nouveau, qui n’était pas ou guère représenté dans l’ancienne littérature. Un livre est capable de créer une science nouvelle ou tout au moins une branche d’une science, un des aspects de l’exposé d’une science.

On peut arriver aussi à de nouvelles formes du livre par deux voies : 1° ou bien l’on se demande quels buts devraient être atteints par le livre, à quoi il devrait servir (usage autre que celui qu’il a déjà) ; 2° ou bien, après avoir analysé la structure du livre actuel, on envisage d’autres distributions de ses éléments nouveaux, des développements et nouvelles liaisons de ses parties.

240.4 Corrélation entre les espèces.

1. On peut concevoir deux cas : ou bien forme et fond sont à ce point rattachés l’un à l’autre que le fond (les données) est tenu comme ne pouvant être exprimé qu’en une forme documentaire déterminée ; ou bien les formes sont à ce point indépendantes du fond, qu’elles sont susceptibles d’« informer » toute donnée d’un fond quelconque. En fait c’est ceci qui a tendance à se produire. Une forme nouvelle au début s’applique à un certain fond mais bientôt on lui trouve d’autres applications et finalement on parvient à la dégager in se et à généraliser son emploi à la matière universelle. Par ex. le périodique a commencé par les nouvelles politiques, la photographie par le portrait, le cinéma par les scènes d’acrobatie.

2. Les formes des publications et des documents sont apparues au cours des âges. Elles ont pu se développer par scissiparité, sans guère de liaison les unes avec les autres. Les liaisons aujourd’hui doivent être opérées et c’est d’un système complet de publication que chaque science doit pouvoir disposer (Voir plus loin le système proposé.)

3. Voici quelques exemples de rapports entre les diverses formes :

a) Le traité peut se décharger largement des détails sur les dictionnaires encyclopédiques et réaliser ainsi à un haut degré l’œuvre synthétique.

b) Le périodique a des rapports avec le traité exposant la manière similaire. La liaison est désirable : en faisant dans le périodique des références constantes au traité ; en faisant du périodique un substitut du traité ; en s’efforçant alors d’indexer en détail chaque partie, de se référer constamment de l’un à l’autre, d’établir des tables systématiques détaillées.

c) Les traités sont mis en rapport avec les Annuaires bibliographiques (revues critiques), les Centralblätter (listes bibliographiques). Ex. : Paleontographica : Beiträge zur Nnturgeschichten der Vorzeit. Neues Jahrbuch für Minéralogie, Géologie und Paleontologie.

d) L’alternative se présente entre des traités trop vastes ou trop anciens, où l’on risque de se perdre, et thèses, brochures, articles de revues où la science se trouve disséminée et émiettée.

e) Les revues permettent la publication de travaux de détail, de minces découvertes à qui l’on n’aurait pu faire les honneurs coûteux d’un livre ; les bibliographies tiennent les travailleurs au courant de l’état de la science ; les comptes rendus critiques relèvent les erreurs.

f) On distingue par gradation, d’après le caractère d’achèvement des travaux : 1° les simples notes ou articles dans un journal ; 2° les mémoires ; 3° les ouvrages ; 4° ce qu’on appelle « un livre », nom qui s’applique à une composition sur un sujet bien délimité, dans laquelle on suit une marche logique, pour en tirer des conséquences au moyen d’idées neuves ou de faits en grande partie nouveaux.

g) Il est des ouvrages qui sont simplement composés de deux sortes d’ouvrages, fragmentés et juxtaposés. Par ex. : certaines Zoologies, certaines Anatomies comparées. Les descriptions des espèces zoologiques et botaniques se trouvent éparses dans un grand nombre de périodiques et dix mémoires spéciaux qu’il faut compulser et consulter pour toute détermination. On y parvient par des listes de revision, des catalogues ou répertoires régionaux, des ouvrages d’ensemble publiant des descriptions. On a en zoologie de travaux, dont le cadre est zoo-géographique (monographies d’espèces, des lieux et autres déterminants ex. Pellegrin : Les poissons du bassin du Tchad, Paris 1914) et d’autres dont le cadre est précisément zoologique. Ils consistent en une monographie complète de toutes les espèces connues d’un groupe naturel important. D’autres ont un cadre biologique (vie fonctionnelle).

h) On fait des documents sur des documents, sur des documents de documents, et ainsi de suite sans limitation. Les livres donnent lieu à des bibliographies, puis à des bibliographies de bibliographies, à des bibliographies des bibliographies de bibliographies. D’une œuvre on fait la critique, puis la critique de la critique.[2]

i) Pour capter l’attention l’image est plus efficace que le texte ; la maquette supérieure à la photographie ; l’appareil en mouvement surtout de plus haut intérêt que l’immobile.

240.5 Espèces, cycle bibliologique et types d’exposé.

a) La classification par espèces de livres et documente intervient à tous les stades du cycle bibliologique ; quant à la production, il y a des auteurs, des imprimeurs, des éditeurs spécialisés (par ex. pour le périodique, pour le dictionnaire) ; quant à la distribution : des librairies spécialisées (ex. : Librairie des dictionnaires) ; quant à la conservation : catalogue, collection, organisme (ex. : les ouvrages d’ensemble sont classés dans la Bibliothèque des références, les périodiques dans les Hémérothèques) ; quant à l’utilisation : genre de lecteurs ; quant à l’organisation : règles et plans spéciaux.

b) D’autre part, les diverses espèces d’œuvres étant intimement liées à des modes fondamentaux d’exposé, dans un but de simplification on a traité éventuellement de ceux-ci à l’occasion de certaines espèces.

241 Documents dits bibliographiques.

241.1 Œuvres spécialisées.

On a trois sortes de travaux : des travaux particuliers (analyse, monographie) ; des travaux généraux (synthèse, théorie) ; des travaux documentaires, englobant tous les faits particuliers et les ordonnant synthétiquement.

Quatre types caractéristiques d’ouvrages spécialisés sont à distinguer : 1° la brochure, le pamphlet, le petit écrit ; 2° la monographie proprement dite, brève ou étendue ; 3° l’essai ; 4° le livre proprement dit, de proportion limitée, distinct du traité et de l’encyclopédie.

1. Brochure.

Ce terme s’applique au caractère matériel de l’écrit : c’est un écrit de peu d’étendue comparé au livre. Le journal et la revue ont enlevé de son importance à la brochure. Mais pour la propagande, les tracts clairs, courts et suggestifs, sont fort précieux.

Voltaire fit clair, court et vif. Plus de grande ouvrages. De petits in-12o, des brochures de quelques feuilles. « Jamais, disait-il en pensant à l’Encyclopédie, vingt volumes in-folio ne feront de révolution : ce sont les petits livres portatifs à vingt sous qui sont à craindre. Si l’Évangile devait coûter 1200 sesterces, jamais la religion chrétienne ne se serait établie. »

La brochure n’a pas la même vie dans chaque pays. Elle tend à être vendue avec les journaux plutôt qu’avec les livres. Une devanture représente une valeur ; l’occuper par une brochure de faible prix, c’est immobiliser pour peu d’avantages une place trop considérable.

En Angleterre, les Smith sont les grands éditeurs de brochures à raison de leurs bibliothèques de gare. Pendant la guerre, ils publiaient peu. Leur objectif était exclusivement mercantile, ils faisaient paraître ce que le public demandait et non ce pour quoi une préparation du public était nécessaire.

Des concours sont parfois organisés pour l’établissement des meilleures brochures. Ainsi « L’Émulation agricole » organisa en 1908 un concours pour la rédaction de monographies contre l’abandon des campagnes. 787 monographies furent présentées.

2. Monographie.

a) C’est la description d’un sujet, complète et à tous points de vue. C’est la mise en valeur de tous les documents, de tous les éléments d’information se rapportant à un sujet unique et limité de manière à en composer un portrait qui soit l’exacte ressemblance du modèle.[3]

On ne peut plus guère publier que des matériaux et il faut des laboratoires pour les élaborer. D’où le principe de la publication en éléments pouvant se réunir, formant une collection et le principe de répertoire sur fiches ou feuilles destinés à ordonner ces éléments en collections.

Une monographie en réunissant tout ce qui concerne un sujet est un travail d’analyse et de synthèse bibliographiques.

b) Il y a des collections de monographies et des monographies publiées selon des plans systématiques.[4]

c) Au degré le plus simple un document est une description qui peut elle-même être ramenée à une définition[5] ; plus simplement encore la définition est remplacée par le défini : le nom (mot, terme). L’énumération, le catalogue et le dictionnaire sont des collections de descriptions ou de noms.

La description, base essentielle de la monographie, est aussi un élément des divers types de publication.

Les descriptions des objets des sciences doivent être de plus en plus précises. Elles visent soit les caractères qu’il n’est pas possible de mesurer, soit la détermination des caractéristiques numériques (caractérisation).

La question des descriptions est liée à celle des signalements[6].

En sciences naturelles, les descriptions se font conformément à des méthodes devenues habituelles.

Constamment les descriptions y sont renouvelées. Or de nouvelles espèces doivent être décrites. De là des refontes, des rééditions. Chaque espèce reçoit une « diagnose » suffisante et une figure qui mette en lumière ses caractères fondamentaux. Les dimensions sont exprimées suivant leur nature en mètres, millimètres ou microns (millièmes de millimètre) représentés par les lettres m, mm ou pi. Les descriptions dans certains ouvrages de sciences naturelles sont précédés de tables dichotomiques. (Ex. S. Garman, The Plagiostoma. Cambridge (Harvard) 1913.)

Dans les descriptions des objets, il faut des conventions pour désigner les positions décrites. Ainsi dans les descriptions anatomiques, l’animal est supposé placé verticalement, la tête en haut, la face ventrale en avant. Les termes haut, bas, avant, arrière ont donc les significations qu’implique cette orientation. Les termes droite et gauche s’appliquent toujours à l’animal décrit sans tenir compte de la position de l’observateur.

b) Le Congrès international de Navigation a demandé l’étude d’un formulaire clair, court, mais cependant suffisamment complet qui renfermerait les renseignements nécessaires pour définir les caractéristiques de chaque rivière, étudiée au double point de vue de son régime et des besoins de la navigation.[7]

c) Les mêmes considérations qui justifient la classification universelle et l’unification des formats conduisent directement au principe de la publication sous forme de monographie, c’est-à-dire d’éléments intellectuels unitaires, séparés, distinctement substitués aux recueils polygraphiques ou tout au moins prenant place à côté d’eux. Il est désirable dans chaque science d’en arriver par entente internationale à un système de caractéristiques minimum à exiger pour une description scientifique (diagnose).

3. Essai.

C’est la composition concrète, généralement en prose, de caractère critique ou philosophique, sur une question bien délimitée et sans caractère dogmatique. On possède les œuvres d’essayistes célèbres : Montaigne, Francis Bacon, Charles Lamb, de Guincey, Carlyle, Macaulay, Addison, Emerson, Sainte Beuve, Anatole France, Jules Lemaître. Paul Bourget, Émile Faguet.

H. Spencer a défini ainsi l’essai, « Au cours des années employées par moi à écrire diverses œuvres systématiques, de temps en temps ont surgi dans mon esprit des idées qui ne se prêtaient pas à entrer dans celles-ci. Beaucoup d’entr’elles ont trouvé place dans des articles publiés pour des revues et sont actuellement réunies dans les trois volumes de mes essais. »

À l’essai se rattache la conférence. Elle est généralement prononcée, mais sur écrit préalablement rédigé et elle est souvent publiée. Francisque Sarcey, qui n’aimait pas le genre, a dit : « C’est l’art de ne rien dire avec intérêt ». La conférence scientifique est une leçon. La conférence littéraire consiste aussi en une sorte de leçon familière, actée, spirituelle, alerte et, la plupart du temps, improvisée. « C’est l’art d’amuser un public en buvant de l’eau sucrée — c’est l’art de faire de la causerie quelque chose qui soit à mi-chemin du discours et de la conversation. »

4. Le livre.

Le livre, de par ses divisions, pourrait être considéré comme l’unité normale placé entre la brochure, d’une part, et l’ouvrage d’ensemble, d’autre part.

Sur chaque question, de temps en temps, des ouvrages

241.2 Ouvrages d’ensemble.

d’ensemble sont devenus nécessaires. L’utilité d’une bonne mise au point apparaît d’autant plus évidente que les travaux particuliers se sont multipliés. Il faut alors entreprendre le triage des publications et dégager les faits qui méritent d’être retenus, montrer l’importance respective de ceux-ci, et indiquer les conséquences pratiques et discuter les hypothèses auxquelles ils ont servi de base.

Que ces ouvrages soient rédigés sous forme de traité et de cours méthodique ou sous forme d’encyclopédie et de dictionnaire, leur but est toujours de condenser, de réunir en un seul ouvrage d’étendue limitée, toutes les connaissances actuelles relatives a leur objet.

241.21 Traitée. Manuels.
241.211 NOTIONS.

a) Le traité est un ouvrage qui résume et condense, sous une forme concise et claire, nos connaissances les plus précises sur une science. Par un choix judicieux des matières, il s’attache à en présenter un tableau d’ensemble, insistant sur les faits acquis, passant rapidement sur les expériences douteuses et les questions mal élucidées.

Un traité magistral est un document fondamental ; c’est une mine de renseignements bien coordonnés ; c’est la somme des connaissances sur un sujet.

Le traité doit être d’abord le guide indispensable de tous ceux qui veulent s’initier à la connaissance d’une science, il est leur compagnon, leur ami de toutes les heures. C’est lui qui dans les universités fournit aux maîtres le cadre de leur enseignement et met les élèves en mesure de compléter par leur travail personnel des leçons qui ne peuvent guère porter que sur une partie plus ou moins restreinte d’un vaste domaine.

b) Les traitée et manuels seuls sont insuffisants dès qu’on aborde des questions nouvelles ou qui n’intéressent pas les auteurs de manuels et résumés. On est contraint de chercher des éclaircissements au delà d’eux, dans les œuvres originales elles mêmes. L’érudition alors n’est ni hors-d’œuvre ni vain ornement ; elle est partie intégrante de la substance même de la recherche. (Meyerson. De l’explication dans les sciences, p, XIII.)

c) Une science affirme sa constitution et son autonomie le jour où elle a donné lieu à un traité. Le traité naît ainsi quand les notions nouvelles d’une science exigent d’avoir recours à de nombreux mémoires épars dans les recueils scientifiques. Quand les matériaux innombrables sont accumulés, véritable entassement de richesses, l’esprit court grand risque de s’égarer au milieu d’eux s’il ne prend pour guide un ouvrage méthodique qui lui permette d’embrasser l’ensemble, tout en faisant connaître avec des détails nécessaires les éléments principaux.

Par exemple, une science aussi nouvelle que la criminalistique compte déjà un traité à 6 volumes (le traité du Dr Locard).

d) Le traité systématique, s’il peut se décharger largement du détail sur le dictionnaire encyclopédique, réalise à un haut degré l’œuvre synthétique. Des esprits s’y essaient à embrasser l’ensemble de la matière, à l’ordonnance de la manière la plus coordonnée, à l’animer du souffle de l’unité. Dans les traités sont semées avec largesse des idées qui ont préoccupé souvent les savante la vie durant. Un traité est l’expression de l’esprit arrivé au but de son grand effort pour saisir et pour comprendre. Il est comme un testament intellectuel total à l’œuvre où il s’inscrit.

e) Bien des sciences, bien des problèmes scientifiques ont été créés ou développés, en commençant par créer des chaires ou des instituts, en formant des professeurs, en amenant ceux-ci à écrire des manuels. En commençant par l’enseignement supérieur, on y prépare les organes et le personnel pour l’enseignement secondaire et primaire.

f) Le traité doit embrasser les données d’une vue systématique et synthétique ; l’encyclopédie, les répertoires et catalogues sous une forme monographique ; le périodique sous forme d’information courante.

241.212 HISTOIRE DES TRAITÉS.

Le traité est le produit d’une longue évolution historique qui n’a pas eu le même rythme dans tous les domaines des connaissances. Voici quelques faits.

a) Tout ce que la géométrie élémentaire avait trouvé pendant l’époque classique fut résumé par Euclide (IIIe siècle avant J. C.) dans ses éléments « Stoikeia ».

Peu de livres ont eu un succès aussi durable. Depuis son apparition jusqu’à nos jours, il n’a cessé d’être utilisé. Depuis rien d’essentiel n’a été changé. Les Anglais appellent encore leurs livres de géométrie élémentaire « Euclid ».

b) Les vrais manuels de l’antiquité sont les compilations du Ve et du VIe siècle, celles de Martianus Capella, d’Isidore de Séville, de Bolie, etc.

c) Les Upanishad sont des traités de philosophie religieuse dont le nombre dépasse 200 et qui sont très différents entre eux. Ce sont comme des appendices aux « Brahmana » ou ouvrages d’exégèse théologique.

d) L’établissement par Justinien au VIe siècle, des Institutes de droit romain, véritable traité de droit à l’usage de l’enseignement a apporté un type remarquable de traité.

e) Avant la Quintinie, qui fut « directeur général des jardins fruitiers et potagers de toutes les demeures royales », il n’y avait pas de traités d’horticulture en France. C’est en observant les jardiniers, en les interrogeant, que la Quintinie apprit les secrets que s’étaient transmises les unes aux autres les générations de jardiniers.

L’idée de consigner l’expérience de la vie pratique des métiers est tard venue. L’encyclopédie au XVIIIe siècle ayant procédé à la description de beaucoup d’arts généralisés, après elle on a publié des traités ou manuels sur ces matières spéciales.

f) Les Physiocrates n’ont pas fait de traité méthodique. La science n’a d’eux en ce genre que le petit Abrégé des principes de l’Économie politique, disposé en tableaux et formules, à la manière des arbres généalogiques, écrit en 1772 par le margrave de Bade ou peut-être par Dupont de Nemours.

g) Dans la période qui s’ouvre au XVIIIe siècle, les professeurs d’université créaient en Allemagne, surtout à Göttingen, pour les besoins de l’enseignement, la forme nouvelle ou Manuel d’histoire, recueil méthodique des faits soigneusement justifiés, sans prétentions littéraires ni autres.

Le traité ou manuel a pris un grand développement en Allemagne nu cours du XIXe siècle. Histoire des religions, histoire des institutions, histoire littéraire ancienne et moderne, histoire de l’art, droit, sciences naturelles, il ne fut pour ainsi dire pas de hautes études qui n’eut le sien. La France longtemps en retard sous ce rapport regagna le terrain perdu et produisit d’admirables traités.

C’est de l’Allemagne que pendant longtemps les autres pays ont été tributaires pour les ouvrages destinés à l’enseignement supérieur.

h) Le traité de chimie organique fut réalisé pour la première fois par l’infatigable Beilstein. Actuellement, on ne trouverait plus de chercheurs ou d’hommes de science de la même envergure qui pourrait continuer sous le même esprit et en inspirant autant de confiance, ce travail qui s’est accru à l’infini. Il a donc été nécessaire de confier la construction des traités à toute une équipe de collaborateurs.

i) En ces dernières années, un grand mouvement renouvelle les traités dans toutes les branches de la science et détermine la création de types nouveaux.

241.213 ESPÈCES ET TYPES DE TRAITÉS.

Les traités réalisent des variétés nombreuses et tendent même à se fixer en quelques types fondamentaux. Il n’y a pas pour une science qu’un seul type de traité ; il en est plusieurs, certains auteurs se plaçant à des points de vue différents, et ces traités vont en se complétant, en s’appuyant même les uns sur les autres. Les données suivantes le montrent.

a) On peut distinguer :

le traité complet en plusieurs volumes ;

un appoint de nouveauté (œuvre de création, opinion, discussion) ;

un compendium de vulgarisation ayant surtout pour objet de réunir en un seul, ordonné, facile à lire et commode à consulter, les nombreuses publications spéciales, importantes ou modestes et concernant chacune des points de la science.

b) Les traités présentent l’exposé tantôt à un point de vue théorique, tantôt à un point de vue pratique, tantôt ils combinent les deux points de vue.

Un traité souvent comprend deux ordres de données : 1° une mise au point de la science traitée qui tient compte de tous les aspects ou problèmes, y compris les recherches les plus récentes ; 2° un exposé des idées personnelles de l’auteur.

Il y a bien de grandes choses qui n’ont que de petites places dans les traités classiques, et qui dès lors méritent d’être abordées dans des ouvrages spéciaux.

Inversement, des ouvrages portent le titre d’encyclopédie tout en étant systématique (ex. : Encyclopédie des sciences mathématiques). Des ouvrages portent le titre de traité tout en étant alphabétique (ex. : Traité alphabétique des droits d’enregistrement, de timbre et d’hypothèque, par E Maguéro).

c) Il existe des manuels alphabétiques (ex. : Le manuel alphabétique de philosophie pratique, par John Carr). Ostwald a écrit un traité de chimie en forme de dialogue.

Certains éditeurs se sont préoccupés de fournir des cours complets. Ainsi la librairie Savoy a donné un Cours complet d’Histoire naturelle : Botanique (Ph. van Tieghem, 1600 p.). Géologie (A. de Lapparent, 1280 p.). Zoologie (Claus, traduit par Moquin Tandon, 1566 p.).

Beaucoup de traités sont rédigés conformément au programme des cours de tel ou tel établissement d’enseignement (ex. : Traité des machines à vapeur, de Alheilig et Roche, rédigé conformément au programme des cours de machine à vapeur de l’École centrale)

Souvent des maîtres ayant professé leurs cours à l’université ne l’ont pas publié, mais ils en laissent des notes. Et d’autre part, il se trouve que certains de leurs élèves ont transcrit ces cours à l’audition orale et que l’un d’eux, s’aidant de notes et de transcriptions, en fasse la publication d’un livre (ex. : Histoire de l’Église, par J. D. Maehler, publiée par le R. P. Gams).

Le traité didactique exige des explications orales. Il n’est donc pas complet par lui-même, ce complément étant laissé au maître.

On a employé parfois la forme d’un ouvrage général, s’adressant au grand public instruit, et celle des rapports complémentaires renfermant des études techniques s’adressant aux spécialistes. (Ainsi J. Murray et J. Hjort : The Depth of the Ocean, London 1912, relatif à la campagne océanographique du Michael Sars dans l’Atlantique).

Certains traités consacrés à une science sont accompagnés du sommaire d’une science auxiliaire. (Ex. : Louis Roule, Traité raisonné de la pisciculture et des pêches. À la 2e partie est jointe un sommaire d’océanographie).

Quand la matière auxiliaire est très importante pour un ordre d’étude, il en est fait un traité propre. Ex. : Traité de zoologie médicale.

Des ouvrages de grande étendue ont été résumés. D’autres ont été condensés (ex. : Le système de politique positive de A. Comte a été condensé par Ch. Cherfils, Paris, Girard, 1912). Le plan et dans la mesure du possible la lettre du texte ont été respectés jusqu’au scrupule. La Philosophie positive a été condensée par Miss Martineau.

d) Traité synthétique. — Il semble aujourd’hui que les traités sont l’expression des grandes synthèses scientifiques. Qui veut reconstruire l’architecture de l’ensemble d’une science compose un traité. Et les ouvrages de cette espèce sont essentiellement de grandes architectures d’idées. Il ne s’agit pas de procéder par élimination ou élagage, ce qui en ferait un simple schéma, mais de s’arrêter à l’essentiel.

Les traités peuvent se contenter de résumer en un chapitre ce qu’ont dit les auteurs qui ont traité chacun fragmentairement du sujet, à un point de vue particulier ; mais autre chose est utiliser tous ces éléments synthétiquement et substituer des notions coordonnées à des notions autrement décousues. Mais en réunissant en une même étude de l’objet étudié ce qui n’a été souvent vu que séparément chez plusieurs, parfois assez éloignés les uns des autres, on s’expose naturellement à établir des connexions plus ou moins inexactes, à réunir des dispositions exclusives l’une de l’autre, etc. Il faudrait avoir approfondi tous les groupes d’objets par des études personnelles pour éviter sûrement ces écueils. C’est impossible. Force est donc d’admettre les inconvénients de la méthode et de chercher ultérieurement à les corriger.

À côté ou au-dessous des travaux d’érudition, il faut à toute science des exposés synthétiques, oraux ou écrits. Dans des pareils exposés, les idées générales sont nécessairement au premier plan, les faits au second, alors qu’au contraire, dans l’enseignement érudit, il faut, comme disait Fustel de Coulanges, une année d’analyse pour autoriser une heure de synthèse. (Salomon Reinach.)

Ouvrages d’introduction. — Il faut attacher le plus grand prix aux ouvrages considérés par leurs auteurs à faire prendre en quelque sorte par chaque science la conscience d’elle-même. Pour les mathématiques, Pierre Bontroux a réalisé œuvre semblable dans Les principes de l’analyse mathématique, exposé, historique et critique (2 vol Herman, 1914 et 1919) et dans L’idéal scientifique des mathématiques dans l’antiquité et dans les temps modernes (Paris, Alcan). L’auteur utilise l’étude approfondie qu’il a faite de l’évolution de la pensée mathématique pour écrire un traité dont on a dit qu’il était l’initiation la plus directe et la plus substantielle qu’on puisse souhaiter tout à la fois et indivisiblement à la science, à l’histoire et à la philosophie des mathématiques. Cet ouvrage soulève le problème du devenir de la science mathématique et il en dégage la mission actuelle des mathématiciens.

e) Naissance de nouvelles formes. — On voit à un moment donné naître de nouvelles formes de traité et elles sont intimement liées à la conception même que l’auteur se fait de la structure même de la science.

Ainsi, dans les sciences naturelles, on a longtemps publié des traités dits de zoologie et d’anatomie comparée où l’on trouve le sujet traité de la manière suivante : Le règne est divisé en grandes sections qui sont étudiées séparément. Par ex. : Mollusques. Le chapitre commence par des généralités sur le groupe ; c’est une anatomie comparée des mollusques dans laquelle on expose la variation des fonctions et des organes dans ce groupe, tel qu’on ferait au chapitre Mollusques dans un traité d’anatomie comparée tel qu’on le comprenait autrefois. Puis on annonce que le groupe se divise en tant de classes et immédiatement on aborde leur étude, on les examine séparément les unes à la suite des autres. Prenons celle des Gastéropodes. On les traite comme on fait de l’embranchement des mollusques, puis on passe à la sous-classe, de l’ordre au sous-ordre, sans se préoccuper des animaux qui possèdent les organes toujours de la même manière et alors on change brusquement de plan. On entre dans la zoologie pure. On décrit les familles, les genres principaux voire les espèces, mais sans en faire connaître autre chose que les caractères presque exclusivement extérieurs qui les distinguent et qui sont suffisants au but de la zoologie qui est de nommer et de classer.

Ce n’est là ni de la zoologie ni de l’anatomie comparée, mais des chapitres d’anatomie comparée emboîtés les uns dans les autres et dont le dernier de chaque groupe contient un chapitre de zoologie pure.

Le défaut est que ce livre, concret pour être lu et consulté mais non pour apprendre quand on ne sait déjà. L’étudiant ne peut trouver de notions concrètes de descriptions analogues assises sur un être réel sans les chercher dans des monographies spéciales.

Un nouveau type de traité de zoologie a été réalisé par Yves Delage et Hérouard (traité de zoologie concrète).

L’auteur s’est proposé de présenter les choses sous la forme où l’étudiant le désire, où il a besoin qu’elles soient pour en avoir une notion précise et pour les retenir.

La liaison s’opère entre revue et traité. Ainsi le Recueil de Législation, de Doctrine et de Jurisprudence coloniale, publié sous le patronage de l’Union Coloniale française, et en liaison avec le Traité de Droit Colonial de P. Dareste. Ce traité donnera une base de documentation que le Recueil tiendra à jour, et réciproquement. Les 34 années antérieures du Recueil qu’il n’est plus possible à tous d’acquérir seront en quelque sorte résumées par le Traité.

Les trois publications suivantes ont été en partie coordonnées sous la direction du prof. J. E. Conrad.

— Grundriss zum Studium der politischen Œkonomie, en un volume.

— Handwörterbuch der Stantswissenschaften, 3e édition 1908 à 1911.

— Jahrbuch für Nationalœkonomie und Statistik.

Ces publications forment donc un traité, une encyclopédie alphabétique et une revue.

Certains traités sont en liaison avec des tableaux muraux (ex. : Manuel de l’arbre, édité par le Touring Club de France).

Beaucoup de traités sont établis en collaboration, notamment en Allemagne, où plusieurs rédacteurs spécialistes sont groupés sous une direction éditoriale. (Ex. Handbuch der Technischen Mykologie, de Lafar.)

Les temps sont venus où les sciences, continuant à avoir besoin de grands traités systématiques, sont dans l’impuissance de les voir produire par des individualités isolées. La collaboration à deux ou trois est devenue courante ; celle d’une association d’auteurs, d’un comité d’action comprenant des douzaines de membres y fait suite. Voici que s’instaurent peu à peu des instituts permanents dont la mission dévolue d’abord à de simples monographies, s’étend ensuite à des rapports et ultérieurement à des refontes et mises à jour de ces rapports. Les organismes internationaux officiels ou privés remplissent ici une fonction très importante. Ce qui se passe à la Société des Nations et au Bureau International est particulièrement intéressant à suivre, comme ce qui se passe dans les Instituts Scientifiques du Gouvernement des États-Unis.

f) Dans certaines matières, telles que l’art, le mot systématique a été pris dans un sens différent. Un ouvrage d’Art et d’Archéologie s’ouvre par une introduction donnant la définition et la division de l’art. Vient ensuite, coupée par période, l’histoire de l’art de différente peuples, c’est-à-dire celle de son développement organique. La partie systématique prend alors l’art dans son ensemble, elle l’étudie en lui-même, dans les matériaux qu’il emploie, dans les procédés qu’il applique, dans les conditions qui s’imposent à lui, dans le caractère qu’il prête aux formes, dans les sujets qu’il traite, dans la répartition de ses monuments sur toute la surface du terrain occupé par la civilisation. (Plan du manuel de l’archéologie de l’art, d’Ottfried Müller, commenté par Perrot et Chippiez.)

« Après une période de synthèse philosophique et de théories esthétiques dont les deux tentatives les plus puissantes furent à ses débuts les Vorlesungen über die Esthetik, de Hegel (1835-1838) et à son déclin la Philosophie de l’Art de Taine (1867), l’ambition des historiens de l’art dut se faire plus modeste. Avertis par l’insuffisance des encyclopédies éphémères, dont il serait d’ailleurs injuste d’oublier les services, ils se bornèrent à des monographies. Étudier l’œuvre d’un artiste, l’histoire d’un monument, l’art d’une région, dépouiller les inventaires et les comptes, constituer des séries, dresser des catalogues, tel fut le mot d’ordre dans tous les laboratoires historiques. À l’histoire de l’art comme à l’histoire sociale en politique, on applique la devise célèbre de Fustel de Coulanges : « Une vie d’analyse pour un jour de synthèse. » André Zinkel. Histoire de l’art. Introduction.

g) La philosophie a produit de grands traités depuis Aristote et depuis le moyen âge. Le Cours de Philosophie publié par l’Institut supérieur de Philosophie de Louvain comporte une série de volumes consacrés aux diverses parties de la philosophie par les divers professeurs. Les traités types en psychologie sont ceux de Wundt, de Lieps, de James, d’Höfdening, etc.

L’Allemagne continue à publier de grands traités. Par ex. celui de Joseph Fröbes (Lehrbuch der experimentellen Psychologie, 2 vol. ensemble 1278 pages). Une somme, un ouvrage énorme, patient, serré et admirablement documenté, comme il n’en paraît guère qu’en Allemagne, un traité que, grâce aux tables, on peut consulter comme une encyclopédie.

h) Les auteurs des grands traités scientifiques sont placés devant une tâche énorme à raison des rapides transformations de la science.

« La difficulté d’écrire un traité de physique, dit M. E. H. Amagat, consiste à faire place aux études nouvelles tout en répétant les théories classiques. S’il est opportun de modifier dès maintenant l’exposé de certaines branches de la physique en groupant de loin, autrement sans lien apparent, dont la dépendance réciproque résulte aujourd’hui de faits expérimentaux solidement établis, ne paraît-il pas dans d’autres cas, plus convenable au contraire et plus prudent de conserver sans modifications essentielles l’exposition consacrée, en faisant entrevoir que dans l’avenir des retouches et des adaptations pourront devenir nécessaires ? Ne serait-il pas regrettable et prématuré, par exemple, de mutiler actuellement l’œuvre admirable de Fresnel, sous prétexte de la souder en un ensemble plus homogène aux théories électro-magnétiques ? Il n’est donc pas de science, à l’heure présente, dont l’exposé soit hérisse d’autant d’écueils que celui de nos connaissances en Physique, si l’on tient compte surtout de la difficulté de discerner les travaux qui doivent rester, dans l’avalanche de matériaux trop souvent médiocres dont la science est de plus en plus encombrée, conséquence inévitable de son extrême diffusion. »

Le Traité de Physique de Chivolson est présenté comme un intermédiaire entre les livres classiques, rédigés souvent en vue d’un programme d’examen déterminé et les mémoires originaux des ouvrages spéciaux.

Le grand traité de mécanique de Tisserand donne une exposition générale des connaissances de l’astronomie à la fin du XIXe siècle. C’est une œuvre magistrale et durable qui remplace le traité de Laplace ; c’est un ouvrage qui condense tous les résultats antérieurs au point de vue mathématiques et physiques.

Le traité de géologie de Hang est le plus récent. Il est fort étendu (4 volumes). Il renverse toutes les théories antérieures, montrant le dynamisme dans les phénomènes.

Le traité de géologie de Lapparat a remplacé en 1882 tous les traités précédents. En 1903 avait déjà paru la 6e édition. Il a pu, grâce à son succès, être tenu à jour. Il est comme un répertoire de connaissances de la terre à notre époque. L’ouvrage de Suess, grâce à son point de départ tectonique, a plus de vie. Le livre de Haug donne un enseignement par les gravures, qui enlève définitivement à la géologie ce qu’elle avait autrefois d’un peu rébarbatif.

Le grand ouvrage d’ensemble sur la paléontologie de Κarl von Zittel est une revision complète des connaissances acquises sur les animaux et les plantes fossiles avec une histoire de chaque groupe, de son origine, de son évolution et de ses rapports vraisemblables avec les rameaux voisins.

Le grand ouvrage d’Yves Delage et E. Hérouard, Traité de zoologie concrète, peut être considéré comme un traité type.

Dans le cours de zoologie de J. Lensen, l’auteur choisit, comme type, pour chaque groupe zoologique, un animal dont la description permet de dégager les caractères du groupe entier.

À propos d’un traité qui a fait époque (Les colloïdes, par J. Duclaux, chef de laboratoire à l’Institut de France. Paris, Gauthier Villars, 1920), on a fait l’observation suivante : que sur le nombre de travaux ayant pour objet l’étude théorique d’une matière nouvelle, il arrive qu’ils ne s’inspirent pas d’une doctrine unique. L’esprit se perd alors au milieu des contradictions et une mise au point s’impose. Le premier moyen est de réunir toutes les données certaines en un ensemble cohérent. Le second consiste dans l’élimination de détails inutiles et surtout des doctrines périmées. Les théories se succèdent en révélant des formes de plus en plus parfaites. On peut reléguer dans l’histoire beaucoup de lois et de règles reconnues fausses ou inapplicables qui, très connues auparavant, continuent à subsister pour la forme et la tradition.

Il y a des rassemblements de données connues qui sont éparses. Par exemple, les poissons du Japon avaient été décrits dans des recueils non seulement du Japon mais dans tous les pays ; ils exigeaient des recherches bibliographiques absorbantes. Un répertoire dressé par MM. Jordan Tanaka et Snyder (Journal of the College of Science, Imperial University of Tokio ; t. XXXIII, 1, 1913) en a rassemblé et coordonné tous les documents dispersés.

Les ouvrages raisonnés des sciences appliquées ont une très grande importance. Il faut dresser sur des bases scientifiques et précises les préceptes de l’application, il faut raisonner la pratique et l’emploi des choses. Il s’agit d’une part de considérer les objets et êtres décrits, tels qu’ils se comportent dans la nature et tels qu’on doit les envisager par rapport à l’usage que nous faisons d’eux. « Il s’agit de montrer comment les problèmes nombreux et parfois complexes que soulève la pratique, trouvent leur solution dans les études scientifiques et comment par suite ces dernières devant prendre leur rang et occuper leur place qui est la première, il est nécessaire de les exposer telles qu’elles sont, comme d’en présenter toutes les conséquences. »[8]

i) La médecine a une matière immense à recueillir et à systématiser. Les traités sont des œuvres considérables.

Le nouveau traité de médecine et de thérapeutique a été publié en fascicules sous la direction de MM. Brouardel et A. Gilbert (40 fascicules. 200 fr. Paris, Bailère 1906).

Il est dit dans la préface : « Laissant aux dictionnaires et aux traités du temps jadis, la forme antique de lourds volumes, incommodes à consulter encore plus à lire, le nouveau traité parait en fascicules séparés, entièrement distincts, ayant chacun leur titre, leur pagination propre, leur table des matières. Chaque fascicule se vend séparément et forme un tout complet réunissant les maladies qui constituent des groupes naturels.

Pour assurer à la publication une plus grande rapidité, les fascicules sont publiés aussitôt prêts, sans tenir compte de l’ordre des numéros »

Le Traité d’hygiène publié par Brouardel et Mosny, avec un grand nombre de collaborateurs (Paris, Baillière et Fils) est divisé en 20 fascicules qui ont paru mensuellement, mais sans suivie l’ordre des numéros afin d’assurer une publication plus rapide, écueils où s’étaient heurtés jusqu’à présent les grands traités de médecine publiés en gros volumes avec des collaborateurs multiples.

j) Le Droit présente cette particularité qu’il a dans la pratique non moins que dans la théorie, besoin de textes et d’interprétation de texte. De là l’importance des traités de Droit. L’ordre suivi par l’exposé des traités de Droit fournit un moyen en quelque sorte mécanique de se retrouver dans le dédale des opinions et des décisions judiciaires.

Un ouvrage de droit anglais, tel que celui de Taylor Law of evidence as administered in England and Ireland cite dans ses 1253 pages environ 10,000 cas.

Les Pandectes belges (Corpus Juris Belgici) inventaire général du droit de la Belgique, par Edmond Picard et ses collègues comprennent plus de 120 volumes. Son fondateur a rapporté dans un écrit spécial intitulé Une grande aventure juridique, la genèse et le déroulement de ce grand travail.

Le Traité pratique de droit civil français de MM. Planiol et G. Ripert est entrepris avec le concours de professeurs des facultés de droit. Il paraîtra sous une forme condensée un exposé complet de la doctrine de la législation et de la jurisprudence. Il comprendra 13 volumes de 800 à 1000 pages et un 14e consacré aux tableaux. Il combine en un seul ouvrage les avantages d’un exposé méthodique de doctrine, d’un répertoire de jurisprudence et d’un code annoté.

Le Traité de droit international public de Pradier-Foderé est en 8 volumes d’un millier de pages chacun. Il est accompagné d’une table analytique de 198 pages.

Du Droit Romain de Georges Cornil (Aperçu historique sommaire ad usucum cupidæ legum juventutis. Bruxelles 1921, X-746 p.) son rapporteur a dit : c’est le fruit magnifique de trente années d’enseignement et d’une vie toute consacrée à l’étude et à de sérieuses recherches. Il résume de façon personnelle tous les travaux antérieurs sur la matière, y compris ceux de l’auteur. C’est en 700 pages tout ce que la pensée humaine a, jusqu’à nos jours, enfanté de plus savant et de plus profond sur ce grand sujet renouvelé de siècle en siècle : le droit romain que les modernes comprennent mieux que les Romains eux-mêmes ont jamais pu le comprendre. C’est un chef-d’œuvre en son genre

k) Sous le titre « Les archives du manuel social », publié sous la direction des PP. A. Vermeersch et A. Muller S. J., paraissait périodiquement en forme de fascicules d’importance variable, des études dont l’ensemble composera un Manuel doctrinal de première valeur sur toutes les questions sociales à l’ordre du jour. Le fond de cet ouvrage sera constitué par la réédition refondue, mise à jour et considérablement augmentée du Manuel social du P. Vermeersch.

l) Le Manuel de littérature de Brunetière se divise typographiquement en deux parties : en haut des pages, un « discours » d’affilée sur la suite de lettres françaises jusque environ 1880 ; en bas des notices consacrées aux divers auteurs.

m) Les traités d’histoire sont les œuvres dites de seconde main qui sur le fondement de documents originaux exposent les conclusions des auteurs sur les faits. Il y a le traité d’histoire générale et le traité d’histoire spéciale.

Le difficile est le bon sectionnement des séries. Ex. :

Le répertoire chronologique de l’histoire universelle des Beaux-Arts, depuis les origines jusqu’à la formation des écoles contemporaines, par Roger Peyre. Vérification des dates. Concordances de l’Histoire des Beaux-Arts chez tous les peuples. Paris, H. Laurens, 534 p.

Par année, sous chaque année par pays, une table alphabétique des noms propres usités.

Dans l’Histoire spéciale (ex. : Histoire de l’Art). Il s’agit de présenter un tableau de l’histoire, l’évolution avec assez de détails pour que l’entraînement puisse en être suivi.

La difficulté est de faire une place aux influences des matières exclues des sujets traités. Il est impossible dans le traitement d’une matière si vaste et si complexe de conserver pour chaque partie des coupures rigoureusement synchroniques. Mais on s’efforcera du moins que le groupement et l’enchaînement logiques des œuvres et des faits ne soient jamais rompus.

n) Les grands Grundrisse des Allemands sont élaborés en collaboration d’après des plans généraux dressés par les directeurs de la publication. Ex. : Le Grundriss de Ueberweg.

o) Il existe de grandes collections de traités ou manuels. Par ex. en français la collection des manuels Roret pour les divers arts et métiers.

La nouvelle collection des « Mises au point » (Paris, Gauthier Villars) a pour but de compléter avec un minimum d’efforts l’instruction générale scientifique et de la mettre au courant de l’essentiel de la science moderne. Ce ne sont pas des traités didactiques, ni des ouvrages de documentation, mais bien des livres de lecture scientifique ; nulle formule n’arrêtera le lecteur et des figures schématiques ou photographiques éclairent constamment le texte. Un index sommaire des récentes publications accompagne chaque volume. Celui-ci comprend :

1° un rappel des principes essentiels nouveaux et anciens ;

2° un tableau juste, assez complet et détaillé, très clair avec références et documentation (modérée) de l’état actuel des sciences, tant comme principe que comme application, en insistant davantage sur les plus récentes, peu connues du public d’âge mûr, sans négliger l’historique de la science étudiée, l’enchaînement des découvertes, l’évolution des idées et doctrines et le perfectionnement des méthodes ;

3o des conclusions générales de l’extension possible de la science envisagée, les possibilités d’évolution des théories et des principes ; enfin les principaux problèmes qui restent à résoudre et perfectionnements à réaliser.

La collection des « Manuels Hœpli » comprenait dès 1906 plus de 900 volumes. Cette collection forme la plus vaste encyclopédie des sciences, des lettres et des arts ayant paru en Italie. Les manuels portent sur toutes les branches. Leur prix varie de fr. 1.50 à 12 fr.

On a appelé « encyclopédie » une collection de traités sur les branches des sciences humaines ou sur toutes les branches d’une science complexe.

241.214 MÉTHODES. DESIDERATA.

Une méthodologie du traité se dégage progressivement de l’expérience. Plusieurs auteurs dans leur introduction en ont formulé certains principes.[9] Des observations, recommandations, desiderata sont à formuler à ce sujet.

a) Le traité doit être concis. Dire beaucoup de choses en peu de mots, tel est l’idéal du bon traité. Mais la concision ne saurait être au détriment ni de la précision, de la clarté, ni de la complétude.

Il doit résumer la multiplicité des faits et les découvertes quotidiennes. Le but est de dégager des milliers de monographies des « contributions » entassées sur les rayons des bibliothèques, les résultats positifs et les vues générales qu’il semble permis désormais de considérer comme assurés. C’est utile ne fut-ce que pour marquer plus nettement sur la carte les frontières des terræ incognitæ.

Le traité résume à l’usage des débutants tous les travaux antérieurs de manière à leur rendre l’étude plus aisée et à leur fournir sur toutes les recherches qu’il leur plairait d’entreprendre un point de départ et une méthode.

Ils ne doivent pas être aussi complets que possible, mais l’auteur doit se préoccuper de ne jamais laisser le lecteur sans aucun renseignement sur un sujet. Les détails sont l’affaire des ouvrages plus spéciaux.

b) Le traité doit être complet ; il doit être l’exposé de toutes les matières de la science à laquelle il est consacré.

Il y a lieu d’envisager le traité le plus complet et en tirer ensuite des types moins complets, soit qu’on y omette des parties, soit qu’on en résume d’autres.

En principe, il y a donc des traités de type élémentaire (minimum), moyen, supérieur (maximum).

Des procédés typographiques peuvent faire distinguer les degrés de l’exposé. Par ex. dans le sommaire et dans le corps même des chapitres, les idées et les faits de première importance sont imprimés en caractères gras qui attirent l’œil. (Ex. ; Cours d’histoire : Ch. Guignebert, L’Europe et le moyen âge, de Dupont Ferrière).

Chaque paragraphe du texte est résumé en une phrase liminaire composée en caractères gras. (Ex. ; Résumé aide-mémoire d’histoire de la littérature française de De Plinval.)

c) Le traité doit faire application des formes bibliologiques les plus avancées. Tout ce qui a été dit des parties et de la structure du livre se retrouve ici. Un traité en fait est la réunion on une superstructure bibliologique de divers éléments structurés plus simples. (Par ex. : le chapitrage, les notes historiques et autres, les tables, la bibliographie, les illustrations, etc.)

Ainsi les idées générales qui dominent chaque science comme prémisses ou comme conclusion, les lois qu’elle établit, les grandes séries de faits et les formules qui les résument, sont exposées dans des paragraphes dont chacun porte un numéro d’ordre et se complète par une suite de notes imprimées en caractères plus fins. Dans ces notes sont indiquées les idées d’une importance secondaire et les applications particulières de chaque loi ; les assertions sommaires sont justifiées par des renvois aux ouvrages spéciaux d’où elles ont été tirées ; parfois même les plus importants des textes que l’auteur a visé sont transcrits en entier. Par là, le lecteur est ou dispensé de recourir aux sources ou mis à même de savoir auxquelles il doit s’adresser aux plus riches et aux plus privés.

d) Le traité doit être coordonné, il doit être synthétique. Les propositions les plus importantes sont à présenter dans l’ordre optimum de leur enchaînement. Beaucoup d’auteurs, pris de court par le temps, se bornent à reproduire comme chapitre d’un livre des études particulières parues en articles dans les revues ou présentées dans les congrès. C’est un avantage de posséder en un même recueil l’ensemble de leurs pensées, mais ce serait un avantage plus grand s’ils s’astreignaient — travail long, méticuleux et difficile — de reformer leurs divers écrits sur une matière en un seul qui se présenterait dans l’unité de son corps d’idée et de sa forme d’expression.

e) Le traité doit être systématique. La rédaction alphabétique est la plus éloignée de toutes des principes de la classification naturelle. Il faut dès lors, chercher à donner à la rédaction systématique tous les avantages de la recherche systématique. (Voir ce qui a été dit sous le no 224. Exposés systématiques.)

La méthode de découverte n’est pas forcément celle qui convient à l’exposé des résultats acquis. En fait cet exposé se fait de deux façons s’il s’agit de toute une science : sous forme de dictionnaire ou sous forme de traité.

Dans le dictionnaire on expose à chaque mot ce que l’on sait de l’objet correspondant en utilisant toutes les lois qui s’y rapportent. On fait donc une synthèse d’explications. Il en résulte qu’en général un tel article ne sera compris que par un lecteur déjà familiarisé avec les lois elles-mêmes. Les dictionnaires sont commodes pour chercher des renseignements, des détails que l’ordre alphabétique permet de trouver aisément, mais ils ne donnent aucune idée de l’enchaînement des lois scientifiques, c’est-à-dire de l’essentiel de la science.

Le traité se propose d’exposer cet ordre, un ordre linéaire et logique, mais il ne donne pas la moindre idée de la façon dont la science se fait. Ils sont précieux pour les gens de métier, savants ou étudiants. Dans les parties les plus avancées des sciences où l’enchaînement déductif des lois est bien conçu, ils sont d’admirables monuments de logique.

En somme, pour décrire l’arbre de la science, ou bien on le met en morceaux qu’on étiquette et qu’on range dans l’ordre alphabétique : c’est le dictionnaire. Ou bien on le décrit en allant des racines vers les feuilles : c’est le traité synthétique, mais pour des raisons variées, on en éloigne toutes ou presque toutes les feuilles.[10]

f) Le traité doit offrir de l’unité. Il est nécessaire que les gros traités soient faits en un seul traité, de temps et conçu avec un rigoureux esprit d’unité, faute de quoi l’indécision se produit dans les recherches et le défaut de proposition dans les vues. Les sciences, les faits ne marchent point d’un pas régulier. Sur certains points, ils sont stationnaires sur d’autres ils se transforment avec rapidité ; leur variation et leurs progrès sont subordonnés aux variations et aux progrès des sociétés. Il faut à un moment donné en tracer le tableau, ce que ne peuvent les périodiques.

g) Le traité pourrait être à la fois impersonnel en ce qu’il rapporte l’état de la science œuvre connue et personnel en ce qu’il donnera un classement et une direction de pensée aux données exposées et qu’il rattachera aux diverses matières classées des données nouvelles et originales.

h) Le traité doit être à jour.

Le traité classique en élimine cependant tout ce qui trop récent ou trop individuel encore, risque d’être éphémère. Il doit aussi éliminer tout ce qui est tombé définitivement en désuétude et n’est plus pris en considération ou au sérieux par personne. Cependant il signalera en note l’existence du récent et du périmé.

j) Le traité doit présenter des concentrations classées de données. Il y a des travaux possibles avec l’appareil bibliographique existant, mais fastidieux et provoquant le gaspillage du temps. Ainsi par ex., avec certains traités de zoologie, l’étudiant est obligé de prendre un animal et de rechercher dans le chapitre anatomique tout ce que l’on dit de lui en citant son nom entre parenthèses, à la suite de quelque courte indication, de manière à se constituer un type au moins sur lequel il puisse reposer son esprit. Mais jamais il n’y arrive, car celui que l’on cite à propos de l’appareil digestif n’est plus cité quand on passe au système nerveux ou aux organes de la reproduction. Il n’arrive jamais que le même soit pris à propos de toutes les fonctions et l’étudiant se résigne, de guerre lasse, à prendre les choses comme il les trouve et à rester dans le vague des abstractions. Ce travail qu’il n’a pu faire, c’est à l’auteur à le faire pour lui. C’est à l’auteur à lui présenter les choses dans la forme où il le désire, où il a besoin qu’elles soient pour en avoir une notion précise et pour les retenir. (Yves Delage.)

j) Le traité, par son contenu et sa présentation, sera un stimulant au développement de la science et non une cristallisation. En montrant les progrès dans le passé, il doit être un rappel pour le progrès dans l’avenir ; en indiquant les points acquis, il doit signaler les problèmes posés et restant à résoudre.

Le traité ne doit pas chercher à imposer le statu quo dans l’encre et le papier, et à le perpétuer sous cette forme.

k) Le traité sera l’ouvrage essentiel de l’exposé fondamental de chaque science, l’ouvrage intégral. On y trouvera à leur expression optimum, les divers éléments bibliologiques combinés entre eux également.

l) Le traité fera partie intégrale de l’organisation de la documentation et de l’édition.

Il en sera partie notamment : 1° en mettant en œuvre toute la série coordonnée des formes bibliographiques élémentaires ; 2° en s’établissant en corrélation avec la série des formes fondamentales de publication (encyclopédie, revue, annuaire, atlas, bibliographie) ; 3° en appliquant les règles formulées pour la publication et pour la bibliographie ; 4° en étant une contribution au plan de la Documentation universelle.

m) Le traité sera largement en coopération. L’organisation suivante, déjà largement esquissée dans la réalité, permettrait d’arriver à une documentation intégrale. Elle reposerait à la fois sur l’enseignement, sur les services scientifiques officiels et sur les sociétés scientifiques, les chaires des instituts supérieurs, les séminaires similaires de tous les pays, qui sont presque tous membres des associations internationales. Celles-ci pourraient assumer en coopération systématisée et continue, établir un traité fondamental de chaque science. Puisque les matières ont à être enseignées partout, le travail de mise au courant de la matière est déjà effectué par les professeurs. Les cours partout devraient être objectivés par un traité complet mis à la disposition des étudiants. Les assistants des maîtres, aidés d’étudiants, auraient la tâche de l’élaboration matérielle des traités au moyen des matériaux publiés de divers côtés.

241.22 Encyclopédie. Dictionnaire.
241.221 NOTIONS.

a) L’encyclopédie est l’ouvrage qui traite ou prétend traiter de toutes les sciences humaines. L’encyclopédie est aussi le terme donné à la connaissance de tout ce que l’homme peut savoir. Le mot vient du grec enkuklopaideia qui signifie littéralement cercle de sciences, de en dans, kuklos cercle et paideia, instruction science.

b) Le mot encyclopédie a reçu cinq sens différents : 1° l’encyclopédie dite universelle : l’ensemble d’une science dans toutes ses notions abstraites et concrètes ; 2° l’encyclopédie dite vulgaire : notions sommaires sur toutes les parties d’une science ou des sciences ; c’est l’encyclopédie des gens cultivés ; 3° l’encyclopédie comme science préliminaire, notamment pour préparer aux études ; 4° l’encyclopédie comme science complémentaire (compléter les lacunes des études) ; 5° l’encyclopédie philosophique : ensemble des généralités abstraites et permanentes d’une science : les normes ou premiers principes ; les constantes.[11]

c) L’encyclopédie répand des connaissances sur tout ce qu’il n’est plus permis à personne d’ignorer : science, industrie, technique, histoire, art, société. Elle permet de suivre partout le mouvement grandissant de l’évolution humaine. À notre époque la curiosité de la pensée est devenue générale et l’encyclopédie est devenue l’outil de cette curiosité. C’est l’âge où la riche matière des dictionnaires se systématise en encyclopédies méthodiques.

Nous sommes, disent toutes les œuvres, à l’âge de l’encyclopédie. Elles ajoutent : l’esprit le mieux nourri n’est pas celui qui connaît les choses, mais celui qui sait où les trouver (n’est-ce pas là une nouvelle version de la primitive devise de l’Institut International de Bibliographie : « Quid scit ibi scientiae habendi est proximus » ). Il faut créer l’habitude de recourir à l’encyclopédie (Encyclopedia habit). L’encyclopédie est la pierre angulaire (Cornerstone) de la Bibliothèque. Elle est le lien entre tous les livres. La voilà pénétrant déjà dans l’école et de là elle pénétrera à la maison, comme le dictionnaire a débuté aussi par l’école aux États-Unis. Elle est le moyen illimité de répondre aux questions sans limites. Pas besoin comme aux livres d’index placé à la fin ; tout sujet, si large ou si spécial, figure à sa place alphabétique propre. Et ils ajoutent encore : les connaissances qui ont coûté à l’homme des centaines de millions, on les achète aujourd’hui pour un prix vraiment insignifiant.

d) Les ouvrages en la forme dictionnaires sont utiles pour concentrer des renseignements nombreux où l’on se préoccupe plus de la précision et de la « monographie de chaque sujet » que de leurs liens de dépendance et de connexion. Ce sont par excellence des ouvrages que l’on consulte au lieu de les lire de la première à la dernière page. Les Dictionnaires comme les Encyclopédies sont des instruments plus souples que les infidèles mémoires. Ils les aident et laissent les hommes plus libres, plus dispos. Ils fournissent vite, à toute heure, suivant les besoins de l’instant, les renseignements, la documentation de la vie, des sciences, des métiers. Ainsi l’instrument d’information par excellence est le dictionnaire dont la forme offre un ordre plus large, mais de consultation plus aisée que l’ordre logique ou scolaire des questions.

Un dictionnaire se compose de notices et chaque article étant un tout complet par lui-même, est plus compréhensible que les parties des traités qui reposent sur l’exposé antérieur. On peut donc les comprendre directement et par là tout en restant scientifique, on obtient un résultat de vulgarisation. On vise à donner l’exposé complet et scientifique des faits connus jusqu’à ce jour.

e) Il y a inconvénients et avantages à la forme dictionnaire : il est impossible d’y trouver une question traitée dans son ensemble et il faut aller en chercher les éléments dans dix articles et parfois dans dix volumes. C’est le morcellement arbitraire et indéfini avec les doubles emplois et les répétitions innombrables. C’est l’absence complète de méthode et d’unité mal dissimulée par la régularité apparente que consacre l’ordre alphabétique. La lenteur avec laquelle paraissent les volumes et le nombre auxquels ils s’élèvent lassent souvent la patience du public.

Un traité et un dictionnaire ne rendent pas les mêmes offices. Quand on cherche un renseignement précis sur un point quelconque, on le trouve rarement dans un traité dogmatique. Ceux-ci étant des ouvrages classiques doivent être courts et peu coûteux, insuffisants et détaillés. Un dictionnaire facilite les recherches par le fait d’un vocabulaire détaillé. Certains articles très généraux sur des questions fondamentales peuvent constituer de véritables monographies rapprochant le dictionnaire du traité.

Une science pour être complète doit sortir des limites trop étroites où on la tient souvent enchaînée et envahir les domaines qui lui étaient autrefois interdits en les traitant du point de vue de la science envisagée.

Certes, sur ces sciences connexes, on n’utilisera que des livres communs et des mémoires déjà publiés, sans prétendre user du neuf ; mais ce sera déjà une œuvre bien importante que de rassembler les données éparses, de manière à les présenter dans leur ensemble. En outre, l’histoire d’une science, la biographie et la bibliographie ne sont guère présentées dans les traités. En conclusion, le dictionnaire n’est pas le manuel ni le traité. Il n’a ni la belle ordonnance ni l’enchaînement des idées qu’on admire dans ces ouvrages. L’ordre alphabétique s’y oppose. Il brise fatalement la suite logique, les intéressantes discussions sur les points controversés. En revanche il donne en peu de signes tout ce que le lecteur a besoin de savoir ; il replace les faits, les choses, les personnages dans leur vrai cadre, il résume les découvertes, le tout débarrassé des difficultés techniques et mises à la portée des esprits peu cultivés.

241.222 HISTORIQUE.

L’idée de réunir dans un seul ouvrage toutes les connaissances humaines est fort ancienne. Les premiers livres confondaient tout ; c’était des polygraphies dans toute la force du terme. L’œuvre du temps a consisté à distinguer les genres. Aussi les anciens livres sacrés, la Bible notamment, étaient de véritables encyclopédies. Moïse et Confucius ont été des centralisateurs. Les exposés de la philosophie antique, épanouis dans l’œuvre d’Aristote, offrent une idée de l’encyclopédie. Les écrits des polygraphes grecs, ceux de Caton, Varon et Pline, ont un caractère encyclopédique. Au Ve siècle de notre ère, Martianus Capella réunit en un seul livre les sept sciences qui composaient alors tout le savoir humain : grammaire, dialectique, rhétorique, géométrie, astrologie, arithmétique et musique. En avançant dans le moyen age, on rencontre des encyclopédies spécialement consacrées à telle ou telle science et connue sous le nom de « Summae » ou « Spécula ». Salomon, évêque de Constance, tenta au IXe siècle un Dictionarium Universale. L’œuvre littéraire gigantesque du moyen âge est l’encyclopédie d’Albert Le Grand, 21 volumes in-folio dans l’édition Jammy (1615) et 38 in-quarto dans l’édition Borgnet (1890-99). Saint-Thomas d’Aquin produisit sa Somme qui a traversé les âges. Sous le régime de saint Louis, au XIIIe siècle, le dominicain Vincent de Beauvais composa à la demande du roi, son Speculum historiale, naturale, doctrinale et morale, vaste compilation destinée à reproduire les notions éparses dans les divers écrits. Cependant dans tous ces ouvrages l’idée d’une encyclopédie demeurait encore incomplète. Des tentatives plus précises furent faites dès le commencement du XVIIe siècle. En 1606, un professeur de Brême, Mathias Martins, traça le plan d’une encyclopédie complète : Henri Alated publia à Herborn une Encyclopedia VII Tomis distincta (1620). Bacon, par sa classification méthodique des connaissances humaines (1620), sera le germe de ce qui devrait au XVIIIe siècle produire de véritables encyclopédies. Le dictionnaire historique et critique de Bayle (1696) a exercé une immense influence sur la direction des idées au XVIIIe siècle. On l’a appelé une œuvre à l’allemande, une compilation informe de passages cousus à la queue les uns des autres. L’auteur ne cherchait qu’un texte, un prétexte pour développer ses propres idées.

La plus célèbre des encyclopédies fut celle fondée par Diderot sous ce titre « Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et métiers, par une société de gens de lettres, mis en ordre par Diderot et quant à la partie mathématique par d’Alembert (1751-1772. 28 vol., suppl. 1776-1777, 5 vol. ; table analytique et raisonné, 2 vol. 1780). »

En tête de l’Encyclopédie fut donné le fameux Discours préliminaire, supérieur, disait Voltaire, à la Méthode de Descartes et égal à ce que Bacon a écrit de mieux.

L’Encyclopédie ne traitait que de certains sujets choisis relatifs aux lettres, aux arts, aux sciences ou aux métiers. Et elle les présentait dans leur ensemble.

Cet immense recueil fut plusieurs fois réimprimé. Monument grandiose des connaissances humaines et de l’esprit philosophique novateur, l’Encyclopédie fut un instrument de guerre en même temps qu’une œuvre de science. La Révolution y puisa la plupart de ses principes. Une infinité de publications du même genre ont paru depuis dans divers pays.

Les Encyclopédies se sont succédées en France, après la première. Le « Dictionnaire philosophique » de Voltaire. L’« Encyclopédie méthodique » éditée par Panckouke et Agasis (1782-1832) en 201 volumes ; articles classés par matières constituant de cette sorte une série de dictionnaires particuliers de diverses sciences. « Encyclopédie moderne » (1824-1832). « Encyclopédie des gens du monde » (1831-1844). « Dictionnaire de la Conversation. Encyclopédie nouvelle » (1834). « Encyclopédie catholique » (1838).

Le grand dictionnaire universel du XIXe siècle, de Pierre Larousse (1865) se propose ce programme : Combiner le dictionnaire et l’encyclopédie, enregistrer dans l’ordre alphabétique tous les mots, quels qu’ils soient, en groupant autour de chacun d’eux les faits et les idées qui s’y rattachent et en donnant l’explication immédiate, faire un dépouillement complet du savoir humain répondant à la formule « Instruire tout le monde sur toutes choses ».

En Angleterre, il y eut un mouvement encyclopédique parallèle à celui de la France et le devançant parfois. « The Encyclopedia » de Chambers est de 1728. L’Encyclopédie britannique publiée à Édimbourg (1771) a abouti à l’Encyclopedia Britannica de nos jours. (Voir ci-après.)

En Allemagne, de nombreuses encyclopédies furent aussi publiées. Celle de Zedler (1751), de Jablonsky (1767), de Koster (1778), de Hübner, l’Allgemeine Encyclopädie de Ersch continuée par Grüber (1818), le Konversations Lexikon de Brockhaus.

La Chine s’est montrée de bonne heure le pays des encyclopédies. Le Paï-Wen-Yun-Fou est celle qui contient avec la langue tout ce qui concerne la Chine dans l’ordre physique et moral. Il est dû à 76 lettrée réunis à Pékin sous la présidence de l’Empereur Khangh-hi, œuvre de 127 volumes terminée en huit ans (1711).[12]

241.223 ESPÈCES.

a) On distingue les encyclopédies générales et spéciales, les exposés alphabétiques des exposés méthodiques, les encyclopédies réelles des dictionnaires de la langue, les traités, les encyclopédies des textes, des collections qui reproduisent les notions et les données.

On a distingué aussi les ouvrages encyclopédiques, lexicographiques et les ouvrages biographiques, ces deux dernières catégories devant cependant être tenues comme des contributions importantes à l’Encyclopédie totale.

La Terminologie est insuffisamment fixée. Les termes encyclopédies et dictionnaires s’emploient indifféremment quand l’œuvre est alphabétique. Parfois le terme encyclopédique a été attribué à des traités systématiques (par ex. l’Encyclopédie des sciences mathématiques).

b) D’une manière générale, il y a deux grands types d’encyclopédies : l’encyclopédie analytique qui prend le type de dictionnaire, qui enregistre les détails et qui sert de « dock » aux curiosités de l’esprit ; l’encyclopédie synthétique qui présente les éléments essentiels et expose le savoir selon les grandes lignes de la classification.

c) Les grandes collections fractionnées en petits volumes constituent en fait de véritables encyclopédies systématiques. Ainsi les collections allemandes telles que « Grosschen Sammlungen » et « Aus Natur und Geisteswelt » (Verlag Teubner).

241.224 TYPES D’ENCYCLOPÉDIE.

Il existe un grand nombre de grandes encyclopédies. L’existence des unes a facilité l’établissement des autres.

a) L’Allemagne possède diverses grandes Encyclopédies. Le « Brockhaus » et le « Meyers Konversations Lexikon ». Celui-ci a été fondé en 1826. À chaque édition, le nombre de volumes augmente. (17 volumes de la 5e édition avec 10,500 illustrations et un tirage accusé de 250,000 exemplaires). La grande encyclopédie allemande « Der grosse Herder » (Herder et Cie. Freiburg, Maison Catholique). Elle ajoute aux données documentaires des réflexions et des conseils pratiques. Abondamment illustrée.

L’encyclopédie « Brockhaus » a instauré ce procédé de retirer de la circulation les anciens exemplaires, en les reprenant en payement d’une partie du prix. Car il ne suffit pas de lancer des livres nouveaux, il faut empêcher l’encombrement produit par les anciens.

b) L’Italie a mis sur pied une encyclopédie nationale. Un mécène — c’est la première fois que cela se produit — a fondé un institut pour établir cette encyclopédie. Il y aura trente-deux grands volumes illustrés.

D’autre part, une « Enciclopedia delle enciclopedie » est en cours, en 16 parties spéciales de 1,000 pages, mais en vente séparément. L’œuvre sera complétée par deux volumes de dictionnaire synthétique. Comprenant tous les mots du savoir suivi d’une brève interprétation et de références aux volumes où la matière a été traitée, c’est donc une fusion de la méthode alphabétique et de la méthode synthétique (trattatistico).

c) L’Encyclopædia Britannica a été fondée en 1768. La 14e édition récemment parue offre des faits typiques du degré de développement où en sont arrivées les grandes encyclopédies. L’édition a été réalisée par la coopération de 3,500 collaborateurs de partout. Il a été dépensé £ 400,000 avant toute impression. L’œuvre totale a coûté £ 500,000 (environ 62 millions de francs belges). Il n’y avait plus eu refonte de l’Encyclopædia depuis vingt ans. Les éditeurs annoncent leur œuvre comme la première Encyclopædia « humanised », pratique au plus haut degré, complètement « pictured » (illustré) et non seulement à jour, mais « à la minute ». Elle est l’œuvre d’une firme : « The Encyclopædia Britannica Cy Ltd », qui a fait copyright tout son contenu en 1929. L’éditeur en chef a été Mr. J. L. Garvin. Les éditeurs ont formulé ainsi les buts multiples qu’ils ont eu en vue : Pour tous ceux qui désirent comprendre le temps extraordinaire où nous vivons, les nouveaux mécanismes, les nouvelles structures sociales et économiques. Le « digest » des informations universelles que l’on peut obtenir n’importe où, sur n’importe quel sujet. Toutes les connaissances assimilées par l’Humanité et les informations indispensables sur aujourd’hui. Accessibilité immédiate à toutes les connaissances, les faits et les théories, tout ce qui est arrivé dans le monde et tout ce qui existe aujourd’hui. La solution apporte à généraliser des problèmes qui se posent à chacun à chaque instant dans la vie, dire comment faire une multitude de choses. Elle répond au besoin de lecture. Elle permet de continuer seul son instruction, la matière y étant exposée par les meilleurs maîtres.[13]

L’Encyclopédie comprend approximativement le contenu de 500 livres de format moyen. Au prix moyen de 10 s. 6 d. chacun, cela ferait £ 262.10 s., soit approximativement dix fois le prix de l’Encyclopédie. Elle comprend 500 cartes, dont 192 en couleurs, et réunies en un volume avec un index géographique de 100,000 noms de lieu (Atlas-Index), Des bibliographies sont données à la fin de chaque article pour diriger la lecture. L’index alphabétique comporte un volume séparé : il comprend 500 mille rubriques, 15,000 illustrations visualisant le texte, plus de 1,200 planches, dont beaucoup en couleurs.

En tête de chaque grand article traitant des grandes divisions de connaissances, il y a une introduction indiquant quels articles sont à lire pour avoir une connaissance appropriée du sujet. Ceci est une caractéristique nouvelle.

Le papier de l’Encyclopédie est approprié à son objet. C’est le résultat d’années d’expériences. Il a été spécialement fabriqué. Le corps est de pur sulfite et chiffons. Il est de couleur crème claire, opaque et velouté. Les pages sont faciles à tourner.

C’est un fait remarquable qu’une œuvre de cette ampleur puisse être produite sous la forme d’une entreprise privée. Elle marque une audacieuse tentative pour étendre de plus en plus le marché de l’Encyclopédie et par une publicité commerciale appropriée pour faire comprendre dans les milieux de la science, de l’éducation, de l’administration, des affaires, dans le milieu des familles, les avantages de posséder l’instrument d’étude et d’information qu’est une grande encyclopédie. Le prix complet est de £ 27 6 avec reliure en pleine toile et meuble pour contenir les volumes. Le prix est de £ 1 à la commande mais il y a 25 payements mensuels consécutifs de 23/9 chacun. L’Encyclopædia Britannica projette de reprendre et grouper en volumes spéciaux tout ce qui concerne telle branche de science et de l’activité humaine.

d) Les Soviets ont mis en publication la grande encyclopédie russe. Aux États-Unis l’Encyclopedia Americana est complétée par « The Americana, an Encyclopedia cf Current Events ». D’autre part, la World Book Encyclopedia avec sa nouvelle édition en 12 volumes, 8,000 pages, 10,000 illustrations, a coûté un million de dollars d’établissement.

En Espagne, l’Encyclopedia España est fort bien documentée et abondamment illustrée.

L’Encyclopedia Espasa, de la maison « Espasa Colpe », comprend 70 volumes.

L’Encyclopédie anglaise « Europa » est sur feuilles mobiles.

Pour la France, le Larousse du XXe siècle en 6 volumes comprend 200,000 articles, 50,000 gravures.

La « nouvelle encyclopédie française » est en préparation. M. de Monzie en a conçu le plan. Selon la préface, il ne s’agit plus d’établir une compilation, ni un dictionnaire « qui serve de dock » aux curiosités de l’esprit. Les manuels, les ouvrages de diffusion élémentaire ne manquent point.

L’originalité de l’encyclopédie, qui comptera dix à douze volumes, consistera dans la substitution à la formule alphabétique, encore observée dans la dernière encyclopédie, publiée sous la direction de Marcelin Berthelot, d’un classement nettement méthodique. Et, pour faciliter les recherches, un dernier tome recensera alphabétiquement toutes les matières traitées. Enfin, suivant des règles à définir, l’ouvrage sera constamment mis à jour des progrès scientifiques. Les biographies seront réduites au minimum ; aucune dépense somptuaire d’illustrations n’entravera l’achèvement de la tâche.

Les méthodes qui interviendront à l’origine dans la répartition des sujets seront de la rigoureuse et féconde loi de la division du travail. L’esprit de parti sera exclu. On fera appel à l’Université, mais il ne s’agit pas d’une œuvre universitaire.

Les ressources ? Il s’agit ici d’une entreprise désintéressée. Elle ne demande rien au budget. Par des dons, des legs, l’autonomie civile devant lui être octroyée par le Conseil d’État, elle devra s’assurer des fonds. Ni les libraires, ni les éditeurs ne siégeront au comité. S’il y a bénéfice, il ira à la caisse des lettres et des sciences. L’œuvre s’inspirera de l’esprit de dévouement qui anime les savants.

241.225 ENCYCLOPÉDIES ET DICTIONNAIRES SPÉCIALISÉS.

Les encyclopédies et dictionnaires spéciaux existent pour toutes les branches de nos connaissances : philosophie, sciences, arts, littérature, histoire, religion. Bible, etc.

Voici quelques exemples et quelques particularités :

a) Parmi les anciennes publications, on peut citer : l’encyclopédie des sciences philosophiques de Hegel (1817), l’encyclopédie d’anatomie et de physiologie par Tood (Londres. 1835-1859), l’encyclopédie de la littérature anglaise de Chambers (1843), l’encyclopédie de la littérature américaine (1857), l’encyclopédie de théologie protestante de Herzog (1853-1859).

b) En pédagogie : de 1903 à 1910 paraissent en 10 volumes « l’Encyclopädisches Handbuch der Pädagogik » ; en 1905 le « Paedagogisch Woordenboek » hollandais ; en 1911 le « Nouveau dictionnaire de pédagogie » sous la direction de F. Buisson. Maintenant voici en Allemagne le « Lexikon der Pädagogik der Gegenwart » sous la direction de Pieler (1930) ; en Italie « Pédagogia » de Santamaria dans l’« Enciclopedia delle Enciclopedie », M. Formiggini.

Le nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de F. Buisson s’est assigné ce but : Donner aux maîtres un guide pratique et sûr de toutes les connaissances qui leur sont utiles, pour qu’ils orientent convenablement leur enseignement, pour qu’ils connaissent bien l’œuvre à laquelle ils sont voués et pour qu’ils aient une idée exacte de l’avenir qui les attend.

Le dictionnaire donne à la fin une table alphabétique des articles avec renvoi aux pages, pour permettre de se rendre compte de l’ensemble des sujets traités et, parcourant d’un coup d’œil les titres des articles, de voir quels sont ceux où ils pourront chercher un complément d’information sur tel ou tel point donné, In fine la liste des collaborateurs en faisant remarquer que les articles non signés doivent être attribués a la Direction du Dictionnaire. La liste indique la qualité des auteurs, mais non les articles dont ils sont l’auteur dans le dictionnaire.

c) Dans le domaine de la technique, les dictionnaires techniques illustrés de A. Schloman sont publiés en anglais, français, allemand, italien, espagnol et russe. Les éditions nouvelles apportent constamment des extensions et perfectionnements.

Le « Pitman’s technical dictionary of engineering and industrial science in seven languages » (le 7e est le portugais) est édité par S. Slater avec une large collaboration.

L’encyclopédie technique des aide-mémoires Plumon (Paris, Béranger, Liège) est divisée en fascicules traitant chacun d’une partie bien déterminée de la technique. Cette division permet à chaque ingénieur, grâce à un nouveau mode de reliure, de se composer lui-même son aide-mémoire suivant ses besoins et avec le minimum de frais.

d) L’Encyclopédie des sciences mathématiques de ce siècle est le résultat d’une collaboration de mathématiciens allemands et français. L’auteur de chaque article de l’édition allemande a indiqué les modifications qu’il jugeait convenable d’introduire dans son article et d’autre part la rédaction française de chaque article a donné lieu à un échange de vues auquel ont pris part tous les intéressés.

L’importance d’une telle collaboration, dont l’édition française de l’encyclopédie offre le premier exemple, n’échappera pas. Une édition anglaise suivant les mêmes principes était en préparation en 1914.

e) Dans le Dictionnaire de Physiologie de Ch. Richet, le premier mémoire mentionné et indiqué immédiatement après le mot même, est le mémoire fondamental et les indications bibliographiques principales. Les indications contenues dans ce mémoire, on ne les reproduit plus, et l’on se contente de rapporter, sans autre citation, les résultats scientifiques obtenus par les auteurs qui y sont cités. Pour tout le reste, il y a l’indication des sources auxquelles il a été puisé.

f) Le dictionnaire médical de Dechambre déjà réédité comprend 100 volumes.

g) Il y a des encyclopédies juives en français, allemand, anglais, russe.

211.226 DICTIONNAIRE, LEXIQUE, VOCABULAIRE, GLOSSAIRE.

a) Un dictionnaire est un recueil de mots d’une langue ou de plusieurs langues, rangés dans un ordre, tantôt méthodique, le plus souvent alphabétique. On donne aussi le nom de dictionnaire à certains recueils ou répertoires alphabétiques (dictionnaire de chimie, d’histoire naturelle, de sciences). Le lexique est un petit dictionnaire qui renferme un choix de mots, ceux qui ont été employés à une époque ou par un auteur, ou qui appartiennent à tel genre. Le vocabulaire est un dictionnaire alphabétique contenant les mots d’une langue avec une explication succincte, ou bien les termes particuliers à une science, à un art, à une époque, à une littérature. Enfin, le glossaire est un dictionnaire où l’on explique certaine mots moins connus.

Le dictionnaire, dit Camille Lemonnier, est le trésor inépuisable de l’éloquence et du savoir humains ; c’est le recueil énorme où se décante l’expérience des âges.

La lecture des anciens dictionnaires est pleine d’intérêt. On se rend compte immédiatement de la conception des hommes du temps sur les sujets éternels.

b) Les plus anciennes compilations auxquelles on puisse donner le nom de dictionnaire de la langue ne paraissent pas remonter au delà du règne d’Auguste. On en a donné deux raisons. Pour songer à compiler un tel ouvrage, il faut que la langue sur laquelle on travaille soit déjà à son apogée sinon à son déclin et aussi que l’on ait sous les yeux la collection des ouvrages écrits dans cette langue. Avec l’établissement du centre intellectuel d’Alexandrie, ces conditions se réalisaient. Le premier en date est le Lexique homérique d’Appollonius le sophiste, recueil des mots employés par Homère, qui parut à Alexandrie au temps d Auguste. Il est suivi d’une série de glossaires et de dictionnaires, œuvres embryonnaires d’Andromachus, de Pollux, d’Harpocration d’Alexandrie, de Photius de Suidas, etc.

