Traité élémentaire de physique (Haüy)/1803/Chapitre IV

IV. DE L’AIR.

243. Après avoir exposé les propriétés du liquide, qui baigne la surface de notre globe ou coule dans son intérieur, nous allons considérer celles du fluide invisible qui l’environne jusqu’à une grande hauteur. Ici un intérêt très-vif se mêle à celui que la science inspire par elle-même, pour nous solliciter vers l’étude de ce fluide, au milieu duquel nous sommes continuellement plongés, qui agit sur nous de tant de manières différentes, et auquel nous sommes redevables à la fois et de la conservation de notre vie, et de ce qui en fait un des principaux agrémens, puisque c’est à lui que nous confions d’abord nos pensées, pour les transmettre à nos semblables, avec la parole qui en est le signe.

244. On avoit remarqué, de tout temps, que l’air est toujours chargé d’une quantité plus ou moins considérable de principes hétérogènes, d’émanations de différentes espèces, et surtout de vapeurs aqueuses. Mais l’air, en le supposant dégagé de toutes ces matières étrangères qui altèrent sa pureté, étoit regardé comme un être simple, et un des quatre élémens dans lesquels tous les corps se résolvoient en dernière analyse. Il est prouvé aujourd’hui que ce fluide est formé de deux principes très-différens, dont l’un a été nommé gaz oxygène, et l’autre gaz azote. Le premier, s’il existoit seul, seroit trop respirable et consumeroit notre vie ; le second, lorsqu’on l’a obtenu isolément, suffoque les animaux qui y sont plongés. Du mélange des deux se forme un fluide parfaitement assorti aux fonctions de l’économie animale. Les détails relatifs à cet objet, ainsi que la manière dont l’air se décompose par la respiration, appartiennent encore à la science qui nous a dévoilé la véritable nature de ce fluide. Nous ne l’envisagerons ici que dans son état ordinaire, et nous ramenerons à quatre points de vue les connoissances que nous avons à développer. Le premier nous offrira les propriétés dont l’air jouit le plus constamment, telles que sa pesanteur et son élasticité ; le second comprendra celles qui résultent de sa dilatation par une surabondance de calorique ; le troisième sera relatif à son union avec l’eau, dont il est le dissolvant ; le dernier aura pour objet ce mouvement particulier de vibration, à l’aide duquel l’air devient le véhicule du son.

1. De la Pesanteur et du Ressort de l’Air.

245. Galilée, dont le nom se présente comme de lui même, toutes les fois qu’il s’agit des premières recherches sur la pesanteur, avoit vérifié celle de l’air, qui étoit niée presque généralement avant lui, quoiqu’elle eût été reconnue par quelques philosophes de l’antiquité. Ce célèbre physicien, ayant injecté de l’air dans un vaisseau de verre, de manière qu’il y restât comprimé, trouva que le vaisseau pesoit davantage que quand l’air y étoit dans son état naturel. Il chercha même, par une autre expérience, la pesanteur de ce fluide comparée à celle de l’eau ; mais il la trouva seulement dans le rapport de l’unité à 400, beaucoup trop foible, comme nous le verrons dans l’instant.

246. On ne connoissoit point encore la machine pneumatique. C’est à Otto de Guericke, bourgmestre de Magdebourg, que nous sommes redevables de l’invention de cette belle machine, qui n’a pas, comme les autres, un rang à part dans la physique expérimentale, dont presque toutes les branches ont besoin d’elle.

Cette machine, réduite à sa plus grande simplicité, est composée d’un cylindre vertical de cuivre, dans lequel se meut un piston, et dont la base supérieure porte un robinet, au-dessus duquel est soudée une platine circulaire, située horizontalement. C’est sur cette platine que l’on place les récipiens que l’on veut purger d’air, ce qui s’exécute en faisant descendre et monter alternativement le piston. Dans le premier cas, le robinet est ouvert de manière à établir une communication entre la capacité du récipient et celle du cylindre ; lorsque le piston est descendu, on ferme le robinet, dont la clef est percée d’une ouverture tellement disposée, qu’elle donne une issue à l’air que le piston chasse en se relevant, sans lui permettre de rentrer dans le récipient. On a beaucoup varié la construction de cette machine, et les Anglais en ont imaginé une à deux corps de pompe, dont les pistons jouent au moyen d’une manivelle et d’une roue dentée ; diverses soupapes ouvrent et ferment alternativement la communication entre le récipient et les corps de pompe, et entre ces derniers et l’air extérieur, en sorte que l’on ne fait mouvoir le robinet que deux fois, l’une avant l’expérience, pour donner un passage à l’air qui doit sortir du récipient, l’autre à la fin, pour maintenir le vide.

247. En se servant de cet instrument, on a constaté la pesanteur de l’air, par une expérience très-simple, qui consiste à peser d’abord un ballon plein d’air, puis à le peser de nouveau, après y avoir fait le vide : on s’aperçoit d’une diminution sensible dans le poids du ballon.

248. On a cherché aussi à déterminer, avec précision, la pesanteur spécifique de l’air. Suivant les résultats de Deluc, le rapport entre les poids de l’air et de l’eau distillée, à la température de la glace fondante, sous une pression moyenne de 28 pouces de mercure, est celui de 1 à 760 ; et d’après les expériences de Lavoisier, le pouce cube d’air, pris à dix degrés de Réaumur, pèse 0,460,05 grains ; et le poids d’un pied cube du même fluide, est d’une once, trois gros et trois grains.

249. La pesanteur de l’air une fois reconnue, il semble qu’il n’étoit pas difficile d’apercevoir que c’est à la pression de ce fluide qu’est due l’ascension de l’eau dans les corps de pompe. Mais il a fallu, pour amener là les physiciens, une de ces observations inattendues, faites pour exciter dans les esprits cette espèce d’inquiétude et d’agitation favorable aux découvertes.

On se rappelle que les anciens philosophes, quand on leur demandoit pourquoi l’eau montoit dans les pompes, se tiroient d’affaire, en répondant que la nature avoit horreur du vide ; ce qui n’étoit autre chose qu’une manière pompeuse et imposante d’avouer qu’ils m’en savoient rien. Des fontainiers italiens, s’étant avisés de vouloir faire des pompes aspirantes, dont les tuyaux avoient plus de trente-deux pieds de hauteur, remarquèrent, avec surprise, que l’eau refusoit de s’élever au-dessus de cette limite. Ils demandèrent à Galilée l’explication de ce fait singulier ; et l’on prétend que ce philosophe, pris au dépourvu, répondit que la nature n’avoit horreur du vide que jusqu’à trente-deux pieds. Torricelli, disciple de Galilée, ayant médité sur le phénomène, conjectura que l’eau s’élevoit dans les pompes par la pression de l’air extérieur, et que cette pression n’avoit que le degré de force nécessaire pour contrebalancer le poids d’une colonne d’eau de trente-deux pieds.

Il vérifia cette conjecture par une expérience, dont la physique lui a doublement obligation, parce qu’en servant à mettre en évidence une découverte importante, elle nous a procuré le baromètre. Torricelli vit le mercure s’arrêter à 28 pouces dans un tube de verre scellé à sa partie supérieure et situé verticalement ; et la hauteur dont il s’agit, étant à celle de trente-deux pieds dans le rapport inverse des densités de l’eau et du mercure, il en conclut que le phénomène appartenoit à la statique, et que c’étoit réellement, comme il l’avoit deviné, la pression de l’air qui déterminoit l’eau ou le mercure à s’élever jusqu’à ce qu’il y eût équilibre.

Ceci se passoit en 1643. L’année suivante, la nouvelle de l’expérience de Torricelli se répandit en France par une lettre écrite d’Italie au père Mersenne. L’expérience fut faite de nouveau en 1646, par Mersenne et Pascal ; et celui-ci imagina, en 1647, un moyen de la rendre encore plus décisive, en la faisant à différentes hauteurs. Il invita, en conséquence, son ami Périer à la répéter sur la montagne du Puy-de-Dôme, et à observer si la colonne de mercure descendroit dans le tube à mesure qu’on s’éleveroit davantage. On voit par la lettre de Pascal à Périer, où il semble éviter de nommer Torricelli, qu’il n’avoit pas encore tout-à-fait renoncé à la chimère de l’horreur qu’on avoit attribuée à la nature pour le vide, et qu’en convenant que cette horreur n’étoit pas invincible, il n’osoit assurer qu’elle n’eût pas lieu dans quelques circonstances. Le plein succès de l’expérience acheva de le désabuser. Mais cette expérience n’étoit que confirmative de celle de Torricelli, et ajoutoit seulement un rayon de plus au trait de lumière qui en étoit sorti.

250. La pression de l’atmosphère sur une surface donnée, étant à peu près la même qu’exerceroit sur cette surface une colonne d’eau de trente-deux pieds de hauteur, on a calculé, d’après cette donnée, l effet de la pression dont il s’agit, par rapport à un homme de moyenne grandeur, et on a trouvé qu’elle équivaut à un poids de 33 600 livres, environ 16 000 kilogrammes. Voilà le poids dont étoient chargés les anciens philosophes, qui nioient sérieusement la pesanteur de l’air.

Quelque considérable que soit ce poids, sa pression s’exerce, pour ainsi dire, à notre insçu, parce qu’elle est continuellement balancée par la réaction des fluides élastiques renfermés dans les cavités intérieures du corps ; et quoique l’air soit sujet à des variations continuelles, qui augmentent ou diminuent sa densité, par une suite du changement de température et de l’action de diverses causes naturelles, comme ces variations, en général, sont renfermées entre des limites peu étendues, et qu’elles se font successivement et avec lenteur, elles ne nous affectent, pour l’ordinaire, que d’une manière peu sensible. Mais s’il arrive un changement brusque, comme lorsque l’homme s’élève à de grandes hauteurs, la rupture d’équilibre qui en résulte a une influence très-marquée sur l’économie animale. On éprouve alors une fatigue extrême, une impuissance absolue de continuer sa marche, un assoupissement auquel on succombe malgré soi : la respiration devient pressée et haletante ; les pulsations du pouls prennent un mouvement accéléré[1]. Pour expliquer ces effets, on a considéré que l’état de bien être, dans tout ce qui dépend de la respiration, exige qu’une quantité d’air déterminée traverse les poumons dans un temps donné. Si donc l’air que nous respirons devient beaucoup plus rare, il faudra que les inspirations soient plus fréquentes à proportion ; ce qui rendra la respiration pénible, et occasionnera les divers symptômes dont nous avons parlé.

À l’égard des inconvéniens qui résulteroient d’un air trop condensé, l’homme n’y est pas exposé par l’action des causes naturelles ; et il paroît qu’en général ils sont moindres que ceux qui ont pour cause la raréfaction de l’air. On ne peut citer ici comme une preuve de la grandeur de ces inconvéniens ce qui arrivoit aux plongeurs, lorsqu’ils étoient renfermés sous une cloche qui descendoit verticalement dans l’eau, et où l’air, pressé par le poids des colonnes environnantes, se contractoit de plus en plus, à mesure que le vase se trouvoit à une plus grande profondeur. Les accidens qui survenoient à l’homme qui avoit séjourné, pendant un certain temps, sous la cloche, provenoient, en grande partie, de l’altération produite dans l’air par la respiration, et ce qu’avoit de plus dangereux ce fluide, étoit le défaut de renouvellement.

Du Baromètre.

251. Les détails relatifs à la construction du baromètre, trouvent naturellement ici leur place. Cet instrument, ramené à sa plus grande simplicité, consiste dans un tube de verre de plus de trente pouces de hauteur, et scellé par le haut. On remplit ce tube de mercure, que l’on a soin de faire bouillir, pour le purger d’air ; puis en tenant le doigt appliqué sur l’orifice inférieur, on renverse le tube, et on le plonge, par le même côté, dans une cuvette de verre, où l’on a versé pareillement du mercure. On retire le doigt, et l’on voit à l’instant le mercure descendre dans le tube, à la hauteur d’environ 28 pouces ; on applique ensuite le tube avec sa cuvette sur une planche divisée en pouces et en lignes, à partir du niveau que donne le mercure renfermé dans la cuvette. On a ainsi un moyen d’observer les variations que subit la pression de l’air, en vertu des causes d’où dépendent les phénomènes de la météorologie.

252. Cette construction est sujette à une imperfection qui empêche que les mouvemens de la colonne de mercure, estimés d’après les indications de l’échelle, ne soient exactement proportionnels aux différentes pressions de l’air ; car, à mesure que cette colonne monte ou descend, elle détermine une petite portion du mercure que renferme la cuvette, à passer dans le tube, ou à rentrer dans cette cuvette, ce qui fait varier la position du niveau ; en sorte qu’il ne répond pas constamment au zéro de l’échelle, qui est cependant le terme de départ auquel se rapporte l’observation de la hauteur à laquelle répond l’extrémité de la colonne sur la même échelle. Cette imperfection est d’autant moins sensible, que la cuvette a plus de largeur vers l’endroit de la ligne de niveau. On a imaginé différens moyens pour la faire disparoître : par exemple, dans certains baromètres, on a rendu l’échelle mobile dans le sens de sa hauteur ; de manière qu’à l’aide d’une vis de rappel, on est toujours maître de ramener la ligne de niveau à se trouver exactement vis-à-vis le zéro de l’échelle. On substitue alors à la cuvette une portion du tube même de l’instrument, qui, dans ce cas, est recourbé par sa partie inférieure, la variation sensible de niveau qui en résulte, pouvant toujours être corrigée par le mouvement de l’échelle. D’autres physiciens emploient une seconde cuvette d’une plus grande capacité, et remplie en partie de mercure, dans laquelle la cuvette du baromètre est entièrement plongée. Lorsqu’on veut faire une observation, on élève le baromètre avec sa cuvette au-dessus du mercure environnant ; et comme alors cette cuvette se trouve toujours pleine, la ligne de niveau donnée par la surface supérieure du mercure qu’elle contient, conserve une position fixe, par rapport à la graduation.

253. On voit par ce qui précède, que l’échelle du baromètre est réglée d’après un tout autre principe que celle du thermomètre. Les mouvemens de la liqueur, dans ce dernier instrument, se mesurent en parties proportionnelles à la distance entre les deux limites données par l’observation ; ils diffèrent dans les divers thermomètres, quoique par des degrés semblables, quand les circonstances sont les mêmes : dans le baromètre, au contraire, où il n’y a qu’un terme fixe, savoir, le niveau qui s’établit de lui-même dès le premier instant, la hauteur de la colonne se mesure d’une manière absolue ; et elle augmente ou diminue par des degrés égaux, dans les différens baromètres soumis aux mêmes variations de l’atmosphère.

Si l’on veut introduire la division décimale dans l’échelle du baromètre, les limites des variations de la colonne, qui s’étendent dans l’espace compris à peu près entre le 26me. et le 29me. pouces, répondront, l’une à 70, et l’autre à 78 centimètres, depuis la ligne de niveau, ce qui fait huit centimètres pour le champ de l’observation : dans le même cas, la hauteur moyenne de 28 pouces répondra à 758 millimètres.

Du Ressort de l’Air.

254. L’élasticité de l’air, dont nous allons maintenant nous occuper, est constatée par diverses expériences très-connues. Une des plus ordinaires, est celle dans laquelle on emploie la machine appelée fontaine de compression. Elle consiste en un vase de métal d’une forme arrondie, dont le sommet est percé d’une ouverture, au moyen de laquelle on le remplit d’eau jusqu’aux deux tiers environ de sa capacité. On visse ensuite à l’endroit de la même ouverture un tube qui descend dans le vase jusqu’à une petite distance du fond, et dont la partie supérieure qui dépasse l’ouverture est garnie d’un robinet. On adapte à cette même partie une pompe foulante, et le robinet étant ouvert, on injecte une grande quantité d’air dans l’intérieur du vase : cet air, plus léger que l’eau, s’élève au-dessus, et son ressort augmente avec sa densité, à mesure qu’on donne de nouveaux coups de piston. On ferme le robinet, on dévisse la pompe, et on lui substitue une espèce de petit cône creux, ouvert par son sommet, qui est tourné en haut ; dès que l’on ouvre de nouveau le robinet, l’air condensé déployant sa force sur la surface de l’eau, la chasse par le canal plongé dans ce liquide, qu’on voit s’élancer au dehors, sous la forme d’un jet de dix mètres (environ trente pieds) de hauteur, ou davantage.

255. On peut obtenir un effet analogue, par le seul débandement du ressort naturel de l’air, en plaçant sous le récipient de la machine pneumatique un petit vase où tout soit semblable à ce qu’offre la fontaine de compression, au moment où l’on ouvre le robinet pour donner un libre passage à l’eau, excepté que l’air situé au-dessus de ce liquide est dans son état ordinaire. Tandis que l’on fait le vide, l’air renfermé dans le vase, et dont la pression sur l’eau n’est plus balancée parcelle de l’air extérieur, se dilate, et fait naître un jet qui s’élève sous le récipient.

256. Mais l’expérience la plus intéressante qui soit relative à cet objet, est celle de Boyle et de Mariotte, pour faire voir que l’air se resserre, à peu de chose près, dans le rapport des poids dont il est chargé. Ces sortes d’expériences méritent d’être préférées, parce qu’elles ne se bornent pas à prouver l’existence d’un phénomène, mais qu’elles nous font connoître encore comment il existe, en déterminant la loi à laquelle il est soumis.

On prend un tube de verre recourbé, dont la branche la plus courte, qui doit être partout d’une égale épaisseur, est d’environ 32 centimètres ou 12 pouces de hauteur, et scellée hermétiquement à son extrémité. L’autre branche, qui est ouverte, doit avoir au moins 26 décimètres, ou huit pieds de hauteur. Le tout est fixé sur une planche qui porte une division adaptée aux deux tubes. On fait d’abord couler un peu de mercure dans la partie recourbée, pour avoir une ligne de niveau, et l’on compte le nombre de degrés compris entre cette ligne et l’extrémité supérieure de la branche la plus courte. Dans cet état de choses, l’air qui occupe cette branche fait équilibre, par son ressort, à la pression de la colonne d’air atmosphérique qui pèse dans l’autre branche, et dont la pression se transmet au moyen du mercure renfermé dans la courbure inférieure. Cette pression, ainsi que nous l’avons vu, est égale à celle d’une colonne de mercure d’environ 76 centimètres ou 28 pouces de hauteur. On verse ensuite du mercure dans la branche la plus longue, et en même temps l’air se resserrant dans l’autre branche, par l’excès de pression qui en résulte, le mercure s’élève dans cette même branche jusqu’à ce qu’il y ait encore équilibre. On mesure alors, d’une part, la longueur de cette colonne d’air comprimé, et de l’autre, l’excès de la colonne de mercure renfermée dans la branche la plus longue, sur celle qui occupe la plus courte. Supposons, pour plus de simplicité, que cet excès soit de 76 centimètres ; on trouve que, dans ce cas, la colonne d’air comprimé est réduite à la moitié de la hauteur qu’elle avoit avant qu’on eût introduit le mercure. Or, cette colonne est chargée d’un poids double du premier, puisque l’on a ajouté une pression de 76 centimètres de mercure, à une égale pression exercée par l’air atmosphérique, et qui n’est pas censée avoir diminué ; car on peut négliger la petite différence qui résulte de ce que les 76 centimètres qui terminent inférieurement cette colonne, sont actuellement occupés par le mercure. En général, si l’on prend le rapport entre la première pression due à la colonne de l’atmosphère, et une autre pression quelconque exercée par cette même colonne et par le mercure sur-ajouté, les espaces correspondans, occupés par l’air comprimé, seront entre eux dans le rapport inverse des pressions ; d’où l’on voit que l’air se contracte, ainsi que nous l’avons dit, à proportion des poids qui le compriment. Si l’on retire ensuite du mercure à plusieurs reprises, l’air s’étendra par son ressort, et les espaces qu’il occupera successivement en sens contraire, suivront encore le rapport inverse des pressions.

Cependant, il est vraisemblable que ce rapport n’est sensiblement exact qu’entre certaines limites, même en supposant que l’air soumis à l’expérience soit sec et reste toujours à la même température, comme cela est nécessaire. Nous trouvons dans les auteurs de physique plusieurs résultats d’expériences qui tendroient à prouver que l’on a poussé très-loin la contraction et la dilatation de l’air, par l’augmentation ou la diminution de pression ; mais il ne paroît pas que l’on doive compter beaucoup sur la précision de ces résultats.

Divers Phénomènes produits par la
Pesanteur et par le Ressort de l’Air.

257. Si l’on suppose, pour un instant, que l’air de l’atmosphère ait partout la même densité, et que l’on fasse attention ensuite à l’effet de la pesanteur sur les différentes couches de ce fluide élastique, il est aisé de concevoir que chaque couche, comprimée par le poids des couches supérieures, se resserrera dans le sens de sa hauteur, et que, de plus, la densité des couches diminuera à mesure qu’étant à une plus grande distance de la surface de la terre, elles seront pressées par un plus petit nombre de couches supérieures. C’est effectivement ce qui a lieu par rapport à l’atmosphère. Nous ferons connoître, dans la suite, la loi de ce décroissement, et le parti qu’on en a tiré pour mesurer les hauteurs, à l’aide du baromètre.

258. On concevra de même qu’une partie quelconque d’une colonne de l’atmosphère, prise à la surface de la terre, doit toujours faire équilibre, par son ressort, à la pression de la partie supérieure. Ainsi, l’air, exactement renfermé dans une coupe que l’on auroit posée dans une situation renversée, sur un plan parfaitement uni, feroit autant d’effort pour pousser le fond du vase de bas en haut, que l’air extérieur pour le pousser en sens contraire ; de sorte que l’on n’éprouveroit aucune difficulté à soulever ce vase, ce qui est d’ailleurs conforme à l’observation.

Mais si l’on supprime une quantité plus ou moins considérable d’air intérieur, comme cela a lieu lorsqu’on fait le vide sous le récipient de la machine pneumatique, alors la pression de l’air extérieur n’étant plus équilibrée par l’action contraire de celui qui reste sous le récipient, il en résultera une difficulté d’autant plus grande pour détacher ce récipient de la platine, que le vide approchera plus d’être parfait.

259. Il suit encore des principes établis précédemment, que si l’on prend à la surface de la terre une certaine quantité d’air dont le ressort fera par conséquent équilibre à une pression d’environ 76 centimètres de mercure, et qu’on introduise cet air dans un espace vide où il puisse se dilater, sa force de ressort, diminuée par la dilatation, sera à la force primitive, en raison inverse des volumes ou des espaces relatifs aux deux états successifs de ce fluide. Cette conséquence peut être vérifiée à l’aide d’une expérience intéressante, qui consiste à introduire dans un baromètre ordinaire une quantité d’air déterminée, en employant pour mesure un tube de même diamètre que celui du baromètre, et dont la hauteur soit connue. Cet air, parvenu au-dessus de la colonne de mercure, s’étendra, par son ressort, dans le vide qui se trouve en cet endroit, et fera baisser le mercure jusqu’à ce que sa force de ressort, jointe au poids de ce qui restera de mercure dans le tube, fasse équilibre à la pression de l’atmosphère. On pourra déterminer d’avance, par un calcul simple, la hauteur de l’espace dans lequel cet air doit se répandre, ou, ce qui revient au même, la hauteur à laquelle s’arrêtera la colonne de mercure. Par exemple, si le tube a 90 centimètres de hauteur, et qu’on y introduise 8cent., 25 d’air, on trouve, en supposant que la pression de l’air atmosphérique à laquelle étoit d’abord soumis le mercure fût de 76 centimètres, que ce liquide descendra à 57 centimètres au-dessous du niveau ; en sorte que l’espace occupé par l’air sera de 33 centimètres[2].

