Traité élémentaire de trigonométrie rectiligne (Bovier-Lapierre)/02

CHAPITRE II.

TABLES TRIGONOMÉTRIQUES.


15. Dans le chapitre précédent, on a trouvé les valeurs des sinus de quelques angles, d’après les rapports qui existent entre les côtés des polygones réguliers inscrits et le rayon du cercle. On vient de montrer en outre comment, le sinus d’un angle étant connu, on en a déduit les valeurs des autres lignes trigonométriques. Ces calculs ont été aussi effectués pour tous les angles, mais la méthode qui y a conduit ne peut pas encore être exposée ; cependant nous pouvons, dès à présent, en donner une idée.

Pour cela, faisons d’abord observer que plus un arc est petit, plus est faible la différence qu’il y a entre cet arc et son sinus. Or, la longueur de la demi-circonférence étant égale à , quand le rayon est pris pour unité, on a

,


En prenant ce résultat pour le sinus de 1′, on a une valeur un peu trop grande, mais l’erreur sera assez faible. Or on démontre que la différence entre l’arc de 1′ et son sinus ne commence qu’au-delà de la 11e décimale. On a donc  ; on en déduira facilement

Nous verrons bientôt des formules qui permettent de calculer le sinus et le cosinus de la somme de deux arcs ; elles donneront le moyen de calculer le sinus et le cosinus des arcs de 2′, 3′, 4′, etc.

16. Les valeurs des lignes trigonométriques de tous les angles ayant été déterminées, on a cherché leurs logarithmes.

On a inscrit les logarithmes des sinus en colonne vis-à-vis le nombre de degrés et de minutes de l’angle correspondant placé dans une autre colonne ; on a fait la même chose pour le cosinus, la tangente et la cotangente. L’ensemble de ces colonnes de nombres constitue les tables trigonométriques.

Elles ne contiennent pas ordinairement les logarithmes des sécantes et des cosécantes. Il n’en résulte aucune difficulté, car dans les calculs on peut remplacer par et par .

Les angles inscrits dans les tables s’étendent seulement de 0° à 90°. Lorsqu’il s’agit de chercher une ligne trigonométrique d’un angle obtus, il faut prendre celle de l’angle aigu supplémentaire en ayant soin de lui donner le signe , excepté pour le sinus et la cosécante qui conservent le signe . On ne doit pas perdre de vue que les tables contiennent non les valeurs des lignes trigonométriques, mais seulement leurs logarithmes. Si l’on avait besoin de connaître ces valeurs elles-mêmes, il suffirait de chercher les nombres correspondant aux logarithmes.

Les sinus et cosinus étant toujours plus petits que 1, excepté et qui sont égaux à 1, et le logarithme de 1 étant 0, les logarithmes d’un sinus et d’un cosinus sont inférieurs à 0, et auraient par conséquent des caractéristiques négatives. Il en serait de même pour les logarithmes des tangentes des angles inférieurs à 45° et des cotangentes des angles supérieurs à 45° ; car la tangente et la cotangente de 45° sont égales à 1. Pour éviter dans la partie entière de ces logarithmes l’emploi d’un chiffre surmonté du signe , chaque logarithme a été augmenté de 10. On doit donc, dans les calculs, diminuer de 10 tout logarithme d’un sinus et d’un cosinus pris dans les tables, le logarithme de la tangente d’un angle inférieur à 45° et celui de la cotangente d’un angle compris entre 45° et 90°. Les tangentes des angles compris entre 45° et 90° étant plus grandes que 1, ainsi que les cotangentes des angles inférieurs à 45°, leurs logarithmes sont positifs et inscrits dans les tables avec leur véritable valeur. Dans quelques éditions nouvelles de tables on a conservé la caractéristique négative.

TABLES DE LALANDE.

17. Ces tables contiennent les logarithmes des sinus, cosinus, tangentes et cotangentes avec cinq décimales pour tous les angles de minute en minute depuis 0° jusqu’à 90°. Le nombre de degrés est inscrit au haut de la page de 0° à 45° ; le nombre de minutes est dans la première colonne à gauche, en tête de laquelle est placé le signe des minutes . Pour les angles supérieurs à 45°, il faut prendre le nombre de degrés au bas de la page en allant de la fin des tables au commencement. Le nombre de minutes se trouve en montant dans la première colonne à droite de la page.