Ce n’est qu’au XIe siècle qu’on trouve l’essai sérieux d’un dictionnaire ; il est d’un certain Papia, surnommé le Lombard, qui lui donna le titre de Elementarium. C’est un vocabulaire latin dans lequel l’auteur a fait entrer, comme exemples, des vers et des passages grecs. Au XVe siècle Jean Crestone, carme de Plaisance, rédigea un dictionnaire grec-latin (1476). En 1523, Guarnio de Tavera publia un lexique grec intitulé : Magnum ac perutile Dictionarium. En 1572. Henri Estienne, continuant les travaux de son père, mit à jour son fameux Thesaurus lingae graecae (5 vol. in-folio). Puis on vit paraître le premier dictionnaire où les mots français avaient été rangés par ordre alphabétique, celui de Nicot publié après la mort de l’auteur par le libraire Jacques Dupuys. Alors parut le Dictionnaire de l’Académie française (1694) dont la 17e édition a été publiée en 1844. L’Académie travaille constamment à des revisions. C’est un exemple à la fois d’une œuvre collective et d’une œuvre à édition continue.

Le dictionnaire étymologique de Menage est de 1650 ; le dictionnaire français de Richelet, de 1680 : le dictionnaire de Trévoux de 1704, le dictionnaire universel de la langue française, avec la prononciation figurée (1813), le dictionnaire de la langue française de Littré.

Le premier dictionnaire anglais (latin-anglais) remonte au Xe siècle, et se trouve dans une grammaire latine. Le fameux dictionnaire de Johnson qui domina tout le domaine de la lexicographie anglaise est de 1755. L’américain Noah Webster publia son dictionnaire en 1806. L’English Dialect Dictionary en 6 volumes fut achevé en 1905. Ce fut Charles Richardson (1775-1868) qui le premier fit attention à la signification changeante des mots. De là sortit l’« English Oxford Dictionary » commencé par la Philological Society en 1842 et achevé en 1928 grâce au travail de J. A. H. Murray.[14]

c) Un dictionnaire est un catalogue de mots. C’est la matière première de la langue enregistrée et tout nouveau dictionnaire incorpore les anciens. Un dictionnaire est ainsi un ensemble de monographies classées alphabétiquement. Ces monographies peuvent être établies suivant un même plan et embrasser toutes les mêmes éléments présentés chaque fois dans un même ordre. Ainsi le Dictionnaire de la langue latine, de Freund, donne les éléments : 1° grammaticaux ; 2° étymologiques ; 3° exégétiques ; 4° synonymiques ; 5° historiques spéciaux ou chronologiques ; 6° rhétoriques ; 7° statistiques.

Dans son dictionnaire grec-français, Alexandre résume et classe nu commencement des grands articles les différents sens d’un mot, en renvoyant par des chiffres aux exemples qui les confirment.

Il existe un dictionnaire parallèle des langues russe, française, allemande et anglaise, par Ph. Reiff (Carlsruhe, 4e édition).

d) Des dictionnaires de la langue ont été établis à divers points de vue, d’après divers principes et selon divers ordres de classement : dictionnaires d’étymologie (par ex. pour le français ceux de Scheler et de Stappers), dictionnaire du type dit analogique ou des idées suggérées par les mots (par ex. ceux de Boissière et de Rouaix), dictionnaire idéologique (Robertson), dictionnaire historique des mots de la langue, dictionnaire logique (Le Blanc, Elie Blanc), dictionnaire des rimes, etc.

241.227 DESIDERATA. MÉTHODES.

a) De l’étude des encyclopédies, on peut dégager les desiderata suivants : 1° intégralité ; 2° classification méthodique adaptée au but de synthèse en même temps que d’analyse ; 3° impartialité ; 4° collaboration ; 5° continuité.

b) Les encyclopédies ont à fournir des renseignements exacts, complets et détaillés sur toutes choses, embrasser toutes les connaissances humaines en l’état actuel de la science ; toute la langue, toutes les terminologies avec les mots les plus nouveaux, tous les hommes, tous les faits, toutes les idées jusqu’à aujourd’hui.

c) La forme la plus avancée serait pour chaque science une encyclopédie systématique ; 2. éditée en connexion avec l’internationale de la science qui en détient le plan et la constitution ; 3. reliée au système de publication de cette science ; 4. établie en coopération internationale et interspéciale ; 5. que chaque chapitre ne soit pas seulement l’œuvre d’un spécialiste mais d’un comité de spécialistes de divers pays se mettant d’accord sur un texte minimum et indiquant leurs variantes propres.

d) La forme dictionnaire est appropriée au premier stade d’une science, alors qu’il s’agit de recueillir les faits. Un dictionnaire spécial peut être entrepris par un groupe d’hommes disposés à poursuivre des observations annotées et à dépouiller du point de vue de la science et de ses questions les sources documentaires qui existent. Il est travaillé selon un plan d’après lequel la matière est répartie par ordre alphabétique. Le travail est réparti entre collaborateurs. On fait usage de fiches d’un format arrêté d’avance. Chacun établit sur elle la matière dont il a accepté la charge. Un double des fiches est remis au Secrétaire qui collectionne le tout. Quand tout est centralisé, un Comité de rédaction met de l’ordre et rédige en forme le ou les dictionnaires.

e) Parlant du Dictionnaire de la Bible, Vigoroux s’exprime ainsi : « Un dictionnaire de la Bible ne saurait remplacer un commentaire. Un dictionnaire doit noue dire nettement, précisément, sans verbiage, sans parti pris, ce qu’on sait actuellement de certain ou de probable d’un tel personnage, tel fait, telle théorie. Les articles d’un dictionnaire doivent être comme des monographies détaillées quoique concises : ils doivent résumer et condenser à notre usage ce qui a été écrit de plus judicieux sur chaque point particulier. »

f) Il ne faut pas se méprendre sur le caractère et la valeur du travail encyclopédique. Sainte-Beuve, bien qu’avec une exagération malheureuse, a écrit : « La moindre lettre de Pascal était plus malaisée à faire que toute l’Encyclopédie. » La vérité est celle-ci : le travail de création et de synthèse est une chose ; le travail de collectionnement, de réédition, de classement, de résumé et de définition en est une autre. Deux travaux également utiles et absolument nécessaires. Toute synthèse ne vaut que parce qu’elle repose sur des faits abondants et contrôlés ; tout inventaire de ces faits vaut surtout s’il peut conduire à des synthèses.

g) Les auteurs, des éditeurs et des libraires se sont spécialisés dans le domaine des dictionnaires.[15]

Edison avait une bibliothèque constituée uniquement de dictionnaires. Cela lui épargnait beaucoup de temps, car il y trouvait rapidement l’information dont il avait besoin.

h) Sur la conception d’une encyclopédie rationnelle, universelle, internationale, voir l’exposé dans la 4e partie.

241.31 Revues. Périodiques proprement dits.
241.311 NOTION.

a) Par publications périodiques on entend au sens large les journaux politiques, littéraires, scientifiques ou professionnels, ainsi que les publications de même ordre paraissant périodiquement (notamment les journaux de modes et les publications publicitaires). Au sens restreint un périodique ou « publication en série » (serial publication) est toute publication paraissant à des intervalles réguliers ou irréguliers, avec un numérotage consécutif et avec un terme non fixé d’avance.[16] Elle est sauf exception due à une collaboration. En général, elle est spécialisée quant au sujet et quant aux pays, régions ou localités. Le mot « Magazine » emprunté à la langue anglaise, désigne un périodique illustré paraissant ordinairement une fois par mois. Le IXe Congrès international des Éditeurs a donné du périodique cette définition (au point de vue des tarifs postaux) « les Publications, Journaux et Revues, Recueils, Annales, Mémoires, Bulletins (en collection) paraissant au moins une fois par trimestre » — la Bibliothèque Nationale de Paris, beaucoup plus large, étend la définition aux publications paraissant plus d’une fois par an. D’après le tarif postal français, cessent d’être considérées comme périodiques les publications paraissant moins d’une fois par mois.

b) Les connaissances relatives aux périodiques (sciences et arts du périodique) ont droit à des noms similaires aux autres connaissances et elles donnent lieu à une distribution ou classification analogue. En conséquence : 1° Périodicologie sera le nom de la science du périodique ; elle observera et décrira (périodicographie) ; elle expliquera par causes et effets, par genèse et état de coexistence ; elle systématisera dès lors en lois (périodiconomie) ; elle commencera donc en analyse et elle finira en synthèse. 2° Périodicotechnie sera le nom de l’art du périodique ; la manière de le rédiger, éditer, diffuser, conserver au mieux et avec le maximum d’efficience. 3° La périodicoéconomie sera le nom de l’ensemble des mesures tendant à organiser les efforts pour donner aux périodiques, dans la société, au degré local, régional, national, international, toute l’expansion que mérite leur utilité.

c) Quelques chiffres donneront une idée du nombre des périodiques. En Belgique il oscille autour de 2,200. Une liste des périodiques du monde parus de 1900 à 1921 et se trouvant dans les Bibliothèques de Grande-Bretagne a relevé 24,678 titres. Le tirage des périodiques est fort différent de l’un à l’autre. Le tirage de « feuilles de loisir », par exemple, est considérable en Allemagne : la Berliner Illustrierte Zeitung a un tirage de 1,753,580 exemplaires, la Münchener Illustrierte Presse 700,000, la Kölnische Illustrierte, 300,000.

241.312 HISTOIRE, ÉVOLUTION DES PERIODIQUES.

L’histoire des périodiques est rendue difficile parce que l’on a peine à distinguer les commencements de ce que nous appelons une Revue. Au début, la dénomination de Journal, qui a prévalu plus tard sur celle de Gazette, fut d’abord réservée aux recueils littéraires et scientifiques. On appelait alors Journal un ouvrage périodique qui contenait les extraits des livres nouvellement imprimés avec en détail des découvertes que l’on fait tous les jours dans les arts et dans les sciences (encyclopédie). Ce fut, disait-on, un moyen inventé pour le soulagement de ceux qui sont ou trop occupés ou trop paresseux pour lire les livres entiers.

1. On a distingué cinq époques dans l’histoire de la littérature périodique : 1° sa naissance au XVIIe siècle ; 2° son jubilé au XVIIIe quand en Angleterre Addison et Steele produisirent leurs brillants travaux ; 3° sa rapide expansion dans la première moitié du XIXe siècle ; 4° la révolte des spécialistes dans la dernière moitié du siècle ; 5° la vaste production d’aujourd’hui avec comme objectif l’approbation du public.

2. La France et l’Angleterre ont marché de pair pour le développement de la presse périodique, l’une ou l’autre étant première pour tel genre ou pour tel genre. Le développement a été similaire en Allemagne, mais avec moins d’intérêt pour le périodique qu’en Angleterre.

3. Le commencement du périodique est marqué par la publication des catalogues de livres, avec bientôt des notices et commentaires. Puis paraissent en France le Journal des Savants (1665), Nouvelles de la République des Lettres de Bayle, les Mémoires de Trévoux ; en Grande-Bretagne les Acta Philosophica (1665), les Philosophical Transactions (1665) de la Royal Society ; en Allemagne les Acta Eruditorum (1682). Vinrent ensuite des appréciations critiques par des hommes compétents, puis des contributions originales, des mémoires. Il fallut pour faire le Journal des Savants (1665) une large collaboration. Dès 1702, l’abbé Bignon institua une compagnie pour continuer le « Journal des Savants ».

4. Le XVIIIe siècle commence l’« essai » et conçoit le périodique comme un type : Spectator (1711) Gentleman’s Magazine, Guardian (1712). La politique commence à être mêlée à la littérature. On tire jusqu’à 4,000 exemplaires. Mais le Stamp Act vient apporter un frein à la franche critique. Trait caractéristique au XVIIIe siècle, on voit en Amérique chaque ville de quelque importance désirer avoir sa propre revue exprimant l’opinion de la ville et dirigeant le goût littéraire des habitants.

5. Au début du XIXe siècle paraissent en Angleterre des revues de haut style. Edinburgh Review (1802) qui se continua 127 ans jusqu’en 1929, Quarterly et Blackwood qui proclama « qu’il voulait relever le goût en littérature et appliquer les principes philosophiques et les maximes de vérité et d’humanité à la politique. »

6. Dans les 50 dernières années naquit le Magazine populaire (All the Year Round, 1859) ; Cornhill (1860), Mac Millan’s Magazine (1860). On voulait distraire le public. En France, ce qu’on appela journaux de lecture et de récréation n’apparut que plus tard. Les premières revues pour les enfants parues à Brooklyn aux États-Unis (The Young Misses’Magazine) suivies d’un grand nombre à partir de 1870.

7. La fin du XIXe siècle vit se produire les grandes revues scientifiques sous l’empire d’une réaction et aussi par nécessité d’une communication plus ample, plus rapide et plus étendue entre savants. Ainsi la Classical Review (1887), l’Asiatic Review (1875), La France fut en avance sur ces types de revues, car le Journal du Palais (Droit) date de 1672 et les Nouvelles découvertes dans toutes les parties de la médecine de 1679.

8. L’illustration dans les périodiques arrive dès les années soixante. L’English Illustrated Magazine est de 1864. C’est l’un des ancêtres du périodique illustré. En 1871 le Strand Magazine obtient un immense succès au moment même où W. T. Stead crée la Review of Review. Très tôt en France paraissait Le Tour du Monde de Charton et L’Illustration qui demeure le maître parmi les illustrés. Il faut attendre le XIXe siècle pour voir se constituer des revues proprement dites et la fin de ce siècle pour assister à l’efflorescence des organes des corps scientifiques et professionnels de toute catégorie.

241.313 BUT. FONCTION.

La Revue prend place entre le Livre et le Journal et sa fonction s’en trouve déterminée. Le Livre est généralement une œuvre individuelle sur un sujet particulier et qui est achevé au moment de sa parution. Le Journal est dû aussi à une collaboration, mais il paraît d’ordinaire tous les jours et contient des nouvelles de toutes espèces. La supériorité du Périodique sur le Livre provient de la spécialité de ses articles émanant chacun d’une compétence. L’auteur d’un livre n’est pas également versé dans tous les domaines du sujet qu’il traite et cela se constate en le lisant. Les revues sont devenues les moniteurs, les journaux de l’information dans tous les domaines. Elles assurent à tous l’information rapide de toutes les nouveautés, dans le domaine des lettres, des arts, des sciences, de l’éducation, de la philosophie, de l’industrie, du commerce, de l’agriculture, de l’économie politique et sociale, etc. Le Congrès International de la Presse Technique et Professionnelle (1929) a proclamé que c’est à la Presse technique que revient le rôle de diffuser de par le monde les derniers progrès. Une bonne revue ne peut laisser passer d’idées neuves sans les signaler et les discuter. Ne pas confondre un périodique avec un ouvrage publié par livraison. Ainsi Spencer a publié ses premiers principes par livraisons périodiques. Six livraisons formaient un volume. Souvent les articles publiés dans nos revues par un auteur donnent lieu à publication d’un livre. Mais toute la matière scientifique qui figure dans les périodiques est loin de passer en forme de livre. Ainsi notamment en astronomie. Les journaux quotidiens eux renferment abondamment la matière de l’Histoire au jour le jour et à ce titre ils doivent être conservés. Les revues devraient supposer l’existence des grands ouvrages imprimés auxquels leurs articles font naturellement suite, ouvrage de longue haleine déjà fortement en retard sur ce que l’on peut avoir appris au moment de leur parution. Les revues ont une valeur durable : a) parce que la science ne se renouvelle pas totalement tous les trois ou quatre ans ; b) parce qu’elles contiennent le développement historique des questions ; c) parce que les conditions financières des travailleurs individuels ne leur permettent pas de renouveler périodiquement les livres mêmes de leur bibliothèque. Cependant les périodiques anciens n’ont pas une égale importance pour toutes les sciences et cela à raison du caractère des sciences traitées. Ainsi les périodiques de Mathématiques, de Philosophie, d’Histoire, par exemple, ont une valeur permanente ; ceux de Médecine et de Technique, par contre, sont vite périmés.

241.314 CLASSES DES PERIODIQUES.

Les périodiques se divisent en deux classes principales : 1° les périodiques publiés d’une manière indépendante ; 2° les publications qui apparaissent sous les auspices d’un corps. Les unes ont un nom individuel (ex. Annales de Bretagne), les autres ont un titre général (ex. Rapport, Bulletin, Journal). En principe chaque organisme tend à avoir sa Publication périodique, Revue ou Bulletin, en laquelle sont publiées les informations qui le concernent. En attendant la possibilité de créer leur propre publication, certains organismes disposent d’une partie ou rubrique dans les publications de tiers. La coopération pourrait conduire les associations à s’entendre pour publier ensemble ou par groupes similaires un périodique collectif. Dans une couverture commune, elle contiendrait des feuilles ou cahiers mobiles. Il y aurait là économie d’impression et de transport en même temps que bonne division du travail et bien des publications d’étendue réduite pourraient se présenter ainsi avec plus d’aspect, être sûres d’avoir accès dans les bibliothèques.

La Revue est une forme en évolution constante et à la recherche de son propre équilibre. Elle tend tantôt vers le Journal, tantôt vers le Livre (quand par ex. un numéro entier est consacré à une même question, à une même œuvre, à une même personnalité et qu’il en est fait un tirage spécial parfois numéroté.[17]

Il a paru des revues « en volumes » comme on pourrait les appeler. Chaque numéro contient avec une pagination particulière des feuilles qu’on peut réunir pour former cinq ou six volumes contenant chacun un ouvrage à part. On a créé récemment des journaux qui substituent aux revues petit format et à composition compacte des publications de grand format comme les quotidiens à six ou huit colonnes, avec titres en caractères grands, variés, retenant l’attention et facilitant la lecture parcourue, avec illustration abondante, d’information récente. Par ex. Pax (Paris) pour les questions internationales ; Le Siècle Médical (Paris) pour la médecine. Ce périodique comporte 14 pages. Il est bimensuel et ne coûte que 20 centimes. La manchette porte qu’il est « exclusivement réservé au Corps médical ». Il fut créé en 1927 grâce à l’initiative des laboratoires du Synthol et de leur puissante organisation. En 1930 il s’est complété par une édition en langue espagnole. Les Américains et les Anglais publient beaucoup de collections de brochures (pamphlets) qui paraissent sans périodicité fixe mais sont numérotés. Des revues se créent pour faire connaître spécialement les peuples les uns aux autres : la Revue d’Allemagne en français, en anglais The french Quarterly, « une revue donnant une vue (survey) adéquate et impartiale des différents aspects des activités intellectuelles françaises d’un point de vue moderne ».

241.315 PARTIES.

La revue comprend trois éléments fondamentaux : a) les rubriques permanentes permettant de suivre la science ou l’objet du périodique, le mouvement sous ses divers aspects ; b) les études sur des points particuliers (monographies) ; c) les études synthétiques qui exposent un problème dans toute son étendue et sa complexité. Un bon périodique spécial se compose donc de rubriques les unes variables, les autres permanentes. Il se compose éventuellement : 1° d’un éditorial présentant certains faits, en soulignant l’importance ; 2° d’articles de fond ; 3° de mélanges et variétés, documents inédits, notes, critiques, etc. ; 4° de bibliographies méthodiques (de comptes rendus critiques) ; 5° d’une chronique donnant des précisions sur les travaux entrepris ou en cours, l’état présent d’une question, des détails intéressant les personnes, etc. (faits, documents).

L’« article » est l’écrit de dimensions régulières qui s’insère dans les périodiques et autres publications analogues et dans lequel on traite de questions plus ou moins importantes.

241.316 OPÉRATIONS. FONCTIONS.

On ne citera ici que pour mémoire les noms des chapitres dont il y aurait lieu de traiter sous cette appellation générale. Il s’agit du Cycle entier des opérations relatives à la production (rédaction, impression, édition), à la distribution (librairie), à la conservation (bibliothèque), à l’utilisation (lecture, consultation).

241.317 PÉRIODICO-ÉCONOMIE. ORGANISATION.

La périodico-économie traite des mesures d’organisation. En principe celles-ci se divisent en deux groupes : 1° celles relatives à l’organisation intérieure de l’entité productrice d’un périodique ; 2° celles relatives à l’organisation générale de l’ensemble des périodiques.

1. Organisation scientifique du travail et documentation : tous les principes et recommandations en ce qui concerne la bonne organisation de ces institutions et administrations trouvent à s’appliquer ici (organisation du bureau, organisation scientifique du travail).[18]

Les périodiques sont amenés à organiser leur propre documentation qui doit comprendre : a) ce qu’ils ont imprimé, les manuscrits et lettres ; b) ce qu’on leur envoie à imprimer et qui ne l’est pas ; c) les nouvelles qu’ils apprennent de leurs correspondants ; d) les nouvelles des agences de presse non publiées par eux ; e) les autres revues et journaux ; f) les autres sources de documentation. Les revues trouvent dans leur documentation le moyen de publier instantanément des informations étendues au sujet des faits qui leur sont annoncés sommairement par lettres ou télégrammes. Connaissant la valeur de leurs correspondants, ils trouvent aussi dans leurs lettres des éléments précieux d’orientation parmi les nouvelles recrues de sources tierces.

2. Finances. Les revues indépendantes et qui disposent d’une rédaction et d’une administration bénévoles vivent de leurs abonnements ou s’il s’agit d’une association éditrice et de leur bulletin, des ressources qui en proviennent. On estime souvent à 500 le nombre minimum d’abonnés nécessaire pour couvrir les frais d’impression et de poste. En Belgique, il existe un certain nombre d’abonnements obligatoires : a) aux publications officielles par les communes ; b) au bulletin religieux (semaine religieuse) par les paroisses aux frais des fabriques d’église. En Belgique aussi, le gouvernement, représenté par ses divers ministères, souscrit souvent des abonnements pour encourager les périodiques.

3. Exposition : des expositions de périodiques ont été organisées en diverses circonstances. Elles ont été combinées avec l’exposition du Livre en général à Leipzig en 1914 et avec l’exposition de la Presse en général à Cologne en 1927 (Pressa). Une exposition de la Presse a eu lieu à Tifflis en 1930. Une exposition de la Presse périodique belge a eu lieu au Palais Mondial en 1922, due à la coopération de l’Union de la Presse périodique, de l’Institut International de Bibliographie et du Musée de la Presse.

4. Concentration des périodiques : devant le nombre considérable de périodiques, nombre qui s’accroît de jour en jour, on doit se demander s’il est nécessaire qu’il y ait tant de périodiques scientifiques. Il serait désirable de voir réaliser plus de concentrations dans les périodiques, des fusions, des simplifications, des cartels. La transformation des périodiques dans de telles directions s’imposera au triple point de vue scientifique, technique et financier.

5. Le périodique dans les bibliothèques : Le périodique a conquis sa place dans les bibliothèques. Entré modestement chez elles, il y a plusieurs décades, il y occupe maintenant une place grandissante, au point qu’en certaines il a fait l’objet d’un département spécial. La Bibliothèque Royale de Belgique possède maintenant 4,000 périodiques divers dans la salle publique ; environ 1,500 dans ses réserves, en tout environ 10,000 avec les collections non continuées. Le budget annuel est de 200,000 francs belges. On prépare en ce moment la nouvelle salle qui sera affectée aux périodiques dans la Bibliothèque Nationale de Paris.

La John Crerar Library reçoit 4,168 périodiques courants et 17,000 autres suites comme des rapports annuels et des parties de livres publiées en séries. 11,000 collections de périodiques scientifiques et techniques sont remis au « Science Museum » à Londres.

6. Association et Congrès de Presse Périodique. — Dans de nombreux pays existent des associations autonomes et distinctes s’occupant de presse périodique. Ainsi en Belgique la déjà très ancienne Union de la Presse Périodique. Dans d’autres pays, la Presse périodique et quotidienne sont confondues en un seul organisme de défense et de représentation. Dans certaine pays même la Presse périodique n’est pas dégagée des associations d’éditeurs. Par contre, là où l’évolution différentielle est plus accentuée, on trouve des associations de Presse périodique spécialisées, et là où l’esprit d’entente et de coopération est insuffisamment développé, on trouve sous des noms différents plusieurs associations en concurrence et rivalité. Au delà des Associations Internationales ont été constituées avec leurs Congrès internationaux (Association, Fédération). Il y a le Congrès, tout général, de la Presse périodique et celui spécialisé de la Presse Périodique Technique.

241.32 Journaux.
241.321 NOTION.

a) Le Journal a été défini pur Hatin : « Tous les écrits quels que soient le mode et l’époque de leurs publications successives qui, par leur titre, leur plan et leur esprit, forment un ensemble et un tout ».[19]

Le journal est une publication qui paraît tous les jours et qui, à raison de son grand tirage et des ressources indirectes qu’il peut en acquérir, est vendu dans des conditions de particulier bon marché. Le journal est le miroir universel de la vie contemporaine ; il peut en être la critique. Le journalisme est devenu à la fois une science et un art. Un journal est un moyen de mise en commun des idées.

« La Presse est le clairon qui sonne la diane des peuples. » — (Victor Hugo, La légende des siècles.)

Le nom de gazette (gazetta, petite pièce de monnaie de la valeur de deux liards, que l’on payait pour lire cette feuille) a été réservé jusqu’en ces derniers temps pour désigner les feuilles politiques. La dénomination de Journal, qui a prévalu plus tard, fut d’abord réservée aux recueils littéraires et scientifiques.

L’étymologie du mot gazette est instructive. Dès 1563, les Vénitiens achetaient au prix d’une gazetta, petite pièce de monnaie, les Notizie scritte, sorte de journal manuscrit, dont l’impression était prohibée. De là le nom de gazette, devenu synonyme de journal. Quant à la Gazette de France, encouragée par Richelieu, qui y faisait insérer des pièces plus ou moins officielles, elle s’appela d’abord le Bureau d’adresse. Ce fut au XVIIIe siècle qu’elle prit le nom de Gazette, auquel furent ajoutés plus tard les mots : de France. Comme elle était soumise à des censures plus ou moins sévères, il y eut, à différentes reprises, des gazettes à la main, c’est-à-dire manuscrites, qu’on distribuait sous le manteau.

b) Il est un aspect tout grandissant du journal. C’est bien lui qui raconte la vie au jour le jour, la vie publique, et ce que, de la vie privée, il rend public. Or il est du Monde un grand théâtre « Theatrum Mundi ». Une pièce immense, aux multiples personnages, aux scènes compliquées, aux épisodes infinis. Le journal raconte cette grande pièce. Aux heures où le drame s’intensifie, où il devient tragédie, comédie, épopée, la lecture de la feuille quotidienne devient passionnée. Il n’y a alors si palpitant feuilleton que la simple succession des dépêches reçues de toutes les capitales. Les journaux dans leur ensemble constituent les pièces les plus précieuses, les plus authentiques de l’esprit de chaque nation. Ils sont parmi les instruments de l’histoire d’une époque sous quelque face qu’on la veuille étudier. Nulle part ailleurs, on ne saurait trouver des renseignements plus nombreux. Et si on leur applique la méthode adéquate, dans leur ensemble plus sûr, c’est en interrogeant ces témoins des événements auxquels ils ont été presque toujours intimement mêlés, en les confrontant, en les contrôlant les uns les autres, qu’on peut arriver à la vérité.

Le journal est avant tout « Journal », c’est-à-dire relation des événements qui se produisent dans le monde au jour le jour, comme au temps d’une vie moins accélérée les « annales » s’écrivaient « à l’an l’an ».

c) Le journal offre ces trois tendances : 1o il s’adresse au public, à la grande masse de lecteurs (chercher à étendre leur nombre) ; 2o il concentre les nouvelles et les informations (s’efforcer de les multiplier) ; 3o étant périodique et assumant une fonction régulière, il tend à être le plus fréquent possible.

d) Le journal constitue une espèce bien caractérisée de document. Il constitue aussi un genre littéraire. Non seulement l’article de journal, son esprit, son allure, sa composition, mais le journal tout entier.

e) Le journal à un sou avant la guerre était même la sorte de livre la plus répandue aujourd’hui. Le journal est devenu la seule lecture de la plupart des gens. Aujourd’hui un grand journal, c’est matériellement et intellectuellement un livre, bien plus, presque une bibliothèque qui paraît tous les jours.

f) La Presse est devenue une puissance intellectuelle qui a extraordinairement grandi, ou plutôt, c’est la communication de la pensée humaine, faits et opinions qui a trouvé en elle un instrument de concentration, d’amplification et de diffusion que l’on ne pouvait soupçonner. Le cardinal Maffi disait à ses prêtres : « Vous prêchez le dimanche ; mais le journal prêche tous les jours et à toute heure. Vous parlez à vos fidèles à l’église ; le journal les suit à la maison. Vous les entretenez pendant une demi-heure ; le journal ne cesse de leur parler. »

g) La valeur de la Presse est bien inégale. Elle constitue même largement une non-valeur et pour certains de ses organes une anti-valeur.

« Les journaux, disait Jules Claretie, forment une usine formidable de renseignements, d’idées, de nouvelles, un moulin à paroles et à polémiques, broyant le grain quotidien, le blé, l’ivraie, les hommes et le meunier même. »

La science contient encore plus de choses que le journaliste le mieux intentionné n’en saurait y mettre. (Jean Labadie, L’Opinion, 18 mars 1922, p. 299)

L’exploitation d’un journal a un double caractère : entreprise de publication (information, polémique, littérature, fantaisie, reportage) ; entreprise de publicité (réclames, annonces, abonnements, fondation d’imprimerie).

Les Français ne pensent plus, n’ont plus le temps de penser ; ils ne pensent plus que par leur journal. Ils ont un cerveau de papier. Drumont.

Les défenseurs du journal moderne répondent à l’enquête de la Revue Bleue (1897) : « N’ayez que des choses sublimes et délicates à me confier, je parlerai un autre langage. Je ne représente plus une aristocratie intellectuelle, je représente la foule. Que la foule ait une âme, je serai une âme aussi. Je suis le Forum antique transporté à domicile : n’ayez que des orateurs dominés par l’idée de la Cité. Je suis la Bible éparse de l’Humanité : faites-moi des révélations dignes du génie de l’Homme. Réformez-vous, je me réformerai avec vous. »

241.322 HISTOIRE DES JOURNAUX.

a) Le journal a déjà une longue histoire dont les étapes peuvent être résumées ainsi. Origine : Abraham Verhoeven (« Nieuwe Tijdinghen ») à Anvers (1605) : Theophraste Renaudot en France (1631). (Bureaux d’adresses et de rencontres.) La Liberté de la Presse. Les Révolutions anglaise puis française donnent essor à la Presse. La presse à vapeur. Journal à bon marché. Marinoni et les presses rotatives. La « Presse jaune » américaine. L’Illustration. Marconi : les journaux conquèrent les océans et les nouvelles diffusées par radio.[20]

b) Les Romains ont connu les journaux, les quotidiens, sorte d’affiches qu’à l’époque de Jules César on allait lire aux carrefours de la ville. « Acta diurna populi romani »[21]

c) Avec, les « Acta diurna », il y a les Actes des premiers chrétiens. Il y a les correspondances des savants du XVIe siècle qu’ont renouvelées Guy Patin, Saumaise et Vossius, correspondances qui étaient les vrais journaux d’alors.

d) On a beaucoup recherché et discuté les origines du journal moderne comme on l’a fait des origines de l’imprimerie. C’est qu’il est difficile de décider à quel moment il y a encore simple écrit de circonstances, pièces isolées se rapportant à un seul événement (Relatio, Zeitung, Tijdinghen. Avviso, Couranten) et à quel moment il y a publication périodique continue. Il semble bien que l’origine doit être recherchée dans les « Nieuwe Tijdinghen » d’Abraham Verhoeven, dont les premiers numéros ont paru le 17 mai 1605.[22]

e) Il y eut au XVIIIe siècle trois sortes de journaux : les gazettes officielles qui ne contenaient rien ; les gazettes orales que M. Funk Brentano a étudiées dans les Nouvellistes ; les gazettes clandestines ou nouvelles à la main, étudiées par Paul Beyle et J. Herblay dans la Nouvelle Revue.

f) Jusqu’à la Révolution, la lecture d’une Gazette, agent de renseignement, demeure le privilège des classes riches. Leur prix était trop élevé pour la bourse des paysans ou des ouvriers. La lecture et la difficulté des communications leur fermaient les campagnes, tout aussi bien que le matériel des imprimeries était impropre à en produire une quantité considérable d’exemplaires. Elles ne recrutèrent guère de fidèles dans les classes proches du peuple. Les petits bourgeois de Paris se cotisaient pour les acheter en commun ou payaient leur location aux cabinets de lecture.

Les journaux révolutionnaires conquirent un instant la foule, une foule restreinte il est vrai, formée par le peuple parisien. Aussi délaissèrent-ils le domaine aride de l’information pour se jeter dans la bataille politique. Aussi les contemporains consacrèrent-ils la presse sauvegarde de toutes les libertés et même éducatrice du peuple. Sous l’Empire la Presse a subi un dur esclavage.

Pendant la Révolution, époque d’effervescence du journalisme, on arbora toutes les dénominations pour lancer un journal. Ils s’appelaient des bulletins, feuilles, annales, chroniques, courriers, postillons, messagers, avant-gardes, avant-coureurs, sentinelles, spectateurs, observateurs, indicateurs, miroirs, tableaux, lanternes, etc.

g) Lorsqu’après Napoléon la presse se releva, elle retourna à son rôle politique. Les hommes de la Restauration l’y convièrent. La plupart des journaux toutefois coûtaient encore fr. 0.15, ce qui tenait à l’écart la masse des paysans et des ouvriers. Toutefois, le journalisme étendit alors le champ de sa clientèle dans de vastes proportions, car il conquit définitivement les provinces où les feuilles de l’ancien régime et surtout de la Révolution avaient déjà poussé d’heureuses reconnaissances.

Vers 1800, les « Nouvelles » de Paris arrivaient en quatre jours ; celles de Londres en dix ; il fallait deux semaines pour recevoir les correspondances de Vienne ; un mois pour celles de Rome.

h) Au XIXe siècle, la révolution dans la diffusion même du Journal fut faite par M. de Girardin. Jusque là le journal, à raison de son prix élevé, était considéré comme un objet de luxe. En 1835, la presse politique comptait à

Paris et en province à peine 70,000 abonnés sur une population d’environ 33 millions d’âmes. La raison était dans leur tarif d’abonnement. Le Journal de Paris coûtait avant la Révolution 24 livres pour Paris et 30 pour la province, le Mercure, bien qu’ordinairement mensuel, 24 et 32 livres, enfin les gazettes étrangères coûtaient, en 1779, celle d’Amsterdam 48 livres, celle de Clèves 42. Girardin fixa le prix de la Presse à 40 francs par an, les annonces devaient couvrir la différence. Dès 1838 la page d’annonce était affermée 150,000 francs. La réforme d’Émile de Girardin, le journal à 5 centimes acheva la pénétration de la presse dans toutes les classes de la société. Ainsi le journal est devenu pour tous, « comme le tabac, comme le café, un besoin impérieux de notre existence. »

L’abolition du timbre sur les journaux a été aussi un pas vers la Presse à bon marché. La publicité en est un autre. Un autre moyen de lancement de la presse fut le roman-feuilleton, dont Alexandre Dumas et Eugène Sue furent les écrivains souvent aussi plus littéraires que moraux.

Le journalisme a pris son essor aussi grâce à la facilité des communications, à la transmission instantanée pour ainsi dire des nouvelles, au perfectionnement de l’industrie du papier et la machine à imprimer.

À la fin du XIXe siècle. Paris possède une soixantaine de journaux quotidiens, qui comptent parmi leurs rédacteurs et directeurs les hommes politiques les plus considérables, passant de la rédaction au pouvoir et du pouvoir à la rédaction. La presse en province compte 3,200 journaux, parmi lesquels près de 1,200 quotidiens.

En 1704 parut en Amérique la première Gazette hebdomadaire. Un siècle plus tard, le journal américain au plus fort tirage ne dépassait pas 900 exemplaires quotidiens. En 1871, on ne comptait pas dans toute l’Amérique plus de 11 journaux arrivant à sortir par jour 10,000 exemplaires. En 1896, le tirage total quotidien des journaux américains s’élevait à 8 millions pour atteindre en 1929 66 millions d’exemplaires. En même temps les formats se sont agrandis et nul ne s’étonne de 60 pages quotidiennes et de 200 pages dominicales de certains journaux.

i) Tous les moyens offerts par la science moderne ont été mis à contribution par le journal pour se procurer des nouvelles (et au besoin les inventer), pour multiplier rapidement ses manuscrits, pour porter instantanément le papier noir et blanc à ses lecteurs.

On voit succéder les inventions suivantes. Jusqu’en 1832, les journaux étaient imprimés à la main. Cette année-là est introduite la presse à vapeur. Puis les presses rotatives (cylindre), La stéréotypie vient permettre de les multiplier, la composition en cylindres courbés la perfectionne. Des machines multiples sont construites combinant 6 ou 8 presses et tirant 100,000 à l’heure. La composition se fait à la linotypie et à la monotypie. L’extension des chemins de fer qui transportent les journaux. La télégraphie, les câbles, les téléphones, la T S. F.

j) De nos jours deux tendances : Les grands journaux de Paris ont pour caractéristique leurs chroniques criminelles. La chronique judiciaire, dit Tarde, à elle seule a fait commettre plus de crimes par la contagion du meurtre et du vol que l’école n’a jamais pu en empêcher. Les journaux de province ont pour caractéristique les personnalités. Parce que le peuple comprend plus aisément les images concrètes que les idées abstraites, ils délaissent la discussion des idées et ne combattent les opinions qu’à coup de personnalités offensantes sur ceux qui les prônent. Tous ils poursuivent non pas le bien de la foule, mais leur argent et la déclaration d’éducation et d’autres belles choses ne sont que des mots de façade derrière quoi se fait la besogne cupide. J. Pigelet.

k) Quant à l’avenir il semble devoir être caractérisé par la concentration des journaux ; la transmission instantanée des illustrations à distance. Les substituts du journal : la radio (journal diffusé, la presse parlante ou informations journalistiques à domicile) ; le cinéma (actualités, la presse filmée). Demain la presse télévisionnée.

241.323 FONCTION DES JOURNAUX. OPINION PUBLIQUE.

a) Aujourd’hui sont intéressés aux journaux : 1° le public des lecteurs ; 2° les gouvernements ; 3° les différentes organisations qui veulent éduquer et diriger les masses, créer ou entretenir des mouvements dans l’opinion ; 4° les propriétaires des journaux ; 5° les journalistes, écrivains, rédacteurs ; 6° le personnel ouvrier, administratif et technique ; 7° les annonciers.

b) C’est par la presse que se poursuit l’œuvre de démolition, de défense et de reconstitution sociale. Le mot de Mgr Ketteler est devenu célèbre : « si Saint Paul revenait au monde, il se ferait journaliste ».

Trois cas sont à distinguer : 1° la propagation de faits et des nouvelles exacts et objectifs. Ils conduisent immanquablement à une meilleure compréhension mutuelle à travers le monde ; 2° la fausse nouvelle. Elle trouble les esprits et les excite les uns contre les autres ; 3° l’absence de nouvelles. Elle engendre l’ignorance et crée la peur avec ses malentendus, et finalement la haine. Il faut compter avec la conspiration du silence. Il est des pays où la Presse n’aborde pas toutes les questions.[23]

Les journaux ont une action quotidienne continue. Il y a eu des campagnes de presse célèbres. Par exemple, celle de Cornély dans le Figaro, à propos de l’affaire Dreyfus. Chaque jour un petit article incisif, éloquent, ramassé, précis, du trait, de la bonne humeur et surtout de la persévérance, de l’unité et de la méthode. Chaque jour une goutte tombait et peu à peu la trouée se faisait dans la conscience publique. Ce fut un merveilleux exemple de ténacité et de persuasion. Que dire de ce qui s’est passé avant et après la guerre : le bourrage de crânes.

c) C’est par la voie de la Presse, et non plus par les revues et les livres que les savants, les explorateurs, les novateurs exposent au public leurs nouveaux concepts, leurs découvertes, leurs théories. Par l’abaissement du prix des journaux, ceux-ci pénètrent partout, jusque dans les bourgades les plus reculées. La politique a fait place à l’information et se réfugie dans les quotidiens spéciaux.

d) On a longtemps pensé que la liberté de la presse à elle seule pouvait être le remède aux maux engendrés par la Presse. Avant la guerre encore, on pouvait écrire de bonne foi :

« Grâce à la liberté de la Presse, le peuple est toujours assuré d’être éclairé du pour et du contre sur toutes les affaires. L’information contradictoire, la discussion, le droit de réponse qui mènent, l’instruction des partis politiques apportent à tous les intéressés les éléments multiples et opposés parmi lesquels on peut choisir les témoignages et juger les dépositions.

Mais par-dessus tout, la liberté de la Presse favorise la défense de tous les intérêts et sauvegarde la nation contre les entreprises de ceux qui, possesseurs du pouvoir, seraient tentés d’en abuser à leur profit, ou bien au bénéfice d’un petit nombre de privilégiés. Si les scandales politiques, si les malversations sont devenus extrêmement rares comparés à ce qu’ils étaient sous l’ancien régime, ce n’est point parce que la nature humaine a changé beaucoup, c’est surtout parce que la publicité des journaux a transformé les administrations en maison de verre où tout se passe au grand jour. À la vérité la liberté de la Presse est indispensable, mais insuffisante. Le problème ici se pose dans les mêmes conditions que pour la liberté économique. Elle est précieuse, mais à soi seule insuffisante. » Jules De Bock, Le Journal à travers les âges, p. 131.

241.324 CARACTÉRISTIQUES.

a) Spécification. Dans sa forme actuelle, avec son esprit, ses tendances, son objet, le journal apparaît donc comme une création tout à fait spécifique, nettement différente du livre et du périodique. Sans doute entre les matières du livre et celles du journal la ressemblance peut exister et rien n’empêcherait de débiter par tranches beaucoup de livres (ex. : feuilletons, etc). Mais la matière ici est secondaire. Le fait de présenter chaque jour à des lecteurs des informations sur des questions qu’ils n’ont pas sollicitée, dans une forme mâchée, kaléidoscopique, panoramique, avec un but comme en a un l’avocat d’une cause, là résident les différences essentielles. Et c’est dans leur maintien et leur accentuation peut-être qu’il faut voir l’avenir du journal. Il n’est pas trop de pouvoir disposer pour deux fins différentes de deux formes bibliologiques qui soient psychologiquement et sociologiquement différentes.

b) Nombre. — En 1846, d’après Bolby, il se publiait dans tout l’Univers environ 3,000 journaux. En 1866, d’après Hatin, le nombre en aurait été de 12,000, avec chaque jour 3,000 versant toutes les vingt-quatre heures sur le globe de 5 à 6 millions de feuilles. Avant la guerre, le nombre de journaux et de périodiques était évalué ensemble à 72,000.

c) Périodicité. — On peut dire que les presses à nouvelles roulent tout le temps. On a des journaux du matin, du midi, du soir et même plusieurs éditions d’un même journal au cours de la journée.

d) Étendue. — Chaque numéro du Temps représente un volume d’environ 100 pages. Voilà 2 millions de pages pour la collection du journal. Le Berliner Tageblatt publie 44 pages, le Lokal Anzeiger 48, la Gazette de Voss 32, sans compter son supplément. Le journal anglais est immense, on le consulte, on ne le lit pas. Le journal allemand est lu du commencement à la fin. Un numéro du Times, du Nieuwe Rotterdamsche Courant, d’un grand journal américain, contient pour un prix minime la matière d’un volume in-8o de 300 pages.

e) Tirage. On peut le connaître par les chiffres donnés de temps à autre dans les comptes et certifiés par les autorités comptables. Le Daily News and Leader publie chaque matin le chiffre de son tirage. C’est un appel à la publicité. En France, chaque jour, 300 journaux couvrent le pays de 18 millions d’exemplaires. Pendant la guerre le tirage du Petit Parisien est monté à plus de 2 millions. Le Berliner Tageblatt. avec ses six suppléments hebdomadaires, arrive a peine à 100,000 exemplaires.

f) Rapidité d’information. — La nécessité d’être le premier à annoncer les nouvelles a fait faire des prodiges. En Amérique les grands journaux préparent d’avance des notices bibliographiques sur tous les grands hommes. On les remet à jour quand ils sont malades et qu’il y a danger de mort. La lutte de vitesse va plus loin. Dans les derniers jours de la mort du Pape, pendant toute une semaine, un des journaux de l’Ohio, imprima chaque matin 500 exemplaires avec ce télégramme : « Rome. Le Pape est mort aujourd’hui. » Ces 500 exemplaires furent régulièrement détruits jusqu’au jour où la mort a été réelle. Ainsi le journal put être le premier de la Cité à annoncer la nouvelle. Pendant que se vendaient les premiers numéros, on imprimait les autres.

241.324.1 Espèces de presse.

a) On distingue les journaux : 1° d’après leur périodicité ou le commencement de leur publicité : quotidien, hebdomadaire ou plusieurs fois par semaine, journal du soir, du midi ou du matin ; 2° d’après leur destination. Ceux qui s’adressent à la masse ou à une élite ; 3° d’après les matières : journaux d’information, journaux politiques, journaux spéciaux ; 4° d’après leur organisation financière. Journaux constituant des entreprises commerciales ; journaux d’État, journaux de partis politiques. Parfois désireux de posséder un journal indépendant, les abonnés en souscrivent les actions (ex. : Le Quotidien). D’autres fois la propriété du journal s’abstient systématiquement de tout ce qui est exploitation. (Ex. Christian Science Monitor.)

b) Presse financière. — Il y avait en Belgique il y a quelques années plus de 500 journaux financiers. Leur nombre se trouve actuellement réduit à moins du quart de ce chiffre. Le procédé de certains de ces journaux est simple : par des études circonstanciées, souvent habilement présentées, mais toujours tendancieuses, arriver à jeter la suspicion sur toutes les valeurs autres que celles du patron du journal et conclure par un conseil d’achat d’ailleurs intéressé en faveur de ces dernières.

c) Journaux de modes. — Le premier journal de mode en France date de 1768 (Journal du Goût ou Courrier de la Mode). C’est par dizaines que l’on compte aujourd’hui les journaux de ce type.

d) Journal mondial. — L’idée se fait jour d’un journal mondial, placé sous le contrôle efficace de tous les intéressés et publiant d’une part les nouvelles, d’autre part les démentis et les rectifications. Un tel journal, tout le monde pourrait le consulter avec confiance pour y trouver une présentation sincère et digne de foi des nouvelles internationales. Un tel journal serait à compléter par une Centrale de radiophonie diffusant journellement ces nouvelles ; et par une Agence internationale de Presse répandant les nouvelles parmi les journaux existants ; par une Union de la Presse internationale, attachée à la Société des Nations et à l’Union Pan-Américaine, par une section d’information au sein de cette organisation ou de l’organisation mondiale qui y serait substituée.[24]

241.325 COMPOSITION ET PARTIES DU JOURNAL.

a) Un journal est composé d’un ensemble de rubriques, les unes permanentes ou périodiques, les autres occasionnelles. Articles de fond divers. Articles de discussions politiques. Nouvelles du jour et faits divers. Roman-feuilleton, nouvelles locales, annonces.

b) Il faut distinguer les nouvelles (news) et les vues (views). Quelques feuilles (papers) sont des journaux (news papers) ; d’autres au contraire tendent à être des revues (views papers). Les journaux sont imprimés, dit Steed, pour dire les nouvelles. Le goût des nouvelles est aussi vieux que le monde ; un apport constant de nouvelles intéressantes et vraies est nécessaire à la vie de tout journal.

c) Le numéro du samedi 14 décembre 1929 d’un grand journal parisien donne une juste mesure de la mentalité de certains organes dits « d’information ». En première page, trois colonnes sur les massacres de Palestine, une colonne sur la trombe d’eau de l’Hérault, trois colonnes sur le cadavre découvert dans une malle, à Lille ; deuxième page : trois colonnes et demi sur le cadavre dans une malle, un conte, un feuilleton et de la publicité. On a souvent dénoncé la façon dont la presse parisienne dite d’information comprend son rôle.

d) La Presse française s’est distinguée à toutes les époques par le soin et la recherche des grandes et belles formes littéraires.

On a demandé que l’article de journal soit court, concis, complet, simple et pourtant élégant ; qu’il ne dépasse pas une colonne, un bon millier de mots. En Angleterre le Globe n’accepte pas d’articles dépassant 1200 mots, le Daily News, mille mots, payés 1 livre, le Daily Graphic, 900 mots. « Je lis rarement sans colère ou sans fatigue un article de raisonnement, tandis que je ne me fatigue pas d’apprendre des faits », disait Zola.

La lecture des journaux est facilitée par des titres détaillés et la place constante des articles.

e) Le classement des matières prend une importance partout dans un journal qui atteint jusqu’à 16 et 20 pages et qui paraît en éditions presque continues. Ce classement prend comme base soit les catégories de nouvelles, soit l’ordre où elles parviennent, soit les pays, soit les « formes » des articles (article de fond, correspondances, reportage, interviews, comptes rendus, etc.)

En général le classement des matières dans les journaux présente quelque chose d’ahurissant, comparé à la belle ordonnance du livre. C’est la confusion même et la lutte entre articles et informations pour capter l’attention. Le journal rappelle le spectacle désordonné de la rue ou du voyage, avec peu d’efforts pour aider l’esprit à classer et lire les faits et à attribuer à chacun son importance relative.

Les feuilles américaines, suivies par les feuilles continentales, classent les matières en amorçant toutes les principales à la première page et en renvoyant pour la suite aux autres pages.

La Neue Freie Presse met ses télégrammes en vedette. La Kölnische Zeitung les éparpille dans son texte pour obliger à le parcourir. Le Berliner Tageblatt met dans chaque numéro le fait sensationnel qu’il faut avoir lu, la Frankfurter Zeitung publie des renseignements détaillés sur des faits de politique internationale ou de commerce.

Voici la décomposition et la mise en page d’un numéro du Daily Telegraph :

1re p. : Annonces de mariages, d’établissements de bienfaisance, de séances musicales, de voyages, annonces légales, etc. — 2e p. : Cours de la Bourse et publicité financière. — 3e p. : Compte rendu des divers marchés commerciaux anglais ; départs des paquebots ; un ou deux articles d’intérêt général. — 4e p. : Chroniques musicales et littéraires avec des clichés d’annonces d’éditeurs de musique et de marchands de pianos. — 5e p. : Articles divers et problèmes d’échecs. — 6e p. : Annonces sportives et chroniques de sport ; informations religieuses et nouvelles diverses. — 7e p. : Suite des diverses rubriques sportives et clichés d’annonces sur deux colonnes. — 8e p. : Annonces théâtrales et annonces diverses de droguistes, parfumeurs, grands magasins ; les informations du jour ; une annonce pour le journal même. — 9e p. : Articles divers, nouvelles. — 10e p. : Informations étrangères ; Bourse des États-Unis. — 11e p. : Critique d’art, nouvelles du continent. — 12e p. : La mode et des annonces de couturières, de modistes, etc. — 13e p. : Informations militaires et navales, annonces à la ligne d’éditeurs, d’institutions, etc. — 14e, 15e et 16e pages : petites annonces diverses.

f) La manchette est la phrase que certains journaux impriment en tête, près de leur titre et qui varie chaque jour. L’Œuvre a lancé ce genre qui est difficile. Une bonne manchette doit être courte et suggestive plutôt qu’explicite. Elle n’impose pas une idée toute faite : elle donne à réfléchir.

g) En dehors de la réclame tapageuse qui attire l’œil, il y a l’annonce proprement dite, qui est comme l’instrument d’une société de services mutuels créée pour le journal et qui est à encourager. C’est le moyen le plus rapide et le plus direct de rapprocher l’offre et la demande. Le Times publie régulièrement plusieurs pages supplémentaires d’annonces, comprenant ensemble de 60 à 80 colonnes de 300 lignes chacune. En Amérique, il y a des jours où le Herald publie 4,500 annonces réparties en 100 colonnes et embrassant toutes les branches d’affaires, tous les besoins de la vie contemporaine. Elles sont rangées avec tant d’ordre et sous tant de rubriques diverses que le lecteur trouve sans peine ce qu’il cherche dans cet océan de lignes microscopiques. Le Times fait parfois 50,000 fr. d’annonces par jour ; une feuille de Berlin, en trois semaines, a enregistré 400,000 fr. d’annonces.

Mais il y a excès maintenant : l’annonce est doublée par la réclame et triplée par la propagande.

Le journal, cette admirable machine intellectuelle, retourne à la matière. Il finit par être entièrement doté par la publicité. Il en a besoin pour vivre, pour faire ses dividendes, alors deux conséquences s’imposent. D’une part, cherchant sans cesse à étendre son tirage afin de pouvoir hausser ses tarifs de publicité, il descend le niveau moyen de ses lecteurs et fait appel à leurs plus bas sentiments, à leur regrettable ignorance. D’autre part, il se tait sur les questions vitales pour ne pas déplaire aux puissants qui lui achètent sa publicité et menacent de la lui retirer dès que les articles parlent clair et franc.

241.326 TYPES DE JOURNAUX.

a) Le journal à combinaison La Croix de Paris, publié par la Maison de la Bonne Presse de Paris. Grâce, à secs 14 modes de combinaison, il se transforme aisément en journal régional, à partie commune et partie spéciale, portant toujours le titre de « Croix ». Ex. : La Liberté pour tous, éditée par la Maison de la Bonne Presse de l’Ouest. Le journal à 4 pages à 5 colonnes, deux pages forment la partie commune, deux pages la partie spéciale réservée à la chronique locale ou régionale. 1,000 journaux avec une page entière de composition spéciale reviennent à fr. 32.50.

b) Camille Lemonnier, vers 1900, écrivait : « Le Soir de Bruxelles a été créé par un typo comme journal gratuit, quasi obligatoire. Il a trouvé le moyen d’avoir des écrivains de talent qui, pour vingt francs, écrivent des articles de trois ou quatre colonnes. Tous les jours, le seul des journaux belges, il publie une chronique de tête sur des sujets de science, d’art, d’utilité publique. Il est une des créations les plus remarquables du journalisme européen. »

c) En 1907, le Daily Mail de Londres a fait paraître une édition en caractères Braille à l’usage des aveugles.

d) Letellier, gros entrepreneur du Panama, allait être compromis dans l’affaire. Un journaliste de beaucoup de talent mais de moralité douteuse le convainquit que pour se défendre il devait fonder un journal. Ce fut l’origine du Journal auquel Xau, en quelques mois, donna le plus grand essor. Le moyen fut simple : la pornographie. Tous les jours un demi-million de Français put s’offrir, pour un sou, deux articles échauffants et en dernière page, aux annonces, de la prostitution. Le succès fut si énorme qu’au cours de la guerre Letellier put vendre le journal quelque vingt millions.

c) Dans la catastrophe qui frappait la civilisation pendant la guerre, dans les émotions élémentaires et vitales qu’elle a soulevées et dans l’universelle floraison d’héroïsme, on a pu voir la preuve des profondes survivances, des forces affectives et des instincts. On a vu ainsi aux prises l’autorité de la raison et de l’intuition et cela si fortement qu’on pouvait lire, sur les murs de Paris, des affiches portant : « L’Œuvre, propre, vivant, n’est pas le journal que lisent les imbéciles ».

f) Le Tape (création moderne) est un journal financier unique en son genre, comme on va pouvoir en juger, publié à New-York. Il paraît tous les jours de Bourse et s’imprime en cinq heures, de 10 heures du matin à 3 heure de l’après-midi. Son format est sa moindre singularité : environ 300 mètres de long sur 2 cm. de large. Il ne se vend pas au numéro, mais compte d’innombrables abonnés dans tous les États-Unis et au Canada. Il paraît simultanément à San-Francisco, Montréal, Québec, etc., en même temps qu’à New-York. C’est l’organe officiel de la Bourse de New-York. Il ne publie que la pure vérité, c’est-à-dire les cotes successives enregistrées de toute transaction effectuée, au nombre de près de 5,000 actuellement (1910).

L’éditeur du Tape commande à 20 reporters, sans cesse occupés à noter les cours au fur et à mesure qu’ils se produisent et qui se divisent la besogne méthodiquement. Quarante télégraphistes spéciaux envoyent ces cours à douze collègues installés au haut du bâtiment de la Bourse, qui les transmettent au bureau central du Tape. Là vingt autres employés, par une simple pression du doigt sur un bouton actionnant un fil électrique, impriment d’un seul coup chaque cote sur des appareils tellement petits que chacun d’eux tient dans un chapeau. Ces vingt mille cotes en même temps paraissent sous les yeux des abonnés quelques secondes après leur fixation en Bourse, dans un rayon de vingt mille autour de la Bourse. Au delà, c’est la compagnie qui, au moyen de milliers et de milliers d’autres petites presses semblables, répand en quelques minutes, dans tous les États-Unis et le Canada, les cotes successives de toutes les valeurs transactionnées à New-York. On en est arrivé à appeler « tape-prices » (prix enrubannés) les prix successivement cotés pendant une séance de Bourse et indiquant au fur et à mesure les fluctuations du marché, depuis le prix d’ouverture jusqu’au prix de clôture.

241.327 INFLUENCE. PROPAGANDE. VALEUR ET VÉNALITÉ DE LA PRESSE.

a) À l’âge d’or de la presse, on disait : La Presse est l’organe informateur et directeur de l’opinion. Elle s’honore d’être l’écho et l’animatrice de l’opinion publique. La Presse qui instruit et moralise les nations, forme l’opinion publique, elle régit le monde entier.

Certes, la Presse est et demeure le principal moyen de formation et d’expression de l’opinion publique, et la guerre a montré que l’opinion était désormais le mystérieux et formidable levier du gouvernement des nations modernes ; il convient donc d’avoir une Presse qui soit fonction des relations que les pays respectifs se proposent d’établir entre eux. La formation d’un courant d’opinion a deux sources principales : 1° l’infiltration lente des idées et des faits — et par des faits il faut entendre aussi bien l’énoncé ou l’appréciation d’un intérêt — amenés sur une même pente par des canaux dont le plus important est la Presse quotidienne ou périodique ; 2° un événement qui soulève soudainement le vieux fonds d’idées de la masse, qui déplace en quelque sorte la ligne de partage des eaux, qui charge le cours des opinions et crée en peu de temps un état d’esprit différent, c’est-à-dire en somme des possibilités économiques et politiques nouvelles.

(Henry Moresset.)

b) La Presse fut longtemps un organisme de propagation de nouvelles, de diffusion et de défense des opinions. S’étant développée en proportion de l’instruction publique, elle est devenue une affaire commerciale très coûteuse, dont les revenus les plus assurée proviennent de la publicité. La transformation de la presse d’opinion, à tirage restreint, en grande presse d’information et de publicité est un des chapitres les plus importants de l’histoire sociale contemporaine.

Les grands journaux font la conspiration du silence contre tout ce qui ressemble à une idée (le mot est d’André Tardieu lui-même) et souvent ils sont en dernière analyse aux mains de quelques personnalités. En France et ailleurs, la grande Presse s’abstient soigneusement de citer les journaux qui œuvrent en marge d’elle-même.

Les peuples se méprennent réciproquement sur une foule de manifestations de l’opinion. En matière de politique extérieure, les journaux, même en temps de paix, sont tous tendancieux : des discours officiels, ils ne reproduisent que ce qui répond à leurs buts politiques propres. Ceci est soigneusement éliminé de sorte que les bonnes paroles sont tombées dans le vide ; cela au contraire, peu important en soi, fait l’objet de commentaires passionnels, sensationnels. Les opinions isolées de quelques groupes sans importance réelle ou de quelques individualités sans mandat sont présentées comme l’expression de l’opinion publique ou la politique même suivie par les gouvernements responsables. D’ailleurs même la Presse dans son ensemble ne présente pas toujours adéquatement l’opinion publique.

c) La Presse d’information est souvent Presse de déformation. La Presse pêche par ignorance ou parti-pris.

« Rien, dit Charles Richet (Les Coupables), n’est plus servile qu’un journal. Il n’ose pas, pour ne pas déplaire à ses abonnés, résister au sentiment populaire et cependant c’est le journal qui détermine le sentiment populaire. Cercle vicieux redoutable ; car l’opinion publique est la fille immédiate du journal. Le journal crée l’opinion et l’opinion dirige le journal. Il n’a pas le courage d’être plus qu’un reflet. Un reflet ! Mais les vacillantes lueurs qu’il se complaît à refléter sont celles qu’il a lui-même le premier projetées dans l’espace. »

d) L’analyse politique et sociale de la presse s’impose donc. Mais qui la fera cette analyse ? Il faut connaître le volume d’une opinion. Quand les organes attitrés du pangermanisme lancèrent dans le public des articles menaçants, en rassurant les populations en proclamant que ces feuilles étaient sans influence et presque sans lecteurs. L’événement a prouvé le contraire.

e) Presse. Opinions de presse.

« Il nous plaît de voir comment un même événement survenu chez nous ou au dehors, réagit dans nos divers terroirs, quelle résonance il trouve dans les divers milieux de notre opinion. Et quand, après ces lectures variées, on s’efforce de parvenir à la synthèse qu’elles commandent, on se sent plus ferme et plus rassuré sur le sens des grands événements que nous voyons s’accomplir sous nos yeux et mieux armés aussi pour les suivre et les diriger dans leurs évolutions successives. »

(Albert Lebrun, Président de la République Française.)

f) Après Fashoda, les organes nationalistes de Paris, L’intransigeant, La Presse, La Patrie, etc., adressaient à l’Angleterre et aux Anglais les pires invectives et les plus virulents sarcasmes. Quelques années après, ils exaltaient à l’unisson, l’Entente cordiale. Ils faisaient de l’opinion des jouettes, car dans les deux cas ils ne parlaient pas seulement circonstances mais principes.

Au cours des événements qui ont porté Hitler au pouvoir, on a vu le gouvernement prussien imposer aux journaux la publication d’un manifeste contraire au referendum organisé par ses adversaires et réprouvé par les journaux. Le président Hindenburg est intervenu au dernier moment pour faire modifier la législation.

g) On devra se demander aussi si la Presse ne devra pas être systématiquement complétée par des mesures de publicité politique. Ce qui fut fait en Angleterre pour la conscription volontaire, plus tard pour le grand emprunt, mérite d’être étudié avec la plus grande attention. Des masses énormes d’hommes ont été convaincus en très peu de temps d’un devoir patriotique à remplir : s’enrôler et apporter leur souscription à la patrie.[25]

h) « Le journal contemporain, dit H. de Brandeis, est fatalement obligé d’obéir à la loi de l’intérêt qui est vitale pour lui, qui le transforme en un jouet, instrument cherchant à satisfaire le goût, quel qu’il soit, de son client, ou bien il est l’instrument de campagne politique ou financière. Chaque personne qui ouvre une feuille quotidienne est en droit de se demander si ce qu’elle y trouvera a été mis là pour flatter sa manie ou pour influencer sa pensée au profit d’un tiers. L’utile, la seule chose qu’il importe de vulgariser n’y trouve un abri qu’exceptionnellement et comme à regret. Le journal est trop souvent la propagation des immoralités. »

i) Il est important d’avoir des journaux répandus dans tout un pays et combattant les idées particularistes. C’est un moyen de former une opinion commune. Ainsi les journaux ont pu contribuer à former l’âme de la Chine. C’est une indication de ce que pourrait être de grands journaux réellement mondiaux pour la préparation de la « République mondiale des esprits et des activités ».

j) On a fait à la Presse trois grands reproches : 1° elle est méchante ; 2° elle est vénale ; 3° elle est de contenu inférieur. Beaucoup d’organes de la presse, pour vivre, ont ou les subventions du gouvernement ou celles de grosses affaires qui sont intéressées à voir influencer de certaine manière l’opinion publique et les parlementaires. Dans une phase ultérieure on a vu la propriété des journaux passer directement à certaines firmes (notamment celle des armements). On a vu aussi à l’inverse, des journalistes devenir riches et puissants, acquérir la propriété d’usines.

Une étude sur la corruption de la Presse et ses conséquences politiques serait aujourd’hui une des plus instructives parmi celles qui pourraient être faites sur le mécanisme réel et les coulisses de la politique mondiale.

Aujourd’hui un homme enrichi par des moyens qui empêchent tous ceux qui le connaissent de lui donner la moindre estime, peut s’acheter un journal et dès lors devenir « tabou » en s’imposant à l’admiration de 1.400,000 lecteurs.

Pendant la guerre, les histoires scandaleuses de Tellier, de Humbert, d’Almereyda, (Le Journal, Le Bonnet Rouge) ont mis à nu des pratiques, des influences et une moralité déconcertantes.

Quelques mois avant la guerre, Le Journal fut racheté par le Creusot. Son principal collaborateur, devenu après son directeur, fit naturellement une campagne de presse en faveur de l’augmentation des armements. Le Figaro fut subventionné par les banques allemandes, comme l’a démontré le procès Cailliaux. La Rheinische Westfähliche Zeitung, qui réclamait chaque année impérieusement des armements, appartenait à la Maison Krupp.

Dans tous les pays maintenant, des groupes, par les idées, les intérêts ou l’argent, influencent la Presse. Ils y procèdent par une action souvent occulte. En France, le Creusot dispose maintenant du Temps et des Débats. En Belgique, l’Action et Civilisation, Le XXe Siècle, L’Indépendance, L’Étoile Belge, La Gazette ; en Allemagne, les divulgations sensationnelles (affaire Klepper) ont fait connaître de quelles subventions jouissaient quelques quotidiens importants : Deutsche Allgemeine Zeitung, Kölnische Volkszeitung, Berliner Tageblatt, Frankfurter Zeitung. Dans la Cité de la Société des Nations, le Journal de Genève.[26]

Les chances diminuent pour le lecteur d’être renseigné complètement et exactement. Pour une très grande partie, la Presse n’est plus que l’instrument ultime de banquiers et d’industriels, une machine à orienter l’opinion publique dans un sens favorable à certains intérêts privés. Les organes indépendants de la Presse ont fort à faire pour vivre.

k) Le 29 novembre 1917, L’Œuvre publiait en manchette : « Amasis (pharaon d’Égypte) fut l’auteur de cette loi qui oblige tout Égyptien à déclarer chaque année au gouverneur de son nome d’où il tire ses moyens d’existence, et celui qui n’obéit pas, celui qui ne paraît pas vivre à l’aide de ses ressources légitimes est puni de mort. Solon l’Athénien ayant pris cette loi en Égypte l’imposa à ses concitoyens qui l’observent encore et la jugent irréprochable. » (Hérodote.)

La magie du « noir sur blanc » ou « c’est écrit » des Mahométans, du Tabou qui représente la parole, expression de la réalité quand elle est moulée en caractères d’imprimerie. Les journalistes procèdent souvent à tort et à travers et sans réfléchir aux conséquences de leurs informations et de leurs articles. Ils font penser aux apprentis sorciers, ils suscitent parfois des réactions populaires, dont par la suite ils ne sont plus les maîtres.[27]

La vanité et la fureur de la publicité dès le XVIIe siècle furent grandes. « Tel, s’il a porté un paquet en cour, a mené une compagnie d’un village à l’autre en pleine paix, ou payé le quart de quelque médiocre office, se fâche s’il ne voit pas son nom dans la Gazette… »

Les fausses nouvelles au XVIIe siècle, «… L’Histoire est le récit de choses advenues ; la Gazette seulement le bruit qui court. La première est tenue de dire toujours la vérité ; la seconde fait assez si elle empêche de mentir. Et elle ne ment pas, même quand elle rapporte quelque nouvelle fausse qui lui a été donnée pour véritable. » (Théophraste Renaudot, 1631.)

l) La grande Presse est systématiquement dévouée à tous les gouvernements successifs et contradictoires pendant qu’ils sont au pouvoir. On a vu en France, en 1932, la Presse se prononcer en masse pour le Japon après l’avoir fait pour la Chine ; abandonnant à droite, au commandement et d’un coup la « thèse française » pour se rallier avec effusion aux propositions Tardieu à Genève, alors que la veille, émue, elle les déclarait « une utopie criminelle et une trahison ».

Certains gouvernements font passer à l’étranger, dans quelque journal de troisième ordre, un article élogieux pour leur politique, quelque déplorable a-t-elle pu être. Leurs services de Presse font ensuite reproduire cet article qui sort de leur propre officine par l’un ou l’autre journal à leur service, comme étant une approbation venue de l’étranger ! Manière coûteuse de « bourrer le crâne » du pays ! Certains journaux ont des relations directes notoirement connues avec les ministres des affaires étrangères de leur pays. Le Temps, Le Times.)

En France, le Président du Conseil a disposé un moment de 24 millions de fonds secrets par an. Un député socialiste a critiqué cette institution à la Chambre, le 24 juin 1916 (Journal de Genève, 9 juillet 1916). Outre les aides financières aux journaux, il y a celles aux journalistes. Il y a des services de Presse parmi les organes de l’administration de tous les pays. Le service de Presse du ministère des affaires étrangères de Belgique a coûté environ 300,000 fr. par an.

Beaucoup de journaux sont alimentés aux fonds secrets, qui ont quelquefois été appelés « le fonds des reptiles ».

m) À côté des affaires publiques, il y a les affaires privées. Ici l’une des formes de l’action de la Presse est « le chantage ». Quand un journal connaît sur quelque personnalité une anecdote qu’il lui serait peu agréable que le public connaisse, il lui propose un marché en lui vendant son silence. Des banques ou entreprises financières achètent ainsi la publicité des journaux ; ils leur achètent les numéros ou les subventionnent. M. Vallé a estimé que pour l’affaire de Panama, la Presse a reçu 14 millions.[28]

n) Par la trustification on voit se réaliser graduellement une « Internationale de la Presse ». C’est celle-ci, hélas, bien triste à le constater, qu’on a dénommé l’Internationale du fascisme et l’Internationale sanglante des armements.[29] Ainsi sous nos yeux et par des voies différentes toutes matérielles se constitue une puissance spirituelle énorme qui rappelle celle des religions autrefois, des grands Pontifes qui les dirigent. Mais elles avaient, elles, de Grands Inspirés.

241.328 LE PUBLIC. LES LECTEURS.

a) Le lecteur suit son journal. Il a confiance en lui, il raisonne comme lui ; il en reçoit les faits avec une appréciation exprimée à leur propos. On peut constater que lorsque la direction d’un journal change sans que le lecteur en soit averti, le lecteur à son tour change d’opinion.

b) Le public comprend-il les journaux qu’il lit ? Connaît-il assez de mots pour cela. M. Bony a cherché à répondre en analysant le n° du 9 juillet 1920 du journal Le Temps. Il y a relevé 45,500 mots sur lesquels 2,800 noms propres et une centaine de mots étrangers. Il s’y trouvait donc environ 42,600 termes du langage courant. Sur ce nombre il y avait 3,838 mots différents. De sorte que, rien que pour lire ce numéro, il fallait connaître près de 4,000 termes. La 1re page contenait 1,371 mots différents ; la 2e, 780 ; la 3e, 551 ; la 4e, 470 ; la 5e, 406 ; la 6e, 260. Encore les mots ne comprenaient ni les pronoms et adjectifs possessifs. Et pour comprendre « actif », il faut connaître « acte », et comprendre « barque » pour « débarquer », etc. En outre des mots ont plusieurs sens ; « malaise économique », « mécanisme du crédit international ». En somme pour comprendre ce numéro du Temps, il faut comprendre environ 6,000 mots. Pour enseigner ce vocabulaire à un enfant, en supposant qu’il en connaisse 1,000 et qu’il puisse en retenir 20 par semaine, il faudrait six ans.

c) Parmi ceux qui lisent les journaux, peu lisent autre chose et comme le remarque Tanneguy de Wogan, aucune lecture n’est plus préjudiciable à l’habitude de l’attention soutenue que celle-là. La lecture du journal ne fixe jamais l’esprit sur un sujet quelconque pendant plus de 3 ou 4 minutes à la fois et chaque sujet vient présenter un changement de scène complet. Il en résulte que le nombre de lecteurs du livre diminue graduellement et d’une manière continue chez toutes les nations civilisées. L’influence immédiate du livre sur la politique et sur la société diminue aussi proportionnellement. Les idées de l’auteur du livre ont à passer par le crible du journal avant de pouvoir exercer leur effet sur l’esprit populaire.

Pour la propagande par la Presse, une idée doit pouvoir prendre la forme de quelque « nouvelle ». Alors elle est communiquée par les agences, elle est lue et les journalistes en font matière à article.

d) De l’avis des criminalistes, rien n’est plus favorable aux attentats que la reproduction à fort tirage et avec force détails, des crimes et des délits de tout genre.

e) Le public n’a-t-il pas la Presse qu’il mérite ? Une enquête a été poursuivie sur cette question : raison poussant vers la lecture d’un tel journal plutôt que tel autre. Cette enquête a obtenu ces trois sortes de réponses : 1° lu par habitude ; 2° pour les annonces ; 3° pour la nécrologie.[30]

241.329 ORGANISATION.

Un journal exige toute une organisation, impliquant direction, collaborateurs, ateliers de production, services administratifs. Tous les progrès réalisés dans l’art d’écrire et de reproduire, dans la coopération intellectuelle, dans l’administration, trouvent application ici. L’organisation s’opère dans deux directions : organisation interne de chaque journal et organisation générale de l’ensemble de la Presse.

1. Science du journal (journalisme).

Il s’est constitué une science du journal. Elle porte en allemand le nom de Zeitungswesen.[31] On pourra risquer en français le terme d’Hémérologie, coordonné avec ceux d’Hemerothèque, de Bibliologie et de Périodicologie. Que les matériaux de cette science sont abondants et que de nombreux exposée, complets ou partiels en aient été présentés déjà, en témoignent les 7,000 titres de l’« Internationale Bibliographie des Zeitungswesens » du Dr. Karl Bömer (Leipzig O. Harrassowitz).

2. Cycle des opérations.

a) Communication. — Les nouvelles reçues et transmises (voire fabriquées) par les agences de presse constituent chaque jour une masse considérable. Télégraphie et téléphonie fonctionnent tout le jour durant et les informations sitôt reçues, sont transcrites, multipliées et envoyées aux journaux abonnés. Ceux-ci ne sont à même de publier qu’une partie de ces dépêches, communiquée et articles. Que devient l’autre partie ? Il est désirable dans l’intérêt de l’Histoire de la conserver en quelques exemplaires prototypes.

Il existe des combinaisons de tarifs télégraphiques et téléphoniques pour les journaux.

b) Impression. — Les grands quotidiens d’information possèdent à eux leur presse, leur rotative, leur matériel d’impression et de clichage.

c) Transports. — Question capitale pour la Presse. En 1929 il y eut à Genève une Conférence européenne relative aux transports de journaux et périodiques. Elle délibéra sur l’essentiel du problème devenu fort complexe.

d) Distribution. — Les journaux de Paris qui n’ont pas un service particulier de vente au numéro dans les départements chargent de ce service soit les Messageries Hachette, soit les Messageries du Petit Journal. Les dépositaires en province font connaître le nombre d’exemplaires qu’ils écoulent de chaque journal. Les employés des messageries prennent au bureau du journal la quantité totale demandée et adressent à chaque dépositaire un colis qui contient le nombre demandé par lui de tous les journaux qu’il débite. À Paris fonctionnent des systèmes qui divisent la capitale en secteurs, dont le préposé assure les débits et reprend les invendus.

Il s’est formé des services de messageries de journaux qui sont pour les journaux l’analogue des maisons d’édition ou de commandes. Ils prennent les envois pour les petits marchands.

En France la maison Hachette a 7,000 employés dans son service ; elle sert 16,000 vendeurs de journaux, elle possède 279 autos ; par son intermédiaire sont vendus 28 millions de pièces imprimées par an ou environ 77,000 par jour, dont 10 périodiques édités par elle-même.

Les messageries étendent leur action. Un accord est intervenu entre les Messageries Hachette et le Poste Parisien qui leur réserve l’exploitation de la publicité littéraire de ce grand poste, ainsi que l’organisation de ses conférences.

3. Les journalistes.

a) Dans un journal on distingue la direction et la rédaction et elles ont des responsabilités civiles, administratives et pénales très différentes. Une fonction spéciale est celle du secrétaire de la rédaction chargé du bon à tirer final. Les collaborateurs d’un grand journal sont dispersés à travers le monde entier. Le journal a des rédacteurs attitrés, des rédacteurs occasionnels, des contributeurs éventuels bénévoles.

b) Contrairement à ce qui se passe en France, un homme politique en Angleterre n’est jamais publiciste. Les journalistes y remplissent un rôle tout aussi important que celui de ministre, mais c’est un rôle distinct. Celui qui n’assume aucune responsabilité peut exposer ses idées. La tâche est grande et belle pour le publiciste qui peut exercer une influence sur les événements et posséder une belle autorité.

On s’est beaucoup occupé depuis quelques années dans les journaux littéraires de définir les rapports qui existent entre le journalisme et la littérature. Des journalistes font œuvres littéraires ; le journal est un moyen de faire connaître les œuvres au grand public.[32]

c) Le Bureau International du Travail a publié une étude sur « les conditions de travail et la vie des journalistes ». Elle passe en revue la situation des journalistes dans les divers pays aux points de vue de l’aspect général de la profession, de la formation du journaliste, du degré d’organisation de la profession, des conditions de travail proprement dites (durée du travail, repos hebdomadaire, vacances, etc.), des salaires, du marché du travail et des institutions de prévoyance. Elle relève les différences frappantes qui existent d’un pays à un autre en ce qui concerne la situation du journaliste.

Les vrais journalistes ne font pas métier de leur conviction et de leur caractère. Ils ont une conscience et défendent dans les journaux avec sincérité ce qu’ils croient être juste. Il est exact qu’un journaliste est souvent un homme plus soucieux de prendre la réalité immédiate dans ce qu’elle a de confus et de passionnant que d’étudier les phénomènes transcendants sous l’aspect de la réalité.

Le Congrès de la Presse Beige (août 1921) a estimé que la profession de journaliste, mission de confiance, de collaboration et d’initiation, a le caractère du mandat rémunérateur, il a repoussé la qualification d’employé, mais estime que les garanties de statut, de préavis et de congé sont nécessaires à l’exercice de la profession. Le syndicat journaliste et le syndicat de la Presse en France ont négocié, mais sans succès, l’établissement d’un statut des journalistes servant de base aux conventions entre les journaux et leurs collaborateurs.

On compte à Paris six fois plus de journalistes qu’il n’en est besoin. Un jour peut-être la Presse ne sera plus représentée que par quelques grandes feuilles d’information, qui tueront les autres, d’où une situation de chômage à envisager pour l’avenir.