260. Ceci nous conduit à l’explication des effets produits par la fontaine à laquelle on a donné le nom d’intermittente, et dont voici la construction : ABC (fig. 26, Pl. IV) est un globe de verre ou de toute autre matière, percé de plusieurs trous, auxquels sont adaptés de petits tubes n, o, r, s, et traversé dans le sens de son axe vertical par un tube CZ, dont la partie supérieure i s’élève jusqu’à une petite distance du sommet o, et dont la partie inférieure s’emboîte exactement dans un cylindre creux SD, fixé au fond d’une cuvette MT. Le bas de ce cylindre est échancré latéralement en u, en sorte qu’il y a une communication libre entre l’air renfermé dans le vase ABC et l’air extérieur. La cuvette MT est percée d’un petit trou, au moyen duquel elle communique avec un réservoir K placé en dessous. Lorsqu’on veut faire usage de cette fontaine, on retire le tube CZ du cylindre SD, puis on le renverse, et l’on s’en sert pour introduire de l’eau dans le vase ABC, jusqu’à ce qu’il soit plein. On retourne ensuite le tube, et on le fait rentrer dans le cylindre SD : à ce moment l’air extérieur qui entre librement par l’échancrure u, exerce sa pression sur la surface ab du liquide ; mais il agit avec une force sensiblement égale sur l’eau qui tend à sortir par les tubes n, o, r, s, en sorte qu’à cet égard l’eau est en équilibre entre les deux forces de l’air. Elle s’écoulera donc par les petits tubes, en vertu de son propre poids. À mesure que cette eau tombe dans la cuvette MT, il en sort une partie par le trou dont elle est percée ; mais comme elle reçoit plus qu’elle ne perd, il y a un terme où l’échancrure u se trouve obstruée, en sorte qu’il ne peut plus entrer d’air dans le vase ABC. Cependant l’eau continue de couler pendant un instant, tandis que l’air intérieur se dilate, jusqu’à ce que son ressort soit tellement affoibli, que ce qui lui en reste, joint au poids de l’eau, soit en équilibre avec la pression de l’air, à l’orifice des tubes n, o, r, s ; alors l’écoulement qui se fait par ces tubes s’arrête tout à coup. Mais la cuvette MT continuant de se vider, il arrive bientôt que l’échancrure u redevient libre, et que l’air s’introduit de nouveau dans le vase ABC, en sorte que les petits tubes recommencent à jeter de l’eau. La fontaine coule ainsi et tarit alternativement, jusqu’à ce que le vase qui fournit l’eau soit épuisé.

Des Pompes.

261. Nous nous sommes bornés à indiquer l’air en général, comme cause de l’élévation de l’eau dans les corps de pompe. Mais la manière dont la pression extérieure de ce fluide se combine avec une autre action, qu’il exerce à l’intérieur et qui dépend de son ressort, est susceptible de quelques détails d’autant plus propres à intéresser, qu’ils tendent à mieux faire connoître une des plus belles et des plus utiles productions de la mécanique.

Toutes les pompes peuvent se rapporter à trois espèces ; savoir, la pompe foulante, la pompe aspirante, et celle qu’on nomme foulante et aspirante, parce qu’elle réunit les effets des deux premières.

262. La pompe foulante a son piston placé inférieurement au niveau de l’eau. Elle se construit de deux manières : dans l’une, la tige t (fig. 27) du piston P est située en dessous, et celui-ci est percé d’une ouverture verticale, dont l’orifice supérieur est garni d’une soupape s à charnière. Lorsqu’il est en repos, il occupe le fond du corps de pompe, dans l’intérieur duquel l’eau s’introduit d’elle-même, à travers le piston, dont elle soulève la soupape, par sa tendance à chercher le niveau. Vers l’endroit mn de ce niveau, le corps de pompe est garni pareillement d’une soupape s′ à charnière, qui fait l’office d’un second fond mobile de bas en haut ; cette soupape se nomme dormante. Tandis que le piston s’élève au moyen du mouvement communiqué à la tige, la soupape s demeure fermée, et l’eau dont il est chargé, monte avec lui jusqu’à la soupape dormante s′, qui est forcée de s’ouvrir pour donner un passage à cette eau. La même soupape retombe ensuite par son poids, et empêche le liquide de sortir. Le piston va chercher, en descendant, une nouvelle charge d’eau, avec laquelle il remonte, pour la déposer au même en droit que la première ; en sorte que l’eau peut être élevée ainsi à une hauteur arbitraire, pourvu que le moteur ait une force suffisante.

263. Les pompes de la seconde construction diffèrent de la précédente, par la position de la tige, qui est située au-dessus du piston, et de plus, en ce que le piston est plein, et repose sur une soupape qui garnit le fond de la pompe. Lorsque le piston s’élève, l’eau le suit, pour se mettre de niveau ; pendant sa descente, il refoule cette eau dans un tuyau latéral, où elle s’ouvre un passage en soulevant une soupape, qui s’abaisse dès que le piston est arrivé au bas de sa course.

264. La pompe aspirante représentée fig. 28, a son piston P élevé au-dessus du niveau mn de l’eau, à une hauteur qui doit être moindre que 32 pieds. Ce piston est percé et garni d’une soupape s en dessus. Le corps de pompe a une séparation formée par une autre soupape s′, à une certaine distance au-dessous du point k, où nous supposons que se termine inférieurement le jeu du piston. Quand celui-ci est en repos à ce même point, l’air intérieur, compris entre la soupape dormante s′ et le niveau mn de l’eau, fait équilibre par son ressort à la pression de l’air extérieur. Quant à l’air renfermé dans l’espace klzo, au-dessus de la soupape dormante, et dont le ressort est sensiblement égal à celui de l’air inférieur, son effet se borne, pour le moment, à tenir cette soupape fermée. Lorsqu’ensuite le piston monte, l’air contenu dans l’espace klzo se dilate ; celui qui est au-dessous de la soupape dormante la soulève par l’excès de son ressort, et une partie de cet air se répand dans l’espace klzo. En même temps l’eau s’élève jusqu’au terme où le ressort de l’air, affoibli par la dilatation, joint au poids de l’eau qui a dépassé le niveau, fait une somme égale à la pression de l’atmosphère. Ce terme ayant lieu au moment où le piston cesse de monter, la soupape dormante, qui se trouve entre deux airs également dilatés, se referme par son poids. Le piston, en descendant, resserre le volume de l’air compris entre sa base et la soupape dormante ; et comme le volume de cet air excède le volume primitif d’une quantité égale à celle qui est entrée dans l’espace klzo, il est évident qu’il y a un point où il devient plus dense que dans son premier état, et alors il soulève, par son ressort, la soupape s placée au-dessus du piston, et une partie s’échappe au dehors, jusqu’à ce que le reste ait repris sa densité naturelle. À mesure que les deux mouvemens du piston se répètent, l’eau, continuant de monter, parvient jusqu’au piston, qui, en s’abaissant, la force de passer à travers son ouverture, pour l’élever ensuite avec lui ; et ainsi successivement, jusqu’à ce qu’elle arrive à la hauteur désirée.

La construction de cette espèce de pompe exige des précautions, pour obvier à un inconvénient qui paroît d’abord singulier. C’est qu’il est possible que l’eau, avant de parvenir au piston, s’arrête tout à coup, et refuse de monter davantage, quoique le piston continue ses mouvemens. Pour concevoir cette possibilité, remarquons que le poids de l’eau, à partir du niveau, va toujours en augmentant, à mesure qu’elle monte, tandis que la quantité d’air qui reste entre l’eau et la base du piston, et dont le ressort se déploie pendant que celui-ci s’élève, va au contraire en diminuant. Il en résulte que le rapport entre les deux forces qui réagissent ensemble contre la pression de l’atmosphère varie continuellement ; et ainsi il peut se faire que la somme de ces forces devienne, à un certain terme, capable d’opposer à cette pression une plus grande résistance qu’auparavant. Supposons, par exemple, que l’eau soit arrivée en hr, et imaginons qu’elle y soit retenue par une puissance quelconque, tandis que le piston s’élève de kl en fg, qui est la limite de son mouvement. Si l’espace hrgf que celui-ci laissera vide est tel que le ressort de l’air, après sa dilatation, joint au poids de l’eau qui excède le niveau, fasse équilibre à la pression de l’atmosphère, il est aisé de voir que l’eau ne seroit pas montée, dans le cas même où rien ne l’auroit retenue, puisque la condition requise pour l’équilibre est remplie par la seule dilatation de l’air.

Donc si la pompe est tellement construite qu’il y ait un point où l’hypothèse, que nous venons de faire, puisse être réalisée, l’eau restera stationnaire à ce point. Pour que l’hypothèse ne soit jamais admissible, et que la pompe fasse son service dans tous les cas, il faut qu’il y ait entre le jeu du piston et sa plus grande hauteur au dessus du niveau, un certain rapport que l’on détermine facilement à l’aide du calcul[3].

265. L’eau s’élève dans la pompe aspirante et foulante, comme dans celle qu’on nomme simplement aspirante. Mais ici le piston est plein, et lorsque l’eau est parvenue jusqu’à sa base, il refoule cette eau en s’abaissant, et la force de passer dans un tuyau latéral, comme cela a lieu pour la seconde pompe foulante, dont nous avons parlé.

Cette pompe ne diffère de la précédente qu’en ce que l’eau, au lieu de passer à travers le piston pendant qu’il s’abaisse, est chassée dans un tuyau particulier ; en sorte qu’on a considéré cet effet du piston comme ayant quelque chose de plus marqué, et qui semble caractériser davantage l’action de fouler.

Du Syphon.

266. C’est encore à la pression de l’air que sont dus les effets du syphon, qui sert à transvaser les liqueurs. On appelle ainsi un tube de verre recourbé, dont une des branches est plus longue que l’autre. On tient cet instrument, de manière que la partie recourbée tourne sa convexité vers le haut. On plonge la branche la plus courte dans le vase qui contient la liqueur ; on applique la bouche à l’orifice de la plus longue branche, et l’on suce la liqueur, c’est-à-dire, qu’on enfle la poitrine, de manière à produire une dilatation dans l’air qui occupe l’intérieur du syphon ; la liqueur s’introduit à l’instant dans celui-ci, par la pression de l’air extérieur. Lorsque le syphon est plein, on retire la bouche, et la liqueur continue de s’écouler par la longue branche, jusqu’à ce que le vase soit vide.

On conçoit aisément la raison de cet effet, en considérant que l’air qui répond à l’orifice de la plus longue branche, presse de bas en haut, suivant la loi de tous les fluides, la colonne d’eau contenue dans cette branche, tandis que l’air, qui repose sur la surface du liquide renfermé dans le vase, agit par l’intermède de ce liquide pour presser dans le même sens la colonne qui occupe la branche la plus courte ; et il est clair qu’il n’a besoin de soutenir que la partie de cette colonne, qui s’élève au dessus du niveau. Or, la différence entre cette même partie et la colonne renfermée dans la branche la plus longue, donne à celle-ci un excès de poids qui n’est pas, à beaucoup près, balancé par l’excès de longueur de la colonne d’air qui répond à l’orifice de la même branche, et ainsi toute la partie de la liqueur, qui n’est pas soutenue par l’air, tombera ; et comme elle est sans cesse remplacée par celle qui vient du vase, l’écoulement ne finira qu’avec la liqueur elle-même.

267. On connoît depuis long-temps une multitude de faits que l’on attribuoit à l’horreur de la nature pour le vide, et dont l’explication s’offre comme d’elle-même, d’après les détails dans lesquels nous sommes entrés sur la pesanteur et l’élasticité de l’air. Lorsqu’on essaye de tirer le piston d’une seringue dont on a bouché l’ouverture, on éprouve une forte résistance, comme s’il étoit attaché au fond par un certain pouvoir, tandis que c’est le poids de l’air qui, en pressant sa base supérieure, l’empêche de monter. Par la même raison, on écarte difficilement les panneaux d’un soufflet, dont on a fermé les ouïes et le tuyau. Lorsque l’on place entre les lèvres un tube dont la partie inférieure est plongée dans l’eau, et que l’on aspire l’air intérieur, pour déterminer l’ascension du liquide, la succion semble être une force qui agit par attraction, tandis qu’on ne fait autre chose que rendre prépondérante l’action de l’air extérieur pour faire monter l’eau dans le tube. On pourroit citer beaucoup d’autres effets du même genre, dont les apparences sont comme des piéges tendus à l’imagination.

De la Mesure des Hauteurs par le Baromètre.

Après avoir montré combien la découverte de la pression que l’air exerce sur la surface des autres corps a contribué à perfectionner la théorie de ce fluide, il nous reste à faire connoître une application de cette découverte, qui a doublé les avantages du baromètre.

L’expérience de Torricelli avoit donné cet instrument à la physique, pour les observations journalières relatives à l’état de l’air. L’expérience de Pascal fit naître l’idée de le substituer, dans certaines circonstances, aux moyens géométriques pour la mesure des hauteurs.

268. La méthode la plus simple d’appliquer le baromètre à cet usage, est fondée sur une observation qui ne peut être regardée que comme un premier aperçu. Elle consiste à supposer qu’en général une ligne de diminution dans la colonne de mercure, répond à une différence de douze toises et demie en hauteur verticale. Ce résultat, traduit dans le langage des nouvelles mesures, donne 108 décimètres d’élévation pour chaque millimètre dont le mercure s’abaisse. L’emploi de ce moyen doit être limité à des hauteurs peu considérables, comme celles qui n’excèdent pas mille ou douze cents toises au dessus du niveau de la mer.

269. La loi suivant laquelle décroissent les densités de l’air, a fourni une autre méthode qui approche beaucoup plus de la précision, et qui s’étend à toutes les hauteurs auxquelles nous pouvons parvenir. En partant du principe donné par l’observation, que l’air se comprime en raison des poids dont il est chargé, on prouve que quand les hauteurs sont en progression arithmétique, les densités correspondantes sont en progression géométrique ; et il est visible que ces densités, à leur tour, sont en rapport avec les abaissemens du mercure dans le tube du baromètre.

270. On peut démontrer d’une manière fort simple cette relation entre les hauteurs et les densités de l’air qui leur correspondent. Soit abzs (fig. 29) une tranche d’air prise depuis la surface ab de la terre jusqu’à la limite sz de l’atmosphère. Divisons cette tranche en une infinité d’autres tranches d’une épaisseur infiniment petite, par des parallèles dc, ef, gh, etc., à la ligne ab, dont les distances respectives, ad, de, eg, etc., soient égales entre elles ; il est évident que les densités de ces différentes tranches iront en diminuant depuis la ligne ab, et que de plus, elles seront successivement comme les poids des quantités d’air situées au-dessus de chacune d’elles, en sorte, par exemple, que la densité de la tranche abcd sera à celle de la suivante dcfe, comme le poids de l’air contenu dans dczs est à celui de l’air contenu dans efzs.

Concevons maintenant une courbe bpxs tellement tracée que si l’air contenu dans chaque espace abcd, dcfe, etc., étoit réduit à n’occuper que l’espace correspondant abnd, dnoe, etc., pris dans l’intérieur de la courbe, le fluide se trouvât distribué uniformément dans l’espace total terminé par cette courbe. On conçoit comment cette hypothèse peut avoir lieu, puisque les densités primitives de l’air et les espaces abnd, dnoe, situés dans l’intérieur de la courbe, étant de part et d’autre en progression décroissante, on est le maître de choisir une courbe d’une telle nature, que les portions d’air qui passeront des espaces bnc, ncfo, etc., dans les espaces voisins abnd, dnoe, fassent croître les densités de l’air qui occupoit d’abord ces derniers espaces, de manière que leurs différences deviennent nulles.

Cela posé, il est visible que les espaces abnd, dnoe, etc., étant d’autant plus petits que les densités primitives étoient elles-mêmes plus petites, leur rapport sera le même que celui de ces densités ; de plus, les espaces dns, eos, etc., situés au-dessus des premiers, seront entre eux successivement comme les poids des quantités d’air qui compriment celui que renferment les espaces abnd, dnoe, etc. Et puisque l’air se condense en raison des poids dont il est chargé, il en résulte que les espaces dns, eos, etc., seront aussi proportionnels aux espaces abnd, dnoe, etc. Mais ceux-ci sont les différences entre les premiers, et il est démontré que quand des quantités sont entre elles comme leurs différences, ces quantités, et par conséquent leurs différences, sont en progression géométrique[4] ; donc les espaces abnd, dnoe, eopg, etc., ou, ce qui revient au même, les densités de l’air qui répondent aux hauteurs ad, ae, ag, etc., suivent la loi d’une progression géométrique ; et puisque ces hauteurs sont évidemment en progression arithmétique, à cause de l’égalité des distances ad, de, cg, etc., nous en concluerons que quand les hauteurs forment une progression arithmétique, les densités correspondantes de l’air sont en progression géométrique.

Or, les élévations du mercure dans le baromètre sont proportionnelles aux densités de l’air, qui répondent aux différentes hauteurs où ces élévations ont lieu. Donc, si d’une part on exprime ces densités par les nombres de lignes qui les mesurent, à partir de la ligne de niveau, et si d’une autre part on représente en toises les hauteurs auxquelles correspondent les élévations du mercure, on pourra considérer les nombres de toises comme les logarithmes des nombres de lignes.

Supposons, pour un instant, que l’on eût une table construite d’après ce système de logarithmes ; voici comment on parviendroit à mesurer la hauteur d’une montagne. On prendroit les deux nombres de lignes que marquoit le baromètre au point le plus bas et au point le plus haut ; on chercheroit dans la colonne des logarithmes les nombres de toises correspondans, et la différence entre ces deux nombres donneroit la distance verticale entre les deux stations, ou la hauteur cherchée.

271. Mais les physiciens ont senti que l’on pouvoit se dispenser d’un pareil travail, et faire servir les logarithmes ordinaires à la détermination des hauteurs par le baromètre. Pour y parvenir, il ne s’agissoit que d’avoir un facteur constant, dont la valeur fût telle que son produit, par les logarithmes de nos tables, donnât des mesures conformes à l’observation. Les premières déterminations de ce genre étoient fondées sur l’observation elle-même ; c’est-à-dire, qu’après avoir choisi parmi les résultats de diverses opérations trigonométriques ceux qui paroissoient mériter le plus de confiance, on cherchoit la valeur du facteur qui devoit être introduit dans le calcul relatif aux indications du baromètre, pour que les résultats de ce calcul s’accordassent avec ceux dont la trigonométrie avoit fourni les données. Deluc, en suivant cette marche, a été conduit à une détermination d’une heureuse simplicité, en ce qu’elle ne laisse presque rien à faire, pour ramener aux nombres que ce savant regarde comme les véritables, ceux que donnent les tables ordinaires ; elle consiste en ce que les logarithmes de ces tables, pris avec sept décimales, n’ont besoin que d’être multipliés par 10 000, pour représenter en toises les vrais logarithmes des nombres de lignes qui mesurent les observations correspondantes du baromètre. Ainsi, après avoir pris la différence entre les deux logarithmes tabulaires des nombres de lignes dont il s’agit, on reculera de quatre rangs, vers la droite, la virgule qui suit la caractéristique, et l’on aura la distance verticale entre les deux stations, exprimée en toises et en parties décimales de la toise.

272. Mais ce résultat, et tous les autres du même genre, exigent plusieurs corrections, dont deux surtout ont fixé l’attention des physiciens. On sait que la température varie dans les différens points d’une même colonne d’air, de manière qu’en général les couches supérieures sont plus froides que les inférieures. Or, les densités de l’air, qui répondent à des hauteurs verticales en progression arithmétique, ne sont censées être exactement en progression géométrique, qu’autant que la température de l’air est uniforme ; d’où l’on voit que dans le cas ordinaire où elle varie, il est nécessaire de corriger les hauteurs du baromètre. Mais d’une autre part l’inégalité de température influe immédiatement, par un effet thermométrique, sur la colonne même de mercure renfermée dans le baromètre, et y produit une augmentation ou une diminution de longueur, qui est étrangère aux indications de cet instrument, ce qui exige une nouvelle correction.

273. On a imaginé différens moyens de faire disparoître ces anomalies. En procédant par la méthode de Deluc, on supprime d’abord l’effet qui a pour cause l’influence immédiate de la température sur le baromètre, et l’on ramène les indications de cet instrument à ce qu’elles auroient été dans le cas d’une variation due à la seule pression de l’atmosphère. On cherche ensuite le nombre de toises qui donne l’élévation proposée, en partant des hauteurs corrigées du baromètre, puis on applique à ce même nombre la correction relative à l’action variable de la chaleur sur la colonne d’air renfermée entre les deux stations.

Pour déterminer la première correction, Deluc avoit cherché, par l’observation, à quel degré de température la hauteur du baromètre n’exigeroit aucune correction. Ce degré répondoit au dixième au-dessus de zéro, sur le thermomètre en 80 parties. Deluc avoit aussi déduit de l’expérience la quantité dont la variation de température allongeoit ou raccourcissoit la colonne de mercure du baromètre, par chaque degré du thermomètre. Cette quantité étoit de 0lig.,075, en supposant que le baromètre eût été d’abord à 27 pouces. Dans le cas d’une hauteur différente, une réduction donnoit la quantité de la variation. Il étoit facile ensuite d’ajouter à la hauteur observée ce qui lui manquoit, ou d’en retrancher ce qu’elle avoit de trop, à proportion que la température différoit de celle de 10 degrés, qui servoit de terme fixe.

À l’égard de l’autre correction, Deluc avoit cherché de même à quelle température il n’y auroit eu aucun changement à faire dans le nombre de toises donné par les logarithmes des hauteurs modifiées d’après la première correction. Cette température étoit de 16d ¾ au-dessus de zéro. Le même savant avoit ensuite supposé que la température varioit, dans l’étendue d’une même colonne d’air, de manière à croître ou à décroître en progression arithmétique, et il résultoit de ses expériences que l’air augmentoit ou diminuoit de 1/215 de son volume, par chaque degré du thermomètre. En combinant ces données avec les observations de la température qui avoit lieu dans les deux stations, on déterminoit l’erreur, en plus ou en moins, du nombre de toises obtenu à l’aide des logarithmes.

274. Laplace a proposé une méthode qui fournit des moyens plus directs pour arriver au même but, et qui ne laissera plus rien à désirer, lorsque la détermination des quantités qui lui servent de bases, aura été prise de nouveau, avec toute la précision dont elle est susceptible.

Dans cette méthode, le coëfficient constant par lequel on doit multiplier le nombre que donnent les logarithmes tabulaires, dépend du rapport entre le poids d’un volume déterminé de mercure, et celui d’un égal volume d’air, à la température de la glace fondante, et à la hauteur moyenne du baromètre au niveau de la mer. Cette hauteur est à très-peu près de 76 centimètres (28 pouces), et la pesanteur spécifique de l’air comparée à celle du mercure, telle que l’indiquent les expériences faites jusqu’ici, est dans le rapport de l’unité à 10 283. D’après cette donnée, le coëfficient constant de la différence entre les logarithmes des nombres de centimètres qui mesurent les élévations du baromètre aux deux stations, est égal à 17 972mt.,1.

275. Mais l’hypothèse d’une température uniforme égale à zéro, exige de même ici deux corrections, pour être ramenée aux indications offertes par le thermomètre pendant l’opération même. La première porte sur le coëfficient constant. Pour mieux concevoir en quoi elle consiste, supposons que la température, à la station la plus basse, soit, par exemple, de 16d au-dessus de zéro, et qu’à la station la plus haute elle soit de 4d au-dessus de la même limite. La chaleur étant censée décroître en progression arithmétique, à mesure que la température s’abaisse, tel sera son effet sur l’air compris entre les deux stations, que les différences entre les densités réelles des diverses couches de cet air prises de bas en haut, et celles qui auroient lieu en vertu des seules pressions, suivront elles-mêmes une progression arithmétique.

