Traité élémentaire de trigonométrie rectiligne (Bovier-Lapierre)/04

CHAPITRE IV.

RELATIONS ENTRE LES CÔTÉS ET LES ANGLES
D’UN TRIANGLE QUELCONQUE.


29. Soit AD perpendiculaire sur BC (fig. 8). Le triangle rectangle ACD donne AD = AC sin C = b sin C.

Fig. 8.

Le triangle rectangle ABD donne AD = AB sin B = c sin B.
On a donc b sin C = c sin B, d’où

.

Ainsi le rapport de deux côtés d’un triangle est égal au rapport des sinus des angles opposés à ces côtés.

L’égalité trouvée peut s’écrire ainsi

.

On obtiendrait de la même manière

.

On a donc la relation suivante :
(6)                         , qui exprime que chaque côté d’un triangle, divisé par le sinus de l’angle opposé, donne un quotient constant[1].

On énonce ordinairement ce principe de la manière suivante : les trois côtés d’un triangle sont proportionnels aux sinus des angles opposés.

Remarque. — La démonstration serait la même si la hauteur tombait hors du triangle, comme dans la figure 9. En effet, le triangle rectangle ABD donne

Fig. 9.


AD = AB sin B = c sin B ; le triangle rectangle ACD donne AD = AC sin ACD = b sin ACB = b sin C ; car les angles ACD et ACB étant supplémentaires, leurs sinus sont égaux.

RELATION ENTRE LES TROIS CÔTÉS ET UN ANGLE.

30. Il est utile d’avoir une relation dans laquelle il n’y ait qu’un angle avec les trois côtés ; elle nous est fournie par la géométrie.

En effet, dans tout triangle, le carré d’un côté est égal à la somme des carrés des deux autres plus le double produit de l’un de ces côtés multiplié par la projection de l’autre côté sur celui-ci, si l’angle opposé au premier côté est obtus, moins ce double produit si cet angle est aigu.

Considérons le côté AB opposé à l’angle aigu C (fig. 8 ).
D’après ce théorème, on a

.

Or, le triangle rectangle ACD donne  ; en substituant cette valeur dans l’égalité précédente, on obtient

.

Si l’angle C est obtus, comme dans la figure 9, on a

.

Mais le triangle rectangle CAD donne  ; or, les angles ACD et ACB étant supplémentaires, , et, par conséquent, on a .

En substituant cette valeur dans l’égalité précédente, on obtient encore

.

Ainsi le carré d’un côté est égal à la somme des carrés des deux autres côtés, moins le double produit de ces deux côtés multiplié par le cosinus de l’angle opposé au premier.

Ce théorème est exprimé par les égalités suivantes :

xxxx(7)xxxxxxxxxxxxxxx
.
.
.
RÉSOLUTION D’UN TRIANGLE QUELCONQUE.

31. La géométrie apprend qu’on peut construire un triangle quand on connaît : 1o un côté et deux angles ; 2o deux côtés et l’angle opposé à l’un d’eux ; 3o deux côtés et l’angle compris entre eux ; 4o les trois côtés. De là quatre cas à étudier dans la résolution d’un triangle.

Premier cas. — Étant donnés le côté a et les angles A et B, calculer l’angle C et les côtés b et c.

La somme des trois angles étant égale à 180°, on a d’abord .
On tire b de la relation , d’où

 ;


on tire c de la relation , d’où

.

Exemple. — Résoudre un triangle dans lequel on donne

a = 100m,48,000A = 47° 36′ 24″,000B = 75° 16′ 32″.
Calcul de C.
                                        

                                        

                                        

                                 

                                   

                                        

Calcul de b. Calcul de c.

.

.












00000000000 00000000000
000000000000
00000000000000
000000000000
00000000000000
00000 000000

32. Simplification du calcul. — Le calcul des côtés b et c a exigé une addition et une soustraction ; ces deux opérations peuvent se réduire à une seule addition.

En effet, pour retrancher de le logarithme , on peut d’abord retrancher la caractéristique , ce qui donne, en indiquant seulement l’opération, . Ce résultat doit encore être diminué de  ; or si, au lieu de faire cette diminution, on ajoute au contraire à ce résultat ce qui manque à pour égaler 1, c’est-à-dire , le nombre ainsi obtenu surpassera le reste cherché de , par conséquent de . Ce reste sera donc .

Si l’on avait à retrancher de , en suivant la même marche, on obtiendrait pour reste

, ou .

De là résulte la règle suivante : Pour retrancher un logarithme d’un autre ou de la somme de plusieurs autres, on change d’abord le signe de sa caractéristique et on la diminue de 1 ; à la suite on écrit l’excès de 1 sur la partie décimale et on additionne le logarithme ainsi modifié avec les autres.

L’excès de l’unité sur la partie décimale s’appelle le complément de cette partie décimale par rapport à 1. On l’obtient facilement en retranchant chaque chiffre de 9 en allant de gauche à droite, et le dernier chiffre significatif de 10.

D’après cette règle qu’il est utile de suivre quand on doit effectuer une addition et une soustraction, le calcul des logarithmes de b et de c sera ainsi représenté :

Calcul de log b. Calcul de log c.