4. Agences. Informations.

a) Les agences télégraphiques de nouvelles ont été fondées par Reuter en 1849. Il y a eu en Europe quatre grandes agences : Reuter, Wolf, Stefani et Havas, qui plus ou moins trustées se communiquent leurs télégrammes et qui tiennent ainsi comme dans un filet l’opinion de l’univers. Les agences, telle Havas, ont dans chaque capitale un correspondant qui lui envoie les nouvelles télégraphiques dans ses bureaux de Paris. Là elles sont imprimées et adressées par cyclistes aux journaux abonnés qui les reproduisent.

b) Avec le télégraphe et le téléphone les journaux locaux ont 6 ou 8 heures, parfois 12 heures d’avance sur les journaux de la capitale. Il y a donc une recrudescence de vie pour ces journaux. Les agences télégraphiques envoyant à tous les journaux les mêmes nouvelles ont tué le journal international, tel que L’Indépendance Belge. Les représentants de la presse allemande (réunion du 22 août 1915) ont compris ce danger et demandent l’organisation d’un service de renseignements dans le « sens national vu qu’il est plus important encore d’envoyer des informations de l’Allemagne à l’étranger, que de recevoir de lui des nouvelles souvent stupides et que les faits contredisent. »

Il faut assurer à l’Allemagne l’indépendance absolue et la liberté de ses informations.

c) Le journal s’est distingué de la revue et maintenant les informations se distinguent des journaux (bureaux et agences de presse, les communiqués, les dépêches). À l’Exposition Pressa le mot « Nachrichtenwesen » avait pris place à côté de celui de Zeitungswesen. (Runkel. — Œffentlicher Nachrichtendienste, 1928.)

d) Pendant la guerre, on a voulu supprimer les agences. Elles sont revenues plus puissantes. Havas et Reuter avec les 18 agences nationales se sont entendues. Elles ont divisé le monde au point de vue des nouvelles. Rien ne passe qui ne soit contrôlé nationalement ou par les pays qui ont le monopole chez d’autres.

e) Les informations se vendent aux journaux. Elles se vendent aussi aux grands particuliers. Les agences qui achètent un article 50 francs, en font faire 10 exemplaires à la machine et le revendent 10 francs en province, gagnant ainsi 50 francs sur l’article.

f) Il y a des agences de petites nouvelles. Ainsi « Informations quotidiennes de la presse associée ». Directeur-fondateur Jean Bernard. Envoi de 5 à 10 feuilles d’informations inédites qu’on ne trouve nulle part ailleurs, abonnement pour les quotidiens, les hebdomadaires, etc.

5. Trusts. Concentration.

a) Ou temps de Girardin, avec 300,000 francs on créait un organe sérieux. Aujourd’hui il faut 5 millions pour lancer et soutenir un journal dans le goût du jour.

b) Partout il y a tendance à la concentration. La concentration des journaux a été considérable. En Allemagne, Stinnes, le grand industriel a possédé à lui seul 60 grands journaux. De grands trusts de journaux fonctionnent en Allemagne : groupe Ulstein-Konzern, Moses. L’ensemble des publications d’Ulstein (comprenant la Vossische Zeitung et la Berliner Zeitung am Mittag) accuse le tirage formidable de 4,210,920 exemplaires. L’entreprise possède 66 rotatives, 114 autos, deux canots automobiles et trois avions. Elle consomme 8 millions de tonnes de papier par an.

c) Le trust de journaux de Lord Northcliffe, ce féodal du journalisme, multimillionnaire, nommé lord et chargé d’une haute mission diplomatique aux États-Unis.

d) Le fameux trust organisé par Hearst aux États-Unis fut assez puissant pour retarder quelque peu l’entrée en guerre des États-Unis. L’imprimerie des journaux ou trust Hearst tire chaque jour cinq millions d’exemplaires et l’on sait quelle quantité de pages ont les journaux américains.

Un autre trust comprenant 521 journaux vient de se fonder à New-York. Ce trust possède de nombreuses lignes télégraphiques dont l’ensemble donne une longueur supérieure à 10,000 kilomètres.

e) Certaines imprimeries recueillent les journaux qui cessent de vivre. Elles continuent de les faire paraître, les imprimant tous avec la même matière. On ne change que le titre. Ainsi n’importe qui a la facilité de faire imprimer un journal dont il sera propriétaire. 200 exemplaires lui coûteront 10 francs.

L’homme qui résoudrait le problème d’acheter dans tous les pays la majorité des journaux et des agences télégraphiques serait automatiquement le maître du monde. Mais tous les organes de presse ne sont pas à vendre et de nouveaux journaux peuvent se créer. Cependant on aurait sur tous les journaux une certaine domination si on les tenait par le papier. L’on peut acquérir l’autorité sur les papeteries si l’on achète dans les lieux d’origine de vastes forêts d’où se tire la pâte de bois. Hugo Stinnes avait commencé par opérer ainsi, il était devenu maître de la production du papier en Allemagne, Finlande et Scandinavie.[33]

6. La presse et les Nouvelles (vraies ou fausses).

a) En réalité c’est par les dépêches de tous les pays, envoyées par les agences, que chacun est tenu au courant de ce qui se passe. Tous les matins ou tous les soirs, parfois aux deux moments et encore à midi, les dépêches rendent compte de ce qui se passe dans l’immense arène du monde où les faits se déroulent par suite de luttes ou de coopération de travail régulier ou d’innovation générale.

L’homme-journal — celui d’Helgoland, mort en 1907 — se rendait de ferme en ferme chaque jour et racontait à haute voix les dernières nouvelles du monde entier. En arrivant à chaque ferme il rassemblait les habitants en sonnant une petite cloche. Il ne se faisait pas payer, mais ses auditeurs lui témoignaient une reconnaissance proportionnelle à l’intérêt des nouvelles qu’il apportait.

b) La Conférence des Experts de Presse (août 1927) a commencé à synthétiser les éléments relatifs aux nouvelles, comment les recueillir et assurer la transmission rapide, la protection avant et après la publication, la diffusion intensive. Une fois entré dans cette voie féconde, on peut entrevoir comme développement logique le besoin accru de documentation sûre, rapide, complète ; la nécessité d’envisager d’autres moyens de diffusion de la vérité, de les étendre non seulement aux nouvelles au sens journalistique du mot (informations du jour), mais aux articles et surtout aux données mêmes sur lesquelles reposent les faits intéressant la vie internationale.

c) On n’a pas encore défini la fausse nouvelle. C’est là une matière fluide, éphémère et délicate à saisir. Parfois on est en présence de nouvelles tendancieuses, déformées ou inspirées, parfois telle nouvelle se voit donner une importance disproportionnée. On connaît les interminables discussions à Genève sur la définition de l’agresseur ! Une étude historique de l’effet des nouvelles de presse sur l’opinion publique aux périodes critiques est reconnue désirable.

La question des fausses nouvelles a été soulevée à la S. D. N. Comment réduire ou éliminer ces fausses nouvelles dont l’effet est d’irriter l’opinion publique. L’aversion unanime des Journalistes et des Associations de Presse s’est manifestée non seulement à l’égard de l’intervention gouvernementale, mais à l’égard de toute intervention extérieure. Il faut tenir compte du prix que le public est disposé à payer pour les nouvelles. La majorité du public ne payerait pas les nouvelles exigées au prix où celles-ci reviennent. Il faut donc que la publicité payée et les autres intérêts commerciaux viennent combler la différence. D’où une influence puissante qui tend à faire dévier les nouvelles de leur caractère d’objectivité complète. Une déclaration des Associations de Presse demande, dans l’intérêt de la Paix, que les industries d’armement ne soient pas autorisées à posséder ni à diriger indirectement des feuilles publiques. On a fait remarquer que l’absence de nouvelles était aussi préjudiciable que la fausse nouvelle. Le silence crée la peur, ce qui mène aux malentendus et en fin de compte à la haine.

d) On a proposé que la Société des Nations soit chargée de propager des nouvelles par elle contrôlées, par conséquent que la S. D. N. contrôle rapidement les nouvelles qui publiées déjà lui paraissent suspectes, qu’elle dispose d’un organe qui serait l’auxiliaire de ceux qui existent et en qui le monde pourrait avoir confiance.[34]

e) Il a été créé récemment un tribunal d’honneur des journalistes chargé de trancher les litiges mettant en jeu un intérêt international. Il est compétent pour sanctionner d’une sorte de flétrissure morale les auteurs de renseignements volontairement erronés et ceux mêmes qui ont mis un soin insuffisant à se documenter. Il ne peut toucher ni aux doctrines, ni aux idées, mais il a pour but de maintenir la notion d’honneur dans les relations entre journalistes étrangers.[35]

f) À la Table Ronde de l’Union des Associations Internationales, M. Briantchaninoff, l’organisateur des Congrès Psychosociologiques a présenté un projet de Cour Internationale privée destinée à s’occuper des affaires de Presse dans ses rapports avec l’opinion publique.

7. Documentation.

a) Le journal comme la revue a trois utilités documentaires : 1o on le lit quand il paraît ; 2o on en fait des collections (très peu) ; 3o on les découpe (beaucoup).

b) Il y a lieu de distinguer la documentation par la Presse quotidienne et la documentation de la Presse quotidienne : 1o la Presse quotidienne apporte les nouvelles en premier lieu, les articles de revue et les livres ne contenant la matière que beaucoup plus tard ; 2o elle contient des éléments qui se retrouveront plus tard dans les périodiques et les livres ; 3o elle contient l’expression immédiate de la pensée et de l’opinion publique à l’égard des événements ; 4o par les entrecoupements, les reproductions similaires ou les altérations, par les erreurs mêmes constantes dans une série d’articles publiés dans les journaux différents, on peut se rendre compte dès l’origine de certaines nouvelles, des sources qui les lancent et les paient (ex. Ivor Kreuger pour Ivan Kreuger).

Le journal comme documentation c’est : 1o l’actualité ; 2o la mise sur la trace du fait ; 3o un exposé court bien titulé ; 4o des articles de vulgarisation des questions ; 5o une matière abondante à bon marché.

c) Certains journaux dressent pour eux-mêmes la table des matières du contenu des numéros. Le Times publie les tables de son contenu.

d) Les Archives contemporaines (système Keesing) publient une documentation chronologique illustrée des événements mondiaux. La publication est hebdomadaire. Elle se fait en 4 langues. Un index alphabétique accompagne l’index cumulatif. L’index portant le numéro le plus élevé est seul à conserver, il reproduit en les commentant tous les précédents qui peuvent dès lors être détruits.

e) Des journaux publient des revues de la Presse dans lesquelles les articles sont cités textuellement, pour venir en aide à la presse et aussi pour leurs propres services. Le Ministère des Affaires étrangères de France a organisé un service de traduction de journaux étrangers et publié des Bulletins de Presse abondamment pourvus et présentés d’une manière assez objective.

f) Des journaux ont publié des éditions résumées. Ainsi les numéros hebdomadaires pour l’étranger de la Gazette de Cologne, autrefois L’Indépendance d’Outremer, la Kölnische Zeitung Wochensausgabe.

g) Il y a un service de découpure de presse dans toutes les grandes administrations publiques et privées. Des agences de découpures de journaux se sont constituées (type : Argus de la Presse), moyennant payement par découpure elles envoient au jour le jour tous les extraits de presse concernant une question ou une personne. Ces agences ont de nombreux lecteurs qui parcourent les journaux les ciseaux à la main, après s’être mis en mémoire, d’après des listes dressées et tenues à jour, tous les sujets qui intéressent les abonnés. Les hommes politiques, les artistes, les personnes en vue sont désireux de connaître ce qu’a dit d’eux la presse. C’est elle qui fait la notoriété (ce qu’on appelait autrefois la gloire).

Les bureaux d’un grand journal constituent des centres de documentation très importants. Ils reçoivent une grande correspondance, et des inconnus lui envoient quantité de documents. Il est désirable que cette documentation, susceptible d’améliorer considérablement la valeur des nouvelles publiées, soient organisées et les méthodes générales de classement et de catalogage trouvent ici leur application.

h) Les journaux sont précieux à conserver. La France, dit le bibliophile Jacob, ne conserve pas les journaux, qui sont pourtant les meilleurs instruments de l’histoire d’une époque, à quelque point de vue qu’on la veuille étudier. Ces pauvres journaux s’en vont tristement au néant, à l’oubli et plus tard, demain peut-être, on les payera au poids de l’or. Ce sont les oracles de la Sybille écrits sur des feuilles de chêne ; n’est-il pas étonnant que notre XIXe siècle laisse s’anéantir chez la beurrière et chez l’épicier les pièces les plus précieuses, les plus authentiques de l’esprit national.

i) La conservation des journaux soulève quatre questions différentes : 1° sous quelle forme présenter les journaux quotidiens dans les bibliothèques publiques et aussi dans les grands cercles ?  ; 2° comment conserver des collections complètes de certains journaux (Hémérothèques) ; 3° comment constituer des archives de la presse comprenant des exemplaires types de tous les journaux (Musée de la Presse) ; 4° comment utiliser les journaux sous forme de découpures (Encyclopédie documentaire).

j) Tous les journaux du pays dans la bibliothèque nationale, quelques grands quotidiens et les journaux locaux dans les autres, au moins un journal source de faits et de l’histoire contemporaine dans toute bibliothèque. On relie les journaux en fin de trimestre. Ceux de consultation courante sont collés sur onglets et reliés au jour le jour. Les numéros dépareillés de plusieurs journaux que l’on désire conserver font l’objet de recueils factices où les numéros de plusieurs organes sont classés par ordre de date.

La Bibliothèque Nationale de Paris possède une collection complète des journaux parisiens La Library of Congress de Washington possède des collections considérables.

Dans certaines bibliothèques anglaises, les journaux sont affichés. Ils se lisent debout devant des pupitres. Les journaux les plus répandus comme le Daily Mail, le Telegraph, le Times sont affichés à deux ou même trois exemplaires, de façon que plusieurs lecteurs puissent les compulser à la fois.

La Bibliothèque doit posséder un choix judicieux de journaux, « Par les journaux, elle met chacun en situation de se faire une opinion personnelle raisonnée, basée sur une information pluriale et contradictoire, au lieu d’avoir seulement l’opinion toute faite de l’unique journal qu’il lit. »

k) On a constitué de grandes collections de spécimens de journaux. À Aix-la-Chapelle. M. Oscar von Forkenbeek est parvenu à réunir 75,000 feuilles de journaux différentes dans le Zeitungs Museum, subventionné par la ville. En Belgique, on s’est vivement intéressé aux collections les plus importantes. Le Musée de la Presse au Palais Mondial comprend maintenant les collections de Warzée, Vanden Broek et de Fonvent en un ensemble considérable.[36]

8. Institutions.

Le journalisme a fait surgir tout un ensemble d’institutions communes pour les rapports professionnels et la déontologie, pour l’aide mutuelle, pour l’enseignement, les maisons et instituts de Presse.

a) En Amérique le journalisme a pénétré dans les Universités. À Columbia, il a élevé le journaliste au rang d’un professionnel, bien que ce soit peut être une affaire. À Berlin, à l’Université on a créé non seulement une chaire de journalisme (Zeitungswissenschaft), mais un Institut, laboratoire ou bibliothèque où 800 journaux sont découpés et classés. Il y a les Écoles de Journalisme à l’Université de Chicago, Philadelphie, Colombo (Ohio) qui ont des cours préparatoires de journalisme. Université catholique de Lille. En Allemagne, professeur Koch à Heidelberg. Le Secrétariat du Volksverein de München-Gladbach s’est transformé en une école de journalisme.

b) La Maison de la Presse de Paris créée pendant la guerre (rue François 1er) n’a été fermée qu’en décembre 1922. Elle comprenait un service d’informations recevant, analysant et diffusant les contenus de la Presse du monde entier ; un service de propagande répandant des opinions. Ce dernier service avait la naïveté de se présenter ouvertement comme organisme de propagande française, afin que nul n’en ignore.

La « Maison de la Bonne Presse » (Paris. 5, rue Bayard) fondée par les Assomptionnistes et reprise par M. P. Feron-Vrau, est aujourd’hui une maison d’édition considérable. Elle comprend un personnel de près de 600 personnes. Ce chiffre n’est rien auprès du nombre des collaborateurs de bonne volonté qui se sont groupés autour d’elle et qui forment une armée de plus de 50,000 zélateurs, chevaliers de la Croix, pages du Christ, porteurs de ses diverses publications. Par ses journaux et revues, elle pénètre chaque semaine dans plus d’un million de foyers ; le total des tirages de toutes les publications réunies dépasse deux millions.

Elle a son imprimerie, une administration qui se tient en relation constante avec tous ceux qui s’occupent de propagande, de rédaction pour ses 25 revues et journaux.

c) La Fédération internationale des Journalistes est une institution permanente. Elle a constitué dans les grandes capitales d’Europe, sièges d’organisation nationale officielle, des commissions de travail : documentation et archives, finances (Paris), étude juridique (Berlin), prévoyance et assistance (Vienne), études techniques (Genève), propagande (Londres). La Commission de documentation a mis au point un important recueil de contrats et textes organiques, conventionnels ou légaux, véritable code international de la condition de journaliste.

Une Association Internationale de Journalistes accrédités à la Société des Nations a été constituée à Genève en 1927. Le problème de la collaboration de la presse à l’organisation de la Paix a été discutée à l’assemblée de Genève (1932) (Document A. 312, 1932). La Conférence de Madrid a traité un aspect de la question : les relations télégraphiques.

Récemment, le Comité exécutif de la Fédération internationale des Journalistes a adopté une résolution condamnant les persécutions de la presse en Allemagne et déclarant la rupture momentanée avec la Fédération des Journalistes allemands.

d) Il a été formé en mai 1933 à La Haye une Fédération internationale des Associations de directeurs et des éditeurs de journaux.

e) Des Instituts du Journalisme ont été créés en divers pays. En Allemagne notamment « Deutsches Institut für Zeitungskunde ». Des publications spéciales ont été consacrées à la théorie et à la pratique du journalisme. Ex. : en Allemagne la Zeitungswissenschaft.

La création d’un Institut International de la Presse a été décidée par le Comité de la Fédération Internationale des Journalistes (Prague, avril 1929). C’est à la suite du vœu délibéré en 1927 par la Conférence internationale des Associations internationales de Presse.

f) Des expositions internationales de la Presse ont eu lieu dans maintes expositions générales. Il y en eut aussi dans des expositions plus spéciales. Celle du Livre à Leipzig en 1924, celle de Pressa à Cologne en 1927.

g) La création d’une Bibliothèque (Hémérothèque) mondiale de la Presse doit retenir l’attention. Elle est appelée à devenir un Département important de la Bibliothèque Mondiale.

9. Desiderata. Réforme.

a) Parmi les objets de ces réformes, on peut indiquer les suivantes : extension du nombre de pages des journaux, multiplication des rubriques, collaboration compétente, informations sur la vie du dehors et « l’heure qu’il est dans le monde », édition de suppléments spéciaux répondant au besoin de lecture dominicale, apportant aux feuilles à la fois de la distraction, des connaissances, de l’idéal et de la beauté. Le journal populaire constitue trop souvent pour le paysan sa seule revue et sa seule bibliothèque. Il devrait être transformé en organe distributeur d’une nourriture intellectuelle, saine et abondante. C’est là un minimum de desiderata. On peut se demander, d’autre part, si, sans apporter aucune restriction à la liberté de la presse, il ne conviendrait pas d’en voir combattre les mauvais côtés par des informations plus nombreuses et plus systématisées émanant des autorités, gouvernement et administrations. La conception même du Journal officiel est demeurée quasi invariable depuis plus d’un siècle. Il y a, dans le développement et l’adaptation de l’idée maîtresse à qui il doit sa naissance, de précieuses possibilités. L’État doit à ses membres des informations précises, détaillées, continues sur ce qu’il veut, entreprend et propose à la conception de ses membres.

b) En ce qui concerne la lecture et la documentation par leur moyen, on peut souhaiter notamment : 1o qu’il soit constitué dans les grands centres des salles de lecture de journaux, comme en Angleterre et en Amérique, afin de combattre l’influence néfaste de la lecture d’un journal unique et tendancieux ; ces salles de lecture devraient être, autant que possible, annexées aux bibliothèques ; 2o que ces dernières organisent des collections de journaux, les unes centrales ou générales, les autres locales ou spéciales ; les journaux sont des sources importantes de l’histoire et des organes de la tradition ; 3o qu’il soit publié pour au moins un journal de chaque pays des tables détaillées comme celles que publie le Times et dont les index, en rappelant la date des principaux événements, puissent faciliter les recherches dans les numéros contemporains même des autres journaux. À défaut, même simultanément, que des catalogues bibliographiques manuscrits sur fiches à plusieurs entrées soient établis au centre national de collectionnement de journaux, qu’il soit procédé à une utilisation plus généralisée et plus systématique des découpures de journaux pour alimenter la formation des Répertoires de Documentation. Il y existe des possibilités d’une meilleure utilisation à cet effet des services de presse des administrations et des argus de la Presse. Œuvres de distribution de vieux journaux ; utilisation systématique des feuilles déjà lues pour étendre la lecture gratuite dans toutes les classes sociales.

c) Remèdes divers à envisager. — 1o Limiter la liberté de la presse. Impossible. 2o Se montrer plus sévère pour la répression des délits. Par le régime qu’a mis en vigueur la loi de 1881, la presse irresponsable est aujourd’hui au-dessus de la loi, puisque les délits qu’elle commet sont presque toujours impoursuivis, puisque quand ils sont poursuivis, les poursuites, lentes, tardives, coûteuses, semblent avoir pour but de sauver le coupable, de décourager le plaignant, puisque les vrais auteurs du délit, soigneusement protégés, voient amener devant les tribunaux l’homme de paille de leur journal, le gérant ; puisque les peines édictées ou prononcées sont inefficaces ou ridicules. L’avocat général Creppé qui s’exprime ainsi demande un tribunal plus moderne composé de trois éléments : le magistrat de profession, le juge populaire et l’expert. Toute personne, association, administration prise en partie ou diffamée par la presse doit avoir le droit de répondre dans l’organe qui l’a attaqué à la même place et pour au moins autant de lignes du même format.[37] 2° Former une ligue de l’élite des journalistes repoussant toutes accointances avec les pamphlétaires et les pornographes (M. Leroy Beaulieu). 4° Créer des associations pour la protection des lecteurs de journaux.[38] 5° Combattre l’idéal bas par un idéal élevé, opposer la presse sérieuse à la presse frivole et corruptrice.

241.329.1 LA PRESSE DANS DIVERS PAYS.

1. Angleterre. — La presse anglaise n’eut pas une longue enfance. Dès le XVIIIe siècle, elle présenta un caractère de virilité. Elle intéressa par des récits de voyage en feuilleton. Elle fut longtemps l’organe de l’opinion, son porte-voix sincère et authentique, le défenseur attitré des intérêts et des citoyens anglais, l’incarnation de l’âme anglaise. La presse est maintenant trustée, aux mains de quelques potentats et risque fort de dégénérer.

Les journaux anglais à l’inverse des journaux français, semblent avoir essentiellement pour but de renseigner vite et bien. Peu de théories, peu de considérations générales : des faits, des faits, des faits. Cette forme de journalisme suffit à elle seule à caractériser la société britannique.

Le journal anglais vise l’information, le lecteur n’y cherche point une direction de conscience. Le journal français est avant tout politique. Le journal anglais dispose de forts capitaux, le journal français pas. Le journal anglais ne peut être vénal, il risque trop ; le journal français est accessible aux tentations.

2. Allemagne. — Les débuts de la Presse y ont été secs et impersonnels. C’est Frédéric II qui, en éveillant la conscience nationale, a donné le premier essor à la Presse, bien que sa puissance d’expansion date surtout de la révolution allemande de 1848. Il y avait en 1928, 3,293 journaux et 4,730 revues. Cette Presse n’est pas centralisée comme en France ; il y a de grands journaux de province.

Quand Bismarck fit voter une loi contre les socialistes (1878) ils s’organisaient sous forme de sociétés sans but politique en apparence, « cercle de fumeurs », cercle choral. Ils transportèrent leur journal en Suisse, à Zurich, d’où les exemplaires entrèrent en contrebande dans toute l’Allemagne. Ils imprimèrent secrètement des feuilles volantes et continuèrent leur propagande.

À Berlin, Scherl, qui fut un colporteur vendant livres et montres, a créé la Woche, puis le Localanzeiger, puis le Tag. Le Tag, vers 1906, a deux éditions : politische qui donnait la reproduction réduite du Localanzeiger ; unterhaltung, toutes espèces d’autres nouvelles. Tous les jours de la semaine le Tag a un autre supplément : agricole, littéraire, etc. Il tire à 100,000. Le gouvernement le subsidiait car c’était précieux pour lui que le public assez cultivé pour lire le Tag demeure dans les opinions moyennes. En tête du Localanzeiger, on trouve en quelques mots le résumé des événements saillants du monde entier. La lecture de ce résumé donnait l’assurance immédiate que l’on pouvait être tranquille, qu’aucun événement ne forçait à modifier le cours de ses idées ou l’orientation de son activité.

En Allemagne les auteurs connus publient souvent leurs essais dans les quotidiens.

À Berlin il y avait environ 10,000 vendeurs de journaux à la rue, dont 6,800 avaient leur place stable.

Pendant la guerre, Ludendorff organisa la fameuse « Kriegspresseamt ». Wolf mentait, mentait toujours. « Le mensonge est un devoir patriotique », telle fut la devise. Le pouvoir militaire étant omnipotent, le pouvoir civil n’existait plus. La propagande du Kriegspresseamt s’inspirait de deux principes : l’espoir et la haine.

Il y eut tout un temps deux presses officieuses, celle de la Chancellerie et celle de von Tirpitz qui avait organisé au Ministère de la Marine un bureau de presse à tendances pangermanistes. La presse n’a guère été qu’un informateur officiel, obligé notamment d’insérer les articles préparés par l’autorité. Le gouvernement faisait publier des articles par l’intermédiaire non seulement de ses organes mais de journaux indépendants. Le gouvernement a déclaré que les articles de sources officielles ont pour but de fournir aux petits journaux des nouvelles intéressantes.

C’était l’agence nouvelle « Tranzoceana » qui envoyait les nouvelles par télégraphie sans fil au cours de la guerre, les câbles sous marins étant devenus inutilisables. Cette agence était soutenue par les industriels et par les subsides du gouvernement,

La législation sur la Presse en Allemagne, l’organisation du Pressebureau, et la censure pratiquée en temps de paix, jointes à la confiance du peuple allemand, permettaient à Berlin de créer dans toute l’Allemagne l’opinion qui lui convenait sans en avoir l’air. En effet, un règlement obligeait le journaliste allemand de remplacer un texte censuré par un texte accepté. Depuis l’avènement d’Hitler la Presse connaît une concentration aux mains du gouvernement.

3. États-Unis. — Le journalisme américain est devenu une formidable machine. Il compte les plus complets exemples dans la « Yellow Press » la Presse jaune. C’est le journal qui est connu comme moyen de gagner beaucoup d’argent. (La chaîne des journaux de Hearst.) À côté existe la « Human interest Press », qui fait un usage abondant des incidents qui révèlent la nature humaine et fait naître les émotions. (Par ex. Le Star, de Kansas City.) L’Amérique a des « news papers » et « newspapermen ». l’Angleterre et le continent ont des journalistes. Il y a une grande différence. Les journaux américains font d’immenses sacrifices pour utiliser tous les moyens créés par la science pour la transmission rapide de l’information. Le journal américain, comme instrument de nouvelles, est des années en avance sur les autres.

La Presse américaine est en général une pure entreprise commerciale, de parfaite à-moralité, exploitée selon une technique savante, rationalisée, mécanisée, le dernier cri de la réclame, de l’information, du reportage. Elle est trustée.

La Presse des États-Unis a une grande influence. Elle est riche et en général intéressante ; elle occupe, en temps de prospérité, d’après les rapports fournis par le Ministère de l’Intérieur, 261,000 employés qui touchent 2.5 milliards de dollars par an et 28,000 hommes travaillent avec 5,000 femmes, rien que pour rédiger les 20,000 publications diverses dont 2,300 sont quotidiennes, et ont une circulation presque incroyable de 44 millions d’exemplaires en moyenne par jour. (Le nombre de livres divers publiés, en une seule année prospère, a été de 227,495,000, y compris les livres d’école, etc.) On imprime en moyenne par jour aux États-Unis : 312,000 journaux italiens, 334.000 journaux allemands. 536.000 journaux en hébreu. Il y a lieu de remarquer que la plupart des juifs sont d’origine russe et allemande, quoiqu’un grand nombre préféraient déclarer qu’ils étaient polonais quand les pays qui les ont vu naître étaient tombés en défaveur.

Il y a aux États-Unis plus de 2,300 journaux quotidiens et 14,600 hebdomadaires. Pratiquement on compte un exemplaire par 5 habitants. Ces journaux représentent un capital de 1,154,786,000 dollars. Un seul de ces journaux occupe 2,066 personnes, dont 48 rédacteurs au service de l’information et 466 personnes au service de la publicité. Une soixantaine de journaux américains ont leur bureau à Paris.

Il y a quarante-quatre publications périodiques de langue française aux États-Unis, dont 7 journaux quotidiens, 2 tri-hebdomadaires, un bi-hebdomadaire, 24 hebdomadaires, 2 revues bi-mensuelles, 6 revues mensuelles, 2 revues trimestrielles. Le tirage total des journaux quotidiens de langue française est de 43,700 exemplaires. Le Daily Mail, le New-York Herald et le Chicago Tribune ont une édition parisienne.

Un journal américain laisse en blanc ses pages du milieu pour permettre ainsi ou lecteur d’y emballer ses tartines.

4. Italie. — La Presse italienne fait une grande part à la politique, au théâtre, à la critique littéraire et philosophique, aux articles d’idée générale. Le goût du pittoresque, du lyrisme même, parait le trait caractéristique de l’information italienne : devenu industriel et conquérant, l’Italien n’en continue pas moins à considérer le monde en artiste. (Gabriel Arboin)

5. Hollande. — La Hollande possède de très grands journaux : la Nieuwe Rotterdamsche Courant, l’Algemeen Handelsblad, le Telegraaf, le Maasbode.

La Nieuwe Rotterdamsche Courant (N. R. C.) fournit l’exemple le plus avancé de la Presse hollandaise. Le vendredi 19 mai 1933, « Ochtendblad » 12 pages et le soir « Avondblad » 24, soit un total de 36 pages. Il donne en moyenne 28 ou 30 pages par jour (8 ou 10 le matin, et 20 le soir). Aussi le N. R. C. est le journal qui donne la plus grande place à l’art en général, non seulement à la littérature hollandaise, mais à la littérature de tous les pays, française, allemande, anglaise, russe, Scandinave, espagnole, italienne, etc., etc.

6. Japon. — La presse japonaise est une de celles qui a le plus progressé. En 1860 les Nippons connaissaient à peine les journaux. Ce sont les Européens qui ont fondé les premiers journaux. Il y a aujourd’hui 115 grands journaux dont la moitié ont plus de 10 pages par jour et dont deux tirent 900,000 et 1,500,000 exemplaires (Tokio-Nichinichi et Osaka-Mainichi). Avec les périodiques paraissant plus de 3 fois par mois, il y a 8,445 journaux. Les journaux sous forme de sociétés anonymes sont devenus de grandes entreprises capitalistes au service du capitalisme. Il n’y a pas de grand journal exprimant la culture et l’idéologie de la masse prolétarienne.

241.33 Annuaires (Almanachs, Calendriers, Adresses).
241.331 NOTION.

a) Les annuaires sont des recueils destinés à reproduire chaque année une série de faits ou d’événements concernant une contrée, un département, une localité ou une branche quelconque des connaissances ou des activités humaines. Les annuaires paraissent généralement au début de chaque année pour servir de guide aux personnes de profession déterminée. Ils contiennent les données utiles à l’exercice de la profession ou déterminent la succession des travaux qu’ils ont à faire, ainsi que la manière de les exécuter.

Un annuaire donne des renseignements sur la composition de » organismes officiels et privés de toute nature, de la spécialité à laquelle il se réfère (administration, sociétés, instituts de recherche et d’enseignement, presse spéciale) ; souvent des informations sur les personnalités elles-mêmes. Renseignements généraux d’ordre commercial, juridique, administratif. Données fondamentales et permanentes sur la matière.

b) Il est difficile de définir l’annuaire par des caractéristiques bien nettes. Dans ce qu’il a d’essentiel, l’Annuaire est un ensemble de données mises annuellement à jour. Mais cette définition conviendrait aussi au Traité et à toute forme d’ouvrage réédité annuellement. Pour qu’il y ait annuaires, il faut une seconde condition, qu’il y ait matière même annuellement renouvelée. C’est le cas des statistiques et des états du personnel des organisations, des listes d’institutions existantes, des adresses des personnes, des abonnés aux services publics ou privés.

Les annuaires sont des documents difficiles à enfermer dans une définition simple. Ils ont — ou ils devraient avoir — de commun, d’une part le fait d’être publiés annuellement, d’autre part le fait de contenir des informations de caractère synthétique et bibliographique. Il y en a qui forment cependant des publications annuelles et constituent une série indépendante. (Ex. : le catalogue annuel de bibliographie, le recueil annuel des bibliographies, les recueils annuels des administrations officielles (publiant des documents officiels), les recueils ou rapports des associations et les actes de certains congrès.) Les annuaires ont pour objet de mettre au courant de la situation et des progrès dans tous les pays et en un domaine déterminé.

Une longue élaboration améliorée d’année en année a conduit aux grands annuaires actuels. Un annuaire peut reproduire chaque année, mise à jour, sa partie générale. Chacun de ses volumes alors est un tout complet par lui-même.

241.332 TYPES D’ANNUAIRES.

a) Plusieurs annuaires ont acquis une grande réputation : l’Annuaire du bureau des longitudes, l’Annuaire du Commerce Didot-Bottin, l’Annuaire historique fondé en 1818 Par Lesur, l’Annuaire du clergé de France, l’Annuaire diplomatique, l’Annuaire militaire, etc.

b) Sébastien Bottin (1764-1853) était en 1794 secrétaire général de l’administration centrale du Bas-Rhin quand il y publia le premier Annuaire statistique qu’on ait vu en France. De 1809 à 1853 il continua la publication annuelle que de La Tynna avait commencé à faire paraître en 1801. À la mort de Bottin l’Almanach du commerce de Paris, des départements et des principales villes du monde fut réuni à l’Annuaire du commerce de Didot, publié depuis 1797. Les mots un Bottin ou un Didot-Bottin sont devenus des sortes de nom commun pour désigner le livre d’adresses (dit almanach de cinq cent mille adresses).

L’annuaire Didot-Bottin en est arrivé à la 137e année de publication. La collection forme plus de 200 volumes et constitue un très précieux répertoire de documents historiques, consultables sur demande dans l’immeuble de l’annuaire.

L’annuaire contient aujourd’hui des adresses de tous pays, il comporte 20,000 pages en 5 volumes pesant environ 30 kilos. Mis à plat les volumes d’une seule édition formeraient une pile neuf fois plus haute que le Mont-Blanc !

c) La Belgique possède un « Annuaire permanent de documentation financière et industrielle ». C’est un recueil sur fiches mis constamment à jour, distribué hebdomadairement, publié par la collaboration d’un groupe d’experts comptables, d’ingénieurs commerciaux, d’actuaires et de juristes. Sa 12e année comportait 5 volumes contenant environ 9,000 notes sur les sociétés dont les titres font l’objet de transaction.

d) La Minerva, Jahrbuch der Gelehrten Welt, annuaire du monde savant, a été fondé en 1892. Elle est consacrée au progrès des relations du monde scientifique. Après la guerre a été publié l’Index Generalis, directeur R. de Montessus de Ballore (Paris Éditions Spcs) donnant des indications sur 1,100 universités et grandes écoles, 315 observatoires, 3,000 bibliothèques, 775 instituts scientifiques, 250 laboratoires, 1,250 académies et sociétés savantes. 2,300 pages, 60,000 noms de notabilités intellectuelles (liste alphabétique). Prix : fr. 192.50.

e) Il y a aussi le type des « Qui êtes-vous ? » annuaire des contemporains, sorte de biographie documentaire, le « curriculum vitæ », les fonctions et titres actuels, les œuvres produites.

« Who’s who in America » ; « Who’s who in Great-Britain » ; « Wer ist’s » ; « Wie is dat » ; « Vem är det ».

Les annuaires peuvent aussi être des catalogues de personnes ou d’institutions. Ex. : « Botaniker Adressbuch », « Index Biologorum », etc.

f) Des annuaires internationaux ont été produits. Ainsi le Répertoire international de la Librairie, œuvre du Congrès international des Éditeurs (liste de toutes les maisons d’édition et de librairie : livres, musique, arts).

On a établi des annuaires comme guide pratique pour la correspondance, le voyage et les relations au sein des congrès internationaux, des conférences et des réunions. Ainsi l’Annuaire du Bureau international d’Éducation (Genève), l’Annuaire de la Vie internationale, publiés par l’Union des Associations Internationales (Bruxelles) Les données alors sont à la fois nationales et internationales.

g) Le Deutsche Schule im Auslande présente en son numéro de décembre 1928 une forme pratique d’annuaire. C’est un résumé de tous les renseignements utiles aux étrangers désireux de faire un séjour en Allemagne. Ces renseignements comportent : 1° l’énumération des services s’occupant de cette question ; 2° la bibliographie des ouvrages à consulter.

h) Le Frankfurter Gelehrten Handbuch du Dr Borzmann s’applique exclusivement à une ville : Francfort.

i) Le nouvel Institut intern. de Droit public publie un annuaire qui contient les lois de droit public adoptées dans différents pays d’Europe et d’Amérique au cours de l’année 1928.

j) Des annuaires (Jahrbücher) existent en Allemagne pour les diverses branches du droit. Ils présentent chaque année les résultats essentiels obtenus dans ce domaine, tels que les offrent les ouvrages, les revues, la juridiction, et la pratique administrative. Le dernier créé de ces annuaires est le « Jahrbuch des Treuhandrechts » (Annuaire du droit fiduciaire) de J. Heins.

k) Certaines publications de la Société des Nations sont des œuvres magistrales dans le genre annuaire. Ainsi l’Annuaire Militaire 1928-1929 contient en ses 1,123 pages des informations abondantes sur l’organisation militaire de 60 pays à l’exclusion des colonies. Chaque année toutes les monographies sont revues et corrigées d’après les documents les plus récents. Dans la grande majorité des cas, grâce aux documents périodiques paraissant à des intervalles rapprochés, on a pu suivre et insérer dans l’année même des informations la concernant. Ainsi en 1929, les informations jusqu’au commencement même de l’année 1929. Des graphiques et tableaux récapitulatifs font ressortir les caractéristiques principales de l’organisation des différentes années et donnent des vues d’ensemble sur les diverses marines.

L’annuaire devient ainsi la forme de publication mère des données essentielles recueillies par les observatoires sociaux par lesquels sont complétées de plus en plus les grandes organisations.

l) Une commission spéciale d’experts réunis à l’Institut international de Coopération intellectuelle a dressé un plan de publication d’une série d’annuaires spécialisés (annuaire des savants, annuaire des littérateurs, annuaire des artistes). Ils ont envisagé la distribution du travail entre les différents pays, l’institution jouant le rôle d’un collecteur et d’un metteur en œuvre. Au-dessus de ces annuaires spécialisés serait placée une publication plus générale et sommaire : un « qui êtes-vous international », liste bio-bibliographique des principales notabilités du monde entier, pour l’exécution de laquelle une importante subvention privée a été attribuée à l’Institut.

241.333 DESIDERATA. RECOMMANDATIONS.

a) Les annuaires sont désirables particulièrement dans les domaines où les changements sont si rapides qu’il importe d’avoir périodiquement des situations à jour. Ils devraient comprendre des renseignements présentés sous une forme concentrée, facilement consultables, sur les points suivants : 1° énumération des établissements, associations, institutions et personnes relatives à la spécialité, notions sur les personnes célèbres ; 2° chronologie (dates importantes, date de l’œuvre) ; 3° calendrier général et calendrier des faits à venir relatifs à la spécialité (congrès, réunions corporatives) ; 4° législation sur la matière (lois, arrêtés, etc.) ; 5° codes des usages ; 6° tableaux des unités, barèmes, tables, formules ; 7° terminologie : vocabulaire international (français, anglais, allemand) des termes employés dans la spécialité ; 8° tarifs ; 9° brevets ; 10° statistiques ; 11° bibliographie de la spécialité : a) ouvrages et articles de l’année, b) bibliographie fondamentale, c) liste des périodiques ; 12° documentation : offices de documentation, grandes collections existantes, musées spéciaux (autonomes ou sections) ; 13° enseignement : écoles et cours ; 14° commerce : fournisseurs de la branche ; 15° adresses en général ; 16° annonces classées relatives à la spécialité.

b) En bonne terminologie il faudrait remplacer le terme « annuaire » par « répertoire » quand la publication n’est pas annuelle. Il manque en français une notion équivalente à l’anglais « directory ».[39]

c) Toutes les notices devraient être rédigées par les intéressés eux-mêmes, conformément à une formule ou à un questionnaire. C’est le moyen d’être exact. Les meilleurs annuaires conservent leur composition typographique. Ils envoient chaque année aux intéressés l’épreuve de la notice qui les intéresse, en demandant de la compléter et de la corriger.

d) Il faudrait dans chaque pays une centrale d’adresses, ou tout au moins une organisation générale des adresses. Les éléments de cette organisation seraient : 1° les registres et fichiers de l’état civil et de la population tenus par les villes ou des autres administrations ; 2° les annuaires généraux et spéciaux publics (adressiers, directories, livres de téléphones, de chèques postaux, etc.) ; 3° les adressiers manuscrits établis par les institutions spécialisées ; 4° les renseignements que les particuliers seraient invités à fournir.

241.334 ALMANACH. CALENDRIER.

L’almanach contient, outre le calendrier, des renseignements astronomiques et parfois des prédictions sur le temps. On y ajoute aujourd’hui certains renseignements spéciaux (almanach du laboureur, des missions, du pèlerin). En général, l’almanach est un ouvrage populaire. Il pénètre jusqu’au fond des campagnes. Il s’arroge souvent la spécialité de la prédiction du temps.[40]

L’origine des almanachs est très ancienne. Les Grecs donnaient le nom d’almanach aux calendriers égyptiens. Registre ou catalogue qui comprend tous les jours de l’année distribués par mois avec les données astronomiques, des notices et dates relatives aux actes religieux et civils principalement les saints et les fêtes.

La succession des phénomènes annuels et les divisions de l’année se rencontraient sur les monuments publics bien avant l’emploi des tablettes mobiles.

Un almanach est imprimé chaque année à Pékin sur les presses impériales et tiré à huit millions d’exemplaires qui sont aussitôt expédiés dans toutes les provinces du Céleste Empire. Et l’intérêt qu’y prenaient les Chinois, la confiance qu’ils accordent à ses renseignements et à ses prédictions étaient tels que chaque année ces huit millions d’exemplaires étaient tous vendus jusqu’au dernier.

Le calendrier astronomique publié comme contenu dans les almanachs et dans beaucoup d’annuaires, indique l’ordre des jours, des semaines, des mois, avec les noms de saints, les fêtes, etc.

On a souvent donné le nom d’almanach aux publications officielles ou officieuses, annuelles (almanach royal, almanach de Gotha) relatives aux administrations des États, celui d’annuaires aux recueils de statistiques des États. Mais ces derniers annuaires se sont considérablement amplifiés.[41]

241.335 ANNÉES.

a) Les « années » (Jahrbücher, Yearbooks) (telles l’année philosophique, l’année psychologique, l’année sociologique[42], l’année électrique) sont des publications qui rendent compte plus ou moins complètement des travaux faits dans l’année sur une science déterminée et publiés dans des langues différentes, permettant à chacun de connaître rapidement les travaux de ceux qui étudient les sujets qui l’occupent et de se servir de ces travaux.

b) Les Années constituent ainsi des parties de la Bibliographie générale. Il en est surtout ainsi pour les Jahrbücher allemands. Mais certaines Années comportent des tables de chronologie, de faits, de contacts, etc. qui les font déborder du cadre bibliographique. D’autre part existe souvent chez les rédacteurs le désir d’extraire des œuvres recensées les idées générales de marquer la direction et le mouvement scientifique en rapprochant plusieurs ouvrages.

c) On peut se demander pourquoi n’y aurait-il pas régulièrement des rapports périodiques sur l’état de nos connaissances comme toutes les autres branches d’activité privée ou publique en ont (industries, administrations, etc.) ? La British Association a confié à des comités spéciaux le soin d’élaborer des rapporte sur les progrès scientifiques réalisés dans une matière déterminée. C’est permettre à chacun de suivre le mouvement des idées et des faits de la science sans avoir à lire la masse entière de la littérature du sujet. Pour diviser le travail, cette lecture est faite par quelques-uns pour tous.

La Chemical Society publie annuellement des rapports sur les progrès réalisés dans les différents départements de la chimie durant l’année.[43]

241.4 Collections. Recueils de textes. Commentaires.

Les Recueils, les Collections et les Commentaires figurent parmi les plus grandes œuvres bibliographiques. Leur établissement a donné lieu à des sommes de labeur énorme.

Diverses questions sont à examiner : la publication de collections d’ouvrages constituant chacune une individualité ; les recueils de texte qui ne constituent pas des ouvrages entiers ; l’examen des textes et les principes à suivre pour leur publication ; la reproduction des manuscrits, notamment par les procédés photographiques ; les commentaires des œuvres.

241.41 Notion.

a) Le Recueil est le nom générique donné à un assemblage, à une réunion d’actes, de pièces, d’écrits, d’ouvrages en prose ou en vers et aussi de morceaux de musique, d’estampes, etc. Les recueils comprennent donc plusieurs ouvrages de même forme ou qui traitent la même question. Ainsi : Recueil des lois. Recueil de discours. Recueil de pièces de théâtre. Les grandes collections des ordres religieux (Bénédictins et Jésuites ; les Bollandistes), celles des Lequates, celles des historiographes. Ainsi : Collection des Pères de l’Église, Collection des Conciles, Collection des Bollandistes, Collection des mémoires de l’Histoire de France, Recueils de traités.

b) Le but des Recueils et des collections est de classer et publier, sans omission ni erreur, tous les documents ayant rapport à une question. L’impossibilité matérielle de rassembler certains documents existants justifie les ouvrages qui reproduisent et analysent le contenu d’originaux. Certaines rééditions ont pour but d’éviter les pénibles recherches dans les publications originales. Ex. : Tableaux de statistiques rétrospectives publiés par la Statistique Internationale du mouvement de la population.

c) Le recueil correspond à une opération bibliographique fondamentale, elle-même en corrélation avec une organisation intellectuelle fondamentale. Les choses se groupent et se réunissent d’abord dans l’esprit et se présentent sous une forme non matérielle. C’est dans ce sens que Cousin a écrit « L’histoire est un recueil d’expériences dans lesquelles on peut étudier la loi de la pensée humaine ». Le groupement, la réunion des documents considérés comme des unités, des entités documentaires distinctes peut se faire de manière bien différente selon le but désiré, les principes du choix, la base du classement.

d) Les générations ont fait succéder leurs efforts pour nous donner les grandes collections de textes dans l’état où nous les possédons maintenant. Les éditions ont été sans cesse en se perfectionnant, comme texte et comme forme de présentation.

241.42 Espèces, types de recueils et collections.

Il y a un grand nombre d’espèces de recueils et collections.

a) Histoire. — Pour étudier les documents d’une façon historique, on a senti le besoin d’en faire des éditions critiques établies en comparant méthodiquement les différents manuscrits. On a compris l’avantage de les réunir en grandes collections (notamment les collections allemandes pour le moyen âge). On a de même réuni les inscriptions en corpus. On a dressé le catalogue des manuscrits des auteurs antiques, on a commencé l’inventaire des documents inédits des archives.

En histoire on a réimprimé des pièces seules et on a formé des corpus ou recueils de pièces qui sont les principaux instruments et les principales entreprises de l’érudition historique ancienne et moderne.

La plupart des documents historiques ont été réunis dans des collections qui les ont rendus d’accès facile. Voici des exemples : sous le nom de Monumenta germaniæ on a recueilli des collections de documents relatifs à l’histoire de l’Allemagne. Le « Recueil des ordonnances des rois de France » est une vaste collection in-folio entreprise sous Louis XIV et continuée depuis.

Au commencement du XVIIIe siècle le savant Muratori réunit toutes les plus remarquables sources de l’histoire médiévale italienne. C’est pour son temps un merveilleux effort de savoir et de critique et le corpus le plus complet de textes historiques du VIe° au XVIe siècle pour l’Italie. La somme indispensable de recherches. Le commandeur S. Lapi a conçu et mené à bonne fin l’édition nouvelle dite Rerum italicarum scriptores, qui après sa mort fut achevée par Carducci et Fiorini. La découverte de manuscrits que Muratori ne connut point et qu’il crut perdus, la nouvelle direction donnée à la critique historique en ce qui concerne l’étude des sources et la préparation de leurs textes, les moyens plus amples et plus exacts de recherches et de reproduction dont nous pouvons disposer dans ce but, ont permis de renouveler l’œuvre de Muratori.

« Mon édition, dit Lapi, suivra dans chacune de ses parties l’ordre donné par Muratori à son recueil et elle en reproduira — sauf quelques exceptions justifiées — tous les textes et leurs préfaces. Chaque page portera l’indication de la page correspondante dans l’édition de Muratori. De riches tables analytiques, fondues en une table générale à la fin de l’ouvrage, accompagneront chacun des écrits. Chaque tome conservera la numération qu’il a reçue dans l’édition originale ; mais toutes les fois que cela sera nécessaire, il sera divisé en parties dont chacune formera un ou plusieurs volumes à part, avec une numération particulière de façon que, bien que ces tomes soient publiés par intervalles et par livraisons, il sera facile de leur tendre leur place dans le tableau de l’entière collection. Une numération, en continuation de celle des volumes qui composent le recueil de Muratori, sera donnée aux volumes des Aggiunte (additions) publiés par Tartini et par Mittarelli. Cette numération s’étendra aux autres volumes que j’espère y ajouter moi-même, y comprenant des textes que Muratori ne put insérer dans la collection, soit que ces textes aient été déjà édités, soit inédits, en partie ou en entier. »

La collection des chroniques belges inédites, publiées sur ordre du gouvernement par la Commission Royale d’Histoire, comprend déjà 125 vol. in-4o. De toutes parts, on continue à publier des pièces d’archives et de manuscrits, sauvant ainsi de la destruction et de l’inutilisation relative quantité de pièces qui sont les vestiges du passé. Ce travail s’accompagne d’une revision comparée des textes pour arriver à des versions plus exactes. Le travail des Index et des Tables de ces documents se poursuit parallèlement.

b) Littérature. — On a réuni en collections les œuvres littéraires de l’antiquité et du moyen âge : on a commencé à le faire même pour certaines œuvres modernes.

Des éditions excellentes d’ouvrages particuliers ou d’œuvres complètes des auteurs anciens facilitent à tous l’accès des trésors d’autrefois. Par ex. les Conciones latinæ (Harangues latines), le livre classique des rhétoriciens dans lequel Henri Estienne, il y a trois siècles, a réuni les meilleurs discours, extraits de Tite Live, Saluste, Tacite et Quinte Curce ; les Narrationes, recueil de faits historiques extraits des mêmes auteurs, à l’usage des classes de seconde.

c) Collections religieuses. — Patrologie. Canon. Il existe de vastes collections de documents religieux. La Patrologie de Migne, ouvrage qui concentre toute la littérature de l’Église des douze premiers siècles. — Les collections canoniques de l’époque de Grégoire VII : ces collections furent composées au moyen de matériaux fournis par de vastes compilations entreprises à l’instigation, ou tout au moins avec l’aveu du Pape. Les recherches qui furent poursuivies dans les archives du Saint-Siège et dans les bibliothèques des églises et des monastères ne contribuèrent pas peu à renouveler le droit canonique. — Des Regesta Pontificum Romanorum de Ph. Joffé, continuée par Potthast, embrassent 19 pontificats et résument plus de 26,000 lettres.

L’Amplissima collectio Conciliorum (Mansi) (Conciliorum omnium catholicæ Ecclesiæ collectio amplissima). Elle sera complète en 50 volumes tirés à 350 exemplaires.

Il y a 279 souscripteurs. Pour les années jusqu’à 1720, ce sont des reproductions et fac-similés de l’ancien Mansi, de Coleti, du supplément à Coleti par Mansi. À partir de 1720 on a établi des continuations typographiques par Martin et Petit. L’ouvrage a pour but de centraliser en une seule collection tous les documents relatifs aux conciles.

Les Anecdota Maredsolana publiés par dom Germain Morin, moine bénédictin de l’abbaye de Maredsous, sont des recueils de pièces relatives à l’ancienne littérature chrétienne. Ces textes, pour la plupart inédits, sont publiés avec des notes critiques.

d) Recueils juridiques. — Les recueils juridiques figurent parmi les plus grandes collections. Ils comprennent la législation et la jurisprudence ou décisions des cours et tribunaux. Il en sera traité avec la Documentation et le Droit est à ranger dans ce groupe.

Le « Recueil des Traités » publié par la S. D. N. en vertu de l’art. 18 du Pacte, comprenait, fin 1932. 125 volumes, avec 4 index généraux ayant publié plus de 3,000 traités ou engagements internationaux. Les recueils publient les renseignements utiles sur la prolongation des engagements, sur les modifications qu’ils peuvent avoir subis, sur les adhésions, les rectifications, les dénonciations dont ils ont été l’objet. Ces annexes donnent donc la situation exacte des relations entre États.

e) Livres diplomatiques. — On a donné des noms de couleur aux livres diplomatiques. Ainsi le Livre rouge (Espagne), vert (Italie), blanc (Angleterre, affaires étrangères), bleu (Angleterre, affaires intérieures, Blue Book).

f) Collections de documents scientifiques. — En toute science il existe des documents ayant fait époque et devenu classiques. On en a fait l’objet des collections publiées. Ex. : Classical documents of the theory of Evolution. Les Maîtres de la Pensée scientifique, collection de mémoires et ouvrages publiée par les soins de Maurice Solovine et devant comprendre les mémoires les plus importants de tous les temps et de tous les pays.

La Bibliothèque égyptologique (Paris, Leroux 1879-98), fondée par M. Maspero. L’auteur annonçait son intention de rééditer dans une collection d’un format et d’un prix abordable, les œuvres des égyptologues français dispersés dans divers recueils et qui n’ont pu être réunies à ce jour. Les en extraire pour les grouper et constituer un instrument de travail, un monument.

Le service des antiquités égyptiennes, établi par la France en Égypte, élabore un catalogue général des antiquités égyptiennes, où se trouveront réunis tous les documents relatifs à l’Égypte. Le service a fait diplomatiquement, par la voie du Ministère des affaires étrangères d’Égypte, appel aux gouvernements étrangers.

g) Collections générales. — Sous le nom de Bibliothèque ou noms analogues, des ouvrages sont publiés en série. Dans certaines collections chaque volume est indépendant mais l’ensemble forme une unité. Ex. : L’évolution de l’Humanité : toutes les Histoires fondues en une seule. Paris. La Renaissance du Livre — Bibliothèque utile (Alcan) ; Bibliothèque populaire ; Bibliothèque des actualités industrielles ; Bibliothèque de philosophie scientifique ; Bibliothek der allgemeinen und praktischen Wissenschaften ; Webers illustrierte Catechismus.

Les Volksbücher de Meyer forment une collection d’ouvrages populaires à 10 pfennigs. Ils en sont au nombre de plus de 2,000 numéros. L’Universal Bibliothek de Reklam à 20 pfennigs. Nelson’s six-pence classics. All unabridged.[44]

h) Ne pas confondre les œuvres éditées avec l’intention d’en constituer des collections et les recueils factices constitués ad libitum dans les bibliothèques publiques et privées par la reliure de plusieurs ouvrages en un seul. (Voir reliure.)

i) On donne souvent le nom de recueil aux publications périodiques et celles-ci sont de périodicité fixe ou peuvent être simplement continuées, paraissant quand il y a lieu sous des numéros de suite. Ex. : Les publications en fascicules de certains bureaux de statistiques. Autre ex. : Annales du Musée du Congo. Divisée en séries comprenant chacune un nombre indéterminé de tomes, chaque tome comprenant un certain nombre de fascicules.

On a créé des séries de monographies sous des titres généraux. Ex. : Historische Studien (E. Ebering), Literarische Forschungen (E. Felher).

j) Parmi les recueils on peut ranger les œuvres complètes d’un auteur.

241.43 Publications de textes.
241.431 NOTION.

Un des plus grands travaux consiste à remonter jusqu’à la source, jusqu’aux documents originaux. Les notions des anciens savants sont éparses dans les œuvres des citateurs. Beaucoup de savants du moyen âge ont une partie de leurs œuvres éparses dans les ouvrages de commentaires. Ainsi quantité de livres anciens ne sont connus que par des fragments, des traductions ou des citations.

Les fondateurs de grandes doctrines (par ex. Zenon et Chrysipe) ne nous sont connus que par des textes de plusieurs siècles postérieurs qui ne représentent pas leur pensée dans son intégrité. De bonne heure les disciples ou les commentateurs ont détruit l’unité du système ; ils en ont retranché selon leurs principes et les besoins de leur époque, les parties qui leur semblaient les plus arides et encore dans celles-ci ont-ils fait des choix.

Les textes sont invoqués pour une justification rapide et sûre de faits, pour une illustration commode ou frappante des idées.

Il ne faut pas confondre la matière première avec le produit fabriqué, c’est-à-dire les sources historiques avec les narrations faites au moyen de ces sources ; entre les témoignages et la transformation de ces témoignages, c’est-à-dire les sources et les facilités de les déchiffrer. Il faut donc des textes et des textes exacts. Point de textes mutilés, tronqués ou inexactement reproduits.

La correction des textes est affaire d’importance. Comment attribuer à tel auteur tel texte si l’attribution comporte des paroles qui ne sont pas de lui, ou en supprime qui sont de lui. Gui Patin (1602-1672) dit avoir compté d’abord plus de 6,000 fautes, puis plus de 8,000 dans le Plutarque d’Amyot.

Le texte désigne les propres paroles de l’auteur par opposition aux notes, gloses, commentaires. La restitution des textes altérés appartient spécialement à la philologie et à la critique, sciences cultivées dès l’antiquité, mais qui ont pris de nos jours de grands développements, grâce surtout aux progrès de la linguistique et de l’histoire. On ne saurait trop recommander de recourir à l’étude intelligente des textes : « C’est, a dit La Bruyère, le chemin le plus court, le plus sûr et le plus agréable pour tout genre d’érudition. »

241.432 RÈGLES POUR LA PUBLICATION DES TEXTES.

La publication des textes a donné lieu à des règles et recommandations diverses dont voici les principales. Elles ont été dégagées peu à peu des meilleurs usages et codifiées.[45]

a) Publier les textes intégraux, ce qui est différent d’un choix de morceaux ou d’une collection dite de « chefs d’œuvres » ou « de grands classiques ».

b) Publier toutes les œuvres de la littérature d’une certaine langue ou d’un certain pays et d’une certaine époque.

c) Établir les textes d’après la méthode qui préside aux travaux philologiques et avec un appareil critique appropriée.

d) Présenter les œuvres telles qu’elles se sont présentées, qu’elles sont apparues à leurs contemporains et conformément à la dernière volonté de l’auteur. Reproduire le texte de la dernière édition et dans l’orthographe du temps.

e) Accompagner l’ouvrage : 1° d’une préface d’ouverture large et vivante ; 2° d’un appareil critique ; 3° de notes ; 4° d’un glossaire de termes ; 5° de variantes ; 6° de renseignements bibliographiques.

f) Les éditions critiques doivent être établies en fonction directe de la tradition manuscrite et non sur la base d’une édition antérieure. Le texte doit reposer sur l’ensemble des manuscrits qui peuvent avoir une autorité, et non sur un manuscrit arbitrairement isolé des autres, ce manuscrit fût-il le meilleur.

On publie les textes des éditions critiques, présentant les variantes de différentes impressions et s’il y a lieu les diverses rédactions de manuscrits. Souvent les éditions sont accompagnées de l’indication des sources et d’un commentaire historique et philologique.

g) L’apparat critique signale tous les endroits où on peut soupçonner soit une faute de composition, soit une faute d’auteur ou négligence d’auteur. Il relève toute contradiction, toute invraisemblance de fait, tout anachronisme, toute obscurité ou ambiguité, toute incorrection grammaticale, toute anomalie métrique ou prosodique, toute « pluripartition » orientée, tout manque de proportion, de symétrie.

h) Numérotage, renvois numériques, pagination, linéation. — Dans les éditions critiques des œuvres en vers, on numérote les vers de 5 en 5, de 4 en 4. de 3 en 3, ou d’après l’analyse des strophes et autres grandes unités. Pour la prose, à l’intérieur d’une division préexistante, livre, chapitre ou paragraphe, on a proposé de diviser en phrases et en incises. Les phrases formant un sens complet sont numérotées par des exposants préposés 5 sed…, 6 tamen. À l’intérieur de ces phrases, des incises de sens complet peuvent être distingués par des lettrines en exposant : « Sedanunc antembnon modo necsed etiam… » Semblable division dispense du numérotage des lignes qui augmente les frais de composition. Elle permet d’ailleurs de mettre dans l’apparat des renvois définitifs, ce qui diminue le travail, les chances d’erreur et les frais de correction. Un tel système rendrait possible pour l’avenir les renvois précis, indépendant de toute pagination et linéation.

i) La disposition. — Lorsqu’une traduction accompagne un texte pour en faciliter l’intelligence et en constitue une sorte de commentaire suivi, chaque page de la traduction recevra le même numéro que la page de texte correspondante. Les alinéas de la traduction seront les mêmes que les alinéas du texte. Les numéros des chapitres et autres divisions importantes du texte seront répétés dans la traduction.

j) Multiplier les alinéas (aller à la ligne) à chaque chapitre, à chaque paragraphe, à chaque grande unité matérielle, à des intervalles de 10 à 20 vers, à chaque tronçon de texte finissant avec une phrase au sens complet et l’ensemble du tronçon constituant une sorte d’unité logique. Cela facilite la consultation et évite pendant l’impression, de trop nombreux remaniements de lignes, lorsque des erreurs sont à corriger.

k) Entre deux renvois numériques, l’apparat critique se décompose en unités critiques séparées par de doubles traits verticaux ║ À chaque unité critique correspondra un tronçon de texte nettement défini, tel que ses limites coïncident dans toutes les sources visées. Ex :

║ erat alius Prisc : erat B. Non, alius erat DE ║

l) Titres courants. — Les livres, chants, chapitres, paragraphes, actes, scènes, contenus dans chaque page seront annoncés par un titre courant.

m) Renvois et index. — Rien n’est plus fatigant à consulter qu’une série de renvois du type usuel. I, II, 3 ; III, 4, 5 ; II, V, 13 ; XIV, VII, 22 ; 25. Cela tient à ce que les divers renvois n’y sont pas de même forme, et aussi à ce qu’il faut faire attention à la nature des signes de ponctuation qui représentent des abréviations. On aura avantage, tout au moins dans les index, à employer des chiffres arabes séparés par des virgules collées, en libellant chaque renvoi sans souci des autres et sous forme intégrale : 1, 2, 3 ; 1, 3, 4 ; 1, 3, 5 ; 2, 5, 13 ; 14, 7, 22 ; 14, 7, 25. Malgré la répétition des chiffres de divisions supérieures, ce système économise un peu de place, en même temps qu’il repose l’œil et l’esprit.

n) Parfois dans la publication des textes, après études et comparaisons des sources : 1° on conserve certaines imperfections, mais au lieu de les maintenir à l’intérieur d’un texte qui doit servir aux études, on peut les rejeter en notes ; 2° on conserve les titres traditionnels des articles indispensables aux lecteurs, mais qui ne se trouvent pas dans le manuscrit reproduit ; 3° pour rendre le texte plus utilisable on le transcrit d’après l’orthographe moderne (latin ou langues vivantes) ; 4° on rétablit les références exactes citées dans le texte lorsque celles-ci ne le sont pas.

241.433 TYPES DE PUBLICATION DE RECUEILS.

a) Pour expliquer Aristote. Albert le Grand se livre à une paraphrase extensive, qui suit le plan général des ouvrages et où le texte des versions latines est absorbé en entier. Paraphrase bourrée d’interpolations, émaillée d’observations personnelles, incorporant une foule de matériaux empruntés aux commentateurs arabes et juifs et qui s’inspire du souci d’initier des profanes à un immense trésor de savoir. D’interminables digressions sur divers sujets viennent entrecouper la marche des idées : præter hoc digressiones facilmus est une formule favorite. Elles donnent l’impression que l’auteur a voulu y consigner une érudition inépuisable.[46]

b) Une récente édition de la Somme Théologique de St Thomas par A. D. Sertillanges O. P. (Tournai. Desclée 1925) se présente ainsi sur une même page, divisée en deux ; on trouve l’un sous l’autre, en bas le texte latin, en haut la traduction française. L’article comme dans le texte est encadré de ses objections et de ses réponses. Au bas des pages ses notes très brèves et peu nombreuses pour ne pas alourdir le texte s’y ajoutent chaque fois qu’il y a lieu d’élucider un point obscur ou une difficulté textuelle. Chaque volume est suivi : 1o d’un appendice donnant des notes explicatives concernant le texte même du traité et les idées générales de St Thomas et concordant avec les notes exposées ailleurs ; 2o d’un appendice contenant des renseignements techniques d’ordre plus général concernant la doctrine contenue dans le traité : aspects divers sous lesquels cette doctrine peut être envisagée ; 3o table analytique des matières.

c) Une nouvelle collection dénommée « Documentation internationale » vient de paraître. Le 1er volume est consacré à Constantinople et les détroits. « Non sommairement, dit M. de Lapradelle, non pas quelques aperçus, mais in extenso l’intégralité des pièces que le gouvernement soviétique a tirées des archives russes. Il ne pourrait s’agir ici, suivant les strictes règles de la méthode documentaire, que d’une traduction intégrale, sans aucune omission ; toute coupure semble en effet toujours plus ou moins subjective. La seule méthode vraiment scientifique, qui porte en elle-même jusque dans l’apparence, le caractère et la preuve de son objectivité, c’est la publication intégrale… »

Le Dr Mardrus, confrontant et colligeant des variantes innombrables de l’Histoire de la Reine de Saba, créa un texte arabe dont il publia la traduction.[47]

241.44 Commentaires des textes.

La publication de textes ne va pas sans commentaires qui dépassent souvent le simple rétablissement de l’écrit primitif pour pénétrer jusqu’à la pensée des auteurs. Les commentaires sont immenses de la Bible, du Coran, du Talmud, des Sentences du Lombard et de nos jours des Codes, récemment des Traités internationaux.

Les commentateurs donnent des versions à eux ou reproduisent les versions d’auteurs en indiquant leurs sources. Il y a des cas (par ex. des commentaires de Dante), où l’on n’a limité les notes que par la nécessité de donner encore du texte suffisant sur chaque page.

Pendant des siècles la culture a consisté à discuter des textes au lieu d’étudier par l’observation ou l’expérience les réalités !

241.5 Catalogues.

1. Notions.

a) Le catalogue constitue une espèce d’ouvrage bien caractérisée.

Le catalogue est aussi une forme élémentaire d’exposé, qu’elle soit appliquée à l’échelle d’un ouvrage entier ou qu’elle prenne place parmi les éléments d’un ouvrage complexe.

b) Le catalogue o été défini : Liste, énumération de personnes ou de choses classées dans un certain ordre. Le catalogue donne les caractéristiques des choses telles qu’elles résultent de leur examen et analyse. Le catalogue est le « document » dans lequel sont enregistrées les choses. Les catalogues sont les inventaires (relevé), les guides dans les recherches, les clefs des collections.

c) Il y a des termes synonymes ou équivalents employés avec des sens que l’usage a distingué, à raison surtout du but proposé. Le catalogue est une liste raisonnée, dressée avec soin, avec méthode, dans un ordre propre à faire connaître l’importance de l’ensemble et souvent avec des détails particuliers sur chaque objet.

Le dénombrement tend surtout à faire connaître des choses ou des personnes. L’état tend à faire connaître l’exacte situation des choses afin que la réflexion puisse ensuite s’exercer à les modifier s’il y a lieu, à les perfectionner, à les comparer avec d’autres choses de même nature. L’inventaire est la liste des objets, principalement pour des fins juridiques ou économiques (liste d’objets après la mort d’une personne, dans un magasin, ou une usine, dans un musée), il a pour but de faire connaître la valeur totale de ces objets ou d’en permettre le « recollement ». La liste est purement et simplement la suite des noms propres à désigner chacun des objets qu’on a besoin de connaître, accompagnée éventuellement de quelques indications utiles. Le répertoire signale les objets dans un ordre propre à faire retrouver chacun d’eux au besoin ; ce n’est point, comme l’inventaire, la liste des choses trouvées, c’est plutôt celle des choses à trouver, à chercher. (Reperire = retrouver.)

d) Le catalogue est parmi les plus utiles des ouvrages. C’est un instrument indispensable pour les chercheurs, pour les étudiants. C’est aussi la base des acquisitions scientifiques, la forme fondamentale que prend l’inventaire de la nature des connaissances humaines, des œuvres et des richesses créées.

e) Parmi les diverses espèces de catalogues, ceux qui concernent les livres occupent une place considérable ; ce sont les catalogues d’éditeurs, de libraires, de bibliothèques et surtout les Bibliographies. Il en sera traité sous les divisions ultérieures.

f) En dehors de la documentation proprement dite et des catalogues auxquels elle donne lieu, il y a les catalogues des objets, des êtres, des phénomènes et des personnes.

g) Un immense travail (catalographie) se poursuit, avec plus ou moins d’ordre de division dans le travail, de continuité dans l’effort, mais il se poursuit inlassablement à travers les âges. On doit par la pensée entrevoir le moment où tous ces éléments pourront être concentrés et constituer un seul ensemble homogène et organique, un Catalogue Universel dont le Répertoire Bibliographique Universel ne serait que la partie consacrée aux Livres et aux Documents. Ce serait d’une inestimable valeur intellectuelle pour la science, les études et les applications techniques et sociales.

2. Caractéristiques.

a) Coopération et continuité. — Les catalogues sont par excellence des œuvres collectives et continues et tendant à la totalité. Ils vont en se complétant, se supplémentant et s’améliorant sans cesse, d’œuvre en œuvre, d’édition en édition ; le travail des devanciers est incorporé à celui des suivants. Les objets à cataloguer s’accroissant ou leur position, situation se modifiant, il y a continuité nécessaire dans le travail.

b) Progrès réalisés. — À raison de ces caractéristiques, l’œuvre catalographique s’est perfectionnée dans diverses directions : 1° règles précises et conventionnelles pour la rédaction de notices ; 2° organisation du travail, répartition des tâches et centralisation du travail accompli ; 3° recours à la photographie comme observateur, témoin objectif ; 4° système des fiches facilitant les intercalations et par suite la coopération et la continuité.

c) Les catalogues d’objets de collections sont souvent des contributions de premier ordre à l’étude de la matière. Il en est ainsi si les auteurs s’attachent à analyser minutieusement les objets catalogués, à en donner des descriptions qui correspondent à de véritables « diagnoses », si en outre ils ont soin après l’analyse de résumer les vues de synthèse dans quelque Introduction ou Conclusion, enfin s’ils adjoignent une bibliographie et des références aux collections similaires. (Ex. Le catalogue monumental des instruments de musique chinois au Musée instrumental de Bruxelles, par Victor Mahillon.)

d) Les descriptions cataloguées permettent d’établir les catalogues de collections déterminées de spécimens ou duplicata comme de simples inventaires renvoyant pour tous détails aux numéros des descriptions faites une fois pour tous.

3. Espèces de catalogues.

Les catalogues sont de diverses espèces :

1° Quant à l’objet auquel ils se réfèrent : a) catalogues des choses : matières, êtres naturels, phénomènes, faits et événements ; b) catalogue des documents auxquels ont donné lieu les choses.

2° Quant à l’étendue ou champ couvert : a) catalogue d’existence (l’universalité des choses ou des documents similaires) ; b) catalogue d’un ensemble, d’un dépôt, d’une collection déterminée.

3° Quant à la forme matérielle : a) catalogue en forme de registre ; b) catalogue en forme de fiches.

4° Quant au classement : les diverses bases de la classification, matière, lieu, temps, forme, langue, etc., exprimées par les divers types de notation, mots rangés dans l’ordre alphabétique, numéros, symboles, numériques ou littéraux.

4. Types de catalogues.

a) Catalogues d’étoiles. — Les catalogues d’étoiles sont des tables contenant, pour un lieu et une époque déterminés, la liste des étoiles fixes visibles, avec indication, en regard de chacune, de ses éléments astronomiques, savoir : longitude et latitude célestes ou ascension droite et déclinaison. On a la longue tradition des catalogues d’étoiles d’Hipparque (1022 étoiles), Ptolemée, Albategni, Ouloug-Bey, Tycho Brahé, Kepler, Hevelius (1654 étoiles). Flamstead (2910 étoiles), Lacaille. Vers 1870, grâce aux travaux de Lemonnier, Mayer, Bradley, Maskelmé, de Zach, Delambre, Piazzi, Bessel et d’autres, les observatoires possédaient des catalogues contenant plus de 100,000 étoiles des deux hémisphères, jusqu’à la 12e grandeur, et ensuite les catalogues des nébuleuses dressé par W. Herschell, Messier, etc. (4000). La connaissance des temps donne chaque année un catalogue des positions d’un certain nombre d’étoiles remarquables avec les variations des ascensions droites et de longitude pour tous les dix jours.

Actuellement les catalogues visuels des étoiles donnent les coordonnées équatoriales de 300,000 de ces astres. Le catalogue photographique embrasse à peu près deux millions d’étoiles. Œuvre colossale, dont l’initiative prise par les Français remonte à 1884. Immense inventaire céleste, qui transmettra aux astronomes de l’avenir l’état du ciel a notre époque.

b) Flore et faune. — Les flores, les faunes, les prodromes sont en un certain sens des catalogues ou leur prolongement. Ils donnent une description complète des plantes et des animaux, tous ou certaines espèces, d’un pays, d’une région, d’une localité, de leurs propriétés utiles. Ils sont souvent accompagnés de cartes botaniques ou zoologiques, d’étymologie des noms, de tableaux analytiques pour arriver aux noms des familles et des genres, à un tableau synoptique des familles, d’une table alphabétique des familles, des genres, des espèces et des synonymes. Ils sont accompagnés de figures.

Une société d’Allemagne est en voie de publier le Prodromus du règne animal.

« Das Tierreich » est le titre d’un grand ouvrage de résumé zoologique entrepris par la Société zoologique d’Allemagne.

c) Catalogues commerciaux.

Le catalogue est une liste et une description de produits, une présentation au public des qualités commerciales de ces produits. C’est un commis voyageur silencieux. Le catalogue est une publication destinée à amener des affaires. Dans son catalogue le fabricant décrit les avantages et les détails de ses marchandises, les facilités dont il dispose pour fabriquer des produits uniformes et de bonne qualité. Il y passe en revue les procédés de fabrication et la perfection de leur fini. Il s’y efforce par tous les moyens en son pouvoir de convaincre le lecteur que les marchandises qu’il fabrique ou qu’il vend sont justement celles qui lui conviennent le mieux, à l’exclusion des autres.

Les catalogues commerciaux ont acquis une grande importance. Les notices donnent des caractéristiques. Les objets sont numérotés : ils portent parfois aussi les mots d’un code conventionnel. Des soins considérables sont apportés : présentation esthétique, illustration abondante, rédaction technique, précision et information scientifique. Les prix, variables, sont souvent indiqués dans une liste distincte du catalogue lui-même.

d) Catalogues-guides.

Une forme nouvelle de catalogues se multiplie. Quand le travail d’inventorier ou de publier toutes les collections dépasse les forces d’argent ou du travail, on établit un guide à travers les collections, guide donnant des indications à la fois sur l’institution, son organisation, ses fonds divers, ses ouvrages importants.

241.6 Tables et Tableaux.

I. Notions générales.

a) Il est en voie de se constituer toute une technique des tables et du tableau (tabulation). Le texte en lignes continues et paragraphes se dédouble d’une tabulation, texte en colonnes et en cases. Le résultat du tableau, c’est de mieux classer les données par affinités, de leur donner un ordre de suite, directement visible, de mettre en lumière, d’éliminer les lacunes et les répétitions, de faciliter la comparaison, d’ajouter aux corrélations entre les diverses données.

La table consiste donc en une réduction des matières présentées méthodiquement de façon qu’on puisse en voir l’ensemble d’un seul coup d’œil.[48] Elles sont souvent de simples résumés et s’attachent aux points principaux.

b) Quand il s’agit de données formant des ensembles, des collections de faits, il y a avantage : 1° à en standardiser la rédaction ; 2° à disposer les données en tableaux avec colonnes affectées à chacun des éléments à enregistrer. On peut ainsi les consulter selon des entrées diverses et on obtient une uniformité qui ajoute à la facilité de consultation.

c) Dans l’imprimerie, on comprend sous la dénomination générique de « Tableaux », tous les ouvrages à colonnes, à filets et à accolades, tels que statistiques, registres, états, tarifs, prix courants, factures, etc. Le tableau est la page encadrée et divisée en compartiments séparés par des filets.

d) Dans un sens figuré un tableau est un exposé panoramique de l’état d’une chose ou d’une question. Ce nom est, avec ce sens, donné à certains documents. Ainsi on estime désirable de voir établir par intervalle un tableau des progrès des sciences en toute matière. (Bilan des Sciences.)

e) Il y a un grand nombre de catégories ou espèces distinctes de tables. Il n’est traité ci-après que des principales.

2. Tableaux synoptiques.

Les tableaux synoptiques ont pour but de permettre d’embrasser du même coup d’œil les diverses parties d’un ensemble, d’en offrir une sorte de vue d’ensemble. Ces tableaux servent soit à faire ressortir clairement une classification, soit à faciliter les comparaisons entre des objets, des temps et des pays différents.

Il existe donc deux espèces de tableaux synoptiques : 1° ceux qui ont pour but de mettre sous les yeux un enchaînement scientifique (ex. tableaux des méthodes de Jussieu en Botanique) ; 2° ceux qui ont pour but de rappeler les faits comparés.

Le tableau synoptique placé à la fin d’un ouvrage, d’un chapitre, d’une leçon. 1° fixe la connaissance ; 2° facilite la récapitulation.