On pourra donc considérer l’opération comme étant faite par une température uniforme de 10d, qui étant la demi-somme des températures extrêmes, donne le terme moyen de la progression. Ainsi, l’effet sera le même que si la température ayant été d’abord à zéro, s’étoit élevée subitement de 10d dans toute la masse d’air renfermée entre les deux stations. Or, dans cette hypothèse, la dilatation subie par l’air auroit fait monter ses différentes couches au-dessus de leur premier niveau, d’où il suit que la colonne de mercure du baromètre, à mesure que l’observateur s’élève, étant pressée par une plus grande quantité d’air que si la température étoit zéro, le baromètre descendra moins que dans le cas de cette même température, et par conséquent le calcul, fait sans aucune correction, donneroit un résultat trop foible. Il faudra donc, pour compenser l’erreur, augmenter le coëfficient constant d’une certaine quantité qu’il s’agit de déterminer. Or, on a observé que, vers la température de la glace fondante, l’air se dilate d’environ 1/250 de son volume par chaque degré du thermomètre centigrade, qui est celui dont on se servira pour les opérations de ce genre. Donc la quantité dont il faudra augmenter le coëfficient constant est égale au produit de ce coëfficient par 1/250, et par le nombre de degrés qu’indique la température moyenne. Mais celle-ci étant la demi-somme des températures observées aux deux stations, on voit que l’opération se réduit à multiplier la somme entière par 35mt.,944, qui est le produit du coëfficient 17 972mt.,1 par 1/2250 ou par 1/500[5].

La seconde correction dépend de l’effet thermométrique de la chaleur par rapport au mercure du baromètre. Or, on sait que ce liquide se dilate d’environ 1/5412 de son volume, par chaque degré du thermomètre centigrade. Il en résulte que si l’on part de la température qui avoit lieu à la station la plus froide, l’effet thermométrique dont il s’agit sera mesuré par la 5 412e partie de la longueur qu’avoit la colonne de mercure, à la même station, prise autant de fois qu’il y a de degrés dans la différence entre les deux températures. En ajoutant le produit au nombre de centimètres que donnoit le baromètre à la station la plus froide, on ramenera l’opération à ce qu’elle eût été, si la colonne de mercure avoit conservé constamment sa densité, en partant de la station la plus chaude.

276. Appliquons cette méthode à la détermination de la hauteur du Mont-Blanc, au-dessus du lac de Genève, d’après les données suivantes indiquées par Saussure[6]. Le baromètre, placé à 3 pieds au-dessous de la cime du Mont-Blanc, étoit à 16 pouces et ½ ligne, qui font 0mt.,434,2, et le thermomètre en 80 parties, à −2d,3, qui équivalent à −2d,87 du thermomètre centigrade.

En même temps, le baromètre placé à Genève, à 13 toises au-dessus du lac, étoit à 27 pouces, 3 lignes, 5seis.,83, qui font 0mt.,738,5, et le thermomètre en 80 parties à 22d,6, qui répondent à 28d,25 du thermomètre centigrade.

Pour avoir la quantité dont le coëfficient constant doit être augmenté, on multipliera la somme 25d,38 des deux températures 28d,25 et −2d,87 par 35mt.,944, et on ajoutera le produit 912mt.,259 au coëfficient constant 17 972mt.,1, ce qui donnera pour le véritable coëfficient 18 884mt.,359.

Pour corriger ensuite la hauteur du baromètre à la station la plus froide, ou celle du Mont-Blanc, d’après la variation de la température, on prendra la différence 31d,12 entre les deux températures ; on la multipliera par la hauteur 0mt.,434,2 du baromètre à la station la plus froide, et on divisera le produit par 5 412, ce qui donnera 0mt.,002,5 à ajouter à 0mt.,434,2. Ainsi la hauteur corrigée sera 0mt.,436,7.

Maintenant, la différence entre les logarithmes de 0,738,5 et 0,436,7 est 2 281 673, laquelle quantité multipliée par le coëfficient corrigé 18 884mt.,359, donne pour la distance verticale entre les deux stations 4 308mt.,79, qui font à peu près 2 211 toises[7]. Pour avoir la hauteur totale du Mont-Blanc au-dessus du lac de Genève, il ne s’agit plus que d’ajouter 51mt.,65, ou 13 toises, 3 pieds, ce qui fait d’une part 4 360mt.,44, et de l’autre 2 224t.,5.

On connoît deux mesures trigonométriques de la même hauteur, l’une par Pictet, l’autre par Schuchburg. La première a donné 2 238 toises, et la seconde 2 257 toises ; le résultat de Laplace donne 13t.,5 de moins que celui de Pictet, et 32t.,5 de moins que celui de Schuchburg. Mais comme ces deux derniers résultats diffèrent eux-mêmes d’une quantité très-sensible égale à 19 toises, tout ce que l’on peut conclure de la comparaison que nous venons de faire, c’est que la formule du célèbre géomètre français paroît conduire à des évaluations trop foibles. C’est une suite de ce que les quantités numériques qu’elle renferme n’ont pas été déterminées, ainsi que nous l’avons dit, avec une assez grande précision. D’ailleurs, on a négligé jusqu’ici une correction à laquelle l’auteur se propose aussi d’avoir égard, savoir, celle qui dépend de la vapeur aqueuse que l’air tient en dissolution, et qui ajoute à l’action de la température une nouvelle cause des altérations que subit la loi des densités de l’air, telle que la donne la seule différence des pressions. Des expériences faites avec soin acheveront de perfectionner cette méthode, qui a, sur toutes les autres, l’avantage de ramener à leurs véritables limites les quantités dont la formule offre la combinaison.

277. Le même savant a conçu l’idée heureuse de faire concourir les observations du baromètre avec les mesures géographiques, pour déterminer, d’une manière plus fixe, la position des différens lieux. Cette position, telle que l’offrent les mesures dont nous venons de parler, dépend de l’intersection de deux co-ordonnées perpendiculaires entre elles, dont l’une est la distance au premier méridien, ou la longitude, et l’autre la distance à l’équateur, ou la latitude. On supposeroit une troisième co-ordonnée perpendiculaire aux deux précédentes, qui mesureroit la distance verticale entre le même point d’intersection et le niveau de la mer. On prendroit, pour la France, ce niveau à Brest, où la hauteur moyenne du baromètre est à peu près de 76 centimètres. On feroit dans chaque lieu un grand nombre d’observations barométriques, pendant un an ou deux, et la moyenne entre toutes ces observations donneroit l’élévation du lieu proposé au-dessus du niveau de la mer. On pourroit choisir, dans chaque pays, pour le niveau auquel se rapporteroient les observations, la hauteur moyenne de la rivière la plus voisine. Un pareil travail, exécuté par des observateurs exercés, et avec des baromètres bien construits, offriroit des résultats intéressans pour la topographie des divers pays.

2. Des effets du Calorique sur l’Air.

278. Nous avons maintenant à considérer les phénomènes qui résultent de la force du calorique, soit pour dilater l’air, soit pour augmenter son ressort. Si nous supposons d’abord une masse d’air échauffé, qui ne soit coërcée par aucun obstacle, il est facile de concevoir que cet air, en se dilatant, acquerra une augmentation de volume qui diminuera sa pesanteur spécifique, en sorte que, s’il est environné d’un air plus froid, il s’élevera, et sera aussitôt remplacé par une portion de l’air environnant ; et si la chaleur continue d’agir dans le même espace, il s’établira une espèce de circulation, en vertu de laquelle un air plus dense prendra continuellement la place d’un air raréfié.

279. L’action qu’exerce la chaleur sur l’air des appartemens à cheminée, nous fournit un exemple familier de ce phénomène. Les molécules de cet air, répandues autour du brasier, devenant respectivement plus légères par la raréfaction, une partie s’élève dans le tuyau de la cheminée, et l’autre va gagner le haut de l’appartement ; en même temps un nouvel air arrive par le bas, pour remplacer l’air ascendant, et il en résulte une succession non interrompue de deux courans contraires ; l’un supérieur, qui s’éloigne de la cheminée ; l’autre inférieur, qui se porte vers elle. Les vitesses de ces deux courans diminuent à mesure que les couches se rapprochent d’une certaine hauteur moyenne où l’air est stationnaire. On peut observer les effets de ce double courant, en ouvrant la porte de l’appartement, et en plaçant tour à tour la flamme d’une bougie vers le bas et vers le haut de l’ouverture, on verra la flamme s’incliner d’abord en dedans, puis en dehors, et à une certaine hauteur intermédiaire, elle restera immobile.

280. La succession perpétuelle de ces deux airs, tant que l’action de la chaleur est entretenue, a fourni une explication plausible d’une espèce de vent qui souffle continuellement dans la zône torride, et qui est connue sous le nom de vent d’Est. Quelques auteurs avoient cru en trouver la cause dans l’attraction que le soleil et la lune exercent sur l’atmosphère ; mais il est prouvé que cette attraction ne peut produire dans l’air que de simples oscillations analogues à celles du flux et reflux, et presque insensibles, et non pas un mouvement sensible et uniforme dans sa direction.

L’opinion la plus générale est que le vent d’Est provient de la dilatation de l’air raréfié par l’action du soleil ; et parmi les diverses manières dont on a imaginé que cette action s’exerce, nous nous bornerons à exposer celle qui paroît la plus simple et la plus naturelle.

Le soleil, que nous supposons dans le plan de l’équateur, échauffe et raréfie très-sensiblement la partie de l’atmosphère qu’il domine. Cet air raréfié s’élève au-dessus du niveau, et, d’après la tendance qu’ont tous les fluides à reprendre leur niveau, il se répand sur les colonnes situées vers les pôles, tandis qu’un air frais, parti de ces mêmes colonnes, afflue en dessous vers l’équateur, pour remplir l’espèce de vide produit par la dilatation. Il se formera donc, dans chaque hémisphère boréal ou austral, deux courans, l’un supérieur, qui va de l’équateur vers le pôle, l’autre inférieur, qui vient du pôle à l’équateur. Les molécules de ces courans sont sollicitées à la fois par deux forces, dont l’une agit dans la direction même du courant, et l’autre provient du mouvement de rotation de l’atmosphère ; et il est clair que la vitesse produite par ce second mouvement étoit originairement d’autant plus petite dans chaque molécule, que le parallèle dont celle-ci est partie se trouvoit plus éloigné de l’équateur.

Maintenant, si nous considérons une molécule prise dans le courant inférieur, dont la direction tend vers l’équateur, il sera aisé de concevoir que cette molécule arrive à chacun des parallèles situés sur son trajet, avec une vîtesse angulaire[8], moindre que celle du point correspondant pris à la surface de la terre. Les objets terrestres qui se présentent au passage du courant inférieur, doivent donc le frapper avec l’excès de leur vîtesse ; il en sera de même d’un spectateur qui, se croyant immobile, et rapportant l’excès de sa propre vitesse, en sens opposé, au courant qu’il rencontre, recevra l’impression d’un vent qui lui paroîtra venir de l’Est, puisque le mouvement de rotation est dirigé de l’Ouest vers l’Est.

Ce sera le contraire par rapport au courant supérieur qui va vers le pôle. Chacune de ses molécules, ayant plus de vîtesse que celle du point de la terre au-dessus duquel elle arrive, devancera ce même point en allant vers l’Est, et il doit résulter de cet excès de vîtesse un vent d’Ouest réel, au lieu que le vent inférieur est une simple apparence, mais qui produit une illusion complète.

281. La chaleur qui augmente le volume de l’air lorsqu’il a la faculté de s’étendre, ajoute à sa force de ressort, lorsque son volume reste fixe, c’est-à-dire, qu’alors il exerce un plus grand effort contre l’obstacle qui le captive. Nous avons, sur cet objet, plusieurs résultats intéressans, obtenus par Amontons, l’un des savans qui ait le mieux connu l’art de mettre la nature en action par l’expérience, et de la faire parler en même temps aux yeux et à l’esprit,

282. Ce physicien célèbre, ayant cherché à mesurer l’augmentation de ressort que l’air éprouvoit entre certaines limites de chaleur, a trouvé que, depuis la température modérée qui règne pendant le printemps ou l’automne, jusqu’au degré de l’eau bouillante, le ressort de l’air, tendu d’abord par la pression moyenne de l’atmosphère, augmente d’environ un tiers ; en sorte que la force nécessaire pour contenir l’air dans le même espace, sans accroissement sensible de volume, est équivalente au poids de 28 pouces de mercure, plus 9 pouces ⅓, ou de 37 pouces ⅓, lorsque l’air a pris la chaleur de l’eau bouillante.

Quelle que fût la masse d’air employée, pourvu qu’on la chargeât du même poids, l’augmentation de ressort avoit toujours lieu dans le même rapport ; d’où résultoit ce principe, que si des masses d’air inégales sont chargées de poids égaux, leur force de ressort s’accroîtra également par des degrés égaux de chaleur.

L’expérience faisoit voir encore que, si des masses d’air égales étoient chargées de poids inégaux, leur force de ressort s’accroissoit proportionnellement à ces mêmes poids, par une même augmentation de chaleur. Ainsi, une masse d’air qui, étant d’abord chargée d’une pression de 30 pouces, avoit acquis un surcroît de force de ressort égal à 10 pouces, dans le passage d’une température d’environ 14 degrés, à celle de l’eau bouillante, en acquéroit un égal à 20 pouces, lorsque la pression primitive étoit de 60 pouces.

283. Amontons, en appliquant la théorie à ces principes, avoit aperçu le lien qui les unissoit, soit entre eux, soit avec les résultats de Mariotte, sur le rapport entre les degrés de contraction de l’air et les poids dont il est chargé.

Car lorsque, dans les expériences de Mariotte, des masses d’air inégales, que l’on supposoit toujours avoir été prises dans le même état de densité, supportoient des poids égaux, elles se contractoient proportionnellement aux volumes qu’elles avoient d’abord ; d’où il suit qu’après la contraction elles conservoient la même densité ; en sorte que, si le volume de l’une d’elles étoit primitivement de quatre pouces cubes, et qu’il se trouvât réduit à trois pouces, une autre dont le volume répondoit d’abord à huit pouces cubes, n’en occupoit plus que six. Or, lorsqu’on appliquoit à ces mesures également serrées, un même degré de chaleur, le feu n’agissoit pas plus pour écarter les molécules de l’une que celles de l’autre ; et ainsi l’augmentation de la force de ressort, qui dépendoit de cet écartement, devoit être la même.

D’une autre part, des masses d’air égales, chargées de poids inégaux, se contractoient dans le rapport de ces poids ; et lorsqu’on leur appliquoit un même degré de chaleur, plus il y avoit de particules d’air ramassées dans un même espace, et plus l’effort de la chaleur pour les écarter étoit considérable ; et ainsi, l’augmentation de la force de ressort devoit suivre le rapport des condensations, c’est-à-dire, qu’elle étoit proportionnelle aux forces comprimantes.

Si l’on considère qu’Amontons écrivoit en 1702, à l’époque d’une physique qui a vieilli de bien des manières, on conviendra qu’il y avoit beaucoup de finesse d’esprit dans ces vues, qui préparoient, comme de loin, les découvertes que des connoissances plus développées ont amenées dans ces derniers temps.

Nous ne devons pas omettre que c’étoit encore Amontons qui, le premier, avoit observé le phénomène remarquable que présente l’eau qui, parvenue une fois à l’ébullition, cesse de s’échauffer, quelque long-temps qu’on la laisse sur le feu, et quelle que soit l’activité de ce feu.

284. Amontons conçut l’idée d’appliquer ces différentes découvertes à la construction d’un thermomètre comparable, au moyen duquel on pût transmettre, disoit-il, à la postérité les observations que l’on auroit faites sur la température des différens climats ; au lieu que, jusqu’alors, les divers instrumens de ce genre n’avoient aucune relation entre eux, et n’offroient que des indications locales et isolées. L’exposé que nous allons faire du procédé d’Amontons, servira à donner une idée de celui qu’il avoit employé pour déterminer l’augmentation de ressort que l’air acquiert par l’action de la chaleur.

Il se servoit d’un tube dont la partie inférieure, qui étoit recourbée, se terminoit par une boule : la branche ouverte avoit environ 47 pouces de hauteur. Il choisissoit, pour construire son thermomètre, la température modérée dont nous avons parlé, c’est-à-dire, celle du printemps ou de l’automne. Par un procédé ingénieux, qui consistoit à souder avec du mastic, au haut de la branche ouverte, un second tube pareillement recourbé, et qui avoit un renflement près de l’endroit de sa jonction avec l’autre tube, il parvenoit à introduire dans celui-ci environ 28 pouces de mercure, et en même temps à condenser l’air renfermé dans la boule, de manière que le niveau fût situé vers la naissance de cette même boule ; on enlevoit alors le tube qui avoit servi à introduire le mercure, et il ne restoit plus qu’à appliquer le premier sur une planche divisée en pouces et en lignes, à partir du niveau.

On avoit eu soin de donner à la boule un diamètre incomparablement plus grand que celui du tube ; et ainsi, lorsque l’air renfermé dans cette boule venoit à s’échauffer par la température de l’atmosphère, il s’étendoit, à la vérité, dans la branche la plus courte, et forçoit une partie du mercure qu’elle renfermoit à passer dans la branche la plus longue. Mais la quantité de la dilatation pouvant être négligée, à cause de la grande capacité de la boule, le volume de l’air n’étoit pas censé avoir changé, en sorte que l’augmentation de ressort, qui étoit mésurée par l’allongement de la colonne de mercure, étoit sensiblement proportionnelle à l’accroissement de la force de ressort.

L’air intérieur avoit donc à supporter, au moment de la construction, une pression d’environ 56 pouces ; savoir, la pression de l’atmosphère, et celle de 28 pouces de mercure introduits dans le tube. Le même air, en passant à la chaleur de l’eau bouillante, auroit été capable de soutenir une pression d’environ 74 pouces, c’est-à-dire, d’un tiers plus forte que celle de 56 pouces. C’étoit là le terme fixe auquel se rapportoit la construction de l’instrument, de manière que la hauteur de la colonne faisoit connoître que la température correspondante approchoit plus ou moins de celle de l’eau bouillante.

Quoique la quantité d’air renfermée dans la boule fût indifférente, cependant il convenoit, pour rendre les différens thermomètres plus comparables, de prendre des boules dont le diamètre fût toujours dans le même rapport avec celui du tube, ce qui ajoutoit à la difficulté de la construction. D’ailleurs, la température moyenne d’où l’on partoit, n’offroit pas un terme assez fixe. Il falloit de plus, en consultant l’instrument, avoir égard à la hauteur du baromètre, pour faire la correction qu’exigeoit la variation de la colonne de mercure au-dessus ou au-dessous de 28 pouces. Enfin, ce thermomètre devenoit embarrassant par la grandeur de ses dimensions ; mais c’étoit le premier dont l’exécution eût été dirigée vers la véritable perfection de cet instrument, et il renfermoit un terme fixe de chaleur que Réaumur n’a employé que secondairement, et auquel les physiciens sont revenus.

285. Les résultats d’Amontons, sur l’augmentation de ressort que l’air éprouvoit lorsqu’il étoit échauffé, donnoient en même temps la quantité dont ce fluide se dilatoit, par l’action de la même cause. Cette dilatation étoit aussi d’un tiers, depuis la température moyenne jusqu’à celle de l’eau bouillante ; mais le peu de fixité de la première température jetoit nécessairement de l’incertitude sur la conséquence déduite de l’observation. Plusieurs savans se sont occupés depuis du même objet, en prenant le degré de la glace fondante et celui de l’eau bouillante, pour limites de la température, et la pression moyenne de l’atmosphère, pour celle qui devoit agir uniformément sur l’air ; mais la grande diversité qui se trouve entre leurs résultats, faisoit désirer que ce point de physique fût soumis à un examen plus rigoureux. Gay-Lussac a entrepris de remplir cette tâche, et, par une suite d’expériences faites avec beaucoup de soin et de précision, est parvenu à déterminer non-seulement la dilatation de l’air atmosphérique, entre les deux limites dont nous avons parlé, mais même celle de divers autres gaz solubles et non solubles ; et, ce qui ajoute un nouveau degré de mérite aux résultats qu’il a obtenus, c’est l’uniformité de la loi de dilatation à laquelle il a été conduit[9].

286. Avant d’exposer les résultats dont il s’agit, ce savant discute les différens moyens employés jusqu’alors pour arriver au même but, et il remarque que la cause qui a le plus contribué à les rendre fautifs, a été la présence de quelques gouttes d’eau qui étoient restées dans les appareils. Cette eau, en occupant, par sa vaporisation, un volume près de 1 800 fois plus considérable que dans l’état de liquidité, déplaçoit une grande partie de l’air renfermé avec elle dans le même ballon, en sorte que l’on attribuoit à l’air une dilatation beaucoup trop forte, en supposant qu’il remplissoit seul la capacité du ballon où la température étoit parvenue au degré de l’eau bouillante. Gay-Lussac a employé des procédés différens par rapport aux gaz insolubles et a ceux qui sont solubles.

287. Voici d’abord à quoi se réduit sa méthode, relativement aux premiers : on prend un ballon très-sec, dans lequel on introduit le gaz dont on veut déterminer la dilatation ; on fait ensuite chauffer ce ballon jusqu’au terme de l’eau bouillante, et quand la dilatation a produit tout son effet pour faire sortir une partie du gaz, on refroidit celui-ci au degré de la glace fondante, et on laisse entrer en même temps dans le ballon autant d’eau que le permet la présence du gaz qui y reste ; sur quoi il est à remarquer que le gaz, dans ses différens états, doit toujours être ramené à l’équilibre avec la pression constante de l’atmosphère. Cela posé, le volume de l’eau qui s’est introduite dans le ballon, représente la quantité dont l’air qui y reste est susceptible de se dilater, depuis le degré de la glace fondante, jusqu’à celui de l’eau bouillante. On pèse le ballon d’abord dans cet état, puis après l’avoir rempli d’eau, et enfin après l’avoir vidé. La différence entre le poids du ballon vide et celui du ballon plein d’eau, donne la capacité du ballon ; et la différence entre le poids du ballon vide et celui du ballon contenant un volume d’eau égal à l’espace que l’air a laissé libre en se contractant, donne la mesure de ce volume, après quoi il est facile de déterminer le rapport entre les volumes de l’air dans les deux températures extrêmes.

288. En opérant de cette manière, Gay-Lussac a trouvé que l’air atmosphérique se dilate depuis la température de la glace fondante jusqu’à celle de l’eau bouillante dans le rapport de 100 à 137,50, un peu plus fort que celui de 2 à 3 ; il en résulte que la dilatation, entre les mêmes limites, est de 37,5/100 ou de 80/213,33 du volume primitif. Le gaz hydrogène, le gaz oxygène et le gaz azote soumis aux mêmes expériences, ont donné des résultats absolument semblables.

289. Pour déterminer la dilatation des gaz solubles, Gay-Lussac a eu recours à un moyen aussi simple qu’ingénieux, en prenant pour terme de comparaison la dilatation d’un des gaz insolubles, qui avoient été l’objet des expériences précédentes. Son appareil étoit composé de deux tubes exactement gradués sur leur longueur et plongés verticalement dans un bain de mercure ; l’un contenoit de l’air atmosphérique, et l’autre le gaz qu’on vouloit éprouver, et les deux fluides s’élevoient dans les tubes à la même hauteur. On portoit cet appareil dans une étuve dont on élevoit progressivement la température, et on voyoit les deux gaz monter dans leurs tubes de manière à correspondre toujours très-exactement aux mêmes divisions, ce qui prouvoit l’égalité des dilatations. Les fluides qui ont été l’objet de cette comparaison sont le gaz acide carbonique, le gaz acide muriatique, le gaz sulfureux et le gaz nitreux. Cette uniformité dans la marche que suivoient les différens gaz en se dilatant, offroit déjà une forte raison d’analogie, pour penser que les vapeurs devoient être soumises à la même loi. Gay-Lussac s’est contenté, à cet égard, d’une seule expérience, qui devoit servir plutôt d’exemple que de preuve. Il a choisi la vapeur de l’éther sulfuré ; et en employant le même procédé que pour les gaz solubles, il a observé que le progrès de la dilatation étoit absolument égal de part et d’autre.

Ces résultats s’accordent avec ceux des expériences que Dalton avoit entreprises, vers le même temps, en Angleterre, relativement au même objet, mais dont le chimiste Français ne pouvoit avoir eu connoissance, lorsqu’il fit part de son travail à l’Institut national des Sciences et Arts. Charles avoit déjà obtenu, il y a environ quinze ans, des résultats semblables pour les gaz insolubles ; mais ses expériences, sur les gaz solubles, lui avoient offert une dilatation particulière à chacun d’eux, et sous ce point de vue, ses résultats différoient beaucoup de ceux de Gay-Lussac.