Il est facile de trouver le logarithme d’une ligne trigonométrique lorsque l’angle ne contient que des degrés et des minutes. Par exemple, pour avoir on cherche la page en haut de laquelle on lit 21°. On descend ensuite dans la colonne des minutes à gauche de la page jusqu’au nombre , et on prend le nombre placé sur la même ligne horizontale que dans la colonne qui porte en tête le mot sinus. En diminuant ce nombre de 10 on a

.

Si l’on veut la tangente de 68° 14′, on cherche la page au bas de laquelle on voit . On monte ensuite dans la colonne des minutes à droite de la page jusqu’au nombre . Le logarithme cherché est sur la même ligne horizontale que dans la colonne au-dessous de laquelle est le mot tangente. On trouve ainsi

.

18. Lorsque l’angle contient des secondes, il faut encore, pour obtenir le logarithme, employer les nombres inscrits dans les colonnes qui portent en tête la lettre D, initiale du mot différence. La colonne D, qui est la troisième de la page en commençant à gauche, contient les différences qui existent entre deux logarithmes consécutifs de la colonne . La colonne D, qui est la deuxième de la page en allant de droite à gauche, contient les différences de deux logarithmes consécutifs de la colonne . Enfin, entre la colonne et la colonne , est une autre colonne portant en tête les lettres d. c., initiales des mots différences communes. Ces différences sont, en effet, tout à la fois celles de deux logarithmes consécutifs de la colonne et de la colonne [1].

Exemple I. — Chercher le logarithme du sinus de 24° 36′ 43″.

On trouve d’abord en ne prenant que les degrés et les minutes

.

Mais le logarithme cherché est compris entre et dont la différence est le nombre 27 inscrit dans la colonne voisine D, entre la ligne qui commence par 36 et celle qui commence par 37 ; l’augmentation qu’il faut donner à n’est qu’une partie de 27. Pour la connaître on fait le raisonnement suivant.

Si l’angle augmentait de ou , le logarithme augmenterait de 27 unités du cinquième ordre décimal ; si l’angle augmentait seulement de , le logarithme augmenterait de la 60e partie de 27, ou de  ; donc pour le logarithme augmente de .

Ce petit calcul se résume ainsi :


ajouter pour .

Ainsi, après avoir trouvé dans la table le logarithme correspondant au nombre de degrés et de minutes, il faut lui ajouter le nombre obtenu en multipliant la différence tabulaire par le nombre de secondes de l’angle et en divisant par 60. On ne doit prendre que la partie entière de ce quotient, en ayant soin d’augmenter de 1 le premier chiffre à droite si le chiffre suivant est 5 ou supérieur à 5.

Exemple II. — Lorsqu’il s’agit d’un cosinus ou d’une cotangente, le logarithme diminue quand l’angle augmente.

Chercher le logarithme de la cotangente de .

On prend la page au bas de laquelle est le nombre , et, en montant dans la première colonne des minutes à droite jusqu’au nombre 23, on trouve, sur la ligne horizontale où est placé ce nombre et dans la colonne au bas de laquelle est placé le mot cotangente, .

La différence entre ce logarithme et le suivant est 36. Si l’angle augmentait de ou de , le logarithme diminuerait de 36. Si l’angle augmentait de , le logarithme diminuerait de . Donc pour le logarithme diminuera de .

Résumé du calcul :


ôter pour [2].

19. Étant donné le logarithme d’une ligne trigonométrique, trouver l’angle correspondant.

Exemple I. — Soit .

D’abord la caractéristique étant négative, la tangente est inférieure à 1, et l’angle inconnu x est < 45°. En augmentant de 10 le logarithme afin de le rendre semblable à celui des tables, on a

  .

On cherche ce logarithme dans la colonne des tangentes de haut en bas, et comme il ne s’y trouve pas, on prend le logarithme qui en approche le plus et qui lui est inférieur : c’est 9,68465. Le nombre de degrés de l’angle correspondant est au haut de la page : c’est 25. Le nombre de minutes est dans la première colonne à gauche de la page sur la même ligne horizontale que 9,68465 ; ce nombre est 49. L’angle cherché est donc compris entre 25° 49′ et 25°50′.