Les tableaux facilitent compréhension et mémoire : ils parlent aux yeux. Ainsi par ex. dans la grammaire on a le tableau des déclinaisons, le tableau des verbes, etc. Spencer a établi d’importants tableaux synoptiques de documents de la sociologie avant d’écrire ses principes.[49]

Condorcet parlait de tableaux synoptiques par lesquels les élèves pouvaient parcourir une véritable encyclopédie.

3. Tables statistiques.

Il est tout un art, le tableau statistique. Cet art s’est développé parallèlement à la science statistique et sous l’empire des grands travaux accomplis par l’Institut International de Statistique en vue de préciser, rendre comparable et étendre les données numériques.

Un tableau statistique est un groupement de données selon un certain ordre très parlant, où les rapports respectifs des données sont indiqués par la place occupée tout autant que par la mention inscrite : tableau des principales valeurs de l’encaisse des banques, etc.

4. Tables chronologiques.

Ce genre de tables dispose les matières en ordre de date. En histoire elles sont nombreuses. Par ex. Table chronologique des chartes et diplômes imprimés concernant l’histoire de la Belgique (Bruxelles 1866-1892, 8 vol. in-4°) par A. Wauters, sous les auspices de l’Académie de Bruxelles.

5 Tables généalogiques.

Ces tables ont pour objet de montrer clairement les liens de parenté, descendance et alliance existant entre membres d’une même famille humaine. Elles ont une grande importance dans les dynasties, les familles princières, les familles nobles (voir armoiries, blasons) et, à cause des héritages, dans toutes les familles en général.

6. Tables diverses dans les sciences mathématiques, physiques et naturelles.

En science, on nomme table un cadre renfermant les résultats numériques soit de calculs effectués directement, soit d’expériences. Ce sont donc des séries de nombres ou d’observations que l’on inscrit dans un ordre méthodique pour faciliter les recherches.

1° En mathématiques les tables ont pour objet d’éviter à l’opérateur des calculs longs et pénibles en en donnant les résultats calculés dans les hypothèses aussi voisines que possible les unes des autres. Tel est l’objet des tables de multiplication, de logarithme, de sinus et de tangente, de fonction elliptique et la table de Pythagore ou table de multiplication donnant tous les produits de dix par nombres simples multipliés deux par deux. C’est le type le plus ancien, le type classique des tables numériques.

2o En astronomie, les tables ont pour origine des calculs fondés soit sur des lois empiriques fournies par l’observation, soit sur des lois mathématiques de la mécanique céleste. Ces tables soumises à des vérifications journalières servent à guider les praticiens (par ex. les navigateurs).

3o En physique et en chimie, les tables n’ont plus d’autre origine que l’expérience. Les lois de phénomènes étant inconnues, on y supplée par un tableau des valeurs correspondantes, des causes agissantes et des effets produits.[50]

4o Quelle que soit la nature du phénomène réduit en table, la table est à simple ou à double entrée, suivant que le résultat ou l’effet dépend d’une seule cause ou donnée ou de deux causes ou données.

a) Une table à simple entrée ne contient que deux colonnes dont l’une renferme la valeur de la cause et l’autre celle de l’effet. Les cases de l’une et l’autre colonne se correspondent d’ailleurs suivant une règle convenue qui naturellement a pour base ordinaire la juxtaposition. Les tables de logarithmes, de sinus, de tangentes, un grand nombre de tables astronomiques, les tables de dilatation des différents corps par la chaleur, etc., sont des tables à simple entrée.

b) Les tables à double entrée sont formées de lignes plus ou moins prolongées et en nombre plus ou moins grand, selon que l’on a donné plus ou moins de valeur à chacune des causes considérées. En général on les dispose de façon à former un cadre rectangulaire en inscrivant sur une ligne horizontale différentes valeurs de la première cause, sur une ligne verticale la valeur de la seconde cause, et en suivant le résultat dans la case pincée à l’intersection de la colonne qui correspond à la valeur de la première cause et de la ligne qui correspond à celle de la seconde. Telles sont : la table de Pythagore où les deux données sont les deux facteurs du produit ; les tables des fonctions elliptiques, où les données sont l’amplitude et l’excentricité.

c) Une table à triple entrée, c’est-à-dire une table où le résultat dépendrait de trois données pour être construite d’après le même principe, exigerait les trois dimensions ; elle ne serait donc pas réalisable sur une feuille de papier à moins qu’on n’eut recours aux procédés de la géométrie descriptive. Habituellement on y supplée, ce qui est loin d’être avantageux, en formant plusieurs tables à double entrée, dont chacune a pour argument la valeur de la troisième cause.

7. Tables de constantes numériques.

La compilation des données numériques extraites de mémoires divers (coefficients) donne lieu à un type d’ouvrage sui generis.

Les Tables annuelles internationales de constantes et données numériques relèvent les données les plus importantes de chimie, de physique et de technologie. — Le vol. IV comprend environ 1300 pages de tableaux. On en a éliminé les données qui dépendaient des conditions expérimentales ou ne rapportant à des systèmes mal définis. Les titres des mémoires correspondant et une certaine bibliographie accompagnent chaque tableau. C’est là ce qu’on a appelé la « documentation numérique ».

Des Tables critiques internationales des données numériques de physique, chimie et technologie sont publiées aussi par l’U. S. Bureau of Standards. Le Conseil national des recherches américain a créé un comité chargé de la publication des tables critiques.

Il serait désirable de voir s’étendre à toutes les sciences la publication de tables de caractéristiques ou constantes. Ces données essentielles dans la constitution des sciences sont éparses dans un grand nombre d’ouvrages et de périodiques. La documentation nécessite sans cesse le groupement et le regroupement des données acquises, leur systématisation, leur critique, leur publication limitée à telle ou telle classe de données.

8. Tables des lois de la science.

Il est désirable de posséder pour chaque science un répertoire méthodique et concis des grands faits établis, un recueil des lois qui serait pour les idées générales de cette science ce que sont, par ex., pour les faits les recueils de constantes numériques. Parmi les prétendues lois et les soi-disant règles universelles, il y a lieu de faire un triage sévère des données pour chacun des principes énumérés, des sources bibliographiques permettant de remonter aux origines, de les appuyer de quelques exemples types et d’indiquer les exceptions, de distinguer avec soin ce qui est vraiment général de ce qui est seulement établi dans quelques cas, ce qui est prouvé de ce qui n’est que préalable. Léo Errera Revue de l’Université de Bruxelles, juillet 1898, p. 34. Le « Recueil des lois de la biologie générale » de M. Herrera, 1897. Mexico 147 + XII p., est un essai de codification de la biologie en lois et sous-lois.

9. Autres Tables.

Les tables et index des matières placés in fine des ouvrages ; les tables de classification, scientifique ou bibliographique et les tableaux systématiques des sciences, les bibliographies et les catalogues qui énumèrent et décrivent les ouvrages à divers points de vue, ne sont que des espèces particulières de la famille des tables en général. Il en est traité ailleurs.

10. Tableaux graphiques. Atlas.

a) Les tableaux graphiques combinent à la fois des textes concentrés et disposés synoptiquement, des images de tous types obéissant aux idées de la meilleure compréhension. Il réalise l’exposé rapide, complet, frappant, agréable, facile à mémoriser. C’est l’économie du temps qui intervient.

Visualiser de plus en plus les données s’impose comme une loi nécessaire. Les efforts de notre temps se réclament de ceux du célèbre pédagogue tchèque J. A. Comenius (Komenski) qui, pour réaliser le principe pédagogique qu’il avait énoncé en ces termes lapidaires, « les mots avec les choses, les choses avec les mots », publia au XVIIe siècle le premier livre d’instruction avec des illustrations : Orbis sensualium pictus (1648). Il classait les connaissances primaires, les énonçant en phrases courtes, en diverses langues, et en regard présentait des images représentatives des choses et des idées que les mots exprimaient. C’est la première tentative d’enseignement intuitif. Elle eut un succès prodigieux.

Quand l’Abbé de l’Épée, s’aidant des initiatives de Pereira, publia son « Instruction des sourds-muets par la voie des signes méthodiques » (1774) et son « Dictionnaire général des signes employés dans la langue des sourds et muets », il était parti de cette proposition : « Faire entrer par les yeux dans l’esprit des élèves, ce qui est entré dans le nôtre par les oreilles. »

La supériorité de la visualisation est grande sur la parole et sur l’écrit qui présente les abstractions de son texte.

On est arrivé à faire un tableau idéologique comme on fait un tableau peint : le peintre choisit un sujet bien délimité et le réalise en peinture. Par là il peut se concentrer et achever, par la répétition accumuler toute une œuvre. Qui écrit, produit, enseigne n’a que l’article, la brochure ou le livre. Il est conditionné par les difficultés d’impression. Avec le tableau idéologique il peut attaquer le travail de toutes parts et achever des exposés dont il pourra ensuite établir ou compléter la série.

b) Il y a tout un ensemble coordonné de moyens d’illustration. On peut prendre un sujet (par ex. : le corps humain) et l’envisager à l’aide de photographies en noir et de photographies en couleur, par la reproduction d’anciens dessins, par les schémas, par les rayons X, la photographie au microscope, le diagramme, les cartes de répartition, etc.

c) Formes des atlas. — Le terme atlas s’est généralisé. Il s’est appliqué tout d’abord à une collection de cartes reliées. Il s’applique maintenant également à des recueils de planches ou tableaux se rapportant à une question spéciale. Le terme atlas tend ainsi à exprimer une forme générale. Ex. : Atlas photographique du Rhône de A. Challey. Atlas of Physiological Chemistry de Funke. Atlas de microbiologie. Un atlas de la lune de Levy et Poiseux construit à l’échelle de l millimètre pour 1,800 mètres. Atlas anatomique.

241.7 Autres espèces de Documents.

Il faudrait traiter ici des diverses autres espèces de livres et aussi de documents qui, par leur multiplication et les principes de leur établissement, constituent les familles de l’espèce bibliologique toute entière (le genus bibliologicum). On s’est borné à traiter sommairement de quelques espèces, à en énumérer d’autres et à renvoyer à d’autre parties du traité et aux tables alphabétiques placées à la fin de l’ouvrage.

a) Catéchisme.

Le catéchisme est une œuvre qui contient l’exposé succinct de quelque science ou art et qui est rédigé en forme de question et de réponse.

La question est mieux précisée. Tous les mots portent car on a soin de tenir la pensée en éveil par une question à laquelle l’esprit n’a pas su répondre et dont on fournit la réponse. C’est aussi un moyen de diviser un exposé. De simples rubriques sont trop concises, ne peuvent pas exprimer les différences d’une rubrique à l’autre.

b) Code.

Le code est un corps de lois disposées selon un plan méthodique et systématique, ou une compilation de lois et statuts d’un pays. Un code comprend autant de livres qu’il y a de matières juridiques. Il y a les codifications officielles et les codifications privées. Ainsi Pasquale Fiore a présenté tout un ensemble de règles juridiques tendant à l’organisation juridique de la société internationale, sous le titre de « Droit international codifié ».[51] Il ne s’agit nullement, dit-il, d’un ensemble de règles juridiques ayant la même autorité que celles réunies dans un code de lois positives. Il n’a pas intitulé son ouvrage « Code de droit international ». Il s’est proposé, suivant l’exemple de Paroldo, ensuite de Petushevees, de Bluntschli et Field, d’exposer sous la forme d’un code les règles de droit international, droit historique, droit scientifique et droit rationnel, ce qui existe déjà et ce qui devrait devenir du droit positif — dans le but avant tout de présenter au public un système, autant qu’il est possible, méthodique et complet. Dans le même sens a été rédigé le projet de constitution mondiale de la Société des Nations.[52]

Les codes sont les instruments documentaires de la systématisation des principes, des lois et des règles. Il peut y avoir des codes d’idées et des codes de pratique. Ex. : Codes des règles d’une profession. Codes des règles bibliographiques. Codes des vœux des Associations internationales.

c) Thèses.

Les thèses sont les travaux produits par les étudiants pour obtenir certains grades académiques. Leur importance bibliographique est grande. Il y a, par ex. dans la Bibliothèque de l’Université de Lyon, 135,000 volumes et 115,000 thèses. Les thèses font avancer la science sur des points de détail ; leur sujet est le plus souvent donné par les maîtres qui aident les étudiants à les établir. Les thèses présentées aux universités sont pleines de matériaux recueillis avec soin et méthode.

Au sens général les thèses sont des positions à l’égard de certaines questions controversées, ou exposées pour la première fois. Elles sont explicites (formulées en termes mêmes par les auteurs) ou implicites (mises en forme par d’autres d’après les écrits originaux). Ex. : Les thèses de Doctorat, les propositions dont la condamnation est demandée à Rome.

Une thèse de quelque ampleur ne peut être condensée en quelques pages sans perdre la plus grande partie de sa force convaincante.

d) Guides.

Guide est le titre donné à un grand nombre d’ouvrages qui contiennent soit des renseignements, soit des préceptes et des conseils de diverses natures. Ex. « les guides de l’étranger », Guide Joanne, Bædeker, Guides bleus, les belles publications du Touring Club italien, « le guide des mères ».

Les Guides de voyage (guide Bædeker, guide Joanne, guide bleu, etc.) occupent une place particulière parmi les livres. Leur préparation intellectuelle exige des voyages et des recherches documentaires considérables, des enquêtes et des collaborations diverses. Matériellement, ils ont parfois de 500 à 600 pages, avec une impression fine et compacte, sur papier mince, contenant facilement sous le même volume la matière de quatre ou cinq romans. Leur typographie est compliquée, avec plusieurs corps différents, coupés à chaque instant de mots en gras, en italique ou en capitales ; des cartes et plans dessinés, gravés et imprimés spécialement, la plupart en plusieurs couleurs et dont chacun a du être plié et collé à la même page voulue ; le tout assemblé est revêtu d’une solide reliure souple.

Il entre dans les guides une énorme quantité d’érudition. Ils sont préparés par des recherches, des notes, des correspondances, des dossiers. Le guide présente un réseau d’itinéraires méthodiques : le problème consiste à décrire une surface par une série de lignes entrecroisées ; à la façon des mailles d’un filet, chaque maille étant assez étroite pour ne laisser échapper aucune localité intéressante ; chaque croisement étant muni de renvois qui permettent commodément tous les itinéraires personnels les plus variés à travers les mailles. Pas de redites, pas de « doublons », pas de trous surtout. Et chaque chose a sa place logique.[53]

e) Index des espèces.

Tous les travaux descriptifs (espèces minérales, végétales ; lieux géographiques ; personnages historiques) devraient être accompagnés d’index alphabétiques, relevant tous les noms cités de manière à constituer une contribution directe à l’étude systématique collective du sujet et entrer dans le cadre universel arrêté pour l’organisation des résultats de la science.

f) Rapports.

Le rapport est le compte que l’on rend d’une mission qu’on avait reçue, d’une chose dont on était chargé, d’un examen qu’on avait à faire. C’est aussi l’exposé de conclusions proposées au sujet d’un projet de loi, de règlements, d’un projet de résolution à prendre par des assemblées d’ordre scientifique ou social.

On fait des ouvrages intitulés « rapport sur l’état des connaissances relatives à un sujet ·. (Ex. A. T. Masterman Report on Investigation upon the Salmon, 1913.) L’auteur résume et met au point les études de ses devanciers, en fait la critique, expose ses recherches personnelles.

La création des grands organismes internationaux spécialisés, tant officiels que privés, a permis de confier à des corps responsables et bien qualifiés la présentation des rapports annuels sur la situation dans divers domaines. Ainsi, par ex., tous les ans l’Institut International d’Agriculture présente une vue d’ensemble sur la situation agricole du monde.

Des Universités, faculté par faculté, publient des rapports annuels sur l’activité scientifique originale de leurs maîtres et étudiants.[54]

L’administration moderne se fait à l’intermédiaire de rapports écrits. Qu’on se représente les cabinets des Directions de Politique étrangère. C’est à travers les rapports qu’y arrive la connaissance des faits de tous les pays où des hommes luttent pour des objectifs précis et cherchent à conserver entre leurs mains les gouvernements des affaires. La nécessité pour eux de parcourir à chaque seconde l’Europe et le monde entier, de voir un univers de pensée et d’action auquel les sens de tant d’hommes restent aveugles.

g) Répertoires.

Ce sont des recueils de certains faits, de certaines données constituant listes ou inventaires. Les répertoires ont des affinités avec certains annuaires et avec certains catalogues.

On établit maintenant des répertoires documentaires dont la caractéristique est d’envisager d’un sujet qu’une seule particularité, qu’un seul élément et de le traiter sous toutes les formes sous lesquelles il puisse être rendu accessible. Ainsi la Bibliographie, la Biographie, les constantes physique et chimique, le Répertoire des Peintures datées.[55]

La Conférence Économique Internationale de 1927 (S. d. N. a recommandé (XI) qu’il soit dressé un répertoire des ports ouverts au trafic international, répertoire mis périodiquement à jour.

h) Documents et ouvrages divers.

Un grand nombre de documents et d’ouvrages portent des noms spéciaux. Ainsi :

Nobiliaire, livre qui traite de la noblesse et de la généalogie des familles.

Missel : livre liturgique qui comporte les prières des offices divins et particulièrement de la messe.

Bréviaire : livre liturgique, manuel qui contient les prières de l’office ecclésiastique.

Antiphonaire : livre liturgique qui contient les antiphones, les hymnes et dans lequel la musique était toujours annotée.

Encyclique : lettre ou missive que le Souverain Pontife adresse à tous les évêques du monde catholique. On le désigne comme les bulles par les premiers mots avec lesquels ils commencent. Ex. les Encycliques Humano Genus, Rerum novarum, Quadragesimo anno.

Message : communication officielle entre le pouvoir législatif et l’exécutif ou entre les deux assemblées législatives.

Minute : extrait d’un écrit.

Album : c’est un livre en blanc communément relié avec plus ou moins de luxe et destiné à contenir de brèves compositions littéraires, des sentences, des maximes, des pièces de musique, des signatures, des portraits, etc. Il y a des albums en blanc avec ouvertures régulières dans les feuilles doubles et destinées à placer des photographies.

Lettres. Épîtres. — Chez les Grecs et les Romains, les écrits destinés à la correspondance étaient ordinairement expédiés sous forme de rouleau. On les exécuta d’abord sur des feuilles de papyrus de petites dimensions ; puis, à partir du IVe siècle sur des feuilles de parchemin. L’usage du papier de chiffon commença à la fin du XIIe siècle ou commencement du XIIIe. La mode de séparer le corps de la lettre de son enveloppe remonte à environ un siècle. Au début les enveloppes se faisaient à la main, plus tard à la machine. On donne le nom d’épître aux lettres missives des anciens qui nous sont parvenues et, en particulier, aux lettres de Saint Paul et de quelques autres apôtres (v. Bible). Les lettres missives ont donné naissance à tout un genre de littérature, très étendu et très varié, le genre épistolaire. Il comprend soit les lettres écrites réellement à des correspondants, soit les ouvrages écrits sous forme de lettres, comme les Lettres provinciales de Pascal, les Lettres persanes de Montesquieu, les romans par lettres.

Billet. Ticket. Bulletin. — En usage dans l’administration. Petit document ayant pour but de certifier que le porteur a acquitté le prix du voyage. Le bulletin de bagage est le reçu du bagage enregistré qui doit accompagner le voyageur par le même train. Il est l’équivalent de la lettre de voiture ou du connaissement pour le transport des marchandises par terre ou par eau.

Communiqués. — La guerre a érigé les communiqués en genre spécial. C’est, par des organes ou des personnes autorisés, la relation officielle d’un fait. Admirables vraiment ont été les expressions trouvées pour minimiser les défaites et maximaliser les victoires ; pour mentir tout en disant la vérité sans la dire. (Voir notamment : « Plutarque a mentis de Pierrefeu.) Le communiqué est en vigueur dans les chancelleries, dans les conseils des ministres et dans les informations données à la presse par les organismes de tout ordre. Il s’agit de présenter les faits en peu de mots, de les rendre intéressants et de les utiliser pour sa cause.

Actes notariés. — Il y a des actes que l’on authentifie et faire cette opération est la fonction des notaires depuis les Romains (notae).

Actes de congrès. Il est des congrès qui se sont réunis sur des questions spéciales et dont les rapports ont constitué de véritables encyclopédies de la question nouvelle.

Recettes. — En toute matière il y a les recettes pratiques. Elles se transmettent ordinairement de bouche en bouche ou par la pratique. Elles finissent maintenant par s’écrire. Ainsi se technicise, se scientise tout ce qui a été empirique dans la vie, dans les métiers, dans l’éducation des enfants, dans l’art de conduire les hommes et les affaires.

Journal de bord. — Le journal de bord est un registre que le pilote d’un navire est obligé de tenir, sur lequel il marque régulièrement chaque jour les vents qui ont régné, le chemin qu’a fait le navire, la latitude observée ou estimée, les profondeurs, etc., en un mot toutes les remarques qui peuvent intéresser la navigation. Par l’ordonnance de la marine de 1689, le capitaine commandant un vaisseau du roi est obligé de tenir un journal exact de sa route. Ces journaux au retour de chaque campagne sont réunis au dépôt des cartes et plans de la marine ; et les observations et remarques qui s’y trouvent, servent à perfectionner l’hydrographie et la construction des cartes marines.

Livre des origines (Stud Book). — Le livre où sont enregistrés des êtres vivants en vue de connaître leur hérédité et leur ascendance. Ainsi le Stud Book des chevaux. Le Stud Book des chiens établi en Belgique par la Société Royale de St-Hubert. On a établi un Stud Book international de certaines plantes.

Enseignes. — Le terme « calicot » prévaut pour désigner les enseignes ou pancartes temporaires portant des inscriptions en grandes lettres. On appose les calicots sur des édifices, maisons, expositions. On s’en sert aussi pour porter des indications, des protestations ou des demandes dans les cortèges et manifestations.

Pétitions. — Les pétitions politiques amoncellent des sées par des colporteurs, parvenaient dans les masses 600 mètres, contenant 5,035,697 signatures demandant la prohibition d’exportation d’objets pouvant donner la mort. Remise au Sénat des États-Unis. Reproduite en film cinématographique (mai 1916). Une pétition monstre a été celle présentée à Genève à la Conférence du désarmement en 1932. organisée par la Ligue internationale des femmes ; elle fut reçue par l’assemblée et portait environ six millions de signatures.

i) Catégories diverses.

Des catégories de documents et de livres embrassent des ouvrages de diverse nature, de divers sujet, mais présentant certaines caractéristiques communes. Par ex. :

Livres populaires. — Le grand mouvement de diffusion de la science auquel nous assistons de nos jours est tout nouveau dans l’histoire. Aux plus grandes époques intellectuelles d’autrefois, la science ne sortait pas de petits cercles et seules les publications populaires, diffusées par des colporteurs, parvenaient dans les masses populaires. Ainsi les bestiaires du moyen âge pris à des sources pseudo-savantes. Ainsi aujourd’hui encore, les almanachs, les images dites d’Épinal.

Livres professionnels. Livres de métier. — Leur importance grandit à raison de la spécialisation de la complexité et des incessants changements de la technique. Mais d’autre part, l’introduction des machines enlève leur valeur aux connaissances individuelles. Les livres professionnels évoluent vers des livres d’industrie.

Ouvrages dits de Vulgarisation. — Il y a toute une catégorie de livres qui ne représentent aucune notion nouvelle ou scientifique, mais qui ont pour objet de placer à la portée du vulgaire les indications qui s’expriment en termes scientifiques et dans leur appareil compliqué. Ex. : Livres de médecine usuelle, Traités usuels de droit.

Documents de propagande. — il se poursuit dans nos sociétés, à l’intervention du livre, une immense propagande, la propagande de tous ceux qui veulent convaincre, persuader, obtenir, dans un but quelconque, l’adhésion des esprits. Ce sont tous les partis politiques, les gouvernements et les autorités aux divers degrés, les œuvres, les sectes philosophiques, les religions. On s’est mis à étudier psychologiquement et sociologiquement ces divers types de propagande, en particulier la propagande des Missions, celle des révolutionnaires, celle des gouvernements en temps de guerre. À la plus intense de ces propagandes on a donné irrévérencieusement le nom de « Bourrage de crânes ».

j) Classes d’ouvrages après leur forme.

Des classes de livres ont été établies à raison de la circonstance toute objective et matérielle soit du nombre de pages (livre, brochure ou feuille volante), soit de la forme des feuillets : enroulée (volumen), reliée ou brochée (codex), mobile (fiches ou cartes postales). (Voir ce qui a été dit de la Forme sous le n° 221.2.)

k) Modalités des ouvrages.

On peut distinguer les livres d’après certaines modalités du style. Ainsi les livres en exposé continu et ceux qui sont établis par question et réponse (dits catéchisme) ; les livres qui s’expriment en style direct, soit que l’auteur emploie le je, soit que s’adressant à des interlocuteurs déterminés il dise vous ou tu[56] ; au contraire les livres qui sont impersonnels. (Voir ce qui a été dit de l’Exposé sous le n° 224.)

241.8 Modalités d’une même œuvre. Édition. Traduction. Extraits. Arrangements.

Une même œuvre prend des formes variées : ses éditions successives, l’état de ses divers exemplaires, ses traductions, les extraits, arrangements, transformations, les emprunts, copies, citations, plagiats qui en sont faits ; son insertion dans la collection des œuvres complètes de l’auteur ou dans d’autres collections à bases diverses ; sa continuation en d’autres œuvres, par l’auteur ou d’autres auteurs.

241.81 Édition.

a) L’édition est l’indication concernant le numéro d’ordre de chacune des réimpressions d’une œuvre. Il ne faut pas confondre les termes tirage, réimpression et édition. Les uns et les autres signifient le résultat de l’action d’imprimer une œuvre. Mais la réimpression se distingue de l’édition nouvelle. Il y a réimpression lorsqu’on se borne à reproduire sans modifications, ajoutes ni retranchements l’édition antérieure. On tire sur composition conservée ou sur composition recomposée. On reproduit aussi en fac-similé, par certains procédés spéciaux. En principe l’édition nouvelle implique modification.

b) Les éditions sont ordinairement numérotées et portent souvent la mention « édition nouvelle ou refondue, ou revue et augmentée ». Par ex. : « Nouvelle édition entièrement refondue et complétée en tenant compte des Conférences de La Haye de 1899 et de 1907 ».

c) L’édition est clandestine ou publique, définitive ou provisoire, approximative ou en fac-similé, officielle ou privée, originale ou princeps, réalisée du vivant de l’auteur ou posthume. Toutes les œuvres produites sont loin d’être éditées. D’où, pour les auteurs dont la valeur a été reconnue plus tard, des éditions posthumes.

d) Certaines éditions sont dites « définitives ». Expression malheureuse. Qu’est-ce qui est définitif ? L’édition de 1917 des « Fleurs du Mal » de Baudelaire a vu ajouter encore un certain nombre de poèmes à l’édition dite définitive.

e) Souvent les éditions successives ne se distinguent de la première que par une meilleure systématisation des idées et une documentation plus complète. L’idée maîtresse demeurant inchangée. Les diverses éditions d’un ouvrage en constituent en quelque sorte l’évolution. Celle-ci dans une certaine mesure se conjugue avec l’évolution de la science contemporaine. Les éditions successives doivent donc compléter l’œuvre et la corriger parallèlement au progrès incessant des découvertes. L’œuvre d’un auteur se perfectionne à travers des éditions successives. Un ouvrage, parti de quelques pages finit par former un gros volume. L’édition successive d’une œuvre va en se développant et en s’améliorant. Elle rappelle le germe qui grandit, la plante qui meurt chaque année et renaît au printemps suivant, toute renouvelée dans sa sève et ses verdures, toute agrandie après le repos fécond de l’hiver.

f) Des ouvrages ont cent ans d’existence et par des éditions successives sont constamment rajeunis à travers les années. Ainsi le « Stieler Atlas » édité par Julius Pertes (1re édition en 1823). De même « L’Atlas Vidal Lablache » est constamment tenu à jour, s’améliorant et se complétant. Il est des livres qui se publient en éditions annuelles. Ex. : Les « Leitfaden für den Unterricht der Geographie ».

g) Un roman avant d’être publié en livre paraît aujourd’hui dans une revue ou en feuilleton dans un journal. Il en est parfois de même des mémoires, des relations de voyage, voire d’études scientifiques.

241.82 Exemplaires.

a) L’exemplaire est une œuvre complète, faisant abstraction du nombre de pages et aussi des volumes et tomes qu’elle comprend. C’est l’unité faisant partie du tirage multipliée d’une œuvre, d’une grande œuvre. Une bibliothèque, par exemple, peut posséder trois exemplaires d’une même œuvre, l’un en un volume, l’autre en deux, le troisième en quatre.

b) Les exemplaires d’une œuvre, surtout d’une œuvre ancienne, peuvent différer entr’eux par leur état de complétude et de conservation, les notes manuscrites ou annexes. Ces modalités ajoutent à la valeur de l’ouvrage et jouent un grand rôle en Bibliophilie. D’autre part, les exemplaires sont dans des liens de propriété avec leurs possesseurs et en portent souvent la marque sous forme d’inscription, d’ex-libris ou d’armoiries sur la reliure.

241.83 Traductions.

1. Notions.

La traduction est la reproduction d’une œuvre en ses idées et ses mots, mais en une langue différente. Il est malheureusement déjà malaisé de bien savoir sa langue et absolument impossible de savoir toutes les langues. D’autre part l’activité littéraire se manifeste presque dans tous les pays. On doit donc renoncer à lire la plupart des auteurs dans leur texte original. Le rôle des traducteurs sera donc de plus en plus considérable et de plus en plus nécessaire, Ils seront les agents de liaison de l’esprit humain. Puissent-ils se montrer exacts et vigilants. On saura par la traduction passer d’un peuple à l’autre les trésors de la sagesse et des littératures humaines. Les traductions ont assoupli, enrichi chaque langue de mots nouveaux, elles ont grossi le trésor commun des idées philosophiques et morales, économiques et scientifiques. Les traductions ont aussi fait connaître au monde des œuvres qui, si elles étaient restées confinées dans le cercle du même parler, y aurait pu être lues mais non comprises. Que de livres ont été connus seulement par la traduction,

Les tendances nationalistes actuelles qui portent les auteurs à écrire dans la langue de leur pays, alors que celui-ci ne comprend que peu d’habitants, fait de la traduction une nécessité. Ex. : les ouvrages écrits en hollandais, flamand, finlandais, norvégien, islandais, bulgare, etc.

Beaucoup d’auteurs puisent leurs informations, leurs idées et même leur composition dans des ouvrages étrangers connus d’eux seuls. D’où une pseudo-originalité due à l’ignorance des non-initiés à la langue des autres pays.

Les traductions ont aidé à enrichir le vocabulaire des langues. Par elles surtout les langues nationales ont été amenées à se compléter.

Depuis longtemps les étudiants tchécoslovaques, au cours de leurs études, avaient coutume de s’attacher à quelque ouvrage étranger, à le méditer, à le traduire par une langue de plus en plus complète, et à enrichir ainsi la culture nationale tchèque.

Par la transmission, par la reproduction des œuvres particulières de chaque peuple chez les autres peuples, une véritable communion spirituelle pourra s’établir entre toutes les parties de l’Humanité.

2. Historique.

On a traduit de tous temps, surtout aux époques passées, alors que l’étude des langues était moins poussée. Ptolémée Philadelphe fit traduire en grec pour les propos de la Bibliothèque alexandrine un nombre apparemment immense d’ouvrages apportés, dit-on, de tous les pays du monde. Il faut faire une mention spéciale aux traducteurs juifs, qui ont joué un rôle important, mais obscur, comme intermédiaires intellectuels pendant tout le moyen âge. Certains ont traduit en arabe des ouvrages grecs, ou en hébreu des ouvrages arabes et syriaques qui eux-mêmes reproduisaient souvent les originaux grecs, les versions hébraïques ont été ensuite traduites à leur tour en latin, et c’est par cette voie qu’une partie des ouvrages d’Aristote, d’Avicenne, d’Averroès, plusieurs auteurs techniques de l’antiquité paraissent être parvenus à la connaissance de l’Europe occidentale. Sous la dynastie des Han, en Chine, les livres boudhiques apportés de l’Inde sont officiellement traduits. Avec les dernières éditions, la Bible est traduite maintenant en 886 langues ou dialectes.

3. Traductions caractéristiques.

Il est des traductions célèbres ou caractéristiques. La Version des Septante (la Bible traduite en grec), la Vulgate (la Bible traduite en latin), la traduction d’Aristote au moyen âge. La traduction par Delille des Georgiques de Virgile, le Paradis perdu de Milton traduit par Chateaubriand, la Divine Comédie de Dante traduit par Lamennais ; L’Iliade d’Homère par Lecomte de Lisle, la traduction de Shakespeare, par François Victor Hugo.

Les Éditions Montaigne (Paris) publient la collection « Les chefs d’œuvre de la littérature allemande », texte de l’œuvre et traduction en regard, chaque ouvrage contenant une étude approfondie sur l’auteur, ainsi que sur la genèse et les sources de l’œuvre. À la fin du volume des notes.

4. Dispositions typographiques de la traduction.

On a donné divers dispositifs aux traductions. Traduction juxtalinéaire, éventuellement en deux couleurs. Traduction en note, au pied des pages. Publication en double texte placé en regard.[57] Traduction en publication séparée (partie du maître, partie des élèves, ou partie des devoirs corrigés).

5. Difficultés de la Traduction.

La traduction offre quatre espèces de difficultés :

1° La connaissance des langues, de la part du traducteur.

2° L’absence de mots, de tours de phrases pour rendre l’équivalent d’une langue dans une autre sans rien affaiblir ni modifier des effets, des couleurs, des nuances.

3° L’effort pour fixer ce quelque chose de presque insaisissable et pourtant essentiel, ce souffle dont l’esprit de l’auteur pénètre l’œuvre entière qui lui donne la vie, le mouvement, l’individualité et peut être comparé au principe vital dans les corps organisés.

4° L’obstacle qu’oppose aux équivalences les différences de sentiments, de mœurs et d’idées qui produisent les différences de siècles, de races, de climats.

Que de difficultés pour bien traduire : les contresens, les traductions inexpressives, incomplètes. Les faux amis ou les trahisons du vocabulaire anglais, de Koessler et Derocquigny en disent long à ce sujet, et le compte rendu qu’en a donné F. Boillot y ajoute : (French Quaterly Vol. X, N° 4. p. 2). Chaque mot a une histoire. Les mots se présentent enveloppés d’une atmosphère due aux associations d’idées qui d’habitude les accompagnent et qu’une traduction littérale, pourtant la seule bonne, est impuissante à rendre. Les mots n’ont pas le même sens dans les diverses professions. Les aubergistes sont redoutables.

Les mots appartiennent aussi à des classes sociales, comme les individus, et la confusion des classes est fort déplacée dans le langage. Il se produit souvent une sorte de décalages entre lesquels évoluent les mots de même structure en français et en anglais. Ce décalage affecte leur valeur intellectuelle, morale ou sociale, séparément ou simultanément.

Gare aux métamorphoses. Elles ont un degré d’usure, c’est-à-dire une puissance d’évocation difficile à reconnaître pour un étranger. Un ouvrage traduit représente toujours une somme d’erreurs, d’ambiguités et d’inexprimés.

Traduttore, traditore, dit le proverbe italien. Montesquieu a dit : « Les traductions sont comme ces monnaies de cuivre qui ont bien la même valeur qu’une pièce d’or et même sont d’un plus grand usage pour le peuple ; mais elles sont toujours faibles et de mauvais aloi ». Mme de Sévigné a comparé les traducteurs à des domestiques qui vont faire un message de la part de leur maître et qui disent le contraire de ce qu’on leur a ordonné.

Les bévues des traducteurs ont été énormes. « Crocodilos » lézard, a été traduit par Crocodile, la ville de Corfinium est devenue un capitaine Corfinium ; « Omnis bonus liber », L’homme de bien est libre, a été transcrit : tout livre par quelque endroit est toujours bon. Il est, a-t-on traduit, plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux. Le traducteur a confondu « Kamelos » (chameau) avec « Kamilos » (câble).[58]

6. Méthodes de la traduction.

La traduction est un travail plus complet que la version, celle-ci peut à la rigueur consister uniquement dans la substitution d’un mot à un autre ayant le même sens dans une langue différente, tandis que la traduction exige tous les changements nécessités par la différence qui peut exister entre le génie des deux langues. Dans les écoles, on appelle couramment version les exercices par lesquels dans l’étude des langues, on traduit la langue maternelle des textes écrits en d’autres langues. Le thème, c’est l’inverse, c’est l’équivalence en une autre langue d’un texte de langue maternelle. Certaines traductions sont serviles, mot à mot ; d’autres constituent des interprétations d’allure libre et dégagée.

Des écoles depuis longtemps se partagent quant au caractère à donner à la traduction.[59] Pour les uns, il faut être littéral (photographier l’original). Pour les autres, il faut « faire œuvre de résurrection dans une nouvelle patrie d’une littérature endormie au tombeau : c’est la vie nouvelle d’un verbe passé dans un verbe présent ».

C’est par exemple, Homère, Moïse, Virgile, Dante, Shakespeare pensant et parlant français. Mais on constate que traduire ainsi c’est le plus souvent rendre les auteurs méconnaissables. Il y a imitation, non plus traduction.

La traduction allemande de Shakespeare par Schlegel et Tieck est criblée de fautes et, malgré cela, grâce à cette traduction incorrecte, Shakespeare est mieux compris en Allemagne que dans les pays anglo-saxons, il y est devenu quasi plus une propriété allemande qu’anglo-saxonne.

Un Code de recommandations à suivre dans les traductions pourrait être fort utile.[60]

L’effort à faire pour le rapprochement des races et leur intercompréhension d’abord, demeure immense. On ne parle pas la même langue des idées, il faut établir des traductions non point mot à mot, mais sens à sens. Des livres ont paru dans ce sens. Par ex. aux Indes : « The Mysterious Kundalin. The Physical Basis of the Kundalini (Hatha) Yoga » in terms of Western Analogy and Physiology by Dr Vacant G. Rele. — Bombay D. B. Taraporevala, Sons & C°.

Parfois l’auteur apporte des éliminations des passages trop spéciaux au pays d’origine ou il tient compte des critiques faites à son livre en donnant à sa pensée une expression plus correcte. (Ex. Socialisme théorique de Bernstein, traduit par A. Cohen.)

On peut faire acte de grande initiative en traduisant des ouvrages d’avant-garde d’une science dans une autre ; en ne se bornant pas à loin à la transcription servile d’une langue dans une autre mais en y ajoutant préface, commentaire et notes. Ex. : La traduction de l’Origine des espèces faites en français de 1862, par Clémence Roger.

7. Domaine de la traduction.

Dans l’ensemble quelle est la proportion de la pensée écrite, traduite dans les diverses langues. Des coefficients pour en juger seraient intéressants à établir suivant la formule

Le nombre de traductions va en augmentant, mais augmente aussi le nombre des œuvres originales. En réalité, on constate : 1° Que tout n’est pas traduit. On ne traduit pas toutes les œuvres, ni tous les auteurs. Pour être traduit un ouvrage doit avoir une grande notoriété. 2° On traduit avec retard. 3° On traduit incomplètement (En général seulement l’ouvrage principal de l’auteur.) 4° On traduit plus ou moins exactement. 5° Les traductions en restent généralement à une ou deux éditions rapidement rendues surannées par la parution successive de trois ou quatre éditions refondues de l’original.

8. Applications de la traduction.

Des progrès se constatent dans l’extension du « polyglottisme dans les publications », notamment dans les périodiques. Ainsi : 1° Nombre de périodiques publient des sommaires et des résumés en plusieurs langues. Par ex. Le Bulletin de la Fédération dentaire internationale donne article par article la traduction en français, en anglais et en allemand. 2° Dans les congrès internationaux les résolutions sont traduites en plusieurs langues et parfois les comptes rendus. 3° La Société pour les Relations Culturelles entre l’U. R. S. S. et l’étranger, sous la direction du Prof. R. N. Petrof, a fait paraître une revue illustrée en trois langues : français, anglais et allemand. Son radio-journal est transmis en anglais, allemand, français, espagnol et hollandais. Il est audible de toute l’Europe et même de l’Amérique.

9. Organisation de la traduction.

L’œuvre de traduction peut-elle être abandonnée à elle-même et a l’initiative individuelle ou convient-il de l’encourager, de la diriger, de l’aider ? La seconde hypothèse paraît la vraie et déjà bien que timidement on s’y essaie.

1° Le Congrès des P. E. N. Clubs de 1928 a préconisé une espèce de clearing house des Traductions et des Traducteurs (bibliographie des traductions et liste des traducteurs, etc.).

2° L’Index translationum. Répertoire international des Traductions est publié par l’Institut International de Coopération intellectuelle. Il donne trimestriellement la liste des traductions paraissant dans les principaux pays et tirées des bibliographies nationales. Pour commencer, il a annoncé les traductions paraissant en Allemagne, Espagne, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Italie. (Le n° 1, juillet 1931, par ex., comprend 915 titres.)

3° Sur le rapport de M. Ciarlantini concernant les traductions, le Bureau permanent du Congrès international des Éditeurs est chargé d’une étude tendant à constituer un organisme international de renseignements relatifs aux Traductions, aux Éditeurs de tous pays qui en publient, à la bibliographie de ces traductions et à la clientèle de leurs lecteurs.

4° L’Association des Traducteurs de Moscou s’est proposé de familiariser les lecteurs de l’U. R. S. S. avec les œuvres choisies de la littérature étrangère et vice versa le lecteur étranger avec la littérature soviétique ; d’assumer la défense des intérêts syndicaux des traducteurs, d’améliorer les conditions dans leur travail en perfectionnant par des garanties collectives la qualité des traductions. (Bulletin de V. Ο. X. n° 36, p. 19.)

5° Certains gouvernements, certains groupements se sont préoccupés de donner un caractère moins aléatoire à la traduction. Il y a un haut devoir intellectuel à faire connaître des œuvres utiles parues en d’autres langues. Ainsi des traductions ont été faites par ordre. Ex.: Psychologie de l’Éducation, de Lebon ; traduction faite par l’ordre du grand-duc Constantin, président de l’Académie des Sciences de Russie.

6° Il est intéressant de rappeler un décret proposé par Talleyrand au Comité de l’Instruction publique en 1791. Il porte « Les Directions des Bibliothèques prendront des mesures pour que tous les ouvrages publiés dans tous les genres et dans toutes les langues soient achetés sur des fonds spéciaux. Ces livres, après avoir été inscrits sur les registres, seront examinés par les classes respectives de l’Institut et ceux qui auront été distingués par elles seront traduits en tout ou en partie par des interprètes attachés à cet effet en nombre suffisant aux bibliothèques. » Ce décret n’a pas été exécuté.

241.84 Extraits. Anthologie.

D’une œuvre on fait des extraits, des sélections, de longues et multiples citations ; on publie des morceaux, des Parties, des fragments. D’un ensemble d’œuvres, on fait des anthologies, les unes générales pour faire connaître et apprécier une littérature, les autres spéciales pour faire connaître une matière par les meilleurs écrivains qui ont écrit à son sujet. Ex. : Les florilèges, collection de fragments d’œuvres de poètes ou de prosateurs.

L’auteur ou ses éditeurs, de son vivant ou posthumement, rassemblent parfois dans un ordre logique et coordonné les meilleures pages écrites sur des sujets déterminés. (Ex. La Vie future, page du R. P. Monsabré, par J. Chapeau.)[61]

241.85 Arrangement. Transcription.

a) Il s’agit ici non de copie (reproduction), mais de transformation apportée au texte original pour quelque fin utile. Deux fins en particuliers : 1° Adapter un texte à une catégorie de lecteurs. La traduction en une autre langue en est le cas typique. Les « éditions à l’usage de » en sont un autre. On y remplace les mots difficiles par d’autres plus simples, ou l’on multiplie les notes explicatives. Ainsi pour les éditions scolaires (ex. l’Epitomsée, histoire sainte en latin tirée de la Bible, par Lhomond), aussi pour les œuvres de vulgarisation (ex. les ouvrages de Nicolas Roubakine). 2° Disposer les éléments d’un texte dans un ordre différent plus directement utilisable. Ce cas se distingue du résumé et de l’extrait, auquel généralement il participe, par ce caractère d’ordre interverti. Par ex. pour la mécanisation des opérations administratives et comptables des données d’une entreprise, les données des documents originaux (conventions, lettre, procès verbaux) sont retranscrites. La paraphrase d’une lettre-convention, par ex., est la reproduction de l’original avec seulement modification ou interversion de certains mots.

b) Version. — Les éditions de l’œuvre d’un auteur préparées à son intervention constituent largement une histoire des modifications de sa pensée ou des conditions nouvelles dans lesquelles a pu s’exercer son travail. 2. Un auteur peut à ce point avoir transformé sa propre œuvre, qu’il s’agit moins d’édition que de version nouvelle. Montherlant a réclamé le droit pour un auteur « jusqu’à l’âge du pied dans la tombe, de revoir et de corriger ses ouvrages ». Un écrivain, dit François de Roux, doit être libre d’améliorer et même d’abîmer une œuvre de lui. Les différentes versions d’un ouvrage de premier ordre ne se perdent jamais et chacun, tant que l’auteur est en vie, peut toujours choisir celle qu’il préfère.

c) Les livres capitaux, les livres saints ont fini par subir une rédaction « historique ». Les transcriptions, les omissions, les adjonctions et les traductions ont pu être de nature à exercer sur la forme originale d’expression une influence dissolvante.

d) L’adaptation de l’œuvre peut se faire à l’une des formes littéraire, musicale, théâtrale, cinématographique, cinéphonique, phonographique, radiophonique. Ainsi on tire une pièce d’un roman, on fait un roman d’une pièce, et aussi un scénario de cinéma. Ex. : Sapho de Daudet.

c) Dans les livres classiques élémentaires, on trouve le volume du maître en contre-partie à celui de l’élève. C’est un réarrangement de la même matière.

f) Il y a rapport étroit entre traduction et adaptation.

Les idées ont besoin de traduction et d’adaptation pour pénétrer d’un peuple chez un autre peuple, « Pour naître et durer, les formules du Marxisme me semblaient bizarrement lointaines, dit Dmitrievsky (dans les conclusions du Kremlin). On aurait dit qu’elles étaient écrites en une langue étrangère, absolument incompréhensible au peuple. Plus loin, je découvris que seul Lénine sut traduire le marxisme en langue russe. »

241.86 Le Neuf et le Plagiat. Emprunt. Copie. Citation.

1. Notion.

Le Plagiat consiste à s’inspirer directement d’autres livres sans les citer ; à publier une identité de thèmes ; des idées empruntées en quantité à autrui, à produire des décalcages de textes.

Le plagiat à tous les degrés s’approprie un extrait, une phrase, un mot trouvés dans un auteur estimé, pour les insérer dans son travail, borner sa tâche à les adapter à sa pensée ; ou faire de larges emprunts ou même s’approprier tout un ouvrage.

En 1868, La Bruyère écrivait : « Tout est dit et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent ».

2 Historique.

Le Plagiat a été pratiqué depuis les temps les plus anciens. Les Romains empruntèrent aux Grecs (par ex. : Phèdre écrit ses fables d’après Ésope ; Cicéron emprunte aux philosophes). Virgile qui avait cependant écrit le Sic Vos non Vobis fut convaincu d’avoir emprunté des vers entiers à Ennius. Shakespeare a emprunté à des auteurs obscurs, disant qu’il aimait à tirer une fille de la mauvaise société pour la faire entrer dans la bonne.

Au XVIIIe siècle, il était courant d’emprunter aux Anciens. « Prendre des anciens et faire son propre de ce qu’ils ont écrit, c’est comme pirater au delà de la ligne ; mais voler ceux de son siècle en s’appropriant leurs pensées et leurs productions, c’est tirer la laine au cours des rues, c’est ôter les manteaux sur le Pont-Neuf. » La Fontaine a emprunté maintes de ses fables à Ésope via Phèdre. Voltaire a plagié, Alexandre Dumas a plagié et justifié le Plagiat en général de Schiller, à Walter Scott, à Chateaubriand.

« Ce sont les hommes et non pas l’homme qui incitent ; chacun arrive à son tour, s’empare des choses connues de ses pères, les met en œuvre par des combinaisons nouvelles, puis meurt, après avoir apporté quelques parcelles à la somme de connaissances humaines qu’il lègue à ses fils, une étoile à la voie lactée. »

Toute l’épopée et la tragédie antique reprises par les modernes avaient une même matière. Molière ne se faisait nul scrupule de dérober ou plutôt de reprendre son bien où il le trouvait. On lit dans Hello de de Vigny tout un chapitre copié de Chamfort. Jean Lorrain avait inséré dans un article des phrases de Rimbaud. Il y a eu le cas de M. Benoit et de L’Atlantide, tributaire de She de l’Anglais Haggard, de Musset a dit : « Il faut être ignorant comme un maître d’école pour se flatter de dire une seule parole que quelqu’un ici-bas n’ait dite avant vous ; c’est imiter quelqu’un que de planter des choux ! »

3. La question du plagiat.

La question du plagiat a été formulée ainsi : dans quelle mesure un auteur, même si ses sources nous échappent, est-il redevable à son temps, à son éducation intime, à ses modèles littéraires, et plus généralement à ses aînés dans la carrière ? Est-ce qu’il est en droit de prétendre à une originalité effective dans le fond et dans la forme ?[62]

La notion de la propriété littéraire est toute moderne. Elle laissait indifférente les époques où la personnalité de l’écrivain s’effaçait derrière son œuvre. Le plus souvent il ne songeait même pas à signer celle-ci, car ou bien il avait de bonnes raisons de ne pas le faire (son rang, ses fonctions, la prudence l’en détournant), ou bien il était conscient de l’humeur de ceux qui allaient le lire ; pour eux il importait peu de savoir qui était le créateur : la création absorbait toute l’attention et monopolisait l’intérêt.

Dans les manuscrits des XIIe et XIIIe siècles, il est exceptionnel qu’une chanson de gestes soit signée ; à combien d’auteurs différents n’a-t-on pas attribué les plus jolies productions de l’ancienne lyrique. Même le plus grand écrivain du moyen âge français, Chrétien de Troye, n’a pas échappé à ces variations déconcertantes. Tantôt on lui retranche un poème qu’il a certainement composé, tantôt on lui endosse la fâcheuse paternité d’écrits qui lui font un moindre honneur que le sien. La plus belle épopée du moyen âge français, le « Roland »  » est anonyme. (Maurice Wilmotte).

4. Espèces et modalités.

Il y a lieu de distinguer :

a) L’imitation : c’est le Pastiche. Une série d’À la manière de, formule illustrée par Charles Muller et Paul Reboux (genre continué par La Page arrachée).

b) Les rencontres ou hasard, plus fréquents qu’on ne croit et qui ont donné lieu au proverbe « Les grands esprits se rencontrent ».

c) La supercherie littéraire ou copie d’un ouvrage entier. L’usage de ce fonds commun, de ses banalités inévitables auxquelles l’intelligence est condamnée comme le corps l’est au mouvement

Les supercheries littéraires étaient très familières aux écrivains du XVIe siècle. Ils aimaient à faire passer, sous le couvert de l’antiquité et d’une latinité agréable et fleurie quelque élégie ou quelque épigramme qui sentit son Catulle et son Martial. On attribue à Vièves la reconstitution à sa manière de quelques « acta diurna » avec des centons de Cicéron, de Tacite, de Suétone, de Pline et des scholies anecdotiques d’Asconius Pedianus.[63]

d) Citation. — En science les vérités s’accumulent et en leur qualité des vérités deviennent des « lieux communs ». Impossible d’avancer un exposé si chaque phrase doit être rapportée à son auteur d’origine. La littérature ayant comme caractère propre la création, l’emprunt est sévèrement jugé. En Histoire, en Philologie, les citations sont de stricte obligation car ce sont des sciences de témoignages ou de texte. La citation a aussi pour but de renvoyer à des sources où peuvent être trouvés des développements étendus.

La citation peut se faire soit en termes exprès, soit en résumant l’idée, soit en signalant à titre d’information qu’on se trouvera bien de consulter aussi tel ouvrage, soit en indiquant de la Bibliographie du sujet.

5. Reconnaissance du plagiat.

C’est tout un travail que celui de reconnaître les sources où un autre a puisé, les extraits qu’il a utilisés textuellement. Il est des méthodes pour y parvenir. On les a appliquées pour la reconstitution à travers d’autres œuvres, des écrits (passages) d’auteurs dont les ouvrages avaient disparu, par ex. au moyen de grandes codifications.

241.87 Œuvres complètes.

Une œuvre peut prendre place dans la collection des œuvres complètes de l’auteur, ou dans d’autres collections constituées sur des bases diverses.

De certains ouvrages il est fait ce qu’on appelle les « grandes éditions », Ainsi la Ditta G. Barbera à Florence réimprime l’édition nationale des œuvres de Galilée. (Le opere de Galileo Galilei.) Elle comprendra 21 volumes in-4°, 11,500 pages ornées d’un grand nombre de dessins, de fac-similé, et d’autographes, notamment les notes autographes d’Antonio Favoro éditeur de l’édition antérieure On publiera trois volumes par an. Prix 4,500 lires. L’édition sera sur papier à la main en caractères Bodoriani.

241.88 Continuité des œuvres.

Une œuvre peut être continuée sous d’autres titres par le même auteur ou des auteurs différents peuvent la continuer sous le même titre ou des titres différents. Édition nouvelle par un même auteur, ou l’ouvrage d’un autre sur le même sujet ; il y a affinité entre les deux formes. Il y a différence de degré seulement dans la refonte ou forme. On en arrive à la continuité des œuvres. Ex :. Hector Berlioz a écrit un traité d’orchestration, œuvre monumentale, encyclopédie de la technique orchestrale. Gevaert dans son « Traité d’orchestration » modifie les allégations devenues surannées de Berlioz. Richard Strauss a composé les « Commentaires et adjonctions au traité de Berlioz » (commentaires coordonnés et traduits par Ernest Closson, Leipzig, Peters). Par ces adjonctions Strauss a fourni les recettes les plus rares dispersées dans ses propres ouvrages.

242 Documents graphiques autres que les ouvrages imprimés.

242.1 Les manuscrits.
242.11 Notion.

On appelle manuscrits les écrits faits à la main, généralement de caractère historique, religieux, scientifique ou littéraire.

La science des manuscrits, connaissance des manuscrits, de leur authenticité, de leur date, etc., rentre dans la paléographie et la diplomatique.

242.12 Historique.

Les plus anciens manuscrits connus ont été trouvés dans les tombeaux égyptiens ; ils sont tous sur papyrus et au moins contemporains de Moïse. Les plus anciens manuscrits grecs et romains sont également sur papyrus. Ils ont été découverts sous la forme de rouleaux carbonisés dans les ruines d’Herculanum.

Les manuscrits les plus anciens et par conséquent les plus précieux, sont écrits sur parchemin ou sur papyrus. À part quelques papyrus égyptiens, aucun manuscrit ne remonte au delà du IIe siècle de notre ère. Les manuscrits sur papier de chiffe ne sont pas antérieurs au XIIIe siècle. Tantôt les manuscrits sont disposés en rouleaux, d’où le nom de volume ; tantôt ils forment des feuillets distincts et reliés (codices). Pendant le moyen âge, les moines montrèrent beaucoup de zèle pour multiplier les livres par de bonnes copies et les conserver à la postérité ; leurs manuscrits, et en particulier les missels, offrent des enluminures très riches et des lettres ornées avec beaucoup d’art.

Au Ve siècle, on recopie sur parchemin en codices les papyrus antérieurs, tant fut grand l’engouement pour les codices.

Au moyen âge, étant donné la pénurie du papier et parfois aussi l’ignorance de la valeur des ouvrages, on écrivait souvent sur des parchemins dont on avait gratté la première écriture. Celle-ci, dans bien des cas, a pu être rétablie et on a retrouvé par là des monuments importants de la littérature ancienne. (Ex. : la République de Cicéron, les Institutes de Gaius). On donne le nom de « palympsestes » à ces manuscrits.

242.13 Enluminure. Miniature. Décoration.

Ce reste un sujet de discussion, si c’est l’écriture qui a donné lieu à l’enluminure des manuscrits. Mais les plus anciennes inscriptions sont accompagnées d’images. Le Livre des Morts des Égyptiens est aussi notre plus ancien livre illustré. Mais il y en eut de fort anciens pour les mathématiques, la botanique et la médecine. Les Grecs eurent une tradition d’illustrations. L’art byzantin l’a continuée avec tendance vers l’art décoratif oriental (plus grand formalisme, symétrie dans la composition, suppression des fonds. Les notes irlandaises d’enluminures (VIIe au Xe siècle) commencent avec la pure décoration non pas illustrative du texte, mais artistiquement unie à elle. La renaissance Caroline (IXe siècle) combine le style classique, byzantin et celtique.[64] L’unité devient admirable, la page texte, les lettres initiales, les peintures et le cadre forment un ensemble décoratif harmonieux. Les miniatures constituent, comme les livres illustrés de nos jours, des sources précieuses de documentation iconographique : portraits, édifices, scènes de la vie familière, dessins scientifiques ou quasi scientifiques dans les traités botaniques, les lapidaires, les bestiaires, les œuvres médicales.[65]

242.14 Erreurs dans la copie.

Les anciens ouvrages manuscrits étaient accompagnés d’une formule certifiant conforme à la minute officielle. Cette formule disait souvent « nous avons collationné ».

À la vérité, les fautes de copies pullulaient dans les manuscrits. Au XIIIe siècle, le cardinal Hugues de Saint-Cher, dominicain, entreprit de corriger l’Écriture sainte d’après le texte original et les meilleurs manuscrits. Il en a publié une édition et le chapitre général de son ordre, en 1236, décide que toutes les Bibles de l’ordre seraient revues et ponctuées d’après elle.

Les erreurs dans les manuscrits ont été classées ainsi par Hall :

A. Confusion et tentative pour y remédier. (1) Confusion de lettres et syllabes similaires. (2) Mauvaise interprétation des abréviations. (3) Mauvaise transcription de mots par suite de ressemblance générale. (4) Fausse combinaison ou séparation, fausse ponctuation. (5) Assimilation de terminaison et accommodation à une construction voisine. (6) Transposition de lettres (anagrammatisme) et de mots et de phrases, déplacement de phrases, de sections et de pages. (7) Fautes dans la transcription du Grec et Latin et vice versa. (8) Confusion de nombres. (9) Confusion de noms propres. (10) Fautes dues au changement de prononciation. (11) Substitution de synonymes à des mots plus familiers. (12) Nouvelle orthographe. (13) Interpolation ou tentative de corriger ou de remédier à une omission antérieure. — B. Omission : (14) Haplographie ou omission de mots de commencement ou de fin similaires. (15) Lipographie (parableptis) ou simple omission de toute espèce. — C. Addition : (16) Dittographie ou répétition d’un contexte immédiat. (17) Insertion de notes ou glosses interlinéaires ou marginales. (18) Lecture complétée. (19) Addition due à l’influence d’écrits de même espèce.

242.15 Collections. Bibliothèques.

Les manuscrits sont conservés dans les bibliothèques. Ils y donnent lieu à des fonds spéciaux, éventuellement à des sections, départements ou cabinets. Ces fonds y représentent des valeurs intellectuelles et économiques considérables.

Parmi les bibliothèques les plus riches en manuscrits, il faut citer la Bibliothèque du Vatican, la Bibliothèque Nationale à Paris, celle du British Museum à Londres. La Bibliothèque Royale à Bruxelles est aussi fort riche, procédant de l’ancienne bibliothèque des Ducs de Bourgogne. Les Bibliothèques américaines ont acquis beaucoup de manuscrits, rendant tributaires d’elles les travailleurs européens.

242.16 Catalogue de manuscrits.

Les catalogues de manuscrits sont fort importants, car il s’agit d’œuvres souvent uniques, non encore reproduites et dont, en tous cas, il importe de connaître les divers exemplaires existants. Certains manuscrits anciens ont été connus très tardivement par suite de l’ignorance des possesseurs ou du grand travail d’identification nécessaire dans les dépôts.

Le manuscrit des Institutes de Gaius ne fut découvert qu’en 1816 à Vérone.

La description des manuscrits a donné lieu à des règles de plus en plus précises. Elles sont communes en partie aux règles de description (bibliographique, catalographique) des imprimés.

Les manuscrits sont désignés par leur numéro dans le catalogue des bibliothèques. L’âge d’un manuscrit peut être déterminé d’après les caractères particuliers de l’écriture.

On a imprimé le Catalogue général des Manuscrits des Bibliothèques de France.

242.17 Travaux sur les manuscrits.

Les travaux auxquels donnent lieu les manuscrits sont : 1° Les reproductions ; 2° les éditions ; 3° les études.

Reproduction de manuscrits. — Elles sont ou typographiques ou photographiques : diverses copies peuvent exister d’une même œuvre, déposées dans diverses collections. Les copies n’ont pas toutes une valeur. Il existe souvent des fragments outre les œuvres complètes.

Il importe d’arriver à la reproduction intégrale du document. Toute impression procure des exemplaires qui sont des copies exactes de l’original. Il n’en était pas ainsi pour les manuscrits. Par l’invention de la xylographie et de l’imprimerie, cette copie est devenue de plus en plus mécanique et automatique. La photographie donne maintenant une copie exacte qui n’a pas besoin d’être relue et corrigée comme la copie manuscrite ou typographique. Pour que nul n’ignore qu’il s’agit de copie, on en fait mention, d’où une première différence avec l’original. Les fautes ou erreurs involontaires sont d’autres différences. Seule la reproduction fidèle de ces manuscrits par les procédés photomécaniques les plus perfectionnés peut préserver les manuscrits d’une ruine complète, en même temps qu’elle présente l’immense avantage de les mettre à la portée de tous les travailleurs sous l’aspect même des originaux.[66] La reproduction des manuscrits est opérée tantôt par extrait, tantôt intégralement.

De remarquables reproductions en couleurs ont été réalisées (notamment celle du Bréviaire Grimaldi).

Édition des manuscrits. — Les éditions de manuscrits donnent lieu à un travail considérable. Les œuvres anciennes sont conservées par diverses copies manuscrites, entières ou fragmentaires. Dans l’édition, il s’agit de faire choix entre les meilleures versions des diverses copies.

Les manuscrits édités constituent un texte critique plus ou moins conjectural basé sur la comparaison (collation) de tous les manuscrits (MSS) existants d’une œuvre donnée.

Pour ce travail, on désigne généralement celle-ci par des lettres conventionnelles. L’édition comporte plusieurs conditions et opérations :

a) respecter la graphie ou dire le pourquoi des corrections ;

b) établir la numérotation des pages ou des vers, afin de reconnaître les lacunes ;

c) identification des personnages, des lieux, des dates et des choses ;

d) tables des personnages, mentions, notes topographiques, glossaires ;

e) établir une ponctuation ; résoudre les abréviations ;

f) présenter une analyse de l’œuvre et de son objet ;

g) présenter en planches hors texte un fac-similé ; reconstituer un tableau des armoiries ;

h) présenter les variantes, les discuter, adopter l’une d’entr’elles (leçons). Par la comparaison de manuscrits, compléter le texte de l’un par le texte de l’autre en tenant compte de la valeur des copistes-scribes, de leur manière de procéder (scribes peu soigneux mais respectueux du texte transcrit, scribes attentifs à combler les lacunes mais introduisant des mots de leur invention).

i) Discuter les données qu’apportent les miniatures pour l’élucidation du texte. Parfois les miniatures sont supérieures en exactitude au texte et émanent d’artistes mieux informés que les auteurs eux-mêmes, éventuellement de collaborateurs ;

j) Donner des indications sur la langue de l’auteur : phonétique, morphologie, vocabulaire, syntaxe, sur le parler des personnages, la langue des scribes ;

k) Une étude sur l’auteur.[67]

En Italie, à la Laurentienne, à Florence, on suit la trace des lectures faites d’un manuscrit. Chaque manuscrit a sa feuille et on y inscrit le nom des lecteurs qui les ont demandés. Ceci afin d’établir les priorités.

Études sur les manuscrits. — Elles portent sur divers points particuliers du manuscrit (notes, observations, analyse, corrections de détails, essai d’interpolation, étude sur les œuvres en tant que contribution à l’exposé du sujet, par ex, étude comme document pour l’histoire d’une époque, d’une institution, d’un personnage.

242.18 Les papyrus.

Le rouleau de papyrus a été le principal, le presque seul matériel d’écriture utilisé pour tous les grands travaux de littérature en Égypte et dans le monde grec et romain depuis le quatrième millénaire avant Jésus-Christ jusqu’au moyen âge. Le papyrus a délivré les bibliothèques des baguettes de bois, de pierres et de briques.

La découverte de papyrus grecs par milliers durant les dernières quarante années a été un événement sensationnel pour tous ceux qui étudient l’antiquité ; elle a provoqué un enthousiasme qui a permis de parler d’une renaissance du XIXe siècle. En 1918, d’après W. Schubart (Einführung in die Papyruskunde) la publication des papyrus avait porté déjà sur plus de 1300 textes littéraires ou fragments.

On a découvert des huttes entières de papyrus, sorte de débarras de documents administratifs de l’époque empilés.

La « Papyrologie » est la science qui a pour objet de déchiffrer les manuscrits sur papyrus.

Cette branche de la paléographie a pris une importance considérable au cours de ces dernières années ; en très peu de temps, les documents qu’elle nous a révélés ont permis d’élucider une foule de points obscurs ou mal connus dans l’histoire politique et littéraire de la Grèce. C’est presque exclusivement aux découvertes faites en Égypte que nous sommes redevables de ces résultats, non seulement parce qu’après la décadence de la Grèce propre le royaume des Ptolémées devint le foyer de la vie et de la pensée helléniques, mais parce que l’usage du papyrus y était plus courant que dans les autres pays, et aussi en raison des conditions climatériques et des coutumes funéraires qui favorisaient la conservation des objets les plus délicats.

La tâche est délicate : le déchiffrement et la reconstitution de ces manuscrits. Ces documents nous sont parvenus en effet, le plus souvent en fort mauvais état ; trouvés les uns au milieu des ruines — quelquefois dans des jarres où on avait l’habitude de les serrer, mais trop fréquemment dans les décombres ou les anciens tas d’ordures, les autres dans les sarcophages, où ils avaient servi au cartonnage des momies, ils sont parfois brisés, souvent à moitié effacés par l’humidité, presque toujours déchirés. Pour arriver à dérouler et à étaler sans les émietter ces feuilles séculaires, le papyrologue doit être doublé d’un chimiste et d’un manipulateur adroit, qui sache procéder à ce travail minutieux avec autant de dextérité que de patience ; il faut savoir aussi assouplir le manuscrit sans en altérer les caractères, ranger dans l’ordre voulu les divers feuillets d’un même rouleau ou les fragments d’un même feuillet, etc. Puis vient la lecture proprement dite, qui n’est généralement pas des plus aisées : certains papyrus, surtout les « papiers d’affaires », sont tracés d’une écriture courante, dont les caractères ne se distinguent pas sans peine, où les mots ne sont pas séparés, où manquent un grand nombre de signes d’orthographe et de ponctuation, où abondent les corrections confuses et les abréviations conventionnelles ; pour s’y reconnaître, il faut à la fois un coup d’œil perspicace et des connaissances très spéciales. Ces difficultés sont plus sensibles pour les papyrologues que pour les autres paléographes ; car la plupart des papyrus contiennent, soit des actes rédigés d’ordinaire sans grand soin matériel, soit des copies hâtives d’œuvres classiques, sortes d’« édition à bon marché », où les inadvertances sont fréquentes, et qui ne sont pas non plus calligraphiés comme les parchemins du moyen âge, œuvre de patience et d’art, auxquelles les moines consacraient les nombreux loisirs de leur existence oisive.

En présence de ces documents détériorés, confus, incomplets, la critique des textes s’est imposée comme première tâche aux paléographes et aux philologues qui avaient entrepris de les éditer ou de les commenter. Si en France, en Allemagne, en Italie, ailleurs, ont été faites de nombreuses publications, c’est surtout à l’école anglaise que l’on est redevable, semble-t-il, des plus importants travaux, dans cet ordre d’idées.

Les documents d’origine papyrographique se répartissent en deux groupes distincts : les papyrus littéraires et les papyrus non littéraires. Les premiers sont de beaucoup les moins nombreux : dans le lot le plus important, celui d’Oxyrhynchos, ils forment tout au plus un sixième du total. Ils consistent, avons-nous dit, en copies généralement assez médiocres des ouvrages en prose ou en vers de l’âge classique ; malgré leurs défauts, l’intérêt en est considérable. D’abord ces papyrus, dont la majeure partie date des trois derniers siècles avant notre ère, sont de beaucoup antérieurs aux plus anciens manuscrits que nous possédions déjà ; ils dénoncent ainsi bien des altérations qui se sont produites dans les textes sous la main des scribes du moyen âge. Puis, ils nous font connaître des parties nouvelles de certaines œuvres qui nous étaient parvenues très mutilées ; des morceaux plus ou moins étendus de poésie épique, lyrique ou dramatique, des passages parfois assez longs d’historiens, d’orateurs, de philosophes, de théologiens sont venus s’ajouter de cette façon, aux fragments que l’antiquité nous avait transmis.

Enfin et surtout, plusieurs ouvrages entièrement perdus, et dont nous ne savions guère que le nom, nous ont été restitués par quelque « coup de pioche heureux » ou par une trouvaille… chez un brocanteur indigène.

Les papyrus non littéraires, dont on connaît déjà plusieurs milliers, comprennent des actes privés ou publics des genres les plus divers : baux, procès-verbaux, ventes, prêts, devis, mémoires, reçus, pétitions ou requêtes, lettres d’affaires, dépositions de plaignants et de témoins, rapports de police, résultats d’enquêtes judiciaires, etc. Ces documents, dont les plus importants et les plus nombreux datent de l’époque romaine, sont d’un intérêt capital pour l’étude des institutions publiques et des relations privées sous la domination impériale ; comme le gouvernement central laissait aux provinces une certaine autonomie dans l’administration des affaires purement locales, c’est encore d’une civilisation hellénique que ces écrits sont les produits et les témoignages concrets. Les renseignements que ces papyrus nous fournissent sont assez précis pour avoir permis à plusieurs historiens de trancher des questions jusqu’alors très confuses et de faire revivre un passé qu’on croyait à jamais enseveli dans les ténèbres.

242.19 Manuscrits modernes. Incunables.

1. Manuscrits modernes.

a) La période des manuscrits n’est pas close, quel que soit le nombre des œuvres imprimées, il en est aussi qui ne passent pas à l’imprimerie. Que deviennent-ils ? Restent-ils dans les tiroirs des éditeurs et dans les bureaux de rédaction ? Les bibliothèques sont amenées à réunir les manuscrits, car ils représentent un travail effectué.

b) De nos jours on publie certains ouvrages, non pour le grand public mais pour usage restreint et on les dit alors « Als manuskript gedruckt », imprimé comme manuscrit.

c) Depuis quelque temps on étudie attentivement les manuscrits des grands auteurs et l’on tâche par leurs ratures et surcharges de se rendre compte de leurs procédés de style.

2. Incunables.

a) On comprend, sous ce nom, les livres toujours fort recherchés qui remontent aux origines de l’imprimerie et parurent avant 1500, 1512 ou 1520. On distingue les incunables xylographiques, obtenus au moyen de planches et les incunables typographiques, composés en caractères mobiles. Les premiers sont les plus anciens, mais de date incertaine ; quelques-uns cependant paraissent remonter au delà de 1440.

b) Le nombre total des livres du XVe siècle est étonnamment grand. Le Repertorium Bibliographicum de Haim en a enregistré 16,300. Le Gesamtkatolog der Wiegendruk édité par la Commission prussienne (1925) y a ajouté un tel complément qu’on peut s’attendre un jour à 30,000.

c) En Bibliographie et dans les Bibliothèques, on traite généralement les Incunables comme une classe spéciale d’ouvrages à cause de leur valeur et parce qu’ils font la transition entre la période des manuscrits et celle des impressions du XVIe siècle. Cependant à la fin du XVe siècle, le livre moderne était établi en ses dispositions essentielles. Les caractères du type de Jenson et d’Alde lui donnent aussi un haut degré de lisibilité.[68]

242.2 Cartes et plans. Atlas.

1. Notions.

a) Une carte est la représentation cartographique de la terre ou d’une de ses parties sur une surface plane. La carte peut être définie : un enregistrement synoptique des faits géographiques en fonction de lieu.

b) La méthode géographique consiste à déterminer l’extension des phénomènes à la surface du globe (Ratzel). Le procédé le plus sûr pour imprimer un cachet géographique à toute recherche est de chercher à en exprimer cartographiquement les résultats. La représentation cartographique a pour la géographie une importance exceptionnelle (de Martonne). La topographie est la description et la représentation graphique d’un lieu, c’est l’art de représenter graphiquement un lieu sur le papier avec les accidents de la surface.

c) La carte représente la tentative faite de bonne heure pour donner une représentation aussi analogique et indéformée que possible du contour et du relief de la terre. On y tient compte ; 1° de la position ; 2° de la dimension ; 3° de l’orientation : mesures par rapport à des points pris comme base, nord, sud, est, ouest ; par rapport aux pôles et à l’équateur ; 4° la mesure : échelle par rapport aux mesures de bases, le mètre.

Les anciens ont donné aux régions représentées des dimensions et des positions fort inexactes.

d) Il en est des cartes comme des écrits. Elles peuvent être plus ou moins faciles à lire. La cartographie n’est pas seulement l’art de représenter les données vraies de la Géographie, de l’aspect géographique de tous les ordres de faits. Elle est devenue celui de les représenter avec l’efficience requise de tout document en général.

e) Reconstitution par l’image des choses.

La carte permet aussi la reconstitution de choses par l’image. Ainsi, on peut dresser un véritable atlas physique de tous les aspects géographiques d’un même lieu de la terre aux diverses époques de l’évolution géologique.

En traçant ainsi une série de cartes géographiques pour les périodes successives de l’histoire terrestre, on voit comme dans un kaléidoscope mouvant, les mers changer à chaque instant de forme et de place, les continents émerger un instant, puis s’enfoncer sous les eaux. Il semble qu’à tracer ces transformations, on pourrait apercevoir certains traits relativement constants et un rythme, une période dans la marche de ces flux et de ces reflux. Peut-être de les dater par rapprochement avec des influences astronomiques à phases connues.[69] De Launay : Histoire de la Terre, p. 82-83.

La carte est un moyen de marquer le connu et l’inconnu. Ex. : La comparaison de la carte d’Afrique ou des régions polaires, il y a quelques années et aujourd’hui. La comparaison entre la carte des océans au début des études océanographiques et aujourd’hui.

f) Pour l’enfant amoureux de cartes et d’estampes, l’Univers est égal à son vaste appétit. Comme le monde est grand à la clarté des lampes ; aux yeux du souvenir que le monde est petit. (Baudelaire.)

g) Les cartes et plans ont deux caractéristiques essentielles : 1° être la représentation de l’espace (superficie ou trois dimensions) et par là être une espèce du genre qui s’étend à tous les exposés à base du lieu (voir n° 224) ; 2° être cette représentation de l’espace sous forme conventionnelle et abstraite et par là être ainsi une espèce du genre qui s’étend à toutes les images schématiques (voir n° 222.32). Le fait pour une carte ou un plan d’avoir une existence autonome ou de faire partie d’un autre document est secondaire, bien qu’il s’en suive certains effets documentaires.

2. Historique.

Dans le principe, on dessina les cartes sur des tables ou planches (d’où les mots tabula et mensa). L’emploi de pièces d’étoffes pour cet objet introduisit plus tard le mot de mappa que les Espagnols et les Anglais (map) ont conservé dans le sens absolu et exclusif de carte géographique et d’où est dérivé le mot français de mappemonde. Enfin lorsque le parchemin et le papier remplacèrent les tables et les mappes, le nom de carte vint se substituer aux dénominations précédemment admises.

Le moyen âge semble n’avoir connu que des représentations assez grossières du globe terrestre ; elles brillaient par leur rareté et par leur absence de précision scientifique, alors même que leur exécution révèle parfois des qualités esthétiques de choix. Les tables gravées sur argent ou les sphères précieuses étaient des objets d’art et de luxe, dont la possession était réservée aux Souverains. La fameuse mappemonde de Fra Mauro (1439), monument capital dans l’histoire de la Cartographie, ne connaît point elle-même les parallèles ni les méridiens. Avec l’imprimerie, au moment de la Renaissance, la cartographie prend un grand essor. En 1471 est publiée la première traduction latine de Ptolémée, en 1478 la première édition de ses cartes gravées sur cuivre. Destinées à fixer les nouvelles découvertes, elles passent dans toutes les mains et les cartographes sont amenés à envisager sous toutes ses formée le problème des projections.

Désormais une fièvre cartographique secoue l’Europe. Des ateliers travaillent en Italie, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas. En 1570 Mercator complète les cartes ptoléméennes et applique divers systèmes de projection. Ortelius publiera des collections de cartes modernes sous le titre générique de « Théatrum Orbis » dont le début remonte à 1570.

Colbert avait le souci de posséder des cartes exactes, permettant aux navigateurs de gagner plus sûrement les ports des Indes, sans l’aide des pilotes hollandais qui n’étaient d’ailleurs pas disposés à mettre leur expérience au service des Français.

Les vieux « portulans », les cartes, les atlas du XVIIe et du XVIIIe siècle n’étaient pas seulement des documents, c’étaient encore des œuvres d’art rehaussées de vues, de figurines et d’ornements exécutés avec un soin précieux.

Les premières cartes reproduites par la gravure datent de quelques siècles à peine. Elles étaient l’œuvre de particuliers : de savants comme les Mercator, les Ortelius ; d’imprimeurs comme les Hondius ; de libraires-éditeurs comme Frickx ; puis de militaires comme ce général comte de Ferraris qui a doté les Pays-Bas de la première carte topographique. Plus tard on doit citer en Belgique l’extraordinaire Philippe Vander Maelen, qui a publié, outre de nombreux atlas, les premières cartes topographiques au 80,000e et au 20,000e de la Belgique indépendante. De nos jours la carte d’un pays exige un travail énorme, une exactitude de plus en plus grande, des détails de plus en plus nombreux. Il faut disposer de capitaux et d’un personnel nombreux et exercé. Les États ont confié la confection des cartes, leur publication et leur tenue à jour à des établissements officiels : le service géographique de l’Armée en France, l’Ordonnance Survey en Angleterre, l’Istituto Geografico Militare en Italie, l’Institut Cartographique Militaire en Belgique.