Ainsi, la dilatabilité des divers gaz et des vapeurs, par l’action de la chaleur, ne dépend en aucune manière de leur nature, mais seulement de leur état élastique. Jamais la physique n’est plus intéressante, que quand l’étude des phénomènes naturels la conduit à ces propriétés qui les généralisent, et nous les montrent tous renfermés dans un seul.

290. On peut rendre raison de cette uniformité de la loi à laquelle sont soumises les dilatations des gaz et des vapeurs, en considérant que les affinités qu’exerçoient entre elles les molécules de chacun de ces corps, dans l’état de liquidité, et qui balançoient diversement la force élastique du calorique, suivant les différentes natures des mêmes corps, sont entièrement détruites, en vertu du passage à l’état de fluidité. Il ne reste donc plus alors que la force élastique du calorique, qui trouvant les molécules de tous les fluides, pour ainsi dire, également disposées à lui obéir, doit déterminer une marche uniforme dans les dilatations qui ont lieu entre les mêmes limites de température.

291. Les recherches que nous venons d’exposer ne donnent le rapport de dilatation que pour les deux limites qui répondent aux extrêmes de la température. Il reste à déterminer avec précision le coëfficient qui représente la dilatation relative à chaque degré du thermomètre. Gay-Lussac a déjà trouvé que ce coëfficient n’étoit pas constant, et il se propose d’entreprendre un nouveau travail, pour connoître la loi de ses variations.

292. Dalton, en continuant ses expériences sur les fluides, est parvenu à un autre résultat non moins remarquable, en ce qu’il ramène aussi à une même échelle la loi que suivent les forces élastiques des divers fluides comparées entre elles, à mesure qu’elles varient avec la température[10]. Voici en quoi consiste ce résultat : si l’on prend pour terme commun la force qui fait équilibre à une pression donnée, telle que la pression moyenne de l’atmosphère, la variation de cette force, entre deux températures déterminées, est la même pour tous les fluides. Ainsi la vapeur aqueuse qui, à une température de 100d (C)[11], (80d R), ou au terme de l’ébullition de l’eau, est capable de soutenir une pression de 76cent. (28po.), perd la moitié de sa force, par une diminution de 16d,6 (C), (13d,3 R), dans sa température, et cette même force se trouve doublée, par un accroissement de température égal à 22d,2 (C), (17d,8 R). Or, la vapeur de tout autre fluide perd également la moitié de sa force, en se refroidissant de 16d,6, au-dessous du terme particulier de son ébullition, et acquiert une force double en s’échauffant de 22d,2, au-dessus du même terme.

293. Choisissons un autre rapport, et faisons en l’application à la vapeur de l’éther et à celle de l’eau. On sait que l’éther entre en ébullition à 38d,8 (C), (31d,4 R), c’est-à-dire, qu’alors sa vapeur soutient une pression de 76cent. (28po.) ; la même vapeur, refroidie jusqu’à 16d,6 (C), (13d,3 R), ne soutient plus qu’une pression de 30cent.. Telle est aussi la pression que soutient la vapeur aqueuse, à 77d,8 (C), (62d,2 R) ; or, si l’on prend la différence entre 16d,6 et 38d,8, qui indiquent, par rapport à l’éther, le terme de l’ébullition, on trouve qu’elle est de 22d,2, comme celle qui existe entre 77d,8 et 100d qui répondent à la chaleur de l’eau bouillante.

D’une autre part, la vapeur de l’éther échauffée jusqu’à 63d,8 (C), (51d,4 R), fait équilibre à une pression de 16décim. ; et la vapeur aqueuse a la même force, lorsque sa température est de 125d (C), (100d R). Or, chacune de ces deux températures diffère de 25d de celle qui répond à, l’ébullition du fluide auquel elle se rapporte, cette différence étant égale à 63d,8−38d,8 pour la vapeur de l’éther, et à 125d−100d pour la vapeur aqueuse. Nous aurons bientôt occasion d’exposer d’autres résultats qui offriront de nouvelles preuves de la sagacité du même physicien.

3. De l’Évaporation.

294. Nous voici arrivés à celui des effets de l’air, dans la connoissance duquel la marche de la physique ait été la plus tardive. On sait que l’eau exposée à découvert dans un vase diminue peu à peu de volume, et que ses molécules, à mesure qu’elles abandonnent la masse, s’élèvent dans l’atmosphère. Cet effet est connu sous le nom d’évaporation. Mais par quel mécanisme la nature le produit-elle ? Ici, les physiciens se partageoient entre différentes opinions, qui tendoient toutes à donner au feu la principale influence dans le phénomène ; soit parce que l’on confondoit l’évaporation avec la vaporisation, soit parce qu’on avoit d’ailleurs observé qu’il s’évaporoit une plus grande quantité d’eau lorsque l’air étoit plus échauffé.

295. Les uns pensoient que les molécules de l’eau, extrêmement divisées par le feu, et acquérant une augmentation considérable de surface, eu égard à leur volume, donnoient prise à l’air pour s’emparer d’elles, en les heurtant et en les enveloppant dans les contours des petites lames spirales dont il étoit composé. Selon d’autres, le feu, en dilatant les molécules de l’eau, les rendoit spécifiquement plus légères que l’air, en sorte que leur ascension dans ce fluide n’étoit qu’un phénomène ordinaire d’hydrostatique.

296. Au milieu de ce conflit d’opinions auxquelles nous pourrions encore en ajouter d’autres aussi peu fondées, le vrai mot avoit échappé à Musschenbroek. « L’air et l’eau, dit ce célèbre physicien, s’attirent réciproquement, et sont dissous l’un par l’autre. Aussitôt que les parcelles de l’eau commencent à se séparer, elles sont attirées par l’air, dans lequel elles se dispersent, comme il arrive dans toutes les dissolutions, où il y a de même mélange et dispersion de parties »[12]. Mais Musschenbroek se contente d’indiquer cette cause, et lui fait le tort de lui en associer plusieurs autres.

297. Il étoit réservé à Leroi, de Montpellier, de présenter cette cause dans toute sa généralité, d’en rendre l’existence palpable, de la suivre dans ses différentes modifications, et de montrer ainsi, sous un nouveau jour, la simplicité du tableau de la nature, en faisant rentrer un de ses phénomènes les plus étendus sous la puissance universelle de l’attraction[13].

298. Toute la doctrine de ce physicien se réduit au principe suivant : l’air dissout l’eau, de la même manière et avec les mêmes circonstances que l’eau dissout les sels ; en sorte que comme l’eau en s’échauffant de vient capable de dissoudre une nouvelle quantité de sel, et abandonne, en se refroidissant, une partie de celui qu’elle avoit dissous ; ainsi, à proportion que l’air s’échauffe ou se refroidit, il lui faut plus ou moins d’eau pour arriver à son point de saturation.

Les expériences qui ont offert au même physicien la preuve de ce principe, sont de celles qui se répètent spontanément tous les jours. Elles avoient été vues mille fois ; mais personne ne les avoit encore regardées.

299. L’auteur exposa sur sa fenêtre une bouteille de verre blanc, exactement bouchée ; la température étoit alors de 20 degrés au-dessus de zéro du thermomètre en 80 parties. Quelque temps après, le thermomètre étant descendu, pendant la nuit, à quinze degrés, Leroi s’aperçut qu’une partie de l’eau contenue dans l’air dont la bouteille étoit remplie, s’étoit déposée en forme de gouttelettes, sur ses parois supérieures qui, étant les plus exposées, ayoient dû se refroidir les premières. Cette espèce de rosée devint beaucoup plus abondante, lorsque le thermomètre fut descendu à six degrés. L’air, en se réchauffant pendant le jour, dissolvoit ensuite l’eau qui s’étoit précipitée pendant la nuit. Cet air représentoit tout le reste de l’atmosphère ; le vase, soumis à l’expérience, ne faisoit que montrer aux yeux ce qui se passoit ailleurs d’une manière insensible. Cette expérience, répétée et variée avec toutes les attentions convenables pour la rendre décisive, a donné constamment des résultats analogues.

Leroi a cherché ensuite le moyen de déterminer le degré de saturation de l’air relatif à un état donné de l’atmosphère. Pour y parvenir, il versoit dans un grand gobelet de cristal bien sec par dehors, de l’eau assez froide pour occasionner sur les parois extérieures, refroidies par le voisinage de cette eau, un précipité de celle qui étoit en dissolution dans l’air environnant ; à mesure que la température de l’eau s’élevoit d’un demi-degré, il versoit de cette eau dans un nouveau vase, et observoit le terme où le précipité s’arrêtoit : ce terme indiquoit le degré de saturation de l’air. L’auteur a reconnu, à l’aide de cette expérience, que la direction et la force du vent faisoient varier très sensiblement le degré de saturation, qu’il étoit plus bas par le vent de nord que par celui de nord-ouest, et que dans l’un et l’autre cas, la force du vent contribuoit encore à l’abaisser.

300. Quoique la comparaison faite par Leroi, de la manière dont l’air dissout l’eau avec celle dont l’eau dissout les sels, soit exacte quant au fond, elle ne se soutient cependant pas sous tous les rapports. Il y a cette différence entre les deux phénomènes, qu’un sel qui se dissout dans l’eau passe de l’état de solidité à celui de liquidité, en sorte que sa pesanteur spécifique ne varie pas d’une quantité considérable ; tandis que l’eau, en s’évaporant, passe de l’état de liquidité à celui de fluide élastique, ce qui diminue sa densité dans le rapport de l’unité à plus de mille.

301. Nous sommes maintenant à portée d’établir une comparaison exacte entre la vaporisation et l’évaporation. La première dépend de ce que l’élasticité du calorique, qui agit sur les molécules de l’eau, est assez puissante pour vaincre la pression de l’air. Dans l’évaporation, ce même air qui, d’un côté, s’oppose par sa pression à la force élastique du calorique, pour réduire l’eau en vapeur, la seconde, d’un autre côté, par l’affinité qu’il exerce sur ce liquide.

302. L’évaporation est d’autant plus abondante, toutes choses égales d’ailleurs, que l’eau, en se présentant à l’air par une plus grande surface, multiplie davantage ses points de contact avec ce fluide. On profite, dans certains pays, de cette observation, pour extraire plus promptement le sel marin de l’eau qui le tient en dissolution. On fait d’abord tomber cette eau sur des fagots d’épines, où elle se divise en une pluie très-fine, qui offrant à l’air qu’elle traverse la facilité d’agir sur elle par de nombreux contacts, s’évapore en grande partie, de manière que celle qui arrive au fond se trouve très-chargée de sel. Cette eau est ensuite portée dans de grandes chaudières, qu’on expose à l’action du feu pour achever l’évaporation.

303. Les parties situées à la surface de l’eau étant les seules qui soient soumises à l’évaporation, la quantité de celle-ci, dans des vases pleins, dont les orifices sont inégaux, est proportionnelle à la grandeur de ces orifices, pourvu que la chaleur et les autres circonstances soient les mêmes relativement à tous les vases. Musschenbroek a trouvé, il est vrai, qu’à surfaces égales, l’eau renfermée dans un vase plus profond s’évaporoit plus promptement que dans un vase qui avoit moins de profondeur[14]. Mais cette différence provenoit vraisemblablement de ce que parmi les causes des variations que subissoit la température de l’air environnant, celles qui tendoient à la faire baisser étoient les plus fréquentes. Il en résultoit que l’eau renfermée dans le vase le plus profond, étant composée d’un plus grand nombre de couches depuis le fond jusqu’à la surface, suivoit plus lentement les variations de la température, et par là perdoit moins promptement la chaleur qu’elle avoit une fois acquise, et dont la présence accéléroit l’évaporation[15]. Aussi la différence dont il s’agit n’est-elle sensible qu’en plein air, et l’on a observé qu’elle étoit nulle dans des appartemens où la température n’éprouvoit que de légères variations.

304. La glace est aussi susceptible d’évaporation, mais d’autant moins qu’elle est plus froide : si quelques physiciens ont cru apercevoir le contraire, c’est probablement parce qu’ils ont fait leurs expériences par un vent très-sec, qui, en renouvelant les contacts, faisoit croître la faculté dissolvante, plus que le froid ne tendoit à la diminuer. Cependant, Musschenbroek et Wallerius ont observé que l’évaporation de l’eau augmente pendant la congélation. Mais cet effet n’est qu’instantané ; il provient de la chaleur qui se développe alors, et qui, en passant dans l’air environnant, élève sa température.

305. D’après le principe établi par les expériences de Leroi, plusieurs phénomènes, dont l’observation est familière, s’expliquent avec une grande facilité. Le seul énoncé de ces expériences fait concevoir la manière dont la rosée se précipite de l’air, lorsque la température de ce fluide, peu éloignée, pendant le jour, du degré de saturation, est descendue, pendant la nuit, au-dessous de ce degré. Tout le monde sait que pendant les temps de gelée les vitres des appartemens sont mouillées en dedans. Comme l’air extérieur est alors plus froid que celui du dedans, le calorique renfermé dans la partie de ce dernier, qui est en contact avec les vitres, ayant la facilité de passer à travers leur petite épaisseur, se répand au dehors pour satisfaire sa tendance vers l’équilibre. Il en résulte que l’air intérieur abandonne une partie de l’eau qu’il tenoit en dissolution, et la dépose sur la surface des vitres. C’est le contraire dans le temps de dégel, où la température extérieure est plus haute, ce qui fait dire que l’on a froid dans les appartemens ; l’humidité paroît alors en dehors sur les vitres. On conçoit aussi pourquoi l’haleine des animaux, plus chaude pendant l’hiver, que l’air où elle se répand, devient visible sous la forme d’une vapeur produite par l’eau qu’elle abandonne en se refroidissant. Toute la nature est pleine de ces sortes de faits, dont il sera aisé, au premier coup d’œil, de saisir l’analogie avec les précédens.

306. La manière dont l’eau influe sur l’état de l’air, après que ce fluide l’a enlevée par l’évaporation, avoit déjà fixé l’attention de plusieurs physiciens célèbres. Dalton, au milieu de ses nombreuses recherches sur les gaz et les vapeurs, a entrepris, relativement à ce point de physique, un travail dont les résultats sont d’autant plus intéressans, qu’il les a étendus à la constitution de tous les mixtes que les fluides élastiques sont susceptibles de former, en s’unissant les uns avec les autres.

307. Arrêtons-nous d’abord un instant sur ce qui étoit connu par rapport à l’évaporation. L’eau qui a subi cet effet n’est plus à l’état de liquidité ; elle a passé à celui de fluide élastique, et se trouve dans le même cas que si elle avoit subi la vaporisation, sous un air assez raréfié pour ne point faire obstacle à l’ébullition. Saussure avoit même reconnu que sa présence augmentoit l’élasticité de l’air, et avoit fait des expériences dont le but étoit d’évaluer l’accroissement d’élasticité qui avoit lieu, par le mélange d’une quantité donnée de vapeurs, à une température donnée[16]. Pour parvenir à cette évaluation, il introduisoit, à plusieurs reprises, un linge mouillé dans une masse d’air déterminée, qu’il avoit préalablement desséchée le plus qu’il étoit possible ; et il observoit que cet air, à mesure qu’il dissolvoit de l’eau, faisoit monter graduellement une colonne de mercure soumise à sa pression. Il avoit trouvé, entre autres résultats, qu’à une température de 15d du thermomètre dit de Réaumur, la quantité de vapeur capable de saturer l’air, faisoit croître l’élasticité de ce fluide, de manière qu’au lieu d’une pression de 27 pouces, à laquelle il faisoit auparavant équilibre, il en soutenoit alors une de 27 pouces 6 lignes. Il concluoit de cette observation, que la vapeur répandue dans l’air soumis à l’expérience étoit un fluide élastique capable de soutenir seul une pression égale à l’accroissement d’élasticité qu’il communiquoit à l’air ; en sorte que, dans le vide, il auroit soutenu réellement cette pression.

308. Saussure avoit trouvé de plus, qu’à la même température de 15d un pied cube d’air, d’abord très sec, se saturoit d’une quantité de vapeur du poids d’environ 10 grains.

309. Il suit de ce que nous venons de dire, qu’une masse d’air saturée d’eau en vapeurs, à 15d, a besoin d’une pression de 27 pouces, 6 lignes, pour continuer d’être resserrée dans l’espace qu’elle occupoit auparavant sous une pression de 27 pouces. Donc, si elle n’est encore chargée que de cette dernière pression, les molécules de la vapeur écarteront celles de l’air, par leur force élastique, en même temps que ce fluide, par son affinité, les tiendra dans un état de suspension, et le volume de la masse se trouvera augmenté de 1/54 ; et parce que la densité de la vapeur est à celle de l’air, suivant Saussure, à peu près comme 10 à 14, le volume s’accroîtra dans un rapport plus grand que celui de l’augmentation de masse ; d’où il faut conclure que la pesanteur spécifique de l’air diminue à mesure qu’il tient une plus grande quantité d’eau en dissolution. Newton, dans ses questions d’optique, où l’on trouve une foule d’aperçus, qui sont comme autant de germes précieux dont le développement étoit réservé à d’autres temps, remarque que le véritable air est plus pesant que les vapeurs, et qu’une atmosphère humide est plus légère qu’une atmosphère sèche, à quantités égales[17].

310. Venons maintenant aux résultats des recherches entreprises par Dalton. Ce célèbre physicien s’est proposé de chercher, par une méthode générale, de combien un gaz se dilate, ou, ce qui revient au même, de combien son élasticité se trouve augmentée, à une température donnée, par son union avec une vapeur dont on connoît l’élasticité, à la même température.

311. Dans les expériences relatives à cet objet[18], il se sert d’un tube de verre droit, fermé à une extrémité, et divisé en parties égales. Il introduit au fond de ce tube quelques gouttes du liquide, tel que l’eau, qu’il veut soumettre à l’expérience, et renferme dans le même tube un gaz, tel que l’air, en chargeant celui-ci d’une colonne de mercure plus ou moins haute, selon l’objet qu’il a en vue. Il plonge ensuite l’extrémité fermée du tube dans une eau d’une température donnée, puis il observe, par le mouvement du mercure, l’expansion du gaz et de la vapeur unie avec ce gaz. Nous allons développer la formule à laquelle il a été conduit par ses observations.

312. Nommons P la pression que soutenoit le gaz seul, avant l’expérience, à la température donnée, P′ celle que la vapeur seule étoit capable de soutenir, à la même température, V le volume primitif du gaz, et V′ le volume, après la dilatation, au terme où le mélange est en équilibre avec la pression P. Supposant les trois premières quantités connues, il s’agit de déterminer V′.

Or on doit concevoir que, dans le premier instant où l’air n’occupoit encore que le volume V, il s’y est introduit un égal volume de vapeur, et parce que la force de cette vapeur faisoit seule équilibre à la pression P′, qui peut aussi représenter l’élasticité de la vapeur, nous sommes libres de supposer que cette élasticité étoit employée à soutenir une partie P′ de la pression P dont le gaz seul étoit chargé auparavant, en sorte que ce fluide n’est plus pressé que par une force égale à P-P′. Il se dilatera donc par son excès d’élasticité. Mais à mesure qu’il se dilate, il se forme une nouvelle quantité de vapeur, qui est toujours proportionnelle à l’augmentation de volume, en sorte que la pression à laquelle cette vapeur fait équilibre à toutes les élévations, ou, ce qui revient au même, son élasticité est constamment égale à P′. Le gaz continuera donc de se dilater jusqu’au terme où ce qui lui restera de sa force élastique ne soit plus capable que de balancer la pression P ; et puisque les dilatations ou les volumes sont en raison inverse des pressions, on aura V′ : V :: P : P-P′ ; d’où l’on tire, V′=(VP/P-P′), et V′=V+(VP′/P-P′).

Supposons que le gaz étant l’air commun, et la vapeur celle de l’eau, on ait P=27 pouces, P′po. et faisons V=1. La formule V′=27/(27-½)=54/53, c’est-à-dire, que dans ce cas l’air s’est dilaté dans le rapport de 53 à 54, ce qui conduit au résultat de Saussure (309).

Soit P=20po. et P′=10po., on aura V′=2, c’est-à-dire, que le volume de l’air est doublé.

Lorsque P′ est égal à P, la force élastique de la vapeur détruit entièrement l’effet de la pression que soutenoit l’air, et comme elle est constante pendant tout le temps de la dilatation, à cause de la nouvelle vapeur qui se forme continuellement, la dilatation n’a plus de terme, et c’est ce qu’indique la formule dans laquelle la valeur de V devient alors P/0, qui exprime une quantité infinie.

313. Tout ce qui précède nous conduit à deux conséquences ; la première que, dans l’union d’une vapeur avec un gaz, l’élasticité du mixte est la somme des élasticités qu’auroient les composans, si chacun d’eux occupoit l’espace rempli par le mixte. Car l’élasticité du mixte est P, qui égale l’élasticité P-P′ du gaz, plus l’élasticité P′ de la vapeur.

314. L’autre conséquence nous apprend que le volume du mixte, après la dilatation, est la somme des volumes que les composans occuperoient séparément, sous la pression primitive P que le gaz soutenoit. Car dans la formule V′=V+(VP′)/(P-P′), V représente le volume primitif de l’air. Soit v le volume dans lequel se resserreroit la vapeur par la pression P. On aura v : V′ :: P′ : P. Ou, v : (VP)/(P-P′), :: P′ : P. D’où l’on tire v=(VP′)/(P-P′), quantité qui, ajoutée à V, donne le volume total.

315. Ces résultats sont du plus grand intérêt pour la théorie des fluides élastiques. Mais la manière dont l’auteur les envisage n’est pas à l’abri des difficultés. Il pense que quand une vapeur, telle que la vapeur de l’eau, se mêle, par exemple, à l’air atmosphérique, les molécules de chaque fluide se repoussent mutuellement, sans exercer aucune action sur celles de l’autre fluide. Ainsi, à l’instant même du mélange, l’élasticité de la vapeur décharge l’air d’une partie de la pression qu’il soutenoît. Cet air se dilate donc par l’excès de sa force élastique, jusqu’à ce que la partie qui lui en reste, jointe à l’élasticité de la vapeur, soit en équilibre avec la pression. Dans cet état de choses, les molécules de chaque fluide sont interposées entre celles de l’autre, de manière que si vous supprimez, par la pensée, celles de la vapeur, et que l’air n’ait plus à supporter que la pression P-P′, il ne se fera aucun changement dans la disposition de ses molécules. La même chose aura lieu pour la vapeur, si vous supposez que l’air soit nul. Ce sont deux parties d’un même système qui agissent indépendamment l’une de l’autre, comme feroient de petits ressorts de deux espèces intercalés les uns entre les autres, de manière que ceux de chaque espèce exerçassent leur force séparément. Si quelque molécule d’un des fluides éprouve une résistance de la part des molécules de l’autre, ce ne peut être qu’une résistance, pour ainsi dire, de rencontre, semblable à celle qui a lieu dans le choc des corps solides, et qui ne peut en conséquence exister qu’accidentellement, par une suite du contact.

316. On a opposé à cette doctrine plusieurs objections tirées de la chimie, et personne n’a mieux défendu ici les droits de l’affinité, que Bertholet, dans le bel ouvrage où il a présenté la théorie de cette force d’une manière si neuve et si digne de son génie[19]. Mais pour nous borner ici à une seule considération puisée dans la physique, nous observerons que la manière de voir du célèbre physicien anglais, ne paroît pas s’accorder avec ce principe d’hydrostatique, que la pression à laquelle est soumis un fluide se distribue également dans tous les sens, en sorte que chaque point du fluide la supporte toute entière. Il en résulte que dans l’hypothèse de Dalton, chacun des composans ne pouvant résister qu’à une partie de la pression, céderoit à la force de celle-ci : l’air se condenseroit, et la vapeur se réduiroit en eau.