Or la différence entre les logarithmes des tangentes de ces deux angles est 32, et le logarithme donné 9,68472 surpasse de 7 le logarithme de la tangente de Pour connaître le nombre de secondes à ajouter à on fera le raisonnement suivant.

Si le logarithme 9,68465 augmentait de 32, l’angle augmenterait de ou . Si le logarithme augmentait seulement de 1, l’angle augmenterait de la 32e partie de ou de et comme surpasse de 7 l’angle surpassera de 7 fois ou

Résumé du calcul :


pour

ajouter pour

Ainsi pour connaître les secondes, il faut multiplier par la différence entre le logarithme proposé et celui de la table qui lui est inférieur, et diviser le produit par la différence tabulaire.

Exemple II. — Soit

Pour trouver l’angle , on augmente d’abord ce logarithme de 10, ce qui donne 9,78321. Ce logarithme ne se trouvant pas dans les colonnes qui portent en tête le mot cosinus, il faut le chercher dans les colonnes au bas desquelles est le mot cosinus. On trouve que le logarithme le plus approché et qui lui est supérieur est 9,78329, et l’angle correspondant est L’angle cherché est donc compris entre et

La différence entre les logarithmes des cosinus de ces deux angles est 16, et le logarithme donné 9,78321 est inférieur de 8 au logarithme du cosinus de Si le logarithme 9,78329 diminuait de 16, l’angle augmenterait de  : pour une diminution égale à 8, l’angle augmentera de

Résumé du calcul :


pour
ajouter pour


Observation. — La proportionnalité admise dans les questions précédentes entre l’accroissement de l’angle et celui du logarithme n’est pas rigoureusement exacte. Mais l’erreur qui en résulte est moindre qu’une unité du cinquième ordre décimal sur le logarithme pour le sinus des angles le cosinus des angles pour la tangente et la cotangente des angles compris entre et .

TABLES DE CALLET.

20. Les tables de Callet où les logarithmes ont 7 décimales contiennent les angles de en . Les dizaines de secondes sont inscrites dans la deuxième colonne à gauche de la page pour les angles et dans la deuxième colonne à droite pour les angles Les différences inscrites dans ces tables sont celles de deux logarithmes consécutifs correspondant à deux angles qui diffèrent de On se sert de ces tables comme de celles à cinq décimales.

Exemple I. — Chercher le logarithme du sinus de


ajouter pour

____________________________

Exemple II. — Soit
D’abord la caractéristique étant l’angle sera plus grand que Le logarithme de la table le plus approché du logarithme donné est qui correspond à La différence tabulaire entre ce logarithme et le suivant est 591, et la différence entre ce logarithme et le logarithme donné est 122. D’après cela on a le calcul suivant :



pour
ajouter pour
                                   _______________

Avec les tables à sept décimales on peut calculer le chiffre des dixièmes de seconde ; car on prouve que si l’angle est donné par sa tangente ou sa cotangente, l’erreur est moindre que Il n’en est pas de même pour le sinus et le cosinus. Pour un angle voisin de l’erreur avec le sinus peut atteindre le chiffre des unités de seconde ; avec le cosinus, cela arrive pour les angles très-petits.

Observation. — La proportionnalité admise dans les deux questions précédentes entre l’accroissement de l’angle et celui du logarithme, n’étant pas exacte, produirait une erreur qui affecte le dernier chiffre du logarithme du sinus des angles et du cosinus des angles et de la tangente et de la cotangente des angles et C’est pour cela que les tables de Callet contiennent au commencement les logarithmes des sinus et des tangentes de seconde en seconde pour les cinq premiers degrés, et par conséquent les logarithmes des cosinus et des cotangentes pour les arcs compris entre et



  1. Il est facile de comprendre pourquoi ces différences sont communes. En effet, on a
    , d’où ,
    , d’où ,

    et .
  2. Dans la nouvelle édition des Tables à 5 décimales publiée par M. Hoüel, la multiplication et la division nécessaires pour calculer l’augmentation à donner au logarithme à cause du nombre de secondes de l’angle se trouvent toutes faites au moyen des petites tables contenues à chaque page dans la colonne Part. prop. (Parties proportionnelles). Elles donnent le produit de chaque 60e de la différence tabulaire par 6, 7, 8, 9, 10, 20, 30, 40 et 50. Consulter à ce sujet l’Introduction de ces tables.