Les anciennes cartes géographiques étaient fondées sur des reconnaissances, des postulats ou des arpentages partiels. Elles n’avaient encore pour assurer leurs bases ni grandes opérations de géodésie, ni observations astronomiques. Elles restaient très fautives quant aux formes générales des grandes régions et aux dimensions de continents. La Méditerranée dans les cartes de Sanson est trop longue de 300 lieues et de 1500 lieues trop avancée à l’Orient.

Plusieurs mappemondes du moyen âge représentent la terre comme carrée. Cette figure étant commandée à l’esprit des géographes par un texte de l’Évangile de St-Mathieu disant que le Seigneur enverra ses anges aux quatre coins du monde pour y faire résonner les trompettes du jugement dernier.

Les mappemondes anciennes semblent avoir été établies souvent sans proportions avec le souci d’y placer les noms rencontrés dans les géographies et les voyageurs. La carte participe ainsi de l’inventaire et de la classification.

On avait autrefois dans les bibliothèques d’énormes mappemondes ceinturées de cuivre, étoilées de roses des vents.[70]

Les mappemondes les plus célèbres sont celles de la Cottonan Library (Xe siècle), celle de la Bibliothèque de Turin (1687), la mappemonde de Nicol Oresme et Guillaume de Pilastre (XIVe siècle), celle de Fra Mauro (1459 au Couvent de Mureno), le moine vénitien que ses contemporains qualifiaient de Cosmographus incomparabilis. La mappemonde a 1 m 937 × 1 m 965, couverte de dessins à la plume et de miniatures éclatantes d’or et de couleurs avec nombreuses notes.[71]

242.23 Technique.

a) La cartographie a fait trois progrès : 1° par des globes, elle représente la forme de la terre ; 2° par les procédés d’emboutissage des métaux, elle peut obtenir des tranches globulaires de la terre en nombre illimité ; 3° par des reliefs.

b) La confection des cartes est en général confiée à des Instituts spéciaux (Institut cartographique, géodésique ou topographique). Les cartes pour être comparables doivent être de même projection, de même méridien d’origine et de même coupure (nombre de degrés en latitude et en longitude). Il est important aussi d’unifier les échelles des cartes et plans afin de les rendre comparables et superposables.

c) Il y a deux problèmes fondamentaux : 1° la représentation des figures de la surface sphérique sur les surfaces planes de la feuille de papier ; 2° la représentation des figures à trois dimensions et en relief sur ces mêmes surfaces planes. C’est tout l’art des projections.[72]

Des progrès immenses ont été réalisés par la cartographie.

d) Il fut un temps au moyen âge et à la renaissance où les plans ne représentaient que des vues cavalières. On ne s’imaginait pas la possibilité de représenter des rues par des lignes. (Ex. : plan de Rome à la Bibliothèque Victor-Emmanuel.)

Mercator imagina un nouveau système de projection pour représenter sur une grande échelle les dimensions de la terre.

Élisée Reclus a proposé d’imprimer les cartes sur des calottes sphériques qui pourraient s’assembler en atlas aussi bien que les feuilles plates.

La surface d’une sphère ne peut être étalée sur un plan sans être déchirée. À moins que la surface soit élastique. Mais alors les figures tracées seraient déformées. Toute carte géographique cet donc une déformation de la surface terrestre et des figures qu’on y observe.[73]

L’Institut de Géographie de l’Université de Paris dirige en ce moment une grande enquête sur la cartographie des surfaces d’aplanissement.

e) Voici d’après De Martonne le tableau des principales projections.

f) Toute une révolution a été apportée dans l’art des cartes et plans par les affiches des chemins de fer et des sites. Il s’est agi de se faire comprendre du grand public. De simples cartes étaient trop savantes. Des vues directes photographiques étaient trop fragmentaires. Un art nouveau de projection et de composition est né ; un art aussi de déformation, de simplification, d’exagération. On a combiné le plan avec les perspectives cavalières, on a groupé les vues panoramiques en médaillons.

g) Cartes simple surface à deux dimensions sont présentées comme des projections de trois dimensions. Ainsi les cartes géographiques, les cartes bathymétriques, les cartes météorologiques.

On a représenté le relief du terrain par des courbes conventionnelles dites de niveau et généralement équivalentes en hauteur.

Toute la physique du globe peut se traduire par des courbes d’égal élément ou courbes isoplèthes, isothermes, isothèses, isolaires.

h) Le procédé photographique du levé des cartes et plans a simplifié les représentations. Cartes photographiques hypsométriques prises en aéroplanes, en ballon, dirigeable ou captif, ou en cerf volant même, au moyen d’une chambre panoramique multiple. Elle peut donner une image immédiate de la densité circulatoire de certains points de ville.

i) Importance depuis la guerre des tranchées des services cartographiques à l’arrière des armées en campagne. Ce service pour l’armée britannique occupe 1,000 à 1,200 hommes.

Les cartes permettent des calculs et des opérations. Ainsi le pointage des pièces de canon se fait en traçant sur la carte des lignes qui réunissent les points de visée et de l’objectif, de manière à tracer l’angle de pointage. Le rapporteur en indique l’ouverture.

j) Cartogrammes. Le cartogramme s’applique à la distribution des phénomènes dans l’espace. Il s’agit alors de cartes géographiques dessinant les aires de distribution mais combinées avec des indications complémentaires. Ces indications présentent la forme de hachures ou pointillés plus ou moins denses, colonnes ou cercles, inscrites dans les vues correspondantes des courbes (niveau ou climat, signes conventionnels, nombre, lettres, marques ou signatures, couleurs ou teintes graduées). Les cartogrammes présentent la distribution d’un même élément d’après les degrés de son intensité, ou de divers éléments d’après leurs variétés.

242.24 Espèces de cartes.

Les cartes offrent un grand nombre d’espèces.

a) D’après le genre de faits localisés (montagnes, routes, chemins de fer).

b) D’après le but ou usage.

c) D’après l’échelle.

d) D’après la substance sur laquelle elles sont reproduites.

On a dressé des cartes de tout : cartes terrestres, superficie et tréfond, cartes marines, cartes du ciel.

1. Cartes géographiques. — Les cartes géographiques, les cartes marines et les cartes astronomiques ont acquis une importance et une précision croissantes, à mesure que se développaient parallèlement l’art du dessin et les connaissances géographiques et astronomiques. Les cartes géographiques sont universelles (mappemonde, planisphère) ou générales, ou particulières. Elles sont dites topographiques, chorographiques, physiques, politiques, etc., selon le genre d’indications qu’elles contiennent. Les anciens connurent des cartes, du moins les cartes itinéraires ; mais la cartographie n’a été portée à sa perfection que dans les derniers temps. Chaque pays de l’Europe possède une carte d’état-major fort détaillée. Celle de France est au 80,000e et compte 267 feuilles. Il en existe une réduction au 320,000e. Les États maritimes possèdent aussi des cartes marines ou hydrographiques, indispensables pour la sûreté de la navigation.

En collaboration de tous les pays a été commencée la carte au millionième. C’est l’œuvre d’une Association internationale spéciale. Un compromis est intervenu pour faire accepter par tous l’échelle métrique et le méridien de Greenwich.

On a fait des cartes peintes murales fixes (par ex. les grandes cartes du Musée du Congo) ; des cartes sculptées murales (gare Versailles, chantiers).

Les cartes de voyage se sont multipliées. Pour la France, par ex., cartes Michelin ; cartes de France au 1/200,000e en 86 feuilles cartonnées ou entoilées ; cartes Tour de France en 25 coupures. Cartes du service géographique de l’armée, telle la carte au 1/80,000e en 274 feuilles révisées périodiquement par les officiers du service géographique. Elles sont en coupures en pochettes, elles ont des cartes d’assemblage.

On a publié des cartes-plan qui développent une sorte de panorama en images et suivant une échelle établie, de tout ce que l’on voit des deux côtés d’une route suivie. (Ed. J. Burrow et C°: A motor Tour through the Cathedral Cities in the South.)

Les cartes cyclistes avec les profils en long du chemin parcouru.

Parlant des cartes de M. Maurice Lugeon sur la région des Hautes Alpes, M. Millioud dit : « Dessinées d’après des photographies obtenues à l’aide d’un procédé spécial, elles sont d’un relief, d’une précision et pourtant d’une simplicité à nous rendre rêveurs. C’est encore et plus que jamais de la science, mais c’est plus, c’est du grand art. Comment ces vues schématiques, avec leur colorations si riche et si délicate, mais toute conventionnelle, peuvent-elles éveiller en nous le sentiment de la nature aussi fortement que le tableau d’un peintre ? La forme, le relief, l’ossature sont à la montagne, plus encore qu’en tout autre lieu, le support, la substance de la beauté. Et l’architecture a aussi sa part de mouvement et de vie dans l’immuabilité de la ligne. »

2. Cartes géologiques et batymétriques. — On connaît aujourd’hui très largement le tréfond de la terre. Ce sont les cartes géologiques qui en représentent la texture. En tous pays, elles sont confiées à des organismes spéciaux dépendant de l’État et qui procèdent progressivement à l’établissement et au perfectionnement de la carte en utilisant au jour le jour tous les sondages ou les mises à jour qui sont faits (ex. : organisation du service géologique de Belgique). La carte publiée en planchettes n’est que le résumé d’une vaste documentation en dossiers mis à la disposition des intéressés.

Les cartes du fond des océans (carte batymétrique), prolongement en quelque sorte des cartes des côtes dressées pour la navigation, ont fait l’objet d’un travail d’ensemble réalisé par l’Institut Océanique international, dû à l’initiative du Prince de Monaco.

3. Cartes marines. — Dans les cartes marines, on portera tous les détails utiles au but qu’on se propose dans toutes les circonstances qui peuvent se rencontrer et on supprime tout ce qui est étranger à cet ordre d’idées.

La carte marine est une représentation schématique de la mer et du littoral en vue de la navigation.

Le relevé des cartes sous-marines par le projecteur d’ultra-son remplace les sondages. Il est autrement sûr, rapide et économique. On dirige le projecteur d’après le retour en écho de l’onde envoyée.

4. Cartes aériennes. — Elles constituent un nouveau type de carte. Elles doivent servir à la navigation aérienne. Ces cartes constituent en même temps une contribution à la cartographie générale à laquelle elles apportent la contribution d’une vision de la surface terrestre prise de haut et « à vol d’oiseau ». Elles ressuscitent ainsi l’ancien procédé des vues cavalières. Aux procédés de la prise d’avion s’est ajouté celui en ballon sphérique ou cerf-volant offrant des vues perpendiculaires. Ex. : Carte aéronautique de la France. Projection cylindrique. (Desmons, Paris, Challamel.)

3. Cartes astronomiques. — Les cartes et atlas astronomiques ont acquis une grande perfection. Il faut leur rapporter les catalogues d’étoiles commencés par les anciens. Le catalogue de Ptolémée (Almageste) renferme 1,022 étoiles. On a catalogué depuis lors plus de 300,000 étoiles, dont 10,000 étoiles doubles, plus de 7 ou 8,000 nébuleuses. La carte photographique du ciel comprendra toutes les étoiles jusqu’à la 14e grandeur. (Voir ce qui a été dit précédemment de l’Atlas du ciel sous le no  241.5.)

242.25 La disposition matérielle.

Les cartes, par leur étendue et la nécessité de les consulter synoptiquement ou en détail, présentent bien des difficultés qui ont donné lieu à des dispositions matérielles spéciales.

a) On a trouvé le moyen de plier les cartes en les collant sur toile. On a ainsi réduit au format livre des grandes cartes (ou pourrait à l’inverse déplier des livres en format carte et ce serait des sortes d’affiches ou placards).

b) Les cartes peuvent être simplement sur papier ou montées sur toile, brochées, reliées en atlas, aussi avec texte.

c) Au point de vue matière, on a des cartes par feuille sur papier, en pochette des cartes sur toile, des cartes pliées sur toile, des cartes imprimées sur toile. Etui-boîte pour les collections de cartes ou d’itinéraires. Pour donner toute la solidité aux cartes, on les a pégamoïdées, c’est-à-dire enduites d’un produit dit pegamoïd, qui donne à la toile plus de souplesse, évite les cassures, fixe les couleurs et les rend inaltérables. (Procédé des cartes murales de Joseph Cremers, Bruxelles, Office de Publicité.)

d) Aux cartes se rattachent les mappemondes de formes sphériques. Elles appartiennent aussi à la catégorie des instruments et appareils.

242.26 Atlas.

a) L’atlas est une collection de cartes géographiques contenant le plus souvent la figure générale de la terre et celle de ses parties plus ou moins détaillées. Ces volumes sont ainsi appelés parce qu’Atlas soutenait le monde et qu’eux le contiennent au moins en figure. C’est dans le titre de la Collection des cartes de Mercator publiées un an après sa mort, en 1595, que le mot Atlas paraît pour la première fois, mais c’est Ortelius qui, en réalité, a créé le premier Atlas. La figure d’Atlas, dans la position où le représentaient les anciens, était gravée sur le frontispice de l’ouvrage.

b) « Il faut faire effort, dit Vidal de Lablache, pour unir intimement une étude générale qui serait la science de la Terre, à la description de la Terre. La cartographie est assurément pour cela l’instrument le mieux approprié. Où trouver un moyen d’expression aussi capable de concentrer les rapports qu’il s’agit de représenter ensemble à l’esprit ? Dans un atlas, les rapports des choses apparaissent en grand nombre et en clarté. Il doit stimuler la curiosité et offrir matière à réflexion. »

Par extension, on donne encore le nom d’Atlas à tout recueil de cartes, de tableaux, de planches que l’on joint à un ouvrage pour en faciliter l’intelligence ou que l’on publie séparément. On en a traité tout le no  241.5.

En conséquence, on peut définir l’atlas une collection de cartes, de plans ou d’estampes réunis en volume.

L’atlas maritime est un recueil de cartes marines qu’on appelle souvent un Neptune.

c) On a publié et on continue à publier un nombre considérable d’atlas, les uns perfectionnant les autres. La Library of Congress possède à la date de 1920, le chiffre étonnant de 5,324 atlas, dont le catalogue forme quatre gros volumes.

242.27 Plans.

a) Notion.

Le Plan est un tracé qui représente sur une surface plane les différentes parties d’un édifice ou d’un appareil.

b) Les plans d’architecte.

Les plans d’architectes sont des moyens essentiels de représentation de leur conception et des directives pour les constructions. Les plans se complètent par des maquettes avant la réalisation et après par des photographies. Le plan, les élévations et les coupes sont désignés sous le nom de figures géométrales. Ces figures, vu leur étendue, doivent souvent être tracées sur des feuilles séparées sans pouvoir être mises en concordance. On a établi tout un ensemble de projections de figures sur un système de plans géométraux. Les édifices, machines et autres constructions présentent généralement trois directions principales : l’une verticale, les deux autres horizontale et rectangulaire.

Le plan est la projection sur un plan horizontal.

L’élévation longitudinale est la projection sur un plan longitudinal.

L’élévation droite est une projection sur un plan latéral.

c) Les plans industriels.

Les plans industriels, ceux des constructions et des fabrications de l’industrie sont devenus essentiels dans la technique de la production.

d) Le cadastre.

En principe le cadastre est le registre dans lequel les propriétés foncières d’un pays sont indiquées avec leur étendue et leurs limites. Le cadastre est accompagné de plans. C’est la seule base possible d’une contribution foncière. Une grande administration, en tout pays, est chargée du cadastre. Les premières mensurations des Égyptiens établirent chez eux les vrais cadastres. Le Domesday Book le réalisa en Angleterre. En France ce fut Charles VII qui conçut l’idée d’un cadastre général. La méthode d’établir le cadastre des terres publiques a été instauré par le Congrès américain dès la fin du XIX{e}} siècle. Elle a consisté dans un système rectangulaire qui fut appliqué aux villages et aux États.

242.28 Plans reliefs.

a) Les plans reliefs donnent en trois dimensions (sorte de stéréogramme) la représentation des caractéristiques en hauteur de la surface terrestre.

b) On a réalisé des cartes relief en matière plastique diverse : papier mâché, carton pierre, béton et récemment même en éternite (carte en relief de la Belgique).

c) La France possède à l’Hôtel des Invalides une collection unique en Europe de 105 plans en relief des places fortes et un certain nombre de reliefs représentent des sciences diverses. La galerie fut commencée par Louvois. On donna à tous les reliefs la même échelle pour la dimension horizontale et verticale, 1 pour 600.

Il y a à la Bibliothèque Nationale une collection de plans reliefs géographiques scientifiques.

Pour des cartes à grande échelle, il faut non seulement connaître la valeur des signes conventionnels adoptés pour la désignation des faits géographiques observés à la surface de la région représentée (voies de communication, villes, rivières, forêts), mais savoir déduire du mode de figuration en plan son relief (hachures ou courbes de niveau) l’interprétation des formes du terrain. Pour faire comprendre ce relief, on a dressé des cartes reliefs en perspectives fuyantes ou des vues panoramiques à vol d’oiseau (ex.: les cartes reliefs de M. Trinquier insérées dans L’Illustration).

D’autre part, on a dressé des perspectives reliefs adaptées aux besoins actuels de la géographie scientifique sous le nom de « blocs diagrammes » et elles sont devenues un auxiliaire précieux pour la représentation des formes du terrain. Leur valeur a été accrue en y ajoutant sur leurs faces latérales des coupes géologiques révélant la structure de la région représentée, les relations du modèle avec cette structure apparaissant alors avec une grande netteté. M. W. M. Davis a le premier vulgarisé et synthétisé l’emploi de ces reliefs. Paul Castelnau en a donné la théorie. (La théorie du bloc diagramme : Bulletin de la Société de Topographie de France, juillet-août 1912.)

Pour éviter tout arbitraire, toute équation personnelle dans le tracé de ces blocs, M. P. Th. Dufour a imaginé les perspectives reliefs : nouveau procédé permettant d’obtenir les perspectives reliefs par simple transposition automatique et projection oblique des formes du terrain représentées sur les cartes hypsométriques (Les Perspectives reliefs, revue de géographie annuelle, tome VIII, 1916-1918. fasc. IV). Un appareil fort simple (longue bielle et pantographe) permet de faire automatiquement des tracés et d’obtenir l’expression réelle des faits géographiques.

242.29 Collections, Institutions, Locaux, personnes.

Les collections de cartes et plans en principe confondues avec celles des livres dans les bibliothèques, tendent à s’y spécialiser.

Des collections considérables de cartes ont été faites dans les Bibliothèques de Paris, Bruxelles, Washington, etc.; elles ont des cabinets de cartes (mappothèques).

Dans toutes les bibliothèques il y a intérêt à constituer un fonds spécial.

242.3 Iconographie. Estampes, gravures, photographie.

Les documents dont il s’agit ici ont pour caractéristique de genre d’être des images, d’être concrets, et d’avoir soit une existence autonome, soit d’être insérés dans un autre document.

242.31 Les Images. L’iconographie.

Il y a lieu de traiter distinctement notion, histoire, espèces : 1° de l’image en général ; 2° de la science de l’image : l’iconographie ; 3° des publications et recueils d’images ; 4° des collections d’images : Iconographia Universalis ; 5° des catalogues d’images : Iconobibliographie ; Iconobibliographica Universalis ; 6° des collections, des clichés ou matières d’images.

Parmi les images il est quelques grandes catégories : 1° les estampes et gravures, eaux-fortes ; 2° les photographies ; 3° les cartes postales illustrées ; 4° les cartes à jouer ; 5° les livres d’images pour les enfants. On est amené quelquefois à constituer un seul groupe de toutes les images sur papier ou carton quel que soit : a) le procédé d’établissement (à la main ou par l’appareil photographique) ou de reproduction, à la main, mécaniquement ou terminés à la main ; b) à l’état d’original, de copie ou de reproduction ; c) le texte qui les accompagne comme titre, légende ou explication sommaire, les images étant tenues pour l’essentiel et le texte l’accessoire ; d) le fait d’être ou non encadrées ; e) le sujet qu’elles présentent (images scientifiques, scolaires, religieuses, etc.) ; f) la colorisation (noir ou en couleurs chromos).

On a été amené à donner à certaines images les dimensions usuelles des cartes postales. Ces images avec les cartes postales peuvent constituer une collection classée. Les livres d’images pour les enfants constituent une importante catégorie.

Les principes généraux de traitement de documents bibliographiques (texte) sont fondamentalement les mêmes pour le traitement des documents iconographiques (image), notamment les collections, les formats, la classification, les règles descriptives.

Il est désirable, pour les faire entrer dans les cadres de l’Encyclopédie, que toutes les images publiées séparément (planches, cartes postales, etc.) portent leur indice de classement. Munis des indices de matière, lieu, temps, personne, les documents peuvent alors à volonté prendre place dans les séries formées d’après ces bases.

1. L’image et son évolution.

L’image des objets permet de s’en former une idée nette et précise, tandis que la meilleure description orale peut laisser dans l’esprit du lecteur du vague et de l’indécision. L’homme a désiré l’image de tout temps. Les possibilités de reproduction par la gravure sur bois et sur métal, parallèlement à l’imprimerie, ont multiplié les images tantôt incorporées dans les livres, tantôt séparément (estampes). De vastes collections iconographiques se sont constituées surtout depuis la Renaissance. La photographie avec bientôt la photogravure et les divers procédés de reproduction des couleurs, le cinéma, ont créé d’immenses possibilités nouvelles, à la fois pour l’illustration du livre et pour des publications indépendantes. Des collections se sont constituées, complémentaires à celles des cabinets d’estampes. Des listes et des catalogues ont été élaborés.

Le rôle de l’image ne saurait être exagéré. Elle est pareille au mot, l’autre manière d’exprimer les choses. Notre époque devrait s’en servir systématiquement et elle tend à le faire, illustration du livre et du journal, illustration par l’affichage et le musée, éducation par le dessin dès le jeune âge et accompagné de l’image à tous les degrés de l’enseignement.

Les images se classent en réelles, possibles, imaginables.

Les grands traités employent simultanément la photographie qui est exacte, le dessin qui est interprétatif et le schéma qui réduit à l’essentiel.

On a traité antérieurement de l’image en général. On s’y réfère ici (voir n° 22.3 et les divisions).

2. Le monde en image.

Il n’est pas exagéré de dire qu’aujourd’hui, avec plus ou moins de perfection, de rigueur scientifique, de goût artistique, le contenu du vaste monde accessible à l’homme a été largement photographié. Il continue à l’être si bien que la pensée doit envisager l’existence d’une Documentation Iconographique Universelle (en prototype ou reproduction) à côté de la Documentation écrite (manuscrite ou imprimée). Dans divers domaines on a insisté sur ce qu’il y a lieu de voir photographié pour protéger les documents naturels, les restes du passé contre les altérations ou la disparition. D’autre part, devant l’étendue du savoir il devient nécessaire de trouver de nouveaux moyens pour s’instruire. Or l’image peut servir de base à un nouveau langage permettant une assimilation plus générale, plus facile et plus prompte. Un nouveau labeur s’impose : enfermer dans la série des images toutes les idées qui peuvent y être enfermées.

3. L’Iconographie : science de l’image.

L’Iconographie est la science des images produites par la peinture, la sculpture et les autres arts graphiques. Elle tend à devenir de nos jours la science de l’image en général, quel que soit son mode de production.

L’Iconographie chrétienne est la première qui ait été réduite en corps de science.

L’Iconographie est aussi le terme qui exprime l’ensemble des documents iconographiques.

Pour les âges où manquait la photographie d’aujourd’hui, on possède fresques, sculptures, bas-reliefs, gemmes, inscriptions, grafittes, papyrus, mosaïques, fonds de coupes, etc. Leur témoignage n’est ni moins formel ni moins précieux que celui des textes. L’ensemble concourt à offrir la synthèse de l’histoire du changement de la vie.

Dans le passé tout le travail iconographique des artistes constituait la lecture du peuple : le livre n’existait pas ; le journal moins encore.

De grands recueils ont vu le jour. Le premier en date est de Mazzochi qui publia en 1517 un recueil intitulé « Illustrium Imagines.[74] Les recueils depuis se sont succédé.[75]

L’ouvrage récent, Botanical Pen-Portraits de MM. J. N. Moll et H. H. Janssonius (La Haye Nyhoff) est un exemple typique de la substitution de dessins aux descriptions verbales (texte).

On a réalisé des collections de portraits. Par ex. : Porträtsammelung der Nationalbibliothek. La base est le portrait ou personnage représenté, peu importe le procédé du document : gravure, dessin, photographie. Ces collections ont à procéder par référence à d’autres collections établies séparément, à raison de la matière (par ex. : la médaille, le tableau peint), de la forme (par ex. : le buste ou le relief) ou des dimensions (par ex. : portrait en pied).

Le Comité International des Sciences historiques a décidé une enquête auprès des historiens de différents pays sur l’organisation de la documentation iconographique en particulier au sujet des méthodes de classement.

On a créé en Hollande un « Rijks Bureau voor Kunsthistorische en iconografische Documentatie ».

De nos jours des collections ont été formées d’images de toute espèce et sur tout sujet, élargissant la conception ancienne du Cabinet des Estampes, jusqu’à y comprendre aussi les photographies. Il faudrait leur réserver le nom d’« Iconothèques ».

4. Publications iconographiques.

L’image trouve sa place dans toutes les Publications dont elle vient illustrer le texte. Mais il est aussi des publications d’images et des recueils d’images. Les publications exclusivement iconographiques se multiplient. Elles prennent la forme de livres, d’albums, d’atlas. À l’inverse de l’ouvrage illustré où le texte demeure l’essentiel, ici les indications écrites sont simplement l’accessoire. (Ex. : Les publications de Boisonnas. L’Index iconographique des maladies de la peau, du Dr Châtelain, etc.).

5. Collections iconographiques.

Avec force motifs, on a demandé l’extension et la multiplication des collections de photographies documentaires (archives photographiques). On a proposé que dans toutes les bibliothèques, une place leur soit faite à côté des estampes ou en combinaison avec les estampes. On a émis le vœu que les Offices de Documentation de chaque science se préoccupent de réunir systématiquement toute l’iconographie de cette science. On a indiqué cette dernière tâche comme devant être spécialement celle des organisations internationales (voir par exemple ce qu’a commencé à faire l’Institut International d’Agriculture de Rome). On a envisagé la formation d’une Collection Universelle en liaison avec la Bibliothèque mondiale d’une part, avec l’Encyclopédie Universelle d’autre part. Désireux de travailler dans la mesure de ses possibilités à défricher le vaste champ de la Photographie documentaire, l’Institut International de Bibliographie a envisagé, ces desiderata dans les études préparatoires et les premières réalisations de l’Encyclopédie documentaire. Il possède actuellement une collection d’environ 150 mille documents photographiques montés sur feuilles et sur fiches, classées par matières et organisées comme partie graphique de son Encyclopédie documentaire. Celle-ci est elle-même formée de dossiers et de documents mobiles et tend à répondre à ces desiderata : compléter les grandes encyclopédies publiées, être développée continuellement et sans fin, contenir les documents de toute origine et non l’opinion d’un seul auteur, constituer pour l’étude de chaque question un dossier international comparé, utiliser par découpage les articles des revues et journaux dont l’importance documentaire, comme source indicative tout au moins, grandit chaque jour. « Il y a lieu d’établir ou de réaliser de grandes collections intégrales d’images d’après un plan méthodique et d’aboutir à la confection d’une vaste encyclopédie imagée qui instruira tout en amusant, montrant tour à tour la genèse des choses, la composition des objets, la beauté de leurs formes, l’évolution des êtres, la fabrication et la disposition des produits ». (François David, Encyclopédie d’images, p. 8.)

Il faut organiser des Archives Photographiques générales où les artistes et les savants, les érudits et les publicistes, les artisans et les ouvriers puissent trouver ce qui leur est nécessaire pour l’étude, pour le cours, pour le livre, pour le journal, pour le travail.

On a commencé à établir à l’I. I. B. un Dictionnaire iconographique décimal sur fiches, offrant une illustration type de chaque chose représentée dans la Classification Décimale. Il ne suffit pas de posséder une photographie de chaque chose ; les choses changent d’aspect (villes, sites, personnes, etc.). Leur histoire est enregistrée dans des photos successives.

6. Index iconographique universel.

Les Congrès internationaux ont préconisé rétablissement d’un Index Iconographique Universel, relevant les images dessinées, gravées, photographiées, séparées ou jointes aux ouvrages, en donnant la liste par auteur et par matières traitées, indiquant les lieux de dépôt. Des travaux remarquables existent dans cet ordre d’idées. Par ex. : l’Index locupletissimus iconum botanicorum, l’Index of Portraits de la Library of Congress. L’élaboration des index particuliers devrait être répartie par pays, par matières, par époques, selon un plan d’ensemble à la manière de la Bibliographie. Une méthode commune devrait être adoptée (règles catalographiques, formats, classification). Un Index Central sur fiches devrait concentrer, au premier stade, l’Index des Index, au second stade la Somme des Index. À raison des affinités étroites entre l’un et l’autre, l’Index Iconographique Universel doit être rattaché au Répertoire Bibliographique Universel. (Voir Code des Règles n° 63.)

7. Collection de clichés, cuivre, bois.

À raison de leur intérêt, de leur valeur, et du coût de production, on est amené à conserver les clichés ou matrices des images qu’il s’agisse de dessins, gravures ou photographies.

Les clichés ont diverses formes : les plaques de verre négatives, les diapositives pour projection, les simili ou photogravures destinés à l’impression. Des mesures doivent être prises pour les conserver car ils constituent une valeur réelle et ils sont de nature, par le prêt, à améliorer, grandement l’Enseignement, les conférences, les publications. Il y a aussi les bois et les cuivres. On a récemment mis en lumière l’importance des grandes chalcographies nationales, formées de cuivres gravés (notamment celles du Louvre à Paris).

Un mot français unique manque pour dénoncer semblable collection. Le Buffalo Museum of Science, qui a 70,000 clichés avec manuscrits descriptifs, l’appelle « Lantern Slide Library ».

242.32 Dessin.

a) La sculpture, la peinture, l’architecture sont fondées sur le dessin, qui n’est pas moins nécessaire aux arts industriels qu’aux beaux-arts. Tout le dessin est dans le contour et le profil des objets. Selon les moyens employés, on distingue le dessin au crayon, au pastel, à l’estompe, à la plume, etc. Au point de vue de l’exécution, le dessin est une simple esquisse, un croquis, ou bien une étude, une académie, un carton. On distingue aussi le dessin au trait seulement, et le dessin ombré, le dessin lithographique pour gravure. La propriété des dessins de fabrique est protégée par la loi. Par des procédés mécaniques, on produit aujourd’hui des copies réduites et très précises de dessins donnés. (Voir n° 222.31 sous 5 à 8.)

b) La caricature joue un grand rôle. Il se rencontre parfois « qu’une illustration de journal renferme dans le hasard heureux d’une caricature le résumé de toute une situation politique ou sociale ». (Bourget.)

242.33 Gravures. Estampes.

1. Notion.

a) Les gravures et estampes sont la reproduction obtenue par l’impression d’une plaque de métal, ordinairement en cuivre, sur laquelle on a tracé au moyen d’un burin, d’acide ou d’autres procédés mécaniques, des dessins et des figures.

En imprimerie on oppose « gravures » à « composition », les premières se faisant par tous les procédés de la clicherie, la seconde par des caractères typographiques.

b) Gravures, estampes, lithographies et autres produits des arts graphiques présentent un caractère réellement artistique. Elles sont en taille douce, au burin, à l’eau forte. Elles sont en noir ou en couleurs. Elles existent en exemplaire unique ou en plusieurs exemplaires. Elles sont des œuvres d’art ou ont un caractère commercial, comportant annonces, réclames ou indications de cette nature. Elles sont généralement tirées sur papier spécial et, lorsqu’il s’agit de tirages limités, elles portent le plus souvent un numéro de tirage et la référence ou la signature de l’auteur.

« Avant la lettre », c’est l’expression artistique et d’atelier qui désigne un tirage de l’œuvre entièrement achevé en ce qui concerne le dessin, les contours et les ombres, mais qui ne porte ni signature, ni devise, ni légende. Le graveur en tire seulement quelques exemplaires et ensuite complète la planche avec la gravure de la lettre.

c) Les gravures se présentent comme des suites d’illustration, parfois des tirages à part ou des séries de gravures publiées soit en album, soit séparément.

La gravure, par tous ses modes de reproduction et par son succédané la photographie, est utilisable sous des formes variées. La démarcation est difficile entre l’estampe proprement dite et le livre illustré. Entr’eux se présente le recueil d’estampes format album, donc livre. Il y a aussi des livres à images imprimés d’un seul côté et où le texte n’est que l’accessoire des figures.

Certains ouvrages comportent des planches illustrées isolées, en portefeuille ou reliées à part. Ainsi fréquemment les ouvrages traitant d’architecture.

Les bons graveurs sur bois, tout en créant des œuvres indépendantes, aux valeurs éminemment décoratives, deviennent simultanément des illustrateurs de livres et sont même amenés à créer des livres xylographiques.

d) La gravure est à étudier à un double point de vue : en tant que forme documentaire ; en tant qu’œuvre d’art (étude des artistes, dessinateurs et graveurs, qui se sont distingués dans la création indépendante, la reproduction d’œuvres d’autres artistes ou la simple illustration des livres).

2. Histoire.

La gravure a une longue histoire. La xylographie est l’impression faite sur planche de bois gravé. Les livres imprimés par ce procédé se disent les xylographes. Ils n’ont ni date, ni signature ; ils sont presque toujours les résumés très sommaires de grandes œuvres destinées au peuple et accompagnées d’images pour mieux retenir son attention. La gravure a eu des hauts et des bas (voir n° 222.31).

Depuis quelques années, il se produit une sorte de renaissance de la gravure, sur bois et au burin. Elle laisse aux procédés photomécaniques ce qu’ils peuvent mieux réaliser maintenant ; mais elle donne à l’artiste inventant lui-même son œuvre, le moyen de la concevoir en fonction de la technique. De nos temps l’expression directe et synthétique d’une émotion subjective va remplaçant la recherche de la transposition raffinée et analytique de l’observation objective.[76]

3. Ethnologie.

Chez les Orientaux la gravure occupe une place importante et a reçu des développements.

Les « Kakemonos », pièces en hauteur de dimensions variables, tableaux que l’on suspendait aux parois intérieures des habitations. Les « Makimonos » sont des bandes horizontales plus étroites d’une longueur atteignant parfois quinze mètres, que l’on conservait en rouleaux et qui représentaient des sujets d’histoire, des légendes religieuses, des fantaisies de toute nature se divisant en une succession de multiples fragments complémentaires.

Il y a aussi la chromoxylographie (impression en toutes couleurs).

Les « Sourimonos » sont des impressions en toute couleur avec adjonction des couleurs métalliques (or, argent, bronze, étain et noire). Pour produire de telles estampes il a fallu une succession d’au moins 25 clichés divers.

4. Conservation. Classement.

Les gravures se conservent de diverses manières : en portefeuilles et layettes, en albums reliés, dans des meubles spéciaux à tiroirs ou sur des porte-folio.

Les gravures sont souvent encadrées. Le cadre parfois est lui-même une œuvre d’art. De toute manière il doit être en harmonie avec l’œuvre et n’être qu’un accompagnement à l’objet encadré et non la chose principale. Le cadre doit se plier aux exigences de la gravure et non pas l’inverse. La gravure coupée ou pliée est diminuée considérablement en valeur marchande,

5. Catalographie.

La catalographie de la gravure a réalisé des œuvres considérables qui prennent place à côté de celles de la bibliographie et souvent en annexe de celle-ci. Des règles ont été établies pour la description et le classement. Cette catalographie entre dans la voie de reproductions réduites. Ex. Hugo Smidt Verlag a entrepris la publication du catalogue de gravures de Gersberg : la gravure allemande sur bois en feuilles détachées. Le catalogue comprendra les 1,600 reproductions de gravures de l’œuvre en dimensions réduites d’environ 1/5, 1/8, 1/10 de la grandeur originale.

6. Calcographie.

La calcographie, nom ancien pour désigner les collections de cuivre gravé conservé pour la reproduction. La calcographie du Louvre est un trésor précieux et trop peu connu. Il est des calcographies dans beaucoup de pays. L’Institut de Coopération Intellectuelle a organisé dans diverses capitales des expositions de calcographie.

242.34 Affiches.

1. Notion.

L’affiche illustrée (le placard colorié) est une des espèces d’un genre constitué par les vues murales en général. Celles-ci comprennent aussi toutes les peintures sur mur, panneaux et palissades ayant le même but que l’affiche. On assigne aux unes et aux autres d’aguicher l’œil et d’être des fenêtres ouvertes sur l’activité des hommes et sur les beaux paysages.

Les affiches sont des schémas, des symboles : ils attirent par une illustration qui doit évoquer des objets, des produits, des sites.

2. Histoire.

C’est encore à Renaudot que l’on doit les Petites-Affiches. Elles commencèrent de paraître en 1638, disparurent à la mort de leur fondateur (1653), mais reparurent en 1715. La publicité devait aller toujours plus grandissant. Aujourd’hui le gouvernement et les particuliers ont fréquemment recours aux affiches proprement dites. Seules les affiches du gouvernement peuvent être imprimées sur papier blanc ; les autres sont imprimées sur papier de couleur et soumises à un droit de timbre assez élevé.

Les premières affiches sur papier étaient manuscrites. Elles se sont montrées en France au XVIe siècle pendant les guerres de religion. Elles trouvèrent tout aussitôt leur véritable place, les murailles. Les partis ne se faisaient point faute d’en appliquer partout, soit secrètement, soit ouvertement. Le siècle suivant vit les premières affiches imprimées.

3. Pays.

L’affiche triomphe ; aux États-Unis, c’est la publicité qui a donné tout l’essor à cette traduction de la pensée. En cela l’objectivité de la langue anglaise l’a puissamment servie, martelant doublement dans notre intellect le concept qu’elle veut traduire.

L’affiche (placard) a joué un rôle important dans l’éducation du public en U. R. S. S. Elle a servi au passage de l’économie paysanne à des procédés progressifs d’agriculture, elle lutte contre l’analphabétisme, pour la meilleure hygiène, pour la productivité du travail. Elle ne se borne plus à quelques figures laconiques ni suggestives ni aux appels. Elle prend un caractère didactique, offrant des données sur telle ou telle forme de la vie économique, expliquant par des diagrammes la marche de tel ou tel processus économique. Beaucoup d’affiches s’adressent aux nationalités de l’U. R. S. S. en leur langue maternelle.

L’image qui a été un précieux moyen pour l’enseignement de l’enfant doit le rester pour la foule des illettrés et des moins lettrés.

4. Espèces.

Il y a les affiches publicitaires (commerce), les affiches administratives, les affiches politiques et électorales, les affiches du tourisme.

On imprime des affiches sur toile atteignant de grandes dimensions (par ex. celle pour le roman Ann Vickers, de Sinclair Lewis, prix Nobel. 3 m. × 0.45).

Les compagnies de chemins de fer publient des affiches sur les villes et les sites de leur réseau. Les gares sont devenues ainsi des sortes de salons de peinture. On a créé des types de grandes affiches photographiques.

5. Affiches politiques.

En tous pays maintenant la propagande politique et en particulier les élections se font a coup d’affiches.

Aux élections présidentielles aux États-Unis, on fait usage d’affiches, de journaux et de placards aux couleurs éclatantes, tendant à attirer, à impressionner les électeurs par des appels brefs et des phrases lapidaires. Des chars à bancs parcourent les avenues et les rues, montés par de bruyants orchestres et des agents électoraux qui exhibent des pancartes avec toutes sortes d’inscriptions recommandant leur candidat. Certaines organisations démocratiques ont imaginé un transparent gigantesque haut de plusieurs étages et que véhiculent trois camions automobiles. Toutes les dix secondes ce transparent s’éclaire électriquement et on peut lire des inscriptions en lettrée énormes, tour à tour rouges, bleues et blanches. La foule, nuit et jour, est influencée par la réclame des partis qui frappe ses yeux, ses oreilles. Les affiches, les éditions de journaux, la caricature se succèdent.

L’Angleterre a pris des mesures, au cours de la guerre, pour l’étude des ressources économiques de l’Empire et créer un mouvement pratique d’affaires pouvant lui permettre de remplacer par les produits de l’Empire ceux quelle retirait auparavant des empires centraux. C’est l’imperial Institute de Londres, associé ou Colonial Office et aux Chambres de Commerce de l’Empire qui a incité ce mouvement.

Des expositions d’affiches électorales comparées ont été organisées au Palais Mondial.[77]

6. Lisibilité des affiches.

Des expériences sur la lisibilité à distance des affiches ont donné l’ordre suivant des couleurs : 1. noir sur jaune ; 2. marron sur chamois ; 3. noir sur chamois ; 4. jaune couvrant sur rouge ; 5. jaune sur vert sombre ; 6. noir sur orange, etc.

7. Édition, vente des affiches.

Jusqu’ici les affiches illustrées ne sortaient pas du domaine publicitaire. Voici qu’on les édite régulièrement. Les compagnies de chemins de fer français ont fait exécuter ces documents par des maîtres de l’affiche et elles les offrent en vente au public à des prix forts réduits.

242.35 Blason : héraldique.

a) Blason.

Le blason remonte à la plus haute antiquité : on le connut chez les Israélites, chez les Grecs. Mais le blason proprement dit a pris naissance au moyen âge, au moment des croisades. La Renaissance y fit grand honneur. Sous Louis XIV chacun voulut avoir ses armoiries.

Abolies à la Révolution, les armoiries furent rétablies après.

Le blason est tout un système de signes emblématiques c’est une notation. On y distingue l’écu, les émaux, les figures héraldiques ou pièces honorables, les ornements intérieurs ou meubles, etc. L’écu est le champ sur lequel sont placées les armoiries et qui représente l’ancien bouclier. En France, il a d’ordinaire la forme d’un rectangle posé droit et terminé en bas par une petite pointe vers le milieu. Il prend le nom d’échiquier, quand il est divisé en cases d’échiquier (au nombre de 20 ou 24), les unes de métal et les autres de couleur. Le tiers supérieur de l’écu s’appelle chef ; le milieu, centre ; le bas, pointe. Il peut être divisé de quatre manières (partitions) : par une ligne perpendiculaire médiane (parti) ; par une ligne horizontale (coupé) ; par une diagonale de droite à gauche (tranché) ; par une diagonale de gauche à droite (taillé). Les émaux comprennent les 2 métaux (or et argent) ; les six couleurs ; l’azur (bleu), le gueules (rouge), le sinople (vert), le sable (noir), l’orané et le pourpre (violet) ; les deux fourrures : l’hermine (blanche) et le vair (bleu). Les figures héraldiques ou pièces honorables sont : le chef, la fasce, le pal, la croix, la bande, le chevron, etc. ; on en compte 19.

Les ornements intérieurs ou meubles sont les figures naturelles ou artificielles d’hommes, d’animaux, de plantes ou d’autres choses : alérions, merlettes, tours, étoiles, besants, etc. Ajoutons encore les ornements extérieurs : casque ou timbre, couronne, lambrequins, supports.

Parmi les espèces d’armoiries, on remarque : les armoiries de villes, que les communes adoptèrent lors de leur affranchissement ou en quelque autre circonstance ; les armoiries de sociétés ou de corporations (universités, corps de marchands, etc.) ; les armoiries de familles, de beaucoup les plus nombreuses. Elles sont dites brisées quand les cadets les modifient pour se distinguer de la branche aînée ; diffamées si le roi leur a imposé une modification injurieuse ; à enqueere ou fausses, si elles violent les règles ou la vérité ; parlantes, si elles désignent les noms des possesseurs. Autrefois le juge d’armes composait les armes des nouveaux anoblis.

b) Héraldique.

Le Blason fut longtemps regardé comme une science et même, à une certaine époque, c’était la première de toutes les sciences aux yeux de ceux qui occupaient le premier rang de la société. Cette science avait pour objet la description et la composition des armoiries que chaque famille noble se transmettait de père en fils comme le signe éclatant de sa noblesse et de son ancienneté. Elle était enseignée par les hérauts d’armes qui avaient pour principale fonction de décrire l’écu des chevaliers lorsqu’ils se présentaient pour combattre dans les tournois. Or, comme il s’y présentait des chevaliers de toutes les nations, il s’en est suivi que les termes devinrent identiques partout.

242 36 Cartes postales illustrées ; Cartes à jouer ; Ex-libris.
242.361 CARTES POSTALES ILLUSTRÉES.

a) Les cartes postales illustrées ont pris un développement considérable. Elles sont l’objet d’un commerce important et de collections. Elles sont de genres variés. Les unes tirées sur papier au bromure d’argent et similaires ont une valeur sensiblement supérieure aux cartes ordinaires. Les autres sont agrémentées d’accessoires en matières textiles, fleurs artificielles, etc. Les cartes postales se présentent isolées, brochées en carnets, en feuilles.

« Expression de la vie, la carte postale en est le panorama raccourci. Baptême, première communion, fiançailles, mariage, joie de la maternité et de la paternité, l’art d’être grand’père, enfin le divorce. Pas encore de mort — le divorce marque en cartes postales la dernière étape d’une vie de conte bleu. »[78]

b) On a reproduit en cartes postales les monuments, les musées d’art et les autres musées.

« Il y a les cartes postales fantaisistes, l’écœurante féerie de chromos, les paysages neigeux qu’entourent des soleils et des lunes invraisemblables, des amoureux à la framboise, des jeunes gens qui souhaitent une bonne fête avec un bouquet de roses et un air bête, — mais à côté, les jolis visages et les fleurs photographiés rehaussés de justes couleurs. » (Marius Richard.)

c) Les cartes postales sont reproduites au bromure par l’impression et par l’héliogravure, la phototypie, le double ton, les procédés photochromatiques, l’offset. Certaines maintenant du format 6 × 9 donnent l’illusion parfaite de la photographie d’amateur. On vend les cartes postales par séries de 10 à 20 vues.

d) Autrefois on les collectionnait. On les glissait avec précaution dans des albums. Aujourd’hui la vulgarisation a tué la collection, mais on conserve les cartes à raison des souvenirs qui s’y rattachent (aide-mémoire).

242.362 CARTES À JOUER.

Les cartes à jouer constituent en un certain sens des documents. Elles portent des images et des mentions qui ont donné lieu à d’intéressantes études de folklore. Dans beaucoup de pays les cartes à jouer sont l’objet d’un monopole d’État ou d’impôts spéciaux.

Les cartes ont tous les formats, les jeux se composant ordinairement de 32 ou de 52 cartes. Elles sont imprimées sur carton, bristol ; il en est sur celluloïd. Aux jeux de cartes se rattachent les tarots. Ce furent les premières cartes inventées pour servir d’amusement. On croit qu’ils vinrent de l’Asie comme les échecs, avec lesquels ils présentent quelques points de ressemblance. Ils furent introduits en France vers la fin du XIIIe siècle. Outre les 52 cartes ordinaires, les tarots avaient une cinquième série comprenant 22 figures représentant les atouts ou les triomphes et portant plus spécialement le nom de tarots. On a trouvé en Chine le matériel d’un jeu qui se composait de 77 tablettes et qui, pense-t-on, peuvent avoir servi de type au jeu des tarots. On joue encore ce jeu dans certaines parties de l’Allemagne et de l’Italie.

242.363 EX-LIBRIS.

Les Ex-Libris présentent deux caractères. 1° Celui de leur fonction : être une marque de propriété combinée éventuellement avec la cote de l’ouvrage et d’autres indications y relatives. 2° Le caractère d’une œuvre d’art, gravure, estampe.

Les ex-libris, les marques d’imprimeurs, les frontispices avec leurs vignettes parlantes et leurs motto suggestifs, disent bien les aspects multiples du livre.[79]

242.37 Photographie.

1. Notion.

a) La photographie est l’art de fixer sur une plaque couverte de substance impressionnable à la lumière, les images obtenues avec l’aide d’une chambre obscure. Elle est une méthode permettent d’obtenir par l’action de radiations visibles ou invisibles l’image durable d’un sujet. (E. Picard.) La reproduction de cette image s’appelle aussi photographie.

b) La photographie est donc l’« écriture à l’aide de la lumière » (photo-lumière, graphein-écrire). Depuis son invention elle a répondu de plus en plus à cette définition. Il y a maintenant trois manières d’écrire un texte ou un dessin : à la main, à la machine (dactylographie ou imprimerie, grande et petite), à la photographie. Lamartine définissait la photographie une collaboration de l’artiste avec le soleil.

La méthode photographique est appelée à remplacer de plus en plus la méthode visuelle. L’objectif, la plaque ou le film, le papier sur lequel l’image reproduite parvient à être fixée, sa multiplication en documente photographiques, c’est là un processus véritablement amplificateur de l’œil et amené à se substituer à lui, non seulement dans l’observation scientifique, mais dans la vie pratique (Travail, Éducation, Récréation).

2. Historique.

Ce qui a été, laisse quelque part quelque trace et, à la condition de trouver un réactif suffisamment sensible, on peut avoir l’espoir de le décéler. Le moindre rayon de lumière, la moindre vibration de l’éther, peut-être la pensée elle-même, peuvent s’inscrire et produire une empreinte ineffaçable. « Qui sait, disait Marcelin Berthelot, si un jour la science avec ses progrès ne retrouvera pas le portrait d’Alexandre sur un rocher où se sera posée un moment son ombre. » Les étapes du développement de la photographie sont celles-ci : 1° Fixation des images obtenues sur métal (Daguerréotype 1838) ; 2° épreuve sur papier (1839) ; 3° négatif sur verre permettant de tirer un nombre infini d’épreuves sur papier (1845) ; 4° plaques recouvertes d’une émulsion à la gélatine pour remplacer le collodion ; 5° accroissement de la sensibilité de la plaque réduisant le temps de pose ; 6° obtention de belles épreuves par addition aux émulsions de matières colorantes : plaque orthochromatique et panchromatique ; 7° application de la photographie à tous les domaines scientifiques et industriels ; 8° utilisation des prises de vue photographiques pour le lever exact et rapide d’une carte (photogrammétrie) combiné avec l’avion (photoplan) ; 9° la photographie des couleurs ou photographie intégrale. Lippman (1908) ; 10° la photographie des couleurs dites interférentielles (méthode Trichrome) procédé des plaques autochromes avec 6 à 7,000 grains par millimètre carré ; 11° les filmcolors, des pellicules autochromes dont le support est une feuille de celluloïd.

3. Espèces de photographies.

a) On a la série des termes suivants : a. négatives ou positives ; b. noir ou couleur ; c. plane ou en relief (stéréogrammatiques) ; d. original — diapositive sur verre ou film-pellicule — photographie ou photogramme ; e. cliché typographique ou photogravure ; f. normale, microscopique, macroscopique (réduction et agrandissement) ; g. statique ou en mouvement (cinéma, dynamique) ; h. à voir ou à projeter ; i. muette ou sonore.

b) La photographie a donné lieu à bien des modalités : a. agrandissement ou réduction ; b. combinaisons variées des photographies entre elles, les créations imaginatives, le mouvement ; c. les photographies donnent lieu à plusieurs types d’impression : séparées et par elles-mêmes, en album de vues, illustrant les publications elles-mêmes accompagnées de textes descriptifs, éditées sous la forme à projeter.

c) Comme documents, on distingue la photographie d’art, la photographie d’amateurs et la photographie industrielle. Comme sujet, on distingue les photographies d’art, les photographies industrielles, les photographies documentaires et scientifiques.

4. Le domaine de la photographie.

a) On peut dire que la photographie est une manière d’écrire basée sur les principes mathématiques, physiques et chimiques. La photographie est la plus importante des machines intellectuelles inventées par l’homme. Non seulement elle reproduit, mais elle produit les documents et représente la réalité directement sans l’intermédiaire d’un cerveau. En faveur de la photographie, il y a la présomption qu’elle ne peut pas tromper, qu’elle est un témoin irrécusable et irréfutable, qu’il n’y a pas à faire la part de l’« équation personnelle ». La photographie a donc fait reculer le dessin. D’autre part elle doit lui laisser un champ propre, ce que la photographie ne peut pas rendre, à savoir : 1° condenser en un même tableau toutes les idées que comporte un ensemble de divisions de la classification et dont le sujet ne se trouve pas ainsi condensé dans la nature des choses. En cherchant à réunir sur une même image toute une série d’idées, le dessin doit s’appliquer à donner à l’idée exprimée toute sa valeur instructive. Ex. : la photographie nous montre un arbre avec son développement dans l’air, tandis que le dessinateur peut nous le faire voir en plus avec ses ramifications dans le sol. 2° Rendre l’expression des sentiments, matière que l’appareil photographique n’a pas facilement l’occasion de saisir dans toutes ses nuances. Le plus souvent les peintures auront pour mission de distinguer pour le fixer au milieu d’un ensemble d’action, le trait le plus caractéristique, à la fois plus abondant en idées, le plus suggestif et le plus assimilable. 3° Réaliser des créations imaginaires. (David.)

La photographie d’objets matériels et des sciences est souvent froide et schématique, tandis que le dessin peut être chaud et détaillé, rend souvent ce que l’objectif n’aurait pu saisir. Un artiste sent, redit et fait rendre à travers le dessin et la peinture l’essence intime de la vie qu’il veut exprimer.

b) La photographie est le moyen de représentation le plus réaliste, celui dont l’objectivité mécanique atteint la plus précieuse approximation lorsqu’il s’agit d’obtenir de la nature une image à deux dimensions. Elle remplace, le relief par une perspective et fournit à la lumière et à l’ombre des équivalents. L’œil humain est soumis à l’imperfection en même temps qu’à la sensibilité de tout organisme. D’où pour lui d’innombrables variantes dans l’analyse de la lumière et des formes qu’elle revêt, autant que dans l’interprétation de leurs rapports. L’instrument au contraire en fixant un instant de l’état lumineux d’un objet ne subit aucune de ces infériorités, aucune de ces émotions. Avec régularité, il obéit impartialement aux seuls principes arithmétique et physique de son invention et de sa fabrication.

Il y a la photographie scientifique, exécutée avec le maximum d’impersonnalité et dépendant du raisonnement et de la logique ; il y a la photographie dite d’art guidée par un choix, sentiment ou émotif. « La machine en général a permis de pénétrer dans un monde nouveau ; le passage de l’inconnu à la conscience opéré par lui est accompagné d’une étrange sensation d’irréalité. » L’œil inhumain d’un objectif peut voir et fixer des aspects inconnus, parce qu’ils n’existent que pendant la fraction de seconde que dure l’acte de la photographie, que l’œil humain ne saurait voir ou concevoir que dans une certaine mesure, sous un certain angle et d’une certaine façon.

c) La photographie élargit le domaine de la documentation non seulement par ce qu’elle reproduit des documents, mais parce qu’elle en produit, tantôt par des meilleurs procédés, tantôt en atteignant des domaines inaccessibles autrement : photographie aérienne ou sous-marine, agrandissements, aspects nouveaux.

5. Technique de l’image photographique.

a) Verre ou celluloïd, il s’agit d’un support sur lequel est posée la matière sensible : l’émulsion. Film ou plaque la sensibilité aux couleurs est capitale. C’est la traduction des couleurs dans leurs proportions optiques, c’est-à-dire exactes. On désigne cette propriété par le mot « orthochromatique ».

b) On peut comparer une image photographique à une image visuelle qui s’est gravée sur la rétine de l’œil d’une personne et qui, par la réalisation d’une merveille scientifique, peut de nouveau impressionner d’une façon identique d’autres individus éloignés d’une distance quelconque de l’objet primitivement vu ou après un temps illimité. L’image photographique est absolument complète, elle reproduit les plus petits détails des objets, elle retrace tout ce que la vue est à même de saisir. Dans le dessin graphique, au contraire, quels que soient la patience et le talent du dessinateur, il y aura toujours des détails oubliés ou indiqués d’une façon incomplète. La rétine de l’objectif est bien autrement puissante que celle de l’œil humain. Dans un grand nombre de cas, la photographie constitue un véritable moyen mécanique de vision beaucoup plus parfait que celui possédé par l’homme dans ses organes visuels : les yeux. Elle permet l’inscription des phénomènes d’une durée extrêmement courte ou extrêmement éloignée ou petits (photographie microscopique ou macroscopique). Une collection d’images photographiques représente au plus au point l’emmagasinement des images dans le cerveau, emmagasinement qui, on le sait, constitue la mémoire et donne des matériaux à toutes les fonctions intellectuelles. Un casier de photographies nous représente le schéma d’un lobe du cerveau. L’objectif est seul capable de voir et de dessiner juste, sans interprétation et sans erreur. Et c’est en cela que la photographie a opéré une révolution dans le monde en créant le seul procédé capable de faire une copie véritable. Tout document exact doit donc, si c’est une copie, provenir d’une photographie.

c) On a procédé à des retouches, des suppressions, des collages, du photomontage. Toutes les altérations de la photographie primitive sont à connaître du point de vue de la photographie documentaire ; elles sont des moyens d’art et de poésie du point de vue de la photographie artistique.

6. Établissement des documents photographiques. a) Les photographies documentaires doivent répondre à certaines conditions. On a commencé à les déterminer dans les divers domaines des sciences. Par ex. : pour la photographie astronomique, pour la photographie archéologique (Précis d’Archéologie du moyen âge, de Brutails, ch. VI), pour l’architecture (J. Jamin : Congrès international de Photographie, 1910). Il est désirable de voir rattacher ces recommandations particulières à des règles générales. (Voir Code no 64.) La photographie scientifique exige des points de repère pour le calcul. De là tout un développement, la Photométrie ou Photogrammétrie.

b) Il demeure essentiel à la photographie d’obtenir des images exactes. La méthode décrite par Μ. E. Estanave (Académie des Sciences, Paris, 16 juin 1930) lui a permis d’obtenir l’image aérienne du sujet, visible à toute distance et présentant en vision binoculaire tous les caractères de la photographie intégrale, image unique, en grandeur naturelle avec non relief et la même variation de champ qu’on observerait si l’on se déplaçait devant le sujet lui-même.

c) Les Congrès ont réglementé déjà largement les formats des plaques, des appareils, des épreuves stéréoscopiques, des fiches, etc. La standardisation apporte d’heureux résultats. Il y a lieu de l’étendre aussi aux publications et collections et d’intégrer les formats de la photographie à la série des formats de la Documentation générale. De grand format (tableau), moyen format (feuille), petit format (fiche), format film (microgramme) ou formats métriques intermédiaires.

d) Mais la copie photographique va révolutionner toute la documentation. En dehors des manuscrits, elle va permettre de réduire les prêts, les envois à l’étranger, les voyages mêmes aux grands centres dont les périodiques ne doivent pas sortir, ne sont moyen efficace que dans des cas d’exception. On voit les bibliothèques se doubler d’un service photographique qui va transformer les grands dépôts et les collections spéciales non plus en salles de travail, mais en centres d’émission, d’où les documents rayonneront (Morel). Deux voies sont ouvertes : la copie photographique à grandeur réelle. La copie à réduction (le livre microphotographique, le microfilm).

Un appareil nouveau, construit comme un appareil d’agrandissement du microphote, permet d’obtenir la photocopie des manuscrits, au recto et au verso, d’où économie de papier et de place.

c) Les photocopies peuvent être de véritables extraits. Elles sont en tout point l’équivalent de copies à la main qui auront été faites dans un livre ou dans une encyclopédie (texte ou image). Mais ce sont des extraits disposés dans l’ordre désiré, si bien qu’en réalité on peut se trouver en présence d’un exposé nouveau, d’un véritable livre nouveau, qui n’a jamais été écrit antérieurement, mais dont la pensée qui choisit les documents a pu concevoir le plan, les idées directives, certains détails, sans qu’elle ait été obligée de procéder elle-même aux développements.

La photographie a forcé les peintres, attaqués sur ce terrain de la vérité extérieure, à se tourner davantage vers l’expression de la vérité intérieure, psychologique. Le cinéma de même agit sur l’art dramatique. Quant au journal, il est consacré aux nouvelles et à l’information rapide. Mais il vit au jour le jour et il n’est point de surface. L’écrivain lui va se tourner de plus en plus vers l’âme en abandonnant les domaines des histoires et des faits anecdotiques où le journalisme excelle. Ainsi se vérifiera la pensée de Théophile Gautier, que le livre seul a de l’importance et de la durée.

La photographie a été longtemps dominée par la conception de la peinture. C’est récemment qu’elle est devenue franchement réaliste : elle reproduit la chose directement, crûment — et nous émerveille ; ainsi, pores béants et rides nettes d’un visage ; tissu aux ciselures précieuses d’un vulgaire bout de bois, détails de structure de texture ou de facture de n’importe quel objet photographié. Nouvelle conception de l’espace ; un pouvoir de connaissance directe du monde qui nous entoure, et de notre vie même.[80]

7. Applications diverses de la photographie.

La photographie a donné lieu à d’innombrables applications. D’autre part, elle n’a pas été seulement un substitut automatique du dessin, elle a donné lieu à des formes de documents impossibles sans elle ; ainsi :

a) La photographie composite (Galtonienne). Elle ne retient que les traits capitaux de visages divers et donne un type symbolique.

b) La Gastrophotographie est la photographie appliquée au contrôle visuel de l’estomac, venu en aide au diagnostic médical (appareil de F. Bac, Porges et Heilpern).[81]

c) Pour le chronométrage des temps de travail, on a placé de petites lampes électriques à des points convenablement choisis du corps de l’homme (main, tête), on a photographié ensuite les mouvements. Les trames lumineuses figurent les trajectoires des lampes électriques.

d) La métrographie est la technique nouvelle qui emploie l’objectif pour mesurer les images. M. Andieu dans son ouvrage « Les révélations du dessin et de la photographie à la guerre », décrit la manière d’utiliser la représentation du paysage sous quelque forme qu’elle soit, au moyen de mesures métriques. Après enquêtes auprès de toutes les catégories de gens, médecine, artistes, topographes militaires, il a dégagé une façon normale de regarder les objets, c’est-à-dire l’angle optique sous lequel l’œil voit. Il est arrivé ainsi à une sorte de distance humaine, réflexe ou acquise, dont il a fait la clef d’un système. Par là il rend simple et commode l’exploitation de la perspective et de son inverse, en faisant abstraction des règles géométriques.

e) La photographie métrique, appelée aussi photogrammétrie, donne une image absolument conforme aux mesures métriques. Elle permet d’arrêter les proportions de grandeur et de distance des objets et de pouvoir reproduire la photographie comme plan sur n’importe qu’elle échelle. La photographie stéréophotogrammétrique elle, a l’avantage de donner une vue plastique à l’image.

7. Photographie aérienne.

Les photos aériennes sont venues révéler un nouvel aspect de bien des choses et aider à leur meilleure connaissance. (Ex. Cartes de pays et plans de villes, vues des pyramides, études du trafic et de la circulation, etc.). Avec la photographie aérienne, chaque commune pourra avoir une véritable image de son territoire. La photographie aérienne a eu son couronnement dans les vues prises au-dessus du Mont Everest à 10,000 mètres d’altitude, au début de 1933, par Clydesdale et Mc Intyre. La photographie aérienne donnant une vue des choses de loin, permet de découvrir des particularités qui échappent tout à fait quand on est près. On a pu découvrir ainsi en Mésopotamie une immense cité pouvant contenir quatre millions d’habitants. Sur les rives du Tigre, des anciens systèmes d’irrigation, des forts disposés en série. (Article de M. G. D. Beazeley, dans Geographical Magazine de mai 1919. Analyse dans : Bulletin mensuel de la Société Centrale d’architecture, oct. 1919.)

Au cours des dernières années des sociétés anglaises ont relevé par photos aériennes des dizaines de milliers de kilomètres carrés en Afrique, en Asie et en Amérique. La cartographie de ces régions a été accomplie dans le dixième du temps demandé pour le relèvement par moyens terrestres et pour une dépense de moins d’un quart. Souvent les levés aériens effectués auraient été impossibles à faire du sol ; la région marécageuse du Soudan connue sous le nom de Sudd en est un bel exemple. Des avions totalisant mille heures de vol aux altitudes de 3,500 à 4,500 mètres, ont photographié cinquante mille kilomètres carrés du Soudan et de l’Ouganda et les cartes furent livrées deux ans après le commencement de l’entreprise. L’arpentage terrestre le plus rapide de cette région avec l’organisation la plus compréhensive, aurait pris au moins dix ans et aurait été loin de fournir tous les renseignements précis que révélaient immédiatement les photographies aériennes.

Les photographies aériennes fournissent un moyen simple, direct et rapide de relever de grandes étendues ; elles ont aussi l’avantage de fournir immédiatement des renseignements précieux sur la constitution même des régions relevées. Elles montrent les endroits où de riches dépôts minéraux sont susceptibles d’être découverts, où la terre est propre à la culture, les zones où les forêts doivent être conservées pour des raisons commerciales ou pour servir de protection, les meilleurs alignements pour les chemins de fer et les routes, et maintes autres informations de la plus grande valeur pour le gouvernement et le développement rationnel du pays. La photographie aérienne a révélé en outre toute une partie de l’histoire ancienne en montrant la configuration des anciennes villes, des routes et terrassements. Même en Grande-Bretagne, des détails historiques, qui seraient restés cachés peut-être à jamais, ont été découverts grâce à la photo aérienne.

La photogrammétrie stéréoscopique conçue par le Prof. Hugershoff, de Dresde, a réduit au dixième les opérations sur les terrains et les opérations de bureau à la sixième partie du temps employé avec les anciennes méthodes. On peut maintenant cartographier des terrains inabordables et impénétrables, d’extension considérable. Les appareils dits à autocartographier, du même, permettent de faire des plans en relief, avec courbes de niveau exacts, à l’échelle de 1 : 10,000 ou 1 : 20,000, des forêts et des chaînes de montagnes élevées. Les vues sont prises en aéroplanes ou latéralement de chemins de fer dans les montagnes, de vapeur sur les côtes. En deux heures, un aéroplane peut prendre des photographies qui couvrent une superficie de 300 km² pour des plans à l’échelle de 1 : 10,000 et de 1.200 km² à l’échelle de 1 : 20,000.[82]

g) Photographie du ciel. — Une œuvre d’importance capitale a été entreprise : la représentation photographique de tout le ciel stellaire. Y travaillent 18 observatoires et certains ont déjà achevé la tâche leur dévolue. L’œuvre totale comprendra 2,000 feuilles contenant les images de 50 millions d’étoiles jusqu’à la grandeur 14, obtenues avec poses d’environ une demi-heure. Elle comportera aussi un catalogue indiquant la position d’environ 2 millions d’étoiles jusqu’ à la grandeur 11, obtenues par pose de 5 minutes.

La photographie appliquée à la représentation du ciel nous permet : 1° d’embrasser d’un coup d’œil l’immensité de l’univers accessible à nos moyens de recherche ; 2° de tirer de cette représentation fidèle du ciel l’immense avantage de substituer des mesures aux images.

La scintillation des étoiles donne lieu à une extinction plus rapide sur la plaque photographique que dans l’œil humain.

h) La stéréoscopie doit être considérée d’une part comme un problème mathématique et d’autre part comme un problème graphique. L’illusion de relief donnée par la stéréoscopie est due en partie à une éducation cérébrale qui, lorsque chacun de nos yeux reçoivent une image spéciale, ne nous laisse jamais voir qu’un seul objet sous trois dimensions. Cette éducation dans laquelle notre imagination entre puissamment en jeu est devenue si parfaite que si l’on vient à regarder avec les deux yeux un dessin forme de quelques traits et de quelques points diversement disposés, notre esprit s’efforce toujours d’y voir l’image d’un objet à trois dimensions qui n’existe pas. (Eyckmann Annales d’Électrobiologie, août 1909.)

Le Dr Herbert Yves (exposé à la Société des Ingénieurs du Cinéma à New-York) voit la solution du problème dans ces desiderata : pas d’appareil de vision individuelle pour les spectateurs ; une seule pose photographique pour chacune des images successives constituant le film ; un système de projection unique. M. Yves a cherché à distribuer les vues différentes sur l’image elle-même. (Parallax stereogramme.)

i) Photographie automatique. — L’administration hollandaise des téléphones, section d’Amsterdam, a mis en fonctionnement un système remarquable de comptabilité photographique pour ses 30,000 abonnés. Tous les postes reliés par fils ont leur compteur disposé côte à côte, par groupe de 100, dans une grande salle. Chaque mois un appareil photographique automatique placé sur rail et balayant tous les compteurs un à un de ses foyers lumineux, enregistre microscopiquement sur film continu les consommations du mois. Dans une salle annexe fonctionne en plusieurs exemplaires l’appareil à établir les factures des abonnés. Le film du mois est projeté, agrandi sur un verre mat, avec parallèlement le film du mois précédent. Une dactylographe transcrit à la machine sur papier les chiffres des deux mois placés en regard : le jeu de machines à calculer branché sur la machine à écrire, opère automatiquement le décompte : nombres index du mois courant, nombre index du mois précédent, × prix au kilowatt. Le contrôle est opéré par une seconde machine qui transcrit le nombre dans l’ordre inverse de la première ; les erreurs ne sont donc à rechercher que dans les limites de deux totaux discordants. Cette méthode a mis fin aux contestations. Toute la comptabilité de deux ans résumée en (30,000 abonnés × 24 mois = 720,000 x 2 nombres = 1,440,000 nombres) n’occupe dans les archives que le cinquième d’un mètre cube.

j) La photographie intégrale. — L’appareil visuel des insectes est formé d’un très grand nombre d’yeux extrêmement petits, ayant chacun une cornée, un cristallin et une rétine. Il y en a 25,000 et plus chez certaines espèces et il est vraisemblable que toutes ces images partielles formées sur l’ensemble des rétines donnent un relief fortement accusé. De plus cette disposition doit permettre aussi la variation du champ de vision suivant le déplacement de l’animal et des objets différents peuvent ainsi lui apparaître successivement. Gabriel Lippmann, en 1908, s’est demandé s’il serait possible de réaliser un système de photographie intégrale permettant de rendre toute la variété qu’offre la vue directe des objets et il a indiqué les principes d’une solution de ce problème difficile. Rappelant l’œil composé des insectes, il est formé une image qui nous « représente le monde extérieur s’encadrant en apparence entre les bords de l’épreuve comme si ces bords étaient ceux d’une fenêtre ouverte sur la réalité ». En 1921, Estanave (Marseille) a utilisé pour remplir le rôle de plaque gaufrée ces minuscules loupes qui s’incrustent dans certains porte-plumes d’enfants (loupes Stanhope). Il a réalisé ainsi, en réunissant 1,160 de ces loupes en un bloc rigide, des photographies d’objets très brillants répondant aux conditions de la Théorie Lippmann. Beaucoup reste à faire, mais la photographie intégrale est possible,

8. Organisation.

a) La photographie a donné lieu à diverses mesures d’organisation et divers organismes caractéristiques. La photographie relève de la documentation. L’ensemble des photographies existantes constitue l’image photographique du monde. Il y a lieu d’organiser et d’inclure l’organisation de la photographie dans l’organisation générale de la documentation. En 1906 s’est tenu à Marseille le Congrès International de Photographie documentaire. L’Institut International de Bibliographie et sa section de Photographie documentaire y ont présenté un premier ensemble systématique des règles concernant l’organisation, le classement, la collaboration. (Voir les Actes de ce Congrès et Bulletin de l’Institut International de Bibliographie et Annuaire de la Vie Internationale, p. 2434.) Ce premier ensemble amplifié, précisé et mis en rapport avec la documentation générale, a été traité à nouveau dans le Code des Règles pour l’Organisation de la Bibliographie et de la Documentation qui ont été présentés successivement à la Conférence Bibliographique internationale de 1910 (voir Actes) et au Congres International des Associations Internationales (1910, actes p. 168). La photographie documentaire et l’Iconographie générale sont traitées ensemble dans le chapitre VI de ces codes. Voir publication n° 119. Code de l’I. I. B. pour l’organisation internationale de la Photographie.

b) Il s’est formé des organes propres à la photographie, des centres de production et d’édition. Certaines grandes maisons ont une place considérable, par ex. : Braun, Boissonnas et Alinari, les artistes de la photographie.

c) On a créé dans certains musées des collections importantes relatives à la science et à la technique de la photographie (par ex. : à Munich, à Paris, etc.).

d) Des agences photographiques procurent aux journaux les vues des faits du jour. Des abonnements règlent les modalités d’utilisation et de payement.

9. Reproduction des documents existants. Photocopie.

a) La photographie est venu apporter le moyen sûr et économique de reproduire des documents anciens. En premier lieu il s’agit des manuscrits. Les congrès internationaux du Livre, des Bibliothèques, de la Bibliographie, sont revenus à maintes reprises sur ce sujet. En 1898 et 1905, il s’est même tenu un Congrès international pour la reproduction des manuscrits. Plus récemment, la Commission de Coopération Intellectuelle de la Société des Nations a abordé la question. Dans les assemblées scientifiques, on a demandé la publication des fiches phototypiques représentant les types originaux des espèces décrites par les anciens auteurs (mémoires de Leval et E. Joubin). D’une manière générale, des mesures doivent être prises pour la reproduction immédiate en photographie des documents uniques ou rares dans tous les domaines.

Les procédés photographiques de reproduction ont été employés récemment pour reproduire les « Histoires des vingt-quatre dynasties » de 1195, l’Édition « PENA » qui doit comprendre 800 volumes avec environ 130 mille pages. C’est l’histoire de cinq millénaires de la civilisation chinoise. Les œuvres originales sont datées depuis 1034 A. J. C. Par la photographie, on a pu en réduire le format original. L’œuvre montre la belle avance qu’avait la Chine dans les procédés des planches de lettres gravées qui précéda la typographie proprement dite.

b) Avec le nombre, la dispersion et les prix croissants des livres, des journaux et des revues techniques, il n’est plus guère possible au particulier d’en acquérir régulièrement, les plus importants même.

L’achat au numéro des périodiques contenant les articles que renseignent les fiches est certes une solution déjà moins onéreuse. Toutefois, elle oblige les lecteurs à une correspondance compliquée et les éditeurs à conserver, pour les dépareiller ensuite, des collections complètes. Comme le nombre des exemplaires en stock est forcément limité, et que les numéros s’épuisent d’une manière inégale, les éditeurs sont souvent dans l’impossibilité de pourvoir à la demande. La consultation de Bibliothèques est toujours possible mais il faut aussi que les articles puissent être joints aux dossiers d’études. La solution est dans la Photocopie des articles selon les méthodes de la photographie normale ou de la photographie microscopique.

c) Il y a les perfectionnements des procédés de reproduction à grandeur, notamment : La Schwartz-Weiss, photographie réelle du Noir Blanc, le Photostat, le Comtophote, etc.[83]

Le « Recordac » est un appareil, créé par la Firme Kodak, permettant aux banques la photographie microscopique automatique des chèques, de manière à permettre leur retour en original aux signataires. Sur un film de 16 mm. de large et 200 pieds de long, on peut photographier 16,000 chèques. Une bobine de 3 ¾ × 3 ¾ × 3 ¾ de pouces contient 8,000 chèques. On applique aussi le procédé à la copie photographique des pièces de caisses de toute espèce en vue d’éviter l’encombrement.

242.38 La projection.

1. Notion.

a) Le jour où quelqu’un projeta la photo, exhumant l’antique lanterne magique, certes il ne savait pas tout juste ce vers quoi de grand il nous mettait en route. Il posait deux nouveaux principes : la surface occupée seulement pendant les secondes où elle est utile et rendue immédiatement après pour d’autres fins ; d’autre part la possibilité de pouvoir agrandir ou réduire l’objet à volonté. C’est toute la projection.

L’évolution de la projection a été marquée par les étapes suivantes : 1° elle a commencé avec la vieille lanterne magique ; 2° elle a pris plus tard la forme de diapositives sur verre ; 3° puis sur clichés, celluloïdes et même papiers ; 4° le mouvement par le livre microphotique (Photoscope, Cinéscope) a donné lieu aux vues sur pellicules, format film, en bobine d’abord, puis séparable en images distinctes ; 5° le développement de la projection actuel.

b) La projection est la reproduction et l’agrandissement à distance d’un objet ou d’une image. Elle est de trois espèces : 1° projection de diapositives (verre ou colophane) ; 2° projection de corps opaques (Epidoscope) ; 3° projection aux rayons Rœntgen. Elle se réalise de près ou de loin, avec ou sans fil. La reproduction s’opère soit sur un écran, soit sur papier photographique, où se fixe l’image. La projection agrandie sur écran fait naître un document virtuel qui s’évanouit bientôt, n’accaparant ni immobilisant aucun support, n’occupant l’espace qu’au moment utile et disparaissant ainsi pour faire place à une autre projection.

c) Une classification générale de la projection donne les divisions suivantes : a) fixe ou animée ; b) en noir ou en couleur ; c) d’objets translucides ou opaques (diascopique ou épiscopique) ; d) de grandes dimensions ou microscopique ; e) sans relief ou avec relief ; f) sur écran ou en panorama ; g) sans parole ni musique, avec parole et musique ; h) avec fil ou sans fil ; i) dans l’obscurité ou en pleine lumière. Les divers appareils et procédés existants relèvent de ces caractéristiques : lanterne magique, cinéma, photoscope, cinéscope, films partants, films sonores.

2. Le livre microscopique ou microphotographique. Le livre projeté.

a) Nous avons proposé, dès 1906, avec Robert Goldschmidt[84], de donner au livre ou aux documents en général une forme nouvelle : celle de volumen en miniature obtenus comme suit : chaque page, élément ou combinaison de pages est photographiée directement sur une pellicule ou film du format cinématographique universel. Les images ainsi obtenues se présentent successivement,

étant juxtaposées côte à côte sur la bande filmée et dans les dimensions réduites de 18 × 24 mm.
Cette image virtuelle reproduit dans ses moindres détails

le texte, manuscrit ou imprimé, ainsi que les illustrations.