Pour ramener les choses à leur véritable point de vue, imaginons, au lieu de la vapeur qui s’est introduite dans l’air, une nouvelle quantité de cet air, qui ait le même degré d’élasticité que la vapeur. Ce nouvel air écartera, par sa force élastique, les molécules du premier, et toute la masse prendra une densité uniforme, qui sera telle, que cette masse, après sa dilatation, fera équilibre à la pression qui se distribuera également sur toutes ses parties. Or, la vapeur unie à l’air est dans le même cas que cette nouvelle quantité d’air dont nous venons de parler. Elle écarte de même les molécules de l’air entre lesquelles elle s’introduit, et ses propres molécules se mettent au degré de densité qu’exige l’équilibre avec la pression : la seule différence consiste en ce que l’air qui, comme nous l’avons vu (296), exerce son affinité sur l’eau qu’il enlève par l’évaporation, continue de l’exercer sur la vapeur dont il est saturé ; et l’effet de cette affinité est d’empêcher la vapeur de céder à la pression, qui, sans cela, forceroit cette vapeur de repasser à l’état de liquidité.

317. En partant des résultats que nous avons exposés, et en les réunissant à ceux que Gay-Lussac a obtenus, par rapport à la dilatation des fluides élastiques, on parvient à un rapprochement remarquable, dont l’idée est due au célèbre Laplace. Saussure a trouvé, par une expérience directe, ainsi que nous l’avons dit (308), que la quantité d’eau en vapeur contenue dans un pied cube d’air, à la température de 15d du thermomètre en 80 parties, est d’environ 10 grains. Or, cette vapeur est ici dans le même état que si elle occupoit seule un espace égal à un pied cube sous une pression de 6 lignes (307). Cherchons maintenant, d’après la théorie de la dilatation, quelle seroit dans cette hypothèse le poids de la même vapeur.

On sait qu’à la température de 80d, et sous une pression de 28 pouces de mercure, la vapeur de l’eau est environ 1 600 fois plus légère que l’eau liquide. Un pied cube de celle-ci pèse 70 livres ; d’où il suit que le poids d’un pied cube de vapeur aqueuse, à 80d et sous pression de 28 pouces, est de 70liv./1600. Supposons que cette quantité de vapeur, en restant toujours à une température de 80d, ne soutienne plus qu’une pression de 6 lignes. Son nouveau volume sera au volume primitif dans le rapport inverse des pressions, c’est-à-dire, comme 28 pouces est à 6 lignes, ou comme 56 est à l’unité. Donc, après la dilatation, un pied cube de cette vapeur ne pesera plus que 70liv./(56.1600) ou 1/1280 de livre.

Mais ce volume étant calculé d’après la supposition d’une température de 80d, il faut le ramener à ce qu’il seroit par une température de 15d, qui est celle qu’avoit la vapeur de l’eau, dans l’expérience de Saussure. Or, Gay-Lussac a trouvé que les gaz se dilatent de 80/213 de leur volume (288), en passant de la température de la glace à celle de l’eau bouillante ; d’où il suit que si l’on se contente d’un à peu près, on pourra supposer que la dilatation est de 1/213 du volume, pour chaque degré de chaleur. Donc la densité d’une quantité de vapeur dont la température est de 80d est à celle de la même quantité à 15d comme 1+(80/213) est à 1+(15/213), ou comme 293 est à 228. Donc puisque, à égalité de volume, les poids sont comme les densités, le poids d’un pied cube de vapeur à 15d sera à 1/1280 de livre, qui est le poids du même volume à 80d, comme 293 à 228, ce qui donne pour le poids d’un pied cube de vapeur à 15d, 293liv./(228.1280), ou environ 9gr.,3[20], résultat peu différent de celui de Saussure ; et tel est l’avantage des expériences même isolées, quand elles sont bien faites, qu’elles n’attendent que les théories pour se rallier autour d’elles.

Des Vents et des Météores Aqueux.

318. L’atmosphère est continuellement sollicitée par l’action de diverses causes, telles que la chaleur, les vapeurs, etc., qui, agissant inégalement sur ses différentes parties, tendent à faire varier le rapport de leur pesanteur spécifique et celui de leur élasticité ; et ce sont, en général, ces mêmes causes qui font naître les vents, en déplaçant une portion de l’air, et en lui communiquant un mouvement progressif. On a désigné les vents avec beaucoup de justesse, en les appelant des courans d’air.

319. L’intensité de la force du vent varie entre des limites très-étendues, depuis l’agitation légère qui produit le zéphir, jusqu’au mouvement impétueux d’où résultent les ouragans. M. Kraaf, qui a fait, à Pétersbourg des observations sur la vîtesse du vent, dit l’avoir trouvée une fois de 109 pieds (35mt.,4), et une autre fois de 120 pieds (39mt.) par seconde[21].

320. Les vents suivent une infinité de directions différentes, les unes obliques, les autres parallèles à l’horizon. Mais dans l’estimation ordinaire de la direction du vent, on se borne à considérer le point de l’horizon d’où il est censé partir, pour arriver à l’observateur, qui se regarde comme étant au-dessus du centre de ce cercle ; et l’on suppose la circonférence du même cercle divisée en 32 parties égales par seize diamètres, ce qui donne, en allant de la circonférence au centre, 32 directions, que l’on a nommées airs ou rumbs de vents, et dont l’ensemble forme ce que l’on appelle la rose des vents. Voyez la figure 30, Pl. V.

L’un des diamètres, qui coïncide avec le méridien du lieu où se trouve l’observateur, indique le Nord par une de ses extrémités, et le Sud par l’extrémité opposée. Le diamètre qui coupe le précédent à angle droit, indique l’Est d’un côté, et l’Ouest de l’autre. Ces quatre points se nomment en général points cardinaux.

Les noms des points intermédiaires entre les points cardinaux, participent de ceux de ces mêmes points, combinés deux à deux, trois à trois, sans addition, ou trois à trois, avec interposition de la fraction ¼, à mesure que les points correspondans soudivisent, en parties toujours plus petites, l’espace compris entre deux points cardinaux voisins. Cette nomenclature est fondée sur les principes suivans : 1°. dans les combinaisons binaires, comme Nord-Est, Sud-Est, etc., le nom de Nord ou celui de Sud tient toujours la première place. 2°. Chaque combinaison ternaire, sans addition, telle que Nord-Nord-Est, Est-Nord-Est, etc., est donnée par le nom du point cardinal le plus voisin, suivi de la combinaison binaire la plus voisine. 3°. À l’égard des combinaisons ternaires avec addition de la fraction ¼, il y a une distinction à faire. Si le point auquel répond la combinaison est voisin d’un point cardinal, la combinaison se forme du nom de ce point, et ensuite de la fraction ¼, à laquelle on ajoute le nom de la combinaison binaire la plus voisine. Ainsi, Nord quart de Nord-Est, signifie que le point indiqué par cette combinaison est voisin du Nord, et que sa distance à ce même point est le quart de celle qui le sépare du Nord-Est. Si, au contraire, le point auquel appartient la combinaison est voisin d’un autre point qui réponde à une combinaison binaire, ce qui est le cas du point Nord-Est quart de Nord, la combinaison se forme du nom de cette même combinaison binaire, et de la fraction ¼, avec le nom du point cardinal le plus voisin ; d’où l’on voit que ce mode de combinaison est l’inverse du précédent. Parmi les directions variables à l’infini des différens vents, on a choisi les trente-deux dont nous venons de parler, comme des espèces de limites auxquelles on rapporte toutes les autres.

321. Les vents, considérés relativement à leur durée, à leurs retours et autres circonstances semblables, se divisent en vents généraux, vents périodiques et vents irréguliers.

Les vents généraux, ou ceux dont l’action est continue et suit une direction constante, règnent entre les deux tropiques, et rarement au delà. Tel est le vent d’Est, dont nous avons donné l’explication la plus naturelle, en la faisant dépendre de la raréfaction de l’air, produite par la chaleur du soleil (280).

Les vents périodiques, que l’on a nommés aussi vents alisés et moussons, soufflent constamment pendant plusieurs mois, et sont ordinairement suivis de vents contraires d’une égale durée.

Les vents irréguliers sont ceux qui soufflent de différens côtés dans un même pays, sans observer aucune époque ni aucune durée déterminée : ce sont les plus ordinaires dans les climats tempérés. Il arrive assez communément que deux ou trois de ces vents soufflent en même temps l’un au-dessus de l’autre dans des directions différentes[22] ; et quelquefois on éprouve un vent violent sur une montagne au pied de laquelle l’air est tranquille, ou c’est le cas contraire qui a lieu[23].

322. Les accidens qu’occasionne quelquefois la violence des vents, sont compensés bien au delà par les avantages que nous procurent ces courans d’air. Ce sont eux qui, dans les grandes villes, font succéder un air sain à un air vicié par des émanations nuisibles. Ils transportent les nuages destinés à répandre sur la terre les pluies qui la fertilisent : ils sont les véhicules d’une multitude de graines qui, pourvues d’ailes ou d’aigrettes, voltigent de toutes parts pendant l’automne, et entretiennent, entre les différens sols, une circulation de richesses végétales.

323. L’industrie humaine a trouvé dans la force des vents un puissant moteur, dont l’impulsion sur les voiles des navires dirige ces édifices flottans vers les lieux où la nature abonde en productions intéressantes pour le commerce, ou utiles aux progrès de l’histoire naturelle. Avant l’invention de nos moulins, que de bras et d’efforts étoient employés à moudre le grain dont nous tirons notre plus solide nourriture ! L’action du vent y supplée, en s’exerçant sur quatre ailes qui font l’office de léviers, et dont les surfaces, inclinées deux à deux en sens contraire, reçoivent, à l’aide de cette ingénieuse disposition, des mouvemens qui conspirent pour déterminer la rotation de l’axe sur lequel sont fixées les ailes[24].

324. On a donné le nom de météores à tous les corps qui, suspendus ou en mouvement dans notre atmosphère, y deviennent les agens de quelque phénomène. Il ne s’agit ici que de ceux qui doivent leur origine au fluide aqueux.

325. Lorsque les vapeurs répandues dans l’air se séparent de ce fluide par l’effet du refroidissement ou de quelque autre cause, elles se rapprochent et tendent vers leur retour à l’état de liquidité ; et lorsque leur pesanteur spécifique, qui se trouve augmentée, est seulement à peu près égale à celle de l’air, elles restent suspendues dans cet air, sous la forme de brouillards ou de nuages. Mais si leur condensation devient assez grande pour que les gouttes d’eau qui en résultent ne puissent plus être soutenues par l’air, cette circonstance détermine leur précipitation, qui, dans les cas ordinaires, produit une pluie plus ou moins abondante.

326. La neige provient d’une semblable précipitation, dans laquelle l’eau est réduite en très-petits globules qui se congèlent au milieu d’un air froid, et, se réunissant plusieurs ensemble pendant leur chute, arrivent à terre sous la forme d’une espèce d’étoile à six rayons (204), si leur cristallisation s’opère au milieu d’un air calme, ou sous la forme de flocons irréguliers, si l’agitation de l’atmosphère donne lieu aux cristaux de se heurter et de se réunir en groupes.

327. La grêle diffère de la neige par plusieurs circonstances, dont une des plus remarquables est l’époque même de sa formation, qui n’a lieu que pendant les saisons chaudes. Elle provient d’une eau de pluie dont les gouttes se congèlent par l’effet de la température très-froide qui règne alors dans les hautes régions de l’atmosphère. Ces globules de glace présentent ensuite aux molécules aqueuses qu’elles rencontrent sur leur trajet, des espèces de noyaux dont le contact détermine ces molécules à se congeler elles-mêmes, et à s’arranger par couches concentriques autour du noyau dont elles augmentent le volume. Les grains de grêle sont rarement sphériques ; leur forme présente, pour l’ordinaire, des cavités et des parties anguleuses. Quelques-uns paroissent être un assemblage de plusieurs grains d’un plus petit volume qui se sont groupés pendant leur chute.

328. Un autre phénomène que l’on admireroit s’il étoit moins redoutable, est celui de la trombe. Il provient d’un nuage qui s’offre assez ordinairement sous la forme d’un cône renversé, dont la base adhère à d’autres nuages auxquels le cône est comme suspendu. Lorsque la trombe se forme au-dessus de la mer, l’eau qui lui correspond s’élève en formant un second cône dont l’axe est sur la même direction que celui du cône supérieur. L’eau qui se précipite de toutes les parties de la trombe, et à laquelle se joint quelquefois une grêle abondante, est lancée au loin par les vents impétueux qui se déchaînent à l’entour. Les ravages que produit ce météore sont affreux. Il déracine les arbres les plus forts, et les jette très-loin de l’endroit où ils croissoient. S’il passe au-dessus d’une ville, il renverse les toits, les cheminées, ou même les murs des maisons, et force quelquefois les barres de fer qui portent les girouettes. Les marins, lorsqu’ils aperçoivent une trombe, font tous leurs efforts pour s’en éloigner, dans la crainte que, si elle venoit à tomber sur le vaisseau, elle ne le submergeât à l’instant. Ce météore est beaucoup plus rare sur terre que sur mer ; il se montre assez ordinairement pendant les grandes chaleurs et après un long calme[25].

329. Les variations de l’atmosphère, en augmentant ou en diminuant la pression que l’air exerce sur le mercure du baromètre, déterminent la colonne de ce liquide à s’allonger ou à se raccourcir, en sorte que la quantité de la pression dont il s’agit est indiquée à chaque instant par le nombre qui répond à la hauteur du mercure ; et parce qu’il arrive assez souvent que le baromètre baisse lorsqu’il y a de l’agitation dans l’air, ou que le temps se dispose à la pluie, et que, au contraire, il monte aux approches d’un temps calme et serein, on a joint à certains degrés de l’échelle des indications de l’état du ciel, que la hauteur à laquelle parvient alors le mercure semble présager le plus communément. Mais l’observation prouve que le beau temps et la pluie n’ont pas une influence constante et réglée sur les variations du baromètre, qui ne sont en rapport exact qu’avec les pressions de l’air ; et l’on peut dire que l’arithmétique de cet instrument est plus sûre que son langage.

En supposant même que les prédictions du baromètre s’accordassent toujours avec les faits, il faudroit pouvoir expliquer cet accord d’une manière satisfaisante. Mais malgré l’habileté des physiciens qui se sont occupés de ce sujet, et en général de tout ce qui con cerne les variations de l’atmosphère, il nous semble que la théorie qu’on en adonnée laisse encore beaucoup à désirer. Seulement nous avons des principes solidement établis, dont la liaison avec l’objet de cette même théorie fait espérer qu’ils seront un jour employés avec avantage à la développer. Tels sont ceux qui résultent des expériences de Leroy, de Gay-Lussac et de Dalton. C’est en combinant ces principes avec des observations suivies sur l’état de l’atmosphère, que l’on parviendra à lever les nombreuses difficultés que présentent, et la diversité des phénomènes dont la théorie doit embrasser l’ensemble, et celle des causes qui souvent se compliquent dans la production d’un seul phénomène.

De l’origine des Fontaines.

330. L’évaporation a fourni la véritable explication d’un autre fait qui avoit long-temps embarrassé les physiciens. On voyoit les fleuves et les rivières couler continuellement de leurs sources vers la mer, et ces sources ne tarissoient pas. La mer recevoit de toutes parts les tributs de ces différentes eaux, et la mer ne regorgeoit pas. On en avoit conclu qu’il falloit que les eaux retournassent de la mer aux fontaines, et que la nature eût ouvert, entre les unes et les autres, une communication non interrompue. Mais par quel chemin se faisoit ce retour ? Où étoient les conduits qui reportoient les eaux de la mer aux sources des fleuves ? Comment perdoient-elles leur salure dans ce trajet ? C’étoit là le point de la difficulté, et pour la résoudre, on avoit eu recours à différentes hypothèses plus spécieuses que solides.

Les uns, adoptant l’idée de Descartes, croyoient que les eaux de la mer alloient, par des canaux souterrains, se rendre dans de grandes cavernes situées à la base des montagnes ; qu’ensuite, au moyen de la chaleur qui régnoit dans ces souterrains, elles se vaporisoient en se dépouillant de leur sel, et après s’être élevées jusqu’aux parois supérieures de la cavité, s’y condensoient par le refroidissement, et ruisseloient à l’origine des fleuves et des rivières. C’étoit une véritable distillation semblable à celle qui s’opère dans les laboratoires des chimistes.

Selon les autres, les eaux de la mer, poussées par l’action du flux, s’introduisoient dans la terre par une multitude de fissures, où elles éprouvoient une filtration qui leur enlevoit leur sel. Ces espèces de canaux, dont les ramifications s’étendoient de toutes parts, les conduisoient ainsi jusqu’aux endroits où elles formoient des sources par leur réunion.

En appréciant ces hypothèses d’après les idées d’une saine physique, on conçoit aisément qu’admettre dans la nature ces alambics et ces filtres, c’étoit lui prêter les moyens de notre art, et vouloir l’astreindre à le copier, elle qui est souvent pour lui un modèle inimitable. On conjectura enfin qu’il ne falloit point chercher aux fontaines une autre origine que celle des pluies elles-mêmes, et voici ce que l’observation et la raison nous dictent également sur cet objet.

331. L’eau s’élève de toutes parts, dans l’atmosphère, par l’évaporation. Celle de la mer dépose son sel, à mesure qu’elle cède à l’attraction de l’air. Une partie des rosées et des pluies qui proviennent de ces eaux, tombe sur les sommets des montagnes : ces sommets paroissent même agir par affinité sur les nuages, et les fixer. On a observé qu’un nuage qui rencontroit un pic sur son passage, s’effaçoit à mesure que ses différentes parties approchoient du contact. Les eaux s’infiltrent dans les terres qui recouvrent les montagnes, jusqu’à ce qu’elles rencontrent un lit imperméable pour elles, et de là elles vont sourdre aux différens endroits de la pente et du pied de la montagne où le lit qui les a reçues se montre à découvert.

Dans les montagnes primitives, les eaux coulent le long des pierres dures, qui composent comme la charpente de ces grandes masses, et de leur réunion se forment les torrens. Les montagnes secondaires, dont la matière est plus tendre et comme spongieuse, laissent pénétrer les eaux à une plus grande profondeur, où elles les arrêtent par des couches d’argile dont ces eaux suivent la pente ; et c’est dans les joints des couches voisines que se trouvent les issues qui les répandent, Celles qui n’ont pas paru à la surface, continuent de couler dans le sein de la terre, où l’homme va les chercher par les ouvertures des puits qu’il creuse à côté de ses habitations.

332. Mais n’étoit-ce pas trop accorder à l’évaporation que de supposer qu’elle pût fournir seule cette immense quantité d’eau nécessaire à l’entretien de tant de sources, surtout en y joignant celle qui est perdue pour les fleuves et les rivières, et qui sert de boisson aux animaux, ou est absorbée par les plantes ? Mariotte, dans son Traité du mouvement des eaux, a discuté cette question, avec son exactitude ordinaire, en comparant la quantité d’eau de pluie qui tombe à Paris et aux environs, pendant le temps d’une année moyenne, avec celle qui passe, dans le même temps, sous le Pont-Royal ; et il résulte de ses observations et de ses calculs, que ce qui tombe d’eau excède tellement la quantité qui suffit pour entretenir le cours des rivières et pour remplir les étangs, qu’il faut supposer que le reste soit employé, avec une profusion pour ainsi dire excessive, aux besoins de la végétation et aux autres dépenses particulières. La solution de la difficulté semble fournir une nouvelle objection en sens contraire.

L’explication que nous venons de donner, ramène ainsi la nature à sa simplicité ordinaire. L’air atmosphérique, par une seule action, attire sans cesse à lui les eaux répandues sur la surface du globe, et après leur avoir servi de véhicule, il les laisse précipiter çà et là, et les rend à tout ce qui les redemande, aux plaines et aux prairies qu’elles désaltèrent, aux sources des fleuves qu’elles alimentent, et à l’Océan dont elles réparent les pertes.

333. La région dans laquelle se passent les différens phénomènes dus à l’évaporation, ne s’étend pas à une grande hauteur dans l’atmosphère. Suivant Musschenbroek, les nuages les plus élevés dominent rarement le sommet des plus hautes montagnes. On a cherché à déterminer la hauteur de l’atmosphère elle-même, ce qui seroit très-facile, si l’air avoit partout la même densité qu’auprès de la surface de la terre. Il suffiroit, dans ce cas, de prendre le rapport entre les densités du mercure et de l’air, ou entre leurs pesanteurs spécifiques, et de multiplier ce rapport par 28 pouces, ce qui donneroit à peu près quatre mille dix toises, ou 7 815 mètres, pour la hauteur cherchée. Mais cette détermination est bien éloignée de la véritable, à cause de la diminution que subit la densité de l’air, à mesure qu’il s’éloigne de la terre. Lahire a essayé de conclure la hauteur de l’atmosphère, de la durée du crépuscule. On sait que nous commençons à apercevoir les rayons du soleil, lorsque cet astre est encore abaissé de 18 degrés au-dessous de l’horizon. Or, ces mêmes rayons ne parviennent alors à un spectateur auquel se rapporte l’horizon dont il s’agit, qu’après s’être d’abord réfractés en pénétrant l’atmosphère, et avoir été ensuite se réfléchir sur sa concavité, d’où ils sont renvoyés vers le spectateur. Il y a donc une certaine hauteur que l’atmosphère doit avoir, pour que la réflexion qui produit le crépuscule, commence lorsque le soleil est à 18 degrés au-dessous de l’horizon ; et en calculant cette hauteur, Lahire a trouvé qu’elle étoit à peu près de 16 lieues. Mais ce résultat prouve seulement qu’à la distance de 16 lieues l’effet de l’atmosphère, pour réfléchir la lumière, est encore sensible, en sorte que nous sommes seulement certains que l’atmosphère s’étend au moins jusque là sans pouvoir assigner sa dernière limite.

Des Aérostats.

334. Après avoir exposé les connoissances acquises jusqu’ici sur les divers états de l’air, nous ne pouvons nous dispenser de donner quelques détails sur une découverte qui pourra nous en procurer de nouvelles relativement à cet objet, et qui d’ailleurs a des points communs avec la physique. C’est celle des aérostats par laquelle Mongolfier a rendu son nom à jamais célèbre.

L’idée d’un voyage entrepris par l’homme au milieu des airs, promettoit un spectacle si imposant et si propre à exciter l’admiration, que l’on conçoit comment il s’est rencontré plus d’une fois des hommes assez hardis pour tenter de la réaliser. Le vol des oiseaux, en inspirant un sentiment de rivalité, sembloit offrir le modèle du mécanisme qui devoit servir à l’exécution du projet. Mais, en premier lieu, l’oiseau trouve des facilités pour exécuter les divers mouvemens relatifs au vol, dans la conformation de son corps, et dans la position et la structure de ses ailes-composées de plumes, dont la substance est très-légère, et qui sont des tuyaux creux ; de plus, la grande force musculaire dont il a été pourvu par l’Auteur de la nature, lui donne l’avantage de frapper l’air assez puissamment et assez rapidement, pour s’élever à son gré, s’élancer en avant et planer au-dessus du même endroit. Dans l’homme, au contraire, la force des muscles, loin de compenser le désavantage du poids, est bien inférieure à ce qu’elle devroit être, toutes choses égales d’ailleurs, pour le mettre en état d’agir sur l’air, avec un excès de vîtesse qui lui fit trouver un point d’appui dans ce fluide si mobile et si prompt à céder. De là, les tentatives malheureuses de tous ceux qui ont aspiré à la pratique d’un art qu’il falloit laisser aux héros de la fable.

335. On pouvoit viser au même but d’une autre manière, en substituant au mécanisme du vol, celui de la navigation. Pendant le cours du siècle dernier, Lana et Gallien, en se bornant à de simples spéculations, proposèrent deux moyens différens pour remplir ce second objet. Lana composoit son appareil de quatre globes de cuivre, dans lesquels on feroit le vide, et qui étant à la fois très-spacieux et très-minces, deviendroient capables, par leur excès de légèreté, d’enlever un homme avec son support. Mais plusieurs savans ont réfuté cette idée, en objectant que les globes ne manqueroient pas de crever par la pression de l’atmosphère.