33. Deuxième cas. — Étant donnés les deux côtés a, b, et l’angle A opposé au côté a, calculer les angles B et C et le côté c.

Pour calculer l’angle B on a

,xxxd’oùxxx,


et l’on trouve dans les tables un angle aigu B correspondant à sin B. Mais à un même sinus correspondent deux angles, l’un aigu et l’autre obtus, qui sont supplémentaires. Si l’angle donné A est obtus, ou bien s’il est aigu et si en même temps le côté a qui lui est opposé est plus grand que le côté b, l’angle cherché B ne peut être qu’aigu.

L’angle C est égal à .

Pour connaître le côté c on a :

,xxxd’oùxxx.

Si l’angle A est aigu et que le côté a soit plus petit que le côté b, l’angle B du triangle peut être aigu ou obtus ; le problème a donc deux solutions. En d’autres termes, on trouve deux triangles différents ayant tous deux un angle égal à A et deux côtés égaux à a et b, le côté égal à a étant opposé à l’angle A. Dans le premier triangle, l’angle opposé au côté b est aigu ; dans le second, il est obtus.

Désignons par B′ cet angle obtus qui est le supplément de l’angle aigu B ; nous aurons le troisième angle C′ de ce second triangle d’après l’égalité .

Le côté c′ opposé à l’angle C′ sera donné par la relation

,xxd’oùxx.

Exemple. — Dans un triangle, on a a = 64m,28, b = 75m,34, A = 36° 25′ 14′′ ; calculer le côté c et les angles B et C.

D’après ce qui vient d’être dit, ce problème présente deux solutions.

Calcul de B et de B′.
, ,
,
.


xxxxxxxx

PREMIÈRE SOLUTION. DEUXIÈME SOLUTION.
Calcul de C. Calcul de C′.
. .


Calcul de c. Calcul de c′.
. .


. .


Remarque. — Lorsque les données du problème sont prises arbitrairement, la seule condition nécessaire pour que le triangle existe, quand l’angle A est obtus, est que le côté a soit le plus grand des deux côtés donnés.

Si l’angle A est aigu et le côté a plus grand que le côté b, le triangle existe toujours, quels que soient les côtés a et b.

Lorsque l’angle A est aigu et le côté a plus petit que le côté b, il y a deux solutions, pourvu que le côté a ne soit pas trop petit. Pour trouver la valeur minimum que peut avoir le côté a quand l’autre côté b et l’angle A sont déjà donnés, construisons le triangle. Après avoir formé l’angle A (fig. 11), on prend sur un des côtés une longueur AC = b puis du point C comme centre avec un rayon égal à a, on décrit un arc qui coupe le second côté de l’angle A en deux points B et B′, si le côté a est assez grand. En tirant les droites CB et CB′, on a les deux triangles ACB et ACB′ qui répondent à la question.

Fig. 11.
Abaissons ensuite CD perpendiculaire sur AB. Comme le triangle rectangle ACD donne CD = AC sin A = b sin A, on voit
qu’il y a
2 solutions si l’on a ;
1-------------------;
aucune------------.

Si l’on essayait de résoudre le triangle dans le cas où le côté a est plus petit que b sin A, le calcul donnerait un résultat impossible. En effet on a alors : a < b et a < b sin A. En divisant membre à membre la première inégalité par la seconde, on obtiendrait 1 < sin A, ce qui ne peut jamais avoir lieu puisqu’un sinus ne surpasse jamais 1.

34. Troisième cas. — Résoudre un triangle en connaissant deux côtés a et b et l’angle compris entre eux.

--Quatrième cas. — Résoudre un triangle en connaissant les trois côtés a, b et c.

Si l’on veut résoudre ces deux cas au moyen des formules

,


on arrive toujours à une équation à deux inconnues. Néanmoins le problème n’est pas indéterminé. Il y a une autre équation sous-entendue, c’est A + B + C = 180°. Mais la résolution de ces équations présente quelques difficultés, parce que les angles y entrent de deux manières différentes.

Prenons alors les formules (7) du no 29.

Dans le troisième cas, l’angle C étant donné, on connaîtra le côté c au moyen de l’équation  ; car on en tire

.

En effectuant les calculs indiqués, on aurait la valeur du côté c ; mais ces calculs sont trop longs. Cette formule n’est pas calculable par logarithmes.

Dans le quatrième cas, on rencontre la même difficulté pour calculer les angles. Par exemple, pour avoir l’angle A on se servirait de l’équation , d’où l’on tirerait

.

Il s’agit maintenant de chercher pour ces deux derniers cas des formules qui permettent de les résoudre aussi simplement que les deux premiers. Le chapitre suivant est consacré aux problèmes nécessaires pour y parvenir.



  1. Le quotient constant est égal au diamètre du cercle circonscrit au triangle. En effet, abaissons du centre O (fig. 10) la perpendiculaire OP sur BC.
    Fig. 10.


    D’après la définition du sinus nous avons . Or les angles O et A sont égaux comme ayant tous deux pour mesure la moitié de l’arc BMC. En représentant le rayon par r, on a donc

    , ou .