Ce négatif sert de matrice ou prototype, d’où seront tirés des positifs de même dimensions. La lecture de ces positifs pourra se faire soit à l’aide de verres grossissants, soit par une simple petite lampe à projection ou « machine à lire », qui a été construite spécialement et dont le volume est si réduit qu’elle se met en poche.

b) La nouvelle méthode permet de filmer en deux cents secondes, cent pages d’un livre à reproduire. En une heure, plusieurs milliers de pages peuvent donc être ainsi enregistrées par un seul appareil et cela à un prix modique. En enroulant chaque livre séparément dans sa boîte, un meuble (microphotothèque) composé de dix tiroirs d’un mètre de surface sur 12 cm. de hauteur, peut contenir 18,750 volumes microphotographiés de 350 pages. C’est l’équivalent d’une bibliothèque dont les rayons mis bout à bout auraient 468 mètres. On obtient les positifs sur film par contact. Des machines spéciales pour cette opération permettent d’obtenir jusqu’à 1,000 mètres à l’heure, soit 52,000 pages.

c) En ce qui concerne la lecture, la « Machine à lire » reconstitue en vraie grandeur le texte ou le document graphique. La lanterne a environ 30 centimètres cubes de volume, elle fonctionne avec une lampe électrique alimentée par n’importe quel courant ou par une pile. La lanterne permet de voir le document, soit par projection verticale directe de haut en bas sur une surface opaque blanche quelconque, placée sur la table, soit par transparence, en renversant l’appareil de façon que la projection se fasse de bas en haut. Dans ce cas, l’on remplace la surface blanche par un support transparent, verre dépoli ou papier calque. Quand l’appareil est disposé horizontalement, il permet de faire la projection sur n’importe quelle surface ou transparent, écran, mur, plafond même. De cette façon, il rend possible la vision pour un grand nombre de personnes à la fois (conférences, écoles, démonstrations scientifiques, etc.). Si l’on désire conserver un document agrandi, il suffit de remplacer l’écran par une feuille de papier sensible au bromure d’argent et l’on obtient alors, après développement, une reproduction à la grandeur désirée, suivant l’acuité visuelle du lecteur. Si l’on veut reproduire le document entier un petit nombre de fois, un appareil spécial permet le tirage continu sur papier sensible de l’image agrandie du film. Si l’on désire au contraire reproduire en agrandi un très grand nombre d’exemplaires, un processus continu d’impression utilisant l’encre d’imprimerie permet de reproduire très rapidement autant de copies que l’on désire.

Projection en plein jour. — Images et textes peuvent se voir à l’œil nu et se lire à la loupe. Un tirage sur papier sert de catalogue utilisable comme aide-mémoire, notamment au moment de la leçon ou de la conférence. Sur le type fondamental élaboré des applications diverses, divers appareils ont été réalisés (Photoscope, Cinéscope, Zeiss, etc.).

d) Bibliothèque, Institut, Musée, Office d’administration étendu, Bureau d’études industrielles, École, peut donc avoir aujourd’hui son microphote et commencer sa collection de l’Encyclopédie : acquérant les films ou en produisant eux-mêmes. Demain tout travailleur intellectuel aura sur sa table cet instrument nouveau qui doublera les moyens de sa documentation en lui offrant, sous une forme merveilleusement réduite, un Musée et une Bibliothèque.

e) Le format microphote est de 18 × 24 mm, (image de cinéma) ou de 24 mm. de large sur 23 mm. de haut, ce qui permet d’insérer en largeur et en hauteur n’importe quel document sans que l’on doive retourner le film. Pour la bonne mise en pages, tenir compte alors de ce que les images doivent s’insérer dans un cadre 24 X 33 ou multiples de ces dimensions. Les documents noirs et gris sont les seuls qu’on puisse photographier sans surprise, les couleurs donnant des tons gris ou noirs. Les textes à placer sous les images doivent être calligraphiés à l’encre de Chine sur fond blanc ou tapés à la machine avec un ruban bien noir. Ne pas mettre trop de texte sous les vues et bien proportionner la grandeur des caractères à celle des images. Il est utile de porter sur l’image une marque de collection, un numéro de repère, un indice de classement, un titre. Les vues sont montées en bandes s’enroulant en bobines. Un microfilm en bobines peut se composer de 20 à 60 images, mais il n’y a pas de limite de longueur. Elles sont aussi utilisables, image par image, montées en petites plaques dans un encadrement métallique et mobile pouvant dès lors recevoir toute espèce de classement différent. On a créé de petits appareils de prise de vue (le Photoscopique, le Cent-vues, etc.).

f) La projection des microfilms a été opérée d’une manière automatique (autofilm). Cette projection est continue, en cycle, recommençante, et ne demande d’intervention humaine que pour la première mise en mouvement. L’appareil se compose de la lanterne, du film, d’un mécanisme de rotation, d’un écran et d’une prise de courant.

On peut projeter en plein jour avec un avant-corps noir devant l’écran. L’appareil est placé dans un lieu public (galerie d’exposition ou de musée, vitrine, coin de rue ou de parc). Il s’adresse au passant. C’est une sorte de publicité murale applicable pour la diffusion de toute espèce d’information. Des lampes à lire ont été construites qu’on place sur le document (Bosch. Berlin). On a construit des lunettes spéciales (agrandisseur binoculaire Zeiss).[85]

3. Projections diapositives.

Les diapositives sur verre ont longtemps été les seules. Elles sont lourdes, fragiles, coûteuses. Le Congrès international de Photographie en a unifié le format. Il en a été constitué des collections dans les centres d’études.

4. Projection des corps opaques.

La projection des corps opaques repose sur le principe de la lumière réfléchie, elle exige un foyer lumineux puissant. C’est le développement de l’ancienne idée des « ombres chinoises », très répandues en Extrême-Orient. Il y a de nombreux instruments : l’épidoscope de Zeiss, l’épidoscope de Bergé, le Panoptique, le Miror.

5. Radiographie.

a) Nous sommes avec les rayons X et les appareils qui les produisent aujourd’hui, en possession d’un puissant moyen d’investigation, voyant sans détruire, pénétrant sans lésion, les objets les plus précieux, et que les sciences anthropologique, paléonthologique, préhistorique, se doivent d’employer et de joindre à leurs procédés ordinaires d’études (ex. : momies, silex, etc.). On dispose de la plaque de verre et de l’épreuve photographique positive sur papier.[86]

b) La photographie, la cinématographie même avec seize vues par seconde, ont utilisé l’action sensible des rayons X. Dans les amphithéâtres de médecine, on projette des films où apparaissent le mouvement d’un squelette, le jeu d’un muscle ou la contraction d’un estomac occupé à la digestion. La radiographie ne montre que des ombres, l’ampoule n’éclaire pas, elle peint des ombres chinoises sur la paroi.

Les rayons sont des outils de diagnostic et de reconnaissance de la maladie : ils sont en outre des remèdes. Les rayons Rœntgen ont donné lieu à de nouveaux documents : les Photogrammes des images produites par le merveilleux instrument. La clarté des films dispense de tous les raisonnements, du flair de jadis. La chirurgie de fractures devient presque banale. Les images des poumons, de l’estomac, du pylore, du rein, de la vessie, tous organes qui peuvent être anormaux et sont relevés. Avant le XIXe siècle, avant Laennec, le tronc était comme une terre inconnue. L’art de la percussion et de l’auscultation furent l’objet de sarcasmes pendant des années ; aujourd’hui il suffit de voir. Le rayon Rœntgen s’applique en masse. En Suisse, toutes les recrues passent devant l’écran afin que l’on puisse voir la tuberculose débutante et compensable.

6. Projections diverses.

Le Dr Manfred de Manheim a construit une machine à projection sur les nuages à hauteur de 800 à 1,000 m, et visibles à plusieurs kilomètres de distance. Voilà le ciel appelé à jouer pendant la nuit le rôle de la feuille de papier sur laquelle toute pensée pourra s’inscrire, le rôle de l’écran sur lequel se projette la photographie ou le plan.

242.4 Archives (pièces, collections, dépôts).

1. Notion.

Les archives constituent une partie de la documentation générale. Non seulement leurs méthodes et leurs installations se transforment, mais aussi la conception de leur objet. « Archives » (écrit avec une majuscule) désigne soit le bâtiment (dépôt) des Archives, soit l’ensemble des collections y conservées, soit encore l’administration des Archives. « Archives » (écrit avec minuscule) désigne une collection déterminée, importante ou non ; l’expression est synonyme de collection ou fond d’archives. Un fond d’archives est l’ensemble des documente écrits, dessinés ou imprimés, reçus ex officio par une administration ou par ses employés, ou émanant d’eux, pour autant que ces documents étaient destinés à reposer sous cette administration ou ces employée.[87]

Par archives, on entend donc 3 choses :

1° la collection des documents publics et privés constituée par les pièces reçues ou rédigées officiellement par une administration ou l’un de ses fonctionnaires et qui lui servent de preuve ou témoignage ;

2° le local où cette collection est conservée ;

3° l’administration qui a leur garde et leur gestion.

2. Historique.

Les anciens conservaient dans leurs temples les archives, de même que le Trésor public. Dans les premiers temps de la monarchie française, les rois se faisaient suivre de leurs archives en voyage et même à la guerre, les exposant ainsi à bien des dangers. Sans parler ici des archives des autres États, ni surtout des archives incomparables du Vatican, les Archives nationales françaises furent vraiment organisées sous Louis XIV (1688). Elles ont été réorganisées en 1870 et rentrent dans les attributions du ministère de l’Instruction publique. Elles comprennent trois sections : historique, législative et judiciaire, administrative et domaniale.

Les collections publiques les plus anciennement classées sont le trésor des chartes, les archives des Parlements et de la Cour des Comptes. Les grandes collections formées par des particuliers ont donné à Colbert l’idée d un système général de conservation et de classement des archives nationales. On organisa d’abord celles des ministres. Clairambault, le jeune, sous les ordres de Louvois, réunit les Archives de la Marine à St-Germain-en-Laye, et le dépôt de la guerre fut établi aux Invalides (1688). Le Marquis de Torcy, ministre des Affaires étrangères, créa en 1710 un dépôt permanent des papiers diplomatiques. L’immense dépôt des Archives Générales de France ne fut organisé qu’à l’époque de la Révolution par Camus et Dannou. Vers 1860, les documents du seul dépôt de la guerre, manuscrits ou lettres, autographes, se composent de 5,000 volumes reliés et de 6,000 cartons.

3. Espèces d’archives.

Les diverses espèces d’archives sont : 1° les archives des particuliers comprenant les archives personnelles, les archives de famille et les archives des firmes d’affaires ; 2° les archives des entités commerciales, industrielles et financières, soit des firmes, soit des sociétés ; 3° les archives des administrations et institutions (par ex. Parlement) publiques à tous les degrés ; 4° les archives des Cours et Tribunaux ; 5° les archives des organismes scientifiques ; 6° les archives des organismes sociaux, œuvres, partis, associations de toute nature ; 7° les archives économiques et sociales. Le Comité international des Sciences historiques procède à une enquête en tous pays sur l’organisation des archives économiques et sociales contemporaines. Jusqu’ici de telles archives ont été systématiquement formées à Bâle, à La Haye, à Cologne, à Bruxelles. Elles ont pour objet de conserver notamment le souvenir de la vie de notre temps et le faire subsister au même titre que les archives administratives parmi les sources des Histoires contemporaines. La vie courante mérite certes autant d’attention que les grands événements diplomatiques ou militaires.[88]

4. Fonctions et utilisation.

Les archives sont de plus en plus fouillées et refouillées. C’est que l’Histoire cesse d’être une spécialité, le récit des événements politiques ayant rapport avec l’autorité, donc avec les princes aux temps passés. L’histoire, c’est la relation de ce que toutes choses ont été dans le passé, les personnes, les objets, les œuvres, les idées, les sciences, les arts, le travail, tout l’homme et toute la civilisation. Les archives alors sont des sources parmi lesquelles investiguer l’état passé, l’état transitoire et fugitif du

5. Institutions connexes.

Aux dépôts d’archives sont rattachés maints services, institutions, collections. Ainsi aux Archives nationales à Paris est annexée l’École des Chartes. Le Musée Paléographique des Archives comprend les documenta originaux les plus curieux de l’Histoire de France depuis 625.

6. Archives et documentation administrative.

Le terme « Archives » en français a été employé parfois dans le sens de « papiers » de toute espèce, les uns anciens, les autres modernes et courants, d’un individu ou d’un organisme. En ce sens il y a confusion. On a été amené à faire une distinction entre les deux et à proposer deux appellations distinctes. « Archives » pour désigner les papiers anciens, « Documentation administrative » pour désigner les papiers courants nécessaires à toute administration. Dans la réalité, les liens les plus étroits existent entre les deux ordres, car les archives anciennes, dans le passé, ont été vivantes, formées de pièces d’une véritable documentation administrative.

D’autre part, les réformes proposées dans l’organisation de la Documentation administrative iront en répercussion sur l’organisation des archives anciennes elles-mêmes, étant donné que tôt ou tard, c’est dans celles-ci que seront versées les pièces devenues trop anciennes et que ce versement sera opéré sous la forme et dans l’ordre nouveau qui leur auront été donnés.

7. Organisation des archives.

La question de la concentration des archives se pose comme celle de la centralisation des bibliothèques.

Il y a des associations d’archivistes reliées en organisation internationale.

L’organisation des archives a fait l’objet de grands travaux : classement, conservation matérielle des pièces, description, catalogue, communication, etc.[89]

8. Publication des archives.

Un travail immense accompli par la publication des manuscrits et des archives mis à la disposition de tous.

242.5 Musique.
242.51 Notion.

a) Dans le vaste cercle de la documentation, la musique occupe un secteur important. Tantôt cette documentation est séparée de toutes les autres, tantôt combinée avec elles.

Il y a écriture, imprimerie, édition, librairie, bibliothèque, catalographie, critiques musicales.

La musique touche à la documentation de plusieurs manières : 1o Elle a des rapports avec la parole, qui en a avec l’écriture. La musique est la langue des sons harmonieux, comme la langue est le mode d’expression des idées. 2o Elle donne lieu à des documents destinés à la fixer et à la conserver : partitions musicales. 3o Elle a réalisé une notation fort intéressante, dont l’étude comparée montre bien que la notation du langage par l’alphabet n’est qu’un cas particulier de la notation en général. 4o Elle fait entrer l’esprit dans un domaine nouveau de relations. 5o La musique n’est pas indépendante des autres matières : elle déborde sur la littérature et la philosophie, l’ethnologie, les amusements, et par toutes ces ramifications, elle est rattachée à la documentation générale.

b) La musique est en soi tout un monde. Les sons qu’elle met en œuvre se succèdent dans le temps, exprimant soit des sensations agréables pour l’ouïe, soit des sentiments de nature diverse. La musique des maîtres peut agir sur le tréfonds de l’âme et transformer même la personnalité. Avec la musique, nous sortons du domaine des idées rationnelles, liées entr’elles par des liens logiques et exprimées en mots. Nous sortons aussi du domaine des formes et des couleurs susceptibles de représenter des réalités existantes ou imaginées. Nous entrons dans une sphère différente où des relations de types nouveaux sont établies entre sons.

Beethoven dit : « La musique est une révélation plus haute que la science et la philosophie. » La musique est un langage non-articulé. L’homme a créé d’une pièce le monde des êtres musicaux que sont les airs de musique et leur architecture de plus en plus complexe en symphonie et poème lyrique. C’est de l’artificialité toute pure. Demain, qui sait, l’humanité créera quelque art nouveau basé sur un autre sens.

La musique est la forme d’art la plus universelle et la plus immédiate qui serve à l’expression de l’âme humaine ; elle est aussi la plus apte à résoudre l’exclusivité artificielle des peuples et à faire parler directement l’homme lui-même des secrets les plus cachés et des passions les plus sincères de son être. (J. Kodolanyi.)

c) Les uns veulent voir dans la musique une idée. Mahler, disciple de Liszt, disait : « Quand je conçois une grande peinture musicale, il vient toujours un moment où le mot (das Wort) s’impose à moi comme support de mon idée musicale. »[90] Tout art doit comporter un sens intelligible et un enseignement. Les autres disent : Non, la musique est l’art d’émouvoir par la combinaison de sons. Plus un être donné jouira de sons pour et en eux-mêmes, plus il sera musicien, il le sera autant moins qu’il jouira des sentiments, puis des images, puis des symboles ou des idées que les sons suscitent en lui, en dehors de la sphère audito-émotive propre.[91] Il existe une sorte d’incompatibilité créatrice foncière entre le genre musical et le genre littéraire. « La musique me parle une langue enchantée que j’écoute avec ferveur en fermant les yeux sans chercher à la comprendre avec mon esprit. Je la trouve belle et je l’aime chaque fois qu’elle m’inspire une émotion indéfinissable que j’appelle la musique. »

d) Les éléments constitutifs de l’idée musicale sont l’intonation, la durée, l’intensité, le timbre, la valeur harmonique, les groupes rythmiques, etc.

La théorie générale de la musique comporte l’étude des éléments mêmes de l’art : le son et ses facteurs, les différents modes de production et de groupement (mesure, rythme, mélodie, harmonie des sons, les procédés de notation, d’expression, de perception de l’œuvre musicale, etc.). Elle est à la base de toute vraie connaissance de l’art des sons.

e) Les éléments du langage musical sont profondément liés à la vie organique et émotive de l’être humain. Ils ont une signification générale immédiatement perceptible par tous les peuples, malgré la différence des races ou des idiomes parlés. Mais d’autre part, les sentiments ou les idées que traduit ce langage reflètent souvent ce qu’il y a de plus personnel dans l’âme de l’artiste et ils se rattachent de toute façon à un mouvement particulier d’une utilisation locale ou nationale.

La musique est donc internationale par son mode d’expression et la puissance de rayonnement qui en résulte, nationale par son mode de production, par le foyer d’où elle émane. (P. M. Masson.)

La musique est une discipline de psycho-réflexes et cela non seulement pour les individus, mais pour les collectivités. L’action s’exerce par la cinétique et la statique ou changement du rythme, par l’intensité du mouvement. Elle joue un rôle de magie dans les épisodes ethniques de vie sociale des peuples en Asie.[92]

Dans les conditions habituelles de composition, l’idée, ou si l’on veut le thème, la mélodie, formés dans le subconscient, s’accompagne, il est vrai jusqu’à un certain point de leur harmonisation, de leur timbre, de leurs transformations futures, de développements dont ils sont susceptibles ; tout cela est contenu dans l’idée comme la graine contient la plante, la fleur, le fruit. Mais tout cela doit prendre corps, être « rédigé » dans le traitement harmonique ou polytonique, la disposition des accords, l’orchestration, etc. Ces opérations délicates et compliquées constituent le travail artistique proprement dit, l’élaboration de l’idée. (E. Closson.)[93]

f) La musique présente diverses caractéristiques qui ne se présentent pas pour les autres formes d’expression, bien qu’elles puissent s’en inspirer.

1° Les caractères synthétiques et concentrés de certaines œuvres. Bach, Beethoven, Mozart, Wagner, sont les quatre plus grands génies de la musique, qui résument ou contiennent en germe tous les autres. Avec eux, on pourrait reconstruire toute l’histoire de cet art.

2° La plus-value donnée à une œuvre par suite d’un progrès réalisé hors d’elle. Ainsi les instruments modernes et l’ampleur donnée aux orchestres apportent une grandeur et une noblesse nouvelle à la musique ancienne. Par ex., si Mozart pouvait écouter l’exécution actuelle de ses œuvres, que dirait-il ? On se demande comment les virtuoses du temps devaient les jouer sur les primitifs instruments dont des spécimens sont à voir dans nos musées.

3° La musique se distingue essentiellement des autres arts en ce qu’elle est un art d’interprétation. Le sculpteur, le peintre, sont à la fois les inventeurs et les producteurs de leurs œuvres. Une fois réalisée, celle-ci demeure fixée immuablement dans la forme même où l’auteur l’a conçue. L’œuvre musicale n’existe pas par elle-même ; elle doit être créée et recréée chaque fois qu’on veut la réentendre. Le compositeur note simplement sur le papier quels sons doivent être produits et pendant quelle durée, pour donner à sa création cette vie éphémère. Et cette notation est toute conventionnelle. Que l’on vienne à en perdre la clef, qu’un détail devienne douteux et le plus beau chef-d’œuvre se trouve réduit à un cryptogramme irritant. Cette notation doit être interprétée. D’où l’importance extrême que l’artiste reproducteur, chanteur, instrumentiste, chef d’orchestre joue dans la vie musicale.

242.52 Histoire.

La musique a une longue histoire. Elle remonte aux origines de l’Humanité.[94]

La poésie a été chantée avant que les paroles se sont dissociées de la musique à la manière dont, en peinture, les compositions, de murales qu’elles étaient et faisant corps avec l’architecture, sont devenues des œuvres indépendantes, des tableaux de chevalet.

Aux origines premières, on ne séparait pas la poésie du chant, et le nom de chant est encore celui de certaines poésies que l’on chante ou qui peuvent être chantées ; c’est aussi le nom des divisions de certains poèmes, comme l’Iliade et l’Odyssée. Dans l’ancienne poésie française, on donnait le nom de chant à plusieurs espèces de pièces de vers, les unes assujetties à certaines règles et les autres libres. En particulier le chant dit Royal, qui fut longtemps en vogue, était une sorte de ballade composée de cinq strophes de 11 vers. Elle commençait par l’un de ces mots : Sire, Roi, Prince. De là son nom.

À partir du XIXe siècle, l’histoire de la musique remplace la classification par genre au moyen d’études sur les diverses écoles nationales. Cette répartition n’est pas idéale, mais il en sera ainsi jusqu’à ce que le temps nous ait donné le recul nécessaire pour déterminer les grands courants qui régissent l’imbroglio compliqué de l’art d’aujourd’hui. (E. Closson.)

Au moyen âge la musique était un des sept arts libéraux dans les Écoles et les Universités.

Le dernier tiers du ΧΙΧe siècle et le début du XXe ont apporté de grands changements dans les goûts artistiques du public français. Tandis que jusque là, la musique véritable semblait réservée à des groupes d’initiés, on a vu cet art prendre une importance de plus en plus considérable et devenir en France, comme en Italie, en Allemagne, partie intégrante de la vie de la nation.

(G. E. Bertin.)

Dans la musique contemporaine, il y a prédominance de la vision des choses tangibles exprimées par un descriptivisme qui part de la sensation, arrive à la synthèse des choses mêmes. La musique moderne ne dépasse pas l’image dans son élévation la plus haute ; grande prépondérance donnée par elle à la couleur phonétique ou harmonique. (A. Tirabassi.)

242.53 Questions fondamentales.

a) Parallèle entre la musique et le livre.

La musique a réalisé au cours des âges une matière d’une complexité extrême et a su mettre en œuvre à cet effet des moyens d’expression de plus en plus savants et plus nombreux. Elle peut à cet égard fournir au livre et à la documentation des exemples et une inspiration, car un parallèle entre le livre et la musique met en évidence les points suivants (voir ce qui a été dit sous le n° 222.2) :

1° La notation.

2° L’instrumentation.

3° L’orchestre et ses exécutions considérables (ex. : la Messe des Morts de Berlioz exige de 150 à 200 exécutants).

4° La polyphonie. — La musique ne peut ne développer que dans le temps ; mais par l’harmonie et la polyphonie, elle a réalisé une simultanéité de succession qui lui donne un plus large champ, et qui est comme un succédané de l’espace. Or, on sait que cette construction à base scientifique commencée au moyen âge, a demandé des siècles d’élaboration et dure encore. (Ribot.) La musique a une architecture sonore s’exprimant dans le temps, comme l’architecture visuelle s’exprime dans l’espace. L’idée de faire entendre simultanément plusieurs notes ou plusieurs mélodies (polyphonie, harmonie) paraît de prime abord assez singulière. Elle est entièrement étrangère à certaines races en possession de systèmes musicaux raffinés. L’origine paraît purement harmonique. On serait parti de l’unisson, diversifié peu à peu à cause des particularités techniques des divers instruments, de la fantaisie individuelle, etc. On aurait pris goût à ces variantes qui intentionnément pratiquées auraient abouti à des écarts. (E. Cloison, Esthétique musicale.) Analogiquement, on peut se demander si l’on ne pourrait écrire simultanément plusieurs textes comme déjà on conjugue texte et illustration. La notation d’un brouhaha de conversations serait une écriture simultanée.

5° L’interprétation. — Tandis que les monuments de l’art plastique, par leur fixité, nous ramènent de force à l’époque de leur création, les œuvres musicales du passé, recréées par l’interprète moderne dans un esprit nouveau, se confondent par lui avec les œuvres contemporaines. On peut observer que cette « re-création » s’opère aussi dans le livre à raison de la part qu’y apporte le lecteur (psychologie bibliologique).

6° L’oreille et l’œil — La musique partage avec le livre l’intérêt des hommes. L’organe de la musique est l’oreille tandis que l’organe du livre est l’œil. Le livre présente des idées, la musique se borne à présenter des sensations. L’influx nerveux, manifestation de la sensibilité de l’homme et de sa pensée est animé d’un mouvement. Lorsque le mouvement s’accélère, le sentiment est vif ou gai. Dans le cas contraire, il est lent ou triste. C’est de cette manière et non d’une autre qu’on peut rendre les sentiments par la musique. Tel sentiment ne répond nullement à tel son ; et même la musique est impuissante à rendre l’ensemble des sentiments par un moyen direct, mais sentiment et musique seront en rapport par un substratum qui leur est commun : le mouvement ; ils deviendront synchroniques si le sentiment devient vif, la musique sera plus rapide ; s’il est désordonné, la musique rompt sa mesure ; s’il est triste, les notes seront plus lentes ; elles seront aussi plus graves, car la gravité d’une note est sa lenteur intérieure, (de la Grasserie.)

7° Entre la musique et la littérature. — Les rapports deviennent à la fois plus rapprochés et plus éloignés. La musique se constitue en autonomie distincte de la pensée logique. D’autre part, c’est à notre époque seulement qu’on en est venu à introduire dans la musique des imitations (musique descriptive) et des pensées (musique intellectuelle). (Herwarth Walden.)

b) Esthétique musicale.

On s’avance toujours plus loin dans l’examen de l’esthétique musicale. Un ouvrage comme celui d’E. Hoffman (Das Wesen der Melodie) s’efforce d’analyser l’essence de la mélodie. Toute mélodie décrivant une courbe quelconque, impression sentimentale, se transforme en impression intellectuelle en une ligne spatiale, du temps elle passe dans l’espace et devient pour ainsi dire visuelle. M. Hoffman expose à l’aide de diagrammes, de chiffres, d’équations, de logarithmes. Il fait un rapprochement entre la conception auditrice de l’aveugle et la conception visuelle du sourd.

c) La musique, la mathématique et la réalité.

La musique et la mathématique ont certaines affinités. L’une et l’autre au regard du langage ont conduit l’homme à des résultats étonnants. La mathématique dans ses applications à la physique et à l’astronomie a abouti à traiter des réalités « micro-physiques et macro-physiques » déroutantes pour la logique ordinaire.[95] D’autre part, la musique a créé un royaume de réalités sonores qui dépasse immensément les bruits naturels. Elle s’est élevée pour certains à une véritable religion. « La musique, dit Camille Mauclair, n’est autre chose que la dernière forme de la métaphysique qui ne veut pas mourir dans le monde et qui n’étant plus crue sur parole, s’est fait sonorité pour recommencer la conquête des âmes. »[96]

242.54 Instruments de musique.

a) L’instrument de musique est à la pensée musicale ce que le livre est à la pensée logique. Il sert à reproduire cette pennée avec ou sans l’intermédiaire de l’homme et de la partition musicale.

b) L’étude des instruments de musique nous montre les efforts faits pour rendre toutes les notes, tous les sons, tous les timbres, une reproduction qui est une création de sons.

La plupart des peuples ont leur instrument de musique national : guzla, cithare, tambourin, guitare, balalaïka.

c) La musique mécanique s’aide de plaques, cylindres, bandes et rouleaux faits de toute matière : métal, papier, carton, etc. « On a appelé la musique mécanique de la musique en conserve, » À cette musique se rattachent les papiers perforés, en rouleaux pour pianos mécaniques et les plaques pour appareils de reproduction de musique de documents.

d) La musique a vu surgir de nouveaux instruments : le groupe des sax, les tubas de Verdi, l’emploi de tuyaux métalliques pour les flûtes s’est très répandu. On a construit des violons métalliques dont le son rappelle celui de la trompette. L’époque actuelle devrait faire surgir de nouveaux instruments plus sensibles, puisque l’harmonie tend davantage vers les intervalles rapprochés, les dissonances et même les tiers et les cinquièmes de ton (Debussy.) Il y a les instruments composites, l’orphéol, le luthéol de Cloetens.

e) Il a été produit dans ces derniers temps nombre d’instruments électriques, radioélectriques ou photoélectriques. Il ne s’agit pas de ramener l’art à la science ou inversement. Les techniques nouvelles apportent seulement le tribut de moyens nouveaux avec tous les avantages inhérents à leur nature : extension à toutes les régions de la gamme, prolongement du registre des divers instruments existants, production de mélodies anharmoniques, transposition instantanée et automatique des morceaux, transmission électrique ou radioélectrique de la musique avec ou sans fil, distribution rationnelle du son au moyen de hauts parleurs disposés en raison des nécessités acoustiques.

L’étherophone de Thérémits (instrument sans clavier). Le piano radioélectrique de Grivelet (instrument avec clavier). Le cellulophone de Toulon. L’orgue radioélectrique de Bertrand.[97]

Dans l’orgue électronique, les sons sont produits par les oscillations électriques de lampes. Le clavier de l’orgue est en contact avec ces lampes. Une touche du clavier, en s’abaissant, forme contact et relie à la lampe oscillante le circuit filtré d’un jeu qui lui donne le timbre cherché et le sonorise dans un haut parleur.

f) L’inventeur de l’harmonium de bruiteur. M. Russolo, propose, au point de vue musical la conception de l’« inharmonie ». Il insiste sur les nouvelles possibilités infinies de cette vision musicale absolument différente de l’harmonique traditionnelle. Celle-ci se peut considérer comme verticale, tandis que l’inharmonie peut se représenter dans un développement horizontal du passage des tons bas aux tons hauts et vice versa, dans une forme inharmonique.

242.55 Notation musicale.

a) De même que les chiffres, les notes sont d’invention relativement récente. Guy d’Arezzo aurait le premier imaginé de remplacer les lettres musicales par des points disposés sur des lignes parallèles (1023). D’abord égales en durée, les notes furent ensuite distinguées en blanches, noires, par le Chanoine Jean de Muris (1338). J-J Rousseau et plusieurs musiciens, de nos jours, ont essayé de substituer les chiffres aux notes,

b) Le langage de la musique est d’une telle subtilité que les signes qui le fixèrent demandèrent plus de recherches et exigèrent plus d’essais que le langage ordinaire. Cette notation ne s’établit que plus tard, après beaucoup d’hésitation. Mais comme toutes les inventions humaines, son développement suivit les règles de notre esprit analytique qui ne cesse de viser à une plus grande clarté.

Au début les musiciens interprétaient de mémoire les airs qu’ils entendaient. Ainsi les Égyptiens, les Chaldéens, les Syriens et les Hébreux. Ce procédé était peu propice à faciliter le développement de l’harmonie. Les Grecs ne plaquaient jamais d’accord, ils s’abandonnaient au plaisir simple d’une mélodie que tout laisse croire aussi rudimentaire que celle des Arabes et des Orientaux. Les Grecs notaient ce qu’ils jouaient au moyen de leurs lettres alphabétiques, à l’imitation des Indous. Les Romains suivirent l’exemple des Grecs. D’où encore pour les Allemands et les Anglais, un A pour noter « la », un B pour noter « si ».

Au VIIIe siècle, les moines imaginèrent de marquer les mouvements ascendants de la voix par un accent aigu et les mouvements descendants par un accent grave. On juxtaposait l’accent aigu et le grave, qui prenaient différentes positions selon l’intonation que l’on voulait indiquer. Le groupement de ces accents constitua ce qu’on appela des neumes, longs signes qui équivalaient en réalité à plusieurs notes. Les copistes scindèrent ces neumes qu’ils réduisirent par abréviations à de simples ponts de forme carrée ou en losanges. Puis on leur donna pour point d’appui une barre horizontale dont elles étaient plus ou moins rapprochées. Deux lignes augmentaient la signification de la note, qui évoluent bientôt sur trois, puis sur quatre lignes.

Gui d’Arezzo indiqua le début de chaque vers de l’hymne à saint Jean par une syllabe différente qui correspondait au nom de la note. De ces syllabes on ne garda que les premières lettres et de celles-ci que celles qui donnèrent naissance à nos clefs. Les barres de mesures, les bécarres, bémols, dièzes, furent introduits successivement. Par le « si » modulant, par le B tantôt « mollis », tantôt « quadratis », le chromatisme a pu se développer jusqu’au jour où pour la première fois il acquit avec Monteverde une puissance dramatique qui fut la plus grande révolution musicale de tous les siècles.

À mesure que l’écriture se précisait, l’harmonie devenait plus savante. Au XVIIe siècle, Monteverde mêlait à l’harmonie consonante, jusqu’alors exclusivement en usage, l’harmonie dissonante naturelle. Il créait au surplus le système tonal actuel basé sur l’attraction de la note sensible et de la sous-dominante. Ce système devait détrôner le plain-chant. En 1581, Vincent Galilée abandonnait le chant choral et pratiquait le chant monodique, principe de notre récitatif et de notre déclamation lyrique.

c) Il faut lire l’histoire infiniment compliquée de la composition et de l’écriture musicale pour se rendre compte du rôle de cette dernière à la fois pour l’élaboration et pour la conservation des compositions. La paléographie musicale (séméiographie) a connu bien des particularités, chefs, modes, temps, prolations, altérations, conformations des notes et pauses, points, color, ligatures, etc. Il y a eu les neumes, les notes, plus tard la portée que seule nous connaissons de nos jours. La musique a été monophonique puis polyphonique. La succession des notes en différentes hauteurs constituent les premiers éléments schématiques de la mélodie. Les places où se produisent ces montées et descentes mélodiques, suivant leur rapport avec les éléments modaux et autres, prennent une signification syndoxique particulière. Une ou plusieurs courbes mélodiques comportant les éléments de l’introduction et de la conclusion constituent la phrase. L’ordre mélodique incomplet en soi, se détermine, « prend forme » avec la durée relative accordée aux notes. La phrase musicale débute par l’ictus initial qui constitue l’élan du départ. Par celui ci, les notes s’intensifient, rythmiquement, c’est-à-dire que les valeurs de durée mesurées rigoureusement d’après une unité type, étalon (musica mensurata) ou seulement énoncées en longue ou brève et non exactement mesurée (musica plana) au fur et à mesure de leur succession perdent chacune une partie de leur durée ou longueur théorique. Cette intensification, protase, par la diminution progressive des valeurs parvenues à son maximum prend le nom d’accent agogique. Celui-ci précède l’apodose qui, contrairement à la protase fait augmenter proportionnellement et progressivement la durée des notes, rigoureuse mesure et non à mesure qu’elle s’approchent de mora vocis qui précède le repos. La juste valeur agogique donnée aux notes par rapport à la place qu’elles occupent dans la protase et dans l’apodose constitue le rythme. Les compositeurs aux XVe et XVIe siècles avaient l’habitude d’écrire sur des cartelles, ou morceaux de parchemin, la partition. Les parties séparées étaient transcrites dans les livres de chœur ou on les disposait sur une ou deux pages. Le livre de chœur était l’unique exemplaire autour duquel se disposaient tous les chanteurs pour l’exécution. Plus tard, lorsque la musique fut imprimée, on trouva rarement les parties ainsi disposées. La manière la plus usitée fut celle d’un cahier par parties. Au temps de la grande époque contrepointique, la partition proprement dite était inconnue. Le premier essai de partition, selon le sens moderne, remonte à la fin du XVIe siècle. C’était par la seule audition que l’on pouvait prendre connaissance des œuvres musicales de ces temps, leur disposition par parties séparées ne permettait point la lecture simultanée de ces diverses parties. L’on sentit peu la nécessité visuelle de l’ensemble des parties contrepointiques, car les compositeurs anciens étaient chantres en même temps et ne dirigeaient guère que leurs œuvres. Pour les compositions d’autrui, ils devinaient les beautés d’œuvres établies selon des règles communes et strictement observées. Les notations ont été en se simplifiant, mais en enlevant peut-être à la musique elle-même quelque chose de sa complexité. Par ex. les ligatures (réunion de deux ou plusieurs notes formant un seul signe) et application de plusieurs syllabes sous une ligature. Dès la fin du XVIe siècle, on abandonna les ligatures qui deviennent de simples embellissements graphiques facultatifs. On procède actuellement à la transcription de la musique ancienne en notations modernes. La première trouve dans la seconde une stricte équivalence de ses valeurs phonétiques et de durée. La transcription se fait éventuellement en quatre clés (sol, do 3e ligne, do 4e ligne, fa 4e ligne).[98]

d) La lecture de la musique est l’action de saisir rapidement, d’après la notation des partitions, le ton et la valeur des notes.

e) La réforme de la notation musicale fut l’objet de nombreux travaux. Ils tendent vers une « notation continue » (Houtstont, Pierre Hans, etc.). Le système traditionnel altère les notes par des dièzes et des bémols, simples ou doubles. Depuis l’adoption de la gamme tempérée, on n’a plus distingué que onze tons, soit une division de l’octave en douze demi-tons égaux. Or, avec les sept notes actuelles et les dièzes et les bémols simples ou doubles, on les altère, ce qui donne en réalité 7 × 5 = 35 notes écrites différentes pour onze sons. Le bécarre rétablit la touche et l’on dispose de clés diverses. La musique moderne étant dissonante et modérée à l’excès, l’indication de la tonalité par l’armature à la clé est devenue inopérante puisque à peine établie, on la quitte pour passer à une autre.

La notation continue a plusieurs avantages : 1o elle supprime les altérations et contre-altérations qui affectent jusque 80 % des notes ; 2o elle établit une portée continue avec une seule clé et des signes de tonalité-modalité ; 3o supprimant la gravure à la main, elle permet d’écrire les partitions à la machine à écrire et à la linotype ; 4o elle limite les erreurs de copie à la gravure évaluées à 10 % ; 5o elle supprime en moyenne 80 % des signes ; 6o elle diminue de moitié le prix de la musique ; 7o elle traduit les sons à la vue par les arabesques des notes.

La notation musicale a déjà changé plusieurs fois. Quand la notation du plain-chant fut reconnue impuissante à traduire la musique instrumentale, on adopta la notation actuelle ; celle-ci a dû pratiquement abandonner deux clés d’ut, une de fa et une de sol, et l’on a altéré chaque note.

La lecture d’une partition est un prodigieux effort d’esprit dont on a peine à se rendre bien compte. Les partitions des opéras de Strauss ont jusque 32 portées.

f) On a créé des systèmes de sténographie musicale permettant de réaliser des dictées musicales sans arrêt, sans répétition, tout comme s’il s’agissait de la sténographie d’un texte littéraire. La notation ordinaire est renforcée par des signes réduits à leur plus simple expression. La notation ordinaire est illogique comparée à la valeur représentée : les notes longues y ont des signes simples (rondes et blanches) et s’écrivent par conséquent rapidement ; les autres notes, plus lentes à écrire peuvent être remplacées par des points placés au-dessus ou au-dessous des signes conventionnels. Les silences affectent la même forme que les notes, mais en plus grand.[99]

g) On a imaginé un système permettant l’analyse harmonique complète de toute œuvre ancienne ou moderne.[100]

242.56 Partitions musicales. Bibliographie.

1. Partitions musicales.

a) L’œuvre musicale écrite est immense. Certains musiciens ont été d’une grande abondance. L’édition de Haydn actuellement en cours ne comprendra pas moins de 80 volumes.

b) Les auteurs ont un numérotage continu de leurs œuvres. On dit un numéro de musique. La chronologie et les opus ne correspondent pas toujours. Il en est ainsi de l’œuvre de Beethoven.

c) Les œuvres musicales ont un titre tiré soit des circonstances de leur production, soit de leur forme musicale, soit de quelque particularité de leur structure, soit encore purement conventionnel. Les musiciens numérotent généralement leurs œuvres (Opus n°…). Certains ne l’ont pas fait, tels Mozart et Haydn, mais il y a été procédé dans les catalogues consacrés à leurs œuvres.

d) La musique donne lieu à divers procédés de reproduction. Elle est gravée ou lithographiée, mais d’une manière générale sans grand progrès depuis le temps de Bach.

Il existe maintenant de la musique typographiée. Ce genre de composition nécessite des spécialistes entraînés. Peu d’imprimeries en possèdent les « casses » et c’est là une grave lacune.[101]

Enfin, les grandes œuvres musicales modernes n’existent pour la plupart qu’en manuscrit. Une partie seulement est éditée. On continue à copier la musique comme au moyen âge on copiait les manuscrits.

e) On distingue la musique (composition musicale) d’une part et la littérature musicale (ouvrages sur la musique, histoire, théorie, exécution, critique, etc.) d’autre part. La littérature musicale est très étendue. Elle est traitée comme les ouvrages imprimés sur n’importe quelle autre matière.

2. Catalographie. Bibliographie.

a) La catalographie musicale s’opère suivant des règles que la pratique a peu à peu introduites et que l’on tend à codifier. Les principales caractéristiques relevées quant aux œuvres sont le n° de l’auteur, le titre de l’œuvre, son n° d’opus dans l’œuvre totale de l’auteur, sa longueur en pages, le nom et l’adresse de l’éditeur, comme dans la catalographie des livres.

b) Il existe d’excellentes bibliographies musicales : le Handbuch de Aber, la Littérature of Music de Matthew, la Study of the History of Music de Dickinson, la Bibliographie des bibliographies musicales de Brenet (152 p.), l’Universal Handbuch der Musikliteratur de Pazdirek.

Au Congrès international des Éditeurs (Bruxelles 1933) le Dr Aber a traité de l’établissement d’une bibliographie musicale internationale.

c) On possède d’importants catalogues de bibliothèques musicales : Boston Public Library, Allen A. Brown Collection, British Museum, etc. J. B. Kaiser (Library Journal 50, 1925, p. 700-04) a proposé un catalogue sur fiches comprenant les cinq grandes bibliothèques de Paris.

242.57 Diffusion de la musique.

La diffusion de la musique a été aidée : 1° par les contacts de personnes et des peuples, par les voyages. Ainsi, en Roumanie, les tziganes nomades et musiciens ont beaucoup fait pour répandre la musique populaire ; 2° par la notation musicale et la multiplication des partitions ; 3° par l’organisation de sociétés musicales, orchestres, concerts, théâtres ; 4° par les instruments de musique mécanique (orgues mécaniques, pianos, orchestrions) ; 5° par la T. S. F. Elle a rendu accessible aux différents peuples, même aux plus renfermés, la musique populaire des autre nations. On a pu, à travers cette musique, obtenir une vue propre et merveilleuse de l’âme même des races les plus diverses. Les postes de diffusion roumains, serbes, slovaques, polonais, russes, syriens, norvégiens, etc., ont accordé une place importante dans leurs programmes à la musique populaire de leur pays. Ils ont offert ainsi au public le trésor des richesses ethnographiques à peine accessibles auparavant et seulement au prix de recherches et d’études, à une élite de spécialistes. Ainsi la radio de Budapest a été pour la musique tzigane une renaissance inespérée.

242.58 Organisation commerciale de l’édition de la musique.

Des éditeurs se sont spécialisés dans la musique. Ils ont produit en nombre et en quantité. Par ex. : Breitkoff et Hartel à Leipzig, Ricordi à Milan, Durand à Paris, etc.

En Allemagne, la musique est une industrie fortement organisée ; elle constitue pour le Germain un excellent instrument de propagande, un mode particulièrement efficace de pénétration pacifique et de colonisation intellectuelle. La musique importée et exportée représente des poids et des valeurs appréciables.

La librairie musicale est organisée à l’instar de la librairie de livres. La musique d’orchestre constitue un matériel étendu et qui ne peut intéresser qu’un nombre limité de personnes. Ce matériel est souvent loué avec condition d’achat.

242.59 Bibliothèque et collection de musique.

On a constitué de grandes et nombreuses collections d’œuvres musicales (bibliothèques musicales, musicothèques). Les unes constituent des instituts autonomes et indépendants (bibliothèques des conservatoires). Les autres sont des annexes de grandes bibliothèques : ainsi le Département de la musique de la Library of Congres de Washington. On tend à adjoindre des œuvres musicales aux bibliothèques publiques.

On a organisé l’abonnement à la lecture universelle. Ex. à Lausanne : Fachard frères comprend plus de 200 mille numéros.

Un Institut de Technologie musicale a été créé à l’École supérieure de Technique de Breslau. Il est consacré aux recherches sur les relations entre la musique et la technique. Il possède de remarquables archives sur l’économie et sur la technique musicales.

242.6 Monuments dits figurés : Inscriptions, Monnaies, Médailles.

L’archéologie envisage les faits sociaux à travers les monuments où elle se figure ; l’épigraphie, la paléographie, la numismatique les devinent à travers les inscriptions, les monnaies, les médailles qu’elles ont laissées.

242.61 Inscriptions.

a) Le mot inscription s’applique généralement à tout ce qu’on écrit sur la partie extérieure d’un objet, comme un monument, un livre, un immeuble, etc. En raison de l’importance toute particulière que les inscriptions antiques ont comme monuments authentiques pour la connaissance de l’histoire des antiquités et de la langue des anciens peuples, on s’est de bonne heure occupé de les réunir et de les commenter. Ainsi l’épigraphie est-elle devenue de nos jours une des hases de l’archéologie.

Les anciens gravaient sur le marbre, la pierre ou le bronze, une foule d’actes publics et privés, de documents de toutes sortes que la diffusion illimitée des pièces imprimées permet aux modernes de confier simplement aux papiers. Les inscriptions sont donc une des sources les plus abondantes de l’histoire ancienne.

b) Les anciens ont prodigué les inscriptions non seulement sur les temples, les tombeaux, mais encore sur les armes, les meubles, les ustensiles. Très précieuses au point de vue des sciences historiques et philosophiques : chronologie, biographie, linguistique, etc., les inscriptions sont l’objet particulier de l’épigraphie. Des recueils étendus et très étudiés des Inscriptions grecques, latines, etc., ont été publiés (Corpus Inscriptionum). L’Académie des Inscriptions publie depuis 1867, entre autres monuments, un Corpus Inscriptionum Semiticarum.

Autre type de grand recueil : Corpus Inscriptionum Latinarum consilio et auctoritate Academiæ litterarum Regiœ Borussicœ editum. Berlolini (1863-1885). Les lacunes de ce Corpus sont comblées au fur et à mesure par une publication qui contient, outre les inscriptions nouvellement découvertes ou rectifiées, des dissertations épigraphiques : Ephemeris Epigraphica.

Il y a des recueils spéciaux. Ex. : Corpus inscriptionum de Blanchard consacré à la médecine et à la biologie.

c) Recueil définitif avec fac-similés ou recueil provisoire avec texte conjectural en minuscules. Les inscriptions sont souvent fragmentaires, mutilées. La question de la transcription est ici soulevée : on a posé le principe de la transcription brute, sans ajoute ni déformation.

d) Les modernes eux aussi continuent l’œuvre de transcription. Ils en mettent partout. Enseignes, étiquettes, inscriptions sur des objets. Une promenade dans les villes, dans les lieux publics en dit long : rideau de théâtre, inscription sur porcelaine et menus cadeaux, cartes postales, plaques commémoratives, etc., plaques tombales, inscriptions sur les maisons, dans les lavatories, sur les guérites, sur les bancs, les arbres, les murs des lieux d’excursion.

L’épigraphie s’installe aussi sur les socles des monuments. Elle s’étend en historiation sur les parois des certains édifices (ex. sur tous les murs de pourtour du nouveau Musée Colonial Français) ; l’épigraphie prend aussi la forme du bois avec les planches — le mémorial que le brise-glace Malyguine a laissé aux lieux visités par lui.

242.62 Monnaies et Médailles.

a) Les monnaies sont des pièces de métal (or, argent, cuivre, etc.) frappées par l’autorité souveraine pour servir aux échanges. Les monnaies sont en or, argent, bronze et en mélanges plus rares, l’électrum ou alliage d’or et d’argent, le patin ou alliage d’argent et d’étain, le plomb

Les monnaies existent en nombre immense, mais des temps anciens, il n’en demeure que relativement peu.

b) Les médailles on pour objet de commémorer des périodes et des événements historiques. Elles sont frappées par des autorités ou des associations. Les médailles antiques, dont il existe de belles collections, étaient en général les monnaies des anciens. Les villes de la Grèce, jalouses de transmettre à la postérité les chefs-d’œuvre dont elles s’enorgueillissaient, avaient l’habitude de les reproduire sur leurs monnaies. On dirait que ne disposant pas de la gravure typographique, ces villes intelligentes ont voulu y suppléer par la gravure en médailles.

c) Aujourd’hui on frappe des médailles pour conserver le souvenir d’un événement ou d’un personnage. On appelle médailles pieuses celles qui représentent quelque sujet de dévotion et dont les fidèles font usage : la médaille de l’Immaculé-Conception et celle de saint Benoit. Le plus souvent les médailles sont rondes ; il y en a d’ovales, de carrées, de polygonales ; elles sont en or, en argent, en bronze, en étain, en plomb, etc. Il y a même des monnaies antiques en verre et en terre cuite. La dimension des médailles s’appelle module. On distingue, dans les médailles, le côté droit ou de la tête et le revers ; la légende et l’exergue ou inscriptions qu’elle porte ; le champ, espace compris entre la légende et le sujet ; le type ou sujet principal ; les symboles ou sujets accessoires et emblèmes ; il faut y ajouter encore les marques du graveur. La numismatique, qui s’occupe de l’origine et de l’authenticité des médailles, de leur classification, etc., est une branche importante et curieuse de l’archéologie et de l’histoire ; elle a sa terminologie.

Ses progrès furent très grands le jour où fut écartée l’idée fausse que médailles et monnaies devaient faire la matière de deux sciences distinctes.

d) On peut former une classe spéciale de documents constitués par les plaques et images honorifiques qui se disposent sur la poitrine, autour du corps, en écharpe et en bandoulière ou présentées aux funérailles sur des coussins. Avec les écussons, les armoiries, les figures de blasons, les obits, disposés dans les églises en accessoires de dalles tombales et, dans les cimetières, les croix, tombes et mausolées, il y a là un langage conventionnel qui s’exprime à l’aide d’objets qui sont comme des documents.

e) La classification des médailles et des monnaies se fait de diverses manières d’après la matière, d’après le temps, d’après l’ordre géographique.

f) La numismatique a créé des signes de convention pour marquer le degré de rareté des pièces. Plusieurs systèmes ont été inaugurés dans ce but. Le plus ancien est celui de Beauvais qui l’a exposé dans son « Histoire abrégé des Empereurs », publiée en 1769. Ex. : C pièce connue. R R R R pièce presque unique. Le second système est celui de Mionnet (1806). Ex. : R4 quatrième degré de rareté, R* pièce unique.

g) On a constitué de grandes et nombreuses collections de monnaies et de médailles, formées ordinairement dans les bibliothèques où elles sont organisées en « Cabinets spéciaux ». Les pièces sont classées, numérotées, cataloguées, décrites.

242.63 Sceaux, Cachets.

a) Comme on l’a dit, l’usage des sceaux et des cachets remonte à une haute antiquité. Ils étaient gravés souvent sur le chaton des bagues, sur des émeraudes, etc. Il y a cette différence entre les sceaux et les cachets que ceux-ci sont employés par les particuliers et ceux-là par les souverains ou d’autres autorités publiques. Les empereurs romains se servaient d’un sceau d’or pour authentiquer les actes importants. Le pape se sert de deux sceaux : l’un pour les brefs (anneau du pêcheur sur cire rouge), l’autre pour les bulles (sceau de plomb). On les brise solennellement à sa mort. Chaque évêque a son sceau, dont il se sert pour authentiquer certains actes, reconnaître des reliques, sceller des pierres sacrées, etc.

b) Quand le sceau d’une pierre sacrée est rompu, il faut la faire consacrer de nouveau. Chaque curé ou chaque paroisse doit avoir son sceau particulier. Sous l’ancienne monarchie française, on distinguait le grand sceau, le petit sceau et le sceau secret. Sous l’Empire, le sceau représentait l’aigle impérial, etc. On donne aujourd’hui le titre de Garde des sceaux ou Chancelier au ministre de la Justice. La connaissance des sceaux (sigillographie, sphragistique) est l’une des branches de la diplomatique, de l’archéologie et de l’histoire.

c) Les sceaux et cachets font l’objet de collections, inventoriées, décrites et cataloguées, organisées soit dans les bibliothèques, soit dans les dépôts d’archives.

Les pierres gravées utilisées largement comme cachets ont donné lieu à d’importantes collections réunies sous le nom de « glyptothèques ». On y a souvent adjoint des collections d’empreintes qui permettent de voir les progrès de l’art dans tous les temps. Lippert a publié une collection de plus de 4,000 empreintes, avec un catalogue. (Glyptothèque de Lippert.)

243 Documents dits « Substituts du Livre ».

a) Coup sur coup des inventions merveilleuses sont venues étendre immensément les possibilités de la documentation. Elles ne se sont pas présentées dans le prolongement direct du développement du livre, mais en quelque sorte dans son prolongement dévié : l’objet dans le musée, le télégraphe et le téléphone, la radio, la télévision, le cinéma, les disques. Il y a là sous un certain rapport des substituts du livre, en ce sens que les procédés nouveaux permettent d’atteindre les résultats que recherche le livre (information, communication), en mettant en œuvre d’autres moyens que lui. Mais il y a là aussi élaboration acquise, recherchée ou entrevue de nouveaux types de documents. À ce double titre une place importante doit leur être faite dans la Documentation. C’est à défaut d’un nom commun pour les désigner, qu’un terme collectif, provisoire peut leur être appliqué : les substituts du livre. Mais ces substituts ne sont pas de simples « Ersatz ». Ils se produisent avec une telle puissance et un si irrésistible courant que dans leur effet ils font penser à ce qui se passe dans le domaine des communications matérielles. Le déjà séculaire chemin de fer voit l’auto et l’avion lui disputer le champ qu’il avait, il y a dix ans encore, en quasi exclusivité. Après que la pensée en a trouvé le moyen, par l’écriture ou le dessin et par le papier, de se fixer en substance constituant support, la voilà qu’elle fait un retour en quelque sorte à ses origines, la parole même et qu’elle s’incorpore en des phénomènes qu’un immense appareillage nouveau permet de produire

b) La documentation auditive et sonore prend sa place à côté de la documentation visuelle et graphique. C’est le vaste domaine de la parole, de la musique et du signal par le son, soit d’expression directe et présente, soit retardée ou conservée (phonogramme), soit encore d’expression transmise à distance (téléphone, T. S. F.).

Au document écrit s’oppose la tradition orale. Il y a des traditions poétiques, religieuses, symboliques, historiques ; et aussi des traditions scientifiques et techniques. Beaucoup de données scientifiques ne sont pas écrites ; beaucoup de procédés opératoires se transmettent de patron à ouvrier, d’homme à homme. On a quelquefois parlé de livre visible, livre audible, livre tangible (taillé).

c) De toute manière la documentation n’est qu’une des branches d’une classe plus générale : les moyens d’Information et de Communication. Il est d’autres modes de communication de la pensée que le document et c’est d’eux qu’il va être question maintenant. Ces autres modes sont ou complémentaires de la documentation proprement dite ou établis en association avec elle.

Le livre n’est qu’un moyen ; ce n’est pas un but. D’autres moyens existent et peu à peu ils rendent mieux que le livre et s’y substituent. Ainsi : les expositions universelles remplacent avantageusement les traitée de géographie ; l’histoire est connue du grand public par les opéras ; les musées attirent l’attention sur les sciences.

243.1 Objets. Matériel de démonstration.

1. Notion.

a) Le document écrit ou graphique est la représentation des choses matérielles ou des images intellectuelles et abstraites des choses. Les choses matérielles elles-mêmes (objets) peuvent être tenues pour documents lorsqu’elles sont érigées comme éléments sensibles, directs d’études, ou de preuves d’une démonstration. Il s’agit alors de « documentation objective » et de « documentation automatique ».

b) Les objets de toute espèce donnent lieu à des collections. Ainsi les objets naturels : minéraux (éléments et composés chimiques, roches), plantes (herbes, bois, racines) animaux (anatomie, tératologie). Ainsi les objets créés par l’homme : matières, produits, objets techniques.

Il y a les préparations et coupes micro— et macroscopiques.

Il y a toutes les collections de l’archéologie qui repose sur des œuvres matérielles, œuvres qui se divisent elles-mêmes en artistiques, quand elles ont un caractère monumental ou esthétique et techniques dans le cas contraire.

Les reliques sont des parties du corps d’un saint personnage, soit des objets ayant été à son usage ou ayant servi à son supplice, que l’on conserve religieusement.

2. Espèces d’objets.

Les « objets » sont donc de cinq grandes espèces :

1° Les objets naturels ; matière et structure.

2° Les objets artificiels, créés par l’homme pour ses besoins : matière et structure.

3° Les objets qui portent des traces humaines ; ils servent à des interprétations et ont des significations.

4° Les objets démonstratifs, également créés par l’homme, mais en vue de représenter et de démontrer des notions.

5° Les objets d’art.

3. Modèles. Maquettes. Reliefs.

a) À côté de l’objet réel ou naturel, il y a l’objet reproduit, interprété ou même le nouvel objet proposé à la construction à grande échelle. C’est le modèle ou maquette (stéréogramme). Il se produit en volumes à trois dimensions, il peut être colorié, il peut aussi être mis en mouvement (articulé), soit à la main, soit à la machine (reproduction stéréo-mécanique).

b) Les modèles sont les uns scientifiques, les autres techniques.

1° Les modèles scientifiques sont établis pour des buts de démonstration. Maxwell qui conçut toujours des modèles, disait dans une adresse en 1870 à la British Association : « Dans l’intérêt des personnes douées de différents genres d’esprits, la vérité scientifique devrait être présentée sous des formes variées et regardée comme tout aussi scientifique quand elle revêt la forme robuste et les vives couleurs d’un modèle scientifique, que quand elle a la ténuité et la pâleur d’une expression symbolique. »

2° Les maquettes techniques ont une grande utilité aussi en architecture. « Là où l’homme de métier peut se contenter d’un plan pour concevoir, le client qui finance a besoin de voir », dit une firme fabriquant des maquettes.

c) Les reconstructions sont des représentations en nature : objets retrouvés, restaurés, montage colorié, reconstituant d’une manière vivante et réelle le milieu étudié. Ces reconstitutions qui représentent aussi exactement que possible l’image de la réalité, sont complétées agréablement ou de façon instructive, par des peintures, des photographies, des notices explicatives.

d) Les modèles peuvent être de grandeur naturelle (fac-similé), réduite ou agrandie.

Des modèles sont établis en papier. Ce sont des patrons, des pochoirs, etc. La confection des vêtements et des objets destinés aux travaux des textiles et de la couture en font un large emploi (modes).

e) Les maquettes peuvent être des reliefs (cartes et plans en relief) ; elles peuvent n’indiquer seulement la troisième dimension (par ex. le plan en relief des salles placées à l’entrée d’un édifice).

f) On reproduit les œuvres de sculpteurs par le procédé de moulage. On y applique à cet effet une substance propre à en retenir l’empreinte et à servir de moule. Les opérations consistant à verser dans les moules les métaux en fusion ou d’autres matières propres à s’y solidifier (pièces de fonte, cloches, canons) ont conduit aux moulages plus fins des sculptures. Les moulages résultant de ces opérations ont donné lieu à de grands musées (par ex. Paris, Trocadéro ; Bruxelles, Musées du Cinquantenaire). Ces moulages ont donné lieu à la création d’ateliers annexes, à des échanges internationaux, à des ventes au public. Sous les auspices de la Section des Musées de la Commission Internationale de Coopération Intellectuelle a été organisée une exposition de moulage (d’après les chefs-d’œuvre de grands musées).

4. Instruments scientifiques.

a) Un instrument scientifique, envisagé sous l’angle de la documentation, peut être défini un moyen, soit constater un phénomène ou une propriété (observation), soit de les mesurer, soit de produire le phénomène à volonté, en mettant en de certains rapports ses éléments constitutifs (expériences).

Les instruments et appareils scientifiques de mesure, de constat, instruments de mathématique, d’astronomie, de physique, etc., reposent sur l’optique et l’acoustique et sont ainsi en quelque sorte les prolongements des organes des sens, les yeux (la vision), les oreilles (l’audition). On peut considérer ces instruments soit comme des outils indirects, soit comme documentation, soit comme matériel démonstratif.

b) L’abaque est la machine à calculer d’origine étrangère employée par les Romains dans toutes leurs opérations arithmétiques, et sont aussi les tableaux dressés pour effectuer une multitude de calculs. Les Chinois et les Tartares possèdent le sou-wan-pan, machine à calculer introduite en Russie, vers la fin du moyen âge et de là importée en 1812 en France, où elle devient le boulier des écoles. C’est la valeur des signes numériques de l’Abaque qui a été le principe de la numération écrite. Plus tard, le nom d’Abaque a été donné à certaines représentations des nombres par des diagrammes.

c) Des instruments servent à faire des démonstrations de plus en plus complètes. Il y a par ex. le petit planétarium destiné à montrer les mouvements de la Terre autour du Soleil, ceux de la Lune et des planètes. Ce sont des contributions types pouvant inspirer d’autres représentations ayant d’autres objets. Zeiss a créé d’immenses planétarium servant à démontrer les phénomènes astronomiques.

d) Les étalons sont des instruments scientifiques de mesure. Le 30 avril 1799 fut présenté le mètre définitif. On le déposa aux Archives à Paris. En 1880 fut construit le nouveau prototype du mètre, copie identique à celui des Archives et le nouveau du kilo. Ils sont en platine avec 1/10 d’iridium. On les déposa au Pavillon de Breteuil offert à l’Institut International du mètre à Sèvres près de Paris. C’est le cas typique d’un objet de valeur commun qu’il fallait construire et confier à un organisme de conservation.

e) Les instruments s’organisent en série. Ainsi, ils donnent lieu au tableau de bord sur les autos, les navires, les avions. Sur les autos, ce tableau comprend monture, compteur kilométrique et totalisateur, manomètre de pression d’huile, un indicateur de niveau d’essence, un bouton enrichisseur de gaz au départ, une clef de contact d’allumage et des lampes de contrôle. Ces instruments d’ordre pratique ont tous leur fondement dans des instruments scientifiques.

f) Le Touring Club a établi des cartes automatiques des distances qui peuvent être rangées dans la catégorie des instruments de mesure.

5. Matériel didactique. Matériel démonstratif.

a) Ce matériel s’enrichit chaque jour de nouvelles pièces. On est sur la voie d’une représentation des idées à plusieurs dimensions, un « livre à trois dimensions à l’état dynamique ».

Le matériel didactique entre-t-il dans la Bibliographie ? Faut-il le cataloguer dans les Répertoires, a-t-il place dans les comptes rendus bibliographiques ? Ce matériel s’édite : par ex. le matériel Montessori, le nouveau matériel éducatif et sensoriel Decroly.

La méthode Montessori met en œuvre un ensemble d’objets de formes conventionnelles.

b) Il faut rappeler ici les inscriptions automatiques, les appareils qui enregistrent d’eux-mêmes les phénomènes.

On a réalisé des dispositifs publicitaires sous forme d’effigies coloriées en carton, bois ou métal, pouvant êtres placés debout dans les vitrines. Le procédé est susceptible de généralisation et de prendre place dans les expositions et musées.

Dans les tableaux lumineux (Lichttafeln), certaines parties sont transparentes et la lumière électrique, projetée à travers elles, fait apparaître à volonté tantôt l’une, tantôt l’autre, tantôt toutes simultanément.

Le tableau magnétique (Magnettafeln) sur des surfaces magnétisées ; les objets à talon métallique qui y sont placés peuvent demeurer fixés sans aucun lien et être déplacés à volonté selon les besoins de la démonstration.

c) L’étude par l’objet réel prend une importance croissante. Les travaux manuels sont de plus en plus à la base de tout l’enseignement à raison de leur caractère concret, intuitif, pratique et expérimental. Désormais l’enfant apprendra autant par la main et l’outil que par le cerveau et le livre.[102]

Il y a lieu maintenant de créer un matériel auto-éducatif pour toutes les matières de l’enseignement, de mettre en rapport les uns avec les autres tous leurs éléments.

6. Jeux didactiques.

a) On se sert de jeux éducatifs pour favoriser l’éveil de l’enfant et permettre de nombreuses répétitions des mêmes notions. Les jeux incorporent donc des idées, des notions, des problèmes et par là sont des documents.[103]

Les jeux éducatifs permettent de réaliser l’individualisation du travail et la répétition des notions par des exercices spéciaux. On multiplie les jeux didactiques. (Par ex. les jeux d’Histoire, le Jeu des Nations pour l’initiation à la Société des Nations). C’est un matériel qui a des affinités avec la documentation. Tandis que le livre est statique, le jeu est dynamique. On procède en quelque sorte à une démonstration successive selon une ratio que détermine ou le sort ou un calcul. Le jeu intéresse, il captive l’attention de la jeunesse, il passionne même les grands. Mais le jeu ordinaire n’est en général le véhicule d’aucune connaissance. Que de notions n’auraient pas pénétré le corps social si les jeux de cartes, de dominos, de dames, d’échecs avaient eu des significations analogiques au lieu de se maintenir avec leur sens étroit et vaguement historique. (Origine et histoire du Tarot.)

b) Il faut s’étendre sur le sens du terme jeux éducatifs et élargir la question. La psychologie a assimilé le jeu à l’activité normale. En jouant l’enfant est lui-même. L’adulte plus tard continue à jouer en réalisant sa vie. Quand joue-t-on ? Difficile à dire. Il y a jeu, dit-on, lorsqu’il n’y a pas action, but sérieux, mais « puéril ». Le jeu est synonyme alors d’occupations futiles, de distractions pures qui peuvent quelquefois reposer l’esprit, mais n’ont le plus souvent d’autre effet que de le soustraire à l’action du temps si lourd pour les esprits futiles.

c) Tout jeu, tout sport est une lutte : l’homme contre l’homme, contre les forces de la nature, contre lui-même. Il y a possibilité de succès et de défaites alternatives de l’un ou de l’autre, spectateurs associés à la lutte, assistant au déroulement de ses péripéties, intéressés éventuellement par des enjeux.

En somme il y a sinon une représentation d’une idée comme dans le spectacle proprement dit, dans la fête, au moins la marche vers un résultat préfiguré, espéré, assigné comme fin à l’action.

Beaucoup de jeux ont un matériel qui par de certains côtés sont assimilables à des documents (objets documentaires). Ici (jeu de l’oie) il s’agit d’une course à obstacles imaginaires et représentée sur un carton. Jeux de cartes dont le plus complexe et qui va en se complexifiant sans cesse est le bridge (développement du whist). On doit faire se succéder une série d’actions déterminées par le hasard ou le calcul.

Une troisième forme est représentée par la marche de pièces à significations diverses et propres à travers des tracés géométriques, pièces ayant chacune leurs propriétés, partant leur signification, et donnant lieu à des relations, pièces dont la mise en mouvement vers le but est déterminé aussi par le hasard ou le calcul (tric-trac, dames, échecs, où tout est constamment visible).

d) Le jouet d’enfant se rapproche de plus en plus des instruments de démonstration et du matériel didactique (jeux éducatifs). Ce sont d’une part les jeux de construction, les lanternes magiques et les appareils de projection qui ne peuvent servir que comme jouet.

Nombre de jeux didactiques sont établis sur simples cartons.

Le genre poupées est largement « représentatif ». Il y a des poupées de tout genre, les bébés personnages, poupées mascottes, fétiches, poupées pour théâtres guignols et théâtres de marionnettes, théâtres d’ombres, les poupées décoratives qui ne sont pas des jouets. Il y a les animaux en étoffe, en caoutchouc ou en autres matières.

Les passe-temps eux-mêmes prennent une forme documentaire, les problèmes de bridges, les mots croisés, le jeu des « batailles navales », etc.

243.2 Disque : phonogramme.

1. Notion.

Le phonographe (gramophone) réalise l’enregistrement direct du son sur rouleaux ou sur disques. Ceux-ci constituent des documents et de véritables substituts du livre, des documents écrits.

Le disque est de grande portée pour la diffusion internationale.[104]

2. Historique.

Il y a bien longtemps que les inventeurs ont réalisé des machines parlantes. Ils cherchaient dans la voie de l’orgue. C’est Scott Martinville qui, rapporte-t-on, aurait le premier trouvé le principe de l’inscription du son, de l’enregistrement des vibrations acoustiques. Charles Cros plus tard imagina le moyen de reproduire le son, sans toutefois parvenir encore à réaliser pratiquement cette reproduction. Edison fut non pas l’inventeur, mais le réalisateur du phonographe.

3. Technique.

Les rouleaux et les disques ont été en cire, puis en ébonite. On enregistre sur métal. On a créé des disques souples.

La recherche porte sur l’édition de disques nouveaux bon marché, dont la souplesse et la légèreté rendraient l’expédition par la poste aussi facile que celle d’une lettre ordinaire. On a déjà créé les phonocartes, cartes postales en carton recouvertes d’une matière spéciale recevant l’enregistrement. (Forti et Marotte.)

Les disques de gramophone sont enregistrés directement ou impressionnés soit à la machine, soit chimico-électriquement. Ils donnent lieu à des matrices (moules métalliques ou galvaniques).

Tout instrument qui enregistre le son est par le fait même enregistreur de la musique et de la voix.

4 Caractères des disques. Édition. Conservation.

a) Les disques à l’origine étaient des rouleaux. Plus tard ont été créés les disques (plaques, cylindres). Les disques ont été progressivement standardisés quant aux dimensions. Celles-ci se déterminent d’après leur diamètre. Les disques sont en ébonite, encore toujours assez cassables. Il est aussi des disques incassables. Au centre se trouvent inscrites les indications relatives à leur identification et sur lesquelles sont basés leur classement et leur catalogue. Ils portent notamment la marque des firmes (Odéon, Voix de son Maître, Colombia) et un numéro d’ordre dans le fond de chaque firme.

b) Les disques sont placés dans des enveloppes qui les protègent, avec perforation ouverte au centre pour permettre la lecture de leur identification. Les disques ainsi protégés peuvent être placés dans des tiroirs classeurs à la manière des dossiers. Les mêmes meubles peuvent être employés dans les deux cas.

c) Les disques s’éditent à l’instar des livres et de la musique. Incessamment se produisent des œuvres qui se comptent maintenant par dizaines de millions de disques.

Les répertoires de disques constituent de gros volumes. Des opéras comme Faust ou Carmen ont été enregistrés d’un bout à l’autre avec orchestre et chant en 28 disques double face au prix moyen de 5 fr.

Les disques ont des prix très différents. Ils vont de 15 à 30 francs. Les disques pygmés valent de 5 à 8 francs.

d) La critique des disques a pris une importance rapidement grandissante. Des revues et journaux spéciaux lui consacrent une place croissante. Les critères du bon disque s’établissent. Le choix du meilleur disque en est la conséquence. Les amateurs de disques (discophiles) ont constitué entr’eux des Associations qui organisent des auditions publiques.[105]

5. Espèces de disques. Application.

a) il y a actuellement quatre sortes principales de disques : musique sans paroles, chant, diction, bruit.

b) On enregistre des discours, des tracts, des appels, des récitatifs et des déclamations.

On enregistre des cours, des conférences. On sera amené à composer un enseignement complet par disque.[106]

c) Toutes les grandes firmes ont coulé sur la cire des poésies, des fables, des pièces de théâtre. Ces disques sont de valeur bien inégale, soit par la technique de leur enregistrement, soit par le choix du morceau déclamé ou bien encore par le talent de l’artiste. (Ex. le monologue d’Harpagon dit par de Féraudy, La Cigale et la Fourmi présenté par Georges Berr.)

d) Étude des langues. — Grâce au phonographe, la question de l’enseignement des langues a réalisé un grand progrès. L’efficacité provient du parallélisme de son action sur l’esprit du spectateur-auditeur qui se trouve simultanément impressionné par le sens auditif et le sens visuel.

Les plaques transcrivent des voix autorisées choisies parmi les plus expressives. En une trentaine de leçons, on peut acquérir un vocabulaire très suffisant pour les besoins de la vie courante. En faisant comprendre, imiter, répéter, l’appareil permet d’assimiler naturellement la phonétique, l’articulation en même temps que l’on suit un cours de grammaire et de syntaxe basé sur les conversations que l’on entend et que l’on suit sur des textes ce que l’on entend. Un simple livre silencieux ne peut donner cela.[107]

e) M. L. Heck, directeur du Jardin Zoologique de Berlin, a publié la relation de son voyage d’exploration en Afrique orientale en joignant à chaque volume un disque sur lequel sont enregistrés les cris des animaux qu’il a capturés et dont question dans son ouvrage.

f) Enregistrement de la parole dans les assemblées. — La « Filene-Findley Instantaneous Interpretation system » a permis la traduction simultanée de discours dans les assemblées, chaque auditeur ayant à sa disposition des écoutes téléphoniques pour entendre la traduction du langage de son choix. On peut entendre en anglais, français, allemand, espagnol et éventuellement dans d’autres langues au choix. On a cherché un appareil permettant en même temps l’enregistrement automatique électrique de tous les discours et supprimant la sténographie. Le nom des orateurs et le texte des amendements sont projetés sur l’écran.

g) On peut obtenir des enregistrements sonores sur des disques ou des films transparents et faire annoncer l’heure par une source lumineuse, une cellule photoélectrique et un système de miroirs mobiles et d’obturateurs permettant de recueillir les enregistrements dans un ordre réglé par une horloge mère.

h) À l’aide d’un écran lumineux reproduisant son regard et de disques phonographiques répétant ses conseils, le Dr. Radwans parvient, rapporte Tout (21 août 1932), à provoquer la suggestion voire l’état d’hypnose.

6. Industrie.

Le phonographe est devenu une grande industrie. Les usines de la « La Voix de son Maître » à Hayes (à 12 milles de Londres) constituent toute une ville de neuf mille âmes — une agglomération de grands buildings — d’où sortent chaque semaine des dizaines de milliers d’appareils. Il existe un syndicat international, dont la fusion récente des entreprises Gramophone et Colombia a consolidé la position. La production coopérative des disques de phonos a été commencée, en lutte contre le syndicat par la « Kooperativa Förbundel » suédoise. Celle-ci vend les disques aux 2/3 du prix du monopole.

La matière sonore fait l’objet de grands trusts, de grandes combinaisons financières. Le trust de la Société Internationale d’acoustiques Kuchenmeister et de ses sociétés sœurs du Film parlant, de l’Ultraphone, du Radio, de l’Orchestrola Vocalion, du Telegraphon. L’une des sociétés produit 17,500 disques de gramophones par jour, une autre 35,000.

Les grosses firmes phonographiques ont à elles leurs studios, leurs appareils enregistreurs, leurs procédés particuliers et aussi leurs artistes.

Depuis 1921, la vente des disques de Caruso dans le seul État de New Jersey, a produit la somme de neuf cent mille dollars.

7. Desiderata documentaires. Méthodes.

a) Le disque est une documentation. Il offre de l’intérêt soit au point de vue de la musique, soit au point de vue des paroles. Il y a donc lieu d’en former des collections, de les cataloguer, de déterminer les desiderata de méthode pour faciliter la documentation de et par les disques.

b) Pour les disques comme pour les livres, il y a lieu de distinguer le traitement des ensembles tendant à l’Universel et le traitement propre à des fonds particuliers Des Phonothèques ou discothèques se constituent, sorte de bibliothèque phonographique. Déjà les Américains emploient cette terminologie : « The vast recorded library of the world’s music ». Il est désirable de voir constituer une collection universelle de disques « Phonoteca Universalis » et un catalogue ou inventaire universel des disques. Il est désirable de voir constituer partout des fonds de disques, de les traiter comme partie des collections documentaires en général et de les mettre en harmonie avec la Phonothèque Universelle. Les mêmes règles et principes sont applicables pour les ensembles universels et les fonds particuliers.

c) La standardisation des disques est désirable. Impossible sans elle de constituer des collections. Les disques normaux sont de 25 cm. Il y a des disques de 12, 25 et 30 cm.

8. Collections. Catalographie. Classement.

a) Collections. — On a, sous des noms variés, constitué des collections de disques (Phonothèque, Discothèque). On a formé notamment des collections relatives aux enregistrements d’ethnologie, de folklore musical et chanté, à la voix des grands hommes et des grands orateurs, à la diction, au chant, à l’exécution des artistes.

L’Institut Phonétique, commun aux Facultés de Médecine, Sciences et Lettres de l’Université de Paris, possède le Musée de la Parole et du Geste (anciennes Archives de la Parole) ; spécimens de tous les parler du monde, langues, dialectes et patois, mélodies populaires.[108]

La Phonogram-Archiv-Kommission des K. Akademie des Wissenschaften a rassemblé une collection de plusieurs milliers de cylindres, accompagnés de la documentation correspondante. Une institution semblable fonctionne à l’Université de Berlin.

Le British Museum conserve une collection nationale de disques de phono.

b) Classement. — Le classement des disques soit dans les collections, soit dans les catalogues, peut donner lieu à trois ordres différents. A) Alphabétique par compositeur-auteur des paroles ou du texte, par artistes, par titres des œuvres. B) Par firmes. C) Par matière établie selon la Classification décimale, ou catalogue par genre. Les grandes rubriques peuvent être : 1° opéra, opéra comique, opérettes classiques ; 2° mélodies, romances classiques ; 3° chansons, monologues, rires ; 4° soli et ensembles instrumentaux ; 5° orchestre, symphonie, musique militaire, fantaisies, etc. ; 6° danses ; 7° musique religieuse ; 8° textes. On se limite aux grandes rubriques. Sous chacune, le classement est fait par ordre alphabétique d’artistes, d’instrument ou d’orchestre.

c) Catalographie. — L’extension du disque rend désirable l’établissement de catalogues aux notices bien écrites, au classement bien fait, à la publication bien ordonnée. Chaque grande firme publie son propre catalogue, certaines discothèques établissent le leur. Un Catalogue Universel des disques est devenu utile en liaison avec le Catalogue Universel des Livres.

Les notices des disques peuvent prendre la forme et les dispositions des notices bibliographiques. Ainsi elles comprendront : 1° nom d’auteur ; 2° titres ; 3° date de l’œuvre ; 4° genre d’instrument et de voix ; 5° nom de l’artiste ; 6° firme ; 7° n° d’ordre dans le catalogue de la firme et couleur d’étiquette ; 8° diamètre des disques ; 9° nombre de parties ou de disques ; 10° date de l’enregistrement du disque. Exemple :

Boieldieu. 1887. — Le Calife de Bagdad, ouverture (orchestre). Disque Odéon, n° 170.093, étiquette bleue, diamètre 30. (Enregistré en deux parties le 1929.11.24).