Gallien étoit parti d’une idée qui paroît d’abord plus plausible en elle-même, et qui consistoit à faire flotter dans l’atmosphère un grand vaisseau occupé par un air respectivement plus léger que celui qui le soutiendroit. La difficulté eût été de mettre ce principe en exécution ; mais comme Gallien ne prétendoit offrir à son lecteur qu’une simple récréation physique, et le faire voyager en idée, rien ne le gênoit du côté des moyens, pourvu qu’ils eussent leur possibilité dans la nature. En conséquence, il faisoit son vaisseau aussi grand qu’une ville, et capable de contenir une armée avec tout son attirail, et des provisions pour un long voyage. Il le supposoit ensuite transporté dans l’atmosphère à une telle hauteur, que l’air dont il se rempliroit fût une fois plus léger que celui au-dessus duquel il flotteroit. Mais quelque élevés qu’eussent été les bords du vaisseau, l’air qui s’y seroit introduit se seroit comprimé par son propre poids, dans le même rapport que l’air environnant, et l’on concevra aisément que dès lors le vaisseau n’auroit pu se soutenir un seul instant au milieu de l’atmosphère.

336. Ainsi l’on n’avoit encore, relativement à l’art de s’élever dans les airs, que des essais infructueux, et des spéculations fausses et romanesques, lorsqu’en 1782, Mongolfier, ayant réfléchi sur le phénomène que présentent les nuages qui se soutiennent, en flottant, dans l’atmosphère, conçut l’idée de donner des enveloppes très-légères à des nuages factices, composés de vapeurs produites par la combustion de diverses substances. Il pensa que ces vapeurs, mêlées à l’air raréfié par la chaleur dans l’intérieur des enveloppes, formeroient avec elles un tout spécifiquement plus léger que l’air environnant. Quelques essais qu’il fit en particulier, avec son frère, ayant eu une pleine réussite, ils répétèrent leur expérience à Annonay, l’année suivante, en présence d’un grand nombre de spectateurs ; et là on vit une espèce de grand sac de toile, doublé en papier, et d’abord informe, couvert de plis et affaissé par son poids, se gonfler et se développer par l’action de la chaleur, s’élever ensuite sous la forme d’un ballon de cent dix pieds de circonférence, et parvenir à une hauteur de mille toises.

On sait que depuis, l’expérience fut renouvelée plusieurs fois à Paris, et que la machine servit à élever des hommes qui entretenoient eux-mêmes le feu dans un réchaud suspendu sous l’ouverture de l’aérostat. Dans les premiers essais, la machine étoit retenue par des cordes qui permettoient seulement à cette machine de s’élever à une certaine hauteur. Enfin, Pilatre des Rosiers et Darlandes, partis avec l’aérostat abandonné à lui-même, parcoururent près de quatre mille toises en dix-sept minutes, et donnèrent le spectacle du premier voyage que l’homme ait fait à travers les airs.

Mongolfier, dans ses expériences, faisoit brûler des matières animales avec de la paille, pour enfler l’aérostat ; et l’on auroit pu croire que l’ascension de la machine étoit due en partie à la présence d’un gaz particulier, composé des différens principes qui se développoient dans la combustion. Mais il est prouvé que cet effet provenoit uniquement de la raréfaction de l’air renfermé dans l’aérostat.

337. Peu après la nouvelle de l’expérience d’Annonay, Charles proposa de substituer à l’air dilaté, le gaz hydrogène, qui, dans le plus grand état de pureté auquel on l’ait amené jusqu’ici, est environ treize fois plus léger que l’air. Il ne s’agissoit que de trouver une enveloppe imperméable à ce gaz, et dans laquelle on put l’emprisonner. Ce procédé étoit plus dispendieux, mais en même temps moins dangereux et plus simple que le premier ; l’aérostat se suffisoit à lui-même, et son volume, ainsi que son poids, se trouvoient sensiblement diminués. Parmi les différentes substances dont on pouvoit composer les enveloppes, Charles préféra le taffetas enduit de gomme élastique, qui provient du suc épaissi d’un arbre de l’Amérique, auquel on a pratiqué des incisions. On fait dissoudre cette gomme dans l’huile de térébentine, avant d’en enduire le taffetas. On lança du Champ-de-Mars un globe construit par ce procédé, et qui avoit environ douze pieds de diamètre. Ce globe s’éleva en deux minutes à près de cinq cents toises ; il se soutint environ trois quarts d’heure dans l’air, et alla tomber à quatre lieues de Paris.

Quelques temps après, Charles et Robert, portés dans une nacelle suspendue à un autre aérostat du même genre, et de vingt-six pieds de diamètre, parcoururent un espace de neuf lieues avant de descendre ; et bientôt, Charles resté seul dans la nacelle, par un nouvel essor digne de son zèle et de son courage, s’éleva, en un clin d’œil, à une hauteur de près de dix-sept cents toises, comme pour aller, au nom des physiciens, prendre possession de la région des météores.

À mesure qu’un ballon de cette espèce s’élève davantage dans des couches d’air dont la densité diminue progressivement, le gaz, moins comprimé, fait effort pour s’étendre, ce qui peut occasionner la rupture du ballon. On prévient cet accident, en adaptant au haut du ballon une soupape, que l’on est le maître d’ouvrir, pour laisser sortir une partie du gaz, lorsque sa dilatation a atteint sa limite. On peut encore modérer la résistance de la soupape, de manière qu’elle soit moindre que celle de l’étoffe ; dans ce cas, la soupape s’ouvrira d’elle-même pour donner une issue au gaz.

Les voyageurs étoient obligés de perdre encore de leur gaz, lorsqu’ils vouloient descendre. On a proposé d’enfermer le ballon dans un autre, occupé par de l’air atmosphérique ; on feroit sortir, à volonté, une portion de cet air, ou l’on en fourniroit de nouveau, au moyen d’un soufflet adapté au ballon extérieur, ce qui donneroit au voyageur la facilité de s’élever ou de descendre, autant de fois qu’il voudroit, en conservant tout son gaz inflammable.

338. L’usage des ballons peut conduire à de nouvelles connoissances intéressantes pour le progrès de la physique. On détermineroit, avec leur secours, à quelle hauteur les vents qui soufflent dans la partie inférieure de l’atmosphère changent de direction, lorsqu’il y a deux courans opposés l’un au-dessus de l’autre ; ces observations seroient surtout importantes dans les contrées où règnent les vents alisés. On iroit puiser de l’air à différentes élévations, ce qui est facile en se servant de vases d’abord remplis d’eau, et que l’on vide en suite, pour y laisser entrer l’air de la région où l’on se trouve. L’analyse feroit connoître le rapport entre les quantités de gaz oxygène et de gaz azote, pour chaque hauteur. On chercheroit aussi à déterminer la loi que suit la diminution de la chaleur, à mesure qu’on s’élève plus haut ; connoissance utile pour le calcul des réfractions astronomiques ; enfin, l’étude de l’électricité de l’air et des différens météores, gagneroit à des observations faites de près, et dans la région même où se produisent les phénomènes.

4. De l’Air considéré comme Véhicule du Son.

339. Nous avons maintenant à considérer l’air comme étant le milieu qui transmet le son. Nous exposerons d’abord les phénomènes généraux des corps sonores : de là nous passerons à la comparaison des sons appréciables, d’après le rapport entre les nombres de vibrations qui leur correspondent, et enfin nous déduirons, des observations relatives aux effets des instrumens à vent, la théorie la plus vraisemblable de la propagation du son.

Du Son en général.

340. On prouve, par une expérience fort simple, que l’air est le véhicule du son. Elle consiste à placer sous le récipient d’une machine pneumatique, un mouvement d’horlogerie, propre à faire résonner un timbre, et qui repose sur un coussinet rempli de coton ou de laine. On fait le vide, et ensuite au moyen d’une tige qui traverse le haut du récipient, on appuie sur une détente, qui, en se lâchant, permet au rouage d’agir ; on voit alors, sans rien entendre, le marteau frapper continuellement le timbre.

Hauksbée, pour rendre cette expérience encore plus décisive, plaçoit le timbre dans un premier récipient qui restoit plein d’air, et qui étoit recouvert d’un second récipient tellement disposé, que l’on pouvoit faire le vide entre deux. Quoiqu’il se produisît du son dans le récipient intérieur lorsque le marteau étoit mis en mouvement, le timbre demeuroit également muet pour l’observateur.

341. Il suit de là, que dans un air raréfié jusqu’à un certain degré, tel que celui qui repose sur le sommet des hautes montagnes, le son doit perdre de sa force, et si ce sommet est isolé, l’absence des échos diminuera encore l’intensité du son. C’est ce qu’a observé Saussure, lorsqu’il se trouvoit sur la cime du Mont-Blanc, où, suivant son rapport, un coup de pistolet ne faisoit pas plus de bruit qu’une petite pièce d’artifice n’en fait dans une chambre.

342. On a remarqué d’une autre part, que le son acquéroit de la force à travers un air condensé, et que la densité restant la même, la force du son s’accroissoit aussi lorsqu’on augmentoit, au moyen de la chaleur, le ressort de l’air.

343. C’est donc l’air qui apporte le son à l’organe de l’ouïe. Mais en quoi consiste l’espèce de modification que subit l’air, à l’occasion de la percussion imprimée aux corps sonores ? Prenons pour exemple une corde d’instrument que l’on pince ; à l’instant tous les points de cette corde s’éloignent plus ou moins de la position qu’ils avoient, lorsque la corde étoit en repos, suivant qu’ils sont plus ou moins éloignés des points d’attache ; et la corde entière va et revient alternativement, en deçà et au delà de sa première situation, par un mouvement de vibration qui provient de son élasticité.

Les molécules d’air contiguës aux différens points de la corde, prennent des mouvemens semblables à ceux de ces points ; elles vont et reviennent avec eux. Chaque molécule communique du mouvement à celle qui est derrière, celle-ci à une troisième, et ainsi de suite, jusqu’aux molécules qui sont en contact avec le tympan de l’oreille. L’air agit à son tour sur cette membrane, en lui communiquant ses vibrations, qu’elle transmet au nerf auditif, et de là résulte la sensation du son.

344. Supposons maintenant que le corps sonore soit un timbre, comme dans l’expérience que nous avons citée. On peut concevoir ce timbre comme formé d’une infinité d’anneaux superposés, depuis la base jusqu’au point culminant : au moment de la percussion, chaque anneau se comprime de manière à prendre une figure ovale, dont le grand axe est perpendiculaire au sens suivant lequel la percussion s’est faite. Le retour de l’anneau à sa première figure, est suivi d’un nouveau changement de figure, qui produit un ovale en sens contraire du premier ; et les deux changemens se succèdent ainsi, jusqu’à ce que le son s’éteigne avec le mouvement. Les vibrations des différentes molécules qui composent chaque anneau, excitent de même, dans l’air voisin, une petite agitation qui se communique de proche en proche, jusqu’au terme où l’on cesse d’entendre le son ; et il en faut dire autant, proportion gardée, de tous les corps ébranlés par la percussion.

À l’égard du degré auquel répond le son rendu par un timbre, il faut concevoir que les anneaux situés plus près de la base, ayant une plus grande circonférence, tendent à faire plus lentement leurs vibrations, tandis que les anneaux plus voisins du sommet, où la circonférence est plus petite, tendent à produire des vibrations plus fréquentes. Il s’établit donc ici, à peu près comme dans le pendule composé, une compensation en vertu de laquelle les vibrations se trouvent ramenées à une égale durée, qui est une espèce de moyenne entre celle qui auroit lieu pour les anneaux inférieurs, et celle qui mesureroit le mouvement des anneaux supérieurs, si les uns et les autres étoient isolés.

345. Une observation très-facile à faire, et qui nous paroît mériter d’être indiquée, est celle de l’effet que produisent sur l’eau les vibrations d’un verre à boire, rempli de ce liquide presque jusqu’au haut, tandis qu’on fait tourner sur ses bords un doigt mouillé, pour exciter un son connu de tous ceux qui se sont amusés de cette expérience. Voici ce que l’on remarque en pareil cas : l’eau tourne autour du verre, en suivant le mouvement du doigt, et en même temps sa surface est toute parsemée de rides blanchâtres, qui se succèdent rapidement en allant des bords vers le centre ; et si l’on précipite le mouvement, les molécules de l’eau jailliront de tous côtés autour du verre et sur la main de l’observateur. Cette expérience réussit mieux avec un verre à pied, que l’on maintient dans une position fixe, en appuyant avec la main sur sa base.

On pourra remarquer, en la faisant successivement avec des verres de grandeurs différentes, que les rides deviennent plus petites, et prennent un mouvement plus rapide, à mesure que le son est plus aigu.

346. Le son se fait aussi entendre, mais plus foiblement, à travers l’eau, soit que l’on plonge le corps sonore dans ce liquide, soit que l’observateur s’y trouve plongé lui-même ; ce qui indique, comme nous l’avons déjà remarqué (174), que l’eau est compressible et élastique jusqu’à un certain point, quoique jusqu’ici on n’ait pu parvenir à la comprimer sensiblement par des expériences directes.

347. Tous les corps solides dont la structure est telle, que le mouvement de vibration imprimé à quelques-unes de leurs molécules, puisse se communiquer à travers leur masse, seront de même susceptibles de transmettre le son. Un fait assez singulier dans ce genre, et que les philosophes ne dédaignent pas de répéter après les enfans, est celui qui a lieu, lorsqu’ayant l’oreille appliquée à l’un des bouts d’une longue poutre, on entend distinctement le choc d’une tête d’épingle qui frappe le bout opposé, tandis qu’à peine le même son peut-il être entendu à travers l’épaisseur de la poutre. Cette différence provient de ce que, dans le premier cas, le son suit la direction des fibres longitudinales, où la continuité des parties est plus parfaite que dans le sens transversal ; et il est remarquable que ces parties aient assez de ressort, pour que le son perde si peu de sa force en parcourant l’espace qu’elles occupent.

348. Le son se propage de tous côtés en ligne droite, lorsqu’aucun obstacle ne l’arrête ; en sorte que l’on peut considérer chaque point du corps sonore, comme étant le sommet commun d’une infinité de cônes très-déliés, et d’une longueur indéfinie. Chacun de ces cônes est ce qu’on appelle un rayon sonore ; au reste, nous n’avons fait qu’ébaucher ici la théorie de la propagation du son, sur laquelle nous reviendrons avec plus de détails, lorsque nous aurons exposé les connoissances qui doivent en fournir le développement.

349. Les corps qui frappent l’air immédiatement, excitent aussi dans ce fluide des vibrations sonores. Ainsi l’air éclate sous le fouet qui l’agite avec violence, et siffle sous l’impulsion d’une baguette ; il devient également capable de résonner, lorsqu’il va lui-même frapper un corps solide avec une certaine vîtesse, comme lorsque le vent souffle contre les édifices, les arbres et autres corps qui se trouvent sur son passage.

350. Le son emploie un certain temps à se répandre dans l’air, et parvient plus tard à l’oreille, lorsqu’on s’éloigne davantage du corps qui le rend. Les physiciens ont cherché à déterminer, par l’expérience, la vîtesse avec laquelle se fait la propagation du son ; et pour y parvenir, ils ont profité de ce que celle de la lumière est, au contraire, sensiblement instantanée, du moins dans les distances auxquelles s’étendent nos mesures. L’explosion du canon étoit propre à donner les résultats cherchés ; il ne s’agissoit que d’estimer le temps qui s’écouloit entre le moment où la lumière indiquoit à l’œil le départ du son et celui où le son lui même avertissoit l’oreille de son arrivée. L’incertitude que laissoient encore diverses expériences qui avoient été faites sur cet objet, détermineront, en 1738, l’Académie des Sciences à en entreprendre de nouvelles, sur une ligne de 14 636 toises, située entre Monthléry et Montmartre.

On trouva que le son avoit une vîtesse uniforme, qui lui faisoit parcourir environ 173 toises ou 337 mètres par seconde, en sorte qu’il étoit seulement plus foible à une plus grande distance, mais franchissoit successivement des espaces égaux en temps égaux. La vîtesse paroissoit la même par un temps pluvieux ou serein ; mais la direction et la force du vent pouvoient la faire varier. Si le vent étoit dirigé perpendiculairement à la ligne qui alloit du corps sonore à l’observateur, la vîtesse du son étoit encore la même que dans un temps calme ; mais si la direction du vent concouroit avec la ligne dont il s’agit, alors, suivant qu’elle avoit lieu dans le même sens que le son, ou en sens opposé, il falloit ajouter la vîtesse du vent à celle du son, ou l’en retrancher. Enfin, la force du son n’apportoit aucun changement dans sa vîtesse.

La connoissance de la vîtesse du son, fournit un moyen d’estimer à peu près, par la lumière et le bruit du canon, les distances que l’on a intérêt de connoître à l’instant, comme celle où l’on se trouve à l’égard d’une ville assiégée, d’un vaisseau ou d’un port de mer.

On a essayé aussi de déterminer, à l’aide du calcul, la vîtesse du son. Mais la théorie donnoit pour cette vîtesse une quantité sensiblement plus petite que celle qui résultoit de l’observation, et aucune des hypothèses que l’on avoit imaginées pour rendre raison de cette différence n’étoit satisfaisante. Laplace, en réfléchissant sur un phénomène dont nous devons la connoissance à la chimie moderne, a conçu la possibilité d’en déduire la solution de la difficulté dont il s’agit. On sait que l’air, à mesure qu’on le condense, développe une partie de la chaleur latente qu’il renfermoit, et qui passe à l’état de chaleur sensible ; et au contraire, lors qu’on le raréfie, il absorbe une certaine quantité de chaleur sensible, qui devient chaleur latente. Or, dans la propagation du son, les molécules de l’air éprouvent successivement de petites condensations et de petites dilatations, semblables à celles d’un ressort qui, tour à tour, se comprime et se débande. Elles développent donc, au moment de la condensation, une petite quantité de chaleur, qui, en élevant leur température, augmente leur force élastique, d’où résulte une accélération dans la vîtesse de leur mouvement vibratoire. Lorsqu’ensuite le débandement, qui est une vraie dilatation, succède à la compression, la petite quantité de chaleur développée redevient insensible ; après quoi, les mêmes effets se répètent, et ainsi de suite ; d’où l’on voit que la propagation du son doit se faire plus rapidement que dans le cas d’une température uniforme.

La manière dont Biot a appliqué l’analyse mathématique à cette idée, lui donne un nouvel air de vérité. Cet habile géomètre a introduit dans la formule qui représente la vîtesse du son, d’après la théorie ordinaire, l’expression de l’accroissement de vîtesse que doit produire l’action de la chaleur ; et comme les quantités qui entrent dans cette expression ne pourroient être déterminées que très-difficilement par l’expérience, il s’est proposé le problème inverse, qui consiste à chercher, d’après les connoissances acquises sur la propagation du son, quelle doit être la petite portion de chaleur rendue sensible par chaque condensation, et l’accroissement d’élasticité qui en est la suite, pour que la formule soit d’accord avec l’observation ; et il a trouvé que les valeurs auxquelles conduisoit le calcul n’avoient rien qui ne fût compatible avec des résultats d’expériences faites en grand ; ce qui promet une solution directe du problème, fondée sur la cause dont nous avons parlé, quand l’observation aura fourni les données nécessaires pour y parvenir.

351. Lorsque le son rencontre un corps qui lui fait obstacle, les molécules d’air qui choquent ce corps, sont réfléchies à la manière des corps élastiques, en faisant leur angle de réflexion égal à l’angle d’incidence, et communiquent ensuite à celles qui sont derrière elles le mouvement qu’elles ont reçu par la réflexion ; d’où il suit que le son se répand de nouveau dans toutes les directions, en retournant de l’obstacle vers l’espace qu’il avoit d’abord traversé. Dans les lieux clos, tels que les appartemens, le son est ainsi renvoyé continuellement d’un mur à l’autre, et lorsque le lieu est voûté, ou que ses parois ont une élasticité sensible, on dit que ce lieu devient sonore, ce qui signifie que le son paroît s’y prolonger, en se succédant à lui-même, dans de si petits intervalles, que l’oreille ne fait pas la distinction de toutes ces impressions qui arrivent à elle coup sur coup.

Mais sil’on se trouve en plein air, à une certaine distance de l’obstacle, il s’écoulera un intervalle de temps sensible entre le son direct et le son réfléchi, et l’on aura ce que l’on appelle un écho, et que ceux qui n’y font pas assez d’attention prennent pour une simple répétition des dernières paroles prononcées. On voit aisément pourquoi les poëtes, qui faisoient de l’écho un être animé, avoient placé son habitation près des montagnes, des rochers et des bois.

Suivant que l’obstacle qui réfléchit le son est unique, ou qu’il se trouve plusieurs obstacles placés à des distances convenables, l’écho est simple ou redoublé. Musschenbroek cite un écho de ce dernier genre, qui répétoit le même son jusqu’à quarante fois. Deux murs parallèles qui se renvoient mutuellement le son, peuvent produire un écho redoublé, pour un observateur placé dans l’espace intermédiaire.

L’art a disposé certaines constructions d’édifices, de manière à produire, au moyen du son réfléchi, un effet curieux qui s’explique aisément par la géométrie. On sait que l’ellipse a cette propriété, que deux rayons menés de ses foyers à l’un quelconque des points de sa courbure, font des angles égaux avec la tangente au même point. Si donc on suppose une voûte ou un mur d’une figure elliptique, tous les rayons sonores partis de l’un des foyers, iront, après leur réflexion sur les différens points de la courbe, passer par l’autre foyer où ils concentreront le son. De cette manière, un homme, en plaçant sa bouche à l’un des foyers, pourra prononcer à voix basse des paroles qui seront entendues distinctement par une oreille attentive à l’autre foyer, et qui resteront secrètes pour les témoins situés entre les deux interlocuteurs, en sorte qu’il n’y aura que l’écho qui soit dans la confidence.

Des Sons comparés.

352. Après avoir considéré le son dans ses effets les plus généraux, tels que le mouvement de vibration du corps qui le fait naître, ou de l’air qui le propage, la vîtesse avec laquelle il parcourt cet air, sa reproduction à la rencontre des corps qui le réfléchissent ; nous avons à traiter maintenant des rapports entre les sons, comparés d’après les nombres de vibrations que font, dans le même temps, différens corps sonores. Les observations qui déterminent ces rapports, sont du ressort de la physique, et l’art du musicien consiste à les employer de la manière la plus propre à flatter l’oreille, soit par la succession bien ordonnée des sons simples, d’où dépend la mélodie, soit par l’heureuse combinaison des sons simultanés, dans laquelle consiste l’harmonie. Le physicien n’envisage que ce qu’on pourroit appeler la musique de l’esprit ; c’est à l’artiste qu’appartient la musique du sentiment.

353. Les sons ne se prêtent à la comparaison qu’autant qu’ils sont appréciables. C’est cette qualité du son qui fait que l’oreille en saisit le degré, et que chacun a naturellement la facilité, lorsqu’il entend un de ces sons qui est à la portée de sa voix, d’en former un qui l’imite parfaitement, et qui ne paroît être que le même son rendu par un autre organe.

Cette manière de parler des sons, comme étant placés à différens degrés les uns au-dessus des autres, et de supposer que la voix monte ou descend, n’est qu’un langage figuré qui a été suggéré par les apparences, et auquel la notation de la musique a été assortie.

On donne aussi le nom de graves aux sons les plus bas, et celui d’aigus à ceux qui sont les plus hauts.

Mais la différence réelle et physique entre un son grave et un son aigu, consiste en ce que le corps qui rend le premier, fait un moindre nombre de vibrations, dans un temps donné, que celui qui produit le second.

