Traité élémentaire de la peinture/322

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 264-265).


CHAPITRE CCCXXII.

De la perspective linéale.

La perspective linéale consiste à marquer exactement par des traits et des lignes la figure et la grandeur des objets dans l’éloignement où ils sont : en sorte que l’on connoisse combien la grandeur des objets diminue en apparence, et en quoi leur figure est altérée ou changée dans les différens degrés de distance, jusqu’à ce que l’éloignement les fasse entièrement disparoître. L’expérience m’a appris qu’en considérant différens objets qui sont tous égaux en grandeur, et placés dans différens degrés de distance dans un espace de vingt brasses, si ces objets sont également éloignés les uns des autres, le premier paroît une fois plus grand que le second, et le second paroît une fois plus petit que le premier, et une fois plus grand que le troisième, et ainsi des autres à proportion, par où l’on peut juger de la grandeur qu’ils paroissent avoir s’ils sont placés à des distances inégales. Mais au-delà de vingt brasses, la figure égale perdra de sa grandeur, et au-delà de quarante brasses, elle en perdra , et dans l’étendue de soixante brasses ; et la diminution se fera toujours avec la même proportion, à mesure que la distance sera plus grande. Pour appliquer maintenant ce que je viens de dire aux tableaux qu’on peint, il faut qu’un Peintre s’éloigne de son tableau deux fois autant qu’il est grand, car s’il ne s’en éloignoit qu’autant qu’il est grand, cela feroit une grande différence des premières brasses aux secondes.