Les éditeurs de disques pourraient faciliter les opérations de la documentation comme les éditeurs de livres. Il est indiqué d’inscrire sur les disques mêmes toutes les caractéristiques relatives à leur identification et de joindre aux disques des fiches ou notices de catalogue, éventuellement d’imprimer le texte de la notice sur l’enveloppe de papier.

9. Le livre sonore.

La nouvelle invention du « Livre Sonore » permet par le seul mécanisme d’une machine avec un électro-traceur accouplée à un amplificateur d’éditer instantanément un document, un livre, une lettre, pouvant parler. Le livre sonore se présente sous l’aspect de petits rubans donnant lieu à lecture auditive après être passée par un petit phonographe ad hoc.

L’invention part de deux procédés connus :

1° Le procédé qui consiste à graver électromécaniquement à la surface d’un disque de cire les courbes représentatives des ondes sonores gravées par un microphone.

2° Le procédé du film parlant qui permet de tirer rapidement un nombre illimité de copies photographiques (tirage par diagotypie) qui défilent devant une cellule photo-électrique permet, sans usure notable, un très grand nombre d’auditions de longue durée.

L’invention combine les deux procédés et réalise une chaîne de huit transformations d’état physique dont chaque maillon est un usage fidèle du maillon qui précède. 1° On utilise un microphone devant lequel parle le speaker. L’énergie acoustique de la voix est transformée en énergie électrique. 2° Le très faible courant électrique qui prend naissance est fortement amplifié. 3° Le courant amplifié est transformé par vibrateur de courant électrique en énergie mécanique. 4° Cette énergie mécanique est utilisée pour raboter superficiellement le film. 5° Le film, qui porte ainsi sur fond opaque l’image transparente de la vibration sonore, défile entre une lampe et une cellule photo-électrique. L’énergie du faisceau lumineux, qui varie au travers des sinuosités du sillon, est transformée en énergie électrique. 6° Le très faible courant photo-électrique qui prend naissance est fortement amplifié. 7° Le courant amplifié est envoyé dans un haut-parleur qui transforme l’énergie électrique en énergie mécanique vibratoire. 8° La vibration mécanique de la membrane du haut-parleur se trouve transformée en énergie acoustique dont les ondes reproduisent fidèlement celles qui ont, quelques secondes auparavant, frappé la surface sensible du microphone.

Le déroulement du film est à la vitesse de 45 centimètres à la seconde. Les films gravés ou leurs copies peuvent être reproduits dans n’importe quel « lecteur photoélectrique » (phonographe, photo-électrique du commerce) Un grand nombre de sillons pouvant être juxtaposés dans la largeur du film, le Livre Sonore se présente sous la forme d’un disque de pellicule enroulé de 35 millimètres d’épaisseur et d’environ 20 centimètres de diamètre permettant de donner une audition ininterrompue de six heures de parole. Le film original peut être conservé indéfiniment. Le prix de l’enregistrement est bas ; le matériel d’enregistrement peut être installé dans n’importe quel local, la reproduction sonore peut se faire à domicile par des moyens peu coûteux.

243.3 Films : cinéma.
243.31 Notion.

a) Le cinéma (Motion Picture) a été appelé la machine à refaire la vie. C’est le 7e art.[109]

b) Les premiers essais concluants datent de 1895. Le développement de l’invention a été tel que des représentations cinématographiques ont lieu maintenant sur la surface entière du globe, jusque dans les pays les moins ouverts à la civilisation et dans les bourgades les plus reculées. C’est que le cinématographe donne la plus étonnante illusion de la réalité et de la vie qu’il se puisse imaginer, en faisant uniquement appel au sens de la vie, qu’on peut considérer comme le plus subtil, le plus parfait pour tout dire.

c) Le cinématographe donne lieu à la projection à raison de 15 par seconde d’une série de photographies prises suivant le même rythme, les images de ces projections sur la rétine du spectateur se fondant en une sensation unique continue. Cette fusion a lieu grâce à la persistance des impressions lumineuses sur la rétine pendant environ un dizième de seconde et après qu’a disparu la cause qui l’a engendrée.

d) Les films soulèvent des questions nombreuses. Comme document on y retrouve ainsi que dans les livres les éléments matériels (support), les éléments graphiques, les éléments intellectuels, les éléments scientifiques ou littéraires. On y retrouve aussi le cycle des opérations documentaires : élaboration (tourner le film), édition et vente, catalographie, critique, formation des collections, utilisation (projection).

243.32 Historique.

a) L’historique du cinéma est à présenter à plusieurs points de vue. Au point de vue technique, en 1825, l’Anglais Fitton applique à l’image le principe de la retention rétinienne. En 1829 ce principe donne naissance au disque de Newton. Viennent ensuite le Phénakisticope ou Kaléidoscope, le Praxinoscope de Raynaud et enfin le fusil photographique de Marey en 1875. Ce sont les véritables ancêtres du cinéma. En 1895, les frères Auguste et Louis Lumière présentent le cinématographe. En 1900, les frères Pathé inaugurent le premier studio cinématographique à Vincennes.

Et depuis l’invention proprement dite du cinéma, le progrès s’est manifesté dans trois directions : le cinématographe en couleurs naturelles, le relief en cinématographie et le film parlant (synchronisation de la reproduction de la voix et de l’image).

b) Au point de vue des données reproduites, le cinéma a plusieurs époques dans son histoire. 1° Il commence en 1895 par des prestidigitateurs qui multipliaient les acrobaties, les fantaisies, les apparitions, les dédoublements, les prises d’images à l’envers. 2° Les appareils se présentent dans les foires avec des pellicules allant des scènes mélodramatiques aux aventures de voleurs, aux crimes horribles en passant par des sujets légers et plus que légers. 3° En 1902, on aborde le grand sujet historique : ex. les drames célèbres à grande mise en scène, avec films parfois de 300 mètres. 4° En 1905, les acteurs connus et aimés du public cessent de considérer le cinéma comme une distraction de bas-étage. Delvaux, de Max, Mounet-Sully, représentent Athalie et Œdipe, premiers essais pour porter le théâtre au cinéma.

c) Au point de vue esthétique. 1. Les débuts du cinéma ont été de caractère expérimental. Ils en constituent l’étape métaphysique par l’exposition contemplative et interrogative des choses et des phénomènes comme par la présence d’une action offerte comme simultanée. 2. Alors suivirent des périodes grises pendant lesquelles la technique se perfectionne. 3. Le cinéma aborde timidement un pseudo-naturalisme éphémère. 4. Il atteint brusquement son âge d’or en réalisant les premiers films matérialistes de l’école italienne : il est près du théâtre et offre des documents réels et concrets des troubles psychiques de toutes sortes, du cours véridique des névroses. 5. Le cinéma comique, celui dont les films portent à rire. 6. Les films de propagande révolutionnaire. 7. Le cinéma surréaliste.[110]

« Le cinéma, art qui le premier a dû s’appuyer sur l’argent progresse par l’argent. » (Real Cleid.)

« L’industrialisation peut, demain, détruire tous les espoirs qu’avait fait naître en nous la découverte du monde des images. »

d) Le cinéma n’en est encore qu’à ses premières étincelles. Un avenir illimité est ouvert devant lui. Le cinéma peut devenir plus important que l’imprimerie. De même que les contemporains de l’invention de celle-ci se sont mal rendu compte de son immense importance, peut-être en est-il de même pour nous à l’égard du cinéma.

243.33 Caractéristiques.
243.331 EN GÉNÉRAL.

En ce siècle de vie intense, le cinéma dispense de voyager, de lire, de se bourrer le cerveau de mille choses encombrantes dont le souvenir s’est effacé au moment où l’on veut y recourir.

Le cinéma au contraire parle au cerveau par les yeux. La méthode d’enseignement par l’aspect, c’est-à-dire intuitive, n’a-t-elle pas toujours été la plus démonstrative ? Le cinéma vous transporte partout, même dans les endroits les plus inaccessibles. Le cinéma pénètre partout. Il initie aux secrets de toutes les fabrications, il vous fait assister à toutes les démonstrations, il consigne tous les faits. Un livre, un récit intéressant, un événement se produit dans le monde et le lendemain le cinéma le montre à tous, comme si l’on avait assisté à la lecture ou si l’on avait été spectateur oculaire de l’événement.

Les pièces de théâtre, les féeries les plus compliquées, les drames les plus émouvants sont représentés par le cinéma dans les sites et les cadres les plus appropriés. Aucune représentation théâtrale ne peut égaler la scène cinématographique. Quant aux scènes à transformation, il y en a de réellement déconcertantes. Elles renversent toutes les conceptions, elles confinent à la magie. Puis les scènes de genre, les scènes amusantes.

En résumé, le spectateur assis commodément dans le fauteuil des théâtres cinéma assiste à tous les événements intéressants se passant dans le monde entier. Les opérateurs sont présents partout, n’importe à quels sacrifices d’argent.

(Prospectus du Cinéma Pathé, 1909.03.04).
243.332 CARACTÉRISTIQUES PARTICULIÈRES.

a) Avec le cinéma, peut-on dire, il n’y a plus de passé ; la réalité passagère subsiste éternellement vivante et ce n’est pas un des moindres prodiges du cinématographe que d’avoir définitivement vaincu, semble-t-il, la puissance destructive du temps. (Darguin et Auvernier.)

b) Le cinéma s’adresse au cerveau par le sens le plus avide d’expression, la vue, dont le champ d’exploration est plus vaste que celui des autres sens. Le ciné agit sur le cerveau plus directement que le cours et même que le théâtre, parce qu’il supprime l’effort d’interprétation de la langue écrite et parlée et qu’il condense l’émotion, par la vue immédiate des choses. Il économise le travail mental.

c) Le cinéma est devenu de pratique courante. Il joue un grand rôle dans les campagnes de propagande. Il présente l’image vivante, palpitante, frémissante ; il la pénètre en une suite harmonieuse ; il ne fait pas seulement œuvre de démonstration, il est au premier chef un instrument d’attraction. L’image animée n’aide pas seulement à penser, elle grave profondément la notion que l’on veut enseigner. Elle réussit à faire pénétrer certaines notions parmi les personnes simples et non habituées au travail mental.

d) Le peuple est passé directement de la lecture, de l’analphabétisme, au cinéma. Il est plus facile de voir que d’entendre, de percevoir toutes formées les images que de transformer soi-même en images intéressantes les sons perçus de la langue.

Avec la parole (au théâtre) nous ne pouvons être émus que par l’intermédiaire des mots, c’est-à-dire en réalité des idées ; nous ne pouvons être touchés que de ce que nous comprenons. Le cinéma, au contraire, ne vise jamais à faire comprendre, mais uniquement à faire sentir et à suggérer. Il ne s’adresse comme la musique et les arts plastiques qu’aux sens et à l’imagination. Bien loin de lui servir, la parole lui nuit le plus souvent parce qu’elle le circonscrit et le lance dans la voie de l’analyse, alors qu’il est essentiellement synthèse. (Gaston Rageot.)

Le cinéma, c’est plus qu’un art, plus qu’une science ; C’est la plus forte puissance existante. (L. Aubert.)

Le cinéma sonore a complété l’illusion.

Le cinéma aide à se représenter les milieux et les faits, celui qui est sous sa tente au cœur du Sahara reçoit les mille jeux d’instruments d’un concert donné à Varsovie ; celui qui est assis dans un fauteuil d’une salle des Champs Élysées assiste au combat d’un tigre et d’un python dans la jungle de Java, entend les rugissements du fauve et le souffle du reptile.

e) En 1914, le cinéma était seulement une agréable distraction, un spectacle commode ayant ses admirateurs fervents. On ne l’employait guère pour la propagande. En 1933, le cinéma est une puissance ; sa clientèle est immense et façonnée par la publicité. Ce qu’il montre aux foules porte davantage que ce que l’orateur le plus habile peut laisser tomber du haut d’une tribune sur l’auditoire le plus attentif. Une idée exprimée par le truchement du film trouve plus de réceptivité qu’une idée diffusée par le moyen pourtant formidable de la T. S. F (Marcel Lapierre.)

f) Les dessins animés nous mènent dans un monde ignorant des lois qui régissent le nôtre, dans un monde où la fantaisie grotesque ou plaisante ou parfois dramatique règne en maîtresse. Le son synthétique nous révèle des sons inconnus, des voix, des tonalités de sons nés du néant.

g) Le commerce en général vend des réalités substantielles. Le cinéma, au contraire, vend des visions comme le théâtre vend des auditions. Passé le film, joué la pièce, tout s’est transformé en un échange de monnaie substantielle contre des images « phénoménales ». Le rien ou presque rien qui se mue en valeur a provoqué et entretenu un état foncier de spéculation dans le monde du cinéma.

h) Le cinéma tient de l’affiche et de l’annonce. Il est suggestif, permanent, attrayant, plein d’argumentations convaincantes. On crée une attraction dans une vitrine, un stand, un magasin, en installant un appareil de projections à mouvement continu, ne demandant aucune surveillance, appareils sans fin, dont le film se déroule en cycle sans cesse recommençant, avec écran visible aux lumières. Le voyageur de commerce moderne attend le client possible en son domicile projette un film documentaire en le commentant et montre ainsi la fabrication. l’utilisation et la qualité de son article. Le tout est installé en une valise et n’importe où se monte instantanément.

i) Le cinéma est mouvementé. Il est jeu d’ombres et de lumières agissant sur des valeurs et des surfaces généralement douées d’une vie active. Volumes, ombres, lumières. Équilibrer les rapports en fonction du mouvement, et réaliser l’union vivante, voilà le secret de la mise en page décorative au cinéma, le secret de la mise en scène. Un film est une vision de beauté, non plus projeté uniquement dans l’espace ou sur un plan, comme un tableau ou peinture, mais projeté aussi dans le temps, par la continuité d’action, par la durée et la réalisation complète du mouvement. (Léon Chenon.)

j) Le cinéma porte en lui les germes d’une expression unanime, sincère et exclusive du monde moderne. Tragédie chez les Grecs, Cathédrale au moyen âge, cinéma chez nous. Même rang exactement. Ni la poésie, ni le théâtre, ni les ballets russes, ni les cirques, ni la peinture, la sculpture, la littérature, pas même la musique. Car tout cela, sauf la musique, est statique et le monde moderne est mouvement, dynamisme.[111]

243.333 AVANTAGES POUR L’EXPOSÉ DES NOTIONS.

1° Le cinéma s’impose chaque fois qu’un phénomène est fonction du temps. Il faut de longues périphrases et des gestes plus ou moins précis pour faire comprendre des mouvements successifs et surtout simultanés. 2° Pour une démonstration, tous les spectateurs même très nombreux voient également bien sans avoir besoin de se serrer autour de leur conducteur. 3° Les détails de petites dimensions peuvent être projetés en gros plan : un rouage de montre peut nous apparaître comme un cercle de deux mètres de diamètre. 4° Certaines démonstrations présentent des détails fastidieux. S’agit-il par exemple de démonter un appareil, il suffit d’indiquer le commencement et la fin de l’opération sans qu’il soit nécessaire comme dans la réalité, de devoir dévisser tous les boulons. 5° L’ordre du film peut être logique, alors que la démonstration in re exigerait des allées et venues incessantes, les choses étant groupées par les nécessités de fait du travail et non par la suite normale des idées.

Le film offre les ressources du dessin animé qui permet de donner une vue interne des objets en fonctionnement, et possède l’avantage du croquis fait au tableau dont les parties apparaissent successivement. Les dessins animés font une impression claire, durable et récréative. Ils sont applicables à l’exposé des théories les plus complexes.

Le cinéma ralenti ou accéléré donne aux spectateurs les notions les plus nouvelles et les plus précises. Il analyse les mouvements de mécanismes délicats ou résume en quelques secondes des phénomènes que leur lenteur rend imperceptibles.[112]

243.334 MESURE ET STATISTIQUE.

a) La prise de vue se fait à raison de 18 images par seconde ou 20 mètres de pellicule par minute.

Un film résiste en général 120 à 125 jours de projection à raison de huit projections quotidiennes.

Il y a des films cependant qui passent plus de 1000 fois.

Au rythme normal de 16 images par seconde, adopté pour la projection des films cinématographiques, une bande, dont le déroulement exige seulement 10 minutes, représente 9,600 images. Un film d’une heure ne comporte pas moins de 57,600 photographies.

Un film tel que celui de l’ascension du Mont Blanc, 4,200 mètres à 52 images par mètre, donne plus de 200,000 images.

On édite des films de différents formats de façon à pouvoir être projeté sur des appareils soit de type courant, soit sur des postes dits d’amateur.

Pour les formate réduits, on a employé les formats 9.5 mm. et 16 mm.

b) Le Bureau de Censure des cinémas de Pensylvanie doit voir annuellement de 12 à 20 millions de pieds de film. 90 % de tous les films sont tournés aux États-Unis.

Les chiffres suivants, se rapportant à un pays d’importance secondaire, sont très frappants. L’Office roumain de la censure a autorisé en 1930 la projection de 1,035,000 mètres de film, soit 673,000 d’origine américaine, 254,000 d’Allemagne et seulement 14,000 de Roumanie. On a estimé à 60 % la proportion de films sonores par rapport au total.

c) Il y a 25,000 salles de cinéma aux États-Unis. Certains films ont coûté jusqu’ici dix millions, mais sont rapidement amortis en Amérique. C’est pourquoi on peut les céder si bon marché en Europe et qu’en réalité seuls presque, les films américains passent à l’écran.

Aux États-Unis l’industrie du cinéma est la 4e pour l’importance des capitaux investis. En France, on a constitué un syndicat qui dispose déjà de 200 millions ; il est attiré par le fait que telle salle qui coûte un million d’achat en rapporte autant par an. Un modèle joli, une petite fille de 7 ans gagne aux États-Unis entre 300 et 400 mille francs parce que son visage est photogénique.

243.34 Technique.
243.341 ESPÈCES DE PROCÉDÉS ET D’APPAREILS.

a) On appelle appareil de prises de vues ou simplement « Camera », l’appareil qui sert à prendre les photographies du sujet, de la scène en mouvements, et «  Projecteur cinématographique » ou « cinéprojecteur » l’appareil qui sert à les projeter sur l’écran. Le film est composé d’un support transparent recouvert d’une couche de gélatine portant les images photographiques. Le support, autrefois en celluloïd inflammable, aujourd’hui en acétate de cellulose inflammable, a une épaisseur d’environ 0.12 mm., la couche de gélatine a une épaisseur de 0.03 mm. Le film présente, en dehors des images, des perforations qui servent à son entraînement mécanique. Les perforations du film standard de 35 mm. et celle du film de 16 mm. sont disposées sur deux files latérales, celles du film de 9 mm. sont disposées sur une seule file établie au centre. Les éditions Pathé-Baby présentent en outre des encoches qui servent à provoquer leur arrêt au passage des titres ou de certaines images. Le format standard de 35 mm. est celui des films employés dans les appareils professionnels des salles de cinéma urbaines. Les bénéfices sont assez élevés pour que soient d’une importance secondaire les prix des appareils. Mais pour le cinéma d’enseignement, de salon, de petites exploitations rurales, il suffit de films donnant une projection de 1.50 m. à 2 m. de largeur, visible pour une centaine de spectateurs.

b) On appelle « réel » une longueur de film contenant environ 16,000 images. Cette longueur est de 300 m. pour les deux films de 16 mm. et de 9.5 mm. Les dimensions des images sont : film standard (24 × 18). film de 16 (9.72 × 7.24). film de 9.5 (8.5 × 6.4). La durée de projection de 100 m. de film de 35 mm. est de 5 minutes 4 secondes. Si l’on prend des vues à vitesse lente et qu’on les projette à vitesse rapide, les mouvements semblent accélérés. C’est ainsi par ex. que l’on a pu montrer en quelques secondes la croissance d’une plante qui se fait en plusieurs jours. Si au contraire on prend les vues à grande vitesse et qu’on les projette à vitesse lente, les mouvements semblent ralentis. C’est ainsi que l’on peut montrer au ralenti certains mouvements de sport.

c) La vitesse normale de prise de vues et celle de projection du cinéma est de seize images par seconde. Cette vitesse suffit à la reconstitution de l’immense majorité des mouvements. Mais il reste une catégorie très importante de mouvements très rapides qui dépassent les limites de ce procédé, par ex. le battement de l’aile d’une mouche ou le projectile à sa sortie du canon.

Marey des 1879 obtenait 20 images par seconde. Bull en obtenait 3,000 en 1904. Voici que E. Abraham et E Bloch ont fait varier la rapidité de 20 à 50,000 images par seconde.

M. Bull a étudié les mouvements les plus rapides du vol des insectes, des projections de balles, en portant les images à plusieurs milliers par seconde, grâce à l’étincelle électrique. On parle maintenant de 60 et même de 100,000 images à la seconde. M. Noguès a inventé l’ultra-cinéma avec lequel il obtient à la seconde jusqu’à 400,000 images, celles-ci projetables sur l’écran.

d) Le cinéma recourt à des spécialités multiples dont les progrès à leur tour le font progresser : optique, électricité, éclairage, mise en scène, archéologie, architecture, maquillage, photographie, etc. Le cinéma sous des noms divers a cherché dans des voies multiples la solution de problèmes techniques : cinématographie coloriée, cinéphonographie, cinématographie de mouvements ultra-rapides et de mouvements ultra-lents, microcinématographie, le film en relief.

Le cinématographe balistique de Cranz est capable de donner 6,000 clichés à la seconde et pouvant enregistrer un cliché simple en silhouette dans l’espace de temps inconcevablement réduit d’un millionième de seconde.

« Avec une telle vélocité, les mouvements de la machine ou de la balle la plus rapide, les mouvements naturels les plus fugitifs, la plus imperceptible vibration de l’aile d’un insecte peuvent enfin être saisis et fixés sur la pellicule sensible. »[113]

On a réalisé l’affiche animée au moyen de prismes triangulaires représentant sur chacune de leurs faces une phase d’un mouvement quelconque et par leur rotation sur eux-mêmes d’une façon intermittente, on reconstitue ce mouvement.

La mise en scène exigeant la présence simultanée du dirigeant en plusieurs endroits, on s’est servi de la télégraphie sans fil. (Strokheim dans Monegasque.)

Les appareils peuvent être arrêtés à volonté et l’attention concentrée sur une image rendue fixe. On cherche un appareil universel qui pourrait projeter les films fixes et les films animés, éventuellement en même temps. On a réalisé par un appareil indépendant la projection des vedettes qui doit varier de pays à pays.

Edison a réalisé le cinéma transportable dans une malle et permettant le cinématographe en pleine lumière.

Le cinéma, grâce au ralenti, peut dévoiler toutes les opérations délicates. On peut présenter sur l’écran des dessins schématiques et animés.

e) Diverses inventions ont été faites pour donner le relief au cinéma. M. Berggreen a réalisé, en 1929, par un jeu de lentilles et de calculs optiques, le problème : obtenir le relief avec un seul appareil de prise de vues et la projection panoramique sur un écran qui couvre l’ensemble d’une scène de théâtre.

L’enregistrement sonore étant synchronique, il est désormais possible de reproduire par exemple une opérette entière, les personnages grandeur nature donnant l’illusion absolue de chanter et de danser devant le trou du souffleur. L’appareil comme les yeux humains capte deux images et les réduit en une seule sur le film. La projection de même traverse deux lentilles avec ce résultat que le mécanisme fait le travail d’adaptation de la rétine, à l’aller comme au retour, si l’on peut dire.

Il donne l’illusion de la vision naturelle, étant en proportion exacte de notre champ visuel. Ce n’est pas une photographie agrandie par une projection considérable, mais une sorte de contre-miroir de l’objet exposé.

L’optique est arriérée d’un siècle. La fabrication de rayons optiques est entrée dans la pratique courante.

« Le problème du relief a sa clef dans la mesure infinitésimale du temps. »

Un jour peut-être le problème de la lecture sera résolu ainsi : lire plus vite.

f) Cinéma en couleurs. — On a inventé le cinéma en couleurs, c’est-à-dire le cinéma qui n’augmenterait en rien le prix de la pellicule, mais nécessiterait seulement l’adjonction d’un petit dispositif d’un prix abordable aux appareils de projection.

M. Legg a monté un appareil photographique inspiré du cinéma, dont l’objectif comprend 22 lentilles. 2,600 instantanés à la seconde. Constatation : l’étincelle électrique ne se meut pas en zigzag, mais selon une spirale très compliquée. L’instantané plus rapide que l’étincelle électrique,

g) On a créé un appareil réalisant l’orchestre pour cinéma. Un seul homme remplace vingt exécutants et peut obtenir des ensembles parfaits d’instruments, aussi bien des solos de flûte, violon, clarinette, etc.

h) En Russie on a posé le principe que le son ne doit pas être le complément du spectacle, mais un nouveau et puissant moyen d’expression du cinéma. On s’y est spécialement attaché aux films dessinés, à l’emploi de poupées au cinéma et à la création mathématique du son.

i) La dernière formule du cinéma américain consiste à transformer la salle de spectacle en une sorte de prolongement de l’écran lui-même. Le cinéma « atmosphérique » est conçu de telle sorte que les spectateurs peuvent s’imaginer participer vraiment à l’action.[114]

j) Les procédés de prises de vues sont nombreux. Le « trucage » du cinéma est tout un art, comme il l’est en photographie. Il s’agit de produire l’illusion. Certaines vues consistent en des déplacements successifs d’objets opérés à la main, tandis que s’arrête la prise de vues.

Pour les comédies animées, telles que celles dont « Mickey » est le héros, Walt Disney, l’auteur, doit produire en moyenne 10,000 dessins.

k) Le cinéma trouve des applications exceptionnelles. Par ex. à l’hôpital : films projetés au plafond. Au théâtre : projection cinématographique sur fond circulaire. Le cinépanorama : cinéma principalement documentaire, où les vues seraient projetées sur la paroi intérieure d’une sphère par un ou plusieurs appareils dont les images se raccorderaient ; ce système permettrait de reconstituer un paysage ou une scène dans son entièreté ;[115] le Planétarium de Zeiss réalise dans le même principe la projection de la voûte céleste.

243.342 LOCAUX. ARCHITECTURE.

a) Pour la prise de film, on a créé des studios ingénieusement agencés. On a vu des cités de cinéma s’édifier, par ex. à Rome et principalement à Hollywood.

b) La salle de cinéma est une création récente. On en a précisé ainsi les conditions : « Plus que toute autre réalisation architecturale, la salle de projection doit répondre strictement à sa fonction. Toute adjonction esthétique y est superflue, l’action se déroulant dans une salle relativement obscure. La salle de cinéma doit être un endroit confortable, d’accès facile, où l’on vient « visionner » et « auditionner » un film et non voir de l’architecture. »[116]

c) Les salles de cinéma les plus avancées contiennent 3,000 personnes et plus. Elles sont meublées de fauteuils Pullmann. Leur écran est macroscopique, la reproduction est sonorisée, les sourds y trouvent des casques amplificateurs.

243.35 Film parlant.

Les films se distinguent maintenant en muet et parlant (cinéphonogramme).

a) Le film parlant est une grande invention. Enregistrant à la fois l’image et le son et les projetant dans un synchronisme parfait, il constitue indubitablement un des progrès les plus extraordinaires. L’inscription du son sur la bande filmée se fait d’après divers systèmes qui ont largement cherché à se contrefaire : horizontalement, verticalement, transversalement. On a cherché à faire à la plume des inscriptions directes sur la partie de la bande réservée à l’enregistrement du son : la voie s’ouvre ici à des combinaisons illimitées.

b) Au point de vue artistique, quelques esthètes protestent avec véhémence. Le film parlant, disent-ils, cesserait d’être une interprétation, il ne serait qu’une copie servile de la réalité. Mais d’autres, au contraire, répliquent que du film parlant naîtra une esthétique nouvelle.

Pirandello a dit : « Les personnages de cinéma sont des images, des fantômes : les fantômes ne parlent pas, ce serait macabre et effrayant. Les images du film sont distantes, lointaines et la voix résonnera toute proche. Le cinéma est le langage des apparences et les apparences ne parlent pas. Le vrai langage est la musique. Il faut ôter le cinéma de la littérature et le mettre dans la musique, car il faut que le film soit le langage visuel de la musique.

Il y a en ce moment un certain retour à l’expression par l’image en diminuant la valeur explicative du dialogue. La parole n’est plus nécessaire à la compréhension. Elle n’est qu’un élément de plus entrant dans la synthèse cinégraphique (chœurs, conversations générales, cris, chant).[117]

c) Le film sonore vient amener une transformation dans la technique depuis le scénario jusqu’à l’architecture des décors, le choix des artistes, la prise de vue. Il y aura le film intégralement parlant qui restera toujours placement rationnel. Mais le film muet comportera de la musique, des conversations et sera projeté dans tous les pays. Les parties peu importantes du dialogue pourront être tournées en deux versions : l’une muette et l’autre parlante. Les parties principales seront tournées dans les principales langues du globe. La cadence des images sera de 24 à la seconde au lieu de 32 ou 34.

d) Le cinéma s’est sonorisé et la radiophonie s’oriente vers la télévision.

Le film parlé, par un détour, nous reconduit au document. C’est Gaumont lui-même qui le dit.

L’admirable de l’invention, c’est la possibilité extrême de disposer de l’équivalent d’une gamme infinie d’instruments, chacun de timbre différent et dont nul luthier ne serait capable de créer le timbre. Une intervention de la main sur le film même, peut ajouter telles harmoniques nouvelles.

243.36 Espèces de films.
243.361 GÉNÉRALITÉS.

On distingue diverses espèces de films : 1° les films scientifiques destinés plus particulièrement à des spécialistes déjà au courant des sujets traités et non à la vulgarisation pour le grand public : 2° le film d’un intérêt général, spécialement édité pour les écoles et destiné à compléter l’enseignement des matières ; 3° les films-affiches (poster-film), constitués par des dessins animés, des diagrammes, projetés sans arrêt dans les endroits publics, par des appareils automatiques ; 4° les films dramatiques bâtis sur un scénario et interprétés par des acteurs ; 5° les documentaires, reportages, et destinés aux programmes des théâtres et cinémas publics.

Le cinéma aussi est récréatif, artistique, scientifique, documentaire, pédagogique ou social.

243.362 FILMS ARTISTIQUES.

a) Le cinéma s’est affirmé le septième art. « Il faudrait, dit M. Pierre Benoit, que les intrigues mises à l’écran fussent conçues immédiatement par leurs auteurs sous la forme cinématographique, comme le sujet d’un roman se présente au romancier en chapitres, comme pour l’auteur dramatique l’action prend de suite la forme du dialogue. Songez quelles ressources le « simultanéisme » de l’écran offre à l’écrivain d’imagination. Il lui permet de réaliser le mouvement que la lecture des chapitres d’un livre tend quelquefois difficile à obtenir, de donner en un clin d’œil par des paysages l’atmosphère que les longues descriptions arrivent à peine à créer, de rendre tout comme tangible. »

b) Le cinéma ne tuera pas le théâtre, mais il lui fait déjà une concurrence inquiétante. Le film reste toujours et partout le même, dans les petites localités comme dans les grands centres. On n’en peut dire autant des théâtres de province. Les grande films sont très chers, mais une fois établis, il n’y a pas de frais d’artistes à payer journellement.

c) On a monté des films énormes.

Salambo, 2,500 mètres, 10,000 acteurs, 300 chevaux, 7 actes, mise en scène grandiose, édité par le Photodrama de Chicago. Prix de ce film 1,215,000 francs.

Le grand film allemand (de l’Union Gesellschaft) sur le XVIe siècle anglais (Henri VIII et Anne de Boleyn) a coûté pour l’édification seule de la ville « Bolleynstaad » 1,250,000 marks. On a reproduit en plâtre tout Westminster. 4,000 figurants. 200 ont eu des rôles à remplir, 200 chevaux 20 régisseurs.

Le film Le cœur de l’Asie — l’Afghanistan, vient de paraître, comme résultat de l’expédition cinématographique spéciale du « Sovkino » sous la direction de M. Yerofew (à qui l’on doit aussi Au delà du cercle polaire et Le Pamir), La méthode est celle des faits, mais des faits significatifs, pittoresques, marquants, réunis pour caractériser la localité photographiée. Le film montre le système moyen âge de l’Afghanistan : nomades féodaux, paysans, ainsi que les rapports entre les différentes classes de population, et sur le fond de cet état social arriéré, les germes d’une époque nouvelle, les réformes d’Amanoullah Khan, les nouvelles institutions et les nouveaux rapports des différentes tribus et classes par rapport aux réformes.

d) Les scènes du passé qui n’ont pu être cinégraphiées ne seront pas perdues cependant pour le film. On les reconstituera dans des milieux et avec des personnages d’une existence éphémère mais suffisante pour en fixer la représentation. De là les immenses chantiers où l’on voit évoquer des époques entières et des pays entiers. Le film Robin Hood, par exemple, fait revivre toute l’époque de Richard Cœur de Lion. Vingt-deux experts et techniciens ont travaillé avec l’aide de 146 volumes traitant des mœurs et coutumes de ce temps. Dix mille artistes ont travaillé à la réalisation de cette production.

e) Le principe du cinéma russe a été exposé de la manière suivante. La tonique de notre temps est la mentalité scientifique de l’homme rationnel qui veille et domine les forces ubiques du moi arbitraire avec le frein de son intellect. À la mentalité positive de l’homme moderne doit correspondre un art positif fondé sur ce que la science connaît du livre.

Mais la science a découvert les horizons immenses de l’irrationnel qui autrefois se confondaient avec ceux de démoniaque et qu’a connus l’homme primitif. La science a donné une destination collective à toutes les activités humaines. En posant en conflit le monde intellectuel et le monde irrationnel, le cinéma russe a essayé de construire un art de signification universelle, qui au delà des frontières et des distances, crée des formes absolues pour parler à la conscience de l’espèce, l’inconscient collectif qui existe dans chaque esprit, plus qu’à la conscience individuelle.[118]

f) C’est dans le film, et non dans la littérature, que se reflète aujourd’hui le mieux le véritable visage d’une nation.

243.363 FILM SCIENTIFIQUE DOCUMENTAIRE.

a) Le cinéma est considéré comme un auxiliaire important dans tous les ordres d’exposés. Il l’est pour la synthèse de l’exposé d’une question, l’analyse étant faite par la parole et la projection fixe ; pour l’étude du fonctionnement d’un appareil ou d’une méthode de fabrication ; pour l’étude d’un phénomène. Le cinéma est aussi un agent incomparable d’information, de documentation, de démonstration et d’éducation du sens de la vision. Sa place est prévue dans l’enseignement du dessin.

Les applications scientifiques et documentaires sont innombrables. L’enseignement de la chirurgie se fait normalement aujourd’hui par le film. C’est Doyen, fort critiqué il y a quelques années, qui en a été l’initiateur. Ce fut la ville de Glasgow qui prit l’initiative de faire établir un film descriptif, pour faire connaître au monde entier ses beautés, son caractère, ses formes d’activité. Ce film sera renouvelé tous les dix ans par la constitution d’un « Film d’or » de Glasgow.

Le cinéma a montré les théories d’Einstein.

Grâce au film, l’anthropologiste peut aujourd’hui posséder dans ses tiroirs tous les actes spéciaux aux divers peuples en collationnant ainsi leur vie. Il les comparera à son gré, étudiera les mouvements, assistera aux fêtes, aux combats, aux cérémonies religieuses et civiles, aux divers modes de commerce.

On représente des mouvements exécutés par des démonstrateurs d’élite. On peut accélérer, ralentir ou arrêter à volonté la marche du film de manière à suivre aisément les commentaires.

On a produit l’illusion de la vie accélérée : un rosier qui en quelques secondes pousse des feuilles et un bouton, des paysages pris à diverses saisons et qui raccordés font voir sur l’écran un champ qui en quelques minutes se couvre de neige, s’en dépouille, puis se garnit de feuillages et de moissons. Le département de l’agriculture des États-Unis a entrepris de prendre les portraits successifs d’un tout jeune chêne, d’heure en heure, même la nuit.

Inversement on a ralenti les mouvements : les battements d’une aile d’oiseau, les formes que prend la goutte d’eau pendant sa chute. Il a suffi d’accélérer la prise de vues, en prenant par ex. 64 images au lieu de 16 par seconde ; projeté à l’allure normale, le mouvement sera montré quatre fois plus lent.

Le Dr Commandon est arrivé à cinématographier à raison de 32 poses par seconde des êtres prodigieusement petits, tels que ceux qui vivent dans le sang.

En 1918. Abraham et Bloch ont enregistré par l’étincelle électrique 50,000 images par seconde. Ils emploient une source d électricité à haute tension, 12 à 15,000 volts et procèdent grâce à un dispositif qui réalise des durées d’éclairement qui sont de l’ordre du millionième de seconde. On a cinématographié ainsi des insectes à vol rapide, des balles de revolver et même des projectiles d’artillerie à leur sortie du canon ou de divers points de leur trajectoire.

L’étude du vol des insectes est destinée, après celui des oiseaux, à fournir des éléments pour l’aviation. Le prof. Magna a développé plusieurs films pris à la fréquence inconnue jusqu’ici de 3,000 images à la seconde. Cette vitesse ayant été ramené sur l’écran à 16 images à la seconde, on peut suivre au ralenti les battements des ailes d’une libellule, d’une mouche, d’un moustique, d’un papillon, et d’un bourdon de jardin. Ce dernier donnait au naturel 200 battements d’aile par seconde.

b) Combinaison du cinéma et de la radioscopie. — Le cinéma et la radioscopie ont été combinés. Ainsi les films réalisés à la Faculté de Médecine de Paris, reproduisant le mouvement des organes contenus dans le thorax, comme le diaphragme et le cœur. Moyen d’investigation précis et fidèle.

On a réalisé cette démonstration : progression d’un lait de bismuth dans l’appareil digestif de la grenouille. L’avantage du système de démonstration, c’est qu’on peut économiser les expériences ; une expérience une fois faite et enregistrée peut se montrer indéfiniment sans devoir être recommencée et l’on voit mieux que si l’on montrait l’expérience in vivo.

Un nouvel instrument, le Phonoscope destiné au diagnostic du larynx, a permis d’étudier le mécanisme de production de la voix humaine. Avec des ralentis de l’ordre de 1/3000 au 1/8000, on obtient sur l’écran des images faisant voir le fonctionnement même de l’organe.[119]

c) Les actualités. — Elles constituent en réalité l’édition d’un grand journal. Des prouesses de rapidité s’y développent. Ainsi aux obsèques du Président Doumer. Pathé Journal disposait de trois camions sonores et de quatre opérateurs muets et volants ; le jour même, à 21 heures, cinq copies arrivaient à Bruxelles et y étaient projetées.

d) Une œuvre de condensation a été commencée dans le film. Ainsi l’Empire Marketing Board a procédé à des extraits de vieilles bandes documentaires soigneusement sélectionnées et montées selon une idée directrice bien nette, autour d’un thème central ou d’un leit motiv, par ex. le Niagara devenant le symbole de la puissance et de la richesse du Canada. Des kilomètres et des kilomètres de pellicules ont été condensés en quelques centaines de mètres, riches de vie et de rythme.

De même qu’on fait des livres avec des livres, extrayant, combinant, amalgamant, de même on fait des films avec des films, sélectionnant, modernisant, redonnant vie nouvelle à fixations anciennes.

243.364 FILMS ÉDUCATIFS.

a) Le nombre de films instructifs et documentaires produite en 1932 est de 416. Ces films ont été produits par 141 sociétés et ont ensemble une longueur de 238,832 mètres. Le tableau des six dernières années montre une forte régression. 1932 : 141 producteurs, 429 films, 244,086 m. ; 1931 : 160 producteurs, 469 films, 324,284 m. ; 1930 : 194 producteurs, 658 films, 418,374 m. ; 1929 : 215 producteurs, 728 films, 412,803 m. ; 1928 : 222 producteurs, 808 films, 455,039 m. ; 1927 : 214 producteurs, 870 films, 409,619 m.

b) Dans l’enseignement, le film formant spectacle retient complètement l’attention de l’élève que rien ne vient distraire durant la projection. C’est un maître inlassable et qui peut répéter indéfiniment la même leçon. Il est de taille à faire gagner dans certaines parties de l’enseignement, jusqu’à un an sur trois. On peut présenter des expériences de mécanique, par exemple, avec la dernière aisance, tandis que dans une classe seuls les élèves du premier rang auraient pu les suivre. Un film américain sur l’industrie laitière fait comprendre aux ouvriers agricoles les plus obtus dans quelles conditions d’hygiène il importe de traiter les vaches et de préparer le lait, sous peine si on les néglige, de causer de vraies catastrophes.

Edison, estimant que le cours ordinaire des études « représente un maximum d’ennuis pour un minimum d’intérêt », fut amené le premier à créer pour l’éducation de son petit-fils, des films destinés à enseigner la physique, la chimie et l’histoire naturelle. Maintenant dans l’enseignement le cinéma complète les explications verbales, les manipulations des expériences, la lecture des livres, la visite des musées. Les films tournés à des vitesses différentes montrent plus clairement le détail d’un mouvement rapide ou difficile, en raccourci l’ensemble d’une évolution insensible.[120]

Aux États-Unis l’enseignement par le film, la visual education, a fait l’objet d’études approfondies. Les éditeurs se préparent à éditer des livres comportant des textes en liaison avec l’illustration des films. On entrevoit une économie dans la méthode. La ville de Chicago annonce qu’elle gagnerait trois millions de dollars par an si toutes les écoles étaient équipées par la « visual education ».

c) Deux méthodes sont en présence : 1° créer des films pour chaque cours de l’école, faire cadrer exactement ces films avec les programmes, et même avec chaque leçon ; 2° aux films ainsi mécanisés qui forcent le spectateur à accepter ce qu’on lui donne, substituer des visions plus libres de la réalité ou de l’imagination créatrice (vues de l’éducation nouvelle).

L’utilisation pédagogique rationnelle du film exige la possession de la pellicule qui convient au moment même où elle peut le mieux servir à illustrer la leçon, c’est-à-dire à l’heure de cette leçon. Pour cela, il conviendrait d’avoir à l’école une petite collection de films comme on a une bibliothèque.

d) La pédagogie par le cinéma est partout à l’ordre du jour. Au Japon elle s’est extraordinairement développée. On prétend que les 120 millions qui y ont été consacrés à cette forme d’enseignement ont déjà permis, sur une seule génération, de gagner trois années d’études. Le grand progrès réalisé récemment consiste à pouvoir rendre fixe à volonté le film qui est déroulé et d’attirer ainsi l’attention sur les passages de grand intérêt. Une lampe à incandescence construite spécialement, munie d’un réflecteur parabolique, évite toute inflammabilité. Les appareils deviennent petits au point de pouvoir être transportés dans une petite caisse ne pesant guère 15 kg. À partir de 1,300 francs, on peut acquérir un appareil projetant à 8 mètres des images donnant un écran de 2 mètres sur 2. Il fonctionne au moteur ou à la main. Les films étant à perforation universelle, ils peuvent passer indifféremment sur tous les appareils. À défaut de courant électrique, on peut se servir d’accumulateurs portatifs. L’obscurité des salles s’obtient par la peinture en noir des rideaux existants.

La méthode d’enseignement par le cinéma à arrêt facultatif permet ou degré élémentaire, des classes d’observation ; au degré moyen, des classes de vocabulaire ; au degré supérieur, des classes documentaires.

Des instituteurs ont imaginé de placer des bons parmi les parents des élèves et de faire servir le cinéma scolaire de la semaine au cinéma récréatif du dimanche. Les 50 centimes payés alors paient la gratuité offerte aux enfants et remboursent les bons émis.

Le cinéma comme la photographie et le phonographe commence à servir aux « souvenirs vivants », le film de circonstances personnelles, familiales ou publiques dont on désire conserver la mémoire.

e) On a appliqué le cinéma à l’éducation des sourds-muets et au traitement des bègues. Le Dr Doyen l’a fait entrer dons les salles d’opération et de son aveu les projections ont servi à critiquer son art : il s’est mis à l’œuvre et a perfectionné ensuite ses propres procédés opératoires. On a proposé de faire servir les films à l’éducation des orateurs, des acteurs, des danseuses qui, pouvant s’observer eux-mêmes au naturel, peuvent ensuite se corriger.

f) L’Institut International de Cinéma éducatif a été fondé à Rome comme organisation dépendant de la Société des Nations. Elle publie une revue pleine d’intérêt.

243.37 Établissement et utilisation des films.
243.371 ÉTABLISSEMENT DES FILMS.

Progressivement se dégage une méthode pour l’établissement des diverses catégories de films.

Pour établir un bon film, il faut la collaboration : 1° d’un spécialiste fournissant les éléments ; 2° d’un didactique classant ces éléments, élaborant les scénarios ordonnés, transformant les documents en schémas animés ; 3° d’un technicien du cinéma donnant au film un aspect artistique et séduisant en y appliquant les ressources de la prise de vues et du tirage : cacces ; vus ; fondus, pour enchaîner le gros plan sur les vues d’ensemble ou les diverses parties d’une machine ou d’une opération entre elles. (F. Meyer.)

Il faut distinguer les choses organiques et inorganiques. Les inorganiques doivent être projetées au repos (simple diapositive). Dans plusieurs catégories, on peut les regarder plus longtemps (par ex. des instruments). Pour les organiques (par ex. une opération) il faut éviter de projeter des données à trop petite échelle et noyées dans les détails. C’est le schéma qui s’impose : le schéma animé.

243.372 UTILISATION DES FILMS. LES SPECTATEURS.

a) Les études de bibliologie psychologique s’appliquent au cinéma. Il y a lieu de les poursuivre dans l’action du film sur le spectateur.

b) Les écrivains autrefois lisaient. Les jeunes poètes sans conteste sont allés au cinéma voir des images mobiles sur l’écran. Le rythme rapide, c’est l’impression dominante chez les débutants d’aujourd’hui. (C. H. Hirsch)

c) Le cinéma et les névroses. — Le cinéma crée un danger par son action sur les nerveux, les anormaux et les malades mentaux. De par l’impression qu’il exerce à tout âge, grâce à la fièvre d’attirance, grâce à une mise en scène de plus en plus perfectionnée, il maintient, pendant des heures, un véritable pouvoir de suggestion, d’hypnotisme, pourrait-on dire. L’obscurité de la salle, le silence sépulcral, l’impression de sentir tous les regards rivés au même tableau, la musique tour à tour entraînante, enivrante ou enchanteresse, toutes ces circonstances réalisent mieux que ne le ferait l’institut de psychothérapie le mieux outillé, la préparation favorable à produire l’état d’hypnose et la suggestion.[121]

d) Une action est commencée de tous côtés en vue de donner à la jeunesse le cinéma qui lui convient.[122]

243.38 Point de vue moral, social, commercial.
243.381 POINT DE VUE MORAL ET SOCIAL.

a) Une triple action occulte s’exerce par le cinéma : 1° une action commerciale, exploitant les masses, leur crédulité et leurs passions ; 2° une action politique favorable à l’idéologie gouvernementale (subventions secrètes des gouvernements aux cinémas, notamment pour la production des actualités et l’entretien d’un esprit militaire et même guerrier) ; 3° une action sociale favorable à l’ordre des choses existantes et contraire aux transformations (cinéma de classe).

Il faut être sur ses gardes. Le « documentaire » n’est pas toujours un pur document. Du bourrage de crâne s’y ajoute, car le cinéaste est souvent invité à apporter au film sa foi et ses partis-pris.

b) Les gouvernements ont organisé la censure du cinéma. Elle est tour à tour orientée en fonction de cette triple action.

Pour le cinéma, on a réalisé un mode spécial de contrôle (France, décret du 20 juillet 1919 ; Belgique, loi du 1er septembre 1920). Défense de recevoir dans les cinémas publics les enfants de moins de 16 ans, sauf dans les cas où tous les films portés au programme ont été autorisés par une commission officielle de contrôle.

c) Le cinéma a une action puissante sur les sentiments de guerre et de paix. Le film de Remarque À l’Ouest rien de nouveau l’a montré.

d) Le Cuirassé Potemkine met l’art technique cinématographique au service de l’idéal politique communiste ; Retell, film national-socialiste, a montré une telle forme de persuasion qu’il réussit à convaincre jusqu’aux adversaires les plus résolus du mouvement.

Ln Russie le cinéma, comme tous les arts, a été intégré dans le plan d’ensemble de l’édification socialiste. Il y donne une large information et une vision artistique de l’industrialisation, vision accompagnée de paroles, de bruits et de musique.

e) Le cinéma a été dans les pays d’Orient l’instrument révolutionnaire par excellence. D’une part, il a détruit le prestige du blanc et de sa civilisation camouflée et surfaite en montrant sur l’écran ses tares et ses maux. D’autre part, il a en ces pays initiés les classes dominées, les femmes, les travailleurs, les petits, aux conquêtes de l’émancipation des mêmes classes en Occident.

f) Le cinéma devient une arme redoutable. On se battra un jour devant l’écran comme dans la salle de meeting, pour ou contre l’ordre établi. L’enjeu est l’emprise sur les foules, à commencer par les enfants. En Belgique, sur une population de 8 millions, 90,000 personnes s’asseyent chaque jour devant l’écran, soit plus de 1 %.

Un film tiré par certains établissements est vu en trois mois par 300 millions de spectateurs. Quel est le moyen de diffusion qui peut lutter avec un tel instrument de propagande, si ce n’est la lumière dont il dérive si directement ?[123]

g) On a suggéré de prendre des films sonores des séances du Parlement.

h) À l’influence néfaste de certains films, il convient, dit M. Coustet d’opposer les leçons d’énergie, de santé morale et physique qui se dégagent de nombreux romans cinématographiques et nous devons reconnaître qu’à ce point de vue, tout au moins, les éditeurs américains ont donné un exemple doublement heureux, puisqu’ils ont produit des œuvres attrayantes qui sont en même temps de puissants générateurs de force et de gaîté saine, généreusement dépensées.

i) Le cinéma pose le problème de la vérité physique du document. Autrefois le bon public croyait aux exercices ultra périlleux des artistes de cinéma dans les films d’acrobatie. Des initiés divulguèrent les nombreux trucages. Ceux-ci aujourd’hui interviennent dans de nombreux documentaires. Un mannequin substitué à un homme dans un sacrifice humain, scène avec des hommes sauvages en pays inexploré, enregistré chez un colon avec son personnel (documentaire remanié).

243.382 POINT DE VUE COMMERCIAL.

a) la tendance dans l’industrie internationale du film est à l’élimination des petits films et des petits cinémas pour faire place aux grandes productions.

b) On a vu un danger dans la constitution de trusts qui industrialisent une production du film qui devrait être avant tout un art.

c) Le film commercial est destructeur de talent. On a pulvérisé à coup de dollars la magnifique floraison des œuvres suédoises. On a détourné le cinéma allemand vers ses tendances au mysticisme et à la rêverie et en France s’est opéré un sectionnement ne laissant aux vrais artistes que le domaine d’un cinéma d’essai. (D. Coen.)

d) Insignifiance des films. — Riche d’hommes, d’intelligences, de ressources multimillionnaires, on produit des films qui ont demandé à être tournés quatre, six mois. Et l’on a l’impression trop souvent ressentie « ce n’est que cela ».

e) On a dénoncé le cinéma moderne en ces termes : de toutes les œuvres d’art, c’est la plus coûteuse à produire : un poème, une pièce de théâtre, un tableau, une statue, de la musique n’exigent guère pour être produit par l’artiste. Au cinéma, il y va de centaines de mille francs, de millions. Le capital intervient : il veut gagner comme sur une marchandise quelconque. Puis il la veut conforme à l’esprit de la société : morale bourgeoise, de sensualité, de respect à l’ordre établi, d’accident heureux venant compenser la triste condition (la petite dactylo épouse finalement son patron riche). Opium.

Certains films coûtent des millions. Le Napoléon de Gance a coûté 7 millions. Il a mis en scène 5,000 soldats. Les frais généraux coûtent jusque 40,000 fr. par jour. Un studio se loue jusque 25,000 fr. par jour.

Les cinéastes demandent la création d’une Banque du Cinéma. Ils doivent payer aujourd’hui des escomptes-participations aux commanditaires s’élevant jusqu’à 40 %. La censure édulcore les films sociaux.

f) Les industriels du cinéma répondent : la faute en est au public qui a sifflé de bons films. L’État ne saurait faire mieux. S’occupe-t-il de ce que lit le public ? Il faudrait généraliser la mesure prise en Allemagne. Le film d’art est détaxé. Les intellectuels au début, il y a 35 ans, ont méprisé cet art fait pour être traité par les princes de l’esprit ; ils l’ont abandonné à des valets. Le succès de l’écran à l’encontre du livre et du théâtre est qu’il n’exige aucun effort de l’esprit. Il suffit d’ouvrir les yeux. Il est une distraction, avant tout.

243.39 Documentation. Cinémathèque. Cinécatalographie.

a) Il est devenu nécessaire d’opérer l’inventaire et la conservation des films.

Que deviennent les films projetés qui sont dans le commerce ? Comment les cataloguer, comment les obtenir plus tard ? On a donc créé des cinémathèques (cinéthèque, filmathèque). On a établi des catalogues de films.[124]

b) Le nombre de cinémathèques croît dans les divers pays.

À Paris, la cinémathèque nationale française a été réalisée au Trocadéro. Elle conserve les 500,000 mètres de films tournés pendant la guerre par les soins du Service cinématographique de l’armée. Les salles ont été divisées en boxes indépendants à l’aide de cloisons métalliques pour parer aux risques d’incendie et elles sont pourvues d’un système de ventilation perfectionné pour maintenir les conditions hygrométriques voulues. On espère que les firmes contribueront en déposant un positif, surtout le négatif. On se propose de sélectionner les films après dix ans.[125]

En France, le Ministère de l’Agriculture a un service de prêt gratuit de films et une somme de 2 millions a été affectée à l’achat de films agricoles documentaires, etc., à la suite des décrets des 20 novembre et 17 décembre 1923.

À signaler aussi à Paris le Musée de la Parole, de Ferdinand Brunot.

En Angleterre les dépôts du Comité de l’Union Chrétienne des jeunes gens mettent à la disposition de tout village situé dans le territoire du Comité et contre une rémunération modérée 600 pieds de films avec tout le matériel nécessaire pour un opérateur expérimenté.

c) Il est prévu que l’Institut International de Cinématographie éducative à Rome coopérera à la constitution d’une bibliothèque internationale du cinématographe et à l’élaboration d’un catalogue général des films éducatifs.

d) Tandis que les livres placés dans la bibliothèque y sont à durée quasi illimitée, sans altération, les films obtenus jusqu’ici par la technique nécessitent des précautions. On évalue en général à une vingtaine d’années le maximum de longévité d’une bande négative. Les positifs, déroulés et réenroulés tant de fois par les appareils de projection se détériorent. Aussi les bandes considérées comme étant dignes d’être sauvées devront-elles périodiquement être tirées à nouveau, afin qu’un négatif neuf puisse à son tour en prolonger l’existence.

c) Une grande cinémathèque comporte les services suivants : service de cinématographie, une salle de projection, un atelier de montage des films, une réserve de films, une bibliothèque, une salle d’exposition des appareils scolaires, un musée du cinéma.

f) On a établi des catalogues de films (ciné-catalographie). Le film étant un document, les règles de la catalographie bibliographique en général y sont largement applicables : auteur, collaboration, titre, sujet, date, substance du support, format, étendue, modalité (couleur, son, etc.), éditeur, versions successives.

243.4 Radiophonie. T. S. F.
243.41 Généralités.

a) Du point de vue documentaire, la Radio peut être définie le « livre à entendre ». Il est en un certain sens un substitut du livre et, du point de vue bibliologique, il convient d’en bien saisir les caractères.

b) La radio se révèle le plus formidable instrument de transmission intellectuelle, artistique et morale qui ait été mis à la disposition de l’homme. Il donne aux penseurs, aux conférenciers, aux poètes, aux musiciens, avec un minimum d’efforts, le maximum de communication tant par l’étendue que par l’intensité. La pensée confiée au journal ou au livre est un numéro du tirage, sujet à toutes les lenteurs des transports. Il lui faut pour se faire admettre, vaincre la résistance qu’offre chez tout homme l’effort à lire et la lâcheté à réfléchir. Au contraire, la pensée radiodiffusée ne demande, pour être accessible, que la peine de tourner un bouton et pouvant aisément s’associer à une occupation matérielle, comme le travail manuel, comme les repas trouve tout naturellement un public disposé à l’accueillir. De plus, elle est seule à atteindre plusieurs catégories d’auditeurs fermées pour une raison ou pour une autre à l’action du livre et du journal. Ainsi les illettrés, les pauvres, les aveugles, les infirmes. Par ce fait seul, elle dépasse donc immensément les ressources de l’imprimerie, de la tribune, du théâtre, ou de la chaire. C’est à peu près la totalité des populations du globe qui pourra être atteinte et impressionnée. (Lhaude)

Le Pape a fait inscrire sur la porte de la station du Vatican : « Jusqu’aux limites de la Terre, au-dessus des ondes de l’Éther, à la Gloire de Dieu et pour le Salut des hommes ». Le Recteur de l’Université de Louvain, en un discours rectoral, a dit : « La Radio et le Cinéma sont devenus de plus puissants propagateurs d’idées que la chaire de vérité ». Lénine est le premier homme d’État qui ait saisi la forme de propagande de la radio.

La T. S. F. (conférences, concerts, théâtre ou reportages) devient le livre le plus attrayant et le plus passionnant ; chacune des divisions du cadran condensateur d’un récepteur est une tranche de vie que le haut-parleur reproduit fidèlement à notre commandement, sans manœuvres compliquées.[126]

c) Le radio participe du livre en ce que son audition peut être individuelle. Il s’adresse au seul sens de l’ouïe et à des auditeurs pour la plupart isolés dans leur foyer. Il ne se prête pas aux influences des auditeurs ou des spectateurs assemblés dans un même local (influence des foules, assemblées publiques, meetings).

Mais d’autre part, comme le livre a tué le manuscrit, il est possible que la machine parlante tue le volume imprimé dans les temps à venir. La machine parlante écrit un texte sur les ondes et le fait entendre à tous les vivants, sur toute la surface du globe : par là elle dénature et ruine le dialogue intérieur fait de silence, qui est le délice du livre. Nous allons à un monde où la solitude même du cœur sera publique.

d) toutes les civilisations, toutes les littératures ont connu tout d’abord une force orale. C’est par la voix humaine que se transmettaient de génération en génération toutes les vieilles traditions et la musique et la poésie, toutes les manifestations intellectuelles des races. Chants d’Homère, légendes scandinaves, folklores locaux, légendes terrifiantes, chansons historiques et complaintes. L’écriture d’abord, l’imprimerie ensuite ont relégué l’audition orale de la pensée dans un domaine plus étroit. Rôle des livres imprimés dans ce grand mouvement de l’esprit qui porte nom la Renaissance. La science lui donne aujourd’hui une puissance telle que la découverte de la radiodiffusion apparaît dans la vie de l’homme comme un phénomène social plus lourd de conséquences que l’invention de l’imprimerie elle-même.

e) Le radio connaît un développement considérable à une époque où toutes nos idées, toutes les valeurs sociales admises dans la masse jusqu’en 1914, sont directement ébranlées.

Évidemment cet état de choses soulève les responsabilités pour la diffusion des doctrines fausses, des transmissions délétères et immorales. L’invention d’un moyen aussi puissant que la radio coïncide avec une période de fermentation intellectuelle et sociale. À une échelle plus grande, le fait de l’imprimerie produite à la Renaissance pourra se renouveler. Mais on attend les géants qui pourront s’emparer de l’instrument et l’utiliser pour des tâches à la hauteur de sa puissance.

f) À ce jour plus de 13 millions d’appareils de radiophonie sont en usage dans le monde entier. Il y a dans le monde 420 stations fonctionnant régulièrement.

Aux États-Unis : 168 stations, 15 millions d’auditeurs ; budget : 2 milliards de francs français. Pas de taxe. Suède : 31 stations, 162,000 auditeurs ; budget : 690,000 fr. Taxe 48 fr. par poste. Allemagne : 29 stations, 3,980,000 auditeurs ; budget : 537,400,000 fr. Taxe 63 fr, par poste. France : 23 stations, 800,000 auditeurs ; budget : 4 millions 800,000 fr. Aucune taxe. Belgique : 5 stations, 228,400 auditeurs ; budget : 6 millions de fr. Taxe 60 fr. par poste à lampes.

243.42 Technique.

a) Les progrès techniques ont été rapides. Aujourd’hui le synchronisme est obtenu. Le fonctionnement devient absolument automatique : index sur un cadran de lecture. On a des appareils combinant le gramophone et le radio. Par un seul bouton de manœuvre, on passe d’un bouton à l’autre. Le « tout contrôle » permet de choisir la localité préférée. Un instrument permet à la réception des signaux leur lecture à l’oreille par le son. Un appareil spécial, le micro portatif, est attaché aux épaules du reporter qui reste ainsi libre de ses mouvements et toujours à distance égale du micro.

b) La Broadcasting House de Londres, inaugurée en mai 1932, est le centre de radio le mieux équipé du monde. Elle a coûté 900,000 livres et comprend 22 studios, chacun établi pour un genre d’émission déterminé. Les studios sont à l’abri des bruits, placés dans une sorte de tour au centre même des onze étages. Chaque genre de programme nécessite son studio et chacune des 22 salles a été établie dans un but précis, car il faut un genre d’audience pour chaque genre d’émission, pour donner à l’auteur le relief sonore qui contribue à rendre plus fidèle la transmission radiophonique. On procède dans une place spéciale (mixed unit) à un dosage savant d’intensité des effets recueillis par chaque microphone : une sorte de chimie du son, mélange acoustique où interviennent aussi les hauts-parleurs et des « echorooms », chambres à écho.

L’émission réalisée par le speaker, l’orchestre ou les acteurs est contrôlée par des aides-régisseurs et un régisseur central, « régisseur acoustique ». Celui-ci dirige l’émission du studio d’une chambre de contrôle (contrôle room) central muni d’une série d’appareils de mesures reliées à des récepteurs d’essai placés à quelques kilomètres. Là est disposé une série de clés et boutons pour effectuer les dosages de sons (volume contrôlé). Enfin le contrôle de tout ce qui passe par « la contrôle room » se fait au pupitre de supervision où un ingénieur peut aussi surveiller la marche de l’ensemble de toutes les émissions.

Des signaux, lampes de différentes couleurs, portent les instructions. La lumière rouge, signal devenu conventionnel dans tous les studios, veut dire « attention, le monde t’écoute ». L’ensemble de la maison comprend 180 pièces, 1 km. 6 de corridor, 800 portes, 80 km. de fils et 1,700 personnes doivent pouvoir respirer dans des studios dépourvus de fenêtres. L’établissement sert à la transmission aux « Stations national » et « London régional », aux intercontinentales, et bientôt aux transmissions à l’« Imperial Broadcasting ». On prévoit que prochainement la télévision sera intégrée définitivement dans les émissions régulières.

Ainsi quelques années après l’étonnante invention de la radio a été réalisée une centrale, une surcentrale qu’attend encore le livre, vieux de millénaires, malgré ce qui a été réalisé dans les bibliothèques.

243.43 Diffusion. Distribution.

Toute une organisation a été rendue nécessaire pour permettre au public d’utiliser en grand le radio. Les systèmes sont différents de pays à pays. Voici quelques données à ce sujet.

a) Aux États-Unis, l’invention nouvelle s’est vu consacré par D. Rockefeller, la Cité du Radio, édifiée au centre de New-York. Certaines universités américaines possèdent une station de radio. Ex. The State University of Iowa (Wsui), On a constaté en ces derniers temps la demande croissante de la part du public de programmes d’informations. Les sans-filistes ne font plus de distinction entre ce qui est éducatif et récréatif ; les deux sont fréquemment synonymes. On désire les deux combinés en un. La « Columbia Broadcasting System » a décidé de limiter à six minutes par heure les conversations d’ordre publicitaire.[127]

On a contraint les auditeurs à se déclarer et l’on a fini par avoir raison des pirates de l’éther. Le succès de retransmission a été tel que les Associations des Universités en Amérique, voyant diminuer la fréquentation des terrains de football pour les matches à jouer par les équipes d’étudiants, y a interdit le microphone.

b) La radio belge, INR, en 1932. a eu 6,582 heures d’émission avec une consommation de 1,100,000 kw. Elle a utilisé 30 relais internationaux. Le nombre d’heures des émissions scolaires a été de 65.20, celles des émissions colombophiles de 28 h. 40. Le p. c. du temps réservé aux conférences, causeries, lectures a été de 8.58 %, Journal parlé 313 heures, reportages parlés 161, interviews 70, conférences 319, chronique 402, jeux radiophoniques et sketches 93, sujets divers 250.

c) En Grande-Bretagne le nombre des auditeurs marche vers les 5 millions. Au Congrès Eucharistique de Dublin en 1932, on disposa 400 puissants hauts-parleurs électro-dynamiques pour rendre audibles à l’immense multitude, sur un parcours de 25 kilomètres, toutes les cérémonies et tous les discours.

d) En Allemagne il y a 4 millions de sans-filistes. En 1932, il a paru dans ce pays 6,465 livres ou articles de revues concernant des questions de radio-diffusion, dont 67 % s’occupaient de technique.

e) En Hollande fonctionnent quatre grandes fédérations régionales. Elles ont des programmes fort étendus, comprenant des cours. Un magazine annonce ceux-ci et publie documents graphiques utiles aux exposés oraux. Ces fédérations comprennent de nombreux membres volontaires et sont, certaines, très riches par suite de ces cotisations, « Nous profitons, donc nous payons, ne voulant pas être des parasites », tel est leur esprit.

243.44 Applications.

Les applications de la T. S. F. sont devenues nombreuses et variées. Le Journal radiodiffusé est une réalité. Le théâtre aussi (radiodrame). La T. S. F. a été installée à bord des navires, des trains et des avions. On a diffusé en Suède des cultes matinaux pour lest malades, les infirmes, les écoliers. La Tour Eiffel donne l’heure mondiale. Par la retransmission, le microphone d’une station peut se promener dans tous les centres d’intérêts de la région. Le radio-reportage se rend dans les usines, dans les mines, dans les chantiers, dans les réunions, dans les lieux témoins de phénomènes naturels. On a organisé déjà, à l’intermédiaire du radio, des débats entre membres des sociétés scientifiques de New-York et de Londres, à 5,000 kilomètres de distance. La description de la bataille du Jehol a été radiodiffusée par des avions munis de microphones survolant le champ de bataille. La cavalerie américaine a été pourvue d’appareils radiophoniques.

On a étudié aux États-Unis la fondation d’une Université par T. S. F.

Les laboratoires scientifiques de l’Université de New-York ont diffusé un son étrange, vibrant, assez pareil à la note d’un violoncelle. C’était la transformation en onde sonore d’un rayon lumineux de la planète Vénus capté par un puissant télescope et dirigé sur une cellule photo-électrique.

Les vertus publicitaires de la radio la font rechercher au détriment du journal. L’abus de la réclame dans les radios en détériore le caractère. On a monté le radio aux États-Unis sur la base commerciale de la publicité. Des voix s’y sont élevées contre ce fait. La Grande-Bretagne, le Canada, la France et d’autres pays ont établi toute une organisation spéciale pour les émissions de radio. Le contrôle de l’État existe et les buts éducatifs sont affirmés.

Dans une publication, les yeux peuvent écarter les annonces qu’on ne veut lire. Au radio, on doit toutes les entendre.[128]

243.45 Radiophonie scolaire.

a) Des dispositions spéciales ont été prises pour organiser la radiophonie scolaire. Celle-ci a rapidement progressé aux États-Unis, en Angleterre, en Roumanie, en Allemagne, en Hollande, en Autriche, en Russie, au Mexique, etc. Il ne s’agit pas de substituer le radio au professeur, mais d’aider celui-ci à varier et à compléter son enseignement. Elle doit être complétée par tous les moyens intuitifs possibles (matériel didactique, cartes, projections fixes, textes écrits au tableau noir, etc.). Ce n’est pas un passe-temps, un délassement, mais une leçon ordinaire pour laquelle les élèves doivent être prêts au travail.

b) Les divers modes de présentation de l’enseignement par radio sont : les leçons ordinaires, les conférences, les causeries, les dialogues, la présentation dramatique, le mode narratif, les reportages éducatifs.

L’Institut International de Coopération Intellectuelle a publié un rapport sur la Radio-diffusion scolaire (1932).

c) On a protesté en Amérique contre le fait que l’éducation par radio serait aux mains de comités désignés par des particuliers et travaillant avec les fonds de fondations privées agissant de concert avec les grandes compagnies commerciales. On veut sauvegarder le microphone à l’égard de ceux qui voudraient s’en servir pour leurs propres intérêts et endoctriner les citoyens.[129]

d) Les organismes radiophoniques de l’enseignement se sont constitués. Ils ont inscrit à leur programme : Obtenir des grands postes émetteurs la diffusion régulière des programmes destinés à tous les degrés de l’enseignement. Faire que le statut de la radiodiffusion soit d’un esprit démocratique assurant à la Nation elle-même la gestion des postes d’émission.

243.46 Le radio et la documentation.

a) La radiodiffusion est constituée par essence de sons libres et non encore sur documents. On rejoindra la documentation de deux manières : 1° À l’émission. Des documents peuvent servir de base, soit des disques qui sont radiodiffusés, soit des bandes perforées qui mettent en mouvement, dans l’ordre inscrit par les perforations, les mécanismes appelant les sons, paroles, musique, signaux, bruits. 2° À la réception. On a déjà opéré certain enregistrement ou réenregistrement sur disques.

b) Il s’esquisse toute une technique du parler par radio. À la base est un document écrit qui doit être fort net et porter, telle une partition, des signes conventionnels pour assurer les pauses, les accentuations. On préconise à la vitesse de 130 à 160 mots à la minute le ton de la conversation et non celui de la conférence. On recommande d’éviter les mots qui contiennent certaines lettres donnant lieu à des fritures. Ex. les s, les finales p ou t. Il y a lieu de combiner la distribution de textes imprimés avec la radiodiffusion des paroles.


c) « La radiophonie inaugure la dictature de la voix qui venue de loin passe. Les paroles solitaires et éphémères ne peuvent avoir ni la densité, ni la complexité des textes qui se soumettent amiablement à des ralentissements et à des reprises ou des récitations auxquelles un corps tendu assure un pouvoir de suggestion et de fascination. » (Pierre Bourgeois.)

243.47 Radio et musique.

La radio basée sur le son ne s’est pas bornée à être un instrument de transmission de la parole ou de signaux. Elle s’est développée comme instrument de musique.

Cela dans trois directions : par la diffusion de la musique ordinaire, avec ou sans voix humaine, par la création de la musique écrite pour le radio, par la création d’instruments de musique reposant sur la T. S. F. et apportant des sonorités toutes nouvelles (l’orgue radiophonique, les instruments de Theremis, etc.).

243.48 Organisation internationale.

Le radio fait naître des problèmes qui dépassent les frontières et une organisation internationale doit lui être donnée.

a) Les stations ont poussé comme des champignons. Il en existe actuellement 259 en Europe. Un organisme international était nécessaire pour mettre de l’ordre dans cette abondance. L’Union Internationale de Radiodiffusion fut créée en 1925. Elle nomma plusieurs commissions dont la commission technique. Elle a élaboré un plan de répartition des longueurs d’ondes. Plan de Genève 1925, plan de Prague 1929. Plan de Madrid prévu en 1932. b) L’Institut International de Coopération Intellectuelle a réuni en 1933 un Comité en vue d’étudier les mesures préventives et les mesures positives que pourraient prendre les gouvernements et les entreprises de radiodiffusion, afin de mieux adapter cette force nouvelle aux intérêts internationaux. Ces études ont porté sur les matières pouvant faire l’objet d’accords généraux ou régionaux entre les gouvernements et les entreprises de radiodiffusion, l’application de ces accords, la possibilité d’éliminer les émissions susceptibles de troubler les bonnes relations internationales, les mesures constructives tendant à favoriser les rapprochements des peuples par des émissions faisant connaître leurs diverses civilisations.

c) La Société des Nations dispose maintenant de sa station près de Prangins à quelques kilomètres de Genève. Édifiée dans le but de réaliser une liaison directe avec tous les États-membres, cette station servira pendant les périodes où l’assemblée ne siège pas, à la radiodiffusion de conférences et de cours en faveur de la Société des Nations. L’installation est due à la collaboration internationale (Marconi, Philips, etc.).

243.49 Anticipations.

a) Que demain la pluralité simultanée des émissions d’ondes se réalise, le livre pourra s’emparer de l’invention. On imagine déjà des œuvres classiques ou de grande actualité phonographiées et mises en « débit constant » dans les annexes des bibliothèques. Chacun pourrait ainsi, à volonté et de loin, obtenir la lecture désirée. Ce sera le livre radié.

b) On pourrait avec fantaisie imaginer que soient fixées, « gelées », quelque jour les ondes de la radio. Qu’elles le soient dans quelque lieu de l’espace immense, à une échelle réduite (microscopique), de façon que l’emmagasinement soit limité faute de place. Ce serait là comme un document puisqu’il aurait corps matériel, mais à des distances telles qu’il serait ni visible, ni tangible, ni audible. Un appareil de « lecture » ou d’audition servirait à l’interprétation, à l’utilisation ultérieure des données qui auraient été une fois radiodiffusées. Un immense enregistrement pourrait être fait de toutes les paroles dites, de tous les gestes faits partout. Ce serait vraiment le « Journal » de l’Humanité inscrit dans le ciel, ses annales consultables à tout instant, l’analogue du grand livre des mérites des hommes que, suivant la tradition, un Ange écrit constamment : la Mémoire Mondiale, partie de la Mémoire Divine. Une imagination ? Certes. Une anticipation ? Peut-être.

243.5 Télévision.
243.51 Notion.

a) La télévision consiste dans la transmission des images à distance. La télévision est l’expression générique. Elle comporte les divers procédés techniques ou méthodes pour atteindre le même résultat : transmission des images à distance sans fil. Le procédé se divise actuellement en deux groupes : 1° la Téléphotographie ; 2° la Télévision proprement dite (Photovision, Radiovision, Phonovision).

b) La télévision en tant que mode de transmission immatériel des informations est un substitut du livre. Mais en même temps, à la manière de la Télégraphie et de la Radiophonie, elle peut donner lieu à des documents. (On dit couramment Bellinogramme. Marconigramme, du nom des inventeurs.) Les documents sont ceux qui seront faits, en vue de l’émission au départ et ceux qui seront établis à la réception. On peut imaginer que l’image en mouvement transmise à distance y soit à nouveau cinématographiée à l’arrivée et aussi que tout un film créé au loin, puisse donner lieu, non seulement à une vision, mais à une reproduction à distance en tant que film.

On arrive donc à envisager trois moments : image statique (photo), représentation dynamique directe de l’image (cinéma), reproduction à distance sur documente nouveaux d’une image en mouvement « télévisée ».

c) La projection sans fil (télévision) conduira à une économie dans les films et dans le papier remplacé par l’écran.

243.52 Téléphotographie. Radio-téléphotographie.

a) La téléphotographie est la transmission à distance des textes, des dessins et des photographies, réalisée soit par fil soit par radio.

b) Le fond du problème à résoudre : traduire une image en courant électrique transmissible par fil ou par radio ; reconstituer ensuite l’image au point de perception. Ce au moyen de la cellule photo-électrique qui est le meilleur instrument pour la transformation des valeurs lumineuses en valeurs électriques. (Autrefois on se servait du selenium, métalloïde dont la conductibilité pour le courant électrique varie selon l’intensité de la lumière qui l’éclaire.)

Appareils Belin (français), Baird (anglais),. Larolus-Siemens (allemand).

Le procédé est celui-ci. La photographie ou la feuille portant le texte à transmettre est placée sur un cylindre qui tourne en progressant régulièrement le long de ton axe à la manière d’un écran sur une vis. Sur ce cylindre on fait tomber un pinceau lumineux intense. La lumière renvoyée tombe sur une pile photo-électrique.

Tout dessin, toute photographie est constitué par un assemblage de points blancs et noirs. C’est sur ce fait qu’est fondé toute la photogravure, la microphotographie et maintenant la télévision avec ou sans fil, avec ou sans mouvement.

Grâce à l’emploi de la cellule photoélectrique, on a créé l’« œil électrique ». Les sons sont transformés en signes lumineux et inversement : le cycle a été réalisé son — image — son.

Pour transmettre une photographie à distance, on ne dépasse pas aujourd’hui 2,500 éléments par image, soit par 20 images complètes 50,000 signaux par seconde. Pour transmettre correctement un film cinématographique (ce cas particulier de la télévision porte le nom de télécinéma) il faut décomposer chaque image en 300,000 éléments. Si le film se déroule à la vitesse de 20 images par seconde, il faudra six millions de signaux par seconde ou 60 fois plus.

243.53 Télévision proprement dite.

La télévision ne diffère de la téléphotographie que par le nombre des signaux qu’il faut parvenir à transmettre dans un temps très court. En effet, une impression lumineuse persistant pendant environ un dixième de seconde, les taches lumineuses produites sur un écran, les unes à côté des autres en moins d’un dixième de seconde, seront perçues simultanément et sembleront former une image d’ensembles continus.

La télévision fait l’objet d’essais en divers pays, notamment ceux de Rignaux et Baird. Les studios de Berlin et de Londres font des essais réguliers et quotidiens. Le jour est arrivé où les auditeurs de radiodiffusion peuvent, tout en écoutant une scène de théâtre, voir en même temps sur un écran évoluer les acteurs. L’association de la radiotélévision et de la radiotéléphonie supprime définitivement pour l’homme l’effet de l’éloignement puisqu’elle permet à tout instant de voir l’être qui lui est cher et de lui parler en quelque point du globe il se trouve.