354. Les expériences faites sur les cordes sonores ont fourni un moyen facile de trouver le rapport entre les nombres de vibrations, d’où résultent deux sons qui diffèrent entre eux d’un nombre déterminé de degrés. En général, la fréquence des vibrations d’une corde sonore dépend de trois choses, savoir, la longueur de cette corde, sa grosseur et sa tension. La formule à laquelle Taylor a été conduit par le calcul, fait voir qu’à densité égale le nombre de vibrations, dans un temps donné, est proportionnel à la racine carrée du poids qui tient cette corde tendue, divisée par le produit de la longueur de la corde par son diamètre, et c’est ce que confirme l’observation.

Dans les expériences relatives à cet objet, on se sert d’un instrument appelé sonomètre, qui est une espèce de caisse oblongue, sur laquelle on tend, avec des poids, deux cordes de laiton, pour comparer les nombres de leurs vibrations. Ordinairement on ne fait varier que l’une des trois quantités dont nous avons parlé ; c’est-à dire, par exemple, que si l’on tend les cordes avec des poids différens, on prend ces cordes de la même grosseur, et on leur donne la même longueur. Dans ce cas, le rapport entre les nombres de vibrations, pendant un certain temps, pris pour unité, est indiqué par le rapport des racines carrées des poids tendans.

Si l’on représente de même par l’unité le plus bas des deux sons que l’on compare, on aura les rapports suivans entre le son dont il s’agit, et le son aigu qui est supposé être entendu en même temps que lui.

L’octave sera représentée par 2, c’est-à-dire, que le son aigu fera deux vibrations, tandis que le son grave n’en fera qu’une ; c’est l’intervalle entre les deux ut de la gamme ordinaire.

La quinte, ou l’intervalle de ut à sol, en montant, aura pour expression 3/2 ; ainsi le son aigu de cette consonnance fera trois vibrations contre deux du son grave.

La quarte, ou l’intervalle de ut à fa, sera représentée par 4/3 ;

La tierce majeure, ou l’intervalle de ut à mi, par 5/4 ;

La tierce mineure, ou l’intervalle de mi à sol, par 6/5.

Nous nous bornerons ici aux consonnances ; on représenteroit de même les dissonances, en faisant varier de plusieurs autres manières les deux termes du rapport.

355. Chaque son, tel qu’il parvient ordinairement à l’oreille, est, au jugement de cet organe, un effet très simple, une espèce d’élément dont rien ne paroît altérer la pureté ; et cependant chaque son renferme réellement une multitude d’autres sons plus aigus, dont quelques-uns deviennent sensibles dans certains cas, pour une oreille tant soit peu délicate, et les autres ont leur existence indiquée par différentes observations.

Supposons d’abord qu’il n’y ait dans un lieu qu’une seule corde d’une certaine longueur, comme l’une de celles qui forment la basse d’un clavecin, ou la grosse corde d’un violoncelle, et qu’après avoir tendu cette corde convenablement, on la fasse résonner ; En prêtant une oreille attentive, à une petite distance de la corde, on entendra, outre le son principal, deux autres sons plus foibles, mais très-distincts ; et si l’on représente toujours le son principal par l’unité, les deux sons concomitans seront représentés, l’un par 3, et l’autre par 5 ; c’est-à-dire, que le premier étant ut, le second sera l’octave de sa quinte sol en montant, et le second la double octave de sa tierce majeure mi.

Cette expérience réussit de même avec un violon, lorsqu’on passe l’archet sur la grosse corde, à une petite distance du chevalet, dans une direction bien perpendiculaire à la corde, comme pour tirer un son plein et nettement prononcé. On peut à volonté laisser subsister ou supprimer les trois autres cordes, qui ne contribuent en rien à l’effet.

On entend aussi l’octave 2 et même la double octave 4 du son principal ; mais il faut plus d’attention pour les distinguer, parce que les sons placés à l’octave l’un de l’autre, approchent beaucoup plus de se confondre pour l’oreille.

Nous avons donc la suite 1, 2, 3, 4, 5 qui représente les différens sons sensibles pour l’oreille, dont est composée l’harmonie d’un seul son.

Mais une autre expérience nous porte à croire que ce ne sont ici que les premiers termes de la véritable série qui s’étend indéfiniment. Car, si à côté d’une première corde on en dispose d’autres, dont les nombres de vibrations, qui répondent à une seule vibration de la première, soient 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, etc. ; et si l’on fait résonner la première corde seule, toutes les autres frémiront et résonneront en même temps, quoique beaucoup plus foiblement. On peut rendre leur frémissement sensible à l’œil, en plaçant sur chacune d’elles un petit chevalet de papier, que l’on verra s’agiter, ou même sauter en bas, au moment où l’on pincera la corde principale.

Si les diamètres des différentes cordes sont égaux entre eux, et qu’il y ait de même égalité entre les tensions, les longueurs des cordes que la première fera résonner, en y comprenant l’unisson, devront être, d’après ce qui a été dit, comme les nombres 1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6, etc. Nous supposerons à l’avenir, pour plus grande simplicité, que les cordes ne varient ainsi que suivant leur longueur.

Or, puisque les premiers sons de la série se distinguent immédiatement dans la résonnance d’une corde que l’on fait vibrer toute seule, il n’y a pas lieu de douter que les suivans n’y soient pareillement renfermés ; et si l’organe ne les saisit pas sans intermédiaire, c’est qu’ils sont tellement affoiblis qu’ils échappent à son attention ; sur quoi nous remarquerons, que dans certains cas, avec une seule corde, on parvient même à démêler l’impression du son représenté par 7.

On a donné le nom de son générateur au son principal, et les sons plus foibles qui l’accompagnent ont été appelés ses harmoniques.

Quelques physiciens ont pensé que la corde principale se soudivisoit en parties aliquotes, semblables à celles qui représentoient les longueurs des autres cordes ; en sorte que le son rendu par chacune de celles-ci, étoit produit, comme unisson, par la partie aliquote qui lui répondoit dans la corde principale. Mais ni l’observation, ni le calcul n’indiquent cette soudivision de la corde génératrice. Tout ce que l’on peut conclure des expériences citées, c’est que les vibrations d’une corde sonore ont la propriété d’exciter dans l’air, non-seulement des vibrations du même ordre, mais d’autres vibrations de différens ordres plus élevés, analogues à celles que les harmoniques y produiroient, si chacun d’eux étoit rendu par une corde distincte.

On pourroit croire encore que, quand on emploie une seule corde, la résonnance des harmoniques provient des corps environnans, dont les fibres se trouvent à leur unisson ; par exemple, de celles du bois même sur lequel la corde est tendue, et avec lesquelles cette corde est censée communiquer ; en sorte que celle-ci commenceroit à agir sur les fibres dont il s’agit, et que ces fibres, à leur tour, produiroient dans l’air les vibrations analogues à la résonnance des harmoniques. Mais nous avons fait l’expérience en plein air, et de manière que les points d’attache n’avoient aucune élasticité sensible, et nous avons entendu encore la résonnance des premiers harmoniques ; d’où il faut conclure que la corde a, par elle-même, la propriété d’exciter dans l’air les vibrations qui les produisent, et que ce sont ces vibrations qui font ensuite frémir et résonner les corps environnans.

356. En partant des faits que nous venons d’exposer, on conçoit pourquoi, lorsqu’on chante dans un lieu où il se trouve des corps susceptibles de rendre des sons appréciables, comme des vases de verre ou de métal, chacun de ces corps résonne, lorsque la voix fait entendre son unisson, ou même lorsqu’elle rend un son qui est à celui que le même corps rendroit par la percussion, comme le son générateur est à l’octave de sa quinte, ou à la double octave de sa tierce. Ces différens effets sont très-sensibles, lorsqu’on rend un son avec la voix, en présentant la bouche à l’ouverture d’un verre ordinaire. La résonnance la plus marquée est celle de l’unisson, et l’on cite des chanteurs, doués d’une voix juste et en même temps très-forte, qui, en prenant ainsi l’unisson d’un verre, parvenoient à le casser. Le changement de figure qu’éprouvent, dans ce cas, les différens anneaux qui composent le verre, est si considérable, que les parties n’ayant pas la flexibilité nécessaire pour s’y prêter assez promptement, se séparent à différens endroits, comme dans le cas où le verre auroit subi une forte percussion.

357. Tout ce que nous venons de dire nous conduit à parler d’une autre expérience, connue sous le nom d’expérience de Tartini ; elle consiste à faire entendre à la fois deux sons forts, justes et soutenus ; il résulte de leurs concours un troisième son plus foible, et qui est tel, selon ce célèbre musicien, que si l’on représente le rapport entre les deux premiers sons par les nombres les plus simples, le son produit sera représenté par 2. Si les deux sons dont il s’agit ont, par exemple, pour expressions les nombres 8 et 9, auquel cas leur accord donnera une dissonance semblable à celle qui résulte des sons ut, re, le son produit étant 2, répondra à la double octave en dessous de l’ut de la dissonance.

En général, il ne faudra que transporter à l’octave l’un des sons de l’accord, ou tous les deux, pour qu’ils soient compris dans la série des harmoniques, dont le troisième son seroit le son fondamental ; ce qui peut servir à lier cette expérience avec celle de la triple résonnance d’une corde vibrante, dont elle offre en quelque sorte l’inverse.

358. Nous citerons une troisième expérience très curieuse, qui se trouve indiquée dans Wallis, mais qui étoit oubliée, lorsqu’elle s’offrit aux observations de Sauveur, qui a passé depuis pour en être l’inventeur : voici le détail de cette expérience.

Si l’on tend une corde sur une planche, et qu’on la partage en deux portions inégales et commensurables entre elles, au moyen d’un obstacle léger qui ne la presse que médiocrement, ces deux parties étant pincées successivement, rendront le même son, qui sera différent de celui de la corde entière : et tel sera ce son, que si l’on représente par les nombres les plus simples le rapport entre les longueurs des deux parties de la corde, le son qu’elles feront entendre sera celui d’une corde qui auroit l’unité pour expression. Ainsi, en supposant la corde divisée en deux parties, qui fussent entre elles comme 3 à 2, auquel cas les sons correspondans seroient dans le rapport d’ut à sol, en montant, si les longueurs des deux parties déterminoient leur résonnance, le son rendu par chaque corde sera celui de la corde 1, c’est-à-dire, le sol à l’octave aigu du son que rendroit la plus petite partie dans le cas ordinaire.

On observe alors que chaque partie se soudivise en autant de portions égales, que le nombre qui lui correspond renferme d’unités. Ainsi, entre deux soudivisions voisines, il y a un point de repos ou un nœud, et au milieu de la même soudivision, l’ondulation forme un ventre, comme dans une corde qui vibre toute entière. Dans l’exemple précédent, la plus grande partie se soudivise en trois, et la plus petite en deux, de sorte que le son ut est rendu à la fois par toutes les soudivisions qui se trouvent ainsi à l’unisson l’une de l’autre. On voit aisément que la plus petite partie ne doit pas se soudiviser, lorsque le son, qui lui est analogue, a lui-même l’unité pour expression ; alors, c’est ce même son que fait entendre la plus petite partie, ainsi que chacune des soudivisions de la plus grande.

Tel est donc le mécanisme d’où dépend la série d’unissons donnée par l’expérience dont il s’agit, que l’obstacle léger qui partage la corde, empêche seulement les vibrations totales, mais laisse subsister une communication, une dépendance mutuelle entre les deux parties, dont les vibrations tendent par-là même à s’accorder parfaitement entre elles, c’est-à-dire, à devenir isochrones. En conséquence, elles sont forcées de se soudiviser, mais elles le font le moins qu’il est possible ; de manière que le nombre des soudivisions est toujours le plus petit, parmi tous ceux qui donneroient pareillement l’isochronisme.

Ainsi, dans l’exemple précédent, si la corde 2 faisoit des vibrations totales, les deux tiers de la corde 3 pourroient bien se mettre à l’unisson avec elle ; mais il resteroit un tiers qui feroit ses vibrations séparément : or, c’est ce tiers qui étant seul propre à déterminer l’isochronisme, donne la loi à tout le reste.

Sauveur rendoit sensible à l’œil la distinction des nœuds et des ventres, en plaçant à l’endroit de chaque nœud un chevron de papier blanc, et un autre de papier coloré à l’endroit de chaque ventre. Au moment où la corde entroit en vibration, on voyoit tomber tous les chevrons colorés, tandis que les blancs restoient à leur place. Cette expérience réussit bien, à l’aide d’une corde de violon, que l’on partage par un chevalet de carton, après l’avoir tendue sur une planche, et que l’on fait vibrer, en passant légèrement l’archet près du chevalet de bois sur lequel repose l’une ou l’autre des extrémités de cette même corde.

359. La première des expériences que nous venons de citer, ou celle qui consiste dans la triple résonnance d’une corde vibrante, nous fournit quelques réflexions sur la formation de notre échelle diatonique, composée des sons ut, re, mi, fa, etc., et qui est connue de tout le monde.

Si l’on désigne toujours par l’unité le premier son ut, la série des 8 sons sera exprimée par celle des nombres :

1, 2/8, 5/4, 4/3, 3/2, 15/9, 15/8, 2.
ur re mi fa sol la si ut ;

c’est-à-dire, que si l’on faisoit vibrer des cordes dont les longueurs fussent propres à donner les nombres de vibrations qui répondent aux termes de la série précédente, on auroit une suite de sons qui représenteroit très sensiblement notre gamme, telle que chacun l’a, pour ainsi dire, dans l’oreille et l’exécute par le chant. Cette gamme est très-ancienne, et en remontant jusqu’aux siècles de la Grèce, où le goût pour les arts étoit si délicat, on trouve que les deux tétracordes, qui formoient l’échelle musicale de ce temps, avoient leurs sons précisément dans les mêmes rapports que ceux de la nôtre.

Or, il est remarquable que la gradation des sons dans ces deux échelles, se trouve soumise au principe de la plus grande simplicité dans les rapports qui les déterminent ; et ce principe paroît avoir été le guide secret dont l’oreille a suivi l’indication ; Pour le concevoir, observons qu’en prenant les sons qui donnent deux, trois, quatre et cinq vibrations, contre une seule du son fondamental, nous aurons successivement l’octave de ce son, puis l’octave de sa quinte, ensuite sa double octave, et enfin la double octave de sa tierce ; c’est-à-dire, que nous aurons l’harmonie des sons, qui seuls résonnent sensiblement lorsqu’on fait vibrer une corde isolée. Or, l’octave, la quinte et la tierce sont les consonnances les plus parfaites, et toute notre échelle diatonique porte sur ces consonnances. Car en premier lieu, nous avons dans cette gamme l’accord ut, mi, sol, qui est donné immédiatement par la triple résonnance du corps sonore, excepté que le sol et le mi s’y trouvent transportés l’un à l’octave et l’autre à la double octave en dessous de l’harmonique correspondant, ce qui est toujours permis, à cause de la grande ressemblance entre un son et son octave. Transportons maintenant le fa et le la de la gamme à l’octave en dessous ; si nous joignons l’ut fondamental à ces deux sons, nous aurons un nouvel accord fa, la, ut, entièrement semblable à l’accord ut, mi, sol. Enfin, si nous transportons le re à l’octave en dessus, nous aurons, en lui réunissant les sons sol et si, un troisième accord sol, si, re, qui de même représente exactement l’accord ut, mi, sol. Voilà donc tous les sons de la gamme distribués entre trois accords composés d’une tierce et d’une quinte, et tellement liés entre eux, que le son fondamental de chacun est la quinte au grave ou à l’aigu de celui d’un autre ; en sorte qu’en partant du fa pris en dessous de l’ut fondamental de la gamme, on a cette suite, fa, la, ut, mi, sol, si, re, qui forme un enchaînement de tierces et de quintes. Ainsi, notre gamme est limitée aux combinaisons que donnent les sons représentés par les cinq premiers nombres naturels ; tous les autres se trouvent exclus, sur quoi Léibnitz disoit assez plaisamment, que l’oreille ne comptoit que jusqu’à cinq.

360. D’une autre part, quelques savans ont pensé qu’il y avoit une autre gamme préférable à la précédente, et dont l’adoption éleveroit la musique à son vrai point de perfection. Voici l’observation sur laquelle ils se fondent.

Si dans la série des harmoniques donnés par les différentes cordes qui résonnent à côté d’une première corde que l’on a mise en vibration, on prend ceux qui répondent aux fractions 1/8, 1/9, 1/10, 1/11, etc., jusqu’à 1/16 inclusivement ; on aura une suite de sons semblable à la gamme ordinaire, excepté que le fa et le la seront un peu plus haut que dans cette gamme ; de plus, l’harmonique 1/13 donnera un son surnuméraire entre le sol et le la.

Les savans dont il s’agit, ont pensé que la véritable gamme devoit être cette dernière, parce qu’elle étoit donnée immédiatement par la nature, et que si l’oreille paroissoit blessée par l’intonation des sons fa et la, lorsque cette gamme étoit rendue par un instrument propre à cet effet, tel que le cor de chasse, c’étoit la suite d’un préjugé de cet organe gâté par l’habitude, et dont il parviendroit à se désabuser, en se familiarisant avec l’autre, et en laissant agir la nature, qui bientôt reprendroit tous ses droits.

Cependant la raison qui se tire de la simplicité des rapports paroîtra l’emporter, si l’on considère que cette simplicité est liée avec la facilité de percevoir les intervalles entre les sons, laquelle influe à son tour sur le plaisir de l’oreille. C’est pour cela que l’octave est l’accord qui plaît le plus généralement, et qu’ensuite l’accord parfait, composé de la quinte et de la tierce, trouve un accès si facile dans toutes les oreilles qui ne sont pas sauvages à l’égard de l’harmonie. Or, c’est dans cet accord et dans celui d’octave, ainsi que nous l’avons vu, qu’est puisée notre gamme. On s’est arrêté à ces limites, par une espèce d’instinct, et antérieurement à toute étude des propriétés harmoniques du corps sonore. Ce n’est pas que l’oreille compare des nombres ; cette comparaison est uniquement du ressort de l’esprit ; mais la simplicité de ces nombres tient à un effet physique, savoir, la fréquence des rentrées que font les vibrations des sons comparés, lequel effet semble trouver dans l’organe même une disposition, en vertu de laquelle il s’accommode mieux de ce qui est plus simple, parce qu’il a moins à travailler pour le saisir.

361. L’art, en prenant des intermédiaires entre les sons suggérés par la nature, a répandu une grande variété dans les effets de l’harmonie et de la mélodie, et il est parvenu, par l’ingénieux enchaînement des dissonances et des consonnances, à faire tourner au plaisir de l’oreille, ce qui ne sembloit propre qu’à la chagriner.

362. Rameau a essayé de déduire les lois de l’harmonie de la triple résonnance des corps sonores. Tartini a cru en avoir trouvé l’origine dans l’expérience que nous avons citée sous son nom. Mais ces systèmes ne donnent que des convenances plus ou moins plausibles, et il y a des phénomènes d’harmonie avoués par l’oreille, qu’on ne peut y ramener.

363. Tout ce qui a été dit précédemment, nous conduit à donner une idée de ce qu’on appelle tempérament.

Il résulte du principe d’après lequel notre gamme a été formée, que le son aigu de chacun des trois accords parfaits, dont elle est composée, fait une quinte juste avec le son fondamental de cet accord. Mais si l’on compare deux sons pris dans différens accords ; savoir, le re et le la, qui forment aussi une quinte, on trouvera ici une petite altération dans la justesse de cet intervalle. Car le rapport des deux sons dont il s’agit, est celui de 9/8 à 15/9, ou de 27 à 40, un peu plus fort que celui de 2 à 3, qui donne une quinte juste. Pour que le la fût avec le re dans le rapport de cette quinte, il faudroit que son expression devînt 27/16. Donnons lui, pour un instant, cette expression, et prenons au-dessus du même la un nouveau son mi, qui fasse aussi une quinte juste avec lui, on aura l’expression de ce mi, en multipliant 27/16 par 3/2, qui est le rapport de la quinte ; ce qui donne 81/32. Maintenant, s’il n’y avoit aucune altération dans les intervalles, ce mi seroit à l’octave juste de celui de la gamme, en allant du grave à l’aigu. Mais il n’en est pas ainsi ; car si nous élevons ce dernier mi d’un octave, son expression, qui étoit 5/4, deviendra 10/4, ou 80/32, moindre que 81/32, dans le rapport de 80 à 81. Il suit de là que le mi exprimé par 81/32, ne sera pas non plus à la tierce de l’ut, dont l’expression est 2 ; le rapport entre cet ut et le mi dont il s’agit, ramené à sa plus grande simplicité, est celui de 64 à 81, un peu plus fort que celui de 1 à 5/4, ou de 64 à 80, qui a lieu pour l’ut et le mi de la gamme.

Sans entrer ici dans un plus grand détail, il nous suffira de dire, en général, que de ces trois intervalles, l’octave, la quinte et la tierce, on ne peut conserver l’un dans toute sa pureté, sans altérer les deux autres ; et il en résulte une difficulté qui a été sentie depuis long-temps, relativement à la manière d’accorder les instrumens à cordes, où chaque touche répond à un son dont le degré est déterminé par l’opération même. On a imaginé, en conséquence, diverses méthodes, pour trouver ici un tempérament, c’est-à-dire, pour combiner les altérations de manière que l’harmonie n’en souffrît pas sensiblement ; et toutes ces méthodes conviennent en ce point, qu’il est indispensable de conserver la justesse des octaves, en sacrifiant plutôt quelque chose de celle des quintes et des tierces, parce qu’il en est à peu près de l’octave comme de l’unisson, qui, par sa grande simplicité, est si agréable à l’oreille qu’elle ne peut y tolérer le moindre défaut de précision ; elle ne relâche quelque chose de sa sévérité, qu’à l’égard des intervalles moins simples ; et dans ce cas elle supplée à ce qui leur manque, et suppose nulles des différences qu’elle n’apprécie pas.

Rameau, après avoir varié sur le choix du meilleur tempérament, a fini par adopter celui dans lequel toutes les quintes se trouveroient également altérées, attendu qu’il n’y avoit pas de raison pour altérer l’une plutôt que l’autre. On a trouvé que dans ce système les tierces devenoient dures et choquantes, et l’on a généralement adopté la méthode à laquelle Rameau lui-même avoit d’abord donné la préférence, et qu’il a ensuite abandonnée. Dans les instrumens accordés par cette méthode, les quintes données par les tons naturels de la gamme conservent presque entièrement leur harmonie ; les différences les plus sensibles portent sur les demi-tons intermédiaires ; les musiciens ont pris dans la série des quintes, certaines notes qui leur servent à vérifier de temps en temps leur opération, d’après la justesse de quelqu’autre accord, tel que celui de tierce, que chacune de ces notes doit faire avec une des notes déjà accordées. Il résulte de là une grande diversité dans les altérations qu’ont subies les intervalles de quinte et de tierce qui partagent la série des différens sons, et l’on a même regardé cette diversité comme un avantage ; car, suivant que l’on choisit tel son de préférence pour note tonique, c’est-à-dire, pour celle à laquelle se rapportent toutes les autres, en sorte que la modulation repose, pour ainsi dire, sur cette note comme sur une base, les quintes et les tierces que parcourt le chant ont quelque chose de sombre, qui est propre à inspirer la tristesse, ou je ne sais quoi d’exalté qui excite la joie. Ainsi, la modulation emprunte de la seule manière dont les intervalles qu’elle emploie ont été altérés, une teinte du caractère qu’elle porte par elle-même ; et ce qu’on auroit été tenté de regarder comme un défaut, devient, pour le musicien, un moyen d’ajouter à l’expression du sentiment qu’il cherche à peindre.

364. Il nous reste à établir la théorie des différens phénomènes que présente l’expérience, relativement à la propagation du son, et à expliquer comment le son conserve une vîtesse uniforme, depuis le corps sonore jusqu’à l’organe, quoiqu’il perde continuellement de sa force ; comment les sons aigus et les sons graves, les sons forts et les sons foibles ont la même vîtesse dans leur course ; comment enfin différens sons simultanés se croisent dans l’air sans se confondre, et apportent à l’oreille leur harmonie dans toute sa netteté.

Cette théorie se déduit de la manière dont le son se forme dans les instrumens à vent, et nous l’avons tirée d’un excellent Mémoire, où Daniel Bernoulli l’a développée et soumise au calcul. Nous allons essayer de rendre le plus clairement possible les idées de ce célèbre géomètre.