243.54 Applications faites ou à envisager.

a) Des services publics de télautographie ont commencé à fonctionner. Sont admises à la transmission les images de tous genres, c’est-à-dire les photographies (positives ou négatives), films, dessins, plans, impressions, manuscrits, originaux, sténogrammes, etc. À l’arrivée, les télégrammes apparaissent noir sur blanc. Le format normal admis par l’usage est de 18 × 25 cm. La taxe de base est par cm².

b) Une société de 1.5 millions de dollars est fondée à New-York pour appliquer la télévision dès avril 1933. La télévision est annoncée devoir être courante dans un rayon de 200 milles autour du poste émetteur. Des studios sont prévus dans les grands centres. Les appareils de réception trop coûteux pour être achetés par la clientèle ordinaire seront placés en location à des prix abordables.

c) Le monde de la presse est sous le coup d’une révolution provoquée, d’abord par l’adoption des reportages téléphotographiques et ensuite et surtout par la mise au point du télé-journal ou projection télégraphique en bloc d’une page entière de journal.

La téléphotographie permet de projeter en même temps à Marseille, à Lille ou à Londres une page entière de journal composé à Paris (téléclichage) de telle sorte que le papier lui-même sortira en même temps dans ces différentes villes. En Chine où l’alphabet Morse rencontre de sérieuses difficultés à raison de l’écriture idéographique, le téléphotographe est utilisé pour transmettre intégralement un texte écrit.

d) Des scènes vivantes d’aspect seront reproduites en même temps à des millions d’exemplaires sur des dispositifs qui permettront au public d’obtenir la sensation de voir, suivant nature, se dérouler l’action des acteurs les plus distingués ou les panoramas les plus lointains, les plus pittoresques, sur une scène de théâtre et même chez soi, et d’entendre en même temps le chant et la musique lointaines, enregistrés par les appareils récepteurs. Il sera possible alors de pouvoir assister d’un fauteuil de spectacle et même de chez soi : 1° à l’exécution naturelle de scènes lointaines représentées par les plus grands acteurs du monde ; 2° au déroulement devant les yeux des panoramas les plus pittoresques du monde et au naturel, aussi bien, sinon mieux que pourrait le faire le voyageur, toujours à la merci d’un incident de voyage et de troubles fâcheux provoqués par les intempéries du moment où s’exécute le voyage ; 3° à l’exécution d’après nature, de travaux et d’expériences les plus inédits qui permettront de développer l’esprit de l’homme et de le mettre au courant de tous les progrès humains.[130]

La télévision a fait entrevoir cette possibilité : une représentation théâtrale donnée dans la capitale d’un pays pourra être vue et entendue par téléviseur et haut parleur dans toutes les autres villes du pays.

e) Bientôt la télévision sera un problème essentiellement résolu, comme il l’est déjà scientifiquement ; l’image se reproduit à distance sans fil. On peut imaginer le télescope électrique, permettant de lire de chez soi des livres exposés dans la salle « teleg » des grandes bibliothèques, aux pages demandées d’avance. Ce sera le livre téléphoté. Et à ondes courtes, on calcule qu’un appareil sommaire de transmission ne coûterait qu’une dizaine de francs-or. D’où la perspective qu’on pourrait avoir simultanément en émission toutes les feuilles d’un livre et les consulter de chez soi, dans le rayon d’une ville, pour commencer avec l’espoir ultérieur de plus grande distance. Un atlas encyclopédique de 100 planches conçu comme ouvrage de référence fondamental et émis en permanence par 100 appareils engagerait une dépense de 1,000 francs.

f) Un océanographe, le Dr Hartan, a imaginé un appareil destiné à enregistrer et à reproduire photographiquement ce qui se passe dans les milieux sous-marins qu’on ne saurait atteindre. L’observateur fait descendre au fond de la mer le transmetteur des télévisions. L’image apparaît sur un écran placé dans une chambre obscure du navire et il suffit d’appuyer sur un bouton pour photographier un paysage ou cinématographier une scène des fonds marins.

243.6 Spectacles. Théâtre. Fêtes. Liturgie.
243.61 Généralités.

a) Les spectacles en tant qu’ils reproduisent des scènes et présentent aux yeux des images vivantes sont des substituts de documents. Ce sont le théâtre, les cortèges, les représentations, les fêtes, distractions spectaculaires ; mais ce sont aussi les exercices des cultes et la liturgie.

D’autre part, les spectacles donnent lieu à des espèces particulières de documents, librettos, scénarios, programmes, annoncements, etc.

Spectacle a été défini dans un sens large : distraction due au mouvement artistique. Mais il ne s’agit pas des spectacles que n’inspire aucune pensée littéraire, tels que ceux des grands Music-Halls.[131]

b) Les spectacles reposent sur l’illusion. Celle-ci est l’apparence qui se présente à nous comme la réalité. Il existe autant de variétés d’illusions que nous avons de sens. On voit se produire tour à tour l’illusion de la vue, de l’ouïe, de l’odorat, du goût et du toucher. On peut déterminer six classes d’illusions :

1* Les illusions naturelles. Par ex. le mirage, la réfraction de la lumière, l’écho.

2° Les illusions pathologiques : tous les états mentaux relevant de la maladie.

3° Les illusions scientifiques : la plupart des instruments d’optique peuvent créer ces illusions. En particulier les glaces déformantes, le microscope même, qui a la propriété de faire paraître les objets plus gros qu’ils ne le sont réellement.

4° Les illusions artistiques : ce sont toutes les conventions qui interviennent, par ex. la perspective dans le dessin et la peinture ; la sculpture en relief ou en demi-bosse.

5° Les illusions du théâtre réalisées par le moyen des décors, des lumières, de la mise en scène, des imitations : orage, pluie, tempête, bataille, roulement de voiture, cloches, etc.

6° On pourrait ajouter l’illusion documentaire celle du document appelé à représenter la chose elle-même.

André Chénier écrivit : L’illusion féconde habite dans mon sein. D’une prison sur moi les murs pèsent en vain. J’ai les ailes de l’espérance.

243.62 Théâtre.

1. Notion.

a) Le théâtre est une reproduction de la vie, avec reconstitution des milieux historiques ou géographiques. Il devient de nos jours une synthèse de tous les moyens susceptibles de créer l’illusion de la réalité complétée par celle de l’art. La parole, la musique, le costume, la mise en scène, le mobilier et le décor.

b) Le théâtre n’est qu’une transcription, une interprétation de la vie exactement au même titre que les autres arts. (P. Souday.) C’est au théâtre que l’art déploie le mieux tous ses prestiges. Sur la scène, on fait apparaître tous les héros de la fable et de l’histoire, comme aussi les personnages et les passions du jour : tout favorise l’illusion. « Le spectateur est témoin, en quelques heures, de faits tragiques, qui rempliraient une vie entière. Des événements mémorables se passent sous ses yeux : il assiste à des entrevues fameuses, à des complots ténébreux, à des luttes décisives. Confident de tous les personnages, il est informé de leurs projets et mis au courant de leurs intrigues ; l’innocent lui est connu ainsi que le coupable ; il assiste à toutes les péripéties du drame, et il attend, en tremblant, le dénoûment. Il semble que l’art ici se surpasse lui-même, et que la scène l’emporte sur la tribune. Il n’en est rien cependant. La parole brille au théâtre, mais elle ne règne que par l’éloquence et le discours. » (E. Blanc.) Le théâtre est un des modes les plus importants de l’ « Expression ». Il permet aux hommes de se promener dans un fauteuil d’orchestre à travers les pays, les temps, les années, les sociétés.

c) Assembler les hommes, c’est déjà les émouvoir, disait Thiers. Le théâtre peut et doit servir l’évolution des idées. Sa voix éloquente plaide avec plus d’autorité que le livre ou le journal en faveur de la justice et de l’humanité. L’influence directe qu’il exerce sur l’opinion doit être, en certains cas, utilisée au mépris de toutes théories sur l’esthétique dramatique. Le spectacle fréquent de belles pièces doit faire partie de la culture intellectuelle, donc morale, d’un individu. Il lui donne au même titre qu’une lecture sérieuse, que la vue d’un noble tableau, que l’audition d’une belle symphonie, des idées plus hautes que les pensées médiocres où l’inclinerait la banalité de sa vie personnelle. Il éduque sa pensée et affine ses mœurs ; il moralise aussi, mais par un prêche déguisé. Il est vrai que le théâtre s’adressant à une foule hétéroclite, ne peut par suite aborder que les thèmes les plus généraux de la sensibilité humaine.

d) Le théâtre est redevenu un instrument systématique de la propagande. Les communistes organisent dans chaque pays une section du Théâtre Prolétarien. Les anticommunistes sont entrés dans la même voie.[132]

e) Le théâtre peut être considéré comme un moyen complexe d’expression d’idées très complexes ; une machine, un outil à penser.

f) La documentation peut sous plusieurs points de vue réclamer le Théâtre comme entrant dans son domaine. C’est évidemment un substitut du Livre : le livre joué. C’est par excellence une « représentation » fictive ou naturaliste de la vie elle-même, souvent une reconstitution historique. Le théâtre continue, sous la forme orale, la modalité que revêtait toute la littérature avant qu’elle ne fut écrite. Le théâtre repose sur l’illusion. C’est un substitut de la réalité. La littérature théâtrale est considérable. Elle a fait l’objet de grandes collections spécialisées

2. Histoire.

Le théâtre a une longue et complexe histoire.

a) Les hommes d’État de l’ancienne Grèce ont su tirer parti du théâtre, profiter de la curiosité des hommes pour les intéresser à des souvenirs patriotiques, à des pensées fécondes, propres à fortifier leurs cœurs, à élever les esprits. À épurer le goût par la vue et l’audition des chefs-d’œuvre. De là est né l’amphithéâtre grec. Ce fut dans un but patriotique que ces immenses constructions, d’abord taillées dans le flanc des collines comme à Orange, reçurent les dimensions suffisantes pour contenir toute la population d’une ville, même d’une république. Celui d’Éphèse aurait contenu jusqu’à 100,000 spectateurs. Ce fut un, puissant moyen d’influence, de direction des masses.

L’amphithéâtre d’Orange a 100 mètres de diamètre intérieur. La salle du Trocadéro construit en 1877 peut contenir 4,625 places (à l’instar de l’Albert Hall de Londres).

b) Les Confrères de la Passion furent au XVe siècle les véritables pères du Théâtre en France. Leurs mystères, miracles et moralités tenaient à la fois de la représentation et de la présentation. Le spectacle d’alors joignait à la simplicité du scénario, la multiplicité des plans dans le décor et dans ce décor, l’interminable défilé des épisodes et des images. L’Église à l’exemple du Christ, son fondateur, a toujours employé la parabole.

Au moyen âge on distinguait les différents genres de mystères. Les grandes pièces comprenaient les mystères de l’Ancien et du Nouveau Testament, de l’histoire grecque, de l’histoire romaine, de la vie des Saints. La représentation exigeait quelquefois quatre, cinq et jusqu’à vingt-cinq jours. Le mystère de la prise de Troie ne renfermait pas moins de 40,000 vers.

c) Louis XIV limita à trois les scènes de Paris en 1680. L’origine foraine des spectacles secondaires est due à la lutte entre les scènes privilégiées et la Foire. Celle-ci a vu éclore presque tous les genres hybrides. L’histoire des salles de spectacles correspond plus ou moins à celle des genres.

d) De nos jours, l’exploitation du cinéma est venue complètement bouleverser l’organisation routinière du théâtre. Le théâtre a maintenant lui-même des substituts. C’est le cinéma parlant, la pièce jouée une seule fois et filmée, peut être reproduite partout et à tout moment sans nouvelle intervention des acteurs humains. C’est aussi la pièce entendue au radio et que demain la télévision permettra de voir.

3. Espèces.

Il y a bien des espèces de théâtre, tragédie, comédie, drame, vaudeville, simple farce ; en prose et en vers ; parlé et en musique (opéra, opéra comique, opérette).

Des formes d’art nouvelles surgissent de temps en temps. C’est, par exemple, le Théâtre de Wagner à Beyreuth, le Gœthaneum à Bâle.

4. Composition dramatique.

Les traités de littérature résument les principes que l’histoire, l’expérience ou la convention ont imposés à la composition dramatique. Le nombre a été introduit dans le théâtre. La loi des trois unités, temps, lieu, action, remonte aux Grecs et a reçu une large application chez les classiques français. Il a été fait des recherches pour cataloguer et réduire toutes les situations dramatiques. C’est Gozzi qui en eut la première idée, Goethe le rapporte dans ses conversations avec Eckermann. Georges Polti a repris la question.[133] Gozzi établit que toutes les situations possibles se ramènent à 36. Il indique les références aux cas réalisés dans la littérature et il y ajoute des variétés (ex. le remords, les crimes d’amour, la révolte, etc.). Polti a aussi inventorié le nombre de surprises que nous pouvons éprouver dans l’art et dans la vie et il est arrivé au nombre de 1332 !

5. Personnes : les acteurs.

Au théâtre l’auteur s’adresse au public à l’intermédiaire des acteurs. Ceux-ci ajoutent ou enlèvent à l’œuvre. Il en est comme en musique où les compositeurs sont livrés aux exécutants, mais avec cette différence que la partition musicale réalise une notation plus étroite des intentions de l’auteur que ne le peut le libretto théâtral. Un bon acteur sait traduire avec sa sensibilité profonde les mouvements intérieurs des personnages complexes et nuancés. Il est des acteurs qui ne jouent par leurs personnages, mais qui incarnent, qui sont les personnages eux-mêmes. Ils participent alors à ce caractère d’être eux-mêmes des documents vivants, étant des substituts (des sosies) de ces personnages.

6. Locaux et salles de spectacles.

Les salles de spectacles ont une grande importance. D’elle aussi l’on peut dire que ce sont des appareils à voir et à entendre. Dans l’antiquité, la première forme que revêt l’espace dans lequel le spectacle se déroule est un cercle au centre duquel on organise des danses et des luttes. Plus tard, les règles du jeu se fixant, on leur réserva un emplacement qui fut doté d’une forme architecturale. On y découvre deux types distincts : le cirque et le théâtre. Le cirque embrasse toute la superficie d’un cercle (360°), son prototype est l’arène. Le théâtre arrive d’emblée à une forme parfaite chez les Grecs. Il se modifie à la période romaine ; au moyen âge pour la représentation des mystères, les trois porches des cathédrales servent de scène et le parvis de salle de spectacles. Le théâtre de Shakespeare, datant du XVIe siècle s’écarte de ces formes. Dans les temps modernes, par suite de la rigueur des climats dans le Nord et de la fréquence des représentations qui deviennent journalières, les spectacles quittent le plein air et se donnent dans un espace fermé. Au XIXe siècle deux types : la Scala de Milan et le Théâtre Wagnérien de Beyreuth. Au XXe siècle, quatre types : le théâtre (Van de Velde à Cologne, Gropius), la salle de concerts (salle Pleyel de Gustave Lyon et salle du Palais des Beaux-Arts à Bruxelles), la salle des conférences (projets de Hannes-Meyer et de Le Corbusier pour le Palais de la Société des Nations), la salle de cinéma, salle à visions et sons, reproductions et figures, mixtes entre la salle de théâtre et de concert ; il en est de quatre types : le rectangle, le trapèze, le cercle, l’ové. Le théâtre a réalisé des perfectionnements en ce qui concerne la salle et des dégagements et également l’agencement de la scène et des coulisses. Les besoins de la mise en scène ont considérablement évolué. Un plateau-modèle d’aujourd’hui ne ressemble guère à celui d’hier.

7. Mise en scène.

Jadis on était indifférent à la mise en scène. De nos jours on cherche à placer les pièces dans leur milieu. Les reconstitutions ont été nombreuses. On a même fait du théâtre pour avoir l’occasion de faire de l’archéologie. En ce qui concerne le costume, la réforme remonte à la Clairin et à Lekain. Mais la grande réforme de la décoration est du début de ce siècle. Les hommes dans un décor ; des indications plastiques infusant une vie particulière, intense, à l’image visuelle ; les masses et les individus soumis au rythme de l’ensemble. Les drames fantastiques, les féeries, les pièces à tiroirs sont conçues par les auteurs dramatiques en se servant de maquettes et des machines théâtrales, des « trucs » que leur proposent les petits inventeurs, ou qu’à leur tour, ils font établir. Les maquettes sont ensuite réalisées en augmentant les proportions.

8. Pays.

a) Allemagne. — Le théâtre occupe une place importante dans la vie intellectuelle de toutes les grandes cités allemandes. Il y a en Allemagne 250 théâtres. À l’opposé de ce qui se passe en France, où Paris seul consacre le succès d’une pièce, en Allemagne toutes les grandes villes peuvent créer des œuvres de valeur.[134] En Allemagne, sous l’influence des idées émises par Gordon Craig dans The Mask, M. Reinhardt, directeur du Kamerspiel et M Brahm, directeur du Lessing’s Theater, ont à Berlin poursuivi des études complètes de mise en scène. Mais c’est au Schauspielhaus de Düsseldorf qu’elles ont été poussées le plus loin. Ce théâtre a été fondé en 1905 par Gustave Lindeman et sa femme Louise Dumont. (Pièces : Médée, Faust, La Fiancée de Messine, etc.). Le théâtre s’est transformé en Allemagne en ces dernières années. Tandis que périclitent les théâtres dits d’affaires, les théâtres populaires prospèrent étonnamment. Celui de Berlin groupe 160,000 membres disposant de trois immeubles. C’est un grand mouvement de socialisation du théâtre au service d’une idéologie politique et qui rejoint les théâtres communaux exploités sous le contrôle direct des conseils communaux. Des écoles d’art théâtral ont été annexées à quelques universités. L’Institut de Kiel détient la plus grande bibliothèque théâtrale d’Allemagne.

Chez les peuples germaniques, le théâtre n’est pas un simple instrument de délassement. C’est un organe de la pensée et un instrument de l’éducation, au même titre que l’Université, la Bibliothèque, le Musée. Des théâtres y reçoivent des subventions de millions.

b) Russie. — Au théâtre bourgeois, expression de la classe possédante, le « Théâtre Prolétarien » oppose le théâtre de masse moyenne, expression des aspirations profondes des travailleurs manuels et intellectuels. À ce contenu nouveau, procédant d’une idéologie et d’une littérature nouvelle, correspond également une technique en tous points nouvelle.

9. Corrélations.

a) Texte écrit, texte lu, texte lu à haute voix, déclamation, théâtre, ce sont les termes d’une même série et ils sont en corrélation.

b) La genèse de l’opéra est pleine d’enseignements sur le mouvement qui conduit les arts à s’associer. L’opéra est une synthèse de plusieurs arts. En France, on fut longtemps hostile aux opéras italiens qu’avait introduit Mazarin. Le goût français s’effarait encore à l’idée d’un spectacle, comédie ou tragédie, dont toutes les paroles fussent chantées. Les gens de lettre étaient toujours plus ou moins ennemis de la musique et ne voulaient pas accepter qu’elle pût entrer en concurrence avec la poésie. Corneille la reléguait dans les entr’actes, pendant les changements de décor.

c) Il y a analogie frappante entre ce que les peintres nomment composition et ce que les gens de théâtre nomment mise en scène, c’est-à-dire entre l’art de disposer sur la scène les personnages d’une comédie, ou d’une tragédie et l’art de disposer les personnages d’un tableau sur la toile. Les acteurs forment une succession de tableaux d’expression essentiellement mobile et fugitive, mais qu’il suffirait de photographier instantanément pour les transformer en autant de compositions heureuses ou saisissantes. Au retour, on peut considérer telle ou telle toile de peinture historique comme de véritables tragédies jouées en pantomime et immobilisées devant nous. Une différence : le peintre trouve dans la distribution des lumières et des ombres un moyen de donner de l’importance à ses figures principales, tandis qu’au théâtre, sauf jeux de lumière spéciaux, l’éclairage est uniforme.

243.63 Fêtes. Jeux publics.

a) Dans la célébration des Fêtes, la distinction entre acteur et spectateur disparaît. Chacun est participant. Les fêtes sont des solennités religieuses ou civiles instituées en commémoration d’un fait jugé important. On trouve ces fêtes chez tous les peuples à toutes les époques de leur histoire. Chez les Grecs, les Bacchanales ou Dionysiaques, les Eulésies, les Panathenées, les Jeux Olympiques et Pythiens, les Panhellénies ; chez les Hébreux le Sabbat, la pâque, les Tabernacles. Chez les Romains les Ambarvaces, les Lupercales, les Saturnales, les féeries latines. Chez les Chrétiens, l’Annonciation, la Noël, la Passion, Pâques, l’Ascension, la Pentecôte, la Toussaint. En France les fêtes étaient des combats simulés, des tournois, des chasses, des festins plus tard les entremets, les mystères, le théâtre, la musique, les mascarades. Avant la révolution, il y avait 82 fêtes par an où l’on chômait, ramenées par le concordat à 4 sans compter les dimanches. Chez les Grecs, les moyens des fêtes étaient les sacrifices avec tout l’appareil pompeux des cérémonies, des processions où la jeunesse étale ses attraits, des pièces de théâtre, des danses, des chants, des combats où brillent tour à tour l’adresse et le talent, combats gymniques au stade, combats scéniques au théâtre. Chaussard (Fêtes et courtisanes de la Grèce) a subdivisé les fêtes de la nature en « Création, Rénovation, Exaction, Dégradation ».

b) Les jeux et les spectacles de toute sorte ont toujours fait partie des réjouissances publiques et même des solennités qui ont un autre caractère. Ainsi les anciens célébraient les jeux funèbres aux funérailles des héros, des rois ou des princes. Dans l’Iliade sont décrits les jeux donnés par Achille, après la mort de Patrocle. À Rome, les jeux funèbres affectèrent un luxe inouï. Tibère les interdit à ceux qui n’avaient pas au moins 400,000 sesterces. Mais ils ne furent abolis que par Théodoric (600). Les jeux les plus célèbres sont ceux que célébraient les Grecs à Olympia, à Némée, etc. en l’honneur de Jupiter ou de quelque autre dieu. On y voyait accourir la nation tout entière, avec ses athlètes les plus fameux, ses poètes les plus vantés, tous ceux qui étaient avides de gloire. On y disputait, en effet, tous les prix, ceux de la force, de l’adresse, de la poésie, de l’éloquence. On a essayé de nos jours de rétablir les Jeux Olympiques. Ils ont aujourd’hui leurs analogues mais bien inférieurs, dans les concours de toute sorte : courses de chevaux, de vélos, d’autos, etc. À Rome les jeux dégénérèrent en combats de gladiateurs et autres spectacles cruels. C’est à ce genre de spectacle dégradant qu’on peut rattacher les courses de taureaux.

c) Parmi les signes de fête et de joie publique se font remarquer les illuminations, pratiquées de tous temps et chez tous les peuples. Les Romains se servaient de torches de pin pour illuminer, pendant leurs jeux séculaires. Les Grecs avaient leurs lamptéries. leurs processions aux flambeaux aux mystères d’Éleusis. La fête des lanternes est célébrée en Chine de temps immémorial. Aujourd’hui la science a mis ses merveilleuses ressources au service de nos réjouissances civiles ou religieuses : gaz, électricité, feux d’artifice, etc. Parmi les illuminations périodiques et religieuses, citons : celle de Rome pour la Saint-Pierre ; celle de Lyon en l’honneur de l’Immaculée Conception.

d) Les fêtes et les manifestations jouent un rôle de premier plan dans le nouveau régime allemand. C’est M. Goebbels, Ministre de la Propagande, qui y préside.

243.64 Cérémonies civiles. Étiquette.

Les cérémonies civiles comprennent toutes les formes extérieures observées dans les actes solennels. Elles comprennent le cérémonial d’État et de Cour, le cérémonial diplomatique ou d’État à État, le cérémonial officiel, qui règle les rapports entre fonctionnaires, les préséances, etc. Toutes ces questions d’étiquette et d’observances civiles, dont l’ancien régime a exagéré sans doute l’importance, ne laissent pas de mériter l’attention. Les cours, et mêmes les maisons des présidents de république ont leurs maîtres de cérémonies ou des dignitaires qui en exercent les fonctions : introducteurs des ambassadeurs, etc. L’histoire a conservé le souvenir de M. de Ségur, grand-maître des cérémonies sous Napoléon Ier, comme un Dreux-Brézé l’avait été sous Louis XVI. Il existe aujourd’hui, au ministère des affaires étrangères, un Bureau du protocole, qui remplit le même rôle. On entend, en effet, par protocole diplomatique ou protocole, le cérémonial à suivre dans les rapports politiques. Il embrasse les qualifications et titres attribués aux États, aux souverains, aux ministres, etc., les formes courtoises à observer dans les documenta politiques. L’application de ce cérémonial est jugée important pour le maintien des bonnes relations et de la paix publique. Mais depuis la guerre, bien des choses ont changé à ce sujet.

L’Étiquette se dit spécialement du cérémonial de Cour, qui règle les rapports du souverain ou des princes et des hauts dignitaires avec ceux qui les approchent. Elle était très sévère chez les monarques d’Orient, où certaines infractions pouvaient être punies de mort (ainsi histoire d’Esther). Les Byzantins la cultivèrent aussi avec son formalisme. Elle fleurit à la cour de Bourgogne, au temps de Philippe le Bon. De là elle passa en Autriche puis en Espagne, où elle régna avec vigueur. Introduite en France par Anne d’Autriche, elle contribua pour sa part à la splendeur, tantôt vraie et tantôt factice, du règne de Louis XIV. Le Dictionnaire des étiquettes de Mme de Geneis est la somme de toutes les règles suivies alors à la Cour de France. L’étiquette disparut avec l’ancien régime et l’Empire ne réussit pas à la rétablir. Utile en elle-même, l’étiquette devient, par l’abus qu’on en fait, ridicule, tyrannique et intolérable.

243.65 Culte. Liturgie.

a) Le Culte est l’ensemble des formes que prend la religion, les actes qu’elle inspire à l’homme dans ses rapports avec Dieu. Le culte est intérieur et extérieur. Toutes les religions ont donné une place au culte. L’Église catholique accompagne l’exercice du culte de cérémonies de grande pompe. Le livre y est intimement lié (Évangeliaires, livres d’heures, livres de prières).

b) Les cérémonies religieuses règlent ce qui a rapport au sacrifice, aux offices ou prières publiques, à la liturgie, à l’administration des sacrements : baptême, mariage, aux funérailles, etc. Elles sont instituées pour rehausser le culte divin, élever l’esprit de l’homme et l’instruire en honorant la divinité. On distingue les rites essentiels aux sacrements que Jésus-Christ lui-même a institués, et les rites qui ont été établis par des apôtres ou leurs successeurs. S. Denys, l’auteur de la Divine hiérarchie, dit que les cérémonies furent instituées par les apôtres et par leurs successeurs « afin que selon la portée de notre entendement, ces figures visibles fussent comme un secours par lequel il nous fût possible de nous élever à l’intelligence des augustes mystères ». Le Concile de Trente défend d’omettre ou de changer les cérémonies employées pour l’administration des sacrements, alors même qu’elles ne sont point essentielles. Cette défense regarde en particulier les évêques, qui ne peuvent dès lors composer des rites particuliers.

c) Un mouvement Qui a son siège à l’abbaye du Mont César de Louvain tend à la participation active des fidèles (des laïcs) aux actes du culte catholique, à la richesse et à la variété du cycle liturgique. Plus de spectateurs muets, de témoins passifs. « L’historien, l’archéologue, y verra une restauration d’usages abolis par une évolution que l’on ne juge pas toujours heureuse. L’homme d’action, un moyen d’associer les âmes non plus seulement dans les œuvres apostoliques, mais dans la manifestation et l’exercice de la vue religieuse la plus essentielle. Le psychologue un procédé d’ascétisme éprouvé par les siècles et approuvé par l’Église. Mais il est un point de vue supérieur à ceux-là. Si le culte est prière et action du corps mystique de l’Église, la participation à ce culte, plus qu’une méthode salutaire, est une pratique nécessaire. Elle tient aux profondeurs et à l’essence même de la vie chrétienne envisagée dans sa réalité collective. La vie liturgique est la participation des âmes au culte public, participation qui n’a guère de valeur sans cette union profonde et spirituelle. »[135]

d) La musique religieuse est de première importance dans le culte. Dans l’Église orthodoxe les chants revêtent une grande ampleur, chez les Protestants se sont les Hymnes et les Cantiques. Dans l’Église catholique, le plain-chant et la Réforme grégorienne, la grande supplication du Kyrie, la grande louange du Gloria et du Sanctus, la grande affirmation théologique du Credo, les tendresses du Benedictus (Roland de Lassus, Palestrina, Marcelle, Bach, Haendel, Beethoven, Mozart). La musique religieuse est transmise par le livre (Manuscrits des moines, Antiphonaires, Partitions).

e) « Une musique spécifiquement religieuse devrait s’incorporer au culte au point de ne jamais s’en distinguer. Il y faut cependant le travail des siècles : la liturgie de la Messe elle-même, si fixée qu’elle nous paraisse dans ses parties essentielles, a mis du temps à imposer sa forme, sa déclamation, sa mélodie. Le grégorien a été une nouveauté comme plus tard le palestrinien, peut être aussi choquante à l’origine (Ghéon). »

« Rome a arrêté les novateurs qui proposaient d’introduire le phonographe à l’office même. La musique et surtout le chant d’église, n’est, fut-il dit à ce propos, un simple ornement artistique, une décoration accidentelle que chacun varie et applique à sa façon. L’Église chante parce que parler ne suffirait pas à l’élan de sa prière et ce chant est sa prière. Il doit traduire les sentiments du cœur humain par un acte conscient et personnel, chaque fois renouvelé de son être vivant : nulles machines, si perfectionnées qu’elles soient, ne peuvent être substituées à la voix que Dieu a donné aux hommes pour le louer. »[136]

243.66 Divers.

a) Myologie expressive. — Les divers mouvements de l’âme s’expriment d’eux-mêmes sur notre visage, sans le concours de notre volonté par le jeu des muscles de la face. C’est ce que l’on nomme physionomie. On a fait de cette partie de la myologie une étude approfondie et savante (Notamment le prof. Gratiolet.)

b) Danse. — Au point de vue chronologique, la danse se place parmi les arts les plus anciens. Geste instinctif et geste étudié de la poésie et de la musique. Les gestes de chaque individu, les gestes les plus naturels, ceux de chaque jour, de tous les instants sont adaptés, rendus spectaculaires, grossis ou amoindris selon les besoins de la cause et les lois de l’optique scénique. La mimique du visage contribue, en plus du geste, à donner à la danse un cachet d’humanité. La danse classique est une série de pas qui sont classés, définis et qui forment pour le danseur l’alphabet dont il se servira pour créer avec la musique une danse dont tous les pas sont prévus, comme rendement, durée et fin. Dans la danse tous les éléments dansants participent à un tout qui se révèle homogène, dirigé par un chef, chargé de traduire par le geste une idée ou une pennée, avec un vocabulaire de gestes illimité. « Chaque geste des interprètes trouve, en se prolongeant dans notre esprit, une signification et une résonance propre à chacun des spectateurs et cela selon ses réflexes personnels. La danse pratiquée de cette manière est plus logique et plus claire, elle exprime par le geste, ce que l’on ne dit pas et ce que l’on ressent. C’est une langue. C’est un poème, c’est une musique oculaire. »[137] Les ballets russes, et après eux d’autres spectacles, ont réalisé de véritables petits chefs-d’œuvre d’harmonie à argument, musique, chorégraphie, décors, costumes.

c) Costumes et uniformes. — La vie sociale a longtemps eu recours aux costumes et aux uniformes pour exprimer ses hiérarchies et son histoire. Avec le militarisme, l’uniforme a pris une grande importance. Les récents mouvements politiques lui ont fait une place presque fondamentale. (Chemises noires de Mussolini, chemises brunes d’Hitler.)

Une organisation active, a dit Einstein, est nécessaire pour dramatiser la paix. Et l’Internationale verte s’est présentée « comme un nouvel ordre de vie dans un monde nouveau ». S’adressant à la vie, cet ordre est réalisé par de» symboles, des couleurs, des drapeaux, et aussi des gestes, des machines et des parades extérieures. La nouvelle « Union internationale pour la paix », créée par la Jeunesse, veut aussi revêtir ses membres de brassards et d’uniformes.

d) Voyage. — Il est également un spectacle, une documentation instructive qui passe sous les yeux. Voyager ou pénétrer soi-même dans certains milieux, c’est recevoir les sensations directes des choses et vivre au milieu d’elles, agir en fonction d’elles.

Aller voir de visu ce dont on a lu les descriptions ou compléter un plan de lectures par un plan de voyage ; les une» devant précéder, les autres suivre. Avoir visité le monde.

e) Les Institutions. — Au delà des œuvres d’art, il y a pour les peuples leurs institutions, faites de leurs lois fondamentales. Elles sont comme une « objectivation » d’eux-mêmes et chez certains un grand passé s’y déploie bien plus qu’en des documents et des œuvres d’art. Sur le plan de l’Histoire, on parle toujours d’Athènes et de Rome et non de Paris, Berlin ou Londres, parce qu’elles n’ont ni l’Acropole ni le Forum. Le folklore, qui est devenu une science et est entré dans la sociologie, est proche des institutions.

243.7 Les œuvres d’art. L’art.
243.71 Généralités.

1. — Notions.

a) L’art est l’homme ajouté à la nature : Homo additus Naturæ (Bacon), (Définition qui pourrait d’ailleurs s’appliquer tout aussi bien à la science qu’à l’art.)

L’art a pour but de manifester quelque caractère essentiel ou saillant, partant quelque idée importante, plus clairement et plus complètement que ne le font les objets réels. L’œuvre d’art tend à se nourrir de toute la science, de toute la vie personnelle et sonnante de son époque. Il résume la vie, car c’est l’époque qui crée son style et son visage. (Taine.)

L’art, c’est la plus sublime mission de l’homme, puisque c’est l’exercice de la pensée qui cherche à comprendre le monde et à le faire comprendre. (Rodin)

L’art est la métaphysique émue. (Définition de la revue Rythme et Synthèse.)

L’art, machine à émouvoir. — L’œuvre de science s’attache à reproduire la réalité, l’œuvre d’art est une transformation de la réalité, déformation, humanisation, création.[138]

b) L’art a tenté la transmission et l’assimilation des manières de sentir entre les hommes. Il a passé sur toutes leurs sensibilités, mis en vibration son archet magique, les disciplinant, les accordant par l’imposition douce des sensations plus exquises de l’artiste qui se répandent contagieusement dans son public. L’art a socialisé les sensibilités comme la religion ou la science, les intelligences, comme la politique ou la morale, les volontés. (G. Tarde)

c) Le raisonnement, l’esprit, la partie claire en nous n’est qu’une partie de nous. Il y a tout le domaine des idées confuses, des sentiments, des sensations, des tendances. L’art et la science sont des modes d’expression de ces deux parties de nous-mêmes. La science (connaissance exacte, raisonnée) agrandit tous les jours son domaine, sciences et techniques nouvelles, programmes d’action consciente. La science envahit le domaine de l’art. Le livre scientifique exproprie le livre d’art et de littérature. Mais tandis que les frontières de l’art (l’expression de la personnalité de l’homme) reculent ainsi d’un côté, de l’autre elles s’étendent. Au grand art, la peinture, sculpture, musique, sont venus s’ajouter les arts industriels qui fournissent à l’homme de nouvelles occasions d’exprimer sa personnalité : l’art dans tout ce qui nous entoure, chez nous, dans la cité, à l’atelier, dans l’édifice public. Puis la compréhension de l’art dans la nature. Enfin voici que les plus hauts penseurs conçoivent la vie elle-même de chacun, comme une œuvre d’art, et instaurent le bon goût en règle suprême de la conduite.

d) On l’a dit. L’homme moderne sait qu’il n’est de réalités profondes que celles qui nous affectent directement ; il se complaît aux ingénieux agencements de la science et de l’industrie, mais il a besoin de ces certitudes idéales qu’autrefois la religion donnait : doutant d’elles et des métaphysiques, il est ramené à lui-même et le monde vrai se passe au dedans de lui ; ce vide angoissant ce n’est ni l’action seule, ni les jouissances du corps qui peuvent les remplir, ni même la spéculation pure, qui ne donne guère de pâture aux sens. À l’art de pourvoir à ce besoin que fera de plus en plus impérieux, la vacance que la machine donne à l’homme ; soulagée du labeur abrutissant qui réduisait la pensée, et privée de la religion, une époque sans art vivrait de durs moments angoissés. L’art aura mission de distraire supérieurement et de donner ce contentement exalté sans lequel le calme de l’âme est impossible ; il doit même faire vivre de beaux rêves éveillés ; plus iront les temps machinés, plus l’homme aura besoin de jouer de ces cordes qui semblent reliées à l’infini.

2. — Éléments constitutifs de l’œuvre d’art.

a) Les facteurs déterminant l’art en son évolution sont nos sens, susceptibles d’une perfection dont nous ignorons le terme ; la raison ; d’impérieuses nécessités physiques ; les sentiments ; l’ambiance économique sociale, politique et culturelle.

b) L’art comporte trois éléments distincts ; 1° la représentation esthétique de la réalité (art graphique, plastique et scientifique) ; 2° des créations de lignes et de couleurs hors toute signification réelle (les ornements) ; 3° l’élément suprasensible.

La portée de l’œuvre artistique s’apprécie aux trois points de vue : 1° sa valeur en soi ; 2° ses qualités techniques ; 3° sa signification à l’égard de la civilisation au sein de laquelle elle naît.

3. — Facteurs de la production des œuvres d’art.

La création artistique est le résultat de la mise en œuvre de nombreux facteurs. Cette création a fait l’objet d’études approfondies.

« L’art et la volonté, dit Schwob, ont leur source dans ce qu’il y a de plus individuel en nous, dans le centre de toutes nos facultés. Aussi l’essence de l’art c’est la liberté, tandis que la science cherche la détermination. Celui qui fait prédominer dans notre personnalité un élément au désavantage des autres amoindrit l’art parce qu’il restreint le libre mouvement de l’individu, »[139]

Pour le Dr Weiss (Rivista Italiana di Psicoanalisi, n° 1, 1932), la différence entre les fantaisies ou rêves divins et l’œuvre d’art consiste en une attitude spéciale du Sur-Moi qui se laisse corrompre par la beauté et donne son absolution à ce qui n’est en somme qu’une réalisation future d’instincts réprouvée par l’artiste même. D’autre part la création artistique peut être interprétée comme une espèce de maternité et répond de ce fait à une attitude féminine qu’on retrouve dans chaque artiste.

243.72 Évolution.

a) Au début l’art était très simple, comme toutes les manifestations sociales. La musique avait des modes simples, les belles lettres des images purement symboliques et représentatives comme les hiéroglyphes ; la peinture était décorative, comme un accessoire de la statuaire et de l’architecture, la sculpture, comme une fonction artistique différenciée et indépendante ne s’appliquait qu’à l’architecture ; celle-ci se réduisait à la satisfaction du besoin que l’homme éprouve de s’abriter contre les intempéries et les agressions.

b) Les Chaldéens, les Perses, les Grecs et les Romains avaient donné à leurs prêtres la splendeur des costumes et la pompe des cérémonies ; les mêmes ancêtres spirituels ont transmis aux chrétiens leur plain-chant solennel. Les corps de métiers de Byzance et de l’Europe occidentale ont élevé des basiliques admirables, puis sont venus peintres et sculpteurs qui ont décoré les nefs et les chapelles et ont transformé telle cathédrale en un musée. Tous les arts, nés de l’initiative individuelle et presque toujours sous l’influence de quelque poussée de rébellion, se sont associés en cortège à la religion catholique. Plus tard chacun des arts s’est émancipé de l’église et ce qui est jeune, nouveau, créateur, s’est fait en dehors d’elle. (E. Reclus)

243.73 Esthétique.

a) À mesure que les œuvres d’art ont été produites, ceux qui ont réfléchi à ce qu’elles étaient, les esthètes, les philosophes et les historiens de l’art, les critiques, ont édifié des théories explicatives, dégagé des normes, entrevu de nouvelles possibilités.

b) Le Beau est tout ce qui enrichit le trésor de notre vie intérieure. Il y a émotions esthétiques quand notre moi se sent agrandi en étendue, en richesse ou puissance, de quelque chose qui vient d’une autre personnalité humaine. Les facultés esthétiques se ramènent à un pouvoir d’expression chez l’artiste, à un pouvoir de sympathie chez le témoin.

c) L’idée de beauté est l’obsession divine des grands artistes comme l’idée de vérité obsède les philosophes et les savants. Elle est le fruit spirituel de l’idéal de perfection qui hante l’âme des hommes depuis que leur pensée, chercheuse de clarté et de logique, a voulu créer à l’imitation des rythmes de l’univers, de l’harmonie. L’esthétique est la mystique du sensible point de départ de la contemplation, commencement visuel ou auditif de l’extase, le fondement même de l’amour. La perception du beau n’est point égale chez les artistes. Elle est relative aux puissances ou aux limitations de leur psychologie ou de leur pouvoir de création. Le plus grand triomphe de l’art est quand il suscite en nous les émotions les plus profondes et les pensées les plus sublimes. Les plus belles formes doivent encadrer les plus belles idées. L’art doit être l’enchantement de la culture humaine, la manifestation sociale de l’idéal de beauté.[140]

d) Le développement des beaux-arts a consisté en une intensification systématique des plaisirs ressentis par l’œil et par l’oreille ; développement simultané de deux voies : accroissement de la capacité de jouissance (subjective) ; accroissement des moyens de jouissance des autres (objectif).

243.74 Espèces d’art.

a) Il y a un grand nombre d’arts. L’art basé sur l’ouïe est la musique.

Les arts basés sur la vue sont au nombre de quatre principaux : la sculpture, la peinture, l’art des jardins, l’architecture. Les trois premiers sont une imitation de la nature. La sculpture donne la forme ; la peinture donne la couleur et la représentation de la forme ; l’art des jardins est la nature elle-même adornée ; l’architecture est l’anneau reliant les beaux-arts et les arts pratiques. On a rangé parmi les arts, le théâtre, la danse, les arts décoratifs, la photographie et le cinéma.

b) Tolstoï a établi une distinction entre l’art des classes riches, fait de séduction maladive et de sensualité, art de plaisir et de luxe autant dans le domaine littéraire que dans celui des arts plastiques, et l’art du peuple qui pourrait être celui qui exprime les grands sentiments humains de ceux qui travaillent, les grandes idées qui sont le fond des aspirations sociales.

c) La faculté de prendre plaisir aux formes et aux objets réguliers a précédé celui de prendre plaisir aux objets irréguliers. Les sauvages sont insensibles à la beauté des paysages. L’humanité n’a découvert aucune des beautés de la nature, maintenant devenues classiques, jusqu’au XVIe et XVIIe siècle, et cela est aussi vrai des races Indo-Germaniques que des autres.[141]

243.75 Architecture.

a) L’architecture est l’art de bâtir suivant des règles déterminées par la destination des édifices. Elle est l’art de diviser et d’enclore l’espace. Il y a l’architecture religieuse, civile, militaire, hydraulique, industrielle. Il n’y avait de monuments parfaits selon les Grecs que ceux possédant à la fois la beauté, la commodité et la solidité. Pour réaliser la beauté, la composition architectonique doit avoir égard à l’ornementation, à la symétrie, à l’harmonie ou eurythmie, à la convenance. La commodité dépend de la situation, de la forme, de la distribution des diverses parties. Les modernes ont renversé un grand nombre de ces principes.

b) Plus durable que la plume, plus impressionnante qu’elle, la pierre est parfois une excellente expression de l’esprit. Un grand monument, les bâtiments destinés à des institutions intellectuelles (instituts, laboratoires, musées, bibliothèques) portent pour toujours l’empreinte de leur créateur ; quand l’idée est fertile, elle grandit ; la pierre suit.

c) L’ « architecture feinte » est le nom donné à des peintures décoratives qui, par le moyen de la perspective linéaire et des couleurs, reproduisent tous les détails de l’architecture réelle. Fort employée autrefois, surtout en Italie, on l’a appliquée aux décors de théâtre et pour ceux des fêtes et réjouissances.

243.77 Sculpture.

a) Les productions originales de l’art statuaire sont en marbre, pierre, bois, métal ou toute autre matière. Ce sont des statues, bustes, haut et bas-reliefs, sujets, groupes, reproduction d’animaux, etc. N’y sont pas compris les sculptures ornementales de caractère commercial (chapiteaux, colonnes, cheminées).

b) L’homme très tôt a produit des œuvres de sculpture. On en a trouvé dans les cavernes des primitifs. Les Égyptiens, les Assyriens, les Perses, les Grecs, les Romains nous ont laissé des œuvres de sculpture remarquables et souvent d’une grande perfection : statues de dieux, idoles, bas-reliefs. Les Grecs commençaient à exécuter des bustes en ronde bosse vers le temps d’Alexandre. À Rome, les premiers bustes furent les images des ancêtres, en cire coloriée, en marbre, en bronze, même en plâtre moulé sur nature.

c) La statuaire est plus ou moins près de la réalité, depuis le bas et le haut-relief jusqu’à la représentation en ronde bosse.

Dans le bas-relief proprement dit, les figures sont peu saillantes et comme aplaties sur le fond ; dans le demi-relief ou demi-bosse, les figures sortent de la moitié de leur épaisseur ; enfin, dans le haut-relief ou plein-relief, les figures sont presque détachées du fond. Les Assyriens, les Grecs ont laissé de superbes bas-reliefs ; ceux du Parthénon, par exemple, sont encore des modèles. Parmi les bas-reliefs romains, citons ceux de l’Arc de Titus et de la Colonne Trajane.

243.78 Les Œuvres d’art et la Documentation.

a) Les œuvres d’art, les monuments figurés, sont des documents. Elles sont l’expression de cette partie de la réalité qui est l’homme, le sentiment de l’homme. Par exemple, toutes les productions de l’art, interprètes de symboles et d’allégories, la peinture, la sculpture, l’art des vitraux, des tapisseries, des vases, l’architecture même en un certain sens. La cathédrale du moyen âge fut appelée le Livre du Peuple qui pouvait voir et ne savait pas lire. Dans les œuvres d’art sont incorporées des données intellectuelles et les œuvres d’art donnent lieu à des reproductions. Par ces deux côtés, les œuvres d’art sont rattachées à la documentation, puisque les documents se définissent incorporation de données susceptibles de reproduction.

b) Les œuvres d’art intéressent la documentation sous plusieurs aspects : 1° la notion de représentation visuelle des objets, des idées et des sentiments ; 2° la mise en œuvre du dessin et de la couleur ; 3° l’idée de beauté, animatrice et directrice de la production des œuvres et qui comme elle inspire aussi les œuvres littéraires ; 4° la littérature considérable à laquelle a donné lieu l’art, sa théorie, sa pratique, ses œuvres, sa critique et son histoire ; 5° le parallélisme historique dans le développement des lettres et des arts, tous deux également effets et facteurs de la culture ; 6° la reproduction des œuvres sous les formes matérielles du document ; 7° la place énorme que l’art a pris dans la documentation de tout sujet et réciproquement celle des méthodes de la documentation appliquées aux œuvres d’art.

c) La langue du peintre n’est pas la même que la langue du poète. Le peintre n’a pas besoin de traducteur. La toile, pour être comprise, n’exige aucun truchement. Le peintre s’adresse au public national ou étranger, directement sans intermédiaire. Il travaille pour le monde entier. De là les influences immédiates de l’art pictural.

Les œuvres sculptées aussi ont un caractère hautement documentaire, outre leur caractère artistique. Ainsi les Prophètes, les Vices du portail de la cathédrale d’Amiens, les bas-reliefs des porches de Notre-Dame de Chartres, les œuvres sculpturales de tant d’autres cathédrales constituent l’interprétation en pierre de conceptions bien définies.[142]

Il nous est parvenu quelques 25,000 vases grecs. C’est un riche répertoire documentaire plus sûr que les textes. Il nous donne une idée de la grande peinture dont les originaux sont irrémédiablement perdus. Articles industriels, ces vases se prêtent à un classement géographique et chronologique infiniment mieux que les vestiges de la statuaire.

d) Collections. — Les œuvres d’art sont réunies en des collections publiques ou privées (musées, galeries, Pinacothèques, Glyptothèques). Les plus célèbres sont, en France, celles du Louvre et de Versailles ; à Rome, celles du Vatican et du Palais Farnèse, celles de Florence, de Dresde ; les deux Pinacothèques (ancienne et nouvelle) de Munich ; les musées de Leningrad, Amsterdam, Bruxelles et les musées du Nouveau monde, entr’autres ceux de New-York, Boston, Chicago, Philadelphie, etc. Les collections de tableaux et de sculptures font l’objet de la Muséographie.

e) Reproduction. — Les œuvres d’art sont produites en original, elles peuvent donner lieu ensuite à des reproductions, soit plastiques, soit graphiques.

Les moulages des productions de l’art statuaire sont en plâtre, staff, ciment, carton-pierre, etc. Il existe des musées de moulage.

Les procédés graphiques sont ceux de l’imprimerie. L’exactitude étant la qualité maîtresse requise, les éditions se succèdent avec le but notamment d’un perfectionnement que l’on peut suivre tel à travers les divers ouvrages effectués. Par les procédés de reproduction, les œuvres de peinture et de sculpture se sont multipliées immensément. Au début, on a procédé à la reproduction d’œuvres originales préexistantes ; on voit maintenant des créations picturales et sculpturales avoir comme but premier et dernier la reproduction mécanique. On pourrait aujourd’hui réaliser une série de copies en plâtre ou sur toile en couleurs, grandeur naturelle, de toutes les œuvres de peinture et de sculpture, de toutes les nations, de tous les temps et ce dans des buts de documentation. Ces copies serviraient soit à des expositions itinérantes, soit aux collections permanentes. Quelque jour, les progrès du moulage, de l’imprimerie et des presses permettront de réaliser la multiplication des tableaux à grande échelle comme déjà à l’inverse sont obtenues les copies en réduction. Un Musée universel d’art par la reproduction, présentant dans un ordre classé l’ensemble des œuvres magistrales, est un desideratum.

f) La catalographie des œuvres d’art a été largement réalisée, ainsi que la bibliographie des ouvrages traitant des œuvres d’art et de leurs reproductions graphiques.

g) Les notes ou croquis des artistes dessinateurs, peintres, sculpteurs, constituent pour eux une documentation personnelle de premier ordre. Esquissées en quelques secondes sur nature, elles leur servent ensuite dans les reconstitutions. Il faut pour cela observer toujours, et, écrivait Léonard de Vinci, « dessiner sur le champ ce que vous aurez remarqué ; il faut pour cela avoir toujours avec vous un carnet de poche, car ces recueils d’études sur nature doivent être conservés avec grand soin pour servir à l’occasion ; la mémoire ne suffisant pas, c’est un magasin de documents que vous amassez pour y puiser au besoin ». La méthode documentaire trouve à s’appliquer ici : format, collection, classement, catalogue.

  1. L’œuvre (en lat. opera, mot dérivé de opus, operis) est le résultat permanent du travail ou de l’action, en particulier une production de l’esprit, en très particulier un écrit, un livre. Bien que « ouvrage » se rapporte à la chose faite et œuvre à l’action, le mot œuvres au pluriel, s’applique pourtant aux écrits d’un auteur, mais toujours avec un sens général : œuvres complètes, œuvres posthumes. Quand on veut parler spécialement de l’une d’elles, l’idée devenant plus précise, plus matérielle, s’exprime par le mot ouvrage.
  2. Augustus Rolle, A History of Shakespearian Criticism, Oxford University Press, 1932.
  3. a) Mascarel. Monographie des communes et des paroisses.

    b) Michel Edmond. — Monographie d’un canton type : topographie, géologie, mœurs et coutumes, groupements sociaux. 1911, un vol. avec cartogrammes, graphiques et similigravures. 12 fr.

  4. Les monographies des systèmes scolaires d’une cinquantaine de pays et les descriptions du développement, année par année, de certaine d’entr’eux, publié dans l’Educational Yearbook (1924-1928).
  5. Liard. Louis. — Définition géométrique et définition empirique.
  6. Ed. Jacky. — Traité de signalement des animaux domestiques. Nomenclature descriptive des expressions employées dans le signalement. Avec un tableau de l’âge des animaux domestiques d’après la dentition (fr. 1.50).
  7. Voir rapport Μ. V. E. Timmof. — Bulletin de l’Association internationale permanente des Congrès de Navigation. Janvier 1930, p. 65.
  8. Louis Roule, Traité raisonné de la pisciculture et des pêches.
  9. Yves Delage : « Sur la manière d’écrire dans les sciences naturelles. Préface d’un mémoire sur l’Embryogénie des éponges ». In : Arch. de zoologie expérimentale et générale. 2e série, t. X, 1892. Voir aussi la préface et l’avis au lecteur du traité de zoologie concrète du même auteur.
  10. E. Brucker : L’éducation de l’esprit scientifique. Revue scientifique, 30 mai 1906.
  11. Comp. E. Picard. Les constantes de droit, 1921, p. 1.
  12. Sur les encyclopédies et les dictionnaires, voir Larousse, Dictionnaire Universel, Introduction et Ve Dictionnaire. Un exemplaire en 3,000 volumes de l’Encyclopédie chinoise a été donné aux Instituts du Palais mondial.
  13. La présentation dit : « It is not only a book to consult, but a book to enjoy, without any sacrifice of that erudition which has been the peculiar glory of the Britannica in the past, it has been « humanised » so that the riches of all knowledge are accessible and intelligible to the plain man. »
  14. A survey of english dictionaries by Μ. M. Mathews, Oxford University Press, London.
  15. La Maison des dictionnaires réunissait dans son catalogue tous les dictionnaires connus (Paris, 6, rue Herschel).
  16. Voir définition de la Manchester Union List, 1898. Leigh Repts of Proc. of the 55th meeting of the Library Association.
  17. Exemple : Le n° 7 de L’Architecture d’aujourd’hui, consacrée à l’œuvre d’Émile Perret. Un autre numéro sera consacré à la Russie.

    Nosokomeion, revue trimestrielle des hôpitaux, Stuttgart, Kohlhammer. Chaque numéro constitue un volume de plus de 300 pages, édité en plusieurs langues. Les études ou articles publiés en langues étrangères sont suivis d’un résumé en français. Illustrations abondantes.

  18. Il est hautement désirable de donner une organisation d’ensemble aux périodiques, en liaison avec celle de la documentation en général. (Voir ce point.)
  19. Hatin. — Bibliographie historique et critique de la Presse française. Précédé d’un essai historique et statistique sur la naissance et le progrès de la presse périodique dans les deux mondes. Paris, Didot 1866. — La Tribune de Londres a donné cette définition : « A great London daily Journal is something more than a purveyor of news, however important that element of its activities may be. It is a mirror of the life and thought of its time ; an open platform for the ventilation of Political and Social grievances, and the advocacy of reform : an instrument by means of which Public Opinion may be instructed, guided and made effective. »
  20. Eug. Hatin a écrit une « Histoire politique et littéraire de la Presse en France » (1859-1861, 8 vol.). Il y a procédé surtout par monographie consacrée à la fondation et au développement de chaque journal. Il y a joint des chapitres qui résument l’historique d’une époque, envisageant à la fois les grands et les petits journaux et une bibliographie générale de journaux. « Je me suis étudié, dit l’auteur, à rassembler tous les faits touchant à la presse, à les contrôler, à les coordonner, à montrer comment est né et a grandi le journal, par quelles phases successives et si diverses il a passé depuis deux siècles. C’est en un mot l’histoire de l’instrument plutôt encore que celle de ses effets que je me suis proposé d’écrire. »
  21. V. Leclerc : Les journaux chez les Romains.
  22. A. Govaert : Origine des gazettes et nouvelles périodiques, Anvers 1880. — Van den Branden : Abraham Verhoeven. — Patria Magazine, avril 1933 : Het stormachtige leven van Abraham Verhoeven, de eerste Courantier van Europa.
  23. M. de Tressan, France. Assemblée de la Société des Nations. Journal 1932, p. 233.
  24. Voir les suggestions des Associations de Presse pour la collaboration à l’organisation de la Paix. (N° officiel des publications de la Société des Nations, Conf. D. 143.)
  25. Voir dans les journaux illustrés de l’époque, notamment Le Miroir du 4 mars 1917.
  26. Voir les incidents scandaleux rapportés par Philippe Lamour dans Monde, quand fut troublé un exposé de la Presse fait à la Sorbonne au cours de l’hiver 1933.
  27. Apprentis sorciers ; toute l’édition, 10 juin 1933.
  28. Ce qui fut distribué à la Presse en France à l’occasion de l’affaire du Panama, Paul de Cassagnac a reproduit la fameuse liste Flory dans L’Autorité du 30 mars 1893. Reproduit dans Didier : Le Journal et la Revue. Conférence à la Maison du Livre, Bruxelles 1910.
  29. L’Internationale sanglante des Armements, par Otto Lehmann-Russbüldt. Bruxelles-Églantine.
  30. Rouge et Noir : 1932.08.03, p. 5.
  31. Brunhuber Robert. — Das moderne Zeitungswesen (system der Zeitungslehre). Leipzig. G. J. Göschen 1907. 109 S. Geb. 0.80 M. Sammlung Göschen 320.
  32. Paul Ginisty : Anthologie du Journalisme, Paris. Delagrave.
  33. L’Allemagne nouvelle de Victor Cambon.
  34. Proposition de M. Jules Raisson au Comité français de Coopération européenne.
  35. Voir rapport P. Otlet au Congrès Psychosociologique.
  36. La collection de journaux de feu le Dr Guilmot — 80,000 spécimens environ — a été acquise par M. le Juge Berrewaert de Louvain. C’était incontestablement la plus importante du monde.
  37. Lors du vote de la loi scolaire par les catholiques en 1884, Le Journal de Bruxelles créa le Bureau des démentis ; en moins d’un mois on parvint à purger les feuilles des adversaires de la plupart des canards dont elles nourrissaient leurs lecteurs à l’occasion de cette loi.
  38. Le jour où nous pourrons faire une nouvelle législation sur la Presse, séparer la Presse littéraire et politique de la Presse financière, nous aurons fait une heureuse besogne d’assainissement. (Franck à la Chambre Belge, 16 mars 1922, p. 379.)
  39. L’Institut international de Bibliographie a satisfait à un ensemble de desiderata documentaires dans son Annuaire de la Belgique scientifique, artistique et littéraire (publication n° 71).
  40. Le célèbre Sarragozano, almanach espagnol, tirerait, rapporte-t-on, 50,000 exemplaires annonçant pour tels jours le bon temps, 50,000 autres annonçant le mauvais temps. La moyenne des appréciations des lecteurs se maintiendrait favorable au talent de divination de l’éditeur.
  41. Exemple : l’« Annuaire du Canada » 1927-28, publié par le Bureau fédéral de la Statistique, section de la Statistique générale (un volume de 1,122 pages) porte comme sous-titre « Répertoire statistique officiel des ressources, de l’histoire, des institutions et de la situation économique et sociologique de la puissance ». Il provient par transformation successives, de l’Annuaire et Almanach parus depuis 1867.
  42. L’Année sociologique, fondée par Duckheim (Paris Alcan), a repris sa publication avec la collaboration de l’Institut français de sociologie. Avec 150 pages de mémoire elle en comprend au moins 400 de bibliographie analytique où non seulement sont analysés les livres, mais encore où les faits sont répartis et organisés.
  43. Exemple de rapport : L’état actuel de la science. Rapport de Μ. E. Picard. Article de Adhémar dans la Revue de Philosophie, 1901 ou 1903.
  44. Pellisson M. — 1906, Collections de livres à l’usage du peuple. Bulletin de Bibliothèques populaires, avril 1906. Bref historique des collections qui ont été publiées.

    Un vœu a été émis par le Congrès International des Éditeurs de Berne 1905, sur les Bibliothèques professionnelles (juristes, médecins, architectes).

  45. Principes d’édition de la collection des Universités de France. Principes de la Société des textes français modernes. — Havet Louis : Règles pour éditions critiques. Règles et recommandations générales par l’établissement des éditions Guillaume Budé. Établis à l’usage des collaborateurs de l’association Guillaume Budé.
  46. Maurice Dewulf. Le milieu intellectuel d’Albert le Grand. Rev. catholique des idées et des faits. 1933.01.27.
  47. Fasquelle. Paris 1917.
  48. Table vient du latin Tabula, planche, ais, morceau plat de métal ou de pierre servant à écrire ou graver, d’où écrit, liste, registre et enfin peinture sur un panneau de bois, tableau.
  49. Spencer, Herbert. Descriptive Sociology or groups of Sociological facts. (En français par James Collier, Paris Alcan, 1 vol. in-folio.)

    H. Spencer a entrepris avec l’aide de 3 collaborateurs de présenter l’inventaire classé des faits sur lesquels doit reposer toute sociologie. Ces faits ont donné lieu à des tables historiques synoptiques diverses en colonnes d’après les différents faits, et en extraits textuels d’ouvrages classés d’après le sujet social traité. L’œuvre devait s’étendre aux sociétés non civilisées, aux sociétés civilisées tombées en décadence et aux sociétés civilisées encore florissantes. Un premier volume seul a pu être publié de tout le travail achevé, car Spencer dépensa 4,425 livres et ne recouvrit par la vente que 1,054 livres.

  50. G. Bigourdan. — Le climat de la France, 1916. Les tableaux résument un nombre immense d’observations longuement et laborieusement poursuivies par une pléiade d’observateurs, munis des meilleurs instruments. Et les courbes qu’ils ont servi à construire les traduisent immédiatement d’une manière claire. Ils offrent le moyen de connaître pour tel point que l’on veut, les valeurs moyennes mensuelles de la température, de la pression et, presque comme s’il y avait eu là une station météorologique.
  51. Nouvelle édition. Paris A. Pedone. 1911.
  52. Paul Otlet. Constitution mondiale de la Société des Nations. Paris, Cres, 1917.
  53. Marcel Bonmarché. — Comment on fait un guide bleu. Toute l’édition. 9 mai 1933.
  54. Exemple : Faculté de Pharmacie. Rapport annuel du doyen. Annales de l’Université de Paris, mai 1931, p. 193.
  55. Répertoire des Peintures datées, par Isabelle Errera (Bruxelles, Van Œst. 2 vol. 25 x 32 de 450 p.). Le but de ce livre est de répertorier les peintures datées de toutes les écoles depuis 1085 jusqu’en 1875. c’est-à-dire 40,700 numéros environ. La date résulte, soit de l’œuvre elle-même, si elle y est inscrite, soit de documents probants, soit de références contrôlées à l’aide de travaux des auteurs les plus réputés, de catalogues de ventes, de musées, etc.
  56. Ex. : Gradet. Cours d’architecture.
  57. Voir par exemple « Formation de la Houille », par le Prof Potomé, traduit par le R. P. Gaspar Schmitz S. J.
  58. Les anciennes traductions latines d’ouvrages arabes de médecine contiennent beaucoup de fautes. Dans le projet de publier un Corpus medicorum arabicorum, on a indiqué qu’il faut tenir compte des traductions qui ont répandu en Occident la médecine arabe et signaler les différences entre les traductions et les textes originaux.
  59. Un bon traducteur, disait déjà saint Thomas (prologue de son opuscule contre les erreurs des Grecs), doit tout en gardant le sens des vérités qu’il traduit, adapter son style au genre de la langue dans laquelle il s’exprime.
  60. Voir à ce sujet : Some notes on translations for students taking the Library Association language test by Thomas D. Pearce. The Library Assistant, may 1933, p. 94.
  61. New Larned History for Ready Reference. Cet ouvrage est un exemple d’extrait d’auteur. L’ouvrage traite de l’histoire universelle sous forme de dictionnaire. Les articles reproduisent les mots même dont se sont servis les meilleurs historiens du monde, avec citation exactes des sources.
  62. M. Wilmotte. — Qu’est-ce qu’un plagiat ?
  63. Quérard. — Les supercheries littéraires.
  64. Morey, Charles Rufus. Sources of medieval style. Art Bulletin 7 (1924).
  65. Choulant. History and Bibiograpby of an Anatomic Illustration (1920). — Engelman, R. Antike Bilder aus römischen Handschriften in phototypischer Reproduktion. Leiden. Sijthoff 1909. — Bradley, J. W. Illuminated manuscripts. London Methuen 1905. — Jacobi Franz. Deutsche Buchmalerei in ihren stilistischen Entwicklungsphasen. Mun. Bruckmann 1923. — Henry Martin. Le livre français des origines à la fin du second Empire. Paris, Van Œst 1926. — Société française de reproduction de manuscrits ou peintures. Bulletin.
  66. Ex. : Codices græci et latini photographiæ depicti duce Scatone De Vries, Bibliothecæ Universitatis Leidensis Præfecto.
  67. Comme méthode d’édition, voir la publication récente : Jacques Bretel, Le Tournoi de Chauvency, édition complète par Maurice Delboville. Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège : fasc. XLIX, 1932.
  68. Haebler. Handbuch der Inkunabelkunde.
  69. Phillips. — List of Works relating to cartography, Washington, 1901. — Warne, F. I. — 1919. Cartography in tien lessons. In-vol. XIV-159 p. Washington. Illustrations. — De Marchi, L. (Padova). — La reppresentazione della Superficia terrestre. Scientia, 1919. — Fordham. — Maps, their history Characteristics and uses. — U. S. Library of Congress, Division of Maps : List of Geographical Atlases. Washington, 1919-20, 4 vol. by P. L, Phillips. List cf Geographical Atlases. Jeorg W. L. G. Post War Atlases. In Geog rev. 13 (1923). p. 582-98.
  70. Vicomte de Santarem. Atlas des Mappemondes.
  71. La fameuse carte du Tendre n’a rien de commun avec la géographie. Le Tendre est le pays imaginaire de l’amour dont Mlle de Scudéry a donné la description dans son roman de Clélie. On a cependant donné une reproduction graphique de cette imagination.
  72. Mellnish, R. K. An introduction to the Mathematics of Map Projection. PP VIII-144. London. The Cambridge Press. (Théorie fondant la construction des cartes.)
  73. De Martonne. — Traité de géographie physique I, p. 54.
  74. Les ouvrages zoologiques d’Aristote étaient accompagnés de dessins. Quand la description devient difficile l’auteur renvoie à la figure qui entoure le texte. Ces images souvent représentent des parties qu’on a reconnues que par dissection.
  75. Exemples de Recueils d’iconographie.

    Errera, Isabella. Répertoire abrégé de l’Iconographie. 20 vol. environ.

    L’Allgemeiner Bildneskatalog de Hans Wolfgang Singer va comprendre de 8 à 10 volumes, renseignant sur cent mille portraits de plus de 25,000 personnes, de tous pays et de toute époque. Il utilisa 18 collections de portraits en Allemagne.

    Leach (Howard Seacov). Princeton’s Iconographic index (In L. J. 50 1925, p. 208-10).

    Ribemont-Dessaignes, A. 1910, Iconographie obstétricale, fasc. I à III.

  76. Louis Lebeer. Introduction de l’œuvre de Joris Minne. (Bibliothèque Royale de Belgique. Exposition 22 avril 1933.) Voir aussi l’œuvre de Max Elskamp.
  77. De l’affichage politique. Conseils pratiques pour la rédaction, l’apposition et la protection des affiches, jurisprudence et texte de loi sur la presse, publié par le Comité des droits de l’Homme et du Citoyen. Montpellier, 1895. in-16°.
  78. Alice Halickon. Panorama de la carte postale. Le Musée du Livre. Bulletin, mars 1932, p. 43.
  79. Jardere, H. — Ex-libris, notices historiques et critiques sur les « ex-libris » depuis leur apparition jusqu’à 1894. — Paris, 1895.
  80. L. Moholy Nagy : Une vision nouvelle.
  81. Revue Scientifique 1932, p. 150.
  82. Munich, Kartographische Gesellschaft.
  83. Hanauer : Minerva Zeitschrift B. D. V. — Ernst Walser (Basel) : Centralblatt für Bibliothekwesen 1928, p. 417.
  84. Bulletin de l’Institut International de Bibliographie, 1906. — R. Goldschmidt et Paul Otlet : La Conservation et la Diffusion de la Pensée. Le Livre microphotique. Publication n° 144 de l’Ι. I. B. — L’idée depuis a fait son chemin et le procédé tend à devenir universel.
  85. Hanauer, J. — Das Kleinstlichtbild im Dienste von Technik und Wissenschaft. — Das Techniscb Blatt, Beilage der Frankfurter Zeitung, 5 Sept. 1929.
  86. La Radiographie en Anthropologie et en Préhistoire, par le Dr Foveau de Courmelle. Revue Mondiale, 15 nov. 1920, p. 177.
  87. Cuvelier. — Bulletin de l’Association Bibl. et Arch. de Belgique, 1908. p. 40.
  88. L’art. 12 des statuts du Parti de l’ordre politique national à Genève porte : « En cas de dissolution les archives sont détruites en tout ou en partie ou confiées en mains sûres par ordre du chef, avec interdiction de les laisser consulter avant l’expiration d’un délai de cinquante ans, sous peine de droit et tous dommages intérêts. » Il demeure toujours important que des mesures soient prises contre la destruction d’archives d’associations et d’archives de particuliers ayant été associés à la vie publique. Tous lieux de conservation, moyennant garantie, devraient être les dépôts d’archives nationales. Un grand dépôt international devra trouver sa place au Mundaneum.
  89. Fournier, Paul Eugène Louis. — Conseils pratiques pour le classement et l’inventaire des archives et l’édition des documents historiques écrits. Paris, Champion, 1924. Traité d’archivistique de Fruin, traduit par Cuvelier.
  90. Romain Rolland. — Musiciens aujourd’hui.
  91. Dr Ch. Odier. — Comment faut-il écouter la musique ? — Semaine Littéraire, 28 février 1919.
  92. E. Rosenstein. — Géographie musicale, folklore persan. — Annales de l’Academia Asiatic (Teheran) 1931, vol. 2, p. 20.
  93. La Musique et la Vie intérieure, par L. Bourguès et A. Déneréaz. C’est une histoire des phénomènes psychologiques d’ordre musical, une étude de métamorphoses successives du son à travers les années et les siècles, double histoire : des émotions humaines révélées par la musique et des sonorités révélatives de ces émotions.

    Rierman. L’Esthétique musicale — Lavignac A. et de la Laurencie L. — Encyclopédie de la Musique et Dictionnaire du Conservatoire. — E. Closson, Esthétique musicale. 1921.

  94. Voir le Grand Tableau synoptique de l’évolution dr la musique, publié par Déneréaz, Lausanne.

    Paul Landormy. Histoire de la Musique.

  95. Yoland Mayor. — Les constituants ultimes de la matière et de l’énergie. — Revue Scientifique, 10-6-1933.

    Laker, K. — Das Musikalische Schen Graz. 1913

    Hovker, R. Die Graphische Darstellunn als Mittel zum Musikalischen Hören, 1899.

  96. Mauclair, Camille. — La religion de la musique, 3e édition. Paris 1921.
  97. Michel Adam : Revue Générale de l’Électricité, 7 janvier 1928. Revue Scientifique, 25 février 1928, p. 120.
  98. Les indications ci-dessus sont tirées du Dr. Antonin Tirabasi : Grammaire de la Notation proportionnelle et sa transcription moderne. Bruxelles, Falk 1930.
  99. Système de sténographie musicale de Fernand Masny. La Louvière (Belgique).
  100. H. Riemann : Les éléments de l’Esthétique musicale, éd. française par G. Humbert.
  101. Gambles, William. — Music Engraving and Printing (London, Pittman 1923).
  102. A. Nyns. — Les travaux manuels à l’école primaire. Bruxelles 1910, broch. 24 p.
  103. Il primo libro dei Conti C. dei Giochi. G. B. Parairo. — E. E. Smyth. Teaching Geography by Probleme 1925. — Matériel Herbinière-Lebert donnant des chiffres, des couleurs, des formes, des lettres de l’alphabet. Jeux auto-correcteur. (Paris Nathan.) — Meccano est le jeu qui a rendu populaire l’art de l’ingénieur.
  104. L’Institut de Coopération intellectuelle a présenté un rapport sur l’usage du phonographe dans ses connexions avec les problèmes musicaux d’ordre international.
  105. Pour une discothèque idéale (choix mensuel des disques les plus réussis des diverses maisons). — La Joie musicale, 5 février 1931, p. 15.
  106. La « Vocation Chantal C° » a procédé à l’enregistrement d’un cours du prof. Blanckaert (Université de Gand) au prix de 1,500 fr. pour un disque double face 25 cm. (grand format) (originaux, matrices, clichés et 3 exemplaires). La « Columbia » a réalisé un intéressant cours de l’Histoire de la musique.
  107. Linguaphone. Conversational course. Le cours consiste en 30 leçons au gramophone ; chaque leçon comprend trois parties. Une description parlée, une conversion pratique, une page entière d’illustrations dépeignant le sujet de la leçon. Les illustrations donnent lieu aussi à des tableaux muraux de 30 × 40 pour les classes inférieures. Vocabulaire de 3,000 mots. Le cours de Linguaphone existe aussi en français. Le Pathégraphe a aussi réalisé un cours de langue.
  108. Voir La Joie Musicale, 1930, 15 février.
  109. Coustet, Ernest. Le Cinéma, article illustré dans Larousse mensuel, mai 1920. — Ciné, par Maurice Widy. Étude de l’histoire du ciné et de son industrialisation. — Le scénario du cinéma, par Marcel Desinatine. — Revue du Cinéma éducateur, publié par la S. D. N. — Balasz, Bela Der Geist des Films.
  110. Salvator Dali. Abrégé d’une histoire critique du cinéma. (Édition des cahiers libres).
  111. Jean Denis analysant l’ouvrage de Moussinat sur la Naissance du Cinéma, dans la Revue catholique des idées et des faits (5 août 1932).
  112. F. Meyer. Bulletin du Bureau International de l’Enseignement secondaire, 1927, p. 103.
  113. Illustration, 5 nov. 1910, p. 305.
  114. Le Courrier Cinématographique, 3 déc. 1932.
  115. Projet P. Otlet, reprenant les essais des frères Lumière.
  116. G. Herbosch. — Étude théorique sur les salles pour projections de cinéma sonore. La Cité. 1933, p. 21.
  117. Parmi les films parlants remarquables : La mélodie du monde. Halleluyah, City street, Quatre de l’infanterie, L’opéra de quatre sous, Jeunes filles en uniforme, Le million, À nous la liberté, La lumière bleue, Le chemin de la vie, Je suis un évadé, Les lumières de la ville.
  118. V. Bnugolaski. Nouvelles soviétiques, juillet 1931.
  119. Le Phonoscope à cordes vibrantes, par le Dr Clary. Revue Scientifique, 13 août 1932, p. 464. Il permet à l’homme d’exprimer et de faire entendre sa pensée.
  120. Sluys, A. — La cinématographie scolaire et postscolaire. — Document n° 45 de la Ligue de l’Enseignement. Bruxelles 1922.
  121. Dr V. de Ruette. — Cinéma éducatif ou cinéma démoralisateur. Publication de l’Institut International du Cinématographe éducatif, 1933.
  122. Première expérience du Ciné Mundaneum (Palais Mondial) dans les écoles et les cinémas. Voir notice explicative. — Comité de l’Enfance S. D. N. Effet du cinéma. Rapport sur les travaux du Conseil. 1926, p. 113.
  123. « Supposez qu’un homme de génie, un apôtre, un penseur, un prophète trouve désormais la thèse régénératrice qui améliorera l’humanité, et qu’on puisse l’exposer, la condenser en un thème cinématographique, en moins de trois mois elle sera révélée au monde entier à qui, si demain l’admirable doctrine révélée dans l’Évangile se manifeste comme jadis, à l’univers, on peut dire sans ironie et sans hyperbole, que ses propagateurs ne s’appelleraient plus Mathieu, Luc et Jean, mais Pathé, Gaumont, Edison. » (Pierre Decourcelle, Conférence au Congrès de Cinématographie, 1910).
  124. Demande du Congrès international de Cinématographie que soit formé un catalogue général de films documentaires et constituée une cinémathèque générale.

    Vœu n° 11 de la 2e section du Congrès International des Bibliothèques et des Bibliophiles, Paris 1923. « Que le dépôt légal soit étendu aux productions cinématographiques sous la forme pareille au projet de loi déposé devant les Chambres françaises, forme qui en permet la conservation et la consultation dans les bibliothèques. » (MM. Guisbach et Perrot.)

  125. Fernand Lot : La Cinémathèque du Trocadéro, Larousse, 15 mars 1933.
  126. Comité Radiophonique de l’Enseignement : La Parole Libre T. S. F.
  127. M. Mally, Président de la Columbia, dans son message de Noël 1932.
  128. Radio Broadcasting by the American plan. Tracy F. Tyles 1933.
  129. Education by Radio. 25 May 1933.
  130. Jean de Laby. La Société future, p, 247.
  131. Ex. Sidonic Panache : mise en scène qui dépasse 1 million de francs ; 200 artistes, 10 chevaux en scène ; 16 tableaux somptueux.
  132. La Tragédie du Dniester, drame en 4 actes de P. Paul Humpers. (Séminaire apostolique des Frères oblats, Waeregem. Belgique.)
  133. G. Polti (auteur de l’art d’inventer les personnages dramatiques ; de la Notation des Estes) dans le Mercure de France
  134. Voir Étude dans la Revue de Paris, mai 1929.
  135. Rme Dom Capelle à la XVIe Semaine liturgique (1933). — Voir la question longtemps controversée de la messe dialoguée (rapport de Dom Gaspar Lefebre). Sur la conception de la communion des Saints et l’identification avec le Christ, voir l’ouvrage du P. Mersch sur le Corps mystique du Christ.
  136. D. Bède Lebbe. — Phonographe et chant d’Église. Revue Liturgique Assomption, 1933 — On s’est servi du phonographe pour apprendre la musique religieuse, en dehors des offices.
  137. Will Arco. — Sur les ballets de Kurt Jooss d’Essen, Le Rouge et le Noir, 1933.01.25.
  138. Seailles, Essai sur le génie de l’art. — Guyau, L’art au point de vue sociologique. — Perez Bernard, L’art de la poésie chez l’enfant. — Souriau, L’esthétique du mouvement, La suggestion dans l’art. — Ricardon, De l’idéal. — Hirth, Physiologie de l’art.
  139. Byvanck. — Un Hollandais à Paris en 1891, p. 232. Paris, Perrin, 1892.
  140. Jean Delville. — L’idée de beauté, la défense de l’art. 1 mai 1933.
  141. Voir de Humbold : Kosmos, Bd. II, S. 16-23. — Burdet, The Sacred Theory of the Earth, vol. 1, pp. 194-196. — Carpenter, Mental Physiology, p. 154.
  142. Winkelman, L’art chez les Anciens. — Émeric, David, Recherches sur l’art statuaire. — Blanc. Ch., Grammaire des arts du dessin.