Concevons d’abord un tuyau cylindrique bouché par un bout, et que l’on fasse résonner en soufflant par l’orifice ouvert. L’air renfermé dans ce tuyau se mettra en vibration, de manière que chacune des couches infiniment minces qui composent la colonne de ce fluide s’approchera et s’éloignera tour à tour du fond, en allant et en revenant de part et d’autre de la position qu’elle avoit dans l’état de repos, par de petits mouvemens d’oscillation semblables à ceux d’un pendule simple. Les oscillations iront en croissant d’une couche à l’autre, depuis le fond où elles seront nulles, jusqu’à l’ouverture où se trouveront les plus grandes. Celles de chaque couche seront isochrones, et celles des différentes couches seront synchrones, c’est-à-dire, qu’elles commenceront et finiront toutes en même temps, sans quoi elles ne pourroient former un son.

Tandis que les différentes couches auront un mouvement progressif vers le fond, la couche qui étoit à l’orifice entrera dans le tuyau, où elle condensera la couche voisine, et ainsi de suite, de manière que la condensation ira toujours en croissant jusqu’au fond, où elle sera la plus grande, parce qu’elle résultera du concours de toutes les actions des couches postérieures. Dans le retour vers l’orifice, il sortira, au contraire, du tuyau une petite portion de l’air qui y étoit renfermé pendant l’état de repos, et les différentes couches subiront de petites dilatations qui iront en diminuant depuis le fond ; d’où l’on voit que l’air situé à l’orifice ne sera ni condensé ni dilaté, mais conservera la même densité que l’air environnant.

365. Voilà ce qui a lieu pour les tuyaux bouchés par un bout. Il s’agit maintenant d’appliquer cette hypothèse aux vibrations de l’air dans un tuyau ouvert par les deux bouts. Or, la seule idée qui s’accorde avec les lois de la mécanique et avec l’observation, consiste à supposer, par la pensée, que le tuyau soit divisé en deux moitiés à l’aide d’une cloison, comme s’il étoit composé de deux tuyaux bouchés d’un côté et réunis par leur fond, et que tout se passât dans chacun d’eux conformément à l’hypothèse précédente. Il en résulte que la couche d’air située à l’endroit de la cloison, ou, pour mieux dire, qui en fait l’office, sera immobile, et que toutes les autres couches feront des oscillations qui iront de part et d’autre en croissant, suivant la loi que nous avons exposée.

366. Reste à considérer le cas d’un tuyau fermé par les deux bouts, qui n’a point lieu dans la pratique, mais qui est nécessaire pour la théorie. Si l’on suppose que l’air intérieur soit mis en vibration par une cause quelconque, on pourra concevoir chaque moitié comme un tuyau fermé seulement par un bout, et dans lequel les oscillations seront les mêmes que pour cette dernière espèce de tuyau, mais de manière qu’elles se feront toutes du même côté, depuis un fond jusqu’à l’autre ; et ainsi, tandis que les couches renfermées dans une moitié s’y condenseront en s’approchant du fond qui la termine, les couches de l’autre moitié se dilateront, en allant dans le même sens que les premières, et la densité de la couche du milieu sera constante.

On voit que les deux derniers cas ne sont que des conséquences de l’hypothèse faite par rapport au premier ; et si cette hypothèse s’adapte comme d’elle-même aux différens faits donnés par l’expérience, on ne pourra se refuser à la regarder comme infiniment probable.

367. Or, on sait d’abord qu’un tuyau ouvert des deux côtés, rend le même degré de son qu’un tuyau bouché d’un seul côté, et qui n’a que la moitié de la longueur du premier. C’est une suite nécessaire des principes de la théorie, puisque dans le tuyau ouvert par les deux bouts, il y a un repos au milieu ; en sorte que les deux moitiés sont à l’unisson, et que les oscillations de l’air dans chacune d’elles sont parfaitement semblables, soit entre elles, soit à celles qui ont lieu dans le tuyau ferme par un bout.

368. Dans certains instrumens à vent, tels que le cor de chasse, la trompette, où le jeu des doigts n’entre pour rien, la différence des tons dépend de la manière d’augmenter ou de rétrécir l’ouverture des lèvres, suivant qu’on veut obtenir un son plus grave ou plus aigu. Le musicien saisit le degré de cette ouverture, par le sentiment qu’il a du ton qu’il veut faire naître ; mais tous les tons ne se prêtent pas à sa volonté. L’instrument ne lui obéit qu’autant qu’il ne veut que ce qui est dans sa nature. En conséquence, si l’on représente par 2 le son principal, le musicien ne pourra faire produire à l’instrument que les sons qui répondent aux nombres 4, 6, 8, 10, etc.

Or, pour expliquer ce progrès déterminé de sons successivement plus aigus, il ne faut que considérer l’instrument comme un tuyau ouvert par les deux bouts. Dans le cas du son fondamental représenté par 2, tel est le degré de pression que le musicien donne à ses lèvres, que l’ordre de vibrations qui en résulte se développe dans une étendue égale à la moitié du tuyau : là il se forme une cloison d’air stationnaire, ou un nœud, passé lequel les mêmes vibrations recommencent en sens contraire.

Le musicien augmente-t-il la pression de ses lèvres jusqu’au degré qui répond à l’octave en dessus du son fondamental ? Le nouvel ordre de vibrations relatif à ce son n’occupera plus que la moitié de l’étendue du précédent : il y aura un premier repos au quart du tuyau, puis un second aux trois quarts ; en sorte que la première et la dernière partie représenteront un tuyau bouché par un bout, et la partie intermédiaire un tuyau fermé par les deux bouts, mais d’une longueur double ; et ainsi l’ensemble équivaudra à quatre tuyaux bouchés par un bout, qui seront tous à l’unisson, et dont chacun rendra le son 4.

Dans les sons plus élevés, le tuyau se partagera successivement en 6, 8, 10 parties égales que l’on pourra comparer à autant de tuyaux bouchés par un bout. Les tuyaux extrêmes seront seuls, et les intermédiaires s’aboucheront deux à deux, pour composer des tuyaux fermés par les deux bouts, et doubles des tuyaux extrêmes. Il y aura donc un nœud à l’endroit de chaque cloison, et un ventre au milieu de la distance entre deux cloisons voisines. Les vibrations qui auront leur origine à un même nœud, se feront de part et d’autre par des mouvemens contraires, mais elles auront lieu dans le même sens des deux côtés d’un même ventre.

Le musicien tentera inutilement de tirer de l’instrument quelqu’autre son, dont le degré ne se trouveroit pas sur l’échelle de cette loi ; ou s’il y parvient, ce ne sera que par un artifice particulier, qui produira le même effet que si la forme de l’instrument étoit changée, comme lorsque celui qui joue du cor de chasse met la main dans le pavillon.

369. Une nouvelle expérience, qui confirme la théorie, consiste à percer dans un tuyau sonore un trou latéral situé à l’endroit d’un nœud : quoiqu’on laisse ce trou ouvert, le son restera le même ; mais si le trou est placé ailleurs, le degré du son montera, parce que l’air n’étant pas en repos dans cet endroit, une partie se répandra au dehors par l’effet des vibrations qui, éprouvant moins d’obstacle que quand le tuyau n’étoit point percé, accéléreront leur mouvement. Ceci peut servir à faire concevoir en général le principe auquel se rapporte la construction des flûtes et autres instrumens semblables, dont on tire différens tons, suivant que l’on ferme ou que l’on ouvre de préférence certains trous.

370. Les oscillations que le son excite dans les tuyaux coniques diffèrent, à quelques égards, de celles qui ont lieu dans les tuyaux cylindriques. Ce qu’elles ont surtout de particulier, consiste en ce que les ébranlemens de l’air dont elles dépendent vont toujours en diminuant depuis le sommet ; en sorte que les excursions des différentes couches sont elles-mêmes toujours plus petites, et suivent la raison inverse de la distance au sommet.

Mais cette différence n’altère ni la distance entre les ventres, qui est partout la même, ni la durée des vibrations, qui conservent aussi partout leur isochronisme.

371. Appliquons maintenant cette théorie à la propagation du son. Dans chaque rayon sonore, qui est, comme nous l’avons dit, un cône d’air infiniment mince, tout se passe comme dans un tuyau conique où l’air fait ses vibrations, c’est-à-dire, qu’il y a successivement des nœuds, et des points auxquels répondent les plus grandes excursions.

Comme il y a un ventre à l’origine du cône, et que tous les ventres sont également éloignés, nous pouvons partager, par la pensée, le cône entier en une suite de cônes tronqués, égaux en longueur, dont chacun aura deux ventres à l’endroit de ses bases, et un nœud situé vers le milieu. Bernouilli donne à ces cônes le nom de concamérations.

Au moment où le corps sonore sera mis en vibration, tout l’air ne sera point ébranlé à la fois dans chacun des cônes qui ont leurs sommets aux différens points de ce corps ; il ne le sera d’abord que dans la première concamération : quand celui-ci aura fait une oscillation, il commencera à ébranler l’air de la seconde concamération ; et au bout d’une nouvelle vibration, l’air sera ébranlé dans la troisième, et ainsi de suite. On voit par là, pourquoi la propagation du son n’est pas instantanée, mais exige un certain temps qui devient toujours plus considérable, à mesure que la distance elle-même augmente.

Les oscillations qui ont lieu dans les différentes concamérations successives, sont parfaitement isochrones. De plus, toutes les concamérations sont égales en longueur. Donc le son doit parcourir, avec une vîtesse uniforme, la suite de toutes ces concamérations, ce qui étoit encore un des effets à expliquer.

Mais à mesure que les concamérations s’éloignent du sommet, les ébranlemens de l’air qui produisent les petites oscillations partielles dont chaque oscillation totale est composée, vont en diminuant, tandis que l’isochronisme subsiste toujours ; d’où il suit qu’à une plus grande distance l’organe sera plus foiblement ébranlé, et le son moins entendu, en sorte que dans un certain éloignement, il finira par s’éteindre.

Que le son soit fort ou foible, la durée des vibrations et la longueur des concamérations resteront les mêmes, parce que c’est le degré seul du son qui détermine l’une et l’autre, ainsi qu’il est facile de le conclure, de ce que le ton rendu par un tuyau est le même, quelle que soit la force du souffle qui met l’air en vibration, pourvu que l’ouverture des lèvres soit aussi la même.

372. Si l’on suppose deux sons à l’octave l’un de l’autre, qui se fassent entendre successivement ou à la fois, les concamérations relatives au son aigu seront une fois plus courtes que celles qui répondent au son grave ; il y en aura donc une fois plus dans un espace donné. Mais les oscillations de l’air s’y acheveront dans un temps une fois plus court, d’où il suit qu’elles emploîront le même espace de temps pour se propager à la même distance ; et ainsi le degré du son n’influe pas sur sa vîtesse, ce qui s’accorde de même avec l’observation.

373. Voilà pour ce qui regarde les sons solitaires. Mais lorsque plusieurs corps vibrent en même temps ; lorsque dans un concert, par exemple, plusieurs instrumens et plusieurs voix rendent à la fois des sons de divers degrés, comment arrive-t-il que les différentes vibrations qui en résultent, se rencontrent en passant à travers l’air, sans se détruire ou se dérouter par leur choc mutuel, et que chacune d’elles continue ensuite son trajet vers l’oreille, comme si elle eut trouvé le passage libre ?

Les physiciens modernes ont essayé de résoudre cette difficulté, en adoptant l’idée de Mairan, qui supposoit l’air formé de particules d’une infinité de grosseurs différentes, dont chacune n’étoit capable que de recevoir et de transmettre les vibrations relatives à un ton particulier. Ainsi, lorsque plusieurs sons concouroient dans une même harmonie, ou de toute autre manière, chacun d’eux ne s’adressoit qu’aux particules qui étoient à son unisson, et exerçoit sur elles une action indépendante de celle que subissoient les molécules d’un diamètre différent. Mais sans recourir à cette supposition gratuite, qui, pour débrouiller un effet compliqué, emploie une complication d’un autre genre, et n’écarte la difficulté qu’en la transportant ailleurs ; nous trouvons, dans la théorie même que nous avons exposée, une manière satisfaisante d’expliquer la distinction des sous simultanés.

374. Cette explication tient à l’observation générale, que tous les petits mouvemens qui ont des points de concours se superposent, en quelque sorte, les uns sur les autres sans se confondre. Pour éclaircir cette idée, considérons deux rayons sonores, qui se rencontrent sous deux directions différentes ; le mouvement se composera dans le petit espace où ils se croiseront, de manière que les petites oscillations qui ont lieu dans un rayon, donnant une légère impulsion à celles de l’autre rayon, produiront, dans les molécules situées au point de concours, d’autres oscillations en diagonale. Imaginons un observateur dont l’œil seroit capable de saisir le progrès des oscillations, et supposons que cet œil fasse lui-même de petits mouvemens oscillatoires semblables ceux que les molécules de l’un des deux rayons auroient faits sur le côté analogue du parallélogramme, dont la diagonale est décrite en vertu du mouvement réel. Cet œil verra osciller les molécules qui suivent ce dernier mouvement, comme si elles étoient mues dans la direction de l’autre côté du parallélogramme, c’est-à-dire, que l’œil ayant lui-même un des mouvemens qui se composent dans la diagonale, et ce mouvement étant censé détruit à son égard, il ne recevra que l’impression de l’autre mouvement. Or, il est aisé d’en conclure que les molécules d’air situées au delà du concours des deux rayons, auxquelles le mouvement qui existe seul pour l’observateur se seroit communiqué, s’il n’y avoit là que le rayon sonore dirigé suivant ce mouvement, ne laisseront pas de le recevoir encore, puisqu’elles sont sur la direction où les vibrations qui se font dans la diagonale doivent, en se décomposant, produire ce même mouvement. On peut appliquer ce raisonnement à l’autre rayon sonore, d’où l’on voit que les vibrations, après s’être confondues dans un espace presque infiniment petit, doivent se démêler ensuite, et reprendre leur premier alignement, comme si elles n’avoient eu rien de commun[26].

375. C’est par un mécanisme du même genre que les petites oscillations successives qui se produisent dans l’eau, où l’on a jeté plusieurs pierres, passent l’une sur l’autre sans se confondre, et produisent des circonférences qui s’entrecoupent. La même chose n’a pas lieu dans les grands mouvemens, où les molécules situées au point de concours, recevant de fortes impulsions en différens sens, sont emportées à leur tour par un mouvement qui les écarte totalement de leurs premières directions.

376. Tel est le terme où nous conduit la théorie : mais ce qui reste inexplicable, c’est cette espèce de souplesse de l’air, pour prendre, en quelque sorte, l’empreinte des différens caractères dont un même ton est susceptible, à raison de la diversité des corps qui le rendent, et pour se modifier de tant de manières en portant à l’oreille les sons tendres et veloutés de tel instrument, les sons plus mâles et plus vigoureux de tel autre, et les accens infiniment variés de la voix humaine. On ne sait lequel on doit plus admirer, ou la nature du fluide qui remplit ces différens messages avec une fidélité si exacte, jusque dans les moindres détails, ou celle de l’organe qui discerne tout avec une si grande finesse de tact, et renferme dans ses fibres les unissons de tant de nuances particulières.

  1. Saussure, Voyage dans les Alpes, Nos. 559 et 2021.
  2. Soit, en général, h la hauteur du tube, à partir de la ligne de niveau, p la pression de l’atmosphère, n la quantité d’air, ou la partie de la hauteur du tube qu’occuperoit ce fluide s’il conservoit sa densité primitive, et soit x la hauteur à laquelle le mercure s’arrêtera après la dilatation de l’air ; hx sera la partie de la hauteur du tube dans laquelle l’air se répandra en se dilatant. Or, les espaces occupés par l’air dans ses deux états étant en raison inverse des densités, on aura hx : n :  : p : (np/hx), qui exprimera la densité ou la force de l’air dilaté. Mais cette dernière quantité, augmentée de x, qui exprime la hauteur et en même temps la force du mercure, doit faire équilibre à la pression de l’atmosphère. Donc ((np)/(hx))+x=p, d’où l’on tire x²−(h+p)x=nphp, et x=((h+p)/2)±½√(4np+(hp)²).

    Si l’on fait h=90cent., p=76cent., n=8cent.,25 comme ci-dessus, on trouve x=57 et x=109. La première valeur convient à la supposition présente, et elle donne 76−57, ou 19 centimètres, pour l’expression de la force de l’air dilaté. La seconde valeur est relative à un autre problème, dans lequel on supposeroit un tube fermé par le bas, ouvert par le haut, et d’une hauteur égale à h. On supposeroit de plus, au fond du tube, une colonne de mercure, dont la hauteur, ou, ce qui revient au même, la pression fût égale à p, puis au-dessus une colonne d’air qui, sous la pression de l’atmosphère, occuperoit l’espace n, et enfin, au-dessus de cette dernière, une nouvelle colonne de mercure qui rempliroit le reste du tube. On considéreroit ce tube comme placé sous un récipient où l’on feroit le vide ; alors l’air renfermé dans le tube se dilateroit, en chassant une portion de la colonne de mercure qui peseroit sur lui, jusqu’à ce que son ressort fît équilibre à ce qui resteroit de la même colonne. Dans ce cas, la quantité x, qu’il s’agiroit de déterminer, seroit la distance entre le bas du tube et le bas de la colonne supérieure de mercure, après la dilatation de l’air.

  3. La règle à laquelle conduit le calcul, est que le carré de la moitié de la plus grande hauteur du piston au-dessus du niveau de l’eau, ou de la distance entre fg et mn, doit être plus petit que trente-deux fois le jeu du piston, qui est mesuré par la distance entre fg et kl.
  4. Soit abs=a, dns=h, eos=c, gps=d, etc., nous aurons, par l’hypothèse, b : ab :: c : bc :: d : cd, etc. Donc acbc=b²−bc, et bdcd=c²−cd, d’où l’on tire ac=b² et bd=c². Donc a : b :: b : c, et b : c :: c : d, c’est-à-dire, que les quantités a, b, c, d, etc., sont en progression géométrique ; d’où il suit que les différences ab, bc, cd, etc., forment aussi une progression géométrique.
  5. L’effet total qui détermine la correction étant la somme des termes de la progression relative aux quantités dont les densités de l’air sont altérées par la chaleur, on a cette somme, en prenant le moyen terme, qui est le produit de la température moyenne par le rapport 1/250 de dilatation pour un degré, et en le multipliant par le coëfficient constant qui représente le nombre des termes.
  6. Voyage dans les Alpes, N°. 2003.
  7. Soient H la hauteur du baromètre à la station la plus basse, h celle qui répond à la station la plus élevée, que l’on suppose en même temps la plus froide, T la hauteur du thermomètre à la station la plus chaude, t celle qui répond à la station la plus froide, et x la différence de hauteur entre les deux stations ; toutes ces quantités étant exprimées en mètres et en fractions du mètre, la règle dont nous venons de faire une application sera représentée par cette formule : .
  8. On appelle ainsi la vîtesse d’un corps qui se meut circulairement autour d’un point. Quand la rotation est uniforme, la vitesse est proportionnelle à l’angle que mesure l’arc, décrit par ce corps dans un temps donné.
  9. Annales de Chimie, par Guyton, Monge, Berthollet, etc., N°. 128, p. 137 et suiv.
  10. Bibliothèque Britan, N°. 160, vol. XX, p. 343 et suiv.
  11. Dans toutes les indications de température que nous donnons ici, la lettre C désigne le thermomètre centigrade, et la lettre R, le thermomètre dit de Réaumur.
  12. Essai de Physique ; Leyde, 1751, tome II, p. 721.
  13. Mélanges de Physique et de Médecine, p. 1 et suiv.
  14. Additions aux Mémoires de l’Acad. del cimento, t. II, p. 62.
  15. Novi commentar. Petropol., t. II, p, 134.
  16. Essais sur l’Hygrométrie, Nos. 108 et suiv.
  17. Optice lucis, lib. III, quæst. 31, p. 322.
  18. Bibliothèque Britan., N°. 160, vol. XX, p. 338 et suiv.
  19. Essai de Statique Chimique, 1re. partie, p.485 et suiv.
  20. Voyez dans le Bulletin des Sciences de la Société Philo-math., ventôse an 11, p. 189, un article de Biot, où ce savant géomètre, après avoir exposé les résultats et la théorie de Dalton, donne le calcul relatif au rapprochement dont il s’agit ici.
  21. Encyclop. Méthod. Marine, t. III, 2e. part., p. 813.
  22. Musschenbroek, Essai de Physique ; Leyde, 1751, T. II, p. 879.
  23. Deluc, Recherches sur les Modific. de l’Atmosphère, N°. 730.
  24. Soit AB (fig. 31) la projection de la surface antérieure du moulin, mn celle de l’une des ailes que nous supposons être parvenue au plus haut point de sa rotation, m′n′ celle de l’aile opposée à la précédente, et qui, dans le même cas, se trouve au point le plus bas de sa rotation ; soit de plus fg la direction du vent, à laquelle la surface AB, dont on peut faire varier à volonté la position, est toujours perpendiculaire. La force du vent, qui agit obliquement sur l’aile mn, suivant or, se décompose en deux autres forces, dont l’une, représentée par os, et parallèle à mn, est nulle pour l’effet ; et l’autre, représentée par ot, et perpendiculaire à mn, pousse l’aile de gauche à droite, ou en allant de A vers B. En faisant le même raisonnement par rapport à l’aile inférieure m′n′, on en conclura que la force o′t′, qui fait la même fonction que ot, agit pour faire tourner l’aile m′n′ de droite à gauche, ou en allant de B vers A. Or, cette action concourt avec celle qui s’exerce sur l’aile supérieure, pour produire un même mouvement de rotation ; au lieu que si l’aile inférieure étoit disposée sur le même plan que celle d’en haut, les deux mouvemens se détruiroient. Ce que nous disons ici des actions relatives à la position la plus élevée ou la plus basse des ailes, s’applique également à toutes les autres positions.

    Il est facile devoir que les ailes resteroient encore immobiles, si mn et m′n′ étant parallèles à AB, recevoient directement l’impulsion du vent, ou si, étant perpendiculaires sur AB, elles avoient la même direction que le vent. Il y a donc, entre ces deux limites, une position oblique sous laquelle la force du vent est un maximum, et le calcul démontre que le maximum a lieu lorsque l’angle orn que fait la direction du vent avec la surface de l’aile, est de 54d 44′ 8″.

  25. Encyclop. Méthod., Marine, tome III, 2e. part., p. 791.
  26. Pour répandre un nouveau jour sur cette explication, concevons que ac, bc (fig. 32), représentent les directions de deux rayons sonores qui se croisent au point c, et que mc, hc mesurent les étendues des petites oscillations qui ont lieu près du point de concours. Les mouvemens dus à ces oscillations se composent dans le même point, de manière que le mouvement unique qui en résulte se transporte aux molécules situées immédiatement au-dessous de c, et y fait naître d’autres oscillations dans le sens de la diagonale cr d’un petit parallélogramme cnrs, déterminé par les lignes cn, cs, situées sur les prolongemens des lignes hc, mc, et égales à ces dernières. Maintenant les oscillations en diagonale se résolvent au point r en deux mouvemens dont tel est l’effet, que les molécules situées sur les lignes rt, ru, parallèles l’une à bc, et l’autre à ac, sont sollicitées elles-mêmes à faire de petites oscillations égales aux premières, dans le sens des mêmes lignes rt, ru. Or, l’espace dans lequel tous ces mouvemens s’exécutent étant presque infiniment petit, les lignes rt et ru sont sensiblement sur les mêmes directions que les lignes bc et ac ; en sorte que les oscillations qui ont lieu dans le sens de ces dernières lignes sont censées se propager, dans leurs prolongemens, au delà du point de concours c. Ainsi les résultantes de tous les petits mouvemens décomposés peuvent être considérées comme des lignes infiniment petites ou de simples points, qui ne font que transmettre ces mouvemens, sans en altérer